Séance du 27 mai 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Francis Giraud, pour explication de vote.
M. Francis Giraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme il l'a fait dans d'autres domaines, par ce texte, le Parlement français accompagne les évolutions de la société face au déroulement naturel de l'existence.
Médecin dans un hôpital d'enfants, j'ai côtoyé toute ma vie la souffrance et la mort. Mais force est de rappeler que, dans notre société, la mort est devenue intolérable, elle est « évacuée », la souffrance et l'angoisse trop souvent délaissées.
Dans notre pays, l'accompagnement des mourants, malgré quelques réalisations exemplaires, est loin d'être adapté aux besoins des patients et de leur famille, que ce soit en structure hospitalière ou à domicile.
Deux dérives guettaient : retarder l'échéance finale par des soins devenus inutiles, l'accélérer sous couvert d'euthanasie.
Il est donc heureux que le législateur intervienne pour donner à chacun les conditions d'une fin digne.
Les débats tenus sur ce sujet dans les commissions et en séance publique dans les deux assemblées ont été très riches et d'une haute tenue, aboutissant à des décisions toujours votées à l'unanimité. On ne peut, comme l'ont fait mes collègues, que s'en réjouir.
Modifier les mentalités d'une société complexe ne peut être que le fruit d'une oeuvre collective. Mais nous savons aussi que, pour que les choses bougent, il faut un catalyseur, un chef de file, si vous préférez. En l'occurrence, il s'agit de notre rapporteur, Lucien Neuwirth.
Je veux saluer les efforts qu'il a déployés depuis de nombreuses années à la tête d'un groupe de travail qui a répertorié les carences de notre système en soins d'accompagnement des malades en fin de vie. C'est aussi à la suite de ses travaux sur la prise en charge de la douleur que des mesures, votées à l'unanimité par le Parlement en 1994, ont été incluses dans notre système de soins. Surtout, c'est encore lui qui, avec le soutien entier de la commission des affaires sociales, a déposé la première proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 7 avril dernier, tendant à favoriser le développement des soins palliatifs.
Vous me permettrez pour ces raisons de regretter - le mot est faible et je ne suis pas le seul à éprouver ce sentiment - appropriation de son oeuvre, quelque peu inélégante dans un tel domaine, qui eut lieu par le biais de la procédure parlementaire, même si elle fut accompagnée de louanges à son égard.
Mais ces péripéties n'ont pas entamé sa détermination et sa dignité puisqu'il a demandé à la commission des affaires sociales du Sénat de ne pas modifier le texte de l'Assemblée nationale, qui sera donc voté conforme.
En conséquence, les sénateurs du groupe du RPR voteront à l'unanimité cette proposition de loi. Je crois que le plus bel hommage que l'on puisse rendre à Lucien Neuwirth, monsieur le secrétaire d'Etat, est de tout mettre en oeuvre, tant au Parlement qu'au Gouvernement, pour que ce texte entre en vigueur le plus rapidement possible.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. J'aurais l'impression de manquer à un devoir en n'exprimant pas publiquement ma déférente gratitude envers notre très éminent collègue Lucien Neuwirth, dont l'initiative témoigne d'une philosophie axée sur l'amour de l'homme au sens le plus grand.
En tant que modeste sénateur, je tiens à le remercier du rayonnement supplémentaire que cette initiative, fondée sur des valeurs à la fois républicaines et spirituelles que je partage, donne à notre assemblée.
Puisse notre collègue Lucien Neuwirth être un exemple pour les générations à venir. En effet, grâce à lui, après tant d'années d'incertitude ou d'attente, nous avons osé faire figurer dans notre législation ce texte permettant que ceux qui vont quitter cette terre soient accompagnés dans les derniers jours de leur vie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre sens du combat et sur votre intensité spirituelle pour que, grâce à des moyens financiers adéquats, ce texte ne se limite pas à exprimer une volonté républicaine mais qu'il soit concrètement mis en oeuvre, contribuant à la grandeur de notre nation.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté de synthèse de nos deux assemblées pour parvenir à l'élaboration d'un texte commun.
Il était essentiel d'aboutir rapidement pour que puisse s'engager concrètement, sur le terrain, et dans les meilleurs délais, le rattrapage du retard français en matière de soins palliatifs.
La plupart des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Lucien Neuwirth que nous avions votées à l'unanimité en première lecture ont été reprises par les députés : reconnaissance des soins palliatifs dans le code de la santé publique et accès aux soins palliatifs pour tout malade dont l'état de santé le requiert ; facilitation de la prise en charge à domicile par l'instauration de rémunérations particulières autres que le paiement à l'acte ; extension de la mission de délivrance des soins palliatifs aux établissements privés et médico-sociaux ; formation initiale et continue en soins palliatifs assurée par les CHU ; renforcement et encadrement de la formation des bénévoles ; création d'un congé spécifique pour accompagner un proche en fin de vie ; suivi de l'évolution des soins palliatifs grâce au rapport du Haut comité de la santé publique.
Avec le développement des soins palliatifs, c'est la question beaucoup plus large des droits du malade et de la relation entre le malade et les soignants qui se pose. Le malade est en droit d'exiger de ne pas souffrir et d'être mieux écouté. D'ailleurs, cette revendication a été très souvent exprimée lors des discussions menées lors des états généraux de la santé.
Reste cependant en suspens la question du droit de mourir dans la dignité. J'y insiste : penser que la généralisation des soins palliatifs éradiquera les demandes d'euthanasie et permettra donc d'évacuer le débat sur le droit à une mort digne est un leurre. Je crois franchement que cette question ne doit pas rester de l'ordre du non-dit, du tabou, mais qu'elle mérite un réel débat, et il faut que ce débat soit le plus large possible.
Mais, vous nous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, vous en êtes, vous aussi, convaincu.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 100:
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 320 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Belle unanimité ! Honneur à Lucien Neuwirth !
M. le président. Cette unanimité m'incite tout simplement à vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, un grand et un chaleureux merci.
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