SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001
M. le président.
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, si j'ai demandé ces quelques minutes de suspension, c'est pour être
mieux à même de répondre aux questions des orateurs.
Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez tous
souligné, le transport aérien est profondément affecté par les terribles
attentats du 11 septembre dernier. Le projet de budget pour 2002, préparé avant
ces événements, a été largement remanié pour en tirer toutes les conséquences,
tout particulièrement sur le plan de la sûreté.
Le secteur aérien traverse sans aucun doute l'une des crises les plus graves
que nous ayons connues, et vous avez eu également raison de souligner la
gravité de la situation pour les compagnies aériennes. Les statistiques du mois
d'octobre dernier montrent que le trafic est inférieur de 15 % à celui du même
mois de l'année passée. Certes, Air France présente des résultats moins
détériorés que la moyenne de ses principaux concurrents, puisqu'elle n'a reculé
en octobre que de 8 % environ. Ces chiffres témoignent d'ailleurs de la
performance du groupe public, qui n'a rien à envier aux groupes privés,
monsieur Le Grand, bien que vous veuillez à tout prix privatiser Air France.
M. Vergès a interrogé ce matin le Gouvernement, lors de la discussion des
crédits du tourismes, sur la desserte de la Réunion. Je voudrais l'assurer,
ainsi que M. Virapoullé, que j'accorde une très grande importance à la desserte
des DOM-TOM. Vous l'avez souligné : je n'ai pas ménagé mes efforts pour que
puissent exister des transporteurs aériens à côté d'Air France.
Aujourd'hui, la défaillance de Swissair, conjuguée à la crise que traverse le
monde du transport aérien depuis les attentats tragiques qui ont touché les
Etats-Unis d'Amérique le 11 septembre dernier, affecte considérablement
l'activité d'Air Lib, qui était déjà fragile financièrement, et se traduit par
des impayés d'au moins 400 millions de francs de la part du groupe Swissair.
Les avocats d'Air Lib ont entamé une procédure contre les sociétés de ce groupe
afin de récupérer les sommes dues au titre du protocole transactionnel du 1er
août 2001.
Tous les efforts seront faits pour sauvegarder l'activité et l'emploi des
compagnies aériennes fragilisées par la crise. Toutes les mesures, notamment
fiscales et sociales, seront prises par l'Etat pour permettre à Air Lib de
poursuivre son exploitation. Diverses pistes seront explorées par l'entreprise
et par l'Etat pour trouver ces 400 millions de francs que les anciens
actionnaires, défaillants, n'ont pas encore versés. La première piste est une
piste juridique, et je l'ai d'ailleurs évoquée avec mon homologue suisse,
actuellement président de la Confédération helvétique ; la seconde piste est
une piste bancaire.
L'Etat sera toujours - je m'en porte garant - aux côtés d'Air Lib pour
maintenir la desserte des départements d'outre-mer. Je sais que les élus des
DOM partagent ce souci et envisagent même la participation financière de leurs
départements pour assurer la pérennité d'Air Lib.
S'agissant des emplois, je veillerai à ce que notre engagement soit respecté.
L'ampleur de la crise actuelle a conduit Air France à geler temporairement les
embauches ; dès que le recrutement reprendra, les candidatures des salariés de
l'ex-AOM et de l'ex-Air Liberté qui ont réussi les épreuves de sélection d'Air
France seront examinées avec la plus grande attention.
Madame Beaufils, vous avez attiré mon attention sur le risque que certaines
compagnies profitent de la situation actuelle pour prendre des parts de marché
au détriment des transporteurs existants. Il s'agit d'une question importante.
Plusieurs d'entre elles pensent en effet pouvoir tirer parti de la situation
présente pour éliminer le plus grand nombre de concurrents possible : des
prédateurs sont là, qui attendent pour « récupérer des créneaux », comme on
dit.
