SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
M. le président.
Je suis saisi par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales,
d'une notion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
considérant que la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale le 10 janvier dernier, est la reprise quasiment à l'identique de
l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, annulé
par le Conseil constitutionnel le 18 décembre 2001 ;
« Considérant que le Sénat est pour beaucoup dans le dépôt et l'examen de ce
texte puisque le Conseil constitutionnel, pour annuler cette disposition, s'est
appuyé sur l'argumentation des sénateurs auteurs de la saisine ; que ceux-ci
avaient en effet estimé que l'article 18 avait été adopté à l'issue d'une
procédure irrégulière, qui n'avait tendu qu'à contourner la jurisprudence du
Conseil constitutionnel relative à l'introduction de dispositions nouvelles
après la réunion de la commission mixte paritaire ;
« Considérant que MM. Jean Le Garrec, Jean-Marc Ayrault et Claude Evin ont
alors déposé, deux jours à peine après la décision du Conseil constitutionnel,
la présente proposition de loi, de sorte que ni sous la forme d'amendement, ni
sous la forme de proposition de loi, le texte présenté n'a été délibéré en
conseil des ministres et soumis à l'examen du Conseil d'Etat ;
« Considérant qu'examiné par la commission le 9 janvier, le texte a été
inscrit par le Gouvernement à l'ordre du jour prioritaire du 10 janvier et
adopté par l'Assemblée nationale ; que cette célérité et cette sollicitude de
la part du Gouvernement pour une simple "proposition de loi" sont pour le moins
exceptionnelles ;
« Considérant qu'au Sénat, le Gouvernement a d'ailleurs déployé toutes les
prérogatives que lui confère l'article 48 de la constitution pour inscritre à
l'ordre du jour un texte qu'il n'a cependant pas souhaité signer ;
« Considérant que le texte témoigne ainsi d'un curieux acharnement du
Gouvernement et d'une conception pour le moins autoritaires des relations avec
les professionnels de santé ;
« Considérant en effet que l'organisation médiatique de « Grenelle de la santé
» a permis au Gouvernement de faire l'économie d'une véritable concertation sur
ce texte soumis au Parlement dans l'improvisation ;
« Considérant que l'annulation de l'article 18 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002 aurait pu donner au Gouvernement le temps
nécessaire pour procéder à une réelle concertation avec les professionnels de
santé ;
« Considérant qu'il n'en a rien été et qu'il s'agit à l'évidence, pour le
Gouvernement, de passer en force au mépris de toute concertation ;
« Considérant en outre que ce texte présente des faiblesses évidentes ; que
s'il retient l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne
tranche cependant ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle
des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette
régulation ;
« Considérant ainsi - et c'est le principal reproche que l'on puisse formuler
à son égard - qu'il laisse subsister, pour les professions non signataires
d'une convention, le mécanisme pervers des lettres clés flottantes, institué
par le Gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
et auquel le Sénat s'est déjà opposé à de nombreuses reprises ;
« Considérant qu'il n'est guère surprenant, dans ces conditions, que la
plupart des syndicats représentatifs de médecins se soient déclarés hostiles à
cette réforme ;
« Considérant que la suppression du dispositif de régulation par les lettres
clés flottantes constitue pourtant un préalable indispensable à la reprise du
dialogue avec les professionnels de santé et à l'ouverture d'une véritable
négociation sur une nouvelle architecture conventionnelle et un nouveau
dispositif de régulation des dépenses ;
« Considérant en outre que la réforme proposée ne résout pas le problème
récurrent des relations entre l'Etat et l'assurance maladie ; que l'Etat
conserve en effet la haute main sur le dispositif ; que c'est le Gouvernement
qui devra approuver les conventions ; que c'est encore lui qui pourra, dans
certains cas, refuser les éventuelles revalorisations de tarifs proposées par
les caisses, c'est-à-dire les partenaires sociaux ; que c'est toujours lui qui,
en l'absence de convention, définira la règle du jeu et les sanctions
collectives ;
« Considérant que, dans un avis adopté à l'unanimité le 20 novembre 2001, le
conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs salariés - CNAMTS - a d'ailleurs fait part des fortes réserves que
lui inspirait ce texte ; que ces réserves constituent autant de critiques
sévères de la politique menée depuis cinq ans par le Gouvernement ;
« Considérant par ailleurs que le dispositif proposé ne modifie en rien le
fait que la fixation annuelle de l'Objectif national de dépenses d'assurance
maladie - ONDAM - ne repose sur aucune priorité sanitaire clairement affichée
et ne se fonde sur aucune véritable évaluation des besoins en matière de soins
;
« Considérant dès lors qu'il convient de s'interroger sur la signification que
peut revêtir un texte qui, s'il est adopté, sera vraisemblablement le dernier
de la législature et qui semble ne pas recueillir l'adhésion des acteurs
concernés ;
« Considérant qu'à l'évidence la réforme proposée n'a pas vocation à être
effectivement mise en oeuvre ; que l'obstination du Gouvernement à faire
