Séance du 30 juin 1998
PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
lorsqu'on n'est pas allé depuis plusieurs années en Nouvelle-Calédonie, on
éprouve nécessairement quelque hésitation à s'exprimer sur l'avenir de ce
territoire. Et pourtant, l'évolution de la Nouvelle-Calédonie me tient trop à
coeur pour que je n'essaie pas de donner aujourd'hui mon point de vue !
Mon premier contact avec la Nouvelle-Calédonie remonte à 1979, à l'occasion du
voyage du Président de la République. La Grande Terre, au nord comme au sud, et
les îles Loyauté étaient alors en liesse et rien ne pouvait laisser présager
des mouvements imminents remettant en cause le statut d'alors.
En 1985, dans le cadre d'une mission de la commission des lois, déjà présidée
par Jacques Larché, j'y ai retrouvé un climat profondément changé, et nous
avons pris alors la mesure de la complexité exceptionnelle du dossier.
Lors du débat qui suivit au Sénat à propos de l'une des nombreuses réformes de
statut, nous fûmes nombreux, à commencer par notre rapporteur d'aujourd'hui et
d'hier, à considérer que le problème de la Nouvelle-Calédonie devait être
traité à l'abri des fluctuations politiques de la métropole et que nous avions,
les uns et les autres, le devoir de l'examiner en fonction de la conjoncture du
moment mais aussi des évolutions prévisibles.
Les événements dramatiques qui suivirent provoquèrent un électrochoc, et c'est
déjà avec un fort sentiment de soulagement que furent salués les accords de
Matignon de juin 1988, accords ratifiés par un référendum à propos duquel notre
groupe prit clairement position pour le « oui ».
Le changement fondamental engagé à cette occasion a été le fruit de la volonté
et de la capacité des responsables politiques de toutes obédiences de la
Nouvelle-Calédonie de rechercher ensemble un consensus, ce qui supposait de la
part des uns et des autres beaucoup de courage et même, hélas ! l'esprit de
sacrifice. Nous étions loin des positions tranchées et antagonistes que notre
mission sénatoriale avait perçues seulement trois ans auparavant !
Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui est la
conséquence logique de ce qui avait été conclu en 1988, avec cependant la
substitution d'un nouvel accord au référendum qui avait été prévu pour 1998.
Cette adaptation aux circonstances d'aujourd'hui constitue incontestablement -
M. le président de la commission et M. le rapporteur l'on dit - une solution
préférable.
Je remercie notre collègue Jean-Marie Girault d'avoir, avec la connaissance
approfondie du dossier calédonien qui est la sienne, analysé la situation avec
lucidité, et le président de notre commission des lois d'avoir dit avec
conviction quelle était la voie à suivre. C'est en toute confiance que nous
suivrons leurs conclusions tendant à adopter conforme le projet de loi
constitutionnel qui nous est soumis.
Les raisons d'une telle approbation sont au nombre de trois.
Il y a, tout d'abord, la nécessité d'apporter un appui clair à l'accord de
Nouméa et à ceux qui, avec le Gouvernement, au nom du RPCR et du FLNKS, l'ont
signé. C'est un accord équilibré, source de réconciliation, de coopération, et
symbole d'une volonté commune d'envisager l'avenir. Il permet, enfin, de donner
tout son sens au mot fraternité.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste.)
Ensuite, il est indispensable que la France, pour conserver la place qu'elle
doit continuer à tenir, dans l'avenir, dans le Pacifique Sud, démontre son
aptitude à faire évoluer le dossier calédonien de sa propre initiative, qu'elle
fasse la preuve de sa capacité à dégager, sous sa seule autorité, une solution
constructive à laquelle peuvent adhérer tous les Calédoniens. Dans cette partie
du monde où nous avons trop souvent été critiqués, la France fait ainsi la
démonstration qu'elle n'a pas de leçon de morale à recevoir.
La troisième raison de notre approbation tient au développement économique de
la Nouvelle-Calédonie, dont dépendent en grande partie, nous le savons, les
perspectives d'avenir. L'incertitude politique est, à cet égard, un frein au
développement alors qu'une vision claire de l'avenir est un stimulant pour les
investissements, investissements qui sont nécessaires, en particulier venant de
la métropole. L'accord que nous allons ratifier y contribuera, j'en suis
certain.
Les modalités de l'accord intervenu sont, à cet égard, rassurantes. Elles
constituent une garantie pour une évolution harmonieuse, sans secousse, en
laissant le temps de préparer les différentes étapes de la mise en oeuvre du
statut à venir, en permettant de répondre aux interrogations qui subsistent et
de combler les lacunes qui existent encore.
Définir pour vingt ans l'évolution de l'organisation politique de la
Nouvelle-Calédonie est une solution de sagesse. Les transferts de compétences
progressifs devraient être le gage d'une évolution en douceur. La conciliation
entre droit commun et droit coutumier, et le respect que nous devons à la
coutume constituent la base d'une conception réaliste de l'organisation
politique à venir.
La reconnaissance de l'identité kanak, qui doit davantage imprégner la
Nouvelle-Calédonie de demain, est un acte probablement nécessaire qui découle
du préambule de l'accord de Nouméa, où est affirmé que « le moment est venu de
reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas
dépourvue de lumière ». Qu'elle est lourde de sens, cette phrase !
N'ayons pas honte de dire, à ce propos, qu'il y a eu aussi des lumières, car
la France a beaucoup apporté à ces territoires lointains, et nous devons,
aujourd'hui, avoir une pensée reconnaissante envers tous ceux et toutes celles
qui ont contribué à leur développement.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Le contexte d'aujourd'hui est profondément modifié et le monde évolue de plus
en plus vite. Nous ne pouvons plus - on peut le regretter - au nom du passé,
rester figés. Il faut évoluer, et évoluer vite. Et si la France est capable -
pourquoi en douterions-nous ? - de conduire la Nouvelle-Calédonie vers
l'avenir, alors, elle gardera et renforcera son autorité morale et son
influence politique dans le Pacifique.
Parce que nous avons cette conviction, mes amis et moi voterons le projet de
loi constitutionnelle qui nous est soumis aujourd'hui.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dix
ans déjà ! Oui, voilà exactement dix ans, la Nouvelle-Calédonie était en
situation de guerre civile.
Sur cette terre mélanésienne, terre violente et souvent tragique, l'Histoire
vient de loin et ses convulsions sont redoutables. Emeutes, embuscades
meurtrières, prises d'otages, bain de sang... Hienghène et Ouvéa sont dans nos
mémoires. A Nouméa, colère et peur gagnent les esprits, la guerre civile sans
merci est l'issue probable. En métropole, d'aucuns, et non des moindres,
considèrent qu'elle a déjà commencé. A Paris, le Gouvernement parle haut et
fort, mais les solutions appropriées font défaut. François Mitterrand qualifie
la tournure que prennent ces affrontements de « guerre inexpugnable ».
