M. le président. « Art. 2. - Il est inséré, après l'article L. 17 du code électoral, un article L. 17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 17-1. - Pour l'application des dispositions de l'article L. 11-1, les autorités gestionnaires des fichiers du recensement établi en application du code du service national et des fichiers des organismes servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie transmettent aux commissions administratives les informations nominatives portant exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et adresse des personnes remplissant la condition d'âge mentionnée audit article. Les informations contenues dans les fichiers sont transmises aux commissions administratives par l'intermédiaire de l'Institut national de la statistique et des études économiques.
« Les commissions administratives font détruire les informations qui leur sont transmises soit à l'expiration des délais des recours prévus aux articles L. 20 et L. 25, soit, dans le cas où un recours a été introduit, après l'intervention de la décision définitive.
« Les règles relatives au traitement des informations nominatives prévues au présent article sont fixées dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Par amendement n° 6, M. Bonnet, au nom de la commission, propose :
I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 17-1 du code électoral, de supprimer les mots : « et des fichiers des organismes servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie, ».
II. - En conséquence, de remplacer dans cette même phrase les mots : « des fichiers du recensement » par les mots : « du fichier du recensement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer l'accord de la commission des lois sur le principe mais sa répugnance à entrer dans un dispositif dont la complexité a été soulignée par différents orateurs.
J'ai noté au passage une phrase de notre excellent collègue M. Allouche : « Une multitude d'observations et de questions se dissimulent derrière l'apparente simplicité de ce texte. » J'ai entendu M. Duffour nous dire que « tout allégement serait le bienvenu ». C'est précisément un tel allégement que la commission propose au Sénat.
Nous ne pouvons pas, à l'extérieur, joindre nos voix au choeur des élus protestant contre la prolifération de textes qui allongent la durée des procédures tout en surchargeant les finances de leur collectivité et, ici, nous déjuger en votant des projets porteurs de complexités inutiles.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Christian Bonnet, rapporteur. La surcharge, monsieur le ministre, vient toujours des cas marginaux. Mais c'est cette surcharge qui est insupportable. Elle concerne en particulier la détermination de la nationalité, qui est automatiquement donnée par le fichier du recensement national, mais pas par les fichiers des différentes caisses versant les prestations de base de l'assurance maladie.
J'observe d'ailleurs que l'étude d'impact est très nette à cet égard. Je ne veux pas lasser la Haute Assemblée en revenant sur des points dont mon rapport écrit fait largement état, mais je rappelle que cette étude souligne la complexité du dispositif d'application de ce texte.
Il faut savoir, monsieur le ministre - je cite de bons auteurs ! - « donner du temps au temps ». Mieux vaut parfois attendre quelque peu plutôt que de courir le risque de contribuer à l'échec d'une mesure mise trop hâtivement en application. Il y a des exemples : les certificats d'hébergement, la collégialité des juges d'instruction, toutes mesures votées dans l'enthousiasme et l'inconscience des uns et des autres.
Nous n'avons pas envie de récidiver ni de compliquer encore la tâche de nos élus.
Un signe n'est pas fort s'il s'accompagne d'un raté.
Le Président de la République et le Premier ministre se sont accordés sur le principe ; ils n'en ont pas fixé les modalités de mise en oeuvre. Il revient précisément au Parlement, et singulièrement au Sénat, d'alléger la tâche des élus dont les sénateurs sont les représentants.
A partir du moment où vous aurez satisfaction sur le principe et sur le fait que l'application de cette disposition interviendra dès que le recensement prendra en compte les jeunes gens des deux sexes, je ne vois pas pourquoi, monsieur le ministre, vous pourriez vous opposer plus longtemps à l'amendement de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je crois avoir répondu par avance aux objections de M. le rapporteur. J'ignorais cependant qu'il faisait désormais siens les principes de François Mitterrand. C'est une conversion tardive ! Mais tout arrive ! (Sourires.)
Toutefois, s'agissant du principe que vous avez évoqué, je crois qu'il faut l'appliquer avec discernement et je serai plus pragmatique que vous : il est des occasions où il faut savoir aller vite, et celle-ci en est une parce que les plus hautes autorités de l'Etat se sont engagées publiquement. Si c'était si difficile, elles n'auraient pas dû s'engager ainsi. Comme elles l'ont fait, il faut passer à l'acte, et je vous propose de le faire, avec les moyens du bord.
Il est vrai que le fichier du recensement sera complet en 1999.
M. Christian Bonnet, rapporteur. C'est demain !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Certes, mais, de toute façon, il ne nous dispensera pas d'effectuer le croisement avec le fichier de l'assurance maladie : que deux précautions valent mieux qu'une et, comme M. Hyest l'avait observé tout à l'heure,...
M. Jean-Jacques Hyest. Je n'ai pas dit cela, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai compris que, selon vous, il était très difficile pour un jeune de dix-sept ans de savoir qu'il devait se faire recenser à la mairie, que cela posait de nombreux problèmes et qu'il y avait quelquefois des ratés.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Hyest, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, j'ai dit qu'il y avait de toute façon une formalité à accomplir puisqu'un avis est publié et que les jeunes doivent ensuite se faire recenser. Or un certain nombre d'entre eux ne défèrent pas à cet avis, d'où un énorme travail pour les services du recrutement, qui doivent retrouver tous les jeunes. Ils y parviennent presque toujours, et cela vaut d'ailleurs mieux pour les intéressés car, si ces derniers ne sont retrouvés qu'après trois ou quatre ans, ils doivent accomplir leur service national - tant que celui-ci existe - à ce moment-là, et ce n'est pas très agréable.
Il est certain que, demain, la tâche sera encore plus ardue pour ces services dans la mesure où la conscription n'existera plus.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Quoi qu'il en soit, deux précautions valent mieux qu'une. Mieux vaut croiser les données des deux fichiers, et le Gouvernement pense qu'il faut s'attaquer au problème très rapidement.
Les difficultés sont réelles - je n'ai pas cherché à les dissimuler - mais elles sont appelées à s'amenuiser très vite.
Par conséquent, le travail qui aura été accompli au cours de cette année n'aura pas à être repris l'année suivante.
C'est, au fond, une attitude psychologique. Vous faites vôtre, monsieur le rapporteur, la maxime de l'ancien Président de la République en ce domaine. Fort bien, mais moi, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d'être un petit peu moins mitterrandiens...
M. Emmanuel Hamel. Vous nous demandez de reculer ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... et un peu plus...
M. Jean-Jacques Hyest. Chiraquiens ? (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... offensifs, l'un n'empêchant d'ailleurs pas l'autre. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Notre opposition à cet amendement n'a rien de farouche, car ce que nous rappelait à l'instant M. le rapporteur n'est pas faux. Je le remercie d'ailleurs au passage d'avoir bien voulu citer l'une des phrases que j'ai prononcées tout à l'heure à la tribune. Il ne faut pas se voiler la face : des difficultés existent, c'est certain ; elles sont d'ordre technique et administratif.
En commission, nous avions initialement suivi notre excellent collègue Jean-Paul Delevoye, qui avait proposé que nous donnions mandat à notre rapporteur pour rechercher une voie dans le sens d'un recensement général rendant la mesure applicable au 1er janvier 1999, ce recensement pouvant s'effectuer tout au long de l'année 1998. Cette idée n'a toutefois pas été retenue. Il est vrai que la réforme du service national telle que l'a votée l'Assemblée nationale offre, avec le recensement obligatoire des jeunes gens et des jeunes filles à partir de 1999, une nouvelle possibilité. Cependant, comme l'a relevé M. le ministre, la prise en compte de ce recensement des jeunes gens et des jeunes filles ne sera effective qu'en l'an 2000. Cela représente donc deux ans de plus !
Or il y a, en quelque sorte, urgence. Des engagements ont été pris et la jeunesse sait maintenant, parce que cela a été rendu public et rappelé, que l'inscription automatique va être effective. Il serait fâcheux que, lors des prochaines élections, certains, s'imaginant qu'ils sont automatiquement inscrits, n'accomplissent pas les formalités et, de ce fait, ne puissent finalement pas voter.
Sans méconnaître les obstables à surmonter, je crois que le ministère de l'intérieur peut tout mettre en oeuvre pour appliquer cette disposition dans les meilleurs délais. Monsieur le ministre, vous nous assurez que toutes les dispositions ont été prises ou vont l'être pour que cette disposition soit effective au 1er janvier 1998 ; j'en accepte l'augure. C'est un défi qui est lancé de part et d'autre : il faut le relever !
M. Michel Duffour. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. J'ai déjà fait connaître notre position.
M. le rapporteur a évoqué l'un de mes propos, rappelant que j'étais partisan d'un allégement de modalités de mise en oeuvre de ce texte. Mais je crois que M. le ministre fait preuve de compréhension au regard des difficultés que nous soulignons.
En même temps, il rappelle, et je le suis pleinement, que la jeunesse a besoin de signes forts. Si nous donnions l'impression, si peu que ce soit, de « traîner les pieds » devant la mesure proposée, je pense que ce signe serait brouillé. Je voterai donc contre l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Ostermann propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 17-1 du code électoral, de remplacer le mot « transmettent » par les mots : « sont tenus de transmettre ».
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 6, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Par amendement n° 5, M. Ostermann propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 17-1 du code électoral, après les mots : « informations nominatives », d'insérer les mots : « régulièrement mises à jour ».
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je retire également cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2