M. le président. La parole est à M. Poirier, auteur de la question n° 209, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Marie Poirier. Des relevés très sérieux effectués en 1997, à partir du système SONATE, par une association locale regroupant sept communes voisines de l'aéroport d'Orly, et portant sur une période de cinq mois font apparaître une série de constats alarmants en matière d'infraction aux procédures prévues par le code d'exploitation d'Orly.
Il apparaît qu'un nombre croissant d'aéronefs quittent prématurément la zone de navigation obligatoire pour effectuer le virage sud après le décollage d'Orly et ne respectent pas l'impératif de gagner au plus vite l'altitude de 3 000 pieds au-dessus de l'aéroport.
A l'atterrissage, les infractions sont également nombreuses. Les pilotes n'hésitent pas à raccourcir leur trajectoire et à accélérer leur descente ; ils provoquent ainsi, pour les communes survolées, une nuisance acoustique supérieure au taux attendu dans des conditions de circulation normale.
On doit par ailleurs déplorer le nombre encore trop important d'appareils anciens classés comme particulièrement bruyants selon les normes de l'organisation de l'aviation civile internationale. Et il faut, malheureusement, constater la croissance des dérogations accordées au régime de couvre-feu applicable entre vingt-trois heures trente et six heures. Tel est le constat.
J'attire également votre attention sur les discordances entre le découpage du plan de gêne sonore, le PGS, et la zone de navigation obligatoire, la ZNO, d'où une partie des difficultés que j'ai évoquées. Un aéronef peut simultanément respecter la réglementation en matière de circulation en se conformant à la ZNO et enfeindre la réglementation relative à l'exposition au bruit en sortant de la zone du PGS.
Il en résulte des nuisances de plus en plus insupportables qui exaspèrent les populations, lesquelles ont, de plus, le sentiment que le dialogue environnemental est en panne et que les pouvoirs publics sont négligents, voire impuissants.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître les conclusions que le Gouvernement tire de l'application de la réglementation. Quelle appréciation a-t-il du rôle de l'aéroport d'Orly dans la dégradation de l'environnement des habitants du sud-est parisien ? L'administration procède-t-elle à des contrôles et lesquels ? Comment sont-ils effectués ? Sont-ils efficaces ? Dans quelles conditions le décret en Conseil d'Etat n° 97-534 du 27 mai 1997 instituant des sanctions administratives destinées à assurer la protection de l'environnement des aérodromes est-il appliqué ?
Pouvez-vous nous communiquer des informations précises sur l'activité de la commission nationale de prévention des nuisances, ainsi que sur le nombre et la nature des sanctions prononcées ?
Est-il nécessaire de mettre en place des mesures nouvelles pour faire respecter une réglementation trop souvent « égratignée » par la pratique ? Quels engagements pouvez-vous prendre en ce domaine ? Estimez-vous que la législation en vigueur est suffisante ? Etes-vous favorable au maintien de la limitation à 250 000 créneaux horaires autorisés par l'arrêté du 6 octobre 1994 et au maintien du couvre-feu selon les horaires actuels ? Entendez-vous réviser le plan de gêne sonore qui couvre la zone proche d'Orly ?
Quelles sont les perspectives et la vocation de cet aéroport dans l'ensemble de la plate-forme aérienne de la région parisienne ?
Donnerez-vous, enfin, les instructions nécessaires à l'établissement d'une plus grande transparence autour des conditions d'exploitation de l'aéroport et à la prise en compte du problème des nuisances sonores dans la formation permanente des professionnels de l'aéronautique ?
Telles sont quelques-unes des questions que se posent, avec une certaine exaspération les riverains de l'aéroport d'Orly, qui constatent avec amertume, dans ce domaine comme dans d'autres, les difficultés, pour ne pas dire l'incapacité, des pouvoirs publics à faire respecter les règles qu'ils ont édictées et à mettre en accord leurs paroles avec leurs actes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, qui est actuellement retenu par ses fonctions ministérielles, m'a demandé de vous présenter sa réponse, en vous exprimant son regret de ne pouvoir le faire lui-même.
Le Gouvernement tient bien entendu à la meilleure insertion possible de l'aéroport d'Orly dans son environnement. Pour y parvenir, il va de soi qu'il faut accorder une attention toute particulière à l'élaboration et au respect d'une réglementation efficace.
C'est ainsi qu'un suivi permanent des trajectoires effectuées sur l'aéroport est réalisé. De 1993 à 1997, les déviations constatées se révèlent extrêmement faibles. Plus de 99 % des vols ont respecté les consignes prescrites et sont restés à l'intérieur de la zone de navigation obligatoire.
La réglementation internationale en matière de réduction des nuisances sonores, à laquelle la France a souscrit, impose aux transporteurs de retirer définitivement de leurs flottes, d'ici à 2002, les appareils les plus bruyants dits du « chapitre II » ayant été mis en service depuis plus de vingt-cinq ans. Alors qu'ils assuraient 15 % du trafic d'Orly en 1993, ils n'en ont représenté, l'année dernière, que moins de 9 %. Nous nous orientons donc bien vers une diminution du nombre de ces appareils sur la plate-forme d'Orly.
Le régime de couvre-feu applicable entre vingt-trois heures trente et six heures a cependant fait l'objet, l'année dernière, de quatre-vingt-cinq dérogations, ce qui traduit une augmentation sensible par rapport aux années précédentes.
Cela s'explique en fait par la situation exceptionnelle rencontrée au mois de juin 1997, période au cours de laquelle deux pannes informatiques ont gravement perturbé l'écoulement du trafic aérien sur l'ensemble de la France. Les services du ministère de l'équipement, des transports et du logement ont alors été amenés à accorder cinquante dérogations dans des plages proches de l'heure limite.
La zone de navigation obligatoire et le plan de gêne sonore peuvent ne pas correspondre. Cette divergence s'explique par le fait que la zone de navigation obligatoire ne concerne que les départs, alors que le plan de gêne sonore tient compte des axes d'arrivée et de départ.
Conformément à l'avis rendu par le Conseil national du bruit le 8 janvier dernier, le Gouvernement a décidé d'engager une réforme en profondeur du mode d'établissement des plans de gêne sonore.
La nouvelle réglementation se fondera sur une nouvelle unité de mesure du bruit, qui permettra une juste appréciation de la gêne ressentie par les riverains. La correspondance de ce nouvel indice avec le bruit réellement émis par les avions sera établie par une enquête de gêne sonore auprès d'un échantillon représentatif des personnes concernées au voisinage des aéroports, en particulier de celui d'Orly.
Cette enquête sera couplée à une campagne de mesures in situ des niveaux de bruit. Il paraît donc souhaitable d'attendre les résultats de ces modifications avant de procéder éventuellement à la révision du plan de gêne sonore d'Orly.
De façon générale, la réglementation propre à l'aéroport d'Orly, en particulier le couvre-feu nocturne et la limitation à 250 000 créneaux annuels, est unique en Europe pour un aéroport de cette envergure.
Un dispositif de sanctions administratives destinées à assurer la protection de l'environnement des aérodromes a été institué par le décret du 27 mai 1997.
Les membres de la commission nationale de prévention des nuisances ont été nommés par arrêté du 19 janvier 1998 et M. Gayssot a personnellement installé cette commission dans ses fonctions le 23 mars dernier. Le dispositif est donc bien en place et, depuis, aucune infraction n'a été relevée sur l'aéroport d'Orly.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, des dispositions ont bien été prises et mises en oeuvre pour prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées à travers vos nombreuses questions.
M. Jean-Marie Poirier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Poirier.
M. Jean-Marie Poirier. C'est avec satisfaction que j'ai pris note des différentes mesures qui semblent devoir être mises en oeuvre et qui compléteront utilement un arsenal qui, d'une manière ou d'une autre, n'a pas fonctionné comme il aurait dû.
Par ailleurs, la communication entre les populations, l'aéroport d'Orly et même les pouvoirs publics ne s'effectue pas non plus assez régulièrement. Dans ce domaine comme dans bien d'autres - car nous savons tous que le bruit est maintenant la hantise des habitants des zones périphériques urbaines - les fantasmes vont bon train ; un avion égaré devient très facilement une catastrophe.
Je prends acte avec une grande satisfaction de la mise en place de la nouvelle commission, dont nous attendons beaucoup, et je donne rendez-vous dans quelque temps à M. Gayssot et, éventuellement à vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le même sujet afin de tirer des conclusions et de voir si l'aéroport d'Orly continue de bénéficier de la situation privilégiée qui, d'une certaine manière, est la sienne et s'il ne subit pas la « dégénérescence environnementale » que connaissent les aéroports situés dans les zones périphériques urbaines.
RÉPARTITION DES TRAFICS AÉRIENS
ENTRE ROISSY ET ORLY