Séance du 8 juin 2000







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Maman, pour explication de vote.
M. André Maman. Certains collègues de mon groupe se sont déjà exprimés à plusieurs reprises sur le projet de loi de finances rectificative pour l'année 2000. Je serai donc bref.
A l'instar de la commission des finances, mon groupe parlementaire ne pouvait pas accepter ce projet de loi en l'état, et ce pour deux raisons principales.
D'une part, l'effort de réduction de la dépense publique et du déficit reste insuffisant dans le projet qui nous est présenté par le Gouvernement. Pour être réellement compétitif dans les années qui viennent au sein du marché européen et international, notre pays doit consentir un effort plus important de réduction des crédits budgétaires, et cela par redéploiement, comme le propose de manière très judicieuse la commission des finances du Sénat.
D'autre part, les réductions d'impôt prévues dans le projet doivent être, elles aussi, réexaminées.
Ces réductions ne doivent pas porter atteinte à l'autonomie financière des collectivités locales : tel est le point de vue exprimé par une large majorité du Sénat, au-delà des clivages politiques. Mais des pistes nouvelles de baisses d'impôts doivent être par ailleurs envisagées à l'horizon des années 2001 et suivantes, en particulier la poursuite de baisses ciblées de TVA sur certains secteurs comme la restauration. De même doit être engagée une réforme en profondeur de l'impôt sur le revenu en faveur, notamment, des familles. Enfin, les charges salariales en France restent trop élevées, notamment pour les bas salaires, ce qui constitue une véritable dissuasion à la reprise du travail.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi de finances rectificative pour 2000 tel qu'il a été modifié par le Sénat.
En conclusion, je voudrais féliciter la commission des finances, son président, Alain Lambert, et son rapporteur général, Philippe Marini, pour l'excellent travail qu'ils ont fourni.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je me joins aux félicitations de notre collègue M. Maman sur l'excellent travail de M. le rapporteur général et, bien entendu, de M. le président de la commission des finances, ainsi que de tous leurs collaborateurs qui ont de nouveau su faire preuve de leur talent.
Je tiens à vous remercier, madame le secrétaire d'Etat, pour la qualité du dialogue républicain qui s'est développé entre le Gouvernement et la Haute Assemblée, nonobstant nos différences d'approche.
Notre groupe se félicite du vote par le Sénat d'un certain nombre des propositions auxquelles il était tout particulièrement attaché. Je pense, par exemple, aux tranches du barème de l'impôt sur le revenu dont nous proposions la baisse d'un point, au plafond du quotient familial sur la baisse duquel nous sommes revenus. Ces mesures, qui s'appliquent aux revenus 2000, peuvent constituer les premiers jalons de ce que devra être la grande réforme dont la fiscalité directe pesant sur les revenus des Français a besoin de façon urgente.
Les débats que nous avons tenus sur les mesures en faveur des forêts, frappées durement par les intempéries de décembre dernier, nous ont permis d'adopter des dispositions concrètes démontrant qu'il est possible d'agir de suite.
Le Sénat a pu rappeler les positions qui étaient déjà les siennes lors de la discussion du budget pour 2000, en matière de TVA pour le secteur de la chocolaterie, cruellement touché par une récente directive communautaire, ou pour celui de la restauration, particulièrement important en termes touristiques à la veille de la période estivale. Les votes du Sénat sont d'autant plus significatifs que la France prendra dans moins d'un mois la présidence de l'Union européenne ; il sera donc de son devoir de défendre ces importants dossiers auprès des autres membres de l'Union européenne.
Sur la fiscalité locale, le dispositif adopté, sur l'initiative de la commission des finances, pour la taxe d'habitation représente la meilleure conciliation entre la nécessité de réduire les impôts pesant sur nos concitoyens et celle de défendre l'autonomie financière et la libre administration des régions.
Nous nous félicitons du vote du Sénat qui a porté de 250 millions de francs à 497 millions de francs le montant à répartir entre les collectivités ne bénéficiant pas de la compensation des baisses de la dotation de compensation de la taxe professionnelle par le fonds national de péréquation.
Il convient de revenir très brièvement sur le débat qui nous a retenus relatif au maintien ou au retrait des recettes liées à la compétence d'assainissement au sein du coefficient d'intégration fiscale. Tous les avis se sont exprimés et force est de constater que la diversité des situations locales rend difficile la mise en place d'une solution consensuelle.
Toutefois, le Sénat a tenu à suivre notre proposition, le texte reste en navette et la commission mixte paritaire devra examiner cette question dans l'intérêt des établissements publics de coopération intercommunale, dans l'intérêt de la politique d'assainissement et, surtout, dans l'intérêt d'une certaine rigueur dans le domaine législatif.
Comme l'a dit, au nom de notre groupe, mon collègue Gérard Cornu, le collectif budgétaire adopté par l'Assemblée nationale manquait de souffle, n'était pas porteur d'une politique fiscale ambitieuse et, surtout, n'utilisait pas à bon escient les marges de manoeuvre dégagées par la croissance. Le texte qui résulte de nos travaux trace la voie de la réforme dont le Gouvernement devrait s'inspirer.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte, conscient que notre pays ne pourra rester l'un des leaders européens sans de profondes réformes structurelles.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la discussion de ce collectif budgétaire.
Comme d'habitude depuis 1997, la majorité sénatoriale a procédé, sous couvert de justifications à la fois techniques et politiques, à un exercice que l'on peut qualifier de « budget virtuel ».
Vous ne ferez croire à personne, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, que l'amélioration de la situation des comptes publics et de la situation générale du pays passe par une politique de cadeaux fiscaux à ceux qui ont déjà beaucoup reçu, et par une politique d'austérité budgétaire multiforme pour les autres.
Le véritable débat, qui d'ailleurs précède, traverse et prolonge celui que nous venons d'avoir, est bien celui qui porte sur la répartition des fruits de la croissance et sur les changements que l'on peut attendre, pour l'ensemble de la société, de ce développement de l'activité économique.
Nous avons dit l'impatience et parfois l'inquiétude qui montaient chez nombre de nos compatriotes. Le rôle d'un gouvernement comme celui-ci ne doit-il pas être d'agir pour faire en sorte que les fruits de la croissance soient plus équitablement répartis ?
C'est la croissance qui fait aujourd'hui la plus-value fiscale, et il n'est pas anormal que la plus-value, à son tour, aille plus clairement à la croissance.
Le Gouvernement a le moyen, en deuxième lecture, de prendre en compte cette légitime exigence et d'ouvrir les crédits correspondants.
Oublions un peu Bruxelles de temps en temps, et écoutons plutôt Paris, Marseille, Argenteuil et Saint-Denis, où l'on attend de ce Gouvernement qu'il fasse encore plus et mieux.
C'est pour cela que nous nous interrogeons sur la portée des mesures du présent collectif et que nous souhaitons que le débat se poursuive, dans la perspective de la loi de finances 2001, sur l'ensemble du débat fiscal.
Nous ne croyons pas au dogme de la baisse coûte que coûte du niveau des prélèvements obligatoires, puisque le pourcentage de ces prélèvements ne peut être apprécié qu'à partir de trois questions simples. Où porte la pression ? Qui paie ? Pour quoi faire ?
Nous ne croyons pas plus au dogme de l'efficacité de la maîtrise de la dépense publique, qui consiste, le plus souvent, à réduire le montant de ladite dépense.
L'efficacité de la dépense publique, c'est la recherche du « mieux », pas nécessairement et obligatoirement du « moins ».
Que l'on procède à l'analyse critique de chacun des chapitres budgétaires signifie, en dernière instance, que l'on puisse décider ici de dépenser moins ou autrement, ailleurs de dépenser plus.
Il est temps que la parole citoyenne soit entendue et que la satisfaction des besoins collectifs soit au coeur de la dépense publique.
C'est pour cela que nous pensons qu'il n'est pas justifié de consacrer exclusivement à la réduction du déficit comptable de l'Etat les éventuelles plus-values fiscales qui procéderaient de l'exercice 2000 et que ce collectif n'aurait pas encore estimées.
La satisfaction qu'à bon droit on pourrait retirer d'une telle réduction n'a pas plus de valeur que celle de besoins sociaux qui resteraient insatisfaits.
Ce débat se prolongera dans l'opinion, et nous y contribuerons.
Pour l'heure, évidemment, nous ne voterons pas ce projet de loi de finances rectificative tel qu'il ressort des travaux de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 74:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 214
Contre 99

5