Séance du 28 juin 2000
INTERDICTION DES CANDIDATURES
MULTIPLES, AUX ÉLECTIONS CANTONALES
Adoption d'une proposition de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 301, 1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, interdisant les
candidatures multiples aux élections cantonales. [Rapport n° 324
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd'hui saisis en deuxième lecture d'une
proposition de loi interdisant les candidatures multiples aux élections
cantonales dont vous aviez pris l'initiative et que vous aviez examinée et
adoptée en première lecture le 23 novembre 1999.
Le paradoxe de cette séance est que nous n'aurons justement pas à discuter de
l'interdiction des candidatures multiples, car l'article 1er de ce texte a été
adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, avec l'accord du
Gouvernement. Je n'y reviendrai donc pas, si ce n'est pour souligner que la
Haute Assemblée a fait un bon usage de son pouvoir d'initiative et améliore
ainsi la cohérence entre les dispositions applicables aux différents types
d'élections.
Les articles qui restent en discussion sont tous issus d'amendements déposés
sur la proposition initiale du Sénat.
L'article 2 résulte d'un amendement de M. Mercier, adopté par le Sénat en
première lecture afin de résoudre les difficultés apparues à l'occasion de
fusions de cantons, lorsque deux cantons fusionnés appartiennent à des séries
de renouvellement différentes. Le problème se pose avec le nouveau découpage du
département du Rhône.
L'Assemblée nationale a légèrement modifié la rédaction adoptée par la Haute
Assemblée, tout en approuvant la solution apportée au problème posé.
La combinaison des textes actuels et la jurisprudence du Conseil d'Etat
conduisent à considérer que le canton dont le renouvellement est le plus tardif
absorbe celui dont le renouvellement se présente le plus rapidement. Ainsi, la
fusion de deux cantons renouvelables, l'un en 2001, l'autre en 2004, conduit à
ce que le nouveau canton issu de la fusion ne soit renouvelé qu'en 2004 et soit
représenté jusque-là par le conseiller général renouvelable en 2004.
Cette solution n'est pas satisfaisante, d'abord parce qu'elle ne tient pas
compte de la taille des cantons : un petit canton peut être considéré comme
absorbant un gros canton. Dans ce cas, les électeurs de ce dernier sont
empêchés de s'exprimer à l'issue du mandat de leur conseiller général
puisqu'ils sont représentés pendant les trois ans qui restent à courir par le
conseiller général du canton dont le renouvellement intervient le plus tard.
Le deuxième inconvénient de cette solution est que le conseiller général du
canton renouvelable en premier voit son mandat cesser et ne peut se présenter
devant les électeurs que trois ans après. C'est donc le hasard du calendrier,
et non les suffrages des électeurs, qui désigne un conseiller général pour
trois ans, ce qui est peu démocratique.
La solution de l'article 2 de la proposition de loi est préférable puisqu'elle
fait trancher les électeurs le plus tôt possible, c'est-à-dire avec la série
dont le renouvellement est le plus proche.
Le problème qui se pose alors est celui du sort du conseiller général du
canton appartenant à la série non renouvelable, conseiller général qui n'a
exercé qu'un mandat de trois ans lors de l'élection - celui, dans mon exemple,
qui ne serait pas renouvelable en 2001 - alors que le premier alinéa de
l'article L. 192 du code électoral prévoit que les conseillers généraux sont
élus pour six ans.
Le Sénat comme l'Assemblée nationale ont proposé de lui laisser terminer son
mandat pendant les trois ans restant à courir, même s'il n'y a plus d'assise
territoriale à ce mandat. Il y a, ainsi, accomplissement de la totalité du
mandat pour lequel il a été désigné par les électeurs.
Certains députés ont fait observer que, si ce conseiller général se présentait
aux élections dans le nouveau canton issu de la fusion et était battu, il
continuerait néanmoins d'exercer son mandat pendant trois ans.
Mais, actuellement, rien n'empêche un conseiller général élu dans un canton
qui serait renouvelable en 2004 d'aller se présenter dans un autre canton en
2001 et, s'il est battu, de continuer à exercer son mandat.
Dans le cas de la fusion de cantons, le conseiller général du canton fusionné,
appartenant à la série renouvelable le plus tard, se trouverait donc dans cette
même situation. La solution retenue par les deux assemblées respecte donc bien
le principe d'égalité, et le Gouvernement y est favorable.
L'article 4 résulte d'un amendement de M. Darne, rapporteur du texte à
l'Assemblée nationale, et vise à harmoniser entre les diverses collectivités
locales certaines dispositions de la loi relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec les administrations, adoptée par le Parlement en avril
dernier.
Les autorisations de plaider ont longtemps été réservées aux seuls
contribuables des communes. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement
et à la simplification de la coopération intercommunale a ouvert cette
procédure aux contribuables des communes membres d'un établissement public de
coopération intercommunale pour les actions en justice appartenant à ces
établissements.
Enfin, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations a étendu cette possibilité aux contribuables
des départements et des régions pour les actions appartenant à ces
collectivités locales.
Le code général des collectivités territoriales précise que le contribuable
doit déposer un mémoire au tribunal administratif. Ce mémoire est transmis au
préfet qui invite l'organe exécutif de la collectivité ou de l'établissement
public à saisir l'organe délibérant de ce mémoire. Or les modalités de
soumission à l'assemblée délibérante ne sont pas harmonisées entre les
différentes collectivités locales.
En effet, dans les communes, dans les établissements publics de coopération
intercommunale et dans les régions, l'organe exécutif doit soumettre le mémoire
du contribuable à l'assemblée délibérante spécialement convoquée à cet effet,
alors que, dans les départements, le mémoire est soumis au conseil général lors
de sa prochaine réunion dans les conditions de droit commun.
