SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Nous avons terminé l'examen des articles constituant la première partie du
projet de loi de finances pour 2002.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie, je vais donner la
parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur
vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat, décidée le 6
novembre 2001, par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de
dix minutes pour ces explications de vote.
La parole est M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous voici parvenus au terme de l'examen de la
première partie du projet de loi de finances pour 2002, après plusieurs
journées consacrées à reprendre, de façon souvent très active, de nombreux
sujets.
A ce stade de la discussion, je voudrais tout d'abord exprimer quelques
remerciements.
Je veux remercier la présidence, qui a fait prévaloir l'équité dans nos débats
et qui a veillé à ce que la Haute Assemblée travaille selon le style et les
modalités qui lui sont propres.
Je veux remercier aussi les membres du Gouvernement. Trois d'entre eux se sont
succédé au banc du Gouvernement. M. Laurent Fabius, qui nous a apporté son
éclairage lors de la discussion générale. Il a dû ensuite nous quitter, mais il
est revenu passer une soirée avec nous, qui a été très substantielle
puisqu'elle nous a permis de débattre sur le fond de vrais problèmes de
politique fiscale : l'impôt de solidarité sur la fortune, la compétitivité
fiscale et la fiscalité indirecte ; ce fut un moment intéressant. Je veux
remercier le ministre des relations avec le Parlement, qui est venu quelques
instants au banc du Gouvernement. Et naturellement, je veux surtout remercier
Mme le secrétaire d'Etat au budget, que nous apprenons à connaître,...
M. Gérard Braun.
Et à apprécier !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... qui apporte dans nos débats ses convictions, avec
lesquelles la majorité sénatoriale est, bien sûr, rarement en accord, et fait
montre d'un sens de l'Etat que je me plais à saluer.
Je veux aussi remercier M. le président de la commission des finances, qui est
intervenu de façon déterminante à plusieurs reprises pour orienter, pour bien
témoigner de l'importance des enjeux. Il a bien voulu soutenir de façon active
et constante votre rapporteur général.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il le mérite !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes remerciements vont aussi à l'ensemble de nos
collègues. Comme d'habitude, nos discussions ont été actives, dynamiques,
participatives et conviviales. Le sourire a souvent été présent dans cet
hémicycle. Le lyrisme et la poésie sont passés de la montagne à la Moselle.
Nous avons en quelque sorte échappé à l'ambiance artificielle de cet hémicycle,
grâce au rappel de ce qui se passe autour de nous et des réalités locales dans
lesquelles nous sommes puissamment ancrés. C'est cela l'esprit de dialogue
républicain propre à notre assemblée.
Je ferai maintenant un bref bilan de cette première partie du projet de loi de
finances.
Nos collègues ont voulu, avec la commission des finances, accomplir un acte
politique. La manière dont nous avons lu, interprété et modifié les
dispositions du projet de loi de finances reflète un état d'esprit, des
conceptions, des convictions.
En ce qui concerne les recettes fiscales, quatre thèmes doivent être mis en
valeur.
Le premier concerne l'emploi. Nous avons évoqué la prime pour l'emploi ; nous
y reviendrons. Nous avons rappelé qu'elle ne prendra pas tout son sens tant que
le revenu minimum d'insertion ne sera pas transformé en revenu minimum
d'activité. Il s'agit là d'une clé pour faire évoluer l'état d'esprit de nos
concitoyens.
Le deuxième thème, c'est la simplification du régime fiscal. Je citerai, par
exemple, la suppression de la vignette et l'amélioration de la loi Besson pour
qu'elle ne demeure pas un cadre vide et purement formel.
Le troisième thème, c'est l'aide à l'investissement. Ce dispositif ne figurait
pas dans le texte du Gouvernement et nous avons voulu le développer par des
dispositions concernant, entre autres éléments, l'amortissement dégressif et le
crédit d'impôt recherche.
Le quatrième thème, c'est, bien sûr, le partenariat avec les collectivités
locales. Nous avons réaffirmé notre attachement à un pacte de croissance
durable. Nous avons longuement, mais utilement je le crois, évoqué les
préoccupations des élus locaux en ce qui concerne les transferts de charges et
les dépenses mises à la charge de leurs budgets, qu'il s'agisse de l'allocation
personnalisée d'autonomie, des services départementaux d'incendie et de secours
ou de la revalorisation des traitements de la fonction publique, sans oublier
les 35 heures. En effet, madame le secrétaire d'Etat, ce sujet est réapparu à
plusieurs reprises dans nos débats. Les 35 heures, alpha et oméga de la
politique gouvernementale, transforment profondément les mentalités et génèrent
des dépenses et une inflation des coûts à tous niveaux au sein du système
public.
S'agissant des recettes non fiscales, nous avons, cet après-midi même, dénoncé
certaines méthodes ; je pense aux licences UMTS, à la CADES, au 1 % logement et
à la Caisse des dépôts et consignations.
Les recettes non fiscales sont, je le répète, l'une des clés de cette loi de
finances pour 2002 et la part disproportionnée qu'elles y occupent sera un vrai
foyer de problèmes pour l'avenir.
Parmi ces recettes non fiscales, il en est une dont vous n'aimez pas que l'on
vous parle, madame le secrétaire d'Etat, mais qui est très réelle : ce sont les
5 milliards de francs qui ont été détectés au sein des comptes spéciaux du
Trésor et qui sont la traduction du profit instantané mais bien réel pour
l'Etat résultant de la transformation des francs en euros. Cette petite
cagnotte, même si elle est pour vous un sujet de mécontentement, est là et elle
est la traduction des principes comptables, que vous êtes d'ailleurs tenue
d'appliquer.
Nous allons voter dans quelques instants sur l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2002. Demain, nous commencerons l'examen de
la deuxième partie, c'est-à-dire les dépenses.
Au fur et à mesure de l'examen des fascicules ministériels, nous répondrons,
madame le secrétaire d'Etat, à deux critiques que vous nous faites et qui nous
paraissent un peu rapides et injustes.
S'agissant du financement de nos propositions - je parlais des gages sur le
mode de l'amusement voilà quelques instants lors de l'examen de votre
amendement - il faut être conscient de deux ou trois choses.
D'abord, le chiffrage est très difficile pour nous. En effet, nous n'avons pas
les instruments pour ce faire ; ils sont à votre disposition. Pour nourrir un
vrai dialogue entre une assemblée comme le Sénat et le Gouvernement, il
faudrait avoir le temps et la possibilité d'accéder aux fiches, pouvoir
discuter des hypothèses de calcul et disposer, éventuellement, de moyens de
contre-expertise.