adopter cette proposition de loi ne peut se comprendre que si l'on tient compte
du contexte particulier dans lequel s'inscrit son examen ;
« Considérant que notre système de santé traverse aujourd'hui une crise grave
; que le monde de la santé est dans un état de profond désarroi ; que les
grèves et mouvements revendicatifs se multiplient et touchent à la fois les
soins de ville et les établissements de santé ;
« Considérant, s'agissant des soins de ville, que sont mis en évidence les
effets pernicieux du mécanisme des lettres clés flottantes, qui a fait
disparaître toute véritable possibilité de régulation et de négociation
conventionnelle ;
« Considérant, s'agissant des établissements de santé, que ceux-ci subissent
de plein fouet le choc d'un passage aux "35 heures", qui n'a été ni préparé ni
véritablement financé ;
« Considérant que notre système de santé est en outre menacé par la
persistance de lourds déficits de l'assurance maladie : 14,7 milliards de
francs en 1998, 4,8 milliards en 1999, 17,2 milliards en 2000, et 11,5
milliards en 2001 ; que le simple prolongement des tendances enregistrées ces
deux dernières années en matière de dépenses de soins de ville amènerait le
déficit du régime général à près de 30 milliards de francs à la fin de l'année
2002, soit un déficit cumulé sur cinq ans approchant les 80 milliards de francs
;
« Considérant qu'il apparaît dès lors assez paradoxal de constater que
l'assurance maladie, qui constitue la branche déficitaire par excellence, se
voit néanmoins ponctionnée à un double titre pour assurer le financement des
"35 heures" : d'une part, pour contribuer au financement du Fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale -
FOREC ; d'autre part, pour assumer la charge des emplois créés au titre de la
réduction du temps de travail dans les hôpitaux ;
« Considérant que cette politique consistant à creuser les déficits de la
branche maladie et à alourdir son endettement demeure incompréhensible, et rend
illusoire toute action tendant à demander un quelconque effort de maîtrise des
équilibres aux différents acteurs de notre système de santé, gestionnaires des
caisses, établissements et professionnels de santé ou assurés sociaux ;
« Considérant que la politique menée par le Gouvernement depuis cinq ans a
gravement affaibli le principe même de la gestion paritaire des caisses et a
accru la confusion des responsabilités dans le domaine de l'assurance maladie
;
« Considérant que le bilan de cette législature apparaît en définitive
désastreux ; que le monde de la santé est en ébullition permanente ; que,
privée de pilote, l'assurance maladie est devenue parallèlement une sorte de
bateau ivre, livré à lui-même ;
« Considérant que, dans ce contexte, la proposition de loi apparaît en complet
décalage avec les attentes des professionnels de santé et avec les défis
auxquels notre système de santé est confronté ; qu'elle ne peut contribuer en
rien à dissiper les inquiétudes légitimes qui se font jour chez les
professionnels et chez les patients eux-mêmes ;
« Considérant qu'elle n'a au fond pour objet que de répondre au souhait du
Gouvernement de pouvoir "afficher" une réforme des relations conventionnelles
dont il sait pertinemment qu'elle ne sera pas appliquée avant les prochaines
échéances électorales ;
« Considérant qu'à l'évidence cette proposition de loi relève de la
gesticulation politique et vise avant tout à masquer les échecs et
l'impuissance du Gouvernement en matière d'assurance maladie et de politique de
la santé ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition
de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant
rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales
et les organismes d'assurance maladie (n° 171, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. About, auteur de la motion.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, je ne répéterai pas les propos que j'ai tenus il y a un instant.
Toutefois, je souhaite évoquer un certain nombre de points.
Comme je vous l'ai dit lorsque vous êtes descendue de la tribune, madame la
ministre, ce matin, plutôt que de délibérer sur un texte qui, pour nous,
s'apparente à une gesticulation sans lendemain, nous aurions préféré nous
concerter avec nos collègues de l'Assemblée nationale pour préparer, dans de
bonnes conditions, la commission mixte paritaire qui va se dérouler cet
après-midi sur un texte particulièrement important : le projet de loi relatif
aux droits des malades et à la qualité du système de santé, auquel le
Gouvernement a joint le dispositif non moins important concernant la
jurisprudence Perruche.
Tout au long du débat sur ce projet de loi, malheureusement conduit dans un
certain désordre quant à l'organisation de l'ordre du jour, nous nous sommes
souvent référés aux améliorations susceptibles d'être apportées au texte lors
de la réunion de la commission mixte paritaire.
Cette façon de procéder signifie que, désormais - ce sera peut-être une
jurisprudence créée par ce gouvernement - la commission mixte paritaire n'aura
plus pour seul objet de trouver un accord entre l'Assemblée nationale et le
Sénat sur les points de divergences, qu'elle aura aussi pour objet de pallier
l'absence de deuxième lecture dans chaque assemblée.
Sur ce texte, annoncé dès juin 1999 mais déposé seulement en septembre 2001,
le Gouvernement a, en effet, immédiatement déclaré l'urgence !