L'article 4, issu d'un amendement de l'Assemblée nationale, vise à harmoniser
ce point de procédure entre les différentes catégories de collectivités en
précisant que le mémoire du contribuable est soumis à l'assemblée délibérante
lors de sa plus prochaine réunion et que l'assemblée délibérante est convoquée
selon les règles de droit commune. Il s'agit d'une mesure de simplification,
voire de bon sens : sinon, les collectivités pourraient crouler sous les
procédures multiples et être convoquées à cet effet - et uniquement à cet effet
- pour examiner les mémoires en recours devant les tribunaux administratifs. Le
Gouvernement est donc favorable à cette disposition.
L'article 5 résulte, lui aussi, d'un amendement adopté par l'Assemblée
nationale. Il concerne le régime fiscal des indemnités de fonction des élus
locaux et a pour objet de neutraliser l'effet de la revalorisation des
indemnités des maires, accordée par la loi du 5 avril 2000 relative à la
limitation du cumul des mandats et des fonctions électives, sur le montant de
la part exonérée de l'impôt dans le cadre de la retenue à la source.
Sans cette modification, l'exonération passerait automatiquement de 3 800
francs actuellement à 7 000 francs mensuels, et à plus de 10 000 francs en cas
de cumul. Or, il n'a jamais été dans l'intention ni du Gouvernement ni des
parlementaires d'accorder un tel avantage fiscal à l'occasion de la
revalorisation des indemnités des maires. Telle était d'ailleurs votre
position, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous avez débattu en
dernière lecture de la loi sur le cumul des mandats, puisque vous aviez alors
adopté cette même correction, sur proposition du ministre de l'intérieur. Mais,
pour des raisons de procédure parlementaire sur lesquelles je ne reviens pas,
l'Assemblée nationale n'a pu reprendre cet amendement.
Or, si la situation des élus locaux mérite d'être encore améliorée - et je
vous réaffirme la volonté du Gouvernement d'oeuvrer en ce sens - cette
réflexion doit s'engager dans un cadre cohérent. Elle perdrait sa légitimité si
elle devait s'exprimer par l'intervention isolée d'une mesure fiscale dont
l'ampleur semble en outre peu aisée à justifier.
C'est pourquoi je vous demande, conformément à la position retenue pour les
mêmes raisons par la commission, d'adopter sans modification l'article de
correction qui vous est proposé, article dont le seul objet est d'assurer la
continuité du dispositif fiscal de la retenue à la source pour les indemnités
de l'ensemble des élus locaux.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
observations, techniques certes, que je voulais vous présenter en cette fin de
session parlementaire, à l'occasion de ce nouvel examen de la présente
proposition de loi.
Je me félicite qu'un texte d'origine sénatoriale, enrichi par le débat à
l'Assemblée nationale et sur le point de devenir loi, nous permette de résoudre
les difficultés auxquelles nous étions confrontés, et je remercie la commission
et son rapporteur de proposer au Sénat d'adopter ces dispositions sans
modification.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a dans le
Tour de France une voiture balai lors de chaque étape. De même y a-t-il, à la
fin de chaque session parlementaire, des séances balai pour les textes
attardés.
(Sourires.)
Voici que nous abordons maintenant la dernière ligne droite de la
proposition de loi d'origine sénatoriale - je salue ici son premier signataire,
notre excellent collègue M. Bernard Joly - concernant l'interdiction des
candidatures multiples aux élections cantonales, qui s'est enrichie en cours de
route de plusieurs dispositions, mineures à certains égards, mais sans nul
doute bienvenues.
S'agissant de l'interdiction des candidatures multiples aux élections
cantonales, le texte, à la faveur de la « niche » parlementaire, avait été
adopté en première lecture dans les mêmes termes par les deux assemblées.
S'agissant des trois points qui y ont été ajoutés, la commission des lois a
décidé de proposer au Sénat d'adopter conformes les textes qui lui sont
soumis.
Tout d'abord, dans le cas où interviendrait une fusion des cantons
n'appartenant pas à la même série de renouvellement, le conseiller général du
nouveau canton serait élu lors du prochain renouvellement triennal, celui de
l'ancien canton non renouvelable pouvant exercer son mandat jusqu'à son terme,
s'il n'est pas élu entre-temps dans le nouveau canton.
Ensuite, s'agissant de la substitution possible d'un contribuable à une
collectivité territoriale ou à un établissement public à caractère industriel
ou commercial n'ayant pas cru devoir exercer une action qu'il estime
souhaitable, il est apparu nécessaire d'harmoniser les procédures devant les
assemblées délibérantes concernées en prévoyant l'examen de la requête « lors
de leur plus prochaine réunion » sans obligation de recours à une session
extraordinaire.
Enfin - et c'est là, surtout à quelques mois d'échéances électorales, sagesse
de la part du législateur - est proposé le maintien à son niveau actuel, malgré
la récente majoration des indemnités maximales des maires, de la partie non
fiscalisée de leurs indemnités de fonction.
Aussi bien, comme je le disais à l'instant, la commission des lois du Sénat
vous propose-t-elle d'adopter sans modification les dispositions soumises à la
Haute Assemblée, qui ont recueilli, me semble-t-il, l'accord du Gouvernement,
M. le secrétaire d'Etat venant de saluer le bon usage qu'a fait - dois-je dire
« pour une fois » ?
(Sourires)
- le Sénat de sa faculté d'initiative.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des artistes.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des
articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont
pas encore adopté un texte identique.
Article 2