La manière dont les choses sont organisées limite clairement nos moyens
d'action et crée souvent des insatisfactions.
Rappelons que la plus grande partie des enjeux financiers sur lesquels nos
votes ont porté concerne les relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales, le tout s'équilibrant dans le solde global des
administrations publiques, qui est le seul considéré au regard du respect des
règles issues du traité de Maastricht.
Surtout, madame le secrétaire d'Etat, reconnaissons, tout le monde le sait,
que le gage n'est qu'une convention dictée par l'article 40 de la Constitution
et par la loi organique sur les lois de finances.
Le gage, c'est le seul moyen pour un parlementaire de s'exprimer dans la
discussion budgétaire, quelles que soient les travées sur lesquelles il
siège.
Le Gouvernement, même si cela ne s'est produit que rarement dans la première
partie, que fait-il lorsqu'il adhère à une mesure ? Il lève le gage, ce qui
montre bien que celui-ci n'est pas nécessairement fait pour être payé par les
tabagiques... trop nombreux dans ce pays !
J'en viens aux économies sur les postes de dépenses.
Nous aurons dix jours, budget après budget, pour vous faire part de nos
analyses. Chaque rapporteur spécial, du moins la plupart d'entre eux, va
arriver avec des critiques, à la fois de fond et de forme, portant sur la mise
en oeuvre des missions, sur le soin plus ou moins grand apporté au bon usage
des deniers publics, domaine par domaine, département ministériel par
département ministériel. Naturellement, madame le secrétaire d'Etat, nous
serons à l'écoute de vos critiques comme vous serez, je l'espère, à l'écoute
des nôtres.
Les économies, au cours des années qui viennent, c'est le Gouvernement de la
République qui les indiquera au Parlement grâce à une méthode tout à fait
simple et claire définie par notre nouvelle constitution financière, la loi
organique sur les lois de finances du 1er août 2001, qui, vous le savez, mes
chers collègues, prévoit l'établissement d'indicateurs de performance, que l'on
raisonne en missions ou en programmes.
Dès lors, le travail du Parlement sera simplifié, à condition que les
indicateurs de performance soient bien choisis, qu'ils soient significatifs :
il suffira, pour apprécier et détecter les économies, d'évaluer le degré de
respect des promesses faites ou le degré d'atteinte des objectifs proclamés.
Voilà, mes chers collègues, quelques leçons à tirer de cette discussion de
première partie, qui fut très vivante, très active et conforme, j'en ai la
conviction, au rôle que notre Haute Assemblée doit jouer dans le cadre des
institutions de la République.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout d'abord, monsieur le
président, je tiens à m'associer aux remerciements que M. le rapporteur général
vient de vous exprimer, à vous-même et aux services de la séance. Mais il est
légitime que, lui aussi, il reçoive les remerciements et les compliments du
Sénat en raison de la tâche qu'il a accomplie. J'ai coutume de dire que je la
connais pour l'avoir exercée. Mais j'admire toujours, en l'écoutant, sa
compétence, son talent pédagogique, sa détermination, sa pugnacité. Je veux
qu'il trouve dans mes propos l'expression de ma confiance, mais aussi de ma
gratitude.
Madame le secrétaire d'Etat, mes remerciements sont aussi pour vous, très
sincèrement et très chaleureusement. Nos échanges ont été, comme chaque année,
francs, parfois souriants, parfois plus rudes, mais j'ai eu le sentiment qu'ils
étaient toujours frappés du sceau de la démocratie et du souci, grâce à la
contradiction, de confronter des idées et de chercher ensemble, chacun à sa
manière, les meilleures solutions possibles pour nos compatriotes.
La réforme de l'ordonnance dont parlait voilà un instant M. le rapporteur
général nous appelle à une réforme du rythme de notre discussion budgétaire, et
je devrais peut-être donner l'exemple en étant plus bref que je ne m'apprête à
l'être. Permettez-moi cependant d'ajouter quelques propos d'explication de vote
sur cette première partie.
La doctrine fiscale qui a inspiré la commission des finances aura été
responsable, tenant compte des difficultés budgétaires. De ce point de vue, les
amendements visant à transférer des recettes de l'Etat aux collectivités
locales - je parle sous le contrôle de Michel Mercier - ont tous été
respectueux de l'équilibre des finances publiques, selon les critères
européens. Il faut préciser, au demeurant, que les finances locales sont
généralement mieux gérées que ne le sont les finances de l'Etat.
M. Daniel Hoeffel.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
En cet instant, j'invite le
Sénat à poursuivre, en deuxième partie, la discussion dynamique qu'il a
engagée, en participant notamment aux débats sur les budgets expérimentaux, qui
constitueront autant de débats précurseurs à l'entrée en vigueur de la loi
organique du 1er août 2001.
Certes, cette première partie du projet de loi de finances ne sera pas
décisive pour l'avenir de la France. Néanmoins, c'est un moment de vie
démocratique qui permet de parler aux Français de leurs impôts, de leur dire la
vérité sur la situation des comptes publics. C'est une notion difficile à
appréhender pour eux parce que les sommes qui sont en cause n'ont rien à voir,
naturellement, avec celles qu'ils connaissent dans leur vie quotidienne.
La vérité est que, dans notre pays, les prélèvements sont trop élevés ; je
sais que c'est un truisme que chacun est las d'entendre. Pourtant, s'ils sont
élevés, et ne perdons aucune occasion de le rappeler aux Français, c'est parce
que la dépense est excessive. Les Français n'en ont pas pour leur argent,
disons les choses franchement !
Pour améliorer le rapport coût-efficacité de l'action publique et donc pour
que les deniers qui sont prélevés sur le fruit de leur travail soient mieux
utilisés, il faut engager de profondes réformes, et l'on peut regretter
qu'elles ne l'aient pas été plus tôt.
En fait, le seul moyen de réduire ces recettes, et donc les impôts qui sont
votés en première partie, c'est de maîtriser la dépense, dont nous commencerons
l'examen dès demain matin.
Qu'il me soit permis, pour terminer, de former le voeu que les échanges
auxquels nous avons procédé depuis jeudi dernier soient utiles à nos
compatriotes pour que ceux-ci, à leur tour, encouragent la représentation
nationale, dès que possible, en tout cas, dès les prochaines échéances, à
engager les réformes qui, seules, permettront de ne plus prélever autant sur le
fruit de leur travail, mais aussi qui permettront à la France de conserver sa
place dans le monde.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tout
au long de l'examen de la première partie de ce projet de loi de finances, le
souci constant de notre groupe a été de mettre en avant les exigences fortes
d'une croissance saine et durable, fondée, comme l'ont dit Thierry Foucaud et
Paul Loridant dans la discussion générale, sur l'efficacité de la dépense
publique et des prélèvements, mais aussi sur la justice sociale et fiscale.
