SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, si j'ai demandé ces quelques minutes de suspension, c'est pour être mieux à même de répondre aux questions des orateurs.
Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez tous souligné, le transport aérien est profondément affecté par les terribles attentats du 11 septembre dernier. Le projet de budget pour 2002, préparé avant ces événements, a été largement remanié pour en tirer toutes les conséquences, tout particulièrement sur le plan de la sûreté.
Le secteur aérien traverse sans aucun doute l'une des crises les plus graves que nous ayons connues, et vous avez eu également raison de souligner la gravité de la situation pour les compagnies aériennes. Les statistiques du mois d'octobre dernier montrent que le trafic est inférieur de 15 % à celui du même mois de l'année passée. Certes, Air France présente des résultats moins détériorés que la moyenne de ses principaux concurrents, puisqu'elle n'a reculé en octobre que de 8 % environ. Ces chiffres témoignent d'ailleurs de la performance du groupe public, qui n'a rien à envier aux groupes privés, monsieur Le Grand, bien que vous veuillez à tout prix privatiser Air France.
M. Vergès a interrogé ce matin le Gouvernement, lors de la discussion des crédits du tourismes, sur la desserte de la Réunion. Je voudrais l'assurer, ainsi que M. Virapoullé, que j'accorde une très grande importance à la desserte des DOM-TOM. Vous l'avez souligné : je n'ai pas ménagé mes efforts pour que puissent exister des transporteurs aériens à côté d'Air France.
Aujourd'hui, la défaillance de Swissair, conjuguée à la crise que traverse le monde du transport aérien depuis les attentats tragiques qui ont touché les Etats-Unis d'Amérique le 11 septembre dernier, affecte considérablement l'activité d'Air Lib, qui était déjà fragile financièrement, et se traduit par des impayés d'au moins 400 millions de francs de la part du groupe Swissair. Les avocats d'Air Lib ont entamé une procédure contre les sociétés de ce groupe afin de récupérer les sommes dues au titre du protocole transactionnel du 1er août 2001.
Tous les efforts seront faits pour sauvegarder l'activité et l'emploi des compagnies aériennes fragilisées par la crise. Toutes les mesures, notamment fiscales et sociales, seront prises par l'Etat pour permettre à Air Lib de poursuivre son exploitation. Diverses pistes seront explorées par l'entreprise et par l'Etat pour trouver ces 400 millions de francs que les anciens actionnaires, défaillants, n'ont pas encore versés. La première piste est une piste juridique, et je l'ai d'ailleurs évoquée avec mon homologue suisse, actuellement président de la Confédération helvétique ; la seconde piste est une piste bancaire.
L'Etat sera toujours - je m'en porte garant - aux côtés d'Air Lib pour maintenir la desserte des départements d'outre-mer. Je sais que les élus des DOM partagent ce souci et envisagent même la participation financière de leurs départements pour assurer la pérennité d'Air Lib.
S'agissant des emplois, je veillerai à ce que notre engagement soit respecté. L'ampleur de la crise actuelle a conduit Air France à geler temporairement les embauches ; dès que le recrutement reprendra, les candidatures des salariés de l'ex-AOM et de l'ex-Air Liberté qui ont réussi les épreuves de sélection d'Air France seront examinées avec la plus grande attention.
Madame Beaufils, vous avez attiré mon attention sur le risque que certaines compagnies profitent de la situation actuelle pour prendre des parts de marché au détriment des transporteurs existants. Il s'agit d'une question importante. Plusieurs d'entre elles pensent en effet pouvoir tirer parti de la situation présente pour éliminer le plus grand nombre de concurrents possible : des prédateurs sont là, qui attendent pour « récupérer des créneaux », comme on dit.
M. Michel Caldaguès. Où sont-ils ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'autres ne seraient pas malheureuses de voir subsister quelques monopoles. Pour ma part, je pense que, dans notre pays - c'est vrai pour d'autres, mais, après tout, cela les regarde ! -, un autre pôle aérien peut trouver sa place aux côtés d'Air France afin de répondre à des besoins existants. Il y a une place non pas pour survivre, mais pour vivre et pour se développer.
Après mon intervention lors du dernier conseil des ministres européens des transports, qui s'est tenu quelques jours après les tragiques attentats du 11 septembre, la Commission a adressé aux coordonnateurs nationaux chargés de répartir les créneaux aéroportuaires des orientations générales visant à préserver les droits historiques des compagnies aériennes. Personne ne profitera de manière malsaine, si je puis dire, de la situation.