Vous nous dites, madame la ministre : la majorité du Sénat s'oppose, refuse,
mais que propose-t-elle ?
Je vous répondrai, comme je l'ai fait voilà quelques jours à M. Kouchner, que,
lorsque le Sénat proposait, le Gouvernement estimait, vous en particulier, que
ce n'était pas le bon moment.
J'ai le sentiment que le projet de loi relatif aux droits des malades et à la
qualité du système de santé marquera durablement notre droit positif sur trois
points principaux : la réflexion sur le handicap à travers le débat sur l'arrêt
Perruche, la formation continue des professionnels de santé et la réparation
des risques sanitaires.
Or, sur ces trois points, le Sénat avait proposé au Gouvernement de débattre
au printemps dernier.
En mars 2001, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'interruption
volontaire de grossesse et à la contraception, le Sénat avait adopté un
amendement qui disposait : « Nul n'est recevable à demander une indemnisation
du seul fait de sa naissance » et qui ouvrait ainsi le débat que nous avons eu
en des termes identiques.
Un mois plus tard, en avril 2001, le Sénat adoptait une proposition de loi
très complète sur l'indemnisation de l'aléa médical et sur la responsabilité
médicale, qui ne diffère pas substantiellement du dispositif que comporte le
projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de
santé.
Un mois plus tard encore, en mai 2001, le Sénat adoptait, dans le cadre du
vaste projet de loi de modernisation sociale, qui comportait un volet
sanitaire, un dispositif relatif à la formation continue des médecins.
Chaque fois, madame la ministre, le Gouvernement a refusé le dialogue au motif
qu'il était en train de préparer un projet de loi. Ainsi donc, nous étions en
avance sur lui, et vous ne pouvez pas nous faire aujourd'hui le reproche de ne
rien proposer.
Le Sénat a donc fait des propositions par trois fois - les trois fois
d'ailleurs sur l'initiative de notre ancien collègue Claude Huriet - et, par
trois fois, le Gouvernement nous a répondu qu'il fallait attendre.
Sur un autre projet « phare » de la législature, la mise en place d'une
couverture maladie universelle, le Sénat avait proposé, en son temps, un
dispositif de bon sens permettant, selon un système dégressif, de solvabiliser
la demande de couverture complémentaire. Le Gouvernement a également écarté
cette proposition.
Aujourd'hui, il est conduit à des contorsions pour atténuer l'effet de seuil
qu'il a pourtant volontairement créé. Ce faisant, il met à contribution les
fonds sociaux des caisses de sécurité sociale et des départements pour atténuer
les effets pervers d'un système mal conçu.
S'agissant des relations avec les professionnels de santé, en prenant ses
fonctions en 1997, le Gouvernement disposait d'un instrument, les lois de
financement de la sécurité sociale, résultant de la réforme constitutionnelle
et organique de 1996, et d'un principe, posé par la loi de 1994, celui de la
séparation des branches de sécurité sociale et de la compensation intégrale à
la sécurité sociale des exonérations de cotisations décidées par l'Etat. Or cet
instrument, le Gouvernement l'a progressivement dévoyé ; ce principe, il l'a
constamment violé.
Depuis 1997, le Parlement vote un objectif national de dépenses d'assurance
maladie. Or, chaque année, cet objectif dérive, avant d'être redéfini pour
mieux dériver à nouveau.
Ce n'est guère étonnant, car le Gouvernement n'a pas su ou n'a pas voulou
donner à cet objectif un contenu en santé publique. L'ONDAM ne traduit aucune
priorité ; l'ONDAM ne repose sur aucune évaluation des besoins. Tout au plus
est-il une indexation nécessairement contestée des moyens qui permettent de
faire « tourner le système » cahin-caha.
Ce n'est guère étonnant, car il est désormais de tradition qu'au mois de mars
au plus tard, cette année dès le mois de janvier, le Gouvernement, qui a
demandé au Parlement de voter solennellement ce fameux ONDAM au mois de
décembre, entame dans l'urgence des négociations, conclue des protocoles ou des
avenants et ouvre des dépenses nouvelles, ici ou là.
De fait, nous n'avons guère entendu dire, lors des négociations avec les
médecins généralistes, que l'objectif de dépenses voté par le Parlement aurait
été une contrainte pour les négociateurs.
En réalité, dès lors que l'instrument ne fonctionne plus, dès lors que les
principes ne sont pas respectés, quelles peuvent être les bases d'une
négociation entre les pouvoirs publics et les professionnels ?
Sur quels fondements s'opposer aux demandes, fort légitimes, des généralistes
? Les déficits persistants de l'assurance maladie ? Certainement pas, car le
Gouvernement, dans la loi de financement pour 2002, les a lui-même creusés ; il
aura détourné plus de 8 milliards de francs de recettes de l'assurance maladie
au profit du fonds de financement des 35 heures et lui aura imposé bien des
charges indues, en dernier lieu une contribution de 1,3 milliard de francs au
titre de la lutte contre le bioterrorisme.
