SEANCE DU 29 MARS 2001


M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui sait bien que la société de l'information repose, en grande partie, sur l'industrie des télécommunications et que la croissance de la France dépend beaucoup de cet ensemble.
Lors des débats sur la loi de finances de 2001, j'avais trouvé excessive la ponction sur ce secteur industriel dont dépend énormément la croissance.
Je procède, pour le compte de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, à des auditions en France et à l'étranger. Je constate que la mise aux enchères de certaines bandes de fréquence en Grande-Bretagne et en Allemagne ainsi que le coût excessif des licences en France ont déjà causé de grands dégâts. Les industriels européens sont atterrés. Les gouvernements ont parfois déjà perdu des sommes considérables, et pas seulement en matière fiscale, comme l'Etat français, actionnaire de France Télécom, qui a perdu l'équivalent de près de vingt ans de budget de plusieurs ministères, dont celui de l'industrie.
A Helsinki, le Premier ministre et le président du patronat finlandais m'ont fait part de leur vive inquiétude. A Munich, la semaine dernière, le président de Siemens a fait de même. Lors d'une audition collective au Sénat, le 21 mars dernier, tous les régulateurs et les industriels présents cherchaient une issue rapide et appelaient des initiatives. Le commissaire Liikanen, dans une interview au journal Le Monde , le même jour, évoquait de nouvelles initiatives de la Commission.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne conviendrait-il que la France prenne d'urgence une initiative concrète, sans attendre un projet de directive qui, de toute façon, mettrait longtemps à sortir ?
Pouvez-vous intervenir pour faire naître une concertation renforcée entre organismes régulateurs nationaux et préparer de façon démocratique une organisation de l'espace européen des ondes électromagnétiques, questions, qui, malheureusement, n'ont pas été évoquées - du moins si j'en juge par la lecture du compte rendu - lors du Conseil des ministres de Stockholm des 23 et 24 mars derniers ?
L'optimisation de l'usage du spectre des fréquences en France mérite une mobilisation forte de la patrie de Branly, lui qui, dès 1890, constatait l'effet électromagnétique à distance et réalisait la première liaison radio entre la toute jeune tour Eiffel et le Panthéon, voilà plus d'un siècle.
Faut-il aller en Europe vers une forme de FCC, de Federal commission of communication à l'américaine, ou vers une structure plus souple ? Il faut en débattre.
M. Roland Courteau. La question !
M. Pierre Laffitte. Quelles sont les ouvertures sur ce débat, nécessaire au niveau européen comme français ? Le débat démocratique associant monde économique et Parlement, dont l'importance est essentielle, devrait s'instaurer. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Depuis l'attribution des premières licences UMTS, au printemps 2000, les conditions économiques du secteur ont considérablement évolué puisque les valorisations des opérateurs ont baissé, pour ne pas dire, pour certains, fondu. De ce fait, le coût total des licences UMTS a provoqué un endettement très important des opérateurs.
Je veux être très clair sur ce point : malgré les incertitudes que fait peser cette situation économique nouvelle, la France et le Gouvernement croient en la technologique UMTS, qui, d'une part, repose sur des bases technologies solides et, d'autre part, appelle la création de services aux consommateurs très diversifiés et très nombreux.
Pour rétablir totalement la confiance dans le système UMTS, la Commission a adopté une communication dans laquelle elle esquisse quelques propositions qui doivent, à mon sens, faire l'objet d'un examen approfondi par les Etats membres. C'est ce que fera mardi prochain le conseil « Télécom », à Luxembourg, auquel je participerai.
Mais il sera difficile de changer les règles du jeu en cours de partie et de revenir sur des licences déjà attribuées ou en cours d'attribution en Europe ! J'évoquerai cette question, demain matin, avec le commissaire européen, M. Erkki Liikanen, qui viendra me rencontrer à Paris.
Vous proposez par ailleurs un débat au Parlement sur l'optimisation du spectre hertzien ; j'y suis naturellement favorable. La numérisation du spectre hertzien sur la télévision numérique hertzienne de terre sera d'ailleurs une bonne occasion d'élargir le débat. Elle permettra en effet une meilleure optimisation du spectre, libérant ainsi des fréquences qui pourraient servir à de nouveaux services de télécommunications. Car le problème des télécommunications est autant celui de la multiplicité des services proposés aux consommateurs que celui de la seule technologie « dure ».
Il faut cependant rappeler, et ce sera ma conclusion, que l'affectation des fréquences à tel ou tel usage découle de discussions internationales, par exemple de la Conférence européenne des postes et télécommunications, de la Conférence mondiale des radiocommunications ou encore de l'Union internationale des télécommunications.
Notre marge de manoeuvre est limitée, mais nous devrons utiliser au maximum les atouts de la France pour la valoriser ; pourquoi pas, d'ailleurs, en proposant, comme vous le faites, une sorte de coordination informelle des régulateurs qui viendrait à l'appui de la ferme volonté du Gouvernement français de mener dans de meilleures conditions l'action européenne pour développer toutes les potentialités de l'UMTS ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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