Mais la crise, nous en sommes tous convaincus, - comme vous, monsieur Raoult, et comme la plupart de vos collègues -, ne durera pas.
Nous devons être confiants dans une reprise de la croissance et de l'activité à moyen terme. La crise est grave, très grave, elle est sérieuse, mais elle est conjoncturelle. L'avenir appartient au transport aérien.
S'agissant d'une crise conjoncturelle, je ne remettrai donc pas en cause, monsieur Collin, le protocole social signé avec les personnels de l'aviation civile, protocole dont les dispositions essentielles portent sur des créations d'emploi indispensables au développement du transport aérien, ainsi que l'a souligné M. Poniatowski dans son intervention.
C'est cette conviction qui m'a amené à proposer les premières mesures pour redonner confiance aux passagers et aux compagnies aériennes. Près de 310 millions d'euros, soit plus de 2 milliards de francs, ont ainsi été prévus pour renforcer la sûreté et aider ces compagnies.
Outre la mise en application immédiate du plan Vigipirate, nous avons renforcé le contrôle des passagers et des bagages à main, tout en accélérant le programme de contrôle des bagages de soute afin qu'il soit opérationnel à 100 % dès le premier semestre 2002, et non plus en 2003, comme cela avait été initialement prévu. Nous avons donc accéléré les choses, ce qui explique que des moyens de financement supplémentaires soient nécessaires.
L'accès aux zones réservées sera désormais entièrement sécurisé et les personnels feront l'objet de contrôles renforcés.
Des mesures complémentaires seront en outre prises pour renforcer la sécurisation du fret.
Par ailleurs, monsieur Karoutchi, dans les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001, des restrictions ont été apportées à la circulation des aéronefs légers, en bordure et autour de Paris notamment : un certain nombre d'itinéraires pour hélicoptères ont été fermés autour du quartier de la Défense, d'une part, et l'accès à l'aéroport du Bourget a été restreint, d'autre part.
La coordination en temps réel entre les services de la circulation aérienne civils et militaires a également été renforcée en application des dispositions particulières de surveillance prises aussitôt après le 11 septembre.
Environ 100 millions d'euros sont prévus pour compenser aux compagnies aériennes les pertes d'exploitation entraînées par la fermeture de l'espace aérien américain et pour prendre en charge les dépenses de sûreté exceptionnelles qu'elles ont engagées depuis le 11 septembre.
Pour répondre aux questions de M. le rapporteur spécial et de M. le rapporteur pour avis, je présenterai en détail le financement de ces mesures, dont le montant total d'environ 310 millions d'euros est partagé en deux parts à peu près égales entre l'Etat et les usagers du transport aérien. Nous avons toutefois veillé à ce que le coût pour les passagers ne dépasse pas 2,3 euros, c'est-à-dire 15 francs maximum par vol.
Plusieurs amendements gouvernementaux ont été déposés au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2002.
Tout d'abord, Mme la secrétaire d'Etat au budget a présenté un amendement visant à augmenter les taxes d'aéroport affectées aux gestionnaires de plates-formes afin de permettre la prise en charge parmi les dépenses de sûreté des dépenses d'exploitation pérennes à hauteur de 95 millions d'euros.
Pour les petits aéroports, j'ai souhaité limiter la hausse des taux plafonds, de sorte que le total des augmentations de taxe ne dépasse pas 2,3 euros. C'est pourquoi une partie importante des dépenses dans ces petits aéroports - 16 millions d'euros - sera financée par le système de péréquation du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
En moyenne, pour les aéroports accueillant moins de 85 000 passagers par an, plus des trois quarts des dépenses seront ainsi pris en charge par le dispositif de péréquation nationale. Dans certains cas, la prise en charge par le FIATA pourra même représenter jusqu'à 90 % des dépenses.
Je note que ce dispositif, que certains veulent supprimer alors qu'il permet d'aider les plus petits aéroports à faire face, grâce à la solidarité nationale, aux impératifs de renforcement de la sûreté, répond ainsi clairement au double objectif de solidarité et d'aménagement du territoire.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Personne ne veut supprimer le FIATA !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai entendu que certains le demandaient.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Pas nous !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Au contraire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de vous, messieurs les rapporteurs, j'ai indiqué que certains pensaient que l'on pourrait se passer du FIATA. Au contaire, il ne faut surtout pas s'en passer, et nous devons lui laisser jouer pleinement son rôle en matière de solidarité et d'aménagement du territoire.
Je suis favorable, monsieur Le Grand, à ce que le FIATA subventionne plus largement des dessertes régionales de qualité, mais vous savez que les dispositions européennes sur ce sujet sont très strictes et contraignantes : il faut, dans le même temps, obtenir la validation de la Commission européenne.
Ensuite, deux autres amendements vous ont été présentés lors de l'examen de la première partie du projet de budget pour 2002 : le premier pour majorer en moyenne de 0,5 euro par passager les tarifs de la taxe de l'aviation civile ; le second pour modifier le partage de cette taxe entre le budget annexe, dont les dépenses augmentent, et le FIATA, dont les crédits vont progresser de manière significative. C'est pourquoi un amendement ayant pour objet de majorer les dépenses du budget annexe a également été déposé à l'article 34 du projet de loi de finances.
Enfin, il est prévu d'ouvrir de nouveaux crédits budgétaires dans la loi de finances rectificative pour 2001 sur la ligne « Subventions au budget annexe de l'aviation civile », afin de verser aux compagnies aériennes une aide pour compenser la fermeture de l'espace aérien américain : plus de 30 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans la loi de finances rectificative pour 2001.
Ces mesures seront complétées par des dotations en capital à Aéroports de Paris, comme cela s'est déjà fait dans le passé, et aux aéroports de province. Ces dotations permettront de financer les dépenses exceptionnelles d'investissement nécessaires au renforcement de la sûreté.
Quant au dispositif de compensation aux compagnies aériennes pour la sûreté, la Commission examinera les dossiers au cas par cas. Les modalités de versement par l'Etat de cette compensation ne sont pas aujourd'hui arrêtées.
J'ai la conviction que ce plan d'aide global, d'un montant de 310 millions d'euros, contribuera à redonner confiance aux passagers et permettra de sortir rapidement de cette crise, certes profonde, mais passagère.
J'ajoute, pour répondre à M. Collin, que les mesures concernant les assurances seront examinées demain par le Conseil ECOFIN.
Comme vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, le Conseil Ecofin avait donné son accord à la prise en charge par l'Etat du surcoût des assurances, puis il avait accordé, à titre provisoire, un délai supplémentaire. C'est cette question qui sera à nouveau examinée demain. La Commission propose de reconduire pour trois mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin mars, le dispositif de garantie par les Etats des risques d'attentat. Je suis pour ma part favorable à un dispositif communautaire de mutualisation de ces risques.
Ma confiance en l'avenir est renforcée par le succès, souligné par plusieurs d'entre vous, que rencontre aujourd'hui, malgré la crise, le fameux gros porteur A 380. Je peux vous informer qu'à ce jour aucune annulation de commande n'a été annoncée pour cet avion, livrable en 2006, ce qui doit faire réfléchir ceux qui craignent que la crise que traversent les transports aériens ne dure ad vitam aeternam.
La compagnie Emirates a même annoncé la commande ferme de vingt-deux A 380, en plus des dix options déjà prises et de la commande de onze autres avions de modèles actuels. On voit donc bien, dès lors que l'on se tourne vers l'avenir, que la confiance existe.
Le programme de l'A 380 fait partie des priorités d'Airbus et de l'Etat, qui le soutient dans le cadre des règles communautaires et internationales. Ainsi, les crédits de paiement dévolus à la recherche aéronautique augmentent de 10 %, avec 266,8 millions d'euros. Le volume de ces crédits marque donc la poursuite de l'effort en faveur d'un secteur crucial, tant pour l'emploi et le développement technologique que pour le commerce extérieur de notre pays.
Plus des trois quarts des crédits prévus sont destinés à des avances remboursables qui permettent de soutenir des projets déjà lancés ainsi que le développement de nouveaux programmes, dans le respect, je le répète, des accords internationaux. L'Airbus A 340, versions 500 et 600, continuera ainsi d'être soutenu à hauteur de 25 millions d'euros, tandis que 185 millions d'euros seront consacrés au futur A 380, qui est en cours de lancement, et à ses moteurs.
La croissance du transport aérien ne sera pas durablement affectée par la crise actuelle. C'est, je le répète, ma conviction comme celle du Gouvernement. Il faut donc instaurer des conditions privilégiant une politique intermodale des déplacements internationaux, notamment par le développement volontariste des liaisons ferrées à grande vitesse et des grands aéroports régionaux, pour lesquels 760 millions d'euros de prêts à taux préférentiels seront dégagés, non pas à court terme, monsieur Karoutchi, mais à long terme.
