SEANCE DU 28 MARS 2001
M. le président.
« Art. 6. - L'article L. 2212-7 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-7
. - Si la femme est mineure non émancipée, le
consentement de l'un des titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant,
du représentant légal est recueilli. Ce consentement est joint à la demande
qu'elle présente au médecin en dehors de la présence de toute autre
personne.
« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit
s'efforcer, dans son intérêt, d'obtenir son consentement pour que le ou les
titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal
soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de
l'entretien mentionné à l'article L. 2212-4.
« Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche, ou si le consentement
n'est pas obtenu, l'interruption de grossesse ainsi que les soins qui lui sont
liés peuvent être pratiqués à la demande de l'intéressée, présentée dans les
conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, la mineure se fait
accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.
« Après l'intervention, une deuxième consultation, ayant notamment pour but
une nouvelle information sur la contraception, sera obligatoirement proposée
aux mineures. »
Sur l'article, la parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Quoi de plus dramatique pour une jeune fille que de débuter sa vie sexuelle
par une IVG ? C'est malheureusement le cas de 7 000 d'entre elles chaque
année.
La question de l'IVG des adolescentes est évidemment encore plus délicate que
celle des majeures. Lorsqu'une femme mineure célibataire souhaite avorter, la
loi requiert le consentement de l'une des personnes qui exerce l'autorité
parentale ou, le cas échéant, du représentant légal. Or, nous savons tous que
la sexualité est un sujet plus ou moins tabou dans nos sociétés, notamment,
hélas, au sein de la cellule familiale, particulièrement dans certains milieux
défavorisés.
Obtenir le consentement de l'un de ses parents est bien souvent une démarche
difficile pour la jeune fille. Ce n'est pas une démarche impossible. Et
l'autorisation parentale est, à mon sens, souhaitable car elle implique un
dialogue intrafamilial qui, peut-être, n'existait pas auparavant.
Néanmoins, il existe des situations où la jeune fille se trouve dans une
impasse. La législation actuelle, en exigeant l'accord d'un des deux parents,
présuppose que le soutien familial est acquis. Or, dans certains cas, il n'en
est rien. Pour des raisons culturelles, religieuses, voire de violences
familiales, la jeune fille ne peut déclencher un dialogue avec ses parents et
encore moins obtenir leur consentement.
En conséquence, de nombreux médecins passent outre cette autorisation
parentale, se contentant d'un accord à l'authenticité douteuse. Je peux bien
sûr comprendre que des médecins agissent de la sorte, afin de répondre à la
grande détresse de ces adolescentes. Toutefois, ces professionnels prennent de
gros risques et engagent leur responsabilité.
Dans l'article 6 du projet de loi, le Gouvernement propose alors un
aménagement de la règle de l'autorisation parentale en permettant à la jeune
fille qui ne peut faire autrement que conserver le secret de se faire
accompagner par un adulte « référent ». Reste à définir le statut de cet
adulte. Comment ce dernier pourra-t-il se substituer à l'autorité parentale ?
Qui voudra assumer un tel accompagnement sans savoir ce qu'il engendre
juridiquement ?
Le Gouvernement semble mettre de côté ce « détail » qui revêt pourtant une
importance fondamentale et, de cette façon, il propose une solution qui n'est
pas tenable juridiquement. Je pense évidemment que nous devons nous préoccuper
de ces situations particulières, mais il faut le faire en imaginant un solide
dispositif dans lequel les devoirs de chacun seront clairement déterminés.
L'article 6 du projet de loi prévoit, outre l'aménagement de l'obligation de
l'autorisation parentale, qu'une deuxième consultation soit obligatoirement
proposée à la jeune fille après l'intervention, afin d'éviter, à l'avenir, une
autre IVG. Pour ma part, je recommanderai vivement que cette consultation ne
soit pas juste « obligatoirement proposée », mais obligatoire tout court.
En faisant un tant soit peu preuve d'empathie, sommes-nous capables d'imaginer
le choc psychologique et physique que connaît une adolescente venant de vivre
une IVG ?
Je ne pense pas qu'une deuxième consultation médicale soit suffisante. Elle
est néanmoins nécessaire, mais un accompagnement digne de ce nom mériterait un
suivi approfondi sur une durée relativement longue, que j'estime être de
l'ordre d'un an.