Je ne cite là que les mesures nouvelles : elles viennent s'ajouter aux
prélèvements des années précédentes, qui sont naturellement reconduits, et aux
dettes de l'Etat envers l'assurance maladie, dettes que, aujourd'hui, il
n'entend pas honorer.
Dès lors qu'il y a cette hémorragie financière programmée dans notre système
d'assurance maladie, cette confusion organisée des caisses de sécurité sociale
et des caisses de l'Etat, comment voulez-vous responsabiliser les partenaires
sociaux, les assurés et les professionnels de santé ? A quel titre
prétendez-vous leur demander la rigueur et la vigilance, qui sont pourtant le
prix de la préservation des fondements sur lesquels repose notre système de
soins ?
Pourquoi signeraient-ils des conventions si les efforts consentis et le
redressement des comptes attendu ont pour seul effet de permettre d'opérer des
prélèvements supplémentaires ?
Quand mesurerez-vous, madame la ministre, que la stupide théorie des supposés
retours pour les finances sociales de la politique des 35 heures et la
multiplication des tuyauteries financières entre les branches de la sécurité
sociale déresponsabilisent l'ensemble des acteurs et conduisent le système à la
faillite ?
Quand admettrez-vous que les principes posés en 1994 avaient précisément pour
objet de s'opposer à cette confusion en clarifiant les responsabilités de
chacun ?
Le texte que vous nous proposez aujourd'hui, déguisé en proposition de loi,
vous l'avez introduit en catastrophe lors de la dernière lecture de la dernière
loi de financement de la législature.
Cette loi de financement est, en elle-même, une catastrophe tant elle a porté
à son comble la confusion financière, avant d'être lourdement censurée par le
Conseil constitutionnel.
Il en ressort un imbroglio jamais atteint de comptes sociaux, désormais minés
par des créances que l'Etat français, par la voie de son Gouvernement, déclare
irrécouvrables.
Cet imbroglio se double, de surcroît, d'un naufrage de la méthode des droits
constatés, réforme dont vous vous attribuez la paternité...
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La maternité !
(Sourires.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Pardonnez-moi ! Il est vrai que l'on dit maintenant « madame
la ministre » ! En tout cas, cela prouve que, tout en écrivant des notes, vous
suivez attentivement mon propos. Vous avez décidément beaucoup de talents !
(Nouveaux sourires.)
Cette réforme, disais-je, dont vous vous attribuez la maternité alors qu'elle
a été lancée par le précédent gouvernement, vous n'avez pas su la mener à
bien.
Car telle est bien, semble-t-il, l'origine des bonnes surprises que vous nous
annonciez en novembre dernier : un certain nombre de recettes exceptionnelles
dues à la croissance n'ont pas été rattachées comme elles auraient dû l'être à
l'exercice 2000 et viendront artificiellement s'imputer sur les comptes de
2001.
M. Jean Chérioux.
Voilà !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Pour sortir de cet imbroglio, vous avez demandé à un haut
fonctionnaire, le secrétaire général de la commission des comptes de la
sécurité sociale, de vous faire des propositions. Vous a-t-il remis son rapport
? Si oui, qu'attendez-vous pour le rendre public ?
Madame la ministre, pour seule réponse, vous vous êtes targuée tout à l'heure
d'avoir, organisé les « Grenelle de la santé ». Que sont-ils ces « Grenelle de
la santé », sinon des grands-messes ? Or chacun sait que ce n'est pas dans les
grands-messes qu'on met au point le droit canon, pas plus que la liturgie !
Dans ces grands-messes, que fait-on ? On entend l'épître qui est lue par le
ministre, et puis chacun tente de prier sans vrai espoir d'être exaucé.
M. Pierre Fauchon.
On a la musique !
(Sourires.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Certes, et elle est toujours douce aux oreilles, mais elle ne
produit pas grand-chose !
Madame la ministre, en conclusion, je vous dirai simplement qu'à l'heure où le
Gouvernement s'apprête à rendre les clefs il dépose une multitude de textes,
dont le nombre même constitue un aveu de carence pour les cinq ans écoulés.
Or vous aviez tous les moyens d'adapter les textes porteurs d'espoir qui vous
avaient été légués, afin d'en assurer la réussite. Malheureusement, ces textes,
vous les avez dévoyés et vous avez abouti à l'inefficacité.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole contre la motion.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Je voudrais essayer de répondre à quelques-uns des arguments très nombreux -
et, malheureusement, très souvent subjectifs - qui ont été avancés par M. le
rapporteur.
La majorité du Sénat considère que le texte qui lui est soumis aujourd'hui est
le même que celui qui a été déposé dans le cadre du projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Cela est logique puisque le Conseil
constitutionnel a annulé l'article concerné pour des raisons de forme et non de
fond, jugeant que le Parlement n'avait pas eu assez de temps pour étudier ce
nouveau mécanisme. Si le Gouvernement a effectivement introduit tardivement
cette disposition - mais Mme la ministre nous en avait déjà dévoilé les grandes
lignes - c'est parce qu'il a pris le temps d'une véritable concertation.