M. Gerbaud a eu raison de souligner tout l'intérêt qui s'attache à l'aéroport de Châteauroux dont le trafic fret s'est accru de 15 % entre 1999 et 2000. Il n'y a pas à mes yeux de concurrence entre Vatry et Châteauroux, qui ont tous deux vocation à accueillir le fret.
Il faut aussi respecter les engagements de limitation de trafic pris depuis 1997 envers les populations riveraines d'Orly et de Roissy.
Le trafic de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle doit rester plafonné, comme l'a rappelé M. Karoutchi, et qui pourrait soutenir le contraire !
Certains objecteront qu'il faudra attendre douze ans pour le troisième aéroport, c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté un plan en faveur des aéroports de province.
A ce propos, j'ai été quelque peu surpris que M. le rapporteur pour avis laisse entendre que nous avons effectué ce choix « pour faire plaisir ». Non ! Je ne fonctionne pas comme ça ! Je n'ai d'ailleurs jamais accusé la droite, lorsqu'elle a fait le choix de l'implantation du troisième aéroport à Beauvilliers, d'avoir fonctionné ainsi...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Eh non, puisque l'on a permis à la député verte de se faire élire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... car, monsieur le sénateur, je ne sais pas travailler de cette façon...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et je me défends d'avoir, dans ce genre de situation, une attitude partisane, alors qu'il s'agit de défendre l'intérêt général.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en suis là aujourd'hui et j'en resterai là demain ! (Applaudissements.)
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est prêt à soutenir au Sénat la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale visant à plafonner les niveaux de bruits nocturnes au voisinage des aéroports. Les décrets d'application seront rédigés parallèlement afin d'assurer une mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
L'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, a récemment formulé des recommandations majeures concernant l'élaboration et la gestion des plans d'exposition au bruit pour renforcer le dispositif réglementaire en vigueur. Le Gouvernement a décidé, sous mon impulsion, de les prendre en compte pour les nouvelles plates-formes aéroportuaires. Une concertation sera prochainement conduite avec les collectivités locales afin d'examiner les conditions concrètes de leur application aux aéroports existants.
La récente décision de réserver le secteur de Chaulnes, en Picardie, c'est-à-dire à égale distance de la région Nord - Pas-de-Calais et de la région parisienne, pour y implanter un nouvel aéroport international afin de répondre aux besoins à l'horizon 2015 et 2020, va dans ce sens.
A ce sujet, M. Karoutchi a laissé entendre que, en 1997, je n'envisageais pas un troisième aéroport. Ce n'est pas vrai ! Vous ne trouverez jamais aucune déclaration de ma part en ce sens, et pour cause ! Figurez-vous que lorsque j'ai décidé la réalisation de deux pistes à Roissy...
M. Jacques Oudin. Ça, c'était une bonne décision !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En effet, c'était une bonne décision.
M. Jacques Oudin. Enfin une !
M. Jean Chérioux. Nous, nous sommes objectifs !
Mme Marie-France Beaufils. Oh !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je ne vous ai pas vu me soutenir, même pour les bonnes décisions, et ceux qui manifestaient pour s'opposer à cette décision le faisaient sous toutes les couleurs ! En tout cas, quand j'ai pris cette décision,...
M. Jacques Oudin. Il paraît que c'est votre prédécesseur qui l'a prise !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... j'ai dit immédiatement que le nombre de mouvements serait plafonné et que le bruit ne pourrait pas dépasser le niveau moyen existant en 1997, engagement que nous tenons à l'heure actuelle malgré l'augmentation du trafic sur Roissy. Il s'agit cependant d'une moyenne et l'ACNUSA nous propose de faire mieux en analysant le bruit par mouvement.
En outre, comme je savais que la croissance du trafic était de l'ordre de 5 % à 7 % par an, pour pouvoir répondre aux inquiétudes des riverains d'Orly, de Roissy et, plus généralement, des habitants du Val-d'Oise qui craignaient que, sans le troisième aéroport, je ne tienne pas mes engagements, j'ai d'emblée envisagé l'hypothèse de la réalisation de ce troisième aéroport tout en précisant, bien sûr, qu'il resterait à déterminer sa localisation en fonction de tous les éléments qui se dégageraient. Je n'ai pas changé de point de vue depuis.