Nous avons mis l'accent sur la nécessité d'accroître le pouvoir d'achat, le
niveau de vie, la consommation populaire, d'orienter l'argent vers
l'investissement productif, de le détourner de la finance.
Tel est pour nous l'enjeu d'un budget de progrès réel, au service de la
majorité de nos concitoyens et de la nation.
Cette analyse nous conduit à refuser une politique budgéraire restrictive, une
minoration de la fonction redistributive du budget de l'Etat.
C'est pourquoi nous ne pouvons pas adhérer à une politique suivie de baisse
des impôts, notamment des impôts les plus justes, et nous déplorons tout ce qui
peut apparaître d'inspiration libérale dans cette première partie du projet de
loi de finances.
Une telle option développe en effet les inégalités et s'avère néfaste
économiquement. Les baisses d'impôts ont un coût pour la nation et la
croissance ; c'est le coût de l'austérité dans les dépenses publiques, qui
pénalise particulièrement nos concitoyens les plus défavorisés.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la hausse de 0,5 % des dépenses
publiques envisagée pour 2002 par le projet de loi de finances. Une hypothèse
de croissance de 2,3 %, même si elle peut paraître à juste titre surestimée, ne
pourra qu'engendrer une nouvelle dégradation des conditions d'accomplissement
des services publics - et on ne tient pas compte du poids des retards accumulés
- et accroître l'impasse sur les investissements nécessaires pour répondre aux
aspirations des salariés et des familles. Nos interventions porteront sur cet
aspect des choses et notamment sur les investissements en moyens humains,
c'est-à-dire sur les recrutements de fonctionnaires qui devraient être engagés
partout où les besoins existent, n'en déplaise à M. le rapporteur général et à
la majorité sénatoriale !
Pour nous, des baisses d'impôts ponctuelles n'ont de sens que si elles
favorisent directement l'investissement productif ou la consommation.
C'est la raison pour laquelle nous avons émis un doute sur l'opportunité des
allégements d'impôt prévus en 2002 au bénéfice des entreprises et notamment sur
celle du maintien de la suppression de la « surtaxe Juppé ».
L'ensemble de ces mesures, d'un coût nouveau pour le budget de l'Etat, de
l'ordre de 20 milliards, ont bien peu de chances de nourrir l'investissement.
S'il y a bien insuffisance de l'investissement productif, il ne s'explique pas
par un manque de ressources, et il y a fort à craindre que ces fonds nouveaux,
en l'absence de toute subordination à la création d'emplois ou à la promotion
des nouvelles technologies, iront alimenter les investissements financiers des
entreprises. Ceux-ci - permettez-moi de citer quelques chiffres - ont atteint
un niveau record en 2000 : 1 115 milliards de francs, dont une bonne partie aux
Etats-Unis.
Nous devons constater aussi que, dans la répartition de leurs bénéfices, les
entreprises ont privilégié les dividendes versés aux actionnaires qui sont
passés de 469 milliards de francs en 1999 à 640 milliards de francs en 2000 ;
là aussi, c'est un record. Nous avons tous en tête le scandale de ces plans de
licenciements qu'ont engagés, ces derniers mois, de grandes entreprises dont
les bénéfices sont florissants.
Nous ne pouvons que regretter que cette première partie de la loi de finances
pour 2002 ne cherche pas à pénaliser davantage cette utilisation de l'argent.
Nos amendements étaient porteurs de propositions allant dans ce sens, mais,
bien entendu, nous ne comptions pas sur nos collègues de la majorité
sénatoriale pour les adopter.
Les baisses d'impôt proposées en faveur des ménages auraient pour objectif
affiché de soutenir la consommation. C'est un objectif que nous partageons car
la consommation, en particulier la consommation populaire, qui correspond aux
deux tiers du PIB, est le moteur essentiel d'une croissance saine, créatrice
d'emplois.
Mais la décision de baisser le principal impôt progressif, donc le plus juste,
l'impôt sur le revenu, en particulier les tranches supérieures, nous semble peu
productive dans la mesure où elle favorise les contribuables plus aisés qui ont
une propension moindre à consommer.
Nous avons été très attentifs au doublement de la prime pour l'emploi. Nous ne
négligeons pas ce qu'elle représentera pour les ménages modestes qui vont la
toucher, mais nous ne pouvons ignorer les effets pervers dont elle est porteuse
sur le niveau des salaires.
Une baisse de la TVA, comme celle que nous avons défendue dans nos
amendements, aurait, à notre avis, été plus efficace.
Ainsi, vous le constatez, mes chers collègues, la première partie de la loi de
finances que nous venons d'examiner, telle que le Gouvernement l'avait déposée,
ne nous convenait pas sur plusieurs points importants. Elle était très loin de
la réforme de la fiscalité en profondeur que nous appelons de nos voeux.
L'Assemblée nationale, en bonne partie grâce aux députés communistes, l'avait
quelque peu améliorée, notamment grâce à la suppression de l'indexation du
barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'augmentation des exonérations
de la redevance audiovisuelle, le maintien de la contribution exceptionnelle
des compagnies pétrolières.
La majorité sénatoriale est revenue, sans surprise, sur plusieurs de ces
améliorations, je pense à l'exonération de redevance pour les personnes âgées
de 65 à 70 ans non imposables : ces dernières apprécieront...
Surtout, de façon très symbolique, elle a fait un cadeau aux plus fortunés de
notre pays en rétablissant l'article 9 du présent projet de loi de finances.
Ceux qui vraiment apprécieront, cette fois, ce sont les 300 détenteurs des
plus grandes fortunes de notre pays, dont le patrimoine a crû de 22 % en 1999
et encore de 19 % en 2000. Leur satisfaction sera toutefois de courte durée,
car je ne doute pas que l'Assemblée nationale rétablira l'actualisation du
barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, comme cela était proposé à
l'article 9.
Au cours de ce débat, en particulier lors de la discussion générale, nos
collègues de la majorité sénatoriale se sont livrés à une attaque en règle
contre la dépense publique. Ils se sont évertués à stigmatiser le recrutement
de personnel dans la fonction publique, alors que, dans notre pays, les besoins
à cet égard sont indéniables. Nous nous félicitons d'ailleurs que le
Gouvernement ait, voilà deux ans, rénoncé au dogme du gel de l'emploi dans la
fonction publique.
L'ombre du rapport Charzat sur « l'attractivité économique de la France » a
plané plus d'une fois sur les débats dans notre hémicycle. Nous nous sommes
réjouis que le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement n'en retiennent
pas les conclusions dans la première partie de la loi de finances.
