Séance du 18 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 51, MM. Pagès, Duffour et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article L. 811-2 du code de l'organisation judiciaire, après les mots : "à un autre greffier en chef", sont insérés les mots : "ou à un greffier".
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les greffiers, chef de greffe, ont les mêmes attributions qu'un greffier en chef, chef de la juridiction, à l'exception de la délivrance des certificats de nationalité. »
« III. - Après l'article L. 811-2 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un article L. 811-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 811-3. - En cas de vacances d'emploi ou d'empêchement du greffier en chef ou du greffier, chef de greffe, un greffier en chef ou un greffier de la même ou d'une autre juridiction peut être désigné, pour une durée qui ne peut excéder deux mois. Toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut la renouveler dans la limite d'une durée totale de huit mois.
« Ces désignations sont prononcées par décision des chefs de cour après avis des chefs du tribunal de grande instance concerné ou, s'il s'agit d'un tribunal d'instance, du juge directeur de ce tribunal. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Cet amendement reprend - nos collègues de la commission des lois le reconnaîtront - notre propositions de loi n° 270, concernant la transmission de pouvoir des greffiers en chef aux greffiers.
Nous l'avons cependant modifiée sur un point, qui a motivé pour une part importante, si j'ai bien compris, l'attitude de refus de la commission des lois à son égard : nous avons ainsi supprimé la disposition relative à la contestation de la délivrance des certificats de nationalité.
Certes, MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Robert Badinter ont fait remarquer à la commission qu'il n'était pas possible de déléguer au-delà du raisonnable les pouvoirs. Comme l'a dit très spirituellement M. Dreyfus-Schmidt, le concierge du tribunal ne peut pas signer des papiers importants ! Mais n'exagérons pas : les greffiers sont des personnes très sérieuses et nous n'en sommes pas à faire signer n'importe quoi par n'importe qui.
Je souhaite donc que cet amendement puisse être adopté, car il permettrait d'améliorer le fonctionnement de la justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il n'est pas possible de poser des exigences de qualification en rapport avec les responsabilités assumées et, ensuite, de diminuer, degré après degré, le niveau de ces exigences. Nous sommes déjà passés de la responsabilité des juges à celle des greffiers en chef - qui bénéficient cependant d'un certain statut et d'un niveau certain de capacités et de responsabilités - et l'on voudrait maintenant passer aux greffiers chefs de greffe, puis aux greffiers simples. Pourquoi la concierge du tribunal ne pourrait-elle pas un jour procéder à des actes ?
Je ne critique pas les personnes ! Certains, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie judiciaire, peuvent être tout à fait capables. Mais, s'il existe une organisation administrative, elle doit être respectée. On ne peut pas diluer les responsabilités à travers tous les degrés de la hiérarchie.
C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas cru devoir faire suite tant à la proposition formulée à l'origine par MM. Pagès et Duffour qu'à celle qui résulte de la correction proposée par M. Pagès, qui a voulu tenir compte d'une observation formulée en commission à propos des certificats de nationalité. Mais la raison de notre décision concernait l'ensemble des responsabilités qui peuvent être ainsi déléguées !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Actuellement, à la Chancellerie, une réflexion est menée sur les métiers des greffes. Je préfèrerais donc que la question soulevée par M. Pagès soit traitée dans ce cadre global.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 51.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais rendre hommage aux greffiers...
M. Jean-Jacques Hyest. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... dont je connais la grande qualité et le grand dévouement. Il est bien certain qu'ils participent grandement à ce que la justice soit rendue le plus rapidement possible, même si, hélas !, elle l'est souvent lentement. Il fallait le dire, parce que c'est vrai.
Permettez-moi cependant d'emprunter cet adage à la sagesse des nations : « Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées ! » Qu'un greffier qui est particulièrement capable de faire le travail d'un greffier en chef passe le concours de greffier en chef, c'est bien. Et même, pourquoi pas, qu'il veuille devenir magistrat, qu'il travaille en conséquence et se présente, par exemple, à tel concours exceptionnel qui lui est ouvert compte tenu de l'ancienneté de sa pratique professionnelle, très bien ! Nous ne sommes évidemment pas opposés à ces promotions, qu'il y a lieu tout au contraire d'encourager au maximum.
Mais il ne s'agit pas de cela ! Dans un premier temps, on nous a demandé de faire exercer par les greffiers en chef les attributions des magistrats. Déjà, à l'époque, nous avions été réservés - pour ne pas dire hostiles - notamment en ce qui concerne les certificats de nationalité, qui réclament une estimation, une prise de position, un jugement. C'est d'ailleurs sans doute pourquoi vous avez exclu de votre amendement cet exemple-là.
Aujourd'hui, on nous demande de faire exercer par les greffiers des tâches de greffier en chef, parmi lesquelles des tâches qui étaient antérieurement celles des magistrats. Ne nous a-t-on pas récemment proposé, en commission des lois, un texte aux termes duquel les simples agents de police pouvaient devenir officiers de police judiciaire ? Même si les agents ont maintenant, nous dit-on, un niveau très élevé, encore faut-il qu'il aient les compétences requises !
Et voilà les greffiers devenus en partie magistrats ! Cela ne nous paraît donc pas une bonne technique.
Je sais bien que cela aurait l'avantage de coûter moins cher, mais ce n'est pas une raison suffisante. Je suis d'ailleurs, reconnaissant à Mme le garde des sceaux de ne pas s'être laissée tenter par la perche qui lui était ainsi tendue.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez caricaturé l'amendement de M. Pagès !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre V
Dispositions relatives
à l'entraide judiciaire internationale
Article 21