Vous avez été plusieurs à soulever la question de la distance de Chaulnes à la capitale. Certains disent que c'est trop loin de Paris, d'autres disent que c'est toujours Paris qui profite des nouvelles infrastructures : il faudrait savoir !
Le projet du Gouvernement prévoit, évidemment, la desserte par ligne dédiée, à partir des aéroports d'Orly, de Roissy et de Chaulnes. Les liaisons devront être particulièrement efficaces. Certains ont chiffré la dépense à 30 milliards de francs : il ne faut pas 30 milliards de francs pour faire un aéroport et cette somme engloble la desserte dédiée.
Il faudra, pour atteindre Chaulnes, vingt-six minutes exactement à partir de Roissy et trente minutes à partir de Paris. A partir de Lille, ce sera également trente minutes...
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... puisque Paris et Lille sont équidistants de Chaulnes. Cela permet également d'envisager la notion de bipôle.
On ne peut remplir les avions s'il n'y a pas suffisamment de clientèle. C'est ainsi. Certes, on peut envisager d'implanter un aéroport sur le plateau de Millevaches au motif qu'il n'y a pas d'habitants, mais les compagnies ne viendront pas, à moins que vous ne décidiez que l'on administre la France et le monde entier, qu'on nationalise toutes les compagnies et qu'on les oblige à faire ce que l'on veut. Dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.
On a cité l'échec de Mirabel. Je rappelle que cet aéroport n'est pas relié à Montréal par une ligne ferrée performante. Par ailleurs, MM. Raoult et Karoutchi ont eu raison de rappeler le caractère irréaliste de la proposition qui consisterait à déplacer et à indemniser des centaines de milliers de personnes qui habitent autour de Roissy. D'ailleurs, dans cette logique, je ne vois pas pourquoi on déplacerait uniquement ces personnes. En effet, il faudrait aussi déplacer les riverains d'Orly et les indemniser. Tout cela n'est pas raisonnable !
Monsieur Karoutchi, vous avez également évoqué le problème des couloirs aériens. Sachez que ce dispositif, qui remonte à un quart de siècle, n'est plus adapté au trafic aérien en Ile-de-France. Il est difficile à gérer si l'on veut maintenir un haut niveau de sécurité. Il fallait donc élaborer un nouveau dispositif en intégrant les problèmes actuels et toutes les dimensions de la question, c'est-à-dire à la fois la sûreté, la sécurité, l'efficacité et l'environnement.
Avec la volonté d'assurer la plus grande transparence et la plus large concertation avec les élus et les associations de riverains, j'ai pris la décision, dès le début de l'année, de confier le soin à un organisme extérieur - parce qu'on disait : c'est la DGAC qui a prévu, etc. -, Eurocontrol, d'examiner cette problématique et de formuler des propositions. Durant près de dix mois, un comité régional regroupant les élus des huit départements franciliens, sous la présidence du préfet de région, a piloté cette expertise.
L'ACNUSA a formulé des recommandations. Il m'appartient d'y répondre, notamment sur la nécessité de définir des volumes dans lesquels, lors des procédures de départ et d'arrivée, les vols devront s'inscrire. En outre, des mesures restrictives et contraignantes devront permettre réglementairement de réduire, la nuit, la gêne sonore.
Je prendrai donc ma décision dans les prochains jours, en vue d'une mise en oeuvre avant la pleine saison aéronautique de l'été. En effet, malgré la baisse conjoncturelle, il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de retarder la mise en oeuvre de ce dispositif qui améliore la situation du trafic aérien à l'échelle de l'Ile-de-France sur le plan de la réduction des nuisances sonores pour le plus grand nombre possible de nos concitoyens, de la régularité de vol et, bien sûr, de la sécurité.
Je reviens brièvement sur le budget annexe de l'aviation civile. Ce budget s'inscrit dans la poursuite d'un objectif de modernisation afin d'améliorer la qualité du service rendu dans tous les domaines que je viens de citer. Malgré le ralentissement conjoncturel du trafic, le nombre de vols contrôlés impose le maintien à un niveau élevé des moyens de l'aviation civile, en préparant pour demain les moyens de la croissance du trafic.
La composante navigation aérienne du budget reste prioritaire et l'effort soutenu en faveur de l'emploi est maintenu. L'enveloppe de 155 millions d'euros d'autorisations de programme pour la navigation aérienne permettra ainsi de poursuivre le plan de renouvellement des aides à l'atterrissage et la mise en oeuvre de systèmes de radionavigation sur les aérodromes qui en sont dépourvus. Ce budget verra également la création de 467 emplois, principalement au profit de la navigation aérienne, permettant d'assurer la fluidité et la sécurité du trafic. La DGAC sera ainsi en mesure d'anticiper le départ à la retraite de ses agents par une politique de recrutement à long terme, tenant compte par exemple, des délais de formation de ses corps techniques, et d'accompagner ainsi l'évolution du trafic aérien.
J'en viens au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
Ce fonds était doté, avant les modifications apportées à la suite des attentats du 11 septembre, de 64,5 millions de francs, en augmentation de 52 % par rapport à 2001 et de 17 % par rapport à 2000. Viendront s'ajouter à ces dépenses 16 millions d'euros, soit un total de plus de 80 millions d'euros, pour aider les petits aéroports de province à financer les dépenses de sûreté, tout en limitant les hausses de taxes à 2,3 euros par passager, comme je vous l'ai dit. Les dépenses de sûreté financées par le FIATA croîtront donc, en 2002, de plus de 50 % par rapport à l'an passé.
Je souhaite, enfin, vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet « Ciel unique européen ».
A la suite des travaux du groupe à haut niveau conduits en 2000, la Commission européenne a publié une communication et quatre projets de règlement, pour une mise en application d'ici à la fin de l'année 2004.
Les projets de règlement de la Commission posent des problèmes majeurs.
Ces projets semblent envisager les services de navigation aérienne comme des services marchands. Une approche risquant de déboucher sur la mise en concurrence entre services nationaux semble inadaptée pour prétendre améliorer la performance du système. Elle l'est d'autant plus que ces services relèvent de compétences régaliennes. Dans son rapport, M. Collin faisait état de la contradiction selon laquelle on confie en sous-traitance des activités au secteur privé alors que, dans le même temps, les responsabilités régaliennes s'accroisssent, notamment en matière de sûreté. Monsieur le sénateur, vous avez posé ce problème de façon plus large par rapport à l'activité aérienne en général.
De nombreuses questions, notamment dans le règlement sur l'espace aérien, ont une incidence militaire et peuvent affecter la capacité d'entraînement aérien. A cet égard, la France a attiré l'attention du comité militaire de l'Union européenne sur ces questions et a fait connaître son souhait que celles-ci ne relèvent que des mécanismes du deuxième pilier.
Allant très au-delà des travaux du groupe à haut niveau dont le rapport a été publié en novembre 2000, ces projets contiennent de nombreux points qui n'ont pas été sérieusement étudiés, conduisant à des propositions irréalistes, ou excessives, dans les trois domaines couverts.
Dans le même temps, la signature du protocole d'adhésion de la Communauté à Eurocontrol, qui regroupe trente Etats d'Europe, est bloquée depuis deux ans par le différend hispano-britannique sur Gibraltar. Vous le savez, je juge cette situation inacceptable.
En tout état de cause, et je l'ai également affirmé à mes collègues européens, l'examen du dossier « Ciel unique » ne saurait aller sans l'adhésion de la Communauté européenne à Eurocontrol et la ratification de la convention Eurocontrol révisée, signée en 1997. A cet égard, un projet de loi portant autorisation de ratification sera déposé au Parlement au cours du premier trimestre de 2002.
Compte tenu des nombreux problèmes que posent ces textes initiaux, j'entends m'employer à rechercher, avec mes homologues européens, les meilleurs moyens pour améliorer concrètement la gestion du trafic aérien. J'attends, de votre part et des parlementaires en général, une adhésion à cette position que je soutiendrai au nom de la France.
J'ai bien entendu la position des organisations syndicales. A leur demande, une partie d'entre elles a été reçue cet après-midi.
Il leur a été rappelé ma conviction et celle du Gouvernement français sur ce dossier, mais aussi ma détermination à faire entendre cette position au niveau européen.
Je souhaite que la conjoncture difficile que le transport aérien connaît ne soit pas aggravée par un mouvement que je comprends puisqu'il exprime la crainte d'un démantèlement. Il n'est pas question qu'un démantèlement intervienne. Le Gouvernement défend cette position non seulement en France mais également à l'échelon européen. D'ailleurs, ce mouvement pénaliserait l'ensemble du secteur aérien à un moment où celui-ci n'en a pas besoin.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à la suite de vos interventions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »