Séance du 9 novembre 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de la discussion de la proposition de loi tendant à instituer un médiateur des enfants, nous voudrions, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, exprimer notre grande déception.
Il nous était proposé de créer un porte-parole des enfants en qui ils pourraient se reconnaître, qu'ils pourraient s'approprier réellement : il aurait été « leur » médiateur.
Il leur est refusé par la majorité sénatoriale. Celle-ci a adopté, en effet, la position de la commission qui, en rattachant l'institution au médiateur de la République, lui refuse, en fin de compte, son autonomie : le médiateur des enfants restera un « mineur » sous tutelle, une autorité de second rang, comme nous le disait Mme la ministre tout à l'heure.
Nous le déplorons fortement. L'apprentissage de la citoyenneté et de l'autonomie par les enfants nécessite que l'on entende leur voix en tant que telle, dans sa spécificité, et non au travers du prisme des adultes.
Ma collègue Dinah Derycke rappelait que, si la fonction du médiateur de la République et celle du médiateur des enfants sont comparables, leur nature et le public qu'elles concernent sont fondamentalement différents.
Faute de prendre cette dimension en compte, nous risquons de créer une institution « mort-née ». Le texte a été vidé de sa substance.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte ainsi modifié par la majorité sénatoriale.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Toute mesure de défense des droits de l'enfant est non seulement un acte à large portée symbolique, mais également et surtout un geste politiquement fort.
Depuis plusieurs années déjà, la protection des enfants est un impératif qui se trouve au coeur des préoccupations des élus. De nombreuses initiatives, à l'échelon tant national qu'international, traduisent la prise en compte de cette impérieuse exigence.
En matière de droit civil ou pénal, dans le domaine de l'éducation ou plus généralement du social, les droits des enfants ont reçu une consécration législative dans notre pays, la plupart du temps dans le consensus et la responsabilité.
Mais la France a également contracté des obligations internationales, notamment la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur chez nous le 6 septembre 1990. Le texte qui consacre la création d'un médiateur des enfants apparaît dans le droit-fil des initiatives prises depuis l'adhésion de la France à cette convention. Il répond également à la recommandation du Conseil de l'Europe de février 1990, à la résolution du Parlement européen du 8 juillet 1992 relative à la Charte européenne des droits de l'enfant et, bien sûr, aux conclusions d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Cette institution, sorte de porte-parole de l'enfant dans ses réclamations face à l'administration, n'est pas nouvelle en Europe puisque la Norvège, la Suède, la Wallonie et la ville de Madrid la connaissent déjà. Elle consacre également la culture de la médiation, encore peu développée dans notre pays malgré les bons résultats qu'elle obtient chez nos voisins. Cette solution s'imposait donc.
Nous partageons les conclusions du rapporteur, M. Christian Bonnet, dont je salue ici le travail, qui vise à préserver l'unité de la médiation institutionnelle. Dès lors, nous devons faire en sorte que le médiateur des enfants puisse mener à bien sa difficile mais essentielle mission avec autorité et indépendance.
Pour ces raisons, le groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet important texte.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen, je suis déçue. Je suis même un peu triste de voir cette belle idée qu'est la création d'un défenseur indépendant des droits de l'enfant à ce point dénaturée, vidée de toute substance, étouffée dans l'oeuf, comme Mme la ministre l'a souligné à juste titre.
Pourtant, au vu des déclarations des uns et des autres - et il n'y a aucune raison de mettre en cause la bonne volonté de chacun - tout incitait à l'adoption d'un texte de compromis avec l'Assemblée nationale. Or, ce soir, nous sommes revenus à la case départ.
Je crois qu'il est toujours possible d'améliorer un texte à condition, bien sûr, d'en partager au moins l'idée générale, l'architecture générale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
J'espère que d'ici à l'examen de ce texte en deuxième lecture au Sénat, nous aurons avancé dans la voie du compromis. Je serais vraiment très fière que, dans ce domaine aussi, la France soit à la tête des pays, s'agissant de défense des droits de l'enfant. Il serait tout de même temps que la patrie des droits de l'homme se dote de ce type d'institution.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Comme mes collègues du groupe du RPR, je voterai le texte et suivrai donc l'excellent rapporteur de la commission des lois.
Cependant, madame le ministre, c'est moins du médiateur des enfants que je souhaite vous parler que d'un aspect de la protection de l'enfant, dont vous venez, voilà quelques instants, de nous entretenir très largement et d'une façon bien féminine et très sensible. Vous avez déclaré que votre ministère avait créé 1 350 postes sur plusieurs années. Or, sauf erreur de ma part, il semble que, pour des questions d'économie, vous n'ayez créé cette année que dix postes de médecin scolaire. C'est, vous en conviendrez, très peu.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler l'importance du rôle de ces médecins. Ils réalisent parfois la seule visite médicale annuelle que l'enfant, dans certains milieux, connaisse entre trois et dix ou douze ans. Or, je l'ai remarqué, vous êtes également sensible à ce sujet. Outre le dépistage précoce de malformations ou de maladies graves, le médecin scolaire est celui qui peut détecter très tôt les maux qui affectent dangereusement notre époque : la maltraitance sous toutes ses formes, les abus sexuels, etc.
