SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi par M. Marini, au nom de la commission, d'une motion n° 1
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
« Considérant que la montée à court terme des incertitudes qui pèsent sur la
conjoncture économique ainsi que l'apparition, sur le long terme, de graves
dangers liés en particulier à l'absence de réformes de structures, devraient
inciter le Gouvernement à mieux préparer l'avenir ;
« Considérant que la politique suivie conforte une exception française
reposant sur un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires
destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas et un déficit
budgétaire dont la diminution reste très insuffisante par rapport à nos
principaux partenaires ;
« Considérant que les engagements pris dans le cadre de la programmation
militaire continuent de ne pas être tenus ;
« Considérant que les dispositions du projet de loi de finances portent à
nouveau atteinte à l'autonomie fiscale des collectivités locales et traduisent
une conception purement budgétaire des relations financières entre l'Etat et
les collectivités locales, qui refuse à ces dernières une part équitable de la
croissance ;
« Considérant qu'une bonne appréciation des finances de l'Etat ne peut se
faire qu'en y intégrant l'évolution des finances sociales, ce qui rend
indispensable une présentation consolidée des comptes publics, afin de
respecter le principe de sincérité budgétaire ;
« Estimant à ce titre indispensables tant une réforme en profondeur de
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qu'une évolution des pratiques de
l'exécutif à l'égard du Parlement et notamment la fin de la "culture du secret"
;
« Considérant par ailleurs, que malgré quelques améliorations trop limitées,
notamment en matière fiscales, l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle
lecture pour l'essentiel à son texte de première lecture ;
« Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le
projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture (n° 151, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commisssion
saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, auteur de la motion.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai par avance défendu cette motion.
M. le président.
Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je me suis également déjà exprimée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question
préalable.
M. Bernard Fournier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après
l'échec de la commission mixte paritaire, nous tenons tout d'abord à regretter
les conditions de travail que le Gouvernement impose au Parlement en matière
budgétaire.
Il se sera écoulé moins d'une semaine entre la première lecture et cette
nouvelle lecture, ce délai étant ramené à quarante-huit heures, commission
mixte paritaire comprise, pour le collectif ! Cet aspect du dossier ne devra
pas être oublié à l'occasion de la réforme annoncée des règles d'examen du
projet de loi de finances par le Parlement.
Comme notre rapporteur général, Philippe Marini, que je félicite à nouveau
pour la qualité de ses travaux et sa volonté permanente d'éclairer le Sénat
dans sa réflexion, nous regrettons vivement l'attitude de nos collègues députés
qui ont examiné les dispositions que nous avions adoptées sous le seul
éclairage idéologique.
La commission des finances du Sénat avait montré tout l'intérêt qu'il y avait
de substituer à l'exonération de CSG et de CRDS proposée par le Gouvernement un
crédit d'impôt en faveur des revenus d'activité jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Cette
mesure, pourtant favorable aux couples et aux familles, n'a pas été retenue par
l'Assemblée nationale. Mais qui s'en étonnerait ?
Comme le rappelait notre collègue Serge Vinçon, le Gouvernement et la majorité
qui le soutient n'aiment pas les familles, sinon comment expliquer qu'ils aient
refusé le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'une
personne gardant des enfants à domicile, le relèvement du quotient familial et
l'amélioration des conditions du rattachement des enfants majeurs au foyer
fiscal de leurs parents ?
Ils n'aiment pas non plus les investisseurs et les entrepreneurs, sinon
pourquoi avoir refusé les incitations que nous proposions en faveur des
investissements dans les PME ou les allégements de la charge fiscale pesant sur
les entreprises ?
Aucune des propositions faites par le Sénat tendant à réduire le taux de la
TVA dans différents secteurs d'activité et sur différents produits n'a été
retenue par nos collègues députés.
Je le regrette d'autant plus qu'avec mon groupe nous avions fait adopter par
le Sénat une réduction du taux de la TVA sur les prestations juridiques des
avocats aux particuliers.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Exactement, c'est important de le rappeler.
M. Bernard Fournier.
Cette proposition, à laquelle se sont opposés le Gouvernement et sa majorité,
aurait constitué un signal fort...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument !
M. Bernard Fournier.
... à l'endroit de ces professionnels, rouage essentiel de notre institution
judiciaire. A ce sujet, nous ne pouvons que nous étonner que l'Assemblée
nationale ait refusé qu'un rapport sur la réforme de l'aide juridictionnelle
soit communiqué au Parlement, se contentant, sur ce dossier sensible, de la
mise en place d'un groupe de travail par le Gouvernement.
Comme notre commission des finances, nous dénonçons les atteintes à
l'autonomie fiscale des collectivités locales et le refus persistant du
Gouvernement que celles-ci soient effectivement associées aux fruits de la
croissance.
Sur les finances locales, l'Assemblée nationale a refusé notre proposition de
suppression totale de la vignette automobile et le transfert de trois taxes de
l'Etat aux départements à titre de compensation. Nous prenons acte de ce refus,
mais nous donnons rendez-vous au Gouvernement et à sa majorité dans quelques
mois, quand, face à l'incongruité de la situation et aux problèmes posés aux
départements pour gérer la nouvelle assiette, ils demanderont au Parlement la
suppression totale de la vignette !
Se posera alors à nouveau le problème de la compensation, laquelle ne doit pas
être budgétaire, comme le propose le Gouvernement, cette solution reportant
l'économie d'impôt dont bénéficie le contribuable local sur le contribuable
national.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voilà !
M. Bernard Fournier.
Enfin, nous nous félicitons que l'Assemblée nationale ait approuvé notre
initiative de ne pas totalement fiscaliser les indemnités versées aux éleveurs
en cas d'abattage de cheptel bovin atteint de l'ESB.
Toutefois, l'Assemblée nationale étant revenue en nouvelle lecture sur la
quasi-intégralité de son texte de première lecture, sans véritablement tenir
compte des remarques du Sénat sur le niveau trop haut de nos prélèvements
obligatoires, sur le manque d'ambition de la politique fiscale, sur l'absence
de maîtrise des dépenses publiques financées par les seules recettes
conjoncturelles et sur la baisse insuffisante du déficit, le groupe du
Rassemblement pour la République votera la motion tendant à opposer la question
préalable au projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement. Je rappelle
que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances pour
2001.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est
de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 213 |
Contre | 99 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2001 est rejeté.
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