SEANCE DU 18 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 5
bis. -
I. - Après le premier alinéa de l'article 1609
duovicies
du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Le prix des billets d'entrée s'entend du prix effectivement acquitté par le
spectateur ou, en cas de formule d'accès au cinéma donnant droit à des entrées
multiples, du prix de référence par place sur lequel s'engage l'exploitant de
salle et qui constitue la base de la répartition des recettes entre ce dernier
et le distributeur et les ayants droit de chaque oeuvre cinématographique.
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier
2001. »
Par amendement n° 14, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un sujet dont nous avons traité voilà peu
de temps, lors de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques. Mme Tasca était venue défendre les amendements du Gouvernement
visant à autoriser et à encadrer les formules d'abonnement au cinéma à entrées
illimitées.
Le Sénat avait adopté, sinon à l'unanimité du moins très largement, ce
dispositif.
On nous propose, dans cet article, d'aménager l'assiette de la taxe spéciale
qui alimente le compte de soutien à l'industrie cinématographique, pour tenir
compte de la commercialisation de cette nouvelle formule d'abonnement.
Mais je suis très surpris car la loi sur les nouvelles régulations économiques
sera probablement promulguée au printemps prochain compte tenu de la procédure
parlementaire. Il s'agirait donc d'amender un dispositif qui n'est pas encore
en vigueur. Mieux vaut que le dispositif complet soit adopté lors de la
nouvelle lecture de la loi sur les nouvelles régulations économiques. Il sera,
en effet, beaucoup plus clair d'adopter à la fois les dispositions maîtresses
et la rectification qui est ici envisagée plutôt que d'adopter l'accessoire
avant que le principal ne soit entré en vigueur.
C'est donc pour des raisons de coordination entre deux textes différents que
nous estimons ne pas devoir essorer la « serpillière législative » sur cet
aspect des choses.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, nous avons déjà eu
l'occasion d'aborder, cette question brièvement certes, lors de la discussion
générale.
Il ne s'agit pas de modifier par anticipation une disposition qui ne serait
pas d'ores et déjà en vigueur ; il s'agit de modifier une disposition du code
général des impôts, codifiée à l'article 1609
duovicies,
qui a son
existence propre en dehors de la loi sur les nouvelles régulations
économiques.
Il s'agit seulement, dans la perspective de l'adoption de la loi sur les
nouvelles régulations économiques, qui prévoit un certain nombre de
dispositions relatives aux formules donnant un accès illimité aux salles de
cinéma par l'utilisation de « cartes pass », de sécuriser l'assiette d'une
taxe, dont, à défaut, le rendement pourrait se trouver affecté dans l'avenir.
Pourquoi ?
En fait, les modalités d'application de cette taxe ne sont pas adaptées aux
nouvelles formules qui sont décrites dans la loi sur les nouvelles régulations
économiques et qui permettent aux spectateurs, moyennant le paiement d'un
abonnement mensuel à l'exploitant de la salle ou à un organisme tiers, de
bénéficier d'un accès illimité à diverses salles de cinéma pendant une durée
déterminée. Dans ce cas, le spectateur n'acquitte pas un prix pour chaque
billet d'entrée et le paiement de l'abonnement ne s'effectue pas nécessairement
auprès de l'exploitant de la salle.
Par conséquent, l'article 5
bis
prévoit, dans cette situation
particulière, d'asseoir la taxe spéciale sur le prix de référence par place sur
lequel s'engage l'exploitant de salles et qui constitue la base de la
répartition des recettes entre ce dernier, le distributeur et les ayants droit
de chaque oeuvre.
Si l'on supprime ce dispositif, ce qui est l'objet de l'amendement n° 14, cela
revient à exonérer de toute taxe les billets d'entrée qui seraient délivrés
dans le cadre des formules d'abonnement et donc à diminuer le rendement de la
taxe qui alimente le compte de soutien à l'industrie du cinéma.
J'ai indiqué ce matin que nous n'avions pas pu insérer cette disposition dans
le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, parce qu'il fallait
du temps pour mener la négociation avec les différentes parties intéressées. A
l'époque, nous n'étions pas prêts sur le plan fiscal. Aujourd'hui, nous le
sommes car la négociation a eu lieu.
Si nous présentons la mesure dès maintenant, c'est pour assurer le plus tôt
possible, c'est-à-dire au 1er janvier 2001, la définition de l'assiette de
cette taxe afin qu'elle soit incontestable et incontestée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
On peut évidemment se demander s'il est tout à fait de bonne méthode de
gestion que de mettre en oeuvre, dans le cadre d'un collectif budgétaire, une
mesure qui était, en quelque sorte, pendante après la discussion de la loi
portant sur les nouvelles régulations économiques.
Cet article 5
bis
vient bel et bien s'inscrire dans le droit-fil de la
discussion de ce projet de loi en tentant de préciser sous quelles conditions
un des comptes d'affectation spéciale que nous connaissons doit être
alimenté.
L'article 5
bis
n'est donc pas à proprement parler hors sujet ; il doit
à notre sens être considéré comme l'aboutissement d'un processus de réflexion
engagé à la suite de l'attaque dont le compte de soutien à la production
cinématographique a été l'objet avec la mise en place des cartes d'accès
illimité par les majors de la distribution en France.
Nous comprenons fort bien que le ministère de la culture tout comme le
ministère des finances aient mis un certain temps, dans les faits, à déterminer
les conditions d'une stricte adaptation de la loi garantissant les droits des
auteurs et des créateurs à la situation créée par l'offensive
UGC-Pathé-Gaumont.
Un simple rappel de la situation nous conduit à considérer la problématique
posée par l'article : notre pays dispose, avec le compte de soutien, d'un outil
particulier de financement de la création cinématographique.
Cet outil a permis le maintien et le développement d'une pratique créatrice
originale, qui remporte d'ailleurs, année après année, un succès important,
auprès tant de la critique que du public, et ce alors même que les productions
américaines envahissent régulièrement nos écrans grâce à des campagnes de
promotion particulièrement agressives.
C'est le compte de soutien qui est à l'origine de l'émergence de nouvelles
formes d'écriture scénaristique, de nouvelles formes d'expression filmique et
qui permet à la France de jouer un rôle déterminant dans l'affirmation d'un
cinéma européen et francophone vivace et dynamique.
L'offensive des majors de la distribution est en soi mortifère ; elle risque
d'appauvrir durablement, si l'on n'y prend garde, la qualité de la création
cinématographique dans notre pays, plus sûrement et plus sournoisement encore
que la levée de l'exception culturelle que les Américains veulent imposer dans
les négociations de l'OMC.
Nous nous interrogeons donc sur les motivations profondes de cet amendement,
dont l'adoption ne ferait que renforcer un vide favorable aux distributeurs et
dommageable aux créateurs.
Le cinéma n'étant pas qu'un produit de commerce banal, nous ne voterons pas
pour la suppression de l'article 5
bis
.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
bis
est supprimé.
Article 5 ter