M. Vasselle, par la bouche de M. About, vitupère la célérité du Gouvernement
et de l'Assemblée nationale à inscrire ce texte à l'ordre du jour prioritaire.
C'est là une vision tout à fait partiale. Si l'inscription de ce texte a été en
effet particulièrement rapide, c'est en raison de l'urgence qu'il y a légiférer
pour que le cadre conventionnel soit très vite reconstitué et qu'une réforme
d'ensemble soit promptement mise en place.
Le malaise actuel, tout à fait réel, des professions de santé et des médecins
libéraux nous invite à ne pas perdre de temps, même si vous préféreriez
attendre de voir ce qui va advenir dans les prochains mois !
La majorité sénatoriale dénonce aussi la conception autoritaire du
Gouvernement et l'acharnement qu'il manifesterait. Les bras m'en tombent ! Le
Sénat a vraiment la mémoire courte !
Une telle accusation est pour le moins croustillante quand on se souvient que
la droite élabora et imposa « avec brutalité » les ordonnances du plan
Juppé.
M. Claude Estier.
Absolument ! Ils ont la mémoire courte !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Mais ce n'était pas à la veille d'échéances électorales !
M. Bernard Cazeau.
Force est de rappeler que l'immense majorité de nos concitoyens, toutes
sensibilités politiques confondues, s'était alors mobiliséee à la fois contre
le contenu et contre la façon de procéder.
Bien entendu, vous reprenez une fois de plus l'antienne d'une prétendue
absence de concertation. Or Mme la ministre, dès sa prise de fonctions, a lancé
la concertation. Mais, lorsqu'il y a concertation, vous parlez de «
gesticulation » ! Autrement dit, tantôt nous serions « autoritaires » parce
qu'il n'y a pas de concertation, tantôt nous ferions de la « gesticulation »
parce qu'il y en a une. Allons donc, monsieur le président de la commission, il
faut savoir raison garder !
C'est précisément la mission de concertation mandatée par Mme la ministre qui,
dans le cadre des deux rendez-vous de Grenelle - d'où l'expression de «
Grenelle de la santé » - a proposé la mise en place d'un véritable socle
interprofessionnel et la prise en compte des engagements individuels des
professionnels de santé. C'est également cette mission qui a préconisé une
structure conventionnelle à trois étages.
Ce que nous vous proposons aujourd'hui est donc bien le fruit de la
négociation.
Mais il y a encore plus renversant : le Sénat rejette le mécanisme des
lettres-clés flottantes pour les non-signataires. Si nous faisions l'inverse,
alors là, oui, vous seriez fondés à nous adresser des reproches ! Bien sûr, on
est libre de ne pas entrer dans un cadre - parce que, Dieu merci, nous sommes
en démocratie ! - mais cela suppose qu'on accepte les vérifications. En cas de
dérapage - et il s'en produit dans toutes les professions, y compris chez les
médecins - le mécanisme des lettres clés flottantes s'applique. Ce mécanisme,
je le rappelle, c'est vous-mêmes qui l'aviez mis en place, dans le cadre du
plan Juppé. Depuis 1999, il n'a été appliqué qu'une fois, pour les radiologues,
et pas de manière individuelle. Alors, renoncez donc à votre leitmotiv sur les
lettres clés flottantes ! Pour tous les médecins conventionnés, c'est-à-dire la
très grande majorité, il n'y a plus de lettres clés flottantes.
Enfin, vous accusez le Gouvernement de ne pas avoir de politique de santé et
de plonger notre système dans un désarroi profond. Pourtant, il faut bien le
dire, le gouvernement en place depuis cinq ans a fait beaucoup plus en ce
domaine que celui qui l'avait précédé.
Pour ce qui est de l'ONDAM, les chiffres sont éloquents. En 1997, le taux de
progression des dépenses de santé fixé par le gouvernement Juppé était de 1,7
%. Pour 2002, il est de 4 %. C'est le taux le plus élevé depuis 1996 !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Mais le taux fixé par le gouvernement Juppé a, lui, été
respecté ! Avec vous, il y a eu dérapages !
M. Bernard Cazeau.
C'est vrai. Mais vous vous voudriez bloquer un système qui est en pleine
évolution, en refusant de le rénover aujourd'hui à travers ce texte !
Depuis quatre ans, nous avons beaucoup travaillé sur la restructuration, sur
l'organisation, sur les missions du système hospitalier public et privé, y
compris en proposant la mise en place de complémentarités avec les acteurs du
secteur libéral, acteurs au premier rang desquels se trouvent les médecins
généralistes, qui nous demandent aujourd'hui avec force, et au-delà de la
nécessaire revalorisation de leurs actes, de redéfinir leur rôle, leur place
dans le système de santé, de revaloriser leur statut en fonction des profondes
modifications qui affectent tant l'exercice médical que la demande
citoyenne.