Pratiquer le
dumping
fiscal et le
dumping
social pour s'inscrire
dans la mondialisation capitaliste est à l'opposé de nos conceptions. Les
nombreuses interventions provenant de la majorité sénatoriale qui en ont fait
l'apologie ont eu le mérite de souligner la grande relativité du « patriotisme
économique » de certains acteurs de l'économie, notamment du côté du
capital.
L'attractivité de notre pays, c'est aussi la qualité de ses services publics,
le savoir-faire de ses salariés, la qualité de vie qu'il peut offrir.
Pour nous, la logique du rapport Charzat ne peut que déboucher sur un
renforcement de la course aux placements financiers, contre l'emploi et la
croissance, et cela aussi bien dans notre pays qu'ailleurs dans le monde. C'est
pourquoi il faut combattre cette logique tant en France qu'à l'échelon
international.
Nous avons également pu constater combien, pour la majorité sénatoriale,
l'argument des contraintes européennes, s'agissant notamment du pacte de
stabilité, fonctionnait à sens unique. Nous ne faisons pas un dogme du déficit
budgétaire mais nous savons que celui-ci peut être un utile instrument de
relance. Pourquoi sa réduction devrait-elle toujours se faire aux dépens des
dépenses publiques et sociales ? Pourquoi l'harmonisation européenne
n'impliquerait-elle pas, en France, la fin de l'avoir fiscal ou la baisse du
taux de TVA ?
Oui, chers collègues de la majorité sénatoriale, nos conceptions sont bien aux
antipodes des vôtres. Nous avons donc toutes les raisons de voter contre la
première partie de ce budget telle qu'elle ressort des travaux de la Haute
Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Au-delà du traditionnel débat budgétaire, les discussions menées sur la
première partie du projet de loi de finances pour 2002 auront été, cette année,
éclairantes quant aux prises de position et aux intentions des uns et des
autres à la veille d'une période chargée sur le plan électoral.
Le Gouvernement et les membres du groupe socialiste ont fait preuve, tout au
long de ce débat, d'une continuité dans les propositions qui permettait de
prolonger les mesures engagées depuis 1997. C'est le bilan du gouvernement de
Lionel Jospin que les Français jugeront dans quelques mois. En face, sur les
travées de la majorité sénatoriale, les violentes critiques proférées par bon
nombre d'intervenants masquaient fort mal une absence chronique de propositions
et d'idées.
A la clarté et à la continuité de l'action gouvernementale, la majorité
sénatoriale n'aura répondu que par l'opposition systématique et le non-dit. Au
volontarisme et à la détermination, elle n'aura répondu que par la frilosité et
le défaitisme.
Je me permettrai, dans cette intervention, de me référer à plusieurs reprises
aux récentes déclarations de notre collègue Philippe Auberger, député RPR, qui
a eu le mérite de dire tout haut ce que ses collègues du Sénat ont timidement
pensé tout bas.
Vous nous avez souvent parlé de croissance, monsieur le rapporteur général, et
c'est même son ralentissement actuel qui a justifié la plupart de vos
critiques. Mais souvenons-nous qu'en matière de croissance la droite est
orfèvre : entre 1993 et 1997, elle l'a largement étouffée par des hausses
d'impôts successives. Je m'en remets au jugement de M. Auberger, qui occupait à
l'époque, à l'Assemblée nationale, le poste qui est aujourd'hui le vôtre au
Sénat. Il déclarait en effet la semaine dernière à l'AFP, à propos des hausses
d'impôts : « On a constaté, notamment en 1995, que cela avait des effets
extrêmement négatifs sur la croissance. »
M. Didier Boulaud.
Quel aveu !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suppose que vous tronquez la citation, mon cher
collègue : vous ne lisez que ce qui vous intéresse !
M. Gérard Miquel.
Je lui donne volontiers acte de cette déclaration et je regrette aussi que
vous ne fassiez pas preuve de la même rigueur d'analyse. Mais je reviendrai sur
la déclaration de M. Auberger.
Le projet de budget pour 2002, au contraire, prolonge le mouvement de baisse
et de réforme des impôts. Un plan pluriannuel de baisses d'impôts pour un
montant total de 18,9 milliards d'euros a été annoncé en août 2000 et, en 2002,
l'allégement se montera donc à 6 milliards d'euros.
Depuis 1997, nous avons accéléré la croissance par notre politique de relance
du pouvoir d'achat et ainsi réalisé sur trois ans plus de trois points de plus
que les Anglais, les Allemands ou les Italiens.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Gérard Miquel.
Vous nous avez aussi souvent parlé de réduction de dépenses, monsieur le
rapporteur général. Vous n'avez d'ailleurs toujours pas répondu aux questions
de mes collègues, notamment à celles de Michel Dreyfus-Schmidt, concernant les
postes de la fonction publique que vous souhaitiez voir sacrifier sur cet
autel.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tous !
(Sourires.)
M. Didier Boulaud.
La « mauvaise graisse » de Juppé !
M. Gérard Miquel.
Vous y reviendrez, je l'espère, au cours de l'examen de la deuxième partie de
ce projet de loi de finances.
Quoi qu'il en soit, je m'inquiète par avance de la schizophrénie qui vous
guette, chers collègues de la majorité sénatoriale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Merci de votre sollicitude !
M. Gérard Miquel.
En effet, si, à Paris, vous demandez moins d'impôts et moins de charges, une
fois revenus dans vos départements, vous réclamez toujours plus d'enseignants,
plus de policiers, plus d'infirmières !
Mme Nicole Borvo.
Surtout des policiers et des greffiers !
M. Gérard Miquel.
Un peu de cohérence et de mesure !
Je pense que vous ferez encore une fois vôtres les propos de votre camarade
Philippe Auberger - j'aurais dû dire « compagnon » -...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais c'est aussi un camarade !
(Sourires.)
M. Gérard Miquel.
Alors, ma formule convenait !
... quand il propose de « différer les recrutements dans la fonction publique
» ou de « revoir le nombre d'emplois-jeunes et un certain nombre de dépenses
sociales comme la CMU ou l'allocation personnalisée d'autonomie ». N'ayez pas
honte de vos convictions, chers collègues, exprimez-les devant le Sénat ! Dites
clairement aux Français que, si la droite revenait au pouvoir,...
M. Didier Boulaud.
Ça !
M. Gérard Miquel.
... elle supprimerait les 35 heures, la CMU, les emplois-jeunes et
l'allocation personnalisée d'autonomie ! Ayez simplement le courage de vos
idées !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons dit que nous ferions des économies partout
!