Sitôt nommé après la réélection de François Mitterrand, Michel Rocard, Premier
ministre, a comme priorité première la situation explosive en
Nouvelle-Calédonie. Il sait que la violence est souvent accoucheuse de
l'Histoire. Sa volonté politique, le recours à une méthode exceptionnelle vont
transformer le cours des événements en peu de jours.
C'est l'envoi de la « mission du dialogue ». Les acteurs de cette mission
mettront leur intelligence comme leur ambition et leur sensibilité au service
d'un objectif qui les transcende. Là où les tensions sont les plus fortes, ils
s'en vont écouter, montrer que l'on comprend les protagonistes, qu'une solution
technocratique ne leur sera pas imposée ; mais ils inciteront les Kanaks et les
Caldoches à en trouver une, accompagnée d'une garantie qui la rende crédible.
C'est un subtil mélange de travail en pleine lumière et d'activités discrètes.
Le Premier ministre ne croit qu'à une seule force, celle du dialogue.
De ce patient travail de persuasion naîtront les accords de Matignon, dont le
premier objectif est le retour à la paix civile.
Scellée par une poignée de main historique, cette réussite et aussi due à deux
hommes : Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, qui accomplissent l'impensable.
Dressant avec lucidité et clairvoyance le bilan des événements, ils s'élèvent
au-dessus des réactions passionnelles, des contraintes et engagements
doctrinaux. Le risque de haine raciale conduit les protagonistes à nouer un
dialogue, les incite à réfléchir et leur fait dire oui à Michel Rocard. Ayant
vu loin et juste, les deux précurseurs sont conscients qu'ils ne seront pas
immédiatement compris.
En acceptant de signer ces accords, Jean-Marie Tjibaou fait le pari de
l'intelligence qui triomphera de l'intolérance. Il est convaincu que cet accord
créera les conditions d'une décolonisation réussie ; il croit en la grandeur de
la France, qui peut et doit accompagner un petit pays vers son émancipation et
son indépendance. Connaissant bien son peuple, il sait qu'il prend des risques.
Ne dit-il pas - et j'ai relevé cette citation à l'exposition qui lui est
consacrée au centre culturel Tjibaou à Nouméa - : « Le plus dur n'est pas de
mourir, mais de rester vivant, de se sentir étranger dans son propre pays, être
dans l'impuissance de relever le défi. Moi, je ne suis que passager, je dois
faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que le pays que je lègue à mes
enfants soit le plus beau pays ».
Ce pari de l'intelligence, il le paiera de sa vie le 4 mai 1989. La folie
meurtrière a eu raison de l'homme, mais pas du message qu'il avait délivré.
Incompris, Jacques Lafleur fait l'amer constat qu'il l'est lors du référendum
de 1988. Loin de faiblir, il persévère et récidive puisqu'il sera le premier à
envisager, dès 1991, la « solution consensuelle ». Il est plus que jamais
convaincu qu'aucune communauté ne pourra décider de son destin sans les autres,
et surtout pas contre les autres. Il sait qu'il n'y a pas de stratégie
alternative, que la solution négociée est la seule possible. Il a conscience
qu'une victoire dans les urnes, certes démocratique, ne garantira pas la paix
civile, la stabilité et la prospérité auxquelles aspirent tous les
Calédoniens.
Les accords de Matignon ne manquaient pas d'ambition. Dix ans, ce n'était pas
« un répit mais un défi ». Il ne s'agissait pas moins de maintenir le
territoire dans la paix civile tout en répartissant autrement les pouvoirs, en
apportant des changements concrets dans la vie des Calédoniens et en relançant
le développement du territoire.
La paix civile a été durablement établie ; les différentes communautés ont
réappris à se parler, à vivre ensemble. Nous avons pu constater que ces accords
ont largement répondu aux espérances qu'ils avaient fait naître. Le
rééquilibrage politique, économique, social, culturel, l'amélioration de la
qualité de vie, ont été entrepris de manière volontaire. Les résultats sont
probants et encourageants. Ils ont contribué à renforcer l'esprit de dialogue
entre les communautés en apaisant les peurs et frustrations. Le pari de
l'intelligence a été gagné. Tous s'accordent à reconnaître que le cap fixé
depuis 1988 doit être maintenu. Réussite incontestable, les accords de Matignon
ont ouvert une fenêtre d'espoir et ont tracé la voie menant à l'accord de
Nouméa.
D'un chef de gouvernement à l'autre, il y a eu la même volonté de montrer la
continuité de la paix. La finesse politique, l'art de la compréhension et de la
conciliation, qui ont présidé à la construction de l'accord de Nouméa méritent
d'être soulignés. Au nom de tous mes amis, j'adresse gratitude et satisfaction
au Gouvernement, au Premier ministre et à vous, monsieur le secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, ainsi qu'à ceux qui, au nom du Gouvernement, ont été les maîtres
d'oeuvre de cette délicate négociation, je veux parler de MM. Christnacht et
Lataste.
Ces accords de Nouméa sont une évolution institutionnelle originale. La
volonté d'éviter un « référendum couperet ou un référendum KO » est vite
apparue de part et d'autre. La période transitoire de dix ans se révèle trop
courte pour permettre aux partenaires de rapprocher leurs points de vue sur la
réponse à apporter à un référendum d'autodétermination. Aucune des deux parties
n'a intérêt à un tel scrutin, ni celle qui l'aurait remporté, et encore moins
celle qui l'aurait perdu. Toutes deux savent que, dans la réalité, il n'y
aurait eu que deux vaincus. La solution négociée s'impose, elle devient
inéluctable.
Les premières discussions font apparaître que le FLNKS pose un préalable à
toute négociation sur l'avenir institutionnel du territoire, celui d'un accord
sur le nickel, qui donnerait sa viabilité au projet de construction d'une usine
de traitement dans la province Nord, dans le massif minier de Koniambo. Le
nickel menaçait donc la paix. Malgré tous ses efforts, M. Alain Juppé n'arrive
pas à fléchir la position du P-DG d'une entreprise semi-publique. Avec le
précieux concours de Philippe Essig, M. Lionel Jospin parvient, en moins de
sept mois, à concilier la volonté légitime du groupe ERAMET de préserver ses
réserves de nickel...
M. Jean Chérioux.
C'est formidable !
M. Josselin de Rohan.
Heureusement qu'il était là !
M. Guy Allouche.
... et celle, qui ne l'est pas moins, des indépendantistes de prendre pied, un
jour prochain, sur le marché mondial du nickel. M. Roch Wamytan déclare : « Il
est important que le P-DG d'ERAMET accepte enfin de donner un sens au mot
"partage", mot clé des accords de Matignon, entaché du sang de beaucoup de nos
morts, à commencer par celui de Jean-Marie Tjibaou. »
Prenant en compte la spécificité de la Nouvelle-Calédonie, l'accord de Nouméa,
original tant par sa rédaction que par les solutions qu'il propose, est
historique.