M. Michel Caldaguès.
Où sont-ils ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
D'autres ne
seraient pas malheureuses de voir subsister quelques monopoles. Pour ma part,
je pense que, dans notre pays - c'est vrai pour d'autres, mais, après tout,
cela les regarde ! -, un autre pôle aérien peut trouver sa place aux côtés
d'Air France afin de répondre à des besoins existants. Il y a une place non pas
pour survivre, mais pour vivre et pour se développer.
Après mon intervention lors du dernier conseil des ministres européens des
transports, qui s'est tenu quelques jours après les tragiques attentats du 11
septembre, la Commission a adressé aux coordonnateurs nationaux chargés de
répartir les créneaux aéroportuaires des orientations générales visant à
préserver les droits historiques des compagnies aériennes. Personne ne
profitera de manière malsaine, si je puis dire, de la situation.
Mais la crise, nous en sommes tous convaincus, - comme vous, monsieur Raoult,
et comme la plupart de vos collègues -, ne durera pas.
Nous devons être confiants dans une reprise de la croissance et de l'activité
à moyen terme. La crise est grave, très grave, elle est sérieuse, mais elle est
conjoncturelle. L'avenir appartient au transport aérien.
S'agissant d'une crise conjoncturelle, je ne remettrai donc pas en cause,
monsieur Collin, le protocole social signé avec les personnels de l'aviation
civile, protocole dont les dispositions essentielles portent sur des créations
d'emploi indispensables au développement du transport aérien, ainsi que l'a
souligné M. Poniatowski dans son intervention.
C'est cette conviction qui m'a amené à proposer les premières mesures pour
redonner confiance aux passagers et aux compagnies aériennes. Près de 310
millions d'euros, soit plus de 2 milliards de francs, ont ainsi été prévus pour
renforcer la sûreté et aider ces compagnies.
Outre la mise en application immédiate du plan Vigipirate, nous avons renforcé
le contrôle des passagers et des bagages à main, tout en accélérant le
programme de contrôle des bagages de soute afin qu'il soit opérationnel à 100 %
dès le premier semestre 2002, et non plus en 2003, comme cela avait été
initialement prévu. Nous avons donc accéléré les choses, ce qui explique que
des moyens de financement supplémentaires soient nécessaires.
L'accès aux zones réservées sera désormais entièrement sécurisé et les
personnels feront l'objet de contrôles renforcés.
Des mesures complémentaires seront en outre prises pour renforcer la
sécurisation du fret.
Par ailleurs, monsieur Karoutchi, dans les jours qui ont suivi les événements
du 11 septembre 2001, des restrictions ont été apportées à la circulation des
aéronefs légers, en bordure et autour de Paris notamment : un certain nombre
d'itinéraires pour hélicoptères ont été fermés autour du quartier de la
Défense, d'une part, et l'accès à l'aéroport du Bourget a été restreint,
d'autre part.
La coordination en temps réel entre les services de la circulation aérienne
civils et militaires a également été renforcée en application des dispositions
particulières de surveillance prises aussitôt après le 11 septembre.
Environ 100 millions d'euros sont prévus pour compenser aux compagnies
aériennes les pertes d'exploitation entraînées par la fermeture de l'espace
aérien américain et pour prendre en charge les dépenses de sûreté
exceptionnelles qu'elles ont engagées depuis le 11 septembre.
Pour répondre aux questions de M. le rapporteur spécial et de M. le rapporteur
pour avis, je présenterai en détail le financement de ces mesures, dont le
montant total d'environ 310 millions d'euros est partagé en deux parts à peu
près égales entre l'Etat et les usagers du transport aérien. Nous avons
toutefois veillé à ce que le coût pour les passagers ne dépasse pas 2,3 euros,
c'est-à-dire 15 francs maximum par vol.
Plusieurs amendements gouvernementaux ont été déposés au cours de l'examen du
projet de loi de finances pour 2002.
Tout d'abord, Mme la secrétaire d'Etat au budget a présenté un amendement
visant à augmenter les taxes d'aéroport affectées aux gestionnaires de
plates-formes afin de permettre la prise en charge parmi les dépenses de sûreté
des dépenses d'exploitation pérennes à hauteur de 95 millions d'euros.
