SEANCE DU 29 MARS 2001
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Si ma question s'adresse à vous, madame la secrétaire d'Etat au budget, c'est
qu'un aspect fondamental des crises à répétition qui frappent tous les acteurs
de l'économie rurale a été passé sous silence.
Vous n'avez tiré aucun enseignement de la gestion fiscale de la crise de
l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, qui n'est pas terminée et qui
s'est révélée catastrophique.
En effet, malgré la compréhension affichée et les promesses faites par le
ministre de l'agriculture dans cette enceinte, le 7 décembre dernier, les
éleveurs ont été gravement pénalisés par une fiscalité lourde et inadaptée
puisque les indemnisations qu'ils ont reçues, en cas d'abattage des troupeaux,
ont été intégrées à l'assiette de l'impôt sur le revenu.
M. Henri de Raincourt.
Incroyable !
M. Daniel Goulet.
Les exonérations votées ici même n'ont été
in fine
que des mesures
d'étalement classiques, sans commune mesure avec la gravité de la situation des
éleveurs, décevant ainsi leur attente.
L'Etat a donc repris d'une main ce qu'il avait chichement consenti à donner de
l'autre.
Aujourd'hui, la crise de la fièvre aphteuse, qui a touché en priorité la
Mayenne et l'Orne, déborde ces départements pour s'étendre à l'ensemble du
territoire français, soumettant le pays à un embargo général dont les effets
sur le plan économique sont catastrophiques.
Tous les maillons de la chaîne sont touchés de façon grave et durable, y
compris les industries agroalimentaires, viandes et produits laitiers
confondus.
Comment gérer les stocks et leurs destructions prévisibles ? Comment gérer les
cheptels dévalorisés ? Comment aider à la renégociation des prêts en cours ?
Comment gérer le tourisme d'une région mise en quarantaine ? Comment faire face
aux pertes d'exploitation, aux licenciements économiques, aux fermetures de
sites, avec leurs cortèges de drames humains et leurs répercussions sur les
autres acteurs de la vie économique ? Et ce n'est pas - bien que ce soit une
bonne idée - le « M. fièvre aphteuse » dépêché sur les lieux qui apportera
toutes les réponses appropriées !
Nous ne ferons pas, monsieur le président, mes chers collègues, mesdames,
messieurs les membres du Gouvernement, l'économie d'un débat national, qui
devra s'achever par le vote d'une loi spécifique,...
M. le président.
Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Daniel Goulet.
... car je ne crois pas que des dispositions dans une loi de finances
rectificative soient suffisantes. C'est bien là le fond de la question.
Plusieurs sénateurs socialistes.
La question !
M. Jacques Mahéas.
C'est un pamphlet inutile !
M. Daniel Goulet.
Alors, madame la secrétaire d'Etat, serions-nous moins imaginatifs et moins
européens que nos collègues italiens, qui ont décidé une suspension de toutes
les impositions à l'adresse de leurs agriculteurs ?
Par souci de crédibilité et compte tenu de l'enjeu, nous attendons, madame la
secrétaire d'Etat, des actes et des mesures concrètes, fortes, significatives.
Il y a urgence, après ce terrible séisme que constitue l'embargo.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, je vais essayer de
répondre dans le temps qui m'est imparti, mais je sollicite par avance votre
indulgence, car la question posée mérite une réponse détaillée.
Monsieur le sénateur, ne faisons pas d'un sujet aussi terrible sur les plans
humain, social et économique un sujet de discorde politicienne entre nous.
Votre interpellation est tout à fait légitime, et tous les élus, qu'ils soient
de gauche ou de droite, partagent votre préoccupation. L'exigence qu'ils
expriment traduit ce que ressentent les éleveurs et leurs familles.
Le Parlement, dans son ensemble, s'est saisi de la question du traitement
fiscal des indemnités versées aux agriculteurs dont les bêtes avaient été
abattues au titre des mesures prises pour lutter contre l'ESB, et j'ai bien en
tête les débats que nous avons eus ici même au mois de décembre dernier.
Pourquoi la solution d'exonération, que préconisait la Haute Assemblée,
n'était-elle pas la bonne, comme l'a plus tard confirmé l'Assemblée nationale
lorsque nous avons débattu en dernière lecture de la loi de finances pour 2001
?
Parce que, si - chacun peut le comprendre - l'abattage entraîne évidemment une
perte, l'indemnité compense cette perte. Les deux doivent être pris en compte.
C'est logique, car si l'on ne comptabilise pas l'indemnité qui a effectivement
été touchée, on ne laisse dans les comptes que la perte, et cela ne correspond
pas à la réalité.
C'est aussi une question d'égalité des citoyens devant la loi, car les
événements naturels qui frappent les agriculteurs, les commerçants, les
artisans ou les industriels ne sont, hélas ! plus rares.
Analysons concrètement les différents cas de figure.
Il y a, d'abord, les agriculteurs qui sont au régime du forfait. Ils sont très
nombreux. Ce sont les plus modestes. Eux ne subissent aucune conséquence
fiscale du fait de la perception des indemnités. C'est dû à la nature même de
leur régime, dans lequel le résultat est fixé forfaitairement et annuellement,
en concertation avec l'administration et les organismes représentatifs du monde
agricole.
Pour les autres, il y aura malheureusement, bien souvent, une perte, même
après indemnité, car à la perte du capital s'ajoute une perte d'exploitation.
Cela étant, il n'y a évidemment pas d'impôt à acquitter sur une perte. Celle-ci
se reporte, au contraire, sur les revenus des années ultérieures.
Enfin, il y a le cas, qui peut se produire, en effet, parce que les indemnités
ont été heureusement calculées de manière large, où le résultat de l'exploitant
reste positif.
Si rien n'avait été fait à la fin de l'année 2000, il y aurait effectivement
eu un problème pour les exploitants concernés, dans la mesure où l'impôt aurait
pu, alors, peser très lourdement.
Nous avons donc retenu, dans l'article 15 de la loi de finances pour 2001, le
mécanisme le plus avantageux possible.
D'abord, nous avons prévu l'étalement sur sept ans - ce n'est pas, monsieur le
sénateur, un étalement banal ! - de l'éventuel résultat positif dégagé l'année
de versement des indemnités. Cela permet, en pratique, de ne prendre en compte
des fractions de ce résultat qu'au fur et à mesure que l'activité se
restaure.
Ensuite, nous avons appliqué le système dit du quotient, qui permet d'atténuer
la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu.
Je tiens à dire que ce dispositif global a été préparé par le Gouvernement et
proposé au Parlement après une étroite concertation avec les fédérations
professionnelles.
Aujourd'hui, alors que nous sommes tous confrontés à la crise de la fièvre
aphteuse, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous annoncer très
solennellement que cette mesure fiscale sera, bien évidemment, étendue aux
indemnités perçues pour la fièvre aphteuse. Le Parlement en sera saisi dans le
projet de loi de finances pour 2002, en temps utile, donc pour les déclarations
afférentes à l'année 2001.
Je termine en rappelant que tous les services des impôts, tous les comptables
publics savent, comme ils ont toujours su le faire en pareilles circonstances,
accueillir avec le maximum d'écoute et de compréhension tous les agriculteurs
mis en difficulté et qui ne peuvent pas faire face à leurs échéances.
J'espère, monsieur le sénateur, avoir ainsi répondu à votre question.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, chacun comprendra que, compte tenu de l'importance du
sujet, j'aie laissé Mme le secrétaire d'Etat dépasser quelque peu le temps de
parole qui lui était imparti.
ATTRIBUTION DES LICENCES UMTS