SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° I-182, MM. Trégouët, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Joyandet, Ostermann, Leclerc, Schosteck, Lanier et Mme Olin proposent
d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« 50 % du montant de la redevance réellement versée par le titulaire
d'autorisation d'établissement et d'exploitation de réseau mobile de troisième
génération délivrée en application de l'article L. 33-1 du code des postes et
télécommunications lui sera remboursé lorsque le réseau de ce titulaire
couvrira 95 % du territoire métropolitain et celui des territoires et
départements d'outre-mer. »
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Il est évident que le téléphone mobile de troisième génération, à l'instar de
l'ensemble des nouvelles technologies de hauts débits, va prioritairement être
installé dans le milieu urbain.
Afin de ne pas créer une « fracture » numérique entre le monde urbain et le
monde rural, cet amendement vise à rembourser 50 % de la redevance à tout
opérateur qui aura déployé le téléphone mobile de troisième génération sur 95 %
du territoire métropolitain et des départements et territoires d'outre-mer.
Il est important que le monde rural puisse accéder à ces technologies, hauts
débits de faute de quoi il sera totalemente exclu de la nouvelle économie. Il
faut prendre conscience qu'aucune entreprise ne s'installera dans le monde
rural en l'absence de ces hauts débits, qui seront aussi nécessaires aux
entreprises que l'électricité et le téléphone.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaite que cet amendement puisse être
retiré, malgré tout l'intérêt qu'elle porte à ce que la téléphonie de nouvelle
génération couvre le plus vite possible l'ensemble du territoire national, et
tout particulièrement les zones rurales, les zones difficiles à desservir.
Il est cependant de la responsabilité du Gouvernement de faire figurer dans
les cahiers des charges annexés aux autorisations les prescriptions auxquelles
les opérateurs vont devoir se conformer.
Tout à l'heure, à mon grand regret, je n'ai pas pu donner un avis favorable à
l'amendement de M. Pierre Laffitte. L'amendement de MM. René Tregouët et
Auguste Cazalet étant dans le même esprit, tout en portant sur des volumes
financiers encore plus important ses auteurs ne m'en voudront pas de réitérer
le même avis.
Je souhaite donc, je le répète, qu'ils retirent cet amendement qui, au
demeurant, n'est pas compatible avec la suppression de l'article 23. Mais il
était essentiel qu'ils puissent exprimer leur préoccupation en matière
d'aménagement du territoire et de couverture de l'ensemble du territoire par
les opérateurs.
Mes chers collègues, tout à l'heure, M. Michel Charasse, avec l'esprit aiguisé
que nous lui connaissons, a posé quelques questions quant à la suppression de
l'article 23. Que se passera-t-il de ce fait ?
Les conditions de la soumission, puisque le Gouvernement estime que c'est la
bonne méthode, sont d'ordre réglementaire. La loi n'interférant pas dans ce
dispositif, le Gouvernement peut très bien poursuivre ce qu'il a commencé sans
nous, et sans nous demander notre avis. Cela ne changera strictement rien.
Pour ce qui est des conséquences purement budgétaires, lorsque cette recette
arrivera, elle tombera dans le pot commun des recettes de l'Etat. Elle viendra
dès lors s'imputer sur le solde de la loi de finances, le réduisant à due
concurrence, diminuant donc l'endettement et nous plaçant sur le chemin
vertueux qui est celui, selon tous les membres de la commission, et notamment
de Michel Charasse, sur lequel nous devons nous trouver les uns et les
autres.
Enfin, mes chers collègues, le point de droit qui a soulevé des
interprétations différentes, est celui de la nature de ce versement. A mon sens
- je me permets de livrer ce point de vue - ce versement n'équivaut pas à la
cession d'un actif, car il s'agit bien, selon la présentation qui nous est
faite, d'une utilisation, d'une occupation pour un temps déterminé. De ce point
de vue, on semblerait donc plutôt se rattacher à un régime de permission ou de
concession temporaire d'un droit quelconque appartenant au domaine de
l'Etat.
Le problème est de savoir s'il y a vraiment correspondance entre le service
dont il s'agit et le prix qui en est demandé. Pour une redevance, il faut que
cette correspondance existe et soit clairement avérée. Il faut aussi que le
paiement corresponde au souci d'équilibre entre un service auquel on va
accéder, une capacité dont on va bénéficier et le coût qui va devoir être, en
contrepartie, financé.
C'est en vertu de cette analyse que la commission s'est posé la question de
savoir si les versements importants en début de période ne traduisaient pas
autre chose qu'une logique de redevance. Ils semblent plutôt traduire une
logique d'imposition, qui, elle, eût demandé l'accord préalable du
Parlement.
Cette discussion, évidemment complexe, se tiendra sur la base d'argumentaires
beaucoup plus détaillés. Mais, du point de vue de la « bonne doctrine » des
finances publiques, si j'ose dire, c'est une question qui mérite assurément
d'être tranchée.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Cazalet ?
M. Auguste Cazalet.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. Michel Charasse.
Dommage, je voulais le sous-amender !
M. le président.
L'amendement n° I-182 est retiré.
Par amendement n° I-285, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport retraçant
l'évolution de la desserte de l'ensemble du territoire (y compris les zones
rurales) par des réseaux permettant l'échange à haut débit, au moyen des
technologies les plus modernes, (UMTS, satellite, câble, bouche locale
radio...) de données multimédia numérisées. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comme nos collègues MM. Cazalet, Trégouët et
Laffitte, nous voudrions que le Gouvernement puisse nous expliquer comment les
préoccupations d'aménagement du territoire sont prises en compte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
En matière de couverture du territoire les réseaux
mobiles à la norme GSM, mon collègue secrétaire d'Etat à l'industrie
présentera, conformément à la loi de réglementation des télécommunications de
1996, un rapport au Parlement. Il proposera ensuite des mesures pour atteindre
notre objectif commun, c'est-à-dire l'accès pour tous les Français.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-285.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
M. Cazalet a retiré son amendement un peu vite. Même si cet amendement n'était
pas tout à fait satisfaisant dans sa rédaction, il soulevait en effet une bonne
question.
L'amendement n° I-285 de la commission des finances revient sur le problème
qui nous intéresse tous, la desserte équitable et équilibrée du territoire.
Comme M. le rapporteur général l'a très bien dit il y a un instant, ce qui est
du domaine public restera du domaine public, et c'est donc une redevance
d'autorisation. On ne vend pas le domaine public, on vend un droit d'usage, et
chaque citoyen dans la République a les mêmes droits en ce qui concerne
l'utilisation du domaine qui appartient à tout le monde.
M. Cazalet nous proposait une formule qui coûtait très cher et qui était sans
doute mal calibrée, ce n'est pas une critique, mon cher collègue, c'est
l'analyse du texte ! Le rapporteur général, au nom de la commission, nous
propose un système de contrôle du Parlement, auquel le Gouvernement devra
rendre compte. Mais, pour ma part, j'aimerais bien que le Gouvernement nous
dise si, dans les cahiers des charges, figurera une obligation de desserte de
90 % ou de 95 %, du territoire. C'est cela qui nous intéresse !
Dans ce cas, l'amendement de la commission prend toute sa valeur. Il nous
permet de savoir comment le Gouvernement respectera son engagement ou, plus
exactement, comment il veillera à l'application des cahiers des charges dont il
sera l'auteur.
Mes amis et moi-même voterons l'amendement de M. Marini. Mais je serais plus
tranquille si Mme le secrétaire d'Etat voulait bien nous confirmer que les
cahiers des charges comporteront des obligations de desserte, de façon que, pas
forcément la première année, mais pas non plus dans quinze ou vingt ans, au
terme de la période transitoire de paiement de la redevance, disons dans un
délai raisonnable de quatre à cinq ans, nous soyons assurés que 90 % à 95 % du
territoire seront couverts.
Je ne reprends pas la formulation de l'amendement de M. Cazalet, qui visait 95
% du territoire de la métropole et des départements et territoires d'outre-mer.
En effet, quand on additionne tous les territoires de la République, cher ami,
on peut aboutir, du fait de la superficie importante de certains - je pense,
par exemple, à l'arrondissement de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane - à des
chiffres astronomiques. Vous me direz, bien sûr, que les autres départements
d'outre-mer sont beaucoup plus petits que la Guyane !
(Sourires.)
Je préférerais que l'on vise 95 % ou 90 % du territoire métropolitain et de
chaque département d'outre-mer - en mettant peut-être à part le cas de la
Guyane parce que l'on ne va tout de même pas installer des réseaux pour les «
marsupilamis » du territoire de l'Inini et de la forêt vierge ! - bref, un
système qui nous permette d'avoir l'assurance que l'ensemble des populations
ou, plutôt, leur écrasante majorité bénéficieront bien de cette desserte qui
s'effectuera en utilisant un domaine qui appartient à chacun d'entre nous.
Alors, madame le secrétaire d'Etat, pourriez-vous avoir la gentillesse de nous
dire un petit mot sur ce que vous envisagez de mettre dans les cahiers des
charges, de façon que nous soyons un peu plus rassurés ?
J'ajoute, si vous me le permettez, que, compte tenu du fait qu'il s'agit du
domaine de l'Etat et que nous vivons toujours - puisque les Corses n'ont pas
encore frappé - sous un régime d'égalité absolue des citoyens devant la loi et
les charges publiques, un cahier des charges ne comportant pas cette
disposition pourrait être annulé par le Conseil d'Etat au nom du principe
d'égalité.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole et à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je veux rappeler que le processus de soumission
comparative tient compte du critère de couverture du territoire, puisque nous
nous livrons non pas à des enchères financières mais à des enchères en termes
de couverture du territoire, en quelque sorte.
Ainsi, 25 % des critères de la soumission comparative portent sur des
engagements de couverture, ce qui est conforme, je crois, à notre tradition de
service public et à notre préoccupation d'aménagements du territoire.
L'appel à candidatures UMTS prévoit bien une obligation de couverture de la
population, ambitieuse, de 80 %...
M. Michel Charasse.
De la population ou du territoire ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La population !
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas la même chose !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Certes, mais c'est en ces termes que sont toujours
exprimés les critères de ce type.
M. Michel Charasse.
La Lozère peut ne pas être couverte, avec 80 % de la population !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, aujourd'hui, les opérateurs GSM
couvrent 98 % de la population.
M. Michel Charasse.
Mais ça ne passe pas, ni dans le Cantal, ni dans la Lozère, ni dans la moitié
du Puy de Dôme, etc. !
M. le président.
Je vous en prie, mon cher collègue, laissez poursuivre Mme le secrétaire
d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous nous attendons à ce que les engagements de
couverture UMTS soient respectés et nous espérons même qu'on ira au-delà. Nous
verrons bien !
M. Michel Charasse.
Mais 80 % du territoire, cela ne va pas !
M. Jean Chérioux.
Les habitants, ce n'est pas le territoire ! Ce n'est pas de l'aménagement du
territoire.
M. Michel Charasse.
Je surveillerai cela !
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, quel est donc votre avis sur cet amendement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-285, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 23.
Article 24