Pour les petits aéroports, j'ai souhaité limiter la hausse des taux plafonds,
de sorte que le total des augmentations de taxe ne dépasse pas 2,3 euros. C'est
pourquoi une partie importante des dépenses dans ces petits aéroports - 16
millions d'euros - sera financée par le système de péréquation du fonds
d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
En moyenne, pour les aéroports accueillant moins de 85 000 passagers par an,
plus des trois quarts des dépenses seront ainsi pris en charge par le
dispositif de péréquation nationale. Dans certains cas, la prise en charge par
le FIATA pourra même représenter jusqu'à 90 % des dépenses.
Je note que ce dispositif, que certains veulent supprimer alors qu'il permet
d'aider les plus petits aéroports à faire face, grâce à la solidarité
nationale, aux impératifs de renforcement de la sûreté, répond ainsi clairement
au double objectif de solidarité et d'aménagement du territoire.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Personne ne veut supprimer le FIATA !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai entendu que
certains le demandaient.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Pas nous !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Au contraire !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je n'ai pas dit
qu'il s'agissait de vous, messieurs les rapporteurs, j'ai indiqué que certains
pensaient que l'on pourrait se passer du FIATA. Au contaire, il ne faut surtout
pas s'en passer, et nous devons lui laisser jouer pleinement son rôle en
matière de solidarité et d'aménagement du territoire.
Je suis favorable, monsieur Le Grand, à ce que le FIATA subventionne plus
largement des dessertes régionales de qualité, mais vous savez que les
dispositions européennes sur ce sujet sont très strictes et contraignantes : il
faut, dans le même temps, obtenir la validation de la Commission européenne.
Ensuite, deux autres amendements vous ont été présentés lors de l'examen de la
première partie du projet de budget pour 2002 : le premier pour majorer en
moyenne de 0,5 euro par passager les tarifs de la taxe de l'aviation civile ;
le second pour modifier le partage de cette taxe entre le budget annexe, dont
les dépenses augmentent, et le FIATA, dont les crédits vont progresser de
manière significative. C'est pourquoi un amendement ayant pour objet de majorer
les dépenses du budget annexe a également été déposé à l'article 34 du projet
de loi de finances.
Enfin, il est prévu d'ouvrir de nouveaux crédits budgétaires dans la loi de
finances rectificative pour 2001 sur la ligne « Subventions au budget annexe de
l'aviation civile », afin de verser aux compagnies aériennes une aide pour
compenser la fermeture de l'espace aérien américain : plus de 30 millions
d'euros sont inscrits à ce titre dans la loi de finances rectificative pour
2001.
Ces mesures seront complétées par des dotations en capital à Aéroports de
Paris, comme cela s'est déjà fait dans le passé, et aux aéroports de province.
Ces dotations permettront de financer les dépenses exceptionnelles
d'investissement nécessaires au renforcement de la sûreté.
Quant au dispositif de compensation aux compagnies aériennes pour la sûreté,
la Commission examinera les dossiers au cas par cas. Les modalités de versement
par l'Etat de cette compensation ne sont pas aujourd'hui arrêtées.
J'ai la conviction que ce plan d'aide global, d'un montant de 310 millions
d'euros, contribuera à redonner confiance aux passagers et permettra de sortir
rapidement de cette crise, certes profonde, mais passagère.
J'ajoute, pour répondre à M. Collin, que les mesures concernant les assurances
seront examinées demain par le Conseil ECOFIN.
Comme vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, le Conseil Ecofin avait
donné son accord à la prise en charge par l'Etat du surcoût des assurances,
puis il avait accordé, à titre provisoire, un délai supplémentaire. C'est cette
question qui sera à nouveau examinée demain. La Commission propose de
reconduire pour trois mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin mars, le dispositif de
garantie par les Etats des risques d'attentat. Je suis pour ma part favorable à
un dispositif communautaire de mutualisation de ces risques.
