SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Nomination d'un sénateur en mission
(p.
1
).
3.
Diverses dispositions relatives à l'immigration. -
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
(p.
2
)
Discussion générale : MM. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Guy
Allouche, Robert Pagès, Mme Joëlle Dusseau.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
3
)
Vote sur l'ensemble (p.
4
)
MM. Ivan Renar, Guy Allouche, Emmanuel Hamel, Mme Joëlle Dusseau, MM. Louis
Althapé, Jacques Bimbenet. - Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
4.
Réforme de la procédure criminelle. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
5
).
Intitulé du titre 1er (p. 6 )
Amendement n° 173 de M. Badinter. - MM. Robert Badinter, Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice ; Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement.
Article 1er. - Adoption (p.
7
)
Article 2 (p.
8
)
M. Robert Pagès.
Articles 231 et 231-1 du code de procédure pénale.
- Adoption
(p.
9
)
Article 231-2 du code précité
(p.
10
)
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article 231-3 du code précité. - Adoption
(p.
11
)
Article 231-4 du code précité
(p.
12
)
Amendement n° 2 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.
Article 231-5 du code précité (p. 13 )
Amendement n° 3 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-6 et 231-7 du code précité. - Adoption
(p.
14
)
Article 231-8 du code précité
(p.
15
)
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-9 du code précité (p. 16 )
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-10 à 231-17 du code précité. - Adoption
(p.
17
)
Article 231-18 du code précité
(p.
18
)
Amendement n° 6 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-19 et 231-20 du code précité. - Adoption
(p.
19
)
Article 231-21 du code précité
(p.
20
)
Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux,
Robert Pagès. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-22 du code précité (p. 21 )
Amendements n°s 281 de la commission et 153 de Mme Borvo. - MM. le rapporteur,
Robert Pagès, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Larché,
président de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Robert Badinter. -
Adoption de l'amendement n° 281, l'amendement n° 153 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-23 à 231-27 du code précité. - Adoption
(p.
22
)
Article 231-28 du code précité
(p.
23
)
Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-29 du code précité. - Adoption
(p.
24
)
Article 231-30 du code précité
(p.
25
)
Amendement n° 10 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-31 du code précité (p. 26 )
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-32 à 231-34 du code précité. - Adoption
(p.
27
)
Article 231-35 du code précité
(p.
28
)
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-36 à 231-46 du code précité. - Adoption
(p.
29
)
Article 231-47 du code précité
(p.
30
)
Amendements identiques n°s 13 de la commission et 154 de Mme Borvo. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article du code.
Article 231-48 du code précité (p. 31 )
Amendements identiques n°s 14 de la commission et 155 de Mme Borvo. - M. le rapporteur, Robert Pagès, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article du code.
Articles 231-49 et 231-50 du code précité. - Adoption
(p.
32
)
Article 231-51 du code précité
(p.
33
)
Amendements n°s 177 de M. Badinter et 15 de la commission. - MM. Robert
Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 177 et
adoption de l'amendement n° 15.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-52 et 231-53 du code précité. - Adoption
(p.
34
)
Article 231-54 du code précité
(p.
35
)
Amendement n° 178 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.
Articles 231-55 et 231-56 du code précité. - Adoption
(p.
36
)
Article 231-57 du code précité
(p.
37
)
Amendements n°s 179 de M. Badinter, 16 et 17 de la commission. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Pagès. - Rejet de
l'amendement n° 179, adoption des amendements n°s 16 et 17.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-58 du code précité (p. 38 )
Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. -
Adoption.
Amendement n° 180 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code, modifié.
M. le garde des sceaux.
Suspension et reprise de la séance (p. 39 )
5.
Dépôt d'un rapport
(p.
40
).
6.
Réforme de la procédure criminelle. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
41
).
Articles 231-59 et 231-60 du code précité. - Adoption
(p.
42
)
Article 231-61 du code précité
(p.
43
)
Amendement n° 19 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 181 de M. Badinter. - Retrait.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-62 à 231-65 du code précité. - Adoption
(p.
44
)
Article 231-66 du code précité
(p.
45
)
Amendement n° 156 de Mme Borvo. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, le garde des
sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.
Articles 231-67 à 231-73 du code précité. - Adoption
(p.
46
)
Article 231-74 du code précité
(p.