Original est le préambule. Officialisant une vérité historique, il n'est ni
acte de contrition ni déclaration de repentance. Il rappelle que la
colonisation a représenté pour la population d'origine un traumatisme durable,
une perte de dignité, d'identité, de culture, une perte de ses traditions. Il
ajoute que les libertés publiques ont été longtemps niées, les droits
politiques refusés aux Kanaks, malgré le lourd tribut qu'ils avaient payé à la
France lors de la Première Guerre mondiale. Oui, monsieur le président de la
commission des lois, vous aviez raison ce matin de dire à cette tribune que la
Nouvelle-Calédonie est une terre fidèle et qu'elle l'a prouvé. Le préambule
exprime la nécessité de faire mémoire des souffrances endurées par le peuple
kanak, de lui restituer son identité confisquée, préalable à la fondation d'une
nouvelle souveraineté partagée dans un destin commun.
Les « ombres » de la période coloniale sont irréfutables. Mais, mes chers
collègues, pardonnez ce truisme : il y a ombres parce qu'il y a lumières.
Aussi, le préambule ne fait pas abstraction des autres communautés vivant sur
le territoire. Elles ont acquis, par leur participation à l'édification de la
Nouvelle-Calédonie, une légitimité à y vivre, elles sont indispensables à son
équilibre social, au fonctionnement de son économie et de ses institutions.
Ce préambule est l'affirmation d'un peuple en devenir, qui tire sa réalité
d'un passé multiforme, sur la base duquel il entend construire son avenir. Il
juge que le moment est venu pour la Nouvelle-Calédonie de poser les bases d'une
nouvelle citoyenneté permettant au peuple d'origine de constituer avec les
femmes et les hommes qui vivent sur le territoire une communauté humaine
affirmant un destin choisi et partagé. Une formule du préambule résume
parfaitement l'aperçu historique et prospectif qu'il dresse : « Le passé a été
le temps de la colonisation, le présent est le temps du partage par le
rééquilibrage, l'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin
commun. »
Les négociateurs de Nouméa ont soigneusement évité les mots tabous : celui
d'indépendance, redouté par les Caldoches, et celui d'autonomie, rejeté par les
Kanaks, au profit du concept de « citoyenneté nouvelle de la Nouvelle-Calédonie
».
Mes chers collègues, soyons lucides, ne nous leurrons pas, les mots ont un
sens et la citoyenneté est une valeur républicaine. Elle ne peut s'appliquer
qu'à des hommes pleinement émancipés et maîtres de leur destin. On n'est pas
citoyen à moitié, ni citoyen d'un autre pays que le sien. En signant un accord
qui, en termes solennels, établit les bases d'une citoyenneté de la
Nouvelle-Calédonie, en organisant les étapes du passage de la citoyenneté à la
nationalité, avec transfert, certes progressif, mais irréversible, des
compétences, les négociateurs ont franchi la distance qui sépare l'autonomie de
l'indépendance envisagée. Même si les liens avec la métropole restent
privilégiés, on est passé dans un autre monde. En cela, l'accord de Nouméa est
historique.
Qu'il soit pour ou contre l'indépendance, pénétrons-nous de l'idée qu'un Kanak
aspire à la dignité, au respect, à la reconnaissance de son identité, qu'il
rejette l'assistanat, car la dignité ne s'achète pas avec des subventions. Les
indépendantistes du FLNKS, qui ont écrit ces accords à l'encre de leur
sensibilité et de leur vécu, voient ainsi aboutir leurs principales
revendications : la reconnaissance de leur identité trop longtemps ignorée, le
fait colonial et l'accession à la souveraineté selon un processus progressif,
rassembleur et sans rupture violente.
En contresignant cet accord de Nouméa, les anti-indépendantistes opèrent une
véritable révolution culturelle. Ils ont obtenu que le processus s'étale sur
vingt ans, le temps nécessaire pour que la réalité pénètre les esprits et
qu'une consultation électorale conclue le mouvement. L'idée essentielle des
accords est acceptée : les Caldoches veulent s'intégrer à la citoyenneté de la
Nouvelle-Calédonie et envisagent un destin commun avec les Kanaks.
« Reconnaissons-nous mutuellement et, ensemble, nous investirons pour le
futur. Sans dominateur et sans dominé, nous apprendrons plus vite à vivre
ensemble », telle semble être la pensée profonde des principaux responsables.
Ainsi que l'a dit Michel Rocard, cet accord de Nouméa est « un acte de
civilisation ». Condamnées à vivre ensemble sur un même territoire, ces deux
communautés au destin désormais partagé expriment ensemble leur « soulagement
». Comment ne pas les comprendre !
Le document d'orientation qui constitue le dispositif de l'accord traite de
l'identité kanak, des institutions, du partage des compétences entre l'Etat et
le territoire, du développement économique et social, de l'évolution de
l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie. Il envisage les perspectives
qui s'ouvriront au territoire au terme de la période transitoire, ainsi que
l'application de l'accord, les textes qui conditionnent sa mise en forme, les
consultations qui doivent intervenir dans le territoire et le suivi de
l'accord.
Mes chers collègues, à cet instant, je veux remercier notre excellent collègue
Jean-Marie Girault, d'abord pour le rapport de qualité qu'il nous a présenté et
surtout pour l'humanisme et la chaleur humaine qui le caractérisent. Ce matin,
à la tribune, il a encore dit ce qu'il pensait de ce merveilleux territoire
qu'est la Nouvelle-Calédonie. A mon tour, je lui exprime toute ma gratitude.
La première place accordée à l'identité kanak n'a rien de fortuit. L'accord
prévoit qu'elle doit être prise en compte dans l'organisation politique et
sociale de la Nouvelle-Calédonie. La place de la coutume, fondement de
l'identité kanak, est pleinement reconnue, tant dans le domaine de la justice
que dans le domaine institutionnel.
Un Sénat coutumier est créé. Il sera obligatoirement saisi des lois du pays
portant sur l'identité kanak. Le patrimoine culturel et la culture kanak seront
revalorisés.
Symboliquement inauguré le jour anniversaire de la mort de Jean-Marie Tjibaou,
le centre culturel Tjibaou, qui est d'une exceptionnelle beauté architecturale,
jouera à cet égard un rôle essentiel. Lieu de culture vivante, cette réussite
artistique, avec son parcours végétal initiatique, est vécue à Nouméa comme un
symbole puissant, celui de la dignité retrouvée des Kanaks et de l'avenir à
construire en commun.
Dans le domaine des institutions, l'innovation essentielle est que certaines
délibérations du Congrès auront le caractère de « lois du pays », soumises au
seul contrôle du Conseil constitutionnel. Le Congrès acquiert ainsi un réel
pouvoir législatif. Une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et le
territoire est prévue. Certaines seront transférées, d'autres seront partagées.