Les progrès diagnostiques et thérapeutiques accomplis au cours des trente
dernières années sont immenses. Ils nécessitent des propositions originales,
que nous ne trouvons dans aucun de vos propos, aujourd'hui moins que jamais.
Si nous nous honorons de notre système de protection sociale et si nous sommes
attachés, de façon indéfectible, à sa spécificité, qui permet l'exercice
libéral de la médecine assorti du libre accès aux soins et prescriptions, avec
l'assurance maladie obligatoire, force nous est de constater que le système
conventionnel actuel, après moult évolutions, a atteint, de par son instabilité
juridique, les limites de son efficacité. Il a fait son temps : il faut le
rénover.
Dès lors, nous ne pouvons que nous féliciter des propositions de réforme
profonde formulées dans ce texte, qui affirme en particulier une rupture
définitive avec la simple logique de la maîtrise comptable des dépenses de
santé et qui propose un cadre conventionnel à trois étages.
L'attitude de la majorité sénatoriale, qui dépose cette motion tendant à
opposer la question préalable, consiste à courir après les professions de
santé, quitte à « en rajouter » pour essayer de les rattraper. C'est une
attitude irresponsable, qui fait même injure à ces professions.
Les membres du groupe socialiste, comme ceux du groupe communiste républicain
et citoyen, voteront contre cette motion.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'interviendrai très
brièvement, puisque M. Cazeau vient de tenir des propos auxquels, pour
l'essentiel, je m'associe. Et je n'aurai garde d'oublier M. Muzeau, que je
remercie également.
Monsieur About, je vous donne acte que la loi relative au droit des malades et
à la qualité du système de santé n'est pas encore votée : elle ne le sera qu'au
terme de son parcours parlementaire.
Permettez-moi cependant de vous apporter quelques précisions.
Tout d'abord, il n'est pas exact de dire que nous n'avons pas pris de mesures
en faveur des professionnels libéraux.
Ainsi, pour les médecins libéraux, en 1998, il y a eu revalorisation de la
consultation ; la même année, création de la majoration qui a porté le tarif de
la visite à 39,6 euros pour les actes accomplis en urgence, qui obligent le
médecin à quitter son cabinet ; en 2000, création de la majoration qui a porté
le tarif des visites auprès des personnes de plus de soixante-quinze ans qui
sont prises en charge à 100 % à 29,7 euros ; en 2001, création de la majoration
portant le tarif de la consultation à 26,9 euros pour les soins d'urgence
effectués au cabinet, qui s'ajoute à la rémunération de base des soins.
Pour les masseurs, la lettre clé est passée, en 1998, de 13 francs à 13,40
francs ; en 2000, la nomenclature a été réformée. Le coût total de cette
réforme est estimé à 800 millions de francs en année pleine, et le prix moyen
de leurs actes a également été revalorisé.
Pour les infirmiers, en 1999, les actes médico-infirmiers ont été revalorisés
de 6 % ; leurs actes lourds, tels les sondages ou l'alimentation entérale, ont
également été revalorisés.
Pour les médecins de la naissance, les actes d'accouchement ont été, en 1999,
revalorisés de 7 % ; en 2001, les rémunérations des gardes et astreintes ont
été revalorisées, ce qui représente un coût de 100 millions de francs ; un
forfait de 1 500 francs a été institué pour le premier acte effectué lors d'une
garde de nuit dans les maternités qui pratiquent plus de 1 500 accouchements,
et une majoration à l'acte de 400 francs a été décidée pour les astreintes
auprès des maternités qui pratiquent moins de 1 500 accouchements par an.
En ce qui concerne les sages-femmes, le remboursement de nouveaux actes a été
décidé en 2001. Il s'agit de la surveillance de la grossesse pathologique, de
l'examen de fin de grossesse et du forfait journalier de surveillance à
domicile.
Pour les dentistes, en 2001, nous avons institué le remboursement d'un acte de
prévention important, le scellement des sillons pour les jeunes enfants, qui
vise à éviter la formation de caries, et d'un acte prothétique qui permet de
consolider une dent plutôt que de l'extraire. Ces mesures d'amélioration du
remboursement ont eu un impact de plus de 1 milliard de francs sur 2001. En
2002, un examen de prévention pour tous les enfants de six et douze ans, qui
concerne 1,4 million d'enfants, a été mis en place, pour un coût de 50 millons
d'euros ; en 2002 également, l'entente préalable, qui constitue une procédure
administrative lourde pour les assurés et peu efficace pour les caisses
d'assurance maladie, a été progressivement supprimée, ce qui représente un coût
de 60 millions d'euros.
Pour les prothèses externes et les dispositifs médicaux - cette information
s'adresse à M. Fournier - le remboursement des pompes à insuline pour les
patients diabétiques a été instauré ; en 2000 également, l'âge limite pour
bénéficier des tarifs enfants pour l'achat de lunettes est passé de seize à
dix-huit ans. Cette mesure permet d'acheter des lunettes correspondant au tarif
de remboursement. De même, l'âge limite pour bénéficier de ces tarifs en cas
d'acquisition d'audio-prothèses est passé de seize à vingt ans.
