SEANCE DU 25 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité, mais je la pose bien volontiers à Mme la ministre déléguée
à la famille et à l'enfance.
Madame la ministre, le personnel infirmier et une grande partie du personnel
hospitalier sont aujourd'hui plutôt dans la rue qu'à leur travail.
Les élus qui participent à la gestion des établissements hospitaliers, comme
de nombreux collègues ici, sont très inquiets de constater que la crise se
développe très rapidement parmi les personnels soignants, particulièrement
parmi les infirmières.
Il y a, d'abord, une pénurie de candidats aux métiers d'aide-soignante ou
d'infirmière, puisque les instituts de formation en soins infirmiers n'arrivent
pas à recruter suffisamment d'élèves. Pour le seul département des
Hauts-de-Seine, que je représente ici, sur les 254 places qui ont été proposées
au concours de septembre 2000, seulement 145 ont réellement été pourvues, ce
qui signifie que le déficit va rester à un niveau important.
Il y a, ensuite, un problème plus grave, qui est plus psychologique que
technique : beaucoup d'infirmières très qualifiées, notamment les infirmières
de salle d'opération...
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... ont été choquées par la publication de plusieurs textes réglementaires
qui, tous, vont dans le sens de la déqualification. Cela suscite aujourd'hui
beaucoup de mouvements. Ceux-ci ne portent pas seulement sur les conditions de
travail ou sur les problèmes de salaires. Ils visent également à retrouver,
dans les établissements,...
M. Gérard Larcher.
Une certaine considération !
M. Jean-Pierre Fourcade.
... une certaine qualité du travail.
Enfin, il y a l'application trop rapide des 35 heures à la fonction publique
hospitalière. Autant c'est assez aisé dans les administrations « tranquilles »,
autant c'est difficile, tout le monde le sait, dans le système de santé.
M. Gérard Larcher.
C'est impossible !
M. Jean-Pierre Fourcade.
La désaffection des plus jeunes pour le choix de ces professions me paraît
inquiétante. La désorganisation de la plupart des établissements est un risque
que nous ne pouvons sous-estimer.
Aussi ma question est-elle la suivante : Madame la ministre, quelles mesures
envisagez-vous de prendre pour permettre un retour rapide à un fonctionnement
normal de notre système hospitalier, plus particulièrement en ce qui concerne
les services d'urgences.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Larcher.
Excellente question !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur,
j'aurai avec vous un point d'accord ; j'aurai également un point de désaccord,
ce qui ne vous étonnera pas.
Le point d'accord est le suivant : les infirmières et les infirmiers
représentent, en effet, un maillon essentiel de notre système de soins. J'en
rappellerai ici le nombre que l'on oublie parfois : ils sont 400 000, dont 85 %
sont des salariés. Ils et elles occupent des fonctions très importantes dans
l'acte de soin, mais aussi dans la prise en charge médico-sociale de la
population.
Ces besoins iront croissant - c'est une évidence - compte tenu, en
particulier, du vieillissement de la population.
Nous avons pris des mesures importantes pour répondre à cet accroissement
d'emplois. D'abord, nous avons compensé les départs en retraite, qui vont
augmenter d'ici à 2005. Je reprendrai volontiers ce que M. Michel Sapin a dit,
voilà un instant, sur la nécessité de programmer dans le temps et d'anticiper
la gestion des personnels. Ensuite, nous avons pris des mesures pour compenser
la réduction du temps de travail.
Je ne voudrais pas polémiquer avec vous, monsieur le sénateur, mais force est
de constater qu'en 1996, le gouvernement de l'époque avait supprimé 2 000
postes d'infirmières dans les instituts de formation en soins infirmiers, pour
l'année 1997.
M. Alain Gournac.
C'est reparti !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut trois
ans pour former une infirmière et quatre ans pour former une infirmière
spécialisée.
M. Jean Chérioux.
On le sait !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Si l'on compte trois ans à partir de 1997, cela nous
conduit à 2000. Nous y sommes. Nous gérons, en effet, la réduction des
effectifs décidée en 1997.
M. Alain Gournac.
Oh, les pauvres !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Nous avons réagi, nous réaugmentons actuellement le
nombre de places ;...
M. Alain Gournac.
Pendant trois ans, rien !
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
... plus 1 000 places en 1998, plus 1 200 en 1999 et,
cette année, avec l'ensemble des représentants du secteur hospitalier, le
nombre d'élèves entrant dans les écoles a augmenté de plus de 40 %, soit 8 000
places de plus en 2001.
Parallèlement, nous avons sollicité l'appareil de formation. Aujourd'hui, ce
sont environ 92 % des 26 436 places ouvertes au concours d'entrée dans les
instituts de formation qui seront pourvues. Il faut rester vigilant pour
accompagner ce travail.
Je tiens à souligner ici que, s'agissant de l'analyse des moyens, pour motiver
les infirmières qui n'exercent plus, nous prenons des initiatives afin de les
inciter à revenir dans les établissements de santé.
Telles sont les décisions opérationnelles que prend le Gouvernement. J'espère
que, ainsi, nous pourrons répondre aux différents problèmes que vous évoquez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
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