Ma confiance en l'avenir est renforcée par le succès, souligné par plusieurs
d'entre vous, que rencontre aujourd'hui, malgré la crise, le fameux gros
porteur A 380. Je peux vous informer qu'à ce jour aucune annulation de commande
n'a été annoncée pour cet avion, livrable en 2006, ce qui doit faire réfléchir
ceux qui craignent que la crise que traversent les transports aériens ne dure
ad vitam aeternam.
La compagnie Emirates a même annoncé la commande ferme de vingt-deux A 380, en
plus des dix options déjà prises et de la commande de onze autres avions de
modèles actuels. On voit donc bien, dès lors que l'on se tourne vers l'avenir,
que la confiance existe.
Le programme de l'A 380 fait partie des priorités d'Airbus et de l'Etat, qui
le soutient dans le cadre des règles communautaires et internationales. Ainsi,
les crédits de paiement dévolus à la recherche aéronautique augmentent de 10 %,
avec 266,8 millions d'euros. Le volume de ces crédits marque donc la poursuite
de l'effort en faveur d'un secteur crucial, tant pour l'emploi et le
développement technologique que pour le commerce extérieur de notre pays.
Plus des trois quarts des crédits prévus sont destinés à des avances
remboursables qui permettent de soutenir des projets déjà lancés ainsi que le
développement de nouveaux programmes, dans le respect, je le répète, des
accords internationaux. L'Airbus A 340, versions 500 et 600, continuera ainsi
d'être soutenu à hauteur de 25 millions d'euros, tandis que 185 millions
d'euros seront consacrés au futur A 380, qui est en cours de lancement, et à
ses moteurs.
La croissance du transport aérien ne sera pas durablement affectée par la
crise actuelle. C'est, je le répète, ma conviction comme celle du Gouvernement.
Il faut donc instaurer des conditions privilégiant une politique intermodale
des déplacements internationaux, notamment par le développement volontariste
des liaisons ferrées à grande vitesse et des grands aéroports régionaux, pour
lesquels 760 millions d'euros de prêts à taux préférentiels seront dégagés, non
pas à court terme, monsieur Karoutchi, mais à long terme.
M. Gerbaud a eu raison de souligner tout l'intérêt qui s'attache à l'aéroport
de Châteauroux dont le trafic fret s'est accru de 15 % entre 1999 et 2000. Il
n'y a pas à mes yeux de concurrence entre Vatry et Châteauroux, qui ont tous
deux vocation à accueillir le fret.
Il faut aussi respecter les engagements de limitation de trafic pris depuis
1997 envers les populations riveraines d'Orly et de Roissy.
Le trafic de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle doit rester plafonné, comme
l'a rappelé M. Karoutchi, et qui pourrait soutenir le contraire !
Certains objecteront qu'il faudra attendre douze ans pour le troisième
aéroport, c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté un plan en
faveur des aéroports de province.
A ce propos, j'ai été quelque peu surpris que M. le rapporteur pour avis
laisse entendre que nous avons effectué ce choix « pour faire plaisir ». Non !
Je ne fonctionne pas comme ça ! Je n'ai d'ailleurs jamais accusé la droite,
lorsqu'elle a fait le choix de l'implantation du troisième aéroport à
Beauvilliers, d'avoir fonctionné ainsi...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Eh non, puisque l'on a permis à la député verte de
se faire élire !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... car,
monsieur le sénateur, je ne sais pas travailler de cette façon...
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et je me
défends d'avoir, dans ce genre de situation, une attitude partisane, alors
qu'il s'agit de défendre l'intérêt général.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'en suis là
aujourd'hui et j'en resterai là demain !
(Applaudissements.)