M. Gérard Miquel.
La gauche n'a, elle, jamais triché avec les Français, et c'est de façon très
claire que nous nous situons dans une tout autre logique. Alors que vous
souhaitez moins de fonctionnaires, moins d'Etat, moins de régulation, ce budget
affirme la forte et nécessaire présence de l'Etat sur l'ensemble du territoire.
Il n'y a pas de double jeu, pas de démagogie ; il y a au contraire un
engagement clair pour la justice sociale, la solidarité et l'emploi.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Amen !
M. Gérard Miquel.
Ces choix budgétaires, jamais démentis depuis 1997, ont permis à notre pays de
bien résister aux soubresauts liés aux crises financières de 1998 et de 1999,
puis au ralentissement de l'économie américaine du début de cette année.
Vous n'avez eu de cesse, monsieur le rapporteur général, de nous faire
l'apologie des orientations d'inspiration « libérale » prises par certains de
nos partenaires. Regardez les chiffres, mon cher collègue ! Vous y verrez,
comme tous les observateurs, que la France a mieux réussi à renforcer sa
croissance, à relancer sa consommation, à réduire ses déficits et sa dette que
les pays qui avaient fait le choix de la politique moins volontariste et moins
ambitieuse que vous défendez.
M. Didier Boulaud.
Très bien !
M. Gérard Miquel.
C'est avec confiance et, je dois le dire, avec fierté que nous réaffirmons nos
choix et maintenons nos priorités dans le budget pour 2002 : l'emploi et le
partage des fruits de la croissance, la sécurité et la justice, l'éducation
nationale et la formation, le développement durable et la protection de
l'environnement.
Vos interventions se sont situées sur un tout autre registre, privilégiant les
plus aisés, tournant le dos aux principales attentes des Français et rejetant
systématiquement toutes les avancées sociales.
« Faire ce que l'on dit et dire ce que l'on fait » : cette formule énoncée en
1997 par Lionel Jospin prend aujourd'hui tout son sens.
Vous vous enfoncez, vous, dans un double langage et un conservatisme que je
crois dévastateur pour la France. Nous persévérons, nous, dans une démarche de
transparence et de volontarisme.
Ces valeurs inspiraient le projet de loi de finances qui nous était présenté
par le Gouvernement, mais les nombreuses dénaturations que vous lui avez fait
subir ne nous permettent plus de le voter (
Très bien ! et applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ce cinquième budget de la législature est, en vérité, le plus irréel de ceux
qui nous ont été présentés par le Gouvernement de M. Jospin, et M. le
rapporteur général a eu tout à fait raison de parler à son sujet de « grande
illusion ».
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au travail remarquable qui a été effectué
par la commission des finances, en particulier par son président et son
rapporteur général, et à rappeler que le groupe des Républicains et
Indépendants a apporté, tout au long de cette discussion son soutien résolu aux
propositions qu'ils nous ont soumises.
Cinquième budget de la législature, ce budget est aussi le premier budget
exprimé en euros. Or rien n'est fait pour réussir le passage à la nouvelle
monnaie.
Je ne reviens ni sur les petites anomalies des arrondis systématiquement
opérés au détriment des contribuables ni sur la « mini-cagnotte » de 5
milliards de francs qu'on aurait pu employer à réduire le déficit. Car il y a
bien plus grave : rien n'est entrepris pour réduire les handicaps financiers de
notre pays dans la construction européenne. Les engagements pris à travers le
pacte de stabilité ne sont même pas tenus ! Les dépenses et le déficit
augmentent plus vite que prévu ; l'endettement public se creuse.
Les cinq budgets de cette législature auraient pu permettre à notre pays de
commencer à surmonter un certain nombre de handicaps financiers, de consolider
notre position par rapport aux grands pays européens. Hélas ! ce n'est pas la
voie qui a été choisie.
Le rapport Charzat contenait à cet égard des propositions tout à fait
réalistes et sérieuses, comme l'a souligné notre collègue André Ferrand. Mais
rien n'a été fait pour améliorer la situation des investisseurs et des
entrepreneurs, pour renforcer la compétitivité de la France face à l'ensemble
européen.
Notre collègue Gérard Miquel a fort justement rappelé que ce budget
intervenait juste avant des échéances électorales importantes. De fait, cette
première partie du projet de loi de finances révèle, en bien des points, son
caractère fâcheusement électoraliste.
C'est d'abord un déficit en progression, qui atteint 30 milliards d'euros et
qui traduit bien la conception laxiste du Gouvernement en matière budgétaire.
C'est ensuite le recrutement de 16 000 fonctionnaires supplémentaires. C'est
encore le renouvellement de toute une série de cadeaux fiscaux.
Quant à l'expédient des recettes non fiscales, il est tout à fait
insupportable : combien de ponctions sur divers organismes et sur les
entreprises ! Plus de 5,7 milliards d'euros sont trouvés grâce à des recettes
de circonstances, qui évitent de poser la vraie question de l'équilibre
budgétaire par la maîtrise de dépenses publiques.
Tous ces éléments me conduisent à exprimer une très grande inquiétude quant à
l'avenir budgétaire de notre pays, après cinq budgets qui auront été autant
d'occasions manquées.
Avec ce budget pour 2002, budget irréel, vous allez léguer à vos successeurs,
madame le secrétaire d'Etat, une situation financière que je considère
personnellement comme inextricable.
La baisse des investissements civils, année après année, que mon collègue
Roland du Luart a déjà dénoncée, compromet les chances de l'Etat et des
collectivités locales de réaliser les projets nécessaires au développement
économique.
De même, le budget de l'équipement militaire est sacrifié. Quand il faudra
faire une nouvelle loi de programmation militaire, on verra les difficultés,
éprouvées pour rétablir le budget d'équipement militaire à un niveau suffisant
par rapport aux impératifs de défense.
M. le rapporteur général a consacré un chapitre de son rapport aux rigidités
structurelles du budget, aggravées en 2002, comme elles l'ont été tout au long
des quatre derniers exercices budgétaires. C'est là un héritage - si j'ose dire
! - tout à fait insupportable qui rendra la gestion ultérieure très
difficile.
Si la réforme fiscale a été souvent évoquée, rien n'a été fait. Aucune réforme
fiscale d'envergure n'a été engagée. Et puis, même si on a peut-être abusé du
terme, combien de « bombes à retardement » dont il faudra trouver un
financement, loin d'être assuré aujourd'hui : les 35 heures, les
emplois-jeunes, le système des retraites, l'effet « boule de neige » de
l'endettement qui s'accroît. Ce sont autant de nécessités, d'impératifs
budgétaires, de charges transmises aux générations futures, qui pèseront sur
l'élaboration des budgets à venir.
