Séance du 14 juin 2000
M. le président. Par amendement n° 53 rectifié, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« La continuité territoriale des trois chaînes publiques de télévision nationale, confiée à la société nationale de programme dénommée Réseau France Outre-mer est organisée, dans les départements d'outre-mer, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, après consultation de chaque conseil régional concerné dans les formes prévues à l'article L. 4433-30 du code général des collectivités territoriales ».
La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Il s'agit là d'un problème d'une extrême importance pour la Réunion.
Les Réunionnais ne disposent pas, comme vous en métropole, de trois chaînes : ils reçoivent RFO, qui diffuse deux canaux, une chaîne locale et une sélection de programmes de TF1 et, surtout, de France 2, France 3 et La Cinquième-Arte. Par ailleurs, ils ont accès à une vingtaine de chaînes émanant d'opérateurs privés, au regard desquelles les chaînes publiques sont à l'évidence en état d'infériorité.
Les Réunionnais souhaitent bénéficier de l'égalité dans l'offre d'images. Il n'est pas acceptable que, lorsqu'ils sont en métropole, ils aient accès à trois chaînes alors que, lorsqu'ils rentrent chez eux, ils n'aient accès qu'au choix préalable opéré par RFO.
La loi confère à RFO la responsabilité d'assurer la continuité territoriale. Nous ne le contestons pas, mais nous voulons que, au-delà des chaînes des opérateurs privés, les Réunionnais puissent avoir accès aux mêmes chaînes qu'en métropole. Jadis, on pouvait nous objecter que c'était difficile, notamment sur le plan technique. Désormais, depuis plus d'un an, nous disposons d'un satellite géostationnaire capable de transporter l'image.
Les opérateurs, chez nous, s'engagent à assurer le transport des images des chaînes publiques, ce qui signifie que le travail technique se résumerait à un reformatage pour compenser le décalage du faisceau horaire de la Réunion. A partir de ce moment, nous aurions, comme vous, droit aux mêmes images, aux mêmes commentaires et à la même ligne éditoriale des trois chaînes publiques de métropole.
Par ailleurs, il faut savoir que ce qui est diffusé par le faisceau hertzien à La Réunion peut être capté à l'île Maurice, et il est évident que la possibilité, pour un million de Mauriciens qui sont multilingues mais chez qui la pratique du français est très enracinée, de capter les chaînes publiques françaises est un moyen considérable de maintenir les positions de la francophonie. Or je crois que c'est inestimable pour l'avenir.
C'est pourquoi il ne s'agit pas de contester à RFO sa responsabilité en matière de continuité territoriale, mais de lui demander, sous l'autorité du CSA, d'assurer effectivement l'acheminement et le reformatage des trois chaînes. A partir de là, RFO pourrait, compte tenu des conventions qui existent déjà avec l'ARTOI, l'association des radios et télévisions de l'océan Indien, jouer, par son avance technique et par ses moyens beaucoup plus développés, un rôle considérable d'aide, de coopération et de codéveloppement avec les télévisions de Madagascar, de l'île Maurice, des Seychelles et de la région.
Si nous adoptions cet amendement, nous ferions effectivement un pas considérable, en assurant aux Réunionnais l'égalité dans l'offre d'image publique. En même temps, nous ferions jouer à RFO son rôle de garant de la continuité territoriale, de rayonnement et de coopération avec l'ensemble des francophones de la région, qui sont aujourd'hui 16 millions et qui seront 35 millions dans vingt-cinq ans, avant d'atteindre 50 millions dans quarante ou cinquante ans.
Voilà l'enjeu dans notre région ! Il s'agit de permettre un rayonnement de notre culture dans tous ces pays de l'océan Indien, qui constitueront un bassin de 2,5 milliards d'habitants dans vingt-cinq ans, et d'y combattre la suprématie des anglophones.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Victor Reux, rapporteur pour avis. Le même amendement a déjà été discuté dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi sur la communication audiovisuelle.
La commission avait alors estimé intéressante l'idée d'assurer la continuité territoriale des trois chaînes publiques de télévision, et décidé de demander l'avis du Gouvernement avant de se prononcer, compte tenu de la difficulté d'évaluer avec précision ses implications techniques et financières.
Le Gouvernement avait donné un avis défavorable, au motif que l'extension outre-mer de l'offre de service public, dont les modalités sont de la compétence de l'Etat et non du CSA, doit être progressive et conduite de façon à ne pas porter atteinte à la mission de RFO.
La commission s'est ralliée à cette position et a prononcé, à son tour, un avis défavorable. Le Sénat n'ayant pas adopté l'amendement de M. Vergès lors de l'examen du projet de loi sur la communication audiovisuelle, je confirme l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. M. Vergès souhaite établir une égalité d'accès aux chaînes de télévision du service public, égalité qui, jusqu'à présent, n'était pas assurée pour des raisons techniques, RFO ne diffusant que sur deux canaux, l'un pour sa propre diffusion, l'autre pour la reprise d'un ensemble de programmes des chaînes publiques.
Le contexte a changé avec le développement des satellites et il existe maintenant une capacité de réception directe, sous réserve des difficultés dont M. Vergès a parlé et qui sont liées au décalage horaire et au reformatage de certaines émissions.
Cette proposition est intéressante, d'autant que, par rapport à un amendement qui avait été déposé à l'Assemblée nationale, la diffusion serait confiée à RFO. Tout risque de déstabilisation de cet opérateur, qui est fragile puisqu'il ne concerne qu'un petit bassin de population, serait ainsi écarté.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée, car la mesure proposée est positive et permettra, après étude - il ne s'agit pas de le faire dès demain - d'assurer la réception de France 2, de France 3 et de La Cinquième à la Réunion, dans la mesure où les moyens techniques le permettent. Il serait anormal que le Maghreb, par exemple, reçoive ces chaînes alors que cela ne serait pas le cas dans l'océan Indien, avec des moyens techniques comparables. Nous devons donc, en nous donnant le temps de la concertation avec le CSA et avec RFO, aller dans ce sens : le service public appartient à tous les Français.
M. Victor Reux, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Reux, rapporteur pour avis.
M. Victor Reux. rapporteur pour avis. Après avoir entendu le Gouvernement, je m'en remets également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
TITRE V
DE L'ACTION INTERNATIONALE DE LA GUADELOUPE, DE LA GUYANE, DE LA MARTINIQUE ET
DE LA RÉUNION DANS LEUR ENVIRONNEMENT RÉGIONAL
Article 22