Séance du 19 mai 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je voudrais dire, au nom du groupe socialiste, notre satisfaction de voir le Parlement voter un texte à l'unanimité, après une discussion passionnée. Elle fut passionnée, en effet, parce que ce texte intéresse la vie de tous les jours de nos concitoyens, et c'est avec satisfaction que nous avons vu la sagesse habituelle dont fait preuve notre hémicycle gagner l'Assemblée nationale.
Ce texte, je l'espère, va modifier largement le comportement de certains conducteurs.
J'en rappelle les principales dispositions : la création d'un délit en cas de récidive dans l'année pour un excès de vitesse de plus de 50 kilomètres à l'heure par rapport à la vitesse limite réglementaire ; l'instauration de la responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules dès lors que le conducteur n'a pu être identifié ; l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route pour les conducteurs novices, auteurs d'infraction graves, le stage se substituant à l'amende ; l'instauration du dépistage systématique de l'usage de stupéfiants en cas d'accident mortel ; la moralisation et l'assainissement du fonctionnement des auto-écoles en ce qui concerne l'encadrement juridique des professions d'enseignant et d'exploitant d'auto-école, l'obligation d'un contrat écrit entre le candidat au permis et l'établissement d'enseignement l'assimilation de l'élève conducteur à un tiers en cas de dommages, la délivrance d'un agrément aux associations exerçant l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière.
Ce qui a surtout paru extrêmement intéressant au groupe socialiste, c'est la reconnaissance - et nous vous en remerçions, monsieur le ministre - des auto-écoles associatives, qui jouent un grand rôle, notamment dans nos quartiers défavorisés.
Ce texte, long et difficile à élaborer, devra sans doute faire l'objet d'un suivi régulier avec votre ministère. En effet, si des mesures répressives - c'est logique - ont été insérées dans ce projet, il y manque des mesures éducatives.
Vous connaissez la sensibilité des socialistes sur ce point. Nous souhaitons éduquer avant de réprimer. C'est une constante de notre conception politique.
Dès à présent, monsieur le ministre, nous vous demandons de déposer un projet de loi de nature à instaurer dans les écoles et dans les collèges une véritable éducation de sécurité routière validée par un diplôme.
Cela dit, c'est avec satisfaction que nous voterons le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'accord intervenu en commission mixte paritaire le 6 mai dernier, nous parvenons au terme de l'examen d'un projet de loi qui, sans avoir la prétention de résoudre tous les problèmes liés à la sécurité routière, contribuera - nous l'espérons - à diminuer le nombre d'accidents sur les routes.
A l'instar de notre collègue rapporteur de la commission des lois, nous estimons qu'il a fallu beaucoup de temps, trop sans doute, pour aboutir. Raison de plus, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour que sa mise en oeuvre soit accélérée de telle sorte que, très rapidement, les dispositions essentielles que nous allons voter soient opérationnelles.
A cet égard, les derniers points qui restaient en discussion ayant été levés, on peut regretter qu'un vote conforme des deux chambres n'ait pas été possible plus tôt, marquant ainsi l'engagement du Parlement au côté du Gouvernement dans la lutte contre l'insécurité routière, dans le traitement d'un problème qui est maintenant devenu un problème de société.
Il est vrai néanmoins que les débats que nous avons menés, les propositions que nous avons pu développer les uns et les autres ont permis de compléter utilement la réflexion du Gouvernement en la matière - je pense à l'article 4, dont nous apprécions la nouvelle rédaction -, propositions que chacun d'entre nous aura pu retrouver dans les récentes décisions annoncées lors du comité interministériel sur la sécurité routière du 2 avril 1999.
Je me félicite qu'à cette occasion des moyens substantiels aient été débloqués pour donner à la gendarmerie et à la police les moyens matériels et humains de faire respecter la loi et être ainsi à même d'assurer l'égalité de traitement entre les usagers de la route.
Les moyens affectés à la communication ont également été abondés à concurrence de 15 millions de francs. Cela a notamment permis d'annoncer le lancement d'une campagne nationale dans les toutes prochaines semaines, avant les départs en vacances.
Je crois qu'il serait souhaitable, au demeurant, qu'une telle opération soit engagée avant chaque grand départ, afin de sensibiliser les conducteurs sans pour autant banaliser les dangers encourus.
Enfin, s'agissant de l'article 7 bis, adopté par le Sénat en deuxième lecture et finalement supprimé par la commission mixte paritaire, il était préférable, à notre sens, de ne pas anticiper sur un vrai débat de santé publique, qui méritait mieux qu'un dispositif exclusivement répressif ignorant les multiples aspects liés à l'usage de stupéfiants.
Encore fallait-il aborder ce débat de la bonne manière : c'est précisément ce que permet ce texte, en prévoyant un dépistage en cas d'accident mortel afin d'améliorer nos connaissances en matière d'effet de la drogue sur la conduite.
En résumé, ce projet de loi, même si certains considèrent son caractère répressif comme trop marqué, nous apparaît, à nous, membres du groupe communiste républicain et citoyen, comme relativement homogène et en cohérence avec la politique conduite par le Gouvernement depuis bientôt deux ans.
En conséquence, notre groupe votera ce texte. Nous voulons ainsi nous donner les moyens indispensables pour réduire le nombre des tués sur la route, objectif qui devient une cause nationale et que nous faisons nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas plus que le 10 février, lors de la première lecture, je ne participerai au vote de ce projet de loi sur la sécurité routière. Je conseille d'ailleurs à M. le ministre de relire mon explication de vote d'alors.
La semaine dernière, dans mon département rural, il y a eu huit morts sur les routes, dont six personnes carbonisées, au cours de deux chocs frontaux. Je répète donc, après l'avoir dit le 10 février, que la vitesse n'explique pas tout.
Les chiffres sont là. Certes, si l'on considère le nombre de tués par département, le département de la Haute-Saône ne se situe qu'au 70e rang. Mais, si on rapporte le nombre de tués à la population, ce département arrive, tous les ans, au premier ou au deuxième rang, ce qui explique que je reprenne la parole aujourd'hui.
Comme mon collègue socialiste l'a fait tout à l'heure, je regrette que nous parlions un peu trop de sanctions et que nous ayons oublié l'école. Je pense que la formation reçue à l'école est indispensable. Elle fait partie de la culture civique, et je regrette qu'elle ait été oubliée dans les quatre propositions qui nous ont été présentées.
Le 10 février, j'ai attiré votre attention, monsieur le ministre, sur l'alcoolémie, facteur au moins aussi important que la vitesse.
Je soumets à votre réflexion le chiffre suivant : dans mon département, le taux élevé d'alccolémie lié à la vitesse intervient dans 32 % des accidents corporels, c'est-à-dire qu'un tiers des conducteurs impliqués dans un accident corporel sont sous l'empire de l'alcool !
Vous rendez-vous compte de ce fait ? Etes-vous prêt à lutter contre ce fléau ?
J'ai appris récemment que vous alliez débloquer des moyens supplémentaires pour la sécurité routière.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je viens de le dire.
M. Bernard Joly. En dehors des éternels radars - j'ai dit, le 10 février, que les képis étaient plus utiles quand ils étaient visibles que cachés derrière les radars, et je n'ai pas changé d'avis - il y a les éthylomètres, qui, vous le savez, ne sont pas très fiables. Je souhaiterais donc qu'une partie des moyens complémentaires financent des éthylotests électroniques, qui, eux, sont extrêmement fiables, donnent un résultat immédiat et non discutable.
Je disais aussi que, en matière de vitesse, le plus important pour moi était les contrôles en agglomération, pour les jeunes mais aussi pour les personnes âgées, et que les contrôles en rase campagne, à minuit, ne présentent pas d'intérêt ! Vous m'avez répondu en ces termes : « C'est malheureusement souvent en rase campagne et à minuit qu'ont lieu les accidents les plus graves. »
J'ai consulté les statistiques nationales : les accidents mortels ont lieu entre seize heures et dix-huit heures, et ce en ligne droite. Monsieur le ministre, informez-vous ! A partir de données fausses, comment arriver à des résultats fiables ?
Je le répète, je ne participerai pas au vote, comme mon collègue M. Arnaud.
M. Jacques Mahéas. C'est dommage ! Pour une fois qu'il y avait un consensus !
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RPR voudrait tout d'abord s'associer aux félicitations qu'a adressées M. le ministre à notre rapporteur et rendre hommage à celui-ci pour le travail tout à fait remarquable accompli par la commission des lois et la commission mixte paritaire.
Le groupe du RPR s'associe également aux regrets émis par M. le rapporteur sur le temps qui s'est écoulé avant l'adoption de ce texte. On peut déplorer que l'urgence ait été déclarée pour des textes moins importants pour la vie de nos concitoyens et non pour celui-ci.
M. Jacques Mahéas. On est d'accord !
M. Patrice Gélard. Je voudrais insister sur l'article 15, qui nous paraît important.
Adopter des normes de sécurité pour les routes nationales et départementales ainsi que pour les chemins communaux est certes utile et nécessaire ; mais il ne faut pas le faire dans la précipitation et sans concertation.
Nous avons pris acte de vos engagements à ce propos, monsieur le ministre, et, à terme, peut-être arriverons-nous à trouver des formules positives.
Je voudrais également attirer votre attention sur un autre point.
Nous venons de terminer l'examen d'un texte sur l'aménagement du territoire dans lequel la priorité « routes » a quelque peu disparu.
Nous savons que la sécurité dépend avant tout du développement de notre réseau autoroutier et l'on peut regretter qu'à l'heure actuelle il ne fasse plus l'objet d'une priorité, et que, par exemple, le projet de l'autoroute des Estuaires soit stoppé, alors qu'il s'agit d'une nécessité absolue. C'est sur les autoroutes que se produisent le moins d'accidents et que les conditions de circulation sont les plus sûres.
L'aménagement du territoire, le souci de respecter l'environnement et, dans une certaine mesure, de favoriser le chemin de fer ne doit pas faire oublier la nécessité d'améliorer encore notre réseau autoroutier.
Cela dit, le groupe du RPR votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement n° 1 du Gouvernement.
(Le projet de loi est adopté.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, je tiens d'abord à saluer la qualité du travail qui a été accompli au Sénat - qualité qui s'est manifestée jusque dans les explications de vote sur l'ensemble que nous venons d'entendre - ainsi que l'esprit dans lequel s'est déroulée cette discussion.
Mais je veux aussi apporter quelques éléments de réponse à ceux qui viennent de s'exprimer afin de lever toute ambiguïté qui pourrait subsister.
M. Mahéas a insisté à juste titre sur la nécessité de la formation, de l'éducation, de la prévention, expliquant que la sanction ne pouvait être l'unique forme d'intervention des pouvoirs publics. Je partage entièrement cet avis.
C'est d'ailleurs tout le sens du stage, institué par le projet de loi, pour les conducteurs novices. Ce stage permettra à la fois de récupérer des points perdus en suivant une formation.
Par ailleurs, une action de formation au sein des écoles est d'ores et déjà entreprise : l'attestation scolaire de sécurité routière, qui concerne les élèves des classes de cinquième, touche 700 000 à 800 000 jeunes par an ; le brevet de sécurité routière intéresse, lui, 70 000 élèves des classes de troisième chaque année.
Cela signifie bien que cette démarche d'éducation que vous appelez de vos voeux existe. Faut-il la renforcer ? Oui, bien sûr ! Faut-il intervenir plus tôt, dès la maternelle, comme je l'avais suggéré, afin d'aider l'enfant à se prémunir de lui-même contre le risque d'insécurité routière ? Sans aucun doute !
Je me suis longuement entretenu avec Mme Ségolène Royal à ce sujet et celle-ci est tout à fait d'accord pour que cet apprentissage de la sécurité routière soit intégré dans l'action visant à l'apprentissage de la citoyenneté qui est menée par le ministère de l'éducation nationale.
Je dis donc oui, mille fois oui, à cette démarche que vous recommandez, monsieur Mahéas. Mais n'oubliez pas qu'il ne s'agit ici que de mesures législatives. Or il n'y a pas que la loi qui permette d'avancer en matière de sécurité routière.
Mme Massin, mes collègues Mmes Marie-George Buffet et Ségolène Royal et moi-même avons décidé d'impulser un processus de rencontres et de débats, impliquant notamment les fédérations sportives. Il s'agit, en particulier, d'éviter que la fameuse « troisième mi-temps » ne soit suivie de ces terribles accidents où sont en cause à la fois la vitesse, l'alcool et la fatigue. C'est pour le même ordre de raisons que nous avons pris des contacts avec les organisations de propriétaires de discothèque ; ceux-ci sont prêts à prendre des engagements.
Vous pouvez donc être rassuré, monsieur le sénateur : nous ne négligeons nullement l'aspect de la lutte contre l'insécurité routière qui passe par la formation et la responsabilisation.
Ne perdons pas de temps, disiez-vous, monsieur Lefebvre. Comment ne pas entendre votre appel ?
Je vous rappelle que des moyens substantiels ont été dégagés : 160 millions de francs, auxquels s'ajoutent 15 millions de francs débloqués immédiatement pour financer la campagne télévisée qui sera lancée cet été.
Une partie de ces 160 millions de francs sera consacrée, monsieur Joly, à l'achat non seulement de radars très précis, mais aussi d'éthylomètres ou d'éthylotests très modernes, afin de rendre les contrôles d'alcoolémie encore plus efficaces.
Monsieur Gélard, permettez-moi de vous rappeler que notre pays compte 8 000 kilomètres d'autoroutes, 24 000 kilomètres de routes nationales, 360 000 kilomètres de routes départementales et 480 000 kilomètres de voies communales. Les autoroutes, me dites-vous, sont les voies les plus sûres de l'ensemble du réseau. Je ne le nie pas. Mais il faut savoir que, l'an dernier, le nombre des accidents sur les autoroutes a augmenté très fortement, même si celles-ci demeurent plutôt moins génératrices d'accidents.
Cela prouve que, même sur des voies qui sont intrinsèquement plus sûres, le comportement des automobilistes peut provoquer une augmentation, en nombre et en gravité, des accidents.
Autrement dit, il ne faut pas croire qu'il suffirait de construire des autoroutes pour résoudre le problème de l'insécurité routière.
Vous avez également, au passage, laissé entendre, monsieur Gélard, que l'autoroute des Estuaires serait abandonnée. Or il n'est absolument pas question d'un tel abandon : les travaux se poursuivront normalement dans le cadre du XIIe Plan.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie une nouvelle fois de la contribution que vous avez apportée à cette oeuvre législative. Je sais bien que la loi ne résoudra pas tout, d'autant que l'effort à accomplir est considérable et qu'il ne peut porter ses fruits qu'à moyen, voire à long terme. Il reste que, dans l'immédiat, tous ensemble, nous pouvons aider à sauver des vies humaines en faisant de la sécurité routière, c'est-à-dire de la lutte pour la vie, une grande cause nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, afin que la commission des lois puisse se réunir, je souhaiterais que la séance soit suspendue pendant quelques instants.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre souhait.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente.)