Voilà pourquoi, en se plaçant dans cette analyse de la réalité - ou plutôt de
l'irréalité ! - de ce budget de l'an 2002, en dénonçant ses aspects
électoralistes, en voyant, dans un esprit prospectif, combien il compromet les
chances de notre pays à l'intérieur de la construction européenne, le groupe
des Républicains et Indépendants soutient les propositions de la commission des
finances. Il votera la première partie de ce budget, telle qu'elle est amendée
à l'issue de nos débats.
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
avons tous constaté la très fréquente incompatibilité entre la position
gouvernementale et les propositions faites par la majorité sénatoriale.
Deux philosophies se sont affrontées : d'une part, celle du Gouvernement,
selon laquelle on peut présenter un projet de budget, de l'opinion de tous,
beaucoup trop optimiste, voire surréaliste, dans un contexte de croissance
défavorable ; d'autre part, celle de la majorité sénatoriale et de la
commission des finances, selon laquelle il est très imprudent de se laisser
bercer par une quadruple illusion : la croissance, une baisse fictive des
impôts, la maîtrise des dépenses publiques et la convergence européenne.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous invite à vous interroger. Pourquoi la
France est-elle un des pays de l'Union européenne où la dépense publique et la
pression fiscale sont parmi les plus élevées ?
Corrélativement, interrogez-vous sur l'opposition quasi constante entre vos
propositions et celles de la commission des finances, qui sont argumentées,
sans
a priori
et dénuées de pressions électoralistes.
Il est évident que, en majorant ses dépenses prévues dans la deuxième partie
du projet de loi de finances, la France se maintiendra - hélas ! - toujours en
tête des grands pays industrialisés pour la dépense publique et la lourdeur des
prélèvements obligatoires.
C'est pourquoi il faut souligner l'action de la commission des finances du
Sénat, qui s'est inscrite en faveur d'une diminution générale du poids
fiscal.
M. Jean Arthuis.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Comme l'a énoncé clairement M. le président Lambert, pour réduire les impôts
de façon effective, il faut avoir le courage de s'attaquer aux dépenses, à
toutes les dépenses, pas seulement à quelques dépenses non répétitives, mais
aux dépenses structurelles.
Cet avis n'a pas été suivi. Le Gouvernement a, une fois de plus, financé le
fonctionnement du présent aux dépens des investissements de l'avenir.
Le débat a permis, au sein de notre assemblée, d'alimenter la réflexion sur
l'ensemble des domaines de la fiscalité. Qu'il s'agisse de celle des personnes
ou de celle des entreprises, notre devoir est d'attirer l'attention de nos
concitoyens sur l'exception fiscale française.
Mais, en dépit des quelques améliorations apportées par le Sénat, l'urgence de
la situation préconise d'autres réformes pour valoriser l'activité et pour
inciter au travail et à l'investissement. La liste des nouvelles mesures
fiscales vitales pour notre pays est loin d'être exhaustive.
Ces divergences ont conduit les membres du groupe du Rassemblement
démocratique et social européen à s'exprimer différemment. D'un côté, les
sénateurs radicaux de gauche entendent donner la priorité aux options
gouvernementales ; de l'autre, la majorité du groupe approuve les propositions
de la commission des finances, très clairement présentées par son président et
par son rapporteur général, ainsi que les modifications apportées par la
majorité sénatoriale.
Certes, on peut déjà prévoir que, lors d'une prochaine lecture, l'Assemblée
nationale balaiera la plupart de nos amendements. Néanmoins, nous souhaitons
sincèrement que le Gouvernement comprenne qu'un baisse timide et désordonnée
des prélèvements, sans ligne directrice, sans volonté de réformer notre système
fiscal, constitue une solution insatisfaisante.
C'est tout le contraire qu'attendent nos concitoyens, qui n'acceptent plus des
prélèvements confiscatoires. Ils n'admettent pas davantage que le pays ne soit
pas géré avec le bon sens qu'ils appliquent quand il s'agit de leur propre
budget.
Ce n'est pas l'idéologie, mais c'est une économie saine qui permettra les
réformes indispensables. C'est pourquoi je reste persuadé que le président et
le rapporteur général de la commission des finances du Sénat nous ont proposé
ce soir la seule voie possible, celle du courage et de la responsabilité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Sénat achève l'examen des articles du volet « recettes » du projet de finances
pour 2002.
Mes premiers mots iront au rapporteur général et au président de notre
commission des finances, nos collègues Philippe Marini et Alain Lambert, pour
la qualité de leurs travaux et de leurs propositions, qui nous ont permis de
débattre dans des conditions optimales du projet de budget.
Notre rapporteur général a qualifié ce budget de « grande illusion ». Nous le
suivons tout à fait dans cette voie. Mes collègues Alain Joyandet et Jacques
Oudin ont rappelé le décalage de plus de un point de PIB qui existe maintenant
entre la prévision de croissance sur laquelle ce budget a été élaboré et la
moyenne des conjoncturistes.
Or, un budget construit sur des prévisions irréalistes se traduit par une
surestimation des recettes, une sous-estimation des dépenses et un déficit
budgétaire prévisionnel également sous-estimé.
C'est donc bien la sincérité du projet de loi de finances qui est mise en
cause, alors que celle-ci figure parmi les principes affirmés dans la loi
organique votée au printemps dernier.
Le Gouvernement ne parvient à poursuivre son plan de baisses des impôts qu'au
seul prix d'acrobaties avec les principes du droit budgétaire. Cette réduction
pérenne est en effet gagée sur une augmentation sans précédent des recettes non
fiscales qui ne pourront jouer qu'une seule fois.
La situation n'est pas aussi idyllique que le prétend le Gouvernement : depuis
1997, sont intervenues dix-neuf créations de taxes et impôts et la fiscalité
existante a été augmenté à trente reprises. Les suppressions dont parle le
Gouvernement portent, pour les plus importantes d'entre elles, sur la fiscalité
locale. L'Etat devant compenser les pertes de recettes des collectivités
locales, c'est un jeu à somme nulle pour les contribuables.
Nous avons également montré que le Gouvernement ne maîtrise pas les dépenses
publiques. Plus de 70 % de la hausse des dépenses sur la période 1997 à 2001
sont imputables aux dépenses de la fonction publique. Pour 2002, avec le
recrutement de 15 692 personnes supplémentaires, la titularisation de 11 000
contractuels et le remplacement des 54 700 départs à la retraite, où sont
passées les promesses du Premier ministre de 1997 ?
Le Gouvernement a de nouveau demandé sur quels points nous souhaitions faire
porter les efforts de réduction des dépenses publiques. Nous l'avons interrogé
pour savoir ce qui justifiait que près de 50 000 personnels de l'éducation
nationale rémunérés en tant qu'enseignants ne voyaient jamais un élève. Nous
répétons qu'il s'agit non pas de fermer des classes ou de recruter des
personnels supplémentaires, mais simplement de faire enseigner les
enseingants.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Eh oui !
M. Gérard Braun.
Alors que le budget pour 2001 aura un déficit en exécution supérieur aux
prévisions initiales et que le projet de budget pour 2002 affiche un déficit en
augmentation par rapport à la loi de finances initiale de cette année - ce qui
n'était pas arrivé depuis un certain temps - nous savons maintenant que le
programme pluriannuel, pour parvenir à l'équilibre budgétaire en 2004, ne sera
pas respecté. En effet, le Gouvernement a demandé une année supplémentaire, ce
qui nous semble encore bien optimiste au regard des dépenses non financées ou
sous-estimées qu'il conviendra de prendre en compte dès l'an prochain.
Les dérapages des déficits publics auront, bien entendu, une conséquence
directe sur l'aggravation de la dette publique. En quatre ans, celle-ci aura
augmenté de plus de 152,45 milliards d'euros, soit 1 000 milliards de francs,
et son remboursement devient le deuxième poste budgétaire de l'Etat.
A celle-ci, il conviendrait d'ajouter les engagements « hors-bilan »,
notamment l'impasse des retraites dans la fonction publique dont le coût est
estimé entre 595 milliards et 685 milliards d'euros, c'est-à-dire le montant de
la dette négociable de l'Etat.
Mme le secrétaire d'Etat a dit que nous escamotions la situation que le
Gouvernement avait trouvée en 1997, au motif que celle-ci nous serait
douloureuse. Comparons 1993 et 1997 en prenant comme source incontestable le
rapport Raynaud et l'audit Bonnet-Nasse.
En 1993, le gouvernement Balladur a été confronté à un déficit de 350
milliards de francs, soit plus de deux fois la prévision du projet de loi de
finances pour 1993. La sécurité sociale était en déficit de 110 milliards de
francs et l'UNEDIC de 35 milliards de francs. Au total, les déficits publics
représentaient 6,4 % du PIB.
En 1997, le Gouvernement actuel a trouvé un déficit de la sécurité sociale
divisé par deux, l'UNEDIC en excédent et des déficits publics ramenés à 3,5 %
du produit intérieur brut. En suivant le même rythme qu'entre 1993 et 1997, le
Gouvernement aurait amené la France à l'équilibre budgétaire.
Pour ce qui est de la fiscalité des personnes, nous avons souhaité affirmer à
nouveau notre attachement à une réforme de l'impôt sur le revenu en faveur des
familles. Force est de constater que telle n'est pas l'opinion défendue par le
Gouvernement et sa majorité, qui ont refusé d'adopter des solutions concrètes
permettant aux parents qui travaillent de faire garder leurs enfants de moins
de trois ans.
La fiscalité des personnes atteint aujourd'hui des niveaux confiscatoires, qui
sont à l'évidence à l'origine du départ de nombreux compatriotes vers
l'étranger comme l'ont bien démontré dans leurs rapports le député Michel
Charzat, ainsi que nos collègues André Ferrand et Denis Badré.
Le rapport remis par Michel Charzat au Premier ministre contenait de bien
intéressantes propositions pour améliorer l'attractivité de notre pays.
Beaucoup d'espoirs sont apparus à ce moment, mais le Gouvernement a tout
enterré à la demande expresse de certains de ses alliés qui le menaçaient des
pires rétorsions. Nous nous félicitons que le Sénat ait suivi la commission des
finances qui lui proposait de reprendre certaines de ces dispositions.
Le débat que nous avons eu sur la taxe sur la valeur ajoutée a été très
instructif, puisque M. le ministre de l'économie nous a communiqué les plus
récentes réflexions de la Commission européenne.
L'expérimentation de l'application du taux réduit pour les travaux à forte
intensité de main-d'oeuvre se poursuit pour une année supplémentaire.
Ayant reconnu qu'il y a des anomalies dans la répartition sectorielle des taux
de niveau différent, la Commission a émis l'idée d'un double taux réduit, l'un
autour de 5 % pour les biens de première nécessité, l'autre de 10 % à 12 %,
pour les biens ou services que les gouvernements nationaux souhaitent aider
dans le cadre de leurs politiques fiscales. Le Gouvernement a annoncé qu'il
associera le Parlement à la préparation de la position française. Nous nous en
félicitons et le Sénat y prendra toute sa part.
A l'occasion de l'examen des amendements de notre collègue Janine Rozier
relatifs à la conversion de francs en euros de certaines sommes figurant dans
le code général des impôts, le Gouvernement a renvoyé l'examen de ce sujet à
l'article 27 du collectif budgétaire qui viendra bientôt devant le Sénat.
Comme l'a souligné le rapporteur général, les débats qui se sont déroulés à
cette occasion nous ont permis d'examiner le bénéfice exceptionnel de 3,5
milliards de francs sur le compte d'émission des monnaies métalliques et de 1,5
milliard de francs sur le budget général, dont bénéficiera le Gouvernerment en
2002.
Enfin, le débat sur les recettes des collectivités territoriales a été
particulièrement fructueux et approfondi. Mon collègue Eric Doligé a regretté
la perte continue de l'autonomie financière des collectivités locales.
Les charges supplémentaires transférées par l'Etat sont peu ou non compensées.
« L'esprit de décentralisation est en péril », nous a dit notre collègue
Bernard Murat avec raison.
Pour sa part, Jean-René Lecerf a tenu à nous mettre en garde quant au danger
de laisser les communes exsangues sous prétexte de solidarité politique. Il
faut conserver la complémentarité entre intercommunalité et communes.
Le Sénat a eu un comportement responsable tout au long de ces débats.
L'inconnue majeure quant à la situation économique de la France en 2002 incite
à la prudence.
Afin de ne pas peser sur l'équilibre budgétaire, nous avons tenu à retirer la
plus grande partie de nos amendements. Ceux d'entre eux qui constituent des
signaux politiques forts seront déposés à nouveau en deuxième partie.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera la première partie du
budget pour 2002 dans le texte qui résulte de nos travaux.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une
fois de plus nous venons de vivre un débat intéressant et constructif.
Le Gouvernement a écouté les propositions du Sénat sur les principaux aspects
de la fiscalité, malheureusement sans y souscrire.
Dans la discussion générale, M. Denis Badré a exprimé le regret que le projet
de loi de finances ni dans sa présentation ni dans son contenu ne mette la
France en ordre de bataille face à la mondialisation.