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
est prêt à soutenir au Sénat la proposition de loi adoptée à l'Assemblée
nationale visant à plafonner les niveaux de bruits nocturnes au voisinage des
aéroports. Les décrets d'application seront rédigés parallèlement afin
d'assurer une mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
L'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, a
récemment formulé des recommandations majeures concernant l'élaboration et la
gestion des plans d'exposition au bruit pour renforcer le dispositif
réglementaire en vigueur. Le Gouvernement a décidé, sous mon impulsion, de les
prendre en compte pour les nouvelles plates-formes aéroportuaires. Une
concertation sera prochainement conduite avec les collectivités locales afin
d'examiner les conditions concrètes de leur application aux aéroports
existants.
La récente décision de réserver le secteur de Chaulnes, en Picardie,
c'est-à-dire à égale distance de la région Nord - Pas-de-Calais et de la région
parisienne, pour y implanter un nouvel aéroport international afin de répondre
aux besoins à l'horizon 2015 et 2020, va dans ce sens.
A ce sujet, M. Karoutchi a laissé entendre que, en 1997, je n'envisageais pas
un troisième aéroport. Ce n'est pas vrai ! Vous ne trouverez jamais aucune
déclaration de ma part en ce sens, et pour cause ! Figurez-vous que lorsque
j'ai décidé la réalisation de deux pistes à Roissy...
M. Jacques Oudin.
Ça, c'était une bonne décision !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En effet,
c'était une bonne décision.
M. Jacques Oudin.
Enfin une !
M. Jean Chérioux.
Nous, nous sommes objectifs !
Mme Marie-France Beaufils.
Oh !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je ne vous ai
pas vu me soutenir, même pour les bonnes décisions, et ceux qui manifestaient
pour s'opposer à cette décision le faisaient sous toutes les couleurs ! En tout
cas, quand j'ai pris cette décision,...
M. Jacques Oudin.
Il paraît que c'est votre prédécesseur qui l'a prise !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... j'ai dit
immédiatement que le nombre de mouvements serait plafonné et que le bruit ne
pourrait pas dépasser le niveau moyen existant en 1997, engagement que nous
tenons à l'heure actuelle malgré l'augmentation du trafic sur Roissy. Il s'agit
cependant d'une moyenne et l'ACNUSA nous propose de faire mieux en analysant le
bruit par mouvement.
En outre, comme je savais que la croissance du trafic était de l'ordre de 5 %
à 7 % par an, pour pouvoir répondre aux inquiétudes des riverains d'Orly, de
Roissy et, plus généralement, des habitants du Val-d'Oise qui craignaient que,
sans le troisième aéroport, je ne tienne pas mes engagements, j'ai d'emblée
envisagé l'hypothèse de la réalisation de ce troisième aéroport tout en
précisant, bien sûr, qu'il resterait à déterminer sa localisation en fonction
de tous les éléments qui se dégageraient. Je n'ai pas changé de point de vue
depuis.
Vous avez été plusieurs à soulever la question de la distance de Chaulnes à la
capitale. Certains disent que c'est trop loin de Paris, d'autres disent que
c'est toujours Paris qui profite des nouvelles infrastructures : il faudrait
savoir !
Le projet du Gouvernement prévoit, évidemment, la desserte par ligne dédiée, à
partir des aéroports d'Orly, de Roissy et de Chaulnes. Les liaisons devront
être particulièrement efficaces. Certains ont chiffré la dépense à 30 milliards
de francs : il ne faut pas 30 milliards de francs pour faire un aéroport et
cette somme engloble la desserte dédiée.
Il faudra, pour atteindre Chaulnes, vingt-six minutes exactement à partir de
Roissy et trente minutes à partir de Paris. A partir de Lille, ce sera
également trente minutes...
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... puisque
Paris et Lille sont équidistants de Chaulnes. Cela permet également d'envisager
la notion de bipôle.
On ne peut remplir les avions s'il n'y a pas suffisamment de clientèle. C'est
ainsi. Certes, on peut envisager d'implanter un aéroport sur le plateau de
Millevaches au motif qu'il n'y a pas d'habitants, mais les compagnies ne
viendront pas, à moins que vous ne décidiez que l'on administre la France et le
monde entier, qu'on nationalise toutes les compagnies et qu'on les oblige à
faire ce que l'on veut. Dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.
On a cité l'échec de Mirabel. Je rappelle que cet aéroport n'est pas relié à
Montréal par une ligne ferrée performante. Par ailleurs, MM. Raoult et
Karoutchi ont eu raison de rappeler le caractère irréaliste de la proposition
qui consisterait à déplacer et à indemniser des centaines de milliers de
personnes qui habitent autour de Roissy. D'ailleurs, dans cette logique, je ne
vois pas pourquoi on déplacerait uniquement ces personnes. En effet, il
faudrait aussi déplacer les riverains d'Orly et les indemniser. Tout cela n'est
pas raisonnable !
Monsieur Karoutchi, vous avez également évoqué le problème des couloirs
aériens. Sachez que ce dispositif, qui remonte à un quart de siècle, n'est plus
adapté au trafic aérien en Ile-de-France. Il est difficile à gérer si l'on veut
maintenir un haut niveau de sécurité. Il fallait donc élaborer un nouveau
dispositif en intégrant les problèmes actuels et toutes les dimensions de la
question, c'est-à-dire à la fois la sûreté, la sécurité, l'efficacité et
l'environnement.
Avec la volonté d'assurer la plus grande transparence et la plus large
concertation avec les élus et les associations de riverains, j'ai pris la
décision, dès le début de l'année, de confier le soin à un organisme extérieur
- parce qu'on disait : c'est la DGAC qui a prévu, etc. -, Eurocontrol,
d'examiner cette problématique et de formuler des propositions. Durant près de
dix mois, un comité régional regroupant les élus des huit départements
franciliens, sous la présidence du préfet de région, a piloté cette
expertise.
L'ACNUSA a formulé des recommandations. Il m'appartient d'y répondre,
notamment sur la nécessité de définir des volumes dans lesquels, lors des
procédures de départ et d'arrivée, les vols devront s'inscrire. En outre, des
mesures restrictives et contraignantes devront permettre réglementairement de
réduire, la nuit, la gêne sonore.
Je prendrai donc ma décision dans les prochains jours, en vue d'une mise en
oeuvre avant la pleine saison aéronautique de l'été. En effet, malgré la baisse
conjoncturelle, il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de retarder la mise en
oeuvre de ce dispositif qui améliore la situation du trafic aérien à l'échelle
de l'Ile-de-France sur le plan de la réduction des nuisances sonores pour le
plus grand nombre possible de nos concitoyens, de la régularité de vol et, bien
sûr, de la sécurité.
Je reviens brièvement sur le budget annexe de l'aviation civile. Ce budget
s'inscrit dans la poursuite d'un objectif de modernisation afin d'améliorer la
qualité du service rendu dans tous les domaines que je viens de citer. Malgré
le ralentissement conjoncturel du trafic, le nombre de vols contrôlés impose le
maintien à un niveau élevé des moyens de l'aviation civile, en préparant pour
demain les moyens de la croissance du trafic.
La composante navigation aérienne du budget reste prioritaire et l'effort
soutenu en faveur de l'emploi est maintenu. L'enveloppe de 155 millions d'euros
d'autorisations de programme pour la navigation aérienne permettra ainsi de
poursuivre le plan de renouvellement des aides à l'atterrissage et la mise en
oeuvre de systèmes de radionavigation sur les aérodromes qui en sont dépourvus.
Ce budget verra également la création de 467 emplois, principalement au profit
de la navigation aérienne, permettant d'assurer la fluidité et la sécurité du
trafic. La DGAC sera ainsi en mesure d'anticiper le départ à la retraite de ses
agents par une politique de recrutement à long terme, tenant compte par
exemple, des délais de formation de ses corps techniques, et d'accompagner
ainsi l'évolution du trafic aérien.
J'en viens au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien,
le FIATA.
