Séance du 18 juin 1998







M. le président. « Art. 11. - I. - Il est inséré, après la première phrase du quatrième alinéa de l'article 199 du code de procédure pénale, la phrase suivante : "Si la personne a déjà comparu devant la chambre d'accusation moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution personnelle de la personne par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours."
« II. - Au dernier alinéa du même article, les mots : "deuxième alinéa" sont remplacés par les mots : "troisième alinéa". »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 18, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le paragraphe I de cet article.
Par amendement n° 36, MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour compléter l'article 199 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « moins de quatre mois auparavant » par les mots : « moins de deux mois auparavant en matière criminelle et un mois en matière correctionnelle ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La question est de savoir si quelqu'un qui se trouve en détention provisoire et qui fait appel d'une décision de refus de mise en liberté peut demander, quelle que soit l'ancienneté d'une précédente comparution, à comparaître personnellement devant la chambre d'accusation.
Bien sûr, il y a eu des abus, des détenus ont pu demander à comparaître - on peut le penser en tout cas - uniquement pour le plaisir de faire le voyage et de sortir quelque temps de prison. Mais il y a aussi le droit fondamental du détenu qui désire voir son juge.
Ce problème nous a paru suffisamment important pour que nous en reparlions lors de l'examen du texte que vous avez annoncé, madame le garde des sceaux, sur la détention provisoire car il relève de la problématique générale de la détention provisoire.
Nous avons donc pensé opportun de supprimer ce dispositif qui est réducteur du droit des détenus, auquel, me semble-t-il, on ne peut pas porter atteinte.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement étant un amendement de repli, il ne me semble pas nécessaire de m'exprimer longuement à son sujet, puisque nous sommes d'accord pour voter l'amendement de suppression de la commission.
En effet, en matière de liberté provisoire, il est tout à fait normal que ceux qui sont en prison aient le droit et de demander leur mise en liberté et de pouvoir s'expliquer eux-mêmes.
D'ailleurs, cela prend un certain temps. La chambre d'accusation dispose d'un délai de vingt jours pour statuer. Il s'écoule donc au moins vingt jours avant que ne puisse être refaite utilement une deuxième demande.
Surtout, la durée de quatre mois proposée par le Gouvernement nous a paru tout à fait excessive. Quand on est en prison, quatre mois c'est particulièrement long. Il nous a donc paru nécessaire de proposer, dans notre amendement de repli, de réduire cette durée en opérant une différence suivant qu'il s'agit d'un délit ou d'un crime.
Mais, je le répète en conclusion, si l'amendement de la commission était adopté, le nôtre n'aurait évidemment plus d'objet et nous nous en féliciterions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 36 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission espère que son amendement sera adopté et qu'il n'y aura donc pas besoin d'un amendement de repli.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 18 et 36 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, il s'agit d'éviter certains abus de la part de détenus qui forment des demandes de mise en liberté à répétition dans l'unique souci de se déplacer devant la chambre d'accusation.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 18, qui tend à la suppression de cette disposition.
Je prends note du fait que la Haute Assemblée souhaitait manifester sa volonté de connaître la réforme de l'ensemble de la détention provisoire et que, par conséquent, son refus n'est pas définitif.
Néanmoins, il me semble que cet amendement reste injustifié : l'article 11 du projet de loi est, en effet, indépendant des garanties nouvelles qui pourraient être instituées en matière de détention provisoire. Il n'y a donc pas de raison de ne pas l'adopter dès maintenant.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 36 déposé par M. Dreyfus-Schmidt : il est possible, même souhaitable, de réduire le délai initial de quatre mois.
En fait, nous voulons éviter qu'une personne ne comparaisse quasiment toutes les semaines - cette situation s'est déjà produite - devant la chambre d'accusation, ce qui encombre les audiences, alors que ces affaires ne le méritent pas, et empêche les magistrats de prendre leur temps pour examiner celles qui le méritent.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 36 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 12