Madame le secrétaire d'Etat, vous avez pu constater la volonté qui est la
nôtre de voir la fiscalité évoluer dans le sens de plus de justice et de plus
d'efficacité.
Ainsi, à propos de la taxe sur les salaires, impôt archaïque et
antiéconomique, une très large majorité des sénateurs s'est exprimée en faveur
de sa réduction, voire de sa disparition à terme. Nous avons finalement voté
l'amendement de notre commission des finances baissant d'un point le taux
réduit, ce qui représente une première avancée positive.
Sur la TVA, nous avons eu un débat particulièrement constructif. Le Sénat
s'est exprimé très clairement en faveur d'un allégement de cet impôt qui
constituerait à la fois une incitation forte à la consommation et une aide à
l'investissement en faveur de certains secteurs fortement porteurs d'emplois
comme l'hôtellerie ou la restauration.
Je souhaite, avec l'ensemble de mes collègues, que l'Assemblée nationale se
joigne à notre démarche et vous donne mandat, madame le secrétaire d'Etat, pour
faire évoluer les choses. Vous pouvez le faire à travers l'article 28 de la
sixième directive qui prévoit des dérogations transitoires. Par ailleurs, rien
ne nous empêche au niveau « franco-français » d'appliquer des baisses ciblées,
comme vous l'avez déjà fait, lorsqu'elles sont eurocompatibles.
Tout est affaire de volonté politique. Certes, on ne peut pas tout faire en
même temps, les contraintes budgétaires sont fortes, mais des avancées
concrètes sont possibles. Je regrette, à cet égard, l'attentisme du
Gouvernement.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et de la mission sénatoriale sur
l'expatriation ont déposé et défendu une série d'amendements. Un certain nombre
d'entre eux ont été adoptés par le Sénat dans cette première partie du budget
ou ont été satisfaits par le vote d'amendements de la commission des
finances.
Ces amendements allaient dans trois grandes directions : l'amélioration de la
compétitivité de notre pays, s'agissant de la taxe sur les salaires ou de l'ISF
; la protection de l'environnement, avec la création d'un crédit d'impôt de 30
000 euros à destination des éleveurs ; la justice et la simplification
fiscales, avec une réduction significative des intérêts de retard versés au
Trésor public lorsque le contribuable est de bonne foi, la baisse de la TVA et
de la taxe professionnelle frappant les professions libérales ainsi que
diverses mesures en faveur de l'agriculture en difficulté et du monde rural en
général.
Par ailleurs, nous avons rétabli avec vigueur les recettes des collectivités
locales qui permettront d'atténuer les dépenses nouvelles dues aux charges qui
ont été imposées du fait de transferts par l'Etat.
Nous avons ainsi répondu à un certain nombre d'interrogations des
collectivités locales, de nos concitoyens et de l'ensemble de ceux qui,
aujourd'hui, ont besoin de connaître, à travers cette loi de finances, un
certain nombre d'améliorations et de modernisations.
Il me reste à rendre hommage à ce qui a été fait par la commission des
finances, par son président, M. Alain Lambert, et son rapporteur général, M.
Philippe Marini, et à les remercier pour leur écoute. (
Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.
)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Mon propos sera bref, car j'ai bien conscience qu'à
cette heure chacun aspire à faire autre chose. Par ailleurs, il n'est pas de
tradition que le Gouvernement revienne sur le fond des débats à ce stade de la
discussion.
Je veux cependant à mon tour remercier l'ensemble des acteurs et des
protagonistes qui ont concouru à cet exercice aussi rituel qu'essentiel au bon
fonctionnement de nos institutions.
Mes remerciements s'adresseront, d'abord, comme il se doit, à vous-même,
monsieur le président, ainsi qu'à vos services.
Ils s'adressent aussi, bien évidemment, à M. le président de la commission des
finances, que j'apprécie, il le sait. (
Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.
)
Je remercie également M. le rapporteur général, qui a été fidèle à lui-même,
constant, et avec qui j'ai pu échanger des arguments sur différents modes,
souriant, bougon, taquin et parfois fâché, ainsi que tous les membres de la
commission des finances et leurs collaborateurs.
Je remercie enfin l'ensemble des sénateurs qui ont participé à ces débats
depuis une semaine. Vous me permettrez d'avoir une pensée particulière pour
celles et ceux qui vous ont récemment rejoints et qui sont particulièrement
nombreuses, ce soir, du côté gauche de l'hémicycle.
(Exclamations amusées
sur les travées du groupe communiste republicain et citoyen.)
J'ai aussi une pensée, bien sûr, pour mes collaborateurs qui sont peut-être, à
ce stade de la discussion, un peu moins nombreux, mais qui ont été présents de
manière constante et fidèle tout au long de ces débats et dont, je crois, les
qualités professionnelles et personnelles sont appréciées de tous.
Nos débats ont finalement été sans surprises. Nous avons appris à nous
connaître. Ils ont été souvent chaleureux, francs aussi, et parfois rugueux.
J'ai pu mesurer, si je puis dire, le sens de la mesure et la cohérence de
certains d'entre vous. Nous en avons encore eu des illustrations au cours des
explications de vote, du côté droit de l'hémicycle.
J'ai remarqué, tout au long de la discussion de la première partie du projet
de budget, que, cette année, le Sénat voyait loin. J'ai noté que la majorité
sénatoriale avait, cette fois-ci, choisi de ne pas afficher toutes ses
ambitions réformatrices pour la seule année prochaine et qu'elle en avait gardé
de nombreuses, et de très chères, pour 2003.
Est-ce pour avoir le temps d'y réfléchir de manière plus approfondie ou est-ce
la contagion du principe de précaution ? Nous verrons en deuxième partie ! Pour
ma part, je vous y donne rendez-vous avec une certaine gourmandise tant j'ai
hâte d'avoir la réponse à ma question et tant j'ai hâte, monsieur le rapporteur
général, de sortir de la petite illusion dans laquelle vous nous entretenez,
nous tous ici, mais aussi tous nos concitoyens.
Pour ma part, je vous dis « à vendredi », car je crois que nous avons
rendez-vous sur le budget des services financiers.
(Applaudissements.)
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, le Sénat a été sensible à vos remerciements.
Permettez-moi par ailleurs de m'associer à ceux que vous ont adressés M. le
rapporteur général et M. le président de la commission des finances.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances
pour 2002.
Je rappelle que, en application des articles 47
bis
et 59 du règlement,
il est procédé de droit à un scrutin public ordinaire lors du vote sur
l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances de l'année.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin est ouvert.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 207 |
Contre | 112 |
3