Ce fonds était doté, avant les modifications apportées à la suite des
attentats du 11 septembre, de 64,5 millions de francs, en augmentation de 52 %
par rapport à 2001 et de 17 % par rapport à 2000. Viendront s'ajouter à ces
dépenses 16 millions d'euros, soit un total de plus de 80 millions d'euros,
pour aider les petits aéroports de province à financer les dépenses de sûreté,
tout en limitant les hausses de taxes à 2,3 euros par passager, comme je vous
l'ai dit. Les dépenses de sûreté financées par le FIATA croîtront donc, en
2002, de plus de 50 % par rapport à l'an passé.
Je souhaite, enfin, vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet «
Ciel unique européen ».
A la suite des travaux du groupe à haut niveau conduits en 2000, la Commission
européenne a publié une communication et quatre projets de règlement, pour une
mise en application d'ici à la fin de l'année 2004.
Les projets de règlement de la Commission posent des problèmes majeurs.
Ces projets semblent envisager les services de navigation aérienne comme des
services marchands. Une approche risquant de déboucher sur la mise en
concurrence entre services nationaux semble inadaptée pour prétendre améliorer
la performance du système. Elle l'est d'autant plus que ces services relèvent
de compétences régaliennes. Dans son rapport, M. Collin faisait état de la
contradiction selon laquelle on confie en sous-traitance des activités au
secteur privé alors que, dans le même temps, les responsabilités régaliennes
s'accroisssent, notamment en matière de sûreté. Monsieur le sénateur, vous avez
posé ce problème de façon plus large par rapport à l'activité aérienne en
général.
De nombreuses questions, notamment dans le règlement sur l'espace aérien, ont
une incidence militaire et peuvent affecter la capacité d'entraînement aérien.
A cet égard, la France a attiré l'attention du comité militaire de l'Union
européenne sur ces questions et a fait connaître son souhait que celles-ci ne
relèvent que des mécanismes du deuxième pilier.
Allant très au-delà des travaux du groupe à haut niveau dont le rapport a été
publié en novembre 2000, ces projets contiennent de nombreux points qui n'ont
pas été sérieusement étudiés, conduisant à des propositions irréalistes, ou
excessives, dans les trois domaines couverts.
Dans le même temps, la signature du protocole d'adhésion de la Communauté à
Eurocontrol, qui regroupe trente Etats d'Europe, est bloquée depuis deux ans
par le différend hispano-britannique sur Gibraltar. Vous le savez, je juge
cette situation inacceptable.
En tout état de cause, et je l'ai également affirmé à mes collègues
européens, l'examen du dossier « Ciel unique » ne saurait aller sans l'adhésion
de la Communauté européenne à Eurocontrol et la ratification de la convention
Eurocontrol révisée, signée en 1997. A cet égard, un projet de loi portant
autorisation de ratification sera déposé au Parlement au cours du premier
trimestre de 2002.
Compte tenu des nombreux problèmes que posent ces textes initiaux, j'entends
m'employer à rechercher, avec mes homologues européens, les meilleurs moyens
pour améliorer concrètement la gestion du trafic aérien. J'attends, de votre
part et des parlementaires en général, une adhésion à cette position que je
soutiendrai au nom de la France.
J'ai bien entendu la position des organisations syndicales. A leur demande,
une partie d'entre elles a été reçue cet après-midi.
Il leur a été rappelé ma conviction et celle du Gouvernement français sur ce
dossier, mais aussi ma détermination à faire entendre cette position au niveau
européen.
Je souhaite que la conjoncture difficile que le transport aérien connaît ne
soit pas aggravée par un mouvement que je comprends puisqu'il exprime la
crainte d'un démantèlement. Il n'est pas question qu'un démantèlement
intervienne. Le Gouvernement défend cette position non seulement en France mais
également à l'échelon européen. D'ailleurs, ce mouvement pénaliserait
l'ensemble du secteur aérien à un moment où celui-ci n'en a pas besoin.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais
apporter à la suite de vos interventions.
(Applaudissements sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique
civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis
aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la
mer.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »