SEANCE DU 9 JANVIER 2001
M. le président.
Par amendement, n° 16, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 611-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les constatations des inspecteurs du travail sont tenues à la disposition
des délégués du personnel et des organisations syndicales représentatives. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Nous souhaitons, à travers cet amendement, améliorer l'efficacité conjointe de
l'inspecteur du travail et des représentants des salariés, qu'il s'agisse des
délégués du personnel ou des organisations syndicales représentatives.
En effet, les constatations effectuées par les inspecteurs du travail ne sont
pas transmises aux délégués du personnel ou aux syndicats.
Il s'agit, tout simplement, d'une exigence de transparence dans la
transmission de l'information.
Cette mesure serait, selon nous, de nature à faciliter l'action d'un salarié
qui s'estime victime de discrimination.
Nous trouvons d'ailleurs tout à fait légitime et logique, lorsqu'une
intervention de la direction départementale du travail et de l'emploi est
demandée, que les syndicats et les délégués du personnel aient accès aux
constatations de l'inspecteur du travail.
Je vous rappelle à cet effet, mes chers collègues, que notre demande s'inscrit
dans le droit fil d'une proposition formulée par le Conseil économique et
social dans son avis de janvier 1996 sur l'inspection du travail.
Par conséquent, je vous demande d'adopter notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
L'article L. 611-10 du code du travail prévoit que les
inspecteurs du travail constatent les infractions par des procès-verbaux
dressés en double exemplaire, dont l'un est envoyé au préfet et l'autre est
déposé au parquet.
Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la rédaction comme sur l'objet
de l'amendement. Les auteurs n'auraient-ils pas dû faire référence aux
procès-verbaux plutôt qu'aux constatations ?
Par ailleurs, il semble peu opportun de faire interférer l'action des
représentants du personnel avec celle des inspecteurs du travail. Ceux-ci
doivent rester indépendants de toute pression et conserver la maîtrise de leurs
décisions.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Les constatations des procès-verbaux des inspecteurs du travail sont des
pièces de procédure qui n'ont intrinsèquement aucune portée tant que le
procureur de la République n'a pris aucune décision de renvoi devant une
juridiction.
Ce genre de pièces n'est d'ailleurs pas visé par la loi n° 78-753 du 17
juillet 1978 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations modifiée par la loi du 13 avril 2000.
Elles ne sont par conséquent pas communicables, et la proposition ne peut être
retenue.
Dans le cadre d'une procédure pénale, les victimes, les organisations
syndicales, si elles ont un intérêt à agir, peuvent se constituer partie civile
en vue de demander réparation. Elles ont alors accès au dossier complet de
l'affaire.
En toute hypothèse, les procès-verbaux de l'inspecteur du travail sont des
documents qui ne sont communicables ni aux tiers, ni même aux victimes, ni,
sauf exception prévue par la loi, aux prévenus. Il ne peut donc être envisagé
qu'ils soient tenus à la disposition des délégués du personnel ou des
organisations syndicales. Ces derniers peuvent, le cas échéant, se faire
communiquer les références d'un procès-verbal par l'inspecteur du travail en
vue de la constitution de partie civile.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 17, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 611-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les inspecteurs du travail peuvent se faire communiquer tout document ou
tout élément d'information, quel qu'en soit le support, utile à la constatation
de faits susceptibles de permettre d'établir l'existence ou l'absence d'une
méconnaissance des articles L. 122-45 et L. 123-1 du présent code et de
l'article 225-2 du code pénal. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Notre amendement a pour objet d'élargir l'accès des inspecteurs du travail à
tous les documents qu'ils estimeront nécessaires à l'accomplissement de leur
enquête.
Il convient en effet de permettre à l'inspection du travail d'être plus
efficace en matière d'enquête sur les discriminations.
Actuellement, les inspecteurs du travail ne peuvent pas, par exemple, avoir
accès aux dossiers personnels des salariés, l'employeurs pouvant refuser de
présenter les fiches d'appréciation des salariés ayant saisi l'inspection du
travail en raison d'une discrimination.
Or on sait très bien que la réalité d'une pratique discriminatoire est très
difficile à établir pour la personne qui en est la victime.
Par conséquent, il convient de doter l'inspection du travail des moyens
nécessaires pour effectuer cette mission.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'accueillir favorablement
notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Cet amendement vise à donner une nouvelle compétence aux
inspecteurs du travail, qui pourraient ainsi exiger communication de tout
élément utile à la constatation de l'existence de discrimination. Ce faisant,
il modifie la mission des inspecteurs du travail, à qui il reviendra non plus
seulement de constater, à travers des procès-verbaux, des infractions à la
législation interdisant les discriminations, mais aussi, si l'on comprend bien
le sens de cet amendement, de rechercher ces infractions.
La commission est défavorable à cet amendement, car elle considère que cette
évolution ne répond à aucune nécessité. Elle vous propose par conséquent d'en
rester à l'architecture de la proposition de loi, qui privilégie l'action des
victimes appuyées par leurs représentants.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. En
effet, dès lors que les prérogatives de l'inspection du travail sont étendues
en ce qui concerne la constatation des situations discriminatoires, il convient
de prévoir que les inspecteurs du travail sont habilités à se faire communiquer
tout document et, plus généralement, tout élément d'information, quel qu'en
soit le support, en vue d'établir ou d'écarter des faits susceptibles d'être
qualifiés de discriminatoires.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 18, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 620-3 du code du travail, les
mots : "est tenu" sont remplacés par les mots : "et un registre d'embauche sont
tenus". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Nous souhaitons, par le biais de cet amendement, donner à une personne victime
de discrimination toutes les chances de faire valoir ses droits.
En effet, pour une personne isolée à la recherche d'un emploi, apporter la
preuve d'une discrimination à l'embauche représente une difficulté quasiment
insurmontable. Pour prouver qu'elle a été victime de pratiques discriminatoires
lors de la procédure d'embauche, ses seules déclarations se révèlent
insuffisantes devant le juge.
Par conséquent, nous proposons que l'employeur ait l'obligation de tenir un
registre des embauches comportant un certain nombre de renseignements. Ce
registre serait tenu à la disposition de l'inspection du travail et des
délégués du personnel, comme le registre unique du personnel. La transparence
des procédures d'embauche serait donc accrue, ce qui, vous en conviendrez, mes
chers collègues, ne serait pas du luxe dans certains cas.
L'intérêt de ce registre d'embauche est de constituer un élément de dissuasion
et, le cas échéant, un élément de preuve permettant un suivi et une évaluation
de la politique d'embauche d'une entreprise, sans porter atteinte à la liberté
de recrutement de l'employeur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Outre le fait que l'objet de cet amendement est sans rapport
avec celui de la proposition de loi - c'est un cavalier ! - on peut observer
que son utilité est discutable, puisque le premier alinéa de l'article L. 620-3
du code du travail prévoit que les noms et prénoms de tous les salariés occupés
doivent figurer sur le registre unique du personnel dans l'ordre d'embauchage.
On ne voit pas pourquoi on mettrait en place un deuxième registre.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet
amendement.
En effet, les discriminations à l'embauche doivent être appréhendées en tenant
compte du contexte actuel de simplification du droit du travail, qui est l'une
des priorités du Gouvernement. Dans ces conditions, il ne saurait être envisagé
de créer un nouveau registre.
En outre, cet amendement ne définit pas ce que serait le registre des
embauches. A supposer qu'il soit mis en place, sa valeur probante serait très
faible, car un employeur pourrait ne pas y mentionner certaines candidatures
alors que les victimes d'une discrimination à l'embauche disposeraient de
preuves de nature à établir la réalité de la procédure de sélection.
Les auteurs de la proposition de loi, soucieux de concilier les priorités du
Gouvernement que sont la lutte contre les discriminations et la simplification
administrative, ont déjà prévu un ensemble de dispositions suffisamment fortes,
telles que l'aménagement des règles de la charge de la preuve, l'action de
substitution des organisations syndicales, l'extension des pouvoirs des
délégués du personnel ou des inspecteurs du travail : j'ai le sentiment que
l'ajout d'une nouvelle formalité n'est pas nécessaire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5