Séance du 18 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 38, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 362 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S'il a été fait droit à une demande de mise en liberté formée par un accusé, la cour d'assises, lorsqu'elle prononce à son encontre une peine de réclusion criminelle ou d'emprisonnement sans sursis, peut décerner contre lui, à la majorité, mandat de dépôt. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A l'article 14, le Gouvernement a proposé - et personne n'y a vu d'inconvénient puisque cet article vient d'être adopté - que doivent se constituer prisonniers lorsqu'ils font un pourvoi devant la Cour de cassation ceux qui sont condamnés à une peine portant privation de liberté pour une durée de plus d'un an - et non plus de plus de six mois, ce que prévoyait jusqu'à présent l'article 583 - ce qui revient à dire que ceux qui ont été condamnés à une peine de moins d'un an n'ont plus l'obligation de se constituer prisonniers.
Cela nous amène à reprendre sous forme d'amendement la proposition de loi que nous avions déposée il y a quelque temps. Certains avaient alors parlé de « loi de circonstance », voire de « loi d'exception », intolérable contresens que nous avions dénoncé.
Aujourd'hui, la circonstance en question appartient au passé et nous persistons à considérer que la cour d'assises doit avoir la possibilité, lorsqu'elle met en liberté un accusé, de faire ce qu'un tribunal correctionnel a, lui, la possibilité de faire, c'est-à-dire d'ordonner, si elle prononce une condamnation, un mandat de dépôt.
Après en avoir discuté en commission, nous avons pensé qu'il fallait sans doute aller plus loin et supprimer la prise de corps pour ceux qui n'ont pas encore été en prison. En effet, si un accusé n'a jamais été emprisonné, il n'y a aucune raison qu'il soit obligé, comme c'est le cas aujourd'hui, de se constituer prisonnier la veille de l'audience et de comparaître par conséquent devant la cour d'assises entre deux gendarmes, ce qui constitue évidemment une atteinte à la présomption d'innocence : c'est déjà vrai dans les autres cas, mais ça l'est encore plus dans celui-là, alors que personne n'a, auparavant, estimé nécessaire de mettre l'accusé en prison.
De même, il conviendrait sans doute de prévoir que la juridiction - la cour d'assises mais aussi le tribunal correctionnel - ayant à tout moment la possibilité de mettre un accusé ou un prévenu en liberté, ait également à tout moment, la possibilité d'ordonner un mandat de dépôt. Si, par exemple, quelqu'un qui a nié un crime affreux le reconnaît soudain, il est tout de même ennuyeux de lui dire : « Au revoir monsieur, à demain matin ! » Car, le lendemain matin, la cour d'assises risque fort de ne plus le revoir !
Je crois avoir ainsi posé l'ensemble du problème.
Nous n'allons pas jusqu'à proposer de le régler entièrement par cet amendement, car il nous a été fait observer que ces dispositions trouveraient mieux leur place dans le projet de loi relatif à la présomption d'innocence, dont nous devrions débattre prochainement.
Je ne vois évidemment aucun inconvénient à ce que le Gouvernement réfléchisse à cette question et nous propose, le moment venu, des dispositions qui prendraient en compte les observations que je viens de présenter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission considère que cet amendement procède d'une idée juste, car le problème qu'a soulevé M. Dreyfus-Schmidt est tout à fait réel. Cela étant, ce problème dépasse le champ couvert par le texte que nous examinons aujourd'hui. Je pense notamment à la question de savoir qui décide à la cour d'assises : est-ce la cour stricto sensu ou la cour d'assises tout entière ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Se pose également la question de savoir si cette faculté ne devrait pas être donnée à la cour d'assises dans le cours même des débats. Cela peut se justifier dans les procès qui durent très longtemps.
Cela étant, j'avais cru comprendre que, sous réserve d'entendre les explications du Gouvernement sur ce point, compte tenu de l'imminence d'un texte plus général où ce dispositif trouverait plus normalement sa place, les auteurs pourraient envisager un retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis d'accord sur le fond avec M. Dreyfus-Schmidt.
Simplement, je ne souhaite pas que soit modifié aujourd'hui un seul des articles relatifs à la procédure de la cour d'assises. En effet, nous n'avons pas eu le temps de réaliser les investigations nécessaires, mais il se peut que plusieurs des articles ayant trait à cette procédure soient concernés.
Avant la deuxième lecture, la Chancellerie pourrait étudier cette question, de manière que je puisse ensuite proposer au Sénat, soit d'intégrer les dispositions correspondantes dans ce projet de loi, soit de les faire figurer dans l'un des textes qui seront très prochainement soumis au Parlement dans le cadre de la réforme de la justice.
Sous le bénéfice de cette remarque, je demande à M. Dreyfus-Schmidt de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, maintenez-vous l'amendement n° 38 ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des deux hypothèses que vient d'évoquer Mme le garde des sceaux, c'est évidemment la première qui a ma préférence. Cela étant, nous retirons l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.

Article 15