J'ajoute qu'un effort particulièrement important a été fait dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 pour permettre de financer de
nouvelles molécules, notamment pour le traitement du cancer et de la
polyarthrite rhumatoïde. Nous y avons en effet consacré 1,5 milliard de francs,
soit 230 millions d'euros.
Vous avez aussi évoqué tout à l'heure les prises de position du président du
Centre national des professions de santé, le CNPS. Je vous renvoie au
Quotidien du médecin
de ce matin, dans lequel celui-ci dit qu'il espère
que la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui sera adoptée, car il
a d'ores et déjà engagé des discussions avec le président de la CNAM - ils se
sont rencontrés hier - pour parvenir à un accord sur ces bases d'ici au mois de
juin.
M. Cazeau a fort justement expliqué que la différence entre les médecins
libéraux et les plombiers ou les coiffeurs - vous avez cité ces professions -
tient au fait que l'activité des premiers est financée par la sécurité sociale
alors que celle des seconds repose sur un financement privé.
Certains d'entre vont ont dit que les médecins gagnaient moins que les
plombiers ou les coiffeurs. Permettez-moi de vous donner brièvement lecture de
l'étude comparative du revenu de certaines professions indépendantes, qui a été
réalisée en 1998 par l'INSEE dans le cahier des synthèses des revenus
d'activité des non-salariés.
Pour les services personnels, tels que la coiffure et la blanchisserie,...
M. Gilbert Barbier.
Combien d'années d'études, la coiffure ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... la rémunération est de 6
500 francs nets par mois.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je n'ai pas parlé des coiffeurs !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous n'en avez pas parlé ?
Alors, c'est que, pour une fois, vous n'avez pas repris intégralement les
propos d'un seul syndicat. Mais je vous cite ces chiffres, puisque vous êtes
intervenu quand M. Cazeau a évoqué ces professions à la tribune.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Il a même parlé des plombiers !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'y viens !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Allez-y, et divisez votre chiffre par le nombre d'heures de
travail !
M. Gilbert Barbier.
C'est scandaleux !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Oui, vous n'évoquez par le nombre d'heures de travail !
M. Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les plombiers, selon l'INSEE,
se situent dans la moyenne du secteur de la construction, avec 11 000 francs
nets.
Quant aux médecins - je cite toujours les chiffres de 1998 - ils percevaient
27 750 francs, soit 30 000 francs si l'on tient compte de l'accord. Vous avez
tout à fait raison de dire que les médecins ont suivi de nombreuses années
d'études...
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je ne l'ai même pas dit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Barbier l'a dit !
... et que, par conséquent, cette hiérarchie est parfaitement justifiée. Il
est même légitime d'augmenter leur rémunération. Tel est bien l'objet de
l'accord conclu par la CNAM, et nous en sommes tout à fait d'accord.
Il est également vrai que les médecins travaillent de nombreuses heures, mais
toutes les dispositions que j'ai évoquées tout à l'heure et qui ont été
rappelées par M. Cazeau en matière d'horaires et de gardes visent justement à
leur permettre de mener une vie plus décente. Dans ces conditions, je ne crois
pas qu'il soit exact de prétendre que les médecins généralistes gagnent moins
que les professions que j'ai évoquées.
Vous avez été quelques-uns à intervenir au sujet du déficit de l'assurance
maladie. Permettez-moi de rappeler simplement les chiffres : entre 1994 et
1997, le déficit cumulé de l'assurance maladie a atteint 122 milliards de
francs. Sur la période 1998-2001, il est effectivement de 40 milliards de
francs, mais il est quand même trois fois moindre.
En ce qui concerne le « Grenelle de la santé », nous avons tenu deux réunions
plénières : l'une le 15 janvier 2002, l'autre au mois de juillet 2001.
Entre-temps, nous avons organisé de multiples concertations, y compris au
niveau ministériel, qu'il s'agisse de Bernard Kouchner ou de moi-même, avec des
syndicats de médecins, d'infirmières, de masseurs-kinésithérapeutes,
d'orthoptistes, d'orthophonistes, de pharmaciens et de dentistes.
Nous avons également commandé un rapport à une mission de sages.
Nous avons réalisé l'ensemble de ce travail en six mois, sur un rythme
extrêmement intense. Je n'insiste pas, en effet, sur les réunions techniques
avec nos services, qui nous ont permis de formuler les propositions qui ont été
votées définitivement par le Parlement dans le cadre de la loi de financement
de la sécurité sociale et de la loi de modernisation sociale, avec la réforme
des études médicales. Et j'espère que, bientôt, le projet de loi relatif au
droit des malades et à la qualité du système de santé, avec la réforme de la
formation continue, sera définitivement adopté.
Quant aux 35 heures, vous y êtes très opposés, nous le savons, vous l'avez
d'ailleurs répété il y a un instant. Mais si vous y êtes si opposés, alors
pourquoi ne proposez-vous pas leur suppression ?
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About,
rapporteur.
A propos des 35 heures, permettez-moi de dire, madame la
ministre, que ce n'est pas le débat ! La vraie question, c'est de savoir s'il
était si urgent de les instaurer. Nous avons ainsi passé une journée entière à
discuter de l'arrêt Perruche, et chacun a alors pu constater qu'après tout les
50 milliards de francs, voire les 100 milliards de francs des 35 heures
auraient peut-être été plus efficaces s'ils avaient été utilisés en faveur des
personnes les plus démunies.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Eh oui !
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Etait-il si urgent de permettre à des gens valides de
travailler quatre heures de moins ? Honnêtement, franchement, pouvons-nous être
fiers, nous, les gens valides, de dépenser 100 milliards de francs pour une
journée de RTT,...
M. Bernard Cazeau.
Il faut essayer de lutter contre le chômage, aussi !
M. Nicolas About,
rapporteur.
... alors que certains sont abandonnés chez eux pendant des
week-ends entiers, sans être levés, sans être lavés, sans être soignés, parce
qu'ils n'ont pas le personnel soignant nécessaire ?
M. Bernard Cazeau.
Nous avons créé 400 000 emplois !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Dans ces conditions, je dis simplement au Gouvernement qu'il
faut avoir un peu de décence. On ne peut pas sans arrêt nous jeter à la figure
nos remarques sur les 35 heures alors que tant de gens en France vivent dans
des conditions extrêmement difficiles !
Au demeurant, nous ne demandons pas la suppression des 35 heures, nous
constatons simplement que la priorité du gouvernement socialiste ce sont les 35
heures pour les gens valides...
M. Bernard Cazeau.
Non ! C'est la baisse du chômage !
M. Nicolas About,
rapporteur.
... et que les autres priorités sont négligées : le
Gouvernement s'est simplement contenté de demander au Parlement de légiférer
sur l'arrêt Perruche, pour donner au monde handicapé l'illusion que l'on va
régler les problèmes.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Bernard Cazeau.
Notre priorité, c'est le chômage !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Enfin, madame la ministre, vous avez évoqué le déficit de la
sécurité sociale, mais vous avez juste oublié de mentionner les résultats de
l'année 2002. Soyez donc assez aimable, je vous prie, de bien vouloir ajouter
aux déficits connus celui qui est prévu pour l'année 2002 !
Quant à vos propos sur l'ONDAM, ils me surprennent quelque peu. Vous nous
dites que l'ONDAM a progressé...
M. Bernard Cazeau.
De 130 milliards !
M. Nicolas About,
rapporteur.
... mais vous oubliez que M. Juppé avait présenté l'ONDAM le
plus faible que nous ayons connu, et que c'est le seul ONDAM qui ait été
respecté ! Ainsi, lorsque nous établissons un ONDAM faible, nous savons le
faire respecter, alors que vos ONDAM élevés,...
M. Bernard Cazeau.
Avec les lettres clés flottantes !
M. Nicolas About,
rapporteur.
... vous en compromettez la réalisation avant même de les
avoir votés. Nous ne pouvons que constater vos résultats dans ce domaine !
Alors, ne venez pas nous donner des leçons sur la gestion du système de
santé.
M. Claude Estier.
Tout est mauvais chez nous, et tout est bon chez vous !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez cité
Le
Quotidien du médecin
de ce matin, où le président du CNPS vous reconnaît
quelque mérite. Mais ne titrait-il pas hier : « Mme Guigou se trompe » ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas lui qui fait le
titre, c'est le journaliste ! Lisez l'article : vous verrez que le ton est bien
différent.
M. Nicolas About,
rapporteur.
Madame la ministre, vous avez passé votre temps à nous
démontrer que, pendant cinq ans, votre ministère a travaillé. J'en suis fort
aise, mais cela ne me surprend pas : n'est-ce pas le rôle du ministère des
affaires sociales que de travailler ? Vous avez donc effectivement pris de
nombreuses mesures durant ces cinq années, mais je ne comprends pas très bien
alors les raisons pour lesquelles les personnels de santé, toutes catégories
confondues, manifestent. Sont-ils venus vous remercier de votre travail ? Les
personnels hospitaliers sont-ils venus, la semaine dernière, jusqu'à l'avenue
de Ségur pour vous remercier des mesures qui ont été prises ? Les médecins
sont-ils aujourd'hui en grève pour vous remercier de tous les efforts que vous
avez faits ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ils expriment leur désarroi !
M. Bernard Cazeau.
Vous, vous avez été remerciés en 1997 !
M. Nicolas About,
rapporteur.
Je crois plutôt que c'est leur façon de vous désavouer, de
reprocher au Gouvernement de ne pas avoir proposé de réponses adaptées à leurs
problèmes. Je crois donc que nous avons raison, aujourd'hui, de voter la motion
tendant à opposer la question préalable sur cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet de la proposition de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Majorité absolue des suffrages | 155 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 110 |
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
4