Séance du 17 juin 1998







M. le président. Par amendement n° 26 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer, avant le chapitre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1er du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'action publique est la recherche et la définition des conditions dans lesquelles l'application de la loi doit être engagée de manière coordonnée entre plusieurs autorités, compte tenu des circonstances et dans le respect de l'égalité des citoyens. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Cet amendement tend à apporter dans le code de procédure pénale une définition de l'action publique qui n'existe pas encore aujourd'hui. La définition proposée résulte des travaux de la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche.
Cependant, compte tenu de la réponse qu'a esquissée tout à l'heure Mme la ministre de la justice en nous promettant que nous trouverions, dans les projets de loi que nous examinerons d'ici à la fin de l'année, une réponse qui irait dans le sens que je viens d'indiquer, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié est retiré.
Par amendement n° 27 rectifié, MM. Haenel et Pluchet proposent d'insérer, avant le chapitre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
« II. - Le même article est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute infraction aux dispositions du deuxième alinéa du présent article est punie d'une amende de 100 000 francs. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. J'en ai déjà longuement parlé, le deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige les autorités instituées ou les fonctionnaires à informer le procureur des crimes et délits dont ils ont eu la connaissance, n'est pas toujours appliqué. Depuis plusieurs années, les gardes des sceaux successifs promettent une circulaire interministérielle sur l'application de cet article, mais rien n'a encore été fait.
Cependant, il y a déjà eu des prémices, notamment, tout récemment, en ce qui concerne les relations entre les chambres régionales des comptes et les procureurs de la République, et on vient d'appliquer cette disposition, à juste titre d'ailleurs, en Corse.
Le présent amendement a pour objet, d'une part, de sanctionner avec sévérité le non-respect de cet article et, d'autre part, de prévoir, faute d'une circulaire interministérielle, l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat.
J'aimerais que Mme la ministre nous indique si elle juge bon de prendre des initiatives au cas par cas dans un certain nombre de domaines, mais aussi de demander au Premier ministre de faire un rappel un peu général sur la nécessité d'appliquer les dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Nous reconnaissons que M. Haenel soulève un problème qui existe sans doute, mais nous ne croyons pas que ce soit le moment ou le contexte convenable pour en traiter.
Peut-être un texte explicatif serait-il nécessaire, en particulier pour savoir si tous les fonctionnaires doivent dénoncer eux-mêmes au procureur ou en référer à leur hiérarchie. C'est une question parmi d'autres.
Nous avons entendu un début de réponse de Mme le garde des sceaux sur ce point. Mais nous écouterons avec intérêt son avis.
L'amendement n° 27 rectifié concerne l'action publique. Mais un texte est prêt, nous dit-on, et il viendra en discussion dans le courant de l'année, ce qui n'est pas un renvoi aux calendes grecques. C'est la raison pour laquelle la commission n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. M. Haenel pose un vrai problème : l'article 40 du code de procédure pénale est extrêmement général et il ne permet pas de déterminer les obligations et les devoirs précis de chaque fonctionnaire pour son application.
Je reconnais qu'une réflexion est nécessaire pour déterminer avec plus de précision dans quelles conditions un fonctionnaire placé dans une situation hiérarchique devrait dénoncer une infraction dont il a connaissance dans ses fonctions. Nous pouvons, en effet, réfléchir à des adaptations sur ce point. Il conviendrait aussi de déterminer avec plus de précision les catégories d'infractions pour lesquelles une absence de signalement pourrait être sanctionnée pénalement.
Le code pénal prévoit déjà des pénalités spécifiques. Je me suis d'ailleurs efforcée, je l'ai dit voilà un instant, d'agir au cours de la dernière année avec mes collègues du Gouvernement dans des domaines déterminés ; je pense aux affaires boursières, à la situation en Corse, aux liaisons entre les chefs d'établissement scolaire et les parquets en matière de violences sexuelles.
Toutefois, ayant dit cela, je ne suis pas persuadée que la pénalisation de l'article 40 du code de procédure pénale constituerait une réponse satisfaisante pour résoudre les difficultés d'application que vous soulignez, monsieur le sénateur.
J'observe qu'en prévoyant le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour préciser le sens de l'article 40 vous avez, de fait, reconnu que cette question était très complexe. Mais je vous fais remarquer que, si l'on renvoyait à un décret en Conseil d'Etat, cet amendement aurait pour conséquence, s'il était adopté, de geler l'application de l'article 40 tant que le décret ne serait pas publié. Dès lors, pendant une période dont la durée est difficile à évaluer, l'article 40 ne pourrait plus du tout recevoir d'application, ce qui n'est certainement pas l'objectif que vous cherchez à atteindre.
La question de la précision et de la pénalisation des non-dénonciations est bien réelle. Cela devrait pouvoir se faire dans des secteurs bien spécifiques. Il faudrait pouvoir les examiner au cas par cas, en adoptant la même attitude que celle que nous avons adoptée à l'occasion de la loi sur la délinquance sexuelle.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 27 rectifié.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, compte tenu, d'une part, des arguments de M. le rapporteur de la commission des lois, et, d'autre part, des explications qui viennent de m'être fournies par Mme le garde des sceaux, même si elles ne me satisfont pas entièrement, je retire l'amendement.
Toutefois, je voulais demander à Mme le garde des sceaux si elle ne pourrait pas prendre l'engagement qu'une circulaire interministérielle rappelle que ces dispositions existent et qu'elles doivent être appliquées par les différentes administrations dans certaines conditions.
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la compensation judiciaire

M. le président. Par amendement n° 1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet intitulé :
« Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale ».