SEANCE DU 18 DECEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 5. - I. - Les créances détenues sur la Société nouvelle du journal
l'Humanité,
au titre des prêts participatifs accordés en 1990 et 1993 et
imputés sur le compte de prêts du Trésor n° 903-05, sont abandonnées à hauteur
de 13 millions de francs. Les intérêts contractuels courus et échus des
échéances de 1999 et de 2000 sont également abandonnés.
« II. - Le solde de la créance détenue sur l'Agence France-presse au titre du
prêt participatif accordé en 1991 et imputé sur le compte de prêts n° 903-05,
soit 45 millions de francs, est abandonné. Les intérêts courus en 2000 sont
également abandonnés. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 13, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
Par amendement n° 53, M. Charasse propose de supprimer le II de cet
article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
13.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par cet amendement, il s'agit de supprimer un article
qui tend à autoriser des abandons de créances détenues par l'Etat, d'un côté,
sur le journal
l'Humanité,
pour un montant de 13 millions de francs et,
de l'autre, sur l'Agence France-Presse, pour un montant de 45 millions de
francs.
Sur ce sujet, madame le secrétaire d'Etat, la commission a surtout des
préoccupations de méthode. D'une part, nous ne sommes pas très partisans, vous
le savez, de voir ce type de débat conduit à l'occasion de l'examen d'un projet
de loi de finances rectificative, entre le financement des chambres
d'agriculture, les péages autoroutiers...
M. Michel Charasse.
Ou la Corse !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'allais oublier le plus beau et plus ensoleillé
département de France.
Le procédé qui est utilisé ici n'est pas à mettre à l'actif de la volonté de
transparence qui animerait le Gouvernement aujourd'hui plus qu'hier.
Pour ce qui est de la remise de créance sur le journal
l'Humanité,
si
tout le monde peut se déclarer légitimement attaché au principe de la pluralité
de la presse, de la presse quotidienne en particulier, et ne saurait s'opposer
à la participation de l'Etat à un plan de redressement d'une entreprise de
presse qu'il aurait, à un moment donné, financée, nous avons estimé que
l'information de la commission était vraiment très insuffisante.
En effet, qui dit plan de redressement dit, en principe, quelle que soit
l'entreprise concernée, effort partagé. Or l'Etat ferait un effort mais l'on ne
saurait pas si les actionnaires actuels de ce journal engageraient un effort,
analogue ou proportionné.
En outre, et c'est sans doute l'essentiel, on ne saurait pas s'il pourrait en
résulter des conséquences vraiment utiles tant pour les ventes que pour le
résultat de ce journal dont le déficit est passé de 3,6 millions de francs pour
un chiffre d'affaires de 205 millions de francs en 1996 à un déficit de 8,6
millions de francs pour un chiffre d'affaires de 193 millions de francs en
1998. Je ne dispose pas de chiffres plus récents.
S'il y a plan de redressement c'est, en toute logique, pour assurer le devenir
de l'entreprise. Le Gouvernement nous propose un abandon de créance, mais nous
n'avons aucune idée de l'ensemble des éléments du plan de redressement. Dans le
doute, et au vu de l'empressement que le Gouvernement semble mettre à effacer
une dette sans que l'ensemble du plan de redressement soit défini, nous ne
pouvons qu'appeler au rejet de la mesure.
En ce qui concerne l'AFP, nous retrouvons, mes chers collègues, une
problématique tout à fait semblable à celle de l'année dernière. A l'époque, le
nouveau président, qui prenait la tête de l'AFP, était aux prises avec une
situation économique et financière complexe. Il concevait des propositions
susceptibles d'être soumises au Gouvernement et à ses partenaires sociaux pour
accroître le dynamisme de son organisation. Cela lui semblait devoir passer par
quelques modifications statutaires.
Le Gouvernement, dans ce contexte, appelait à un abandon de créance pour
faciliter la mutation de l'entreprise. L'abandon de créance a été décidé, mais
la réforme des statuts n'a pas été menée à bien et le nouveau président a dû
constater que sa mission était impossible tant il était peu soutenu par le
Gouvernement, notamment par le Premier ministre.
En cette fin d'année, il y a encore un nouveau président, de nouvelles idées
quant au développement de l'entreprise et à la transformation des conditions
d'exercice de son activité et une demande d'abandon de créance de la part du
Gouvernement.
Madame le secrétaire d'Etat, la commission ne peut pas appeler au vote de ce
dispositif, car nous croyons que l'AFP mérite beaucoup mieux que ce traitement
tronqué des problèmes.
Selon nous, l'AFP est un patrimoine culturel et entreprenarial important pour
notre pays, et elle mérite que les conditions d'exercice de son activité,
notamment au plan international et à l'égard des nouvelles technologies, soient
redéfinies de manière plus réaliste afin de lui permettre de faire son chemin
dans une compétition qui, bien entendu, s'accentue tous les jours.
Pour aboutir à ce résultat, pour assurer l'avenir de l'AFP, il ne faut pas se
borner à prendre une mesure comptable ponctuelle, certes utile ou agréable,
comme l'abandon de créance, il faut véritablement prendre position sur un plan
de développement, avec toutes les conditions statutaires et économiques
indispensables.
C'est dans cet état d'esprit positif à l'égard de l'AFP que la commission
préconise la suppression de l'article 5.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 53.
M. Michel Charasse.
L'amendement que vient de présenter M. le rapporteur général vise à supprimer
l'article 5. Celui que je présente quant à moi ne vise qu'à supprimer le
paragraphe II de cet article, qui concerne l'AFP, et non son paragraphe I, qui
concerne
l'Humanité
, parce que les problèmes ne sont pas tout à fait les
mêmes et le fait que je ne sois ni un lecteur de
l'Humanité
ni un
cotisant au parti communiste dont ce journal est l'organe me rend d'autant plus
à l'aise pour m'expliquer.
Le problème posé au paragraphe I, c'est celui du pluralisme ; le problème posé
au paragraphe II, c'est celui de la gestion de l'une des voix de la France à
l'étranger.
Le pluralisme, c'est un élément quasiment constitutionnel et c'est à la nation
de l'assurer. Elle l'assure de plusieurs manières : soit par des subventions
directes qui sont versées aux organes de presse dans le cadre des crédits pour
la presse et contre lesquels le Sénat ne s'est jamais élevé, quels que soient
les journaux concernés ; soit par des prêts du fonds de développement
économique et social ou assimilés, disons des prêts du Trésor, et c'est l'objet
de la remise de créance qui nous est proposée en ce qui concerne
l'Humanité
.
En revanche, l'AFP est un organisme contrôlé par l'Etat, financé sous la
tutelle de l'Etat, qui doit obéir à un certain nombre de règles, notamment de
règles de gestion, et qui ne joue pas tout à fait le même rôle. La question du
pluralisme ne se pose pas dans les mêmes termes : en l'occurrence, il s'agit du
pluralisme des voix des grands pays dans le monde et non d'une notion
constitutionnelle, ce qui ne veut pas dire que la présence de la France à
l'étranger m'indiffère.
Mes chers collègues, si nous ne remettons pas la créance de
l'Humanité
,
d'abord, notre assemblée pourra donner lieu, à l'extérieur, à quelques
considérations peu agréables.
Ensuite, que se passera-t-il si, un jour, le Gouvernement présente une remise
de créance pour un autre journal,
Le Figaro
ou un autre ? Je cite
Le
Figaro
, comme j'en citerai un autre, sachant toutefois que, pour
Libération
ou
Le Monde
, il n'y aurait pas de problème ! Nous
sommes tous couchés devant tous les jours ! Il suffirait qu'ils fassent un
signe, et il n'y aurait même pas besoin d'un article de loi de finances
rectificative pour qu'on leur fasse la remise !...
(M. le rapporteur général
s'esclaffe.)
Par conséquent, il ne serait, selon moi, pas habile pour l'image du Sénat de
refuser la remise de créance de 13 millions de francs de
l'Humanité
,
d'autant plus que cette remise de créance peut faire l'objet d'une subvention
de l'Etat, d'une subvention que nous accepterions tous sans aller regarder dans
le détail et, qu'en fait, on donnera ce que l'on veut d'une autre manière.
En revanche, pour l'AFP, la question n'est pas la même. Il s'agit de savoir si
l'agence va continuer longtemps de refuser de se réformer en sollicitant
constamment le contribuable pour « boucher les trous ».
Monsieur le rapporteur général, je me souviens qu'à l'occasion d'une
précédente remise de créance, qui devait s'élever environ à 45 millions de
francs, voilà deux ou trois ans, dans un collectif encore une fois, j'avais
voté contre pour le même motif. En votant contre aujourd'hui aussi, je n'engage
pas mon groupe, puisque je suis le seul signataire de cet amendement, et je ne
changerai pas d'avis.
Je considère en effet qu'il est tout à fait dramatique de nommer des hommes de
grand talent à la tête de l'AFP, puis de les lâcher en rase campagne pour
accorder ensuite à leur successeur ce qu'on leur avait refusé ! C'est une image
détestable de la gestion par l'Etat que nous donnons.
Seulement, monsieur le président, mon problème est un peu particulier en ce
qui concerne l'amendement n° 53, car il y a un amendement de suppression de la
totalité de l'article qui, normalement, vient avant. En effet si l'amendement
de M. Marini est adopté, mon amendement n° 53 tombera, et les deux paragraphes
de l'article 5 seront supprimés alors que j'aurais souhaité que le Sénat puisse
se prononcer sur chacun d'eux.
Parlant maintenant de nouveau au nom de mon groupe, je terminerai en disant
que nous ne pourrons pas, c'est bien évident, adopter l'amendement de
suppression n° 13 proposé par M. le rapporteur général.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 53 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° 53 sera largement satisfait par le
vote de l'amendement n° 13 de la commission.
L'argumentation présentée par M. Charasse sur l'AFP nous réunit
complètement.
Quant à son argumentation sur
l'Humanité
, peut-être y reviendrons-nous
à l'occasion d'autres échanges sur cet article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 53 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 13 tend à supprimer les deux
paragraphes de l'article 5, le premier relatif à
l'Humanité
, le second
relatif à l'AFP.
Si l'Etat a décidé d'abandonner la créance qu'il détient sur la Société
nouvelle du journal l'
Humanité
, c'est bien parce que cette mesure
s'inscrit dans le plan de redressement engagé par cette société pour faire face
aux difficultés financières résultant de l'érosion des ventes de ce quotidien,
et vise à accompagner les efforts de restructuration engagés tant par les
actionnaires de cette société que par les partenaires financiers qui les
appuient.
Comme l'a fort bien dit M. Charasse, cela contribue au maintien du pluralisme
de la presse en France et c'est à l'aune de ce principe que cette mesure doit
être examinée. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à sa suppression et
donc à l'amendement n° 13.
L'amendement n° 53 ne vise que le paragraphe II de l'article 5, à savoir
l'abandon du solde de la créance détenue par l'Etat sur l'AFP, qui fait suite à
l'abandon, en 1999, d'une première créance détenue par l'Etat depuis 1991 d'un
montant de 45 millions de francs.
Vous l'avez dit vous-même, l'AFP a conquis sa notoriété et sa clientèle sur un
marché en forte mutation tant à l'intérieur de notre pays qu'à l'extérieur,
celui de la collecte, du transport et du traitement de l'information. L'essor
des technologies multimédias a suscité d'importantes évolutions techniques et
favorisé l'arrivée d'acteurs nouveaux. L'AFP a besoin de s'adapter à ce nouvel
environnement si l'on souhaite qu'elle reste un acteur majeur au sein des
grandes agences internationales. Pour ce faire, elle a engagé la modernisation
de sa chaîne de production et enrichi progressivement les contenus les mieux
adaptés au support multimédia. Cet effort commence à porter ses fruits, ainsi
qu'en témoigne l'évolution récente du chiffre d'affaires dans ces domaines.
En renonçant à la seconde moitié de la créance de 90 millions de francs et en
accordant un moratoire sur le principal et les intérêts correspondants, l'Etat
a montré, la première fois, qu'il souhaitait soutenir ce processus et
contribuer à l'effort financier que cela suppose. Dans le contexte lié à
l'arrivée d'un nouveau président, aujourd'hui, ce second abandon de créance est
un autre témoignage de l'engagement du Gouvernement aux côtés du nouveau
gestionnaire de cette structure en vue de maintenir durablement l'équilibre
budgétaire voulu par le statut de l'AFP grâce à la poursuite de la
modernisation des techniques, qui est indispensable si l'on veut que cette
agence reste compétitive par rapport à ses principaux concurrents mondiaux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Mes chers collègues, il y a, me semble-t-il, un large accord - je ne parle pas
de mes amis qui ne sont pas signataires de l'amendement n° 53 - sur le
paragraphe II de l'article 5 pour diverses raisons.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne suis pas sûr qu'on ne nous ait pas dit
voilà un an que l'abandon de la créance de 45 millions de francs était une
mesure prise une fois pour toutes et qu'on n'en parlerait plus. Or on l'étire
comme un chewing-gum ou un macaroni jusqu'à la saint-glinglin !
Je vais voter contre l'amendement de suppression n° 13 de M. le rapporteur
général, et c'est d'ailleurs pour cela que je m'exprime contre. Mes chers
collègues, permettez-moi de vous dire, sans aller plus loin, que repousser
l'amendement n° 13 de M. le rapporteur général et adopter le mien serait, de
notre part, une belle manifestation de tolérance et une façon de favoriser le
pluralisme, car si, aujourd'hui, la mesure concerne
l'Humanité,
demain
elle pourrait viser un autre journal. Le Sénat se grandirait, lui qui a
toujours été une assemblée tolérante, en prenant cette position qui me paraît
tout à fait conforme à l'esprit qui anime un grand nombre d'entre nous. Nous
sommes d'autant plus à l'aise pour le faire que, dans cet hémicycle, hormis de
ce côté
(M. Charasse désigne le groupe communiste républicain et citoyen),
on ne
compte pas beaucoup de lecteurs de
l'Humanité !
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Je remercie de leurs propos Mme le secrétaire d'Etat et notre collègue Michel
Charasse, qui est un sage !
Nous ne pouvons, évidemment, pas rester insensibles au dépôt, par M. le
rapporteur général, de l'amendement de suppression de l'article 5, article qui
prévoit expressément que l'Etat, par le biais du Fonds de développement
économique et social, renonce à la perception des revenus tirés de prêts
accordés à l'un des journaux d'opinion de notre pays et à l'AFP.
Les deux prêts, dont il nous est proposé d'abandonner les créances, sont d'un
montant global de 58 millions de francs.
Sans doute la portée symbolique de la mesure est bien plus forte que son coût
budgétaire ; en ce sens, je rejoins notre collègue M. Michel Charasse.
Adopter l'article 5, c'est contribuer au redressement des bilans du journal
l'Humanité
et de l'AFP. Sur le fond, c'est largement préférable à la
disparition d'un titre de presse qui manquerait au pluralisme dans notre pays -
même si l'on ne partage pas, et parfois pas du tout, les idées qui y sont
défendues. Ne pas le faire serait un recul dans le débat politique et
démocratique, et une remise en question du rôle d'une agence qui est la seule
aujourd'hui à dispenser, sur le plan international, des informations en langue
française.
Supprimer l'article 5 serait donc un moins pour la démocratie dans notre pays
comme ont été un moins en leur temps les disparitions du
Matin de Paris,
du
Quotidien,
de
l'Aurore
ou d'
Infomatin.
Ce serait
aussi un moins pour la présence de la France dans le concert international.
Alors, oui, la portée symbolique de la mesure préconisée est plus forte que
son coût budgétaire. Elle est sans commune mesure, de ce point de vue, avec les
abandons de créances accordés, par exemple, aux frères Saadé à l'occasion de la
privatisation de la Compagnie générale maritime, ou encore le coût des
conditions préférentielles accordées aux acheteurs de titres de sociétés
privatisées entre 1993 et 1997.
Toutefois, sa valeur est réelle. Elle appelle simplement, une fois que l'Etat
a accompli un effort significatif, les deux entreprises concernées à mobiliser
leurs forces pour construire un projet de développement audacieux que nous
espérons couronné de succès.
Bien sûr, on l'aura compris, nous ne voterons pas l'amendement de suppression
n° 13.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis tout à fait sensible aux arguments qui concernent le maintien du
pluralisme dans la presse et qui n'ont pas toujours été partagés par ceux qui
invoquent aujourd'hui un tel pluralisme !
(Murmures sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen ainsi
que sur les travées socialistes.)
Mais oublions le passé...
Je souhaite obtenir des précisions.
S'agit-il d'un précédent ou y a-t-il eu d'autres exemples ? Un de nos
collègues du groupe communiste républicain et citoyen a cité tout à l'heure les
disparitions du
Quotidien de Paris
et de
L'Aurore
. Qu'a fait la
puissance publique à l'époque pour empêcher cela ? A-t-elle eu recours à un
mécanisme semblable à celui qui nous est offert aujourd'hui, à savoir un
abandon de créance ? Le Gouvernement peut-il nous donner une liste de cas
similaires ?
En second lieu, si j'ai bien compris madame le secrétaire d'Etat, l'abandon de
créance qui nous est proposé est conditionné par l'exécution d'une opération de
restructuration. Quelle est-elle ? Quelles interventions financières
suppose-t-elle ? Quels efforts doivent être faits par les dirigeants du journal
eux-mêmes ?
Tout à l'heure, on a invoqué le souci des deniers publics. Il ne faudrait pas
trouver une mauvaise réponse au problème qui nous est posé !
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je regrette beaucoup pour ma part - je l'avais dit en commission - que la
procédure ne nous permette pas de nous prononcer sur chacun des paragraphes de
l'article 5. J'espérais que nous trouverions une solution en séance publique,
éventuellement par le dépôt d'un sous-amendement. Mais il est probablement trop
tard.
Face à ce qui constitue en quelque sorte un « vote bloqué », et compte tenu de
l'importance du second paragraphe de l'article 5 par rapport au premier, je
suis dans l'obligation de voter l'amendement n° 13. Cela étant, s'il nous avait
été possible de nous prononcer sur chacun des paragraphes, j'aurais voté
l'amendement n° 53 de M. Charasse qui n'aura plus d'objet si l'amendement de M.
le rapporteur général est adopté.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le pluralisme n'est nullement en cause en la matière
! La question est de savoir si l'on nous donne les éléments d'information
nécessaires pour que nous nous prononcions sur un abandon de créance dans le
cadre d'un plan de redressement.
Que savons-nous d'un tel plan ? Ce qu'en publie la presse ! A savoir que le
parti communiste français, qui détient aujourd'hui 100 % du capital du titre,
deviendrait un actionnaire minoritaire mais de référence aux côtés de nouveaux
entrants. Sur le modèle du
Monde
- que vous avez cité tout à l'heure -
il serait envisagé la création de quatre structures actionnaires, outre le PCF
: une Société des lecteurs, une Société du personnel, une société
d'investissement et la Société des amis de
l'Humanité.
La société
d'investissement serait ouverte à quelques investisseurs financiers. Parmi eux,
on cite les caisses d'épargne, des mutuelles et un certain nombre d'entreprises
publiques et privées, y compris dans le secteur de la communication.
Qu'est-ce qui empêchait le Gouvernement de nous donnner une information
chiffrée ? Il s'agit du pluralisme de la presse, bien ! Mais il ne s'agit pas
d'un service public de l'Etat que je sache ! C'est une entreprise de presse,
d'accord, mais c'est une entreprise. C'est une société anonyme, qui a un
capital, des actionnaires, du personnel, des créanciers, qui vit comme toute
entreprise. Elle est en difficulté, certes, et les problèmes que connaissent
les entreprises en difficulté doivent être traités. Mais il faut les traiter en
mobilisant l'effort de ceux qui assureront la viabilité de l'entreprise dans la
durée.
De qui s'agit-il en l'occurrence ? Il s'agit des créanciers : des créanciers
bancaires et, bien sûr, de l'Etat. Il s'agit également du personnel à qui on
demandera peut-être des efforts, comme dans tout plan de redressement, hélas !
Il s'agit aussi des actionnaires et des investisseurs nouveaux qui vont entrer
dans le tour de table.
Mes chers collègues, ne prendrions-nous pas une décision plus responsable si
nous disposions de tous les éléments du dossier, notamment des chiffres ? En
fait, on nous demande de voter à l'aveuglette.
On peut dire que 13 millions de francs, cela ne va pas très loin, certes. Je
ne devrais pas dire cela, madame le secrétaire d'Etat, mais c'est vrai, dans le
collectif, on n'en est pas à 13 millions de francs près ! La question est de
savoir si, oui ou non, nous sommes en possession des éléments d'information
nous permettant de traiter le problème de façon responsable. Personne ici n'a,
je le suppose, une opinion idéologique sur le sujet mais, je le répète, le
redressement de l'entreprise est une affaire sérieuse que l'on traite
professionnellement, avec tous les éléments requis. C'est uniquement en se
fondant sur cette analyse que la commission propose la suppression de
l'article.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je persiste à penser
que c'est faire beaucoup d'histoires pour une affaire de 13 millions de francs
!
Nous n'aurions pas ce débat si l'Etat n'avait pas consenti un prêt du Trésor.
Il aurait pu donner une subvention ou bien procéder comme à une certaine
époque...
Je n'ai pas connu cette époque en tant que ministre du budget. Mais je sais
que les choses se sont passées ainsi peu de temps auparavant, et ce
pratiquement depuis la fin de la guerre.
Quand un problème se posait dans un journal, quel qu'il soit, on passait à
Matignon, on allait chercher une valise remplie sur les fonds secrets, et le
problème était réglé. Discrétion assurée !
A l'époque, la sécurité sociale n'étant pas aussi développée qu'aujourd'hui
n'offrait pas de bonnes paires de lunettes aux juges ! Encore que, s'ils en
avaient eu, il n'est pas sûr qu'ils auraient mieux vu car, quand il s'agit de
la presse, ils ne foncent pas bille en tête comme pour d'autres... Elle, ils la
cocoonent et la caressent dans le sens du poil !
Enfin, je le répète, nous pouvons atteindre l'objectif recherché qui, quelles
que soient les observations de M. le rapporteur général, a sa justification. Ce
serait une affaire de 1,3 milliard de francs ou de 130 millions de francs, je
comprendrais que l'on s'interroge, mais il ne s'agit que de 13 millions de
francs. En outre, cela concerne un organe de presse important, un quotidien.
Or, il n'y en a plus beaucoup en France ! N'étant ni lecteur ni militant, je
suis très à l'aise dans cette affaire.
Si le Sénat repousse l'amendement n° 13 et adopte l'amendement n° 53 - et je
ne dis pas cela par vanité d'auteur - nous laissons
l'Humanité
de côté
et les observations formulées par les uns et les autres sur l'AFP conservent
d'autant plus leur valeur qu'elles sont acceptées par le Sénat. Il n'est pas
forcément négatif que nous montrions de temps en temps que notre assemblée peut
aussi faire preuve de tolérance et d'ouverture, quelle que soit son orientation
politique majoritaire, que tout le monde connaît.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. Chérioux trouvera des éléments de réponse à sa
question à la page 105 de mon rapport écrit. Il pourra y lire :
« Certes, on peut faire état de deux autres titres ayant bénéficié de prêts du
FDES pour un montant de 11,6 millions de francs : un prêt de 1,6 million de
francs à la société éditrice du journal
La Marseillaise,
actuellement en
cours de remboursement ; un prêt de 10 millions de francs non remboursé du fait
de la mise en redressement judiciaire de son bénéficiaire, le
Quotidien de
Paris.
»
Mes chers collègues, il n'a pas été fait abandon de créance au
Quotidien de
Paris.
Il a simplement été constaté que, du fait de l'interruption de ses
activités et de sa mise en redressement judiciaire, il n'a pas été en mesure de
régler sa dette. Voilà très exactement les précédents, mes chers collègues.
M. Jean Chérioux.
C'est deux poids, deux mesures !
M. Michel Charasse.
Avant le
Quotidien de Paris,
il y a eu d'autres choses !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est supprimé et l'amendement n° 53 n'a plus
d'objet.
Article 5 bis