Séance du 28 novembre 1998
M. le président. « Art. 79. - Le montant maximum du droit fixe de la taxe pour frais de chambres de métiers prévu au premier alinéa du a de l'article 1601 du code général des impôts est fixé à 620 francs. Ce montant est exceptionnellement majoré de 7 francs, en 1999, pour permettre le financement de l'organisation des élections aux chambres de métiers. »
Sur cet article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année, le Parlement est amené à réviser le montant maximal du droit fixe de la taxe pour frais de chambres de métiers.
Plusieurs de nos collègues ont, à cette occasion, déposé des amendements rédigés dans des termes similaires, dont l'objet commun est de modifier les modalités de fixation du droit additionnel. Il s'agit, en quelque sorte, d'élargir le cadre de fixation de ce taux par les chambres de métiers pour pallier les lacunes du système actuel.
En effet, force est de reconnaître que les moyens dont disposent les chambres consulaires ne sont pas à la mesure des missions de service public dont elles ont la charge.
Par le soutien qu'elles apportent aux structures artisanales, par leur fonction de représentation, les chambres de métiers contribuent, pour une grande part, à la survie et à la coordination des milieux artisanaux.
Les exigences auxquelles sont de plus en plus souvent confrontées les chambres de métiers, compte tenu de la conjoncture économique et de la détérioration des tissus urbains et ruraux, leur confèrent une importance toute particulière dans le domaine du maintien et de la création d'emploi, et de la reconstitution de l'espace territorial.
Pour autant, les amendements proposés, s'ils sont inspirés par de bonnes intentions, posent, à mes yeux, deux types de problèmes.
En premier lieu, la plus grande liberté qui serait laissée aux chambres de métiers pour fixer le montant de la taxe additionnelle peut-elle constituer une garantie de justice et d'égalité des entreprises artisanales devant l'impôt ? Tel ne semble pas être le cas, à en juger par les réactions contrastées que suscite cette réforme parmi les organisations d'artisans.
En outre, les disparités qui existent aujourd'hui entre les diverses chambres de métiers ne seraient-elles pas amplifiées par cette autonomie supplémentaire accordée en matière de mode de financement ?
Si le système en vigueur n'est à l'évidence pas satisfaisant, s'il mérite d'être étudié et revu dans ses fondements, le dispositif proposé par nos collègues ne me paraît pas nécessairement présenter les avantages qu'on lui prête de ce point de vue. De surcroît, les incidences financières d'une telle mesure sont mal connues et incertaines pour les artisans, qui pourraient souffrir d'inégalités de traitement fiscal encore plus grandes.
En second lieu, dans la mesure où une redéfinition des missions des chambres de métiers est actuellement à l'étude, ne conviendrait-il pas de mettre en adéquation les missions de service public, d'une part, et les moyens de les financer, d'autre part ?
Trop de précipitation dans ce domaine serait, me semble-t-il, préjudiciable à la cohérence d'ensemble des réflexions engagées en concertation avec les intéressés.
A ce sujet, madame la secrétaire d'Etat, sans vouloir anticiper sur le résultat des consultations en cours, êtes-vous en mesure de nous préciser les orientations et le calendrier de la réforme des chambres de métiers que vous envisagez de mettre en oeuvre ?
Une telle réforme, pour être efficace et durable, devrait, selon nous, tendre à un allégement des contraintes administratives et à une réduction des charges financières supportées par les petites entreprises qui créent des emplois.
Tels sont, en quelques mots, mes chers collègues, les éléments que je tenais à présenter avant que nous en venions à l'examen des amendements affectant cet article 79.
M. le président. Sur l'article 79, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-53, M. Huguet propose :
I. - De compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le b) de l'article 1601 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« b) Un droit additionnel à la taxe professionnelle, dont le taux est fixé par chaque chambre de métiers dans la limite de 1 %. Cette limite est portée à 2 % pour les départements d'outre-mer. »
II. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
Par amendement n° II-54, MM. Jourdain, André, ... - Leclerc et Bernard proposent :
I. - De compléter l'article 79 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le b) de l'article 1601 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« b) Un droit additionnel à la taxe professionnelle, dont le taux est fixé par chaque chambre de métiers, dans la limite de 1 % de la base nette d'imposition et 2 % pour les départements d'outre-mer. »
II. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
« Par amendement n° II-55, M. Malécot propose :
I. - De compléter l'article 79 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le b) de l'article 1601 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« b) Un droit additionnel à la taxe professionnelle, dont le taux est fixé par chaque chambre de métiers dans la limite de 1 %. Cette limite peut être dépassée à condition que le produit du droit additionnel n'excède pas le double du produit du droit fixe. »
II. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
Par amendement n° II-56, M. Joly propose :
I. - De compléter l'article 79 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le b) de l'article 1601 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« b) Un droit additionnel à la taxe professionnelle, dont le taux est fixé par chaque chambre de métiers dans la limite de 1 % de la base nette d'imposition en France métropolitaine et de 2 % dans les départements d'outre-mer. »
II. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. Huguet, pour défendre l'amendement n° II-53.
M. Roland Huguet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, une chambre de métiers que je connais bien - celle du département dans lequel je suis le président du conseil général, qui collabore étroitement avec nous et qui réalise un travail remarquable - m'a sensibilisé depuis longtemps à ce problème du taux du droit additionnel à la taxe professionnelle.
Madame la secrétaire d'Etat, une réforme technique s'impose. Derrière le vote sur le droit fixe, il y a, à l'alinéa 2 de l'article 1601 du code général des impôts, un mécanisme curieux aux termes duquel les entreprises artisanales assujetties à la taxe professionnelle doivent acquitter un droit additionnel dont le produit doit être égal à la moitié du droit fixe.
Ce mécanisme automatique qui prévoit un produit est une bizarrerie qui conduit à des résultats aberrants.
Tout d'abord, les taux appliqués dans les différents départements varient de 1 à 3. Ensuite, ce taux s'érode en continu depuis dix ans. Dans le Pas-de-Calais, le taux est passé, mécaniquement, de 0,8 % à 0,38 % !
Il faut donc simplifier tout cela. Faisons simple : le Parlement vote un plafond pour le droit fixe ; il faut qu'il vote un plafond pour le taux du droit additionnel. Après, il reviendra aux élus de la chambre de métiers de décider, sous ce plafond, le taux du droit additionnel qu'ils appelleront.
Les élus professionnels doivent être responsables des impôts qu'ils lèvent. D'ailleurs, 1999 étant une année électorale pour les chambres de métiers, le mécanisme s'autorégulera. En mettant fin à ce mécanisme unique et aberrant, vous instaurerez deux principes : d'une part, transparence et responsabilité sur le niveau de l'impôt et, d'autre part, responsabilité des chambres de métiers et des élus dans le vote de leur budget.
La réforme demandée est de peu d'ampleur : elle est technique et porte sur un droit additionnel qui ne produit qu'un peu plus de 200 millions de francs sur les 1,25 milliard de francs collectés, dont 50 millions de francs pour le fonds de promotion et 390 millions de francs pour la formation professionnelle.
Toutefois cette réforme, bien que technique, est très attendue par les chambres de métiers. Lundi dernier, j'ai reçu, à Arras, les présidents de chambre de métiers, réunis en séminaire dans les locaux de mon conseil général. Ils venaient de cinq régions. Ils m'ont fait part de leur attente et de leur impatience de voir ce problème enfin résolu. Ils le souhaitent avec d'autant plus d'urgence que la réforme de la taxe professionnelle risque de bouleverser les bases, en particulier dans les entreprises artisanales. Pour ne pas risquer de voir les taux varier sans contrôle, ils veulent, dès 1999, assurer la maîtrise de la fixation du taux. Mais, bien sûr, madame la secrétaire d'Etat, cela ne rend pas moins nécessaire une réforme plus en profondeur de la taxe pour frais de chambres de métiers, dans un ou deux ans, du fait de la réforme de la taxe professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Jourdain, pour défendre l'amendement n° II-54.
M. André Jourdain. Cet amendement, qui est pratiquement identique à celui que vient de présenter M. Huguet, a le même objet.
Toutefois, je n'aurai pas l'optimisme de mon collègue. Je m'interroge en effet sur les conséquences de la modification du b) de l'article 1601 du code général des impôts.
J'ai dit, dans la discussion générale, qu'il ne faut pas alourdir les charges des entreprises et qu'il convient de procéder à des études d'impact. Je ne veux pas être en contradiction avec moi-même.
Si j'ai déposé cet amendement, madame la secrétaire d'Etat, c'est pour savoir ce que le Gouvernement entend faire, car le problème est urgent. Les chambres de métiers ont de plus en plus de difficultés à s'autofinancer, alors que, dans le même temps, elles ont de plus en plus de missions à remplir. Aussi, elles ne savent plus comment faire. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter des précisions sur ce point ?
M. le président. L'amendement n° II-55 est-il soutenu ?...
L'amendement n° II-56 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-53 et II-54 ?
M. René Ballayer, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l'avis de Mme la secrétaire d'Etat avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je partage l'avis des sénateurs qui se sont exprimés : le financement actuel des chambres de métiers n'est pas satisfaisant.
En revanche, faut-il accepter de modifier une partie de la ressource, le droit additionnel, en créant un lien uniforme avec la taxe professionnelle, comme cela est proposé dans les amendements ?
A mon avis, ce serait une triple erreur.
D'abord, nous sommes engagés dans une réforme d'ensemble des chambres de métiers, qui passe par la réforme des élections, l'évolution de l'animation économique et, précisément, la refonte des ressources. Je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais, dans les priorités de l'année 1999, nous espérons faire passer les textes sur les marchés publics, les délais de paiement, certaines dispositions d'ordre commercial et la réforme des chambres de métiers et des chambres de commerce et d'industrie. Si l'on suivait les propositions qui nous sont faites, on commencerait par la fin, ce qui serait tout de même gênant.
Ensuite, le mode de financement proposé va à l'encontre de l'objectif gouvernemental - et du vôtre, si je vous ai bien entendus, messieurs, - de baisse de la taxe professionnelle puisque l'on crée une indexation. Les premières expertises dont nous disposons indiquent même que la mise en oeuvre de ce dispositif se traduirait par des transferts de charges considérables entre les différents métiers ; on referait l'erreur de 1975.
Enfin, ce mode d'indexation favoriserait les chambres les plus riches, les territoires où les bases fiscales sont les plus avantageuses, alors que nous devrions plutôt réfléchir - c'est ce que nous voulons faire avec les chambres de métiers et le Parlement dans son ensemble - à un mode de financement qui, au contraire, participe d'une politique de rééquilibrage de la richesse des territoires.
Je reste persuadée que l'ensemble des petites entreprises qui auront une taxe supplémentaire à acquitter ne verront pas cette réforme d'un bon oeil, surtout que cette taxe sera d'autant plus forte que le territoire sera moins riche.
Pour toutes ces raisons, il me paraît plus important de préparer ensemble la réforme, et donc de retirer les amendements en attendant que nous ayons trouvé une solution acceptable. Une année par rapport au nombre d'années pendant lesquelles nous avons tous entendu parler de ce problème, cela vaut la peine, plutôt que de faire une erreur !
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. René Ballayer, rapporteur spécial. M. Jean-Jacques Robert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, m'a laissé une note dans laquelle il précise : « Il n'y a pas eu de simulation sur ce changement au fond du mode de calcul des produits collectés par les chambres de métiers. Des variations imprévues peuvent déboucher sur des augmentations qui frapperaient les plus modestes. Cette proposition doit être étudiée soigneusement à l'occasion de la prochaine loi de finances. Mais, dans l'immédiat, j'estime qu'il faut voter contre. »
Personnellement, après avoir entendu Mme la secrétaire d'Etat, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Huguet, l'amendement n° II-53 est-il maintenu ?
M. Roland Huguet. Je suis sensible aux arguments qui ont été développés par Mme la secrétaire d'Etat. Nous souhaitions surtout attirer son attention sur un dispositif aberrant. Mme la secrétaire a précisé qu'elle va contacter l'assemblée permanente des chambres de métiers pour discuter de la réforme, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, est indispensable. Dans ces conditions, nous faisons confiance au Gouvernement et nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-53 est retiré.
Monsieur Jourdain, l'amendement n° II-54 est-il maintenu ? M. André Jourdain. Compte tenu des engagements que vient de prendre Mme la secrétaire d'Etat, je retire, à mon tour, cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-54 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 79.
(L'article 79 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
Commerce extérieur