Durant une année environ, la mineure rencontrerait à plusieurs reprises une
conseillère familiale qui l'accompagnerait psychologiquement dans cette période
difficile. Un tel suivi donnerait sans doute aux adolescentes les armes
nécessaires pour surmonter le choc psychologique, du moins à celles qui sont
les plus fragiles.
M. le président.
Sur l'article 6, je suis d'abord saisi de six amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 82, M. Lagauche, Mme Pourtaud, MM. Lagorsse et Bellanger
proposent de rédiger comme suit les premier, deuxième et troisième alinéas du
texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la santé
publique :
« La femme mineure enceinte est considérée comme capable pour toutes les
décisions concernant sa contraception ou l'interruption volontaire de
grossesse. Si elle prend la décision d'interrompre sa grossesse, elle présente
sa demande à un médecin en dehors de la présence de toute autre personne.
« Si la femme mineure désire garder le secret, le médecin doit s'efforcer,
dans son intérêt, d'obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de
l'autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient informés
ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l'entretien mentionné à
l'article L. 2212-4.
« Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarché, l'interruption de
grossesse ainsi que les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la
demande de l'intéressée, présentée dans les conditions prévues au premier
alinéa. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la
personne majeure de son choix. »
Les quatre amendements suivants sont présentés par M. Giraud, au nom de la
commission.
L'amendement n° 7 tend, dans le deuxième alinéa du texte présenté par
l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, à remplacer
les mots : « dans son intérêt » par les mots : « dans l'intérêt de celle-ci
».
L'amendement n° 8 vise, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté par
l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, à supprimer
les mots : « ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de
l'entretien mentionné à l'article L. 2212-4 ».
L'amendement n° 9 a pour objet, dans la première phrase de l'avant-dernier
alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la
santé publique, après les mots : « l'interruption de grossesse ainsi que les »,
d'insérer les mots : « actes médicaux et ».
L'amendement n° 10 tend, dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du
texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la santé
publique, à remplacer le mot : « accompagner » par le mot : « assister ».
Par amendement n° 41, M. Chérioux propose, à la fin de la seconde phrase du
troisième alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du
code de la santé publique, de remplacer les mots : « par la personne majeure de
son choix » par les mots : « par un membre majeur de sa famille ou une personne
qualifiée, qu'elle choisit dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Lagauche, pour présenter l'amendement n° 82.
M. Serge Lagauche.
La loi Veil ne prévoyait pas la possibilité de pallier l'absence de
consentement parental, faisant ainsi du droit parental une sorte de droit
absolu et aboutissant aux situations de blocage que l'on connaît et qui donnent
lieu actuellement à des solutions extralégales, pour ne pas dire illégales.
On peut estimer suffisant de créer une exception au principe de l'autorité
parentale. Mais c'est oublier que les mineures peuvent déjà accomplir seules
certains actes : accoucher sous X, abandonner ou reconnaître leur enfant. Dans
ces trois cas, elles sont considérées comme capables.
Je ne vois pas en vertu de quelle logique notre droit leur accorde une
autonomie en cas de poursuite de leur grossesse, mais pas dans le cas d'une
interruption volontaire de grossesse. C'est pourquoi nous pouvons estimer que
la jeune fille, à partir du moment où elle est enceinte, doit être considérée
comme capable pour tout acte concernant l'interruption de grossesse et la
contraception.
Le fait de considérer la jeune fille comme capable amène à réfléchir, dans ce
nouveau cadre, au rôle des parents et, plus largement, des adultes. Bien sûr,
le mieux serait que les parents soient informés. En même temps, les adolescents
ne demandent pas la permission à leurs parents pour avoir des relations
sexuelles. Cela relève de l'intime et les obliger à reconnaître leur sexualité
devant leurs parents peut être une violence symbolique très forte.
Néanmoins, nous ne pouvons pas laisser ces jeunes filles livrées à
elles-mêmes. Je propose donc de garder l'obligation, pour la mineure, de se
faire accompagner, pour faire pratiquer une IVG, par la personne de son choix.
Rien n'empêche, évidemment, que la jeune fille choisisse l'un de ses parents,
mais l'important est qu'elle puisse choisir une personne en qui elle a toute
confiance.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 7, 8, 9
et 10.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
L'amendement n° 7 est rédactionnel.
L'amendement n° 8 est un amendement de coordination avec celui de la
commission qui a été adopté à l'article 4.
Votre commission n'est, en effet, pas favorable à ce que se multiplient des
démarches parallèles de vérification du consentement parental : il revient au
seul médecin, qui a
in fine
la responsabilité médicale de l'acte, de
s'efforcer de convaincre la mineure d'obtenir le consentement parental.
L'amendement n° 9 vise à préciser que les actes médicaux, notamment
anesthésiques, liés à l'interruption de grossesse sont également pratiqués à la
demande de la mineure. Ainsi, le médecin pratiquant une anesthésie sur une
mineure ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait de l'absence de
consentement parental.
Enfin, l'amendement n° 10 traite, au fond, du problème de l'autorisation
parentale. En effet, si, dans le projet de loi, il est réaffirmé que
l'autorisation parentale reste la règle en matière d'interruption volontaire de
grossesse des mineures, la possibilité de dérogation à ce principe est
cependant ouverte. Si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le
secret ou si, malgré son souhait, elle ne peut obtenir le consentement de ses
parents, elle pourra finalement prendre seule la décision de demander une IVG.
Elle choisira alors une personne majeure pour l'accompagner dans sa
démarche.
Chacun comprendra que cette disposition législative est symboliquement lourde
et que ses conséquences juridiques sont graves. Après avoir longuement
réfléchi, la commission vous propose cependant d'en accepter le principe.
En effet, si, dans la très grande majorité des cas, la mineure obtient
l'accord de l'un de ses deux parents, il est des situations où le consentement
parental paraît impossible à obtenir soit pour des raisons culturelles, soit
pour des raisons simplement matérielles. Il est des cas où la simple annonce
d'une grossesse mettrait en danger la vie de la jeune fille. Le recours au juge
des enfants paraît alors inadapté.
Il est apparu dans ces conditions à votre commission qu'une modification du
cadre légal régissant la situation particulière des mineures était souhaitable.
Il est important que ces dernières ne soient plus, comme c'est le cas
actuellement, dépendantes de la position des professionnels de santé auxquels
elles s'adressent et de l'interprétation que font ces derniers des dispositions
légales. De même, il est nécessaire que ces professionnels, confrontés à des
situations humaines difficiles, puissent répondre aux besoins de ces mineures
tout en ayant une connaissance précise des conditions de leur intervention et
des cas dans lesquels ils peuvent engager leur responsabilité.
Si la commission propose d'accepter la dérogation au principe de l'autorité
parentale, elle souhaite néanmoins entourer cette possibilité d'un certain
nombre de garanties : il n'est pas envisageable, en effet, que la mineure
puisse être livrée à elle-même ou qu'elle soit, comme il est préconisé dans le
projet de loi, simplement « accompagnée » par une personne de son choix qui
pourrait être n'importe qui.
Elle propose par conséquent que cette personne ne se limite pas à accompagner
cette mineure, concept qui n'a aucune signification juridique, mais l'assiste,
par référence aux dispositions du code civil qui prévoient, dans certaines
situations, l'assistance d'un mineur par une personne adulte. Cette
modification terminologique a naturellement des conséquences juridiques
puisqu'elle suppose l'exercice d'une responsabilité à l'égard de la mineure. La
responsabilité de la personne référente ne pourrait cependant pas être mise en
cause par les parents de la mineure puisque la loi lui confie cette mission.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Jean Chérioux.
L'objectif de cet amendement est de suivre la logique de la commission et de
prévoir que la personne mineure soit non pas « accompagnée », mais « assistée
».
Il me semble souhaitable de réintroduire dans le dispositif la famille, qui
peut jouer un rôle. Il fallait, je le sais bien, éviter que les parents ne
bloquent l'affaire mais, dans les faits, il y a toujours un membre de la
famille qui se montre compréhensif, à l'image, dans
La fille du
puisatier
, de cette bonne tante qui soutient sa nièce contre la volonté du
père.
(Sourires.)
Pourquoi ne pas faire référence au choix - ce n'est
pas une obligation - d'un membre de la famille ?
Si la personne chargée d'assister la mineure n'appartient pas à la famille,
elle doit être une personne qualifiée - une conseillère conjugale, une
assistante sociale, une psychologue - choisie dans des conditions fixées par
décret. En effet, il ne faudrait pas que la personne choisie par la mineure,
laquelle peut être extrêmement jeune, ait intérêt à ce que l'IVG soit
pratiquée. Le père du futur enfant, par exemple, peut-il être le meilleur
assistant ? Il faut donc une garantie que la personne choisie sera une personne
d'expérience susceptible d'assister la mineure dans cette démarche
difficile.
Je souhaite rectifier mon amendement pour ajouter une virgule après les mots :
« un membre majeur de sa famille » et supprimer celle qui figure après les mots
: « une personne qualifiée ». Ainsi, « les conditions fixées par décret »
s'appliquent à la personne qualifiée et non pas également aux membres de la
famille !
M. le président.
Voilà une virgule libératrice !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
C'est vous qui l'affirmez !
M. le président.
Non, c'est la grammaire !
Je suis donc saisi d'un amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Chérioux et
visant, à la fin de la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par
l'article 6 pour l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, à remplacer
les mots : « par la personne majeure de son choix » par les mots : « par un
membre majeur de sa famille, ou une personne qualifiée qu'elle choisit dans des
conditions fixées par décret ».
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 82 et 41 rectifié
?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 82. En effet,
si elle a accepté une dérogation exceptionnelle au principe de l'autorité
parentale, elle ne peut approuver cet amendement qui va beaucoup plus loin,
puisqu'il supprime toute référence à l'autorité parentale.
Elle est en revanche également favorable à l'amendement n° 41 rectifié, la
virgule ayant été déplacée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 82,
car il n'entend pas déroger, pour le recours à l'IVG des mineures, au principe
de l'autorisation parentale qui demeure. Il a aménagé ce principe dans le texte
pour tenir compte de situations particulières, lesquelles doivent demeurer des
exceptions, et permettre ainsi à des mineures qui désirent garder le secret
d'avoir recours à l'IVG accompagnées d'un adulte choisi par elles.
La solution différente qui a été retenue pour la contraception dans le projet
de loi va dans le sens préconisé par M. Lagauche. En effet, l'insertion d'un
premier alinéa dans l'article L. 5134-1 du code de la santé publique affirme le
droit d'accès à la contraception pour des personnes mineures désirant garder le
secret. Cette disposition doit permettre de prévenir des grossesses non
désirées et la situation de particulière difficulté qui les accompagne.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7. En revanche, il désapprouve
l'amendement n° 8. Il est en accord avec l'amendement n° 9, mais en désaccord
avec l'amendement n° 10 et il a le regret de désapprouver l'amendement n° 41 de
M. Chérioux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau,
président de la commission.
Une partie de la réflexion qui accompagne
l'amendement n° 82 est loin d'être négligeable. Elle marque - je l'ai dit dans
mon intervention hier - qu'il existe une certaine incohérence en ce qui
concerne la notion de majorité ou de minorité.
Par exemple, le détournement de mineurs n'existe qu'au-dessous de quinze ans.
A quinze ans - et même avant - une fille est en mesure de prendre un certain
nombre de décisions concernant une grossesse - par exemple l'accouchement sous
X - mais elle n'est plus considérée comme mineure dans le cas d'une agression
sexuelle.
On la considère comme une femme pouvant se défendre. J'en ai touché quelques
mots hier à Mme Guigou, qui m'a répondu que la Chancellerie était consciente du
problème.
Bien sûr, je ne vais pas pour autant voter l'amendement. J'y reste opposé.
Mais je conviens qu'il pose un problème, problème qu'a d'ailleurs également
soulevé hier Mme Pourtaud. Je crois qu'il faudra le régler dans un avenir
proche.
M. le président.
L'amendement n° 82 est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 82 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Cette série d'amendements fait intervenir des enjeux considérables qui, à
l'évidence, ne remédient pas totalement aux imperfections du texte initial.
Je m'explique : nous sommes tout à fait conscients que l'assouplissement
envisagé de l'obligation de soumettre à l'accord parental toute pratique de
l'IVG sur une mineure se réfère à des situations souvent graves et d'autant
plus dramatiques pour la jeune fille qu'elle sait - ou qu'elle pense - ne pas
pouvoir compter sur le soutien et la compréhension de ses parents.
Mais se posent à mon sens deux questions qui ne sont pas bien résolues à
l'heure actuelle.
La première concerne « la personne majeure de son choix ». En effet, comme M.
Chérioux l'a indiqué à l'instant, en l'absence d'un minimum de garanties, la
personne « choisie » par la jeune fille pourra être le père de l'enfant. Dans
ce cas, son consentement sera acquis, d'autant qu'il arrive que ce soit lui qui
pousse la jeune fille à se faire avorter.
Ma deuxième interrogation porte sur la responsabilité.
J'ai cru comprendre des propos de M. le rapporteur que les dispositions que
nous nous apprêtons à adopter levaient les problèmes de responsabilité du
médecin, et, en particulier, de l'anesthésiste. J'aimerais avoir confirmation
de ce point, car les considérations juridiques qui viennent d'être développées
à l'instant montrent que la situation ne peut pas être résolue avec certitude
par les amendements que nous allons adopter.
Une troisième interrogation, plus inattendue, procède des entretiens que j'ai
eus avec les intervenants d'IVG à Nancy. Ils ont fait observer que la
possibilité donnée à la jeune fille mineure de se passer de l'autorité
parentale faisait abstraction de l'obligation de fréquentation scolaire.
En effet, en période scolaire, un élève qui manque la classe pendant une
demi-journée doit faire l'objet, par le chef d'établissement, d'un signalement
immédiat à la famille.
Avez-vous songé aux conséquences de cette notification, monsieur le ministre,
mes chers collègues, surtout si, par malheur supplémentaire, l'interruption
volontaire de la grossesse étant tardive, elle devait s'opérer dans les
conditions sur lesquelles nous sommes d'accord - minimum de précautions,
impliquant un repos justifié après un acte particulièrement traumatisant ?
Qu'adviendra-t-il alors des nouvelles dispositions de la loi ? Par le
signalement scolaire, sur lequel nous ne devons pas transiger, la famille sera
immédiatement alertée du fait que la jeune fille, qui se croyait à l'abri des
foudres de ses parents, a été absente.
Je ne sais pas si l'on pourra m'apporter une réponse, mais je n'aurais pas été
honnête avec moi-même si je n'avais pas évoqué ces questions cruciales.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Certaines mineures ne peuvent pas ou ne veulent pas solliciter l'autorisation
parentale - notamment parce qu'elles savent ne pas pouvoir l'obtenir - ou,
l'ayant sollicitée, ne l'obtiennent pas.
Il s'agit souvent de jeunes filles en difficulté, appartenant à des familles
d'origine étrangère ou mal intégrées, ou encore à des familles au sein
desquelles le sujet n'est pas abordé parcer qu'il gêne.
Pour régler ce problème, il était prévu que les mineures se fassent
accompagner par une personne majeure de leur choix.
Vous voulez, monsieur le rapporteur, remplacer la notion d'accompagnement par
celle d'assistance. C'est très différent, juridiquement et sur le fond.
Juridiquement, qui prendra le risque lié à l'assistance ? Personne, sinon les
parents, et nous en renvenons à la situation de départ, dans un contexte où le
consentement parental n'est pas accessible pour la jeune fille.
Sur le fond, cette modification pénaliserait doublement les mineures qui sont
déjà très défavorisées. Elle accroîtrait les inégalités - ce qui est grave -,
alors qu'en fait vous reconnaissez le principe de dérogation par rapport à un
consentement parental impossible à obtenir.
Quant à nous, nous préférons résoudre complètement, avec cohérence, le
problème soulevé.
M. Jean-Guy Branger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Comme je l'ai dit tout à l'heure et ainsi que viennent de l'évoquer M. Huriet
et Mme Dieulangard, il fait établir la responsabilité juridique.
Si l'intervention tourne mal, à qui incombe la responsabilité ? Le médecin ?
Je voudrais que l'on me réponde sur ce point, car il faut absolument que nous
soyons très concrets dans un domaine aussi grave.
Si une jeune fille de quatorze ou quinze ans veut se faire avorter, en dehors
de toute cellule familiale sans le consentement de son père ou de sa mère, ou
sans qu'ils le sachent quel adulte va juridiquement porter la responsabilité
?
On dit : elle va aller voir le médecin. Mais quelle est la situation juridique
de ce dernier ? Je veux le savoir. Quand on légifère, il faut bien définir les
responsabilités.
On me répondra : ce sera fait par décret. Je ne suis pas d'accord : c'est à
une assemblée politique de dire à qui appartient la responsabilité dans un
domaine comme celui-là. Certes, je suis passionné, mais c'est que la question
est grave !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je vais essayer de répondre.
M. Hilaire Flandre.
Ça va être difficile !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
La véhémence de M. Branger ne me choque pas. Au
contraire, elle me plaît.
M. Jean-Guy Branger.
J'espère bien !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je pense qu'il y a deux responsabilités à
distinguer.
Il existe tout d'abord celle des praticiens face à l'acte à pratiquer
éventuellement sur une mineure qui serait accompagnée d'un adulte. Cette
responsabilité des praticiens et des établissements est la même que d'habitude.
Puisque la loi prévoit que le médecin peut pratiquer l'intervention si la
mineure décide de recourir à l'IVG sans l'autorisation de ses parents, dès
lors, nous tombons dans le domaine de responsabilité habituelle des
établissements de santé publics ou privés, avec la notion de faute détachable
ou non du service.
J'ai compris aussi que vous vous interrogiez, monsieur le sénateur, sur la
responsabilité de la personne majeure accompagnant la mineure. Là, le problème
est plus difficile.
Voilà ce que je peux répondre : cet article institue une dérogation au
principe de l'autorisation parentale si les parents ne peuvent pas être
consultés, s'ils ne souhaitent pas participer au processus, ou s'ils sont
opposés à l'IVG.
Dans ce cas, il est prévu que l'IVG pourra être réalisée à la seule demande
de la mineure non émancipée. Celle-ci se fera accompagner dans sa démarche par
la personne majeure de son choix.
Le principe est qu'aucune responsabilité civile ou pénale de la personne ainsi
désignée ne saurait être engagée par la mineure ou les titulaires de l'autorité
parentale pour des faits se rattachant à sa mission ; c'est une mission
d'accompagnement consentie par la loi.
Premièrement, la responsabilité ne peut être recherchée en raison de la
désignation de l'accompagnant. La mineure dispose, en effet, au regard des
textes, d'une liberté totale de choix, qu'elle exerce après avoir été
conseillée lors de la consultation préalable à l'IVG.
Permettez-moi de revenir un peu sur ce point.
Quelle que soit l'attitude que l'on peut avoir au regard d'une consultation
proposée de façon systématique, ce que disait hier Elisabeth Guigou est tout à
fait fondamental : le médecin reçoit la jeune fille en consultation ; de ce
fait il a une responsabilité essentielle : c'est lui qui aura le vrai, et
peut-être le seul contact avec cette mineure. Il y est habitué car c'est un
professionnel de ces pratiques et il pourra demander lui-même à la mineure de
désigner quelqu'un.
Deuxièment, la responsabilité civile ou pénale de la personne ne saurait de
même être engagée du fait même de sa mission, qui constitue une obligation
légale s'imposant à elle du fait de sa désignation par la mineure et de son
acceptation. Elle peut refuser mais, si elle l'accepte, sa mission devient une
obligation légale.
Troisièmement, aucune faute ne peut lui être reprochée s'agissant du
consentement de la mineure à l'IVG ou de la décision qui sera prise d'y
procéder. Le consentement à l'IVG appartient à la seule mineure. L'entretien
avec le médecin se déroule en dehors de la présence de toute autre personne.
C'est pourquoi j'attachais tant d'importance, vous le comprenez, à cet
entretien avec le médecin, qui retrouve un rôle absolument essentiel.
Loin de nous l'idée dans cette proposition de diminuer le rôle du médecin et
de ce dialogue ou colloque singulier qui va pouvoir se dérouler.
Au terme de l'article 6 du projet, la mission de la personne désignée par la
mineure ne débute qu'à partir du moment où celle-ci a notifié au médecin sa
volonté de procéder à l'IVG sans en référer à l'un ou l'autre de ses parents ou
malgré un refus de ses parents.
Cette analyse résulte de l'expression : « dans ce cas figurant à l'alinéa 3 »,
qui fait clairement du consentement à l'IVG exprimé par la mineure devant le
médecin un préalable au choix et à l'intervention de cette personne. C'est
lorsqu'elle aura clairement signifié sa volonté devant le médecin, bien que sa
venue devant le médecin témoigne déjà d'une certaine façon de sa volonté, que
le rôle de la personne qu'elle désignera sera considéré comme débutant.
Quatrièmement, la personne choisie par la mineure n'intervient pas davantage
dans l'organisation de l'acte médical lui-même, ni le choix du lieu ni le choix
du médecin. En cas de problème lors de l'intervention, les principes de la
responsabilité médicale que j'ai rappelés tout à l'heure trouveront à
s'appliquer.
En conclusion, le rôle de la personne désignée par la mineure, tel que défini
par le projet que nous vous présentons, est circonscrit à une mission
d'accompagnement psychologique, de soutien chaleureux, amical, amoureux - que
sais-je - à la mineure dans la décision de pratiquer l'IVG et dans la démarche
qui fait suite à cette décision.
En aucun cas, la personne désignée ne se substitue - c'est le point essentiel
- aux titulaires de l'autorité parentale dans le pouvoir d'autoriser un acte
médical.
Je vais vous épargner les cas dans lesquels la responsabilité de la personne
désignée par la mineure pourrait être engagée. Je vous dirai simplement que
deux situations doivent être distinguées : soit les modalités d'exécution de sa
mission sont critiquées ; soit la faute reprochée à la personne est détachable
de sa misson légale. Je n'entrerai pas dans le détail.
Voilà ce que je pouvais vous répondre le plus clairement possible, monsieur le
sénateur.
M. Jean-Guy Branger.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez fait le
maximum pour me convaincre mais je ne vous cacherai pas que, malgré vos
explications très précises, selon moi, vous n'avez pas résolu le problème. Si
un drame survient à l'issue d'une intervention pratiquée sur une mineure, je
puis vous assurer qu'il s'ensuivra un contentieux qui sera nécessairement
terrible, et je crains fort que, hélas ! l'avenir ne me donne pas tort.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose de
supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L.
2212-7 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Giraud,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination avec l'amendement proposé
par la commission à l'article 4. Il s'agit de supprimer ici la référence à une
deuxième consultation, intervenant après l'IVG, dans la mesure où nous avons
prévu cette consultation à l'article 4.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
J'ai déjà, fort impoliment, indiqué que je demandais le
rejet de cet amendement. Je persiste, bien entendu, dans cette position ; c'est
la moindre des politesses...
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 6.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Les hésitations dont j'ai fait part tout à l'heure à l'occasion de la
discussion des amendements n'ont pas été levées, à l'évidence, par les
interventions du rapporteur et du ministre. Aussi ai-je décidé de m'abstenir
sur l'ensemble de l'article 6.
Devant une situation aussi difficile, aux enjeux aussi considérables, nous
devons estimer en conscience les risques et les bénéfices.
Les risques me paraissent très grands non seulement en ce qui concerne la
jeune fille mineure, mais aussi s'agissant des questions de responsabilité, qui
ne sont pas résolues.
Quant aux bénéfices que l'on peut attendre de ces dispositions, la référence
que j'ai faite à la nécessité de la déclaration en cas d'absentéisme scolaire
montre que, à mes yeux, tout au moins en période scolaire, ils seront
probablement nuls. Peut-être même ces dispositions se révéleront être
préjudiciables à la jeune fille.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je n'ai pas voté l'amendement concernant la personne qui accompagne la mineure
et c'est pourquoi je m'abstiendrai sur l'ensemble de l'article 6. Je pense en
effet que nous n'avons pas réussi à trouver une véritable solution.
Très franchement, demander à n'importe quel adulte d'accompagner la mineure,
comme le prévoit le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, ne me paraît
pas satisfaisant. Bien sûr, la mineure peut trouver quelqu'un qui
l'accompagnera sans qu'il y ait d'engagement de sa part. Cependant, à
l'inverse, il me paraît pas possible de demander à quelqu'un de s'engager à
supporter les conséquences d'un tel acte.
En vérité, aujourd'hui, je n'ai pas de solution à proposer. Je pense,
d'ailleurs, que certaines mineures sont même capables de décider seules.
A mon avis, il est beaucoup plus important d'entourer ces mineures d'un groupe
de conseils susceptibles de les soutenir psychologiquement que de les soutenir
physiquement chez le médecin pour lui dire s'il peut ou non pratiquer
l'avortement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 211 |
Contre | 103 |
Article 7