On compte un médecin scolaire pour neuf mille enfants, me semble-t-il. Je ne veux pas que l'on sacrifie sur l'autel des économies la santé des générations futures. Aussi, je souhaite que le nombre de médecins scolaires soit accru de façon sensible. C'est la meilleure protection que l'on puisse apporter aux enfants, en tout cas la plus efficace. (MM. Jacques Machet et Jean Arthuis applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Madame le ministre, mes chers collègues, comment ne pas avoir été sensible à l'argumentation qui a été développée par les orateurs de l'opposition sénatoriale, et parfois même ébranlé ? Mais si grande est l'expérience du rapporteur de la commission des lois, si noble, nous le savons tous, est toujours son inspiration que je ne veux pas douter que la proposition de loi, tel qu'amendée sur l'initiative de la commission des lois du Sénat, est un progrès dans cette voie si fondamentale, si nécessaire de la promotion des droits de l'enfant. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte ainsi modifié.
Je saisis l'occasion de ce vote pour rendre hommage à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, dans son combat pour la protection des droits de l'enfant et leur promotion dans notre pays, la France. (MM. Jacques Machet et Jean Arthuis applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, mes chers collègues, je voterai contre le texte qui nous est proposé. Je l'ai dit tout à l'heure dans la discussion générale commune et je le répète : je ne souhaite pas que les compétences du médiateur des enfants soient confinées à la sphère publique. Or le rattachement du médiateur des enfants au médiateur de la République va dans ce sens. S'agissant des enfants, j'estime en effet que les réclamations qui toucheront le secteur privé seront plus nombreuses que celles qui concerneront le secteur public.
Je le répète : je souhaite que le médiateur des enfants transmette les réclamations qu'il reçoit sur un dysfonctionnement de l'administration ou des services publics au médiateur de la République qui les étudiera. Ainsi, il n'y aura pas de doublon, pas de dualité entre le médiateur des enfants et le médiateur de la République.
Il est important que le texte retourne à l'Assemblée nationale. J'espère que celle-ci aménagera le texte qu'elle avait voté initialement et que nous pourrons, en deuxième lecture, trouver un terrain d'entente. En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce texte, qui n'est pas un texte politique, doit faire l'objet d'un consensus entre les deux chambres du Parlement.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je ne peux laisser passer, sans les relever, certaines accusations concernant la position de la commisssion des lois et aux termes desquelles il s'agirait d'un texte mort-né, tué dans l'oeuf.
Je serais tenté de dire à Mme Derycke, dont chacun au sein de la commission des lois admire l'intelligence et la vivacité d'esprit, que son indignation est quelque peu différée. En effet, lors de l'examen de la proposition de loi en commission, après avoir entendu mes propositions, elle a demandé très légitimement, comme M. Bret, à étudier celles-ci et elle n'a pas fait à ce moment un procès d'intention. Je sais combien est nette et droite son intention, mais elle n'a pas le droit de mettre en cause l'intention de la commission des lois, dont j'ai rapporté la position.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. La santé scolaire constitue l'une de mes préoccupations constantes. Je considère qu'un enfant doit être en bonne santé pour bien travailler à l'école, et qu'il doit aussi manger à sa faim. C'est pour cela que j'ai créé le fonds social pour les cantines, qui a permis de faire revenir dans les restaurants scolaires des enfants qui en étaient écartés.
Je vous confirme qu'en trois rentrées scolaires j'ai créé 1 350 emplois de médecin scolaire, d'infirmière scolaire et d'assistante sociale, qui contribuent, dans les établissements scolaires, à la bonne santé de l'enfant.
Pour la prochaine rentrée, et donc dans le projet de loi de finances que vous examinerez bientôt, il est prévu de créer 220 postes de médecin et d'infirmière scolaires : 110 postes d'infirmière, 10 postes de médecin à temps plein et 100 postes de médecin associé, qui seront affectés prioritairement, mais pas exclusivement, dans les zones d'éducation prioritaires. En effet, je considère que l'articulation entre la médecine de quartier et la médecine scolaire est aussi quelque chose d'important pour prendre en compte la globalité de l'enfant dans sa famille. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, comme l'a dit votre excellent rapporteur, on peut faire de l'humour dans cette assemblée, c'est tout de même un peu mieux que les quatorze postes de médecin scolaire que le gouvernement que vous souteniez avait créés en quatre ans. (Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE