Séance du 19 mai 1999







M. le président. Je rappelle au Sénat qu'en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du règlement du Sénat MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan ont demandé la discussion immédiate des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse (n° 345, 1998-1999).
Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du règlement est expiré et le Sénat a terminé l'examen de l'ordre du jour prioritaire.
En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de discussion immédiate.
Je rappelle qu'en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement le débat engagé sur cette demande ne peut jamais porter sur le fond et qu'ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur « contre », le président ou le rapporteur de la commission et le Gouvernement. Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Arthuis, auteur de la demande.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite m'exprimer et j'entends le faire avec gravité au nom de mon groupe...
M. Jacques Mahéas. Ils ne sont pas là !
M. Philippe Arnaud. Si, nous sommes là !
M. Jean Arthuis. ... ainsi qu'au nom du président Josselin de Rohan...
M. Jacques Mahéas. Il n'est pas là !
M. Jean Arthuis. ... et des membres du groupe du Rassemblement pour la République, au nom du président Henri de Raincourt...
M. Henri de Raincourt. Me voilà !
M. Jean Arthuis. ... et des membres du groupe des Républicains et Indépendants, au nom du président Guy Cabanel...
M. Claude Estier. Absent !
M. Jean Arthuis. ... et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Depuis l'assassinat du préfet Claude Erignac, le 6 janvier 1998, jusqu'à la mise en examen, voilà quelques jours, de son successeur, M. Bernard Bonnet, l'organisation et la coordination des services publics de sécurité en Corse ont manifestement connu de graves dysfonctionnements de nature à porter atteinte à l'efficacité, à la crédibilité et à l'autorité de l'Etat.
Quinze mois après ce dramatique événement, en dépit d'un renforcement sans précédent des moyens de police et de gendarmerie en Corse, en dépit du lancement de plusieurs enquêtes, l'une judiciaire, les autres administratives, en dépit de la multiplication des mises en examen, cette accablante affaire n'est toujours pas élucidée.
Les investigations semblent avoir été menées dans un climat de « guerre des polices », alimenté par diverses rumeurs qui ont placé les différents services dans une situation souvent de concurrence plus que de complémentarité.
Il est évident que cela a compromis l'efficacité des procédures et altéré plus encore l'autorité de l'Etat.
La situation dans l'île paraît n'avoir jamais été aussi confuse. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. Ah bon ?
M. Claude Estier. Vous avez vraiment la mémoire courte !
M. Jacques Mahéas. Demandez à M. Bonnet !
M. Marcel Debarge. Ce sont eux qui portent des cagoules !
M. le président. Veuillez laisser parler l'orateur. Vous aurez tout loisir de vous exprimer plus tard, et sur la forme et sur le fond. Pour l'instant, la parole est à M. Arthuis, et à lui seul ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras. Messieurs de la droite, vous portez une cagoule !
M. le président. Chers collègues, je ferai respecter votre temps de parole et votre droit d'expression comme je le fais pour le président Arthuis. Mais, pour l'instant, c'est lui qui a la parole !
M. Jacques Mahéas. Qu'il arrête de dire des incongruités !
Mme Hélène Luc. Il faut avoir un peu de mémoire, tout de même !
M. Jean Arthuis. Mesdames, messieurs, je maintiens que la situation en Corse n'a jamais été aussi confuse.
M. Charles Descours. C'est vrai !
M. Bernard Piras. Vous avez la mémoire courte !
M. Charles Descours. Ils font même gagner les autonomistes !
M. Jean Arthuis. La mise en oeuvre de la politique dite de rétablissement de l'Etat de droit s'est déroulée dans une ambiance malsaine.
M. Charles Descours. C'est sûr !
M. Jean Arthuis. C'est la traduction, semble-t-il, de l'opacité dans laquelle travaille le Gouvernement.
En janvier dernier, la famille du préfet Erignac a été obligée de sortir de sa réserve en demandant instamment que les services impliqués « oublient leurs querelles et unissent leurs efforts ».
M. Marcel Debarge. Et alors ?
M. Jacques Mahéas. C'est tout à fait normal !
M. Jean Arthuis. Paroxysme de ce désordre et de ce manque de clarté, une unité spéciale de gendarmerie a été créée au mois de juillet 1998 : le groupement de pelotons de sécurité, ou GPS.
Forte de quatre-vingt-quinze officiers et sous-officiers, placée apparemment directement sous les ordres du préfet, elle était notamment chargée de « missions d'observation et de renseignement ».
Il importe de savoir précisément qui a permis la création de cette unité, dans quelles conditions elle a fonctionné, de quelle autorité elle relevait et quelles missions lui furent confiées.
Il apparaît ainsi qu'une organisation et des pratiques administratives spécifiques - peut-on dire originales et très particulières ? - ont été mises en place en Corse en matière de sécurité.
Dans quelle mesure ces pratiques ont-elles été connues, voire encouragées, au niveau gouvernemental ? Le suivi interministériel des affaires corses n'impliquait-il pas l'information des membres du Gouvernement concernés et de leur cabinet ?
M. Charles Descours. Bien sûr !
M. Jean Arthuis. Tout invite donc à constituer d'urgence une commission d'enquête.
Elle doit permettre d'éclairer la représentation nationale, et l'ensemble des Français, sur la façon dont, au niveau tant gouvernemental qu'administratif, à Paris comme en Corse, étaient définies les missions et assurés l'organisation et la coordination, la direction et le contrôle des différents services publics de sécurité dans l'île.
Une clarification rapide est indispensable pour que soient restaurées l'efficacité et la crédibilité de l'Etat au service de la paix civile en Corse.
C'est la voie de passage obligatoire pour assurer le rétablissement durable des principes de la République, auxquels nous sommes tous attachés.
Ce sont les raisons pour lesquelles les présidents des groupes de la majorité sénatoriale ont considéré qu'il était nécessaire de saisir le Sénat de cette affaire en ayant recours à la procédure de demande de discussion immédiate.
C'est pourquoi, en application de l'article 30 du règlement, nous demandons l'inscription immédiate à l'ordre du jour complémentaire du Sénat des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse. Et je demande que le Sénat se prononce par un scrutin public. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Allouche contre la demande de discussion immédiate.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, en fait, je ne m'exprimerai pas contre cette demande. En effet, nous sommes extrêmement favorables, d'une part, à la création de cette commission d'enquête et, d'autre part, à ce qu'il soit procédé à une discussion immédiate. Au moins, nous pourrons nous expliquer !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur la demande de discussion immédiate ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelle, de législation du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix la demande de discussion immédiate, acceptée par la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 95:

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 312

La discussion immédiate est ordonnée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Bernard Piras applaudit également.)

Discussion immédiate et adoption
d'une proposition de résolution