Les compétences régaliennes resteront de la compétence exclusive de l'Etat
jusqu'au terme de la période transitoire. L'accord fait preuve de pragmatisme
puisqu'il prévoit le transfert progressif. En revanche, les transferts sont
irréversibles.
Mes chers collègues, l'euphorie n'est pas exclusive d'interrogations
sérieuses. Le développement économique et social, axe majeur des accords de
Matignon, reste une préoccupation capitale pour les signataires de l'accord car
il conditionne l'avenir harmonieux et pacifique du territoire.
Lors de notre récente mission, tous nos interlocuteurs ont insisté sur le
maintien du rééquilibrage entre les provinces et la nécessité d'appliquer une
discrimination positive. Nous avons compris qu'ils souhaitaient que ces points
soient explicitement développés dans la loi organique.
Notre ancien collègue M. Dick Uckeiwé, que nous avons eu plaisir à retrouver
sur l'île de Maré, nous a dit qu'il fallait « être vigilant quant au respect de
l'esprit et de la lettre de l'accord et veiller à ce que la province Sud ne
récupère pas l'essentiel des moyens ». Le président de la province des îles
Loyauté, M. Nidoish Naisseline, a déclaré quant à lui : « L'émancipation à
laquelle nous aspirons n'est pas uniquement politique et culturelle, elle doit
être aussi économique... Il ne suffit pas de créer des infrastructures, car à
quoi serviraient-elles s'il n'y a pas de développement économique ? » La
réalité est qu'il n'y a pas d'émancipation sans fondement économique.
Désormais protégé par l'accord, l'emploi local devra être développé, la
création d'emplois constituant une priorité absolue pour l'avenir du
territoire, surtout pour les provinces Nord et les îles Loyauté. Aussi utiles
soient-ils, tous les efforts de formation auront peu d'effets si les jeunes,
qui sont nombreux sur le territoire, n'ont aucune perspective de trouver un
travail à l'issue de leurs études.
« Formons des jeunes pour le développement économique du territoire et non
pour en faire de futurs révolutionnaires si l'emploi n'est pas au rendez-vous.
» C'est ce que nous disait, dans la province Nord, l'un des représentants de
l'Etat.
La mise en oeuvre des orientations définies dans l'accord de Nouméa exige une
révision de notre Constitution pour trois raisons : pour créer une entité
juridique originale, pour autoriser le législateur à déroger à certains
principes constitutionnels, pour permettre l'organisation d'un référendum local
en 1998.
De ce fait, la Constitution devient la traduction juridique d'un certain
nombre d'objectifs politiques.
Entité juridique
sui generis,
la Nouvelle-Calédonie ne sera plus un
territoire d'outre-mer aux termes de l'article 74 de la Constitution. Selon un
processus gradué et irréversible, la Nouvelle-Calédonie se verra attribuer une
compétence générale dans tous les domaines, à l'exception des compétences
régaliennes, qui pourront être transférées après approbation des populations
concernées. Le caractère irréversible de ce transfert est le principe le plus
novateur de l'accord.
Les institutions du territoire seront dotées d'un pouvoir normatif autonome.
Les « lois du pays », votées par le Congrès, ne pourront être contestées que
devant le Conseil constitutionnel, avant leur publication.
La reconnaissance d'un pouvoir normatif autonome au profit des institutions
calédoniennes est contraire à l'article 1er de notre loi fondamentale, qui
définit la France comme une « République indivisible ». C'est la première
raison de la révision constitutionnelle.
La deuxième raison réside dans le fait que certaines orientations de l'accord
entrent en contradiction avec des principes de valeur constitutionnelle,
notamment le principe d'égalité. Ces dérogations touchent aux domaines du droit
électoral, de la citoyenneté et de l'emploi.
L'application de l'accord précise que seule la population de
Nouvelle-Calédonie sera appelée à s'exprimer par référendum. C'est la troisième
raison de la révision constitutionnelle.
Ainsi, à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Essentiellement
politique, cet accord de Nouméa bouscule assurément notre culture républicaine.
Contrairement à la tradition jacobine, qui tend à insérer la réalité dans des
catégories juridiques prédéfinies, les négociateurs se sont appuyés sur la
réalité pour aboutir à ce statut. Il fallait faire fi des rigidités du droit,
lequel doit s'adapter aux réalités humaines, historiques et politiques, et non
l'inverse. Le droit doit suivre ce que l'Histoire demande à ses acteurs en
intelligence, en compréhension et en ouverture d'esprit. A cet égard, le xxie
siècle s'annonce prometteur.
Pour parvenir rapidement à un accord et à un vote conforme, les très judicieux
amendements proposés à Mme Tasca, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée
nationale, par le président de notre commission des lois et notre rapporteur
ont été acceptés, repris et votés par l'Assemblée nationale, après avis
favorable du Gouvernement. Garant de la pérennité de cet accord historique, un
vote quasi unanime des deux assemblées et, je l'espère, du Congrès du
Parlement, aura un impact puissant en Nouvelle-Calédonie.
Mes chers collègues, il n'y a pas lieu de nier les difficultés qui nous
attendent. La loi organique s'annonce difficile. Nous serons sur une « ligne de
crête ». La traduction en termes juridiques de l'esprit comme de la lettre de
cet accord nécessitera un effort d'imagination et de précision hors du commun :
je pense particulièrement au respect de la coutume, à sa tradition orale et à
sa transcription dans la loi. La limitation des recours devant le Conseil
constitutionnel dépendra aussi du législateur, qui portera en la circonstance
une très lourde responsabilité. Aussi, la mise en place d'un comité de suivi
pour valider la traduction juridique de l'accord de Nouméa est de bon
augure.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet accord de Nouméa
représente le point d'équilibre auquel les trois partenaires sont parvenus,
après que chacun eut exprimé ses attentes, ses demandes et ce qui n'était pas
négociable. Cet accord est le signe qu'il y avait un « avant » et que la
Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui entrée dans « l'après », dans son propre
avenir. Lequel d'entre nous pourrait prendre le risque de ne pas approuver le
choix de la paix ?
Par le vote de ce projet de loi constitutionnelle, il nous est demandé de
ratifier cet accord et d'approuver ce nouveau pas accompli de concert par les
Calédoniens. Cet assentiment s'exprimera avec une solennité toute particulière,
puisque c'est dans notre loi fondamentale qu'il va trouver sa place. Les
sénateurs socialistes approuveront ce projet de loi constitutionnelle parce
qu'ils veulent être au rendez-vous de l'Histoire.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
vote de l'Assemblée nationale sur le projet de loi que nous examinons
aujourd'hui a été impressionnant : sur 507 votants, 490 se sont prononcés pour,
13 contre et 4 se sont abstenus. Même en comptant les soixante-dix députés
n'ayant pas voulu ou pas pu participer à ce scrutin, la majorité a atteint un
chiffre exceptionnel - presque un consensus.
Les discours que nous avons entendus depuis ce matin à cette tribune montrent
qu'il en sera très probablement de même au Sénat.
Je suis parmi ceux qui ont eu la chance de se rendre en Nouvelle-Calédonie
avant les événements de ces dix dernières années, moins souvent, certes, que
notre rapporteur, Jean-Marie Girault ; mais, enfin, j'y suis allé au temps du
président Dick Ukeiwé, qui a laissé dans notre assemblée un si grand
souvenir.
Je m'y étais rendu pour un hommage rendu au bataillon du Pacifique, et je
remercie à ce propos le président Jacques Larché d'avoir évoqué ces hommes
d'élite, qui furent parmi les premiers combattants de la France libre.
Mais, après ces temps historiques, sont venus des moments d'incompréhension et
d'antagonismes. Des drames se sont produits, dont celui d'Ouvéa. Lorsqu'on y
songe, on voit quel formidable chemin a été parcouru pour en arriver à la
réconciliation d'aujourd'hui.
La première étape significative remonte aux accords de Matignon, négociés
grâce à la détermination de Michel Rocard, entre nos compatriotes de la
Nouvelle-Calédonie, rassemblés essentiellement dans le RPCR de Jacques Lafleur,
et le mouvement regroupant une grande partie des populations kanak, le FLNKS,
dont l'un des chefs était Jean-Marie Tjibaou, malheureusement assassiné en
1989.
Les deux mêmes grands partis se sont retrouvés le 5 mai dernier pour signer
l'accord de Nouméa, dont nous avons à connaître aujourd'hui. Il faut en
remercier les principaux responsables : d'un côté, Jacques Lafleur, toujours,
qui tient un rôle essentiel depuis de nombreuses années et, de l'autre côté,
Roch Wamytan ainsi que plusieurs chefs coutumiers que nous avons reçus au Sénat
voilà quelques semaines.
Comme l'a dit notre collègue Simon Loueckhote, représentant élu de la
Nouvelle-Calédonie au Sénat, ces hommes ont fait le choix de la modération, de
l'intelligence et du courage pour se tendre la main et penser ensemble à
l'avenir.
Mais, justement, quel avenir ? Dans la République française, souhaite le RPCR.
Dans l'indépendance, espère le FLNKS. C'est là que commence l'ambiguïté et
qu'il devient nécessaire de se poser quelques questions.
Reporter dans quinze ou vingt ans le référendum d'autodétermination qui devait
avoir lieu en cette année 1998, n'est-ce pas reculer à plus tard des divisions
et des frustrations qui, vraisemblablement, naîtront de toute façon ? Car, si
le « oui » à l'indépendance l'emporte, alors la situation sera irréversible.
Or, quelles assurances les Calédoniens auront-ils de pouvoir rester librement
sur cette terre qu'ils ont mise en valeur et à laquelle ils sont viscéralement
attachés ?
Et si la Nouvelle-Calédonie fait le choix de demeurer française, ce qui serait
sans doute son intérêt politique, économique et social face aux puissances de
cette région du Pacifique, les indépendantistes pourront renouveler à loisir
les consultations électorales - on leur permet de le faire tous les deux ans -
ce qui, il faut bien le reconnaître, est plutôt antidémocratique et, en tout
cas, constitue un ferment d'instabilité nuisible au développement du pays.
Du point de vue juridique, des réserves peuvent être également exprimées ; M.
Badinter, je crois, en est d'accord. On nous répète beaucoup, depuis quelques
semaines, qu'il n'existe pas d'avancée politique sans innovations juridiques.
Certes, mais, cette fois, celles-ci vont parfois un peu loin.
La limitation, contraire au
jus soli,
du corps électoral aux personnes
installées avant 1988 et à leurs descendants est passablement choquante, tout
comme est choquant le régime différencié établi en matière d'accès à l'emploi.
A l'heure où, en métropole, on rejette violemment toute idée même de débat sur
la préférence nationale, n'est-ce pas très précisément le système que l'on met
en place en Nouvelle-Calédonie ? N'y a-t-il pas là une contradiction qui peut
surprendre ?
Enfin, je terminerai par un point qui m'a attristé dans ces accords, non plus
dans le corps des articles, mais dans le préambule. Les désormais
traditionnelles paroles de contrition y sont légion, ce qui prouve une fois de
plus que nous n'avons pas compris l'enseignement du philosophe Spinoza, qui
nous a pourtant appris que « le repentir est une seconde faute ».
Dans le préambule, il est même écrit, très précisément, que sous la domination
française, « le patrimoine artistique kanak était nié ou pillé ». Je trouve
cela vraiment un peu fort.
Permettez-moi de rendre hommage ici au travail effectué par le musée national
des arts d'Afrique et d'Océanie, qui, au contraire, n'a pas cessé de faire
connaître l'art de cette région du monde en organisant des échanges avec des
musées d'autres pays, à Bâle, à New York, où j'ai été témoin de ces expositions
remarquables, ou simplement en présentant des collections spécialement
consacrées à la Nouvelle-Calédonie, comme ce fut le cas en 1993 - ceux qui ont
vu la magnifique exposition « De jade et de nacre » s'en souviennent. Le mois
dernier encore, à Nantes, des collections d'art kanak étaient présentées au
public, avec un grand succès. Soulignons aussi le magnifique musée inauguré au
nom de Jean-Marie Tjibaou, dans un site exceptionnel de Nouvelle-Calédonie. La
photographie de ses édifices en forme de coquillages a fait le tour du monde.
C'est une superbe promotion de l'art kanak.
Croit-on, sincèrement, que cet art et cette culture seraient mieux connus si
la France ne les avait pas diffusés dans le monde entier ? Au lieu de nous
demander de battre notre coulpe à coups de repentances pompeusement rédigées,
il eût mieux valu souligner ce qu'il y avait de bon dans le passé et, comme l'a
joliment dit Aragon, « réinventer le passé pour voir la beauté de l'avenir
».
Nous avons donc, vous le voyez, quelques réserves sur le texte de l'accord de
Nouméa, ce qui nous laisse perplexes. Nous voici comme les Mandarins de Simone
de Beauvoir : « Ah, si seulement on pouvait être tout à fait pour ou tout à
fait contre ! » Mais tel n'est pas le cas. Rien n'est nettement noir ou blanc.
Il existe des zones d'ombre et de lumière. D'ailleurs, dans l'évocation de ce
qu'a été la présence française là-bas, il est écrit que « le moment est venu de
reconnaître les ombres de la période coloniale » ; mais les auteurs du
préambule ajoutent aussitôt : « même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.
»
Cependant nous comprenons que si le texte est critiquable dans certaines de
ses expressions, il est tout à fait acceptable dans son esprit et, surtout,
nous ne pensons guère qu'il eut été possible de faire autrement. C'est la seule
voie qui nous donne une bonne chance de sincère réconciliation et qui permette
de voir le futur avec optimisme.
Dans ces conditions, il y aura une ou deux abstentions parmi les sénateurs non
inscrits, mais la grande majorité de notre groupe votera le projet de loi
constitutionnelle qui ouvre à la Nouvelle-Calédonie, espérons-le, de véritables
perspectives de progrès et de paix.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pasqua.
M. Charles Pasqua.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes saisis d'un projet de révision constitutionnelle dont il s'agit
pour nous de mesurer les conséquences.
Dans cette enceinte, nous avons à plusieurs reprises eu l'occasion de traiter
des problèmes de la Nouvelle-Calédonie, toujours avec une très grande sympathie
pour l'ensemble des communautés qui peuplent ce territoire.
Nous n'avons naturellement pas oublié, ni les uns ni les autres, encore moins
ceux qui, comme moi, ont eu l'occasion à deux reprises d'occuper des fonctions
au Gouvernement, les drames qui ont ensanglanté ce territoire et leurs
conséquences.
J'ai entendu ce matin Mme le garde des sceaux et M. le secrétaire d'Etat nous
présenter l'accord de Nouméa et le projet de révision. Je leur rends volontiers
témoignage qu'ils n'en ont nullement dissimulé les conséquences.
J'ai également entendu le plaidoyer plein d'enthousiasme du rapporteur de la
commission des lois ainsi que l'intervention plus mesurée de son président.
Nous somme appelés à voter sur un texte qui ne peut être isolé ni de son
contexte ni du préambule de l'accord. Or, si nous avions été consultés sur le
préambule, je suis persuadé qu'il y aurait eu une très large majorité pour le
rejeter tant il recèle de choses inacceptables !
Le spectre des affrontements qui se sont déroulés en Nouvelle-Calédonie
n'enlève rien à la dignité de notre histoire commune.
Que pour chasser ce spectre, on soit tenté de récrire l'histoire de la France
en la réduisant à « une colonisation qui a porté atteinte à la dignité du
peuple kanak », je peux d'autant moins l'accepter que l'on officialise ainsi
des fantasmes qui continueront à peser sur l'avenir.
L'honnêteté intellectuelle que l'on doit aux faits et aux réalités suffirait à
refuser aux idéologues le droit de les travestir, même si certains croient, à
ce prix, préserver à court terme une paix sociale qui ne peut se fonder sur des
bases ainsi faussées.
A mes yeux, le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis révèle
d'emblée dans l'esprit ce qu'il confirme dans la lettre : une prédétermination
de l'indépendance en même temps qu'une certaine méfiance du suffrage populaire.
En effet, l'Etat accorde sa pleine caution à la souveraineté à venir de la
Nouvelle-Calédonie, qui apparaît comme un leitmotiv dans le texte de l'accord
du 5 mai : « ... Par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de
la pleine souveraineté... » - article 4 du Préambule - « ... Les institutions
de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté... »
- article 5 du préambule - « ... Les compétences transférées ne pourront
revenir à l'Etat, ce qui traduira le principe d'irréversibilité de cette
organisation... » - article 5 du préambule - « ... L'Etat reconnaît la vocation
de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une
complète émancipation... » - l'article 5 de l'accord.
Pour que le scrutin final d'autodétermination ne trahisse pas cette logique
implacable, l'accord va jusqu'à mettre en place un mécanisme inouï, qui bafoue
la démocratie, puisque, si les électeurs répondaient non, le tiers des membres
du Congrès pourrait provoquer une nouvelle consultation, à deux reprises. Je
vous demande, en conscience, quel démocrate pourrait accepter que l'on
emprisonne ainsi le suffrage universel.
Je ne dis pas non à l'indépendance éventuelle de la Nouvelle-Calédonie ; cela,
nous le verrons bien. Je dis non à l'indépendance obligatoire ; je dis non au
mépris de l'expression du peuple. Je vois mal comment un parlementaire pourrait
cautionner une telle défiance à l'égard du vote qui va jusqu'à enfermer sa
libre expression tant que le peuple n'aura pas exprimé la réponse attendue par
ses dirigeants.
Ce détournement de la démocratie est d'une extrême gravité, car il instille
dans notre Constitution elle-même un renoncement aux principes républicains,
qui ne s'arrête d'ailleurs pas à ce seul fondement.
L'accord du 5 mai est, en effet, fondé sur la reconnaissance d'une «
souveraineté kanak » qui est, au regard de l'histoire du territoire, un mythe
et qui, surtout, par la reconnaissance de droits préférentiels à cette ethnie,
place les populations d'autres origines, européennes ou non européennes, en
position d'infériorité.
L'établissement d'un « Sénat coutumier » conduit à une représentation
inégalitaire selon les ethnies qui contredit violemment la République, à la
fois dans son principe d'égalité et dans l'unité du peuple français, sans
distinction d'origine, de race ou de religion.
Les dérogations au droit commun contredisent également les principes
républicains. La possibilité pour un Calédonien d'opter soit pour le système de
droit commun, soit pour le système de vie coutumier est une aberration
juridique et politique qui va dissocier le statut des personnes entre
Mélanésiens et non-Mélanésiens. Le statut coutumier est élevé au rang de statut
civil ordinaire de même nature que le statut civil de droit commun, alors que
l'article 75 de la Constitution ne garantit la conservation des droits civils
non laïcs que pour les citoyens qui n'y ont pas renoncé.
Le principe d'égalité est également atteint par les limitations introduites
par le texte au droit de vote et par le fait que la situation des travailleurs
ne sera plus garantie par le principe du droit républicain ; elle sera
désormais régie par le droit local imprégné par la coutume. Le territoire
détiendra désormais la totale responsabilité de la politique de l'emploi, alors
qu'il incombe à la République unitaire d'assurer l'égalité devant le
travail.
Il est vrai que c'est le principe inverse que l'on veut mettre en oeuvre
puisque l'accord établit une discrimination que l'on dit « positive » et que
j'appelle, moi, ségrégation entre les Français de Nouvelle-Calédonie et ceux
qui viennent de métropole et du reste de l'outre-mer. Dans quel état de
faiblesse et de schizophrénie est donc tombée la République pour condamner la
préférence nationale à Paris et en faire une référence à Nouméa ?
En faisant des non-Canaques des citoyens de seconde catégorie, le texte de
l'accord foule aux pieds les valeurs et les droits naturels de la citoyenneté.
Transcrites et appliquées dans le quotidien, à travers des lois locales, une
réforme foncière accélérée et la privation du droit du sol, les dispositions de
ce texte préparent la réduction des libertés individuelles.
Cet accord fonde l'avenir, croit-on, mais il le fonde non pas sur la notion
d'égalité entre les communautés, garantie d'un réel partage et d'un
développement commun, mais sur l'inégalité, la division, voire la revanche
entre les différentes composantes. On ne construit pas un pays sur de tels
principes.
Mes chers collègues, comment de tels errements peuvent-ils être l'objet d'un
consensus ? En tout cas, ce débat a le mérite de l'exemplarité, du cas d'école
: on ne peut que mettre à mal les principes de la République dès lors que l'on
abandonnne son fondement, qui est la souveraineté.
La souveraineté ne se partage pas. La Constitution dispose qu'« aucune section
du peuple, ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » Dès lors que
la souveraineté est atteinte, la République s'effondre. L'accord du 5 mai en
est une tragique illustration.
La souveraineté ne se partage, ne se délègue pas. Elle n'appartient qu'au
peuple tout entier, elle dépasse même ce peuple car elle s'identifie à la
République et à l'histoire de la France. Lorsqu'on s'attaque à elle, on
s'attaque à l'égalité ; lorsqu'on s'attaque à elle, on s'attaque au suffrage
universel ; lorsqu'on s'attaque à elle, on s'attaque à la citoyenneté. Cette
cohérence-là, c'est la cohérence de la France et de la République. Face à elle,
l'incohérence du projet institutionnel et politique que l'on vous demande
d'approuver fait figure, au sens classique du mot, de monstre.
Je comprends les difficultés de la situation de la Nouvelle-Calédonie, mais la
République ne peut pas régler ses problèmes en reniant ses principes. La
République ne peut pas, au nom de l'équité, instaurer l'inégalité ; la
République ne peut pas, au nom de la souveraineté, bafouer sa souveraineté ; la
République ne peut pas, au nom de la démocratie, renier le suffrage universel.
Elle ne le peut pas pour la Nouvelle-Calédonie, car elle construit l'avenir du
territoire sur des principes pernicieux qui hypothéqueront sa marche vers le
progrès ; elle ne le peut pas pour l'ensemble de l'outre-mer, car elle donne à
toutes les minorités agissantes la conviction de la faiblesse du droit et de la
force du fait ; elle ne le peut pas pour la France, car la France n'est plus
elle-même quand la République n'est plus une et indivisible.
Mes chers collègues, pas plus qu'un autre je ne suis hostile au progrès et à
l'évolution ; mais je considère que, par le projet de loi qui nous est soumis,
la voie qui est ouverte nous conduit, contrairement à ce que l'on croit, à
l'aventure.
C'est la raison pour laquelle, non pas par hostilité de principe, mais par
respect pour les principes fondamentaux de la République, je voterai contre le
projet de loi qui nous est présenté.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'ai entendu avec beaucoup de plaisir l'exposé que vient de faire notre
collègue Charles Pasqua. En tant que juriste, je ne peux qu'approuver cette
conception du respect de la République.
Mais la République a-t-elle toujours été présente en Nouvelle-Calédonie et en
outre-mer ?
Le débat qui a lieu aujourd'hui est extrêmement complexe. La France doit
peser, mesurer les erreurs qu'elle a commises de-ci de-là en outre-mer. Pendant
des années, peuples d'outre-mer, nous avons vécu appris par coeur les méandres
de la Seine... les pommiers roses... pour découvrir brusquement, en arrivant
ici, dans la mère patrie que nous étions des étrangers chez nous.
La France a toujours voulu, avec beaucoup de générosité, intégrer, assimiler
totalement les peuples de l'outre-mer, en pensant qu'elle détenait en métropole
le bonheur pour tout le monde.
La France est plurielle. La France a voulu, à un moment donné, séparer,
couper, et cela a donné lieu au fameux chapitre VI du programme commun de la
gauche, qui a fait tant de dégâts.
Aujourd'hui, nous avons à traiter un problème humain. La chirurgie réparatrice
laisse toujours des séquelles. Le Gouvernement nous propose un laser moins
traumatisant.
Certes, nous sommes confrontés à une contorsion constitutionnelle extrêmement
difficile, extrêmement compliquée, mais cette exception institutionnelle ne
répond-elle pas à un besoin de paix, à un besoin de dialogue, à un besoin de
prendre en compte le respect de ces peuples ? Car ceux qui, comme moi, ont vu
se battre la famille de Dick Ukeiwé, ceux qui ont vu naître les clans, ceux qui
constatent tous les jours que les lois de la République ne sont pas respectées
en outre-mer, même pas dans les départements d'outre-mer, ceux-là sont en droit
de se demander si ce texte ne constitue pas une solution.
La volonté de décentralisation est très forte. Tout le monde a applaudi le
célèbre discours de décentralisation de Cayenne.
Et pourtant, alors que dans quelques jours vont être signés les accords de
Lomé, nous, en Guadeloupe, nous, en Martinique, nous ignorons quel sera le
contenu de ces accords, qui portent sur des productions tropicales ! Nous ne
comprenons pas ce que fait le ministère de la coopération, qui subventionne,
avec des financements et des prêts à taux bonifié, la construction d'aérodromes
qui contribuera à la destruction de notre développement touristique.
Au-delà des contorsions juridiques, je pense que le peuple calédonien a
suffisamment souffert pour que nous lui lancions ensemble un message de paix.
Pour autant, cette évolution et cette contorsion juridique et constitutionnelle
ne doivent être ni une règle ni une jurisprudence, et elles ne sauraient
s'appliquer à tout le monde.
La paix, c'est le dialogue. Quelles seront pour la France les conséquences de
cet accord de Nouméa ?
La France ne doit pas perdre de vue qu'elle dispose d'un espace maritime dont
elle ne connaît pas encore la richesse, qu'elle dispose d'un espace
géo-stratégique, mais aussi d'un espace de paix, car, en outre-mer, la France
représente un espace de paix.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, la France doit être d'une grande
prudence. Permettre à ces peuples de gérer leur destin au moyen de cette
évolution institutionnelle ne doit pas ouvrir la porte aux prédateurs qui sont
nombreux dans la zone. La France doit veiller à faire respecter le vaste
laboratoire humain et stratégique qui lui a permis en toutes circonstances, à
travers le monde, grâce à l'espace d'outre-mer, de donner leur véritable
dimension au respect et à la dignité des hommes.
J'oublierai ce soir que je suis juriste : je voterai ce projet de loi
constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur certaines
travées socialistes.)
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier tous ceux qui se sont exprimés
dans ce débat, débat important sur le plan juridique et sur celui des
principes, puisqu'il s'agit de réviser la loi fondamentale.
Ce débat concerne les liens que la République française entretient avec le
territoire de la Nouvelle-Calédonie, des liens forts, passionnels, mais aussi
fondés - beaucoup d'orateurs l'ont souligné - sur une profonde connaissance
réciproque et sur un grand respect des cultures et des identités.
Depuis ce matin, nous avons entendu des propos souvent émouvants et confiants,
nourris de l'expérience de la Nouvelle-Calédonie et, plus largement, de ce qu'a
été, à une époque plus lointaine, l'Union française, des propos qui tiennent
compte également des évolutions qui ont marqué notre pays et abouti au
mouvement de décolonisation engagé après la Seconde Guerre mondiale.
Ce que nous sommes en train de mettre en oeuvre en Nouvelle-Calédonie, c'est
une démarche respectueuse des principes qui sont les grands principes de la
République.
M. Pasqua a dit tout à l'heure qu'il ne pouvait voter ce texte au motif qu'il
allait à l'encontre des principes d'égalité devant le suffrage universel et de
souveraineté. Je lui répondrai qu'en l'occurrence le concept d'égalité n'est
pas purement formel, mais que, dans l'évolution qui se poursuit en
Nouvelle-Calédonie, il est l'expression de la reconnaissance de toutes les
communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, de celle qui était là à
l'origine, la communauté kanak, comme de celles qui sont venues par la suite
apporter leur pierre à la construction du pays.
La grande force de ces accords, c'est précisément que leurs signataires ont
manifesté la volonté de toutes les communautés de vivre ensemble sur le même
territoire, en même temps que le refus d'une démarche consistant à dire aux
autres : « Vous n'avez qu'à partir ! », le refus de la domination de tel ou tel
groupe de population sur les autres.
Il y a bien là recherche de l'égalité par la reconnaissance des droits
réciproques de chacun, quelles que soient l'histoire et la culture dont il est
issu, et témoignage de la volonté de construire un ensemble commun et d'y vivre
dans la paix.
Vous avez dit encore, monsieur Pasqua, que le suffrage universel était rogné.
Je vous répondrai simplement que la Constitution, en son article 53, prévoit
que ce sont les « populations intéressées » qui se prononcent sur ce que l'on
appelle le maintien ou non dans la République française.
La notion de « populations intéressées » a pu être précisée par le Conseil
constitutionnel, mais elle vise tout de même ceux qui ont un lien évident avec
le territoire.
Les restrictions qui sont apportées au suffrage universel ne concernent que
ceux qui viendraient s'installer ou qui seraient en transit en
Nouvelle-Calédonie, et non pas ceux qui y vivent depuis l'origine ou qui y ont
fait souche.
Il était nécessaire, à cet égard, non d'instituer une citoyenneté à deux
niveaux, mais de reconnaître le droit de ceux qui font vraiment la
Nouvelle-Calédonie de se prononcer au moment du scrutin final.
Enfin, vous avez dit, monsieur Pasqua, que la souveraineté était atteinte. Je
pense que la notion de souveraineté porte sur un ensemble d'attributions et de
compétences. Or une des grandes qualités de l'accord de Nouméa est de permettre
des évolutions en matière de compétences, étant entendu que les compétences du
« noyau dur » - la défense, la justice, la monnaie, l'ordre public,
c'est-à-dire ce qui fait ou non la réalité de l'indépendance - resteront
exercées par la République française au terme d'un processus évolutif.
Dans une démarche axée sur la volonté d'aboutir à un accord, nous nous sommes
efforcés de tracer avec les partenaires calédoniens un chemin de vingt ans qui
organise l'avenir, un avenir empreint d'un sentiment de soulagement.
Dès ma prise de fonctions, j'ai, comme M. Jacques Larché et M. Jean-Marie
Girault, pu observer en Nouvelle-Calédonie une très forte hantise par rapport à
ce qui allait se passer à la fin de l'année 1998.
On me demandait : « Les communautés qui ont appris à mieux vivre ensemble ne
vont-elles pas, d'un seul coup, se dresser les unes contre les autres ? Un
avenir incertain ne va-t-il pas gêner les investissements, empêcher les jeunes
d'entrevoir une possibilité de réelle formation ? »
Dans ce Pacifique, qui est un univers largement anglo-saxon et où nous avons
été beaucoup critiqués, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis-et-Futuna
assurent la présence de 500 000 hommes et femmes de langue française, et donc,
dans une certaine mesure, de culture française. C'est une chance pour la France
et c'est aussi un élément de diversité pour cet ensemble géographique.
En tout cas, ce que nous mettons en oeuvre en Nouvelle-Calédonie, je puis en
témoigner, est perçu aussi bien en Australie ou en Nouvelle-Zélande que dans
des pays qui ont accédé récemment à l'indépendance comme le Vanuatu ou les îles
Fidji comme une évolution positive et, en même temps, comme la manifestation de
la permanence de la présence de la culture française dans le Pacifique.
Ne gâchons pas cette chance ! Si nous sommes conscients de ce que peut
représenter à l'avenir la présence dans le Pacifique de la culture et de la
langue françaises, la Nouvelle-Calédonie ne peut que nous apparaître comme un
point d'appui très important, et cela va bien au-delà de petites divergences
sur l'interprétation de la Constitution.
En tant que juriste, je peux bien l'avouer, à certains moments, j'ai
effectivement eu des doutes sur les évolutions possibles. Mais ce qui est
important, c'est que nous accompagnions le mouvement de l'histoire. J'ai le
sentiment que nous nous inscrivons dans les perspectives qui ont été tracées
par deux textes fondamentaux, que M. Pasqua connaît certainement mieux que moi
: le discours de Brazzaville et la Constitution de 1958.
M. Charles Pasqua.
Un homme, une voix !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
La Constitution de 1958, monsieur Pasqua, prévoyait
une Communauté qui, malheureusement, n'a pas pu se mettre en place,
probablement parce qu'elle arrivait trop tard, comme ce fut le cas de la
loi-cadre de Gaston Defferre de 1956, qui essayait d'anticiper les
évolutions.
C'est faute d'avoir permis les évolutions en temps utile que la France a dû se
séparer, souvent dans la douleur, de territoires qui ont été en relation forte
avec notre pays.
Cette leçon de l'histoire, la France la fait sienne en Nouvelle-Calédonie,
dans le Pacifique.
Je voudrais dire, pour conclure, que la démarche qui a été adoptée exprime une
triple volonté : de réconciliation, de paix et de développement. Il est à
l'honneur du Parlement français d'accompagner cette volonté comme l'ont fait
les partenaires calédoniens, comme l'a fait la grande majorité des forces
politiques en Nouvelle-Calédonie.
Certes, tout ne sera pas facile, et je pense notamment à l'élaboration de la
loi organique. Mais, en ma qualité de secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je pense
qu'il faut faire confiance à l'imagination, à l'intelligence, à l'esprit de
concorde des hommes et des femmes qui vivent en Nouvelle-Calédonie, plutôt que,
s'arc-boutant sur les principes, refuser les évolutions, se contenter de gérer
des situations d'affrontement dont on sait qu'elles sont insupportables dans le
monde moderne.
Oui, c'est un pari ! C'est un pari sur l'avenir que le Gouvernement a fait
avec les partenaires calédoniens. J'ai espoir dans le concours lucide du Sénat,
aujourd'hui, pour nous permettre d'accompagner la NouvelleCalédonie dans son
évolution, sachant que, dans vingt ans ou un peu moins, ce sont les Calédoniens
qui décideront de leur avenir, parce que c'est un principe fondamental de la
République française.
Voilà pourquoi, au nom du Gouvernement, je demande au Sénat d'approuver, comme
l'Assemblée nationale, ce projet de révision constitutionnelle.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er