47
)
Amendement n° 182 rectifié de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le
rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 183 de M. Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement n° 282 de la commission et 184 de M. Badinter. - MM. le rapporteur,
Robert Badinter, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt.
Demande de priorité de l'amendement n° 184. - Rejet.
Adoption de l'amendement n° 282, l'amendement n° 184 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
Articles 231-75 et 231-76 du code précité. - Adoption
(p.
48
)
Article additionnel après l'article 231-76 du code précité
(p.
49
)
Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. le président de la commission. - Retrait.
Article 231-77 du code précité (p. 50 )
Amendement n° 21 rectifié de la commission, n°s 185 rectifié et 186 de M.
Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux, Michel
Dreyfus-Schmidt, Emmanuel Hamel. - Retrait de l'amendement n° 21 rectifié ;
rejet des amendements n°s 185 rectifié et 186.
Adoption de l'article du code.
Article 231-78 du code précité (p. 51 )
Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux,
Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-79 du code précité (p. 52 )
Amendement n° 188 de M. Badinter, et sous-amendement n° 285 du Gouvernement. -
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, le président de
la commission. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 23 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-80 du code précité (p. 53 )
Amendement n° 189 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux, Robert Badinter, Pierre Fauchon. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-81 du code précité (p. 54 )
Amendement n° 190 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-82 du code précité (p. 55 )
Amendement n° 191 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.
Article 231-83 du code précité. - Adoption
(p.
56
)
Article 231-83-1 du code précité
(p.
57
)
Amendements n°s 192 et 193 rectifié de M. Badinter. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Fauchon. - Rejet de
l'amendement n° 192 et adoption de l'amendement n° 193 rectifié.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 231-83-2 du code précité (p. 58 )
Amendement n° 24 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.
Articles 231-84 à 231-88 du code précité. - Adoption
(p.
59
)
Article 231-89 du code précité
(p.
60
)
Amendement n° 194 de M. Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article 231-90 du code précité (p. 61 )
Amendement n° 196 rectifié bis de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.
Article 231-91 du code précité. - Suppression
(p.
62
)
Article 231-92 du code précité
(p.
63
)
Amendement n° 25 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 231-93 à 231-95 du code précité. - Adoption
(p.
64
)
Article 231-96 du code précité
(p.
65
)
Amendement n°s 197 de M. Badinter et 26 de la commission. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n°
197 et adoption de l'amendement n° 26.
Adoption de l'article du code, modifié.
MM. le président de la commission, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des
sceaux.
Renvoi de la suite de la discussion.
7.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
66
).
8.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
67
).
9.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
68
).
10.
Dépôt de rapports
(p.
69
).
11.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
70
).
12.
Ordre du jour
(p.
71
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
NOMINATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date
du 26 mars 1997 l'informant qu'il avait décidé de placer M. Philippe Adnot,
sénateur de l'Aube, en mission temporaire auprès du ministre de l'industrie, de
la poste et des télécommunications dans le cadre des dispositions de l'article
L.O. 144 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
3
DIVERSES DISPOSITIONS
RELATIVES À L'IMMIGRATION
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 277,
1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses
dispositions relatives à l'immigration.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a
adopté, hier, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de
loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration. Cette approbation
me conduit à rapporter devant vous, aujourd'hui, l'adoption définitive de ce
projet de loi
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame),
dont l'examen par le Parlement
débuta en décembre dernier.
Il est temps, me semble-t-il, de conclure cette phase législative d'un texte
dont le Gouvernement a voulu, à juste titre, qu'il fût examiné dans la
plénitude du débat parlementaire, à travers deux lectures, ce qui s'est traduit
par quatre-vingt-dix heures de débat.
Le débat a été nourri, approfondi, passionné. Je crois sincèrement que le
Sénat a joué, dans l'examen de ce texte, un rôle éminent, constructif,
pondérateur. Chacun s'est plu à souligner le rôle objectif de la Haute
Assemblée, et j'ai la grande satisfaction d'avoir, à cet égard, pu traduire vos
soucis de pondération et d'efficacité, mes chers collègues.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a largement repris les
modifications que le Sénat avait apportées lors de sa première lecture.
Restaient en navette sept articles sur les vingt-deux qui nous avaient été
transmis en première lecture. Sur ces sept articles, le Sénat en a adopté
quatre conformes, dont l'article 1er relatif au certificat d'hébergement.
La Haute Assemblée avait, au préalable, entendu et apprécié les assurances
expresses de M. le ministre de l'intérieur concernant le rôle du maire. M. le
ministre nous a rassurés, à cet égard : le texte réglementaire d'application
prescrira une association étroite du maire à la procédure avant la délivrance
du certificat d'hébergement ; après la décision prise par le préfet de viser ou
non le certificat en cause, le maire sera encore informé.
Le Sénat a encore adopté conformes l'article 4, sur l'attribution de plein
droit de la carte de séjour temporaire, l'article 4
bis,
sur le
renouvellement de la carte de résident, et l'article 10, sur les visites dans
les lieux de travail.
Ne restaient donc en discussion, soumis à la commission mixte paritaire, que
trois articles.
D'abord, l'article 3, composé lui-même de trois articles, deux qui avaient été
votés en termes identiques par les deux assemblées, l'article 8-1 relatif à la
retenue des passeports et l'article 8-2 sur les visites de véhicules, et un
article additionnel 8-3 relatif aux fichiers d'empreintes digitales, pour le
deuxième alinéa duquel les rédactions des deux assemblées divergaient
encore.
Après la première lecture, ce texte autorisait, en vue de l'identification
d'un étranger qui ne présente pas ses papiers et ne donne pas les
renseignements nécessaires à son éloignement, la consultation, par les agents
habilités du ministère de l'intérieur, des fichiers d'empreintes de l'OFPRA et
de l'identité judiciaire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale avait accepté une partie de
l'encadrement du dispositif prévu par le Sénat, qu'elle avait complété en
étendant son champ aux contrôles des titres de séjour et en permettant
l'habilitation des gendarmes.
En revanche, elle avait préféré, comme en première lecture, ne pas dresser la
liste exhaustive des fichiers dont le législateur autorisait la consultation
dans ce cadre et permettre, en conséquence, la consultation « des fichiers
contenant des empreintes digitales d'étrangers détenus par les autorités
publiques » ; le Sénat, en deuxième lecture, avait repris, sur ce point, sa
rédaction de première lecture en citant limitativement le fichier de l'OFPRA et
celui de l'identité judiciaire pour des raisons tenant tant à la situation
juridique et de fait actuelle qu'à ses préoccupations pour l'avenir.
La commission mixte paritaire a adopté, sur ce point, la rédaction du Sénat,
sous réserve d'une modification purement rédactionnelle.
L'article 6
bis
, remanié en deuxième lecture par l'Assemblée nationale,
concerne désormais la protection contre l'éloignement des étrangers atteints de
pathologies graves. Le Sénat en avait accepté le principe et avait étendu la
rédaction proposée pour prévoir non seulement la protection contre l'expulsion,
mais également celle contre la reconduite à la frontière.
La commission mixte paritaire a admis cette extension et l'a complétée en
prévoyant que cette protection pourrait profiter non seulement aux étrangers
dont le traitement serait interrompu par l'éloignement, mais également à ceux
qui n'auraient pas commencé le traitement, sous réserve, dans les deux cas,
qu'ils ne puissent être traités dans le pays de renvoi.
L'article 8, relatif à la rétention administrative, comportait encore un
paragraphe, le paragraphe 4°, sur lequel les deux assemblées n'avaient pu
parvenir à une rédaction commune. La divergence portait sur l'opportunité de
prévoir un délai pour le procureur pour demander que son appel d'un refus de
prolongation d'une rétention administrative ait un effet suspensif.
L'Assemblée nationale avait proposé à deux reprises qu'il bénéficie d'un délai
de quatre heures, tandis que le Sénat s'en tenait à une demande formée
immédiatement après le prononcé de l'ordonnance.
La commission mixte paritaire a retenu cette dernière solution, là encore sous
réserve d'une simplification rédactionnelle.
En votant le texte de la commission mixte paritaire, le Sénat confirmera donc
son vote de deuxième lecture.
Ce texte, mes chers collègues, tel que modifié par l'Assemblée nationale et
par le Sénat, ne trahit pas le projet gouvernemental ; sur certains points, il
le complète même heureusement. C'est pourquoi, en conclusion, je vous demande
d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire, l'Assemblée
nationale a délibéré, hier, sur le texte de compromis finalement élaboré. A
vrai dire, il s'agit non pas réellement d'un compromis, mais plutôt
d'ajustements rédactionnels marginaux par rapport à la version adoptée par le
Sénat en deuxième lecture. Il n'y a donc guère de faits nouveaux par rapport à
notre dernier débat.
J'observe, d'ailleurs, toute l'importance de la contribution du Sénat à
l'élaboration de cette loi, et je veux relever - je le dis très sincèrement -
la grande qualité du travail législatif accompli dans cette assemblée et au
sein de sa commission des lois, sous la présidence de M. Larché, à qui je veux
exprimer toute ma reconnaissance.
Ma reconnaissance et mes remerciements vont également à M. Paul Masson, votre
rapporteur
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste),
dont les positions fermement tenues ont rencontré
l'adhésion non seulement de votre majorité mais encore de l'Assemblée nationale
elle-même.
Il suffira à celles et à ceux qui, dans d'autres enceintes, peuvent douter de
l'importance du Sénat, de se référer au travail qui a été fait ici sur cette
loi pour se convaincre de l'utilité de la deuxième chambre !
M. le président.
Le Sénat, monsieur le ministre, prend acte de cette déclaration et vous en
remercie.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Elle n'est pas nouvelle, dans ma bouche,
monsieur le président !
M. le président.
Je le sais, monsieur le ministre !
M. Guy Allouche.
C'est pour M. Mazeaud que vous dites cela, monsieur le ministre ?
M. Jean Delaneau.
C'est de la délation !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas la mémoire des noms, cher monsieur.
Alors que l'on parle des institutions, de l'importance d'avoir deux assemblées
pour l'élaboration de la loi, ne rabaissez pas le débat à des querelles de
personnes !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est à cause de votre hommage, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Mon hommage, madame, s'adressait aux sénateurs
dans leur ensemble, sans distinction d'étiquette politique.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Allouche.
Merci !
M. Claude Estier.
C'est nouveau, ça !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je n'approfondirai pas la présentation du texte
finalement soumis à votre délibération. Les rédactions proposées aux articles
3, 6
bis
et 8 reprennent les propositions que vous aviez retenues.
En particulier, à l'article 3, est acquise l'énumération des fichiers
contenant des empreintes digitales, auxquels les services du ministère de
l'intérieur et les unités de gendarmerie nationale pourront avoir accès,
conformément aux souhaits de votre assemblée.
Quant à l'article 6
bis
, relatif aux étrangers gravement malades, la
commission mixte paritaire a jugé utile d'étendre encore son champ
d'application aux étrangers dont le renvoi pourrait les priver d'un traitement
médical en France.
Je ne reviens pas sur les réserves que j'ai émises à ce propos devant vous en
deuxième lecture sur un amendement analogue et, hier encore, devant l'Assemblée
nationale.
Je m'efforcerai simplement de faire en sorte que l'application du texte ainsi
amendé par le Parlement ne porte pas préjudice à l'atteinte de nos
objectifs.
De même, en ce qui concerne l'appel suspensif du parquet contre un refus de
prolongation d'une rétention administrative, prévu à l'article 8-4, l'Assemblée
nationale s'est rangée à votre avis, qui était d'ailleurs celui du Gouvernement
; on en revenait ainsi au projet initial du Gouvernement.
De ce fait, nous garantissons la meilleure sécurité juridique, conformément au
souhait de votre rapporteur.
Finalement, mesdames, messieurs les sénateurs, cette grande convergence des
deux assemblées donne toute satisfaction au Gouvernement.
Le choix de n'avoir pas déclaré l'urgence sur ce texte se trouve pleinement
légitimé par l'issue de la procédure, au terme des deux navettes.
Aux pétitionnaires, à ceux qui avaient manifesté dans la rue pour faire
pression sur le Gouvernement, pour faire pression sur les députés et sénateurs,
j'avais dit qu'en démocratie la loi se faisait au Parlement de la République et
nulle part ailleurs.
Je suis heureux qu'après plus de cent dix heures de débat, si l'on tient
compte des auditions en commission, députés et sénateurs aient minutieusement
examiné toutes les dispositions prévues par le texte du Gouvernement. Ils ont
ainsi pu montrer aux uns et aux autres qu'ils sont véritablement les
représentants de la nation et que la loi s'est faite au Parlement.
Si je me suis refusé à déclarer l'urgence, c'est aussi parce que je voulais
que chacun, quelle que soit son opinion, puisse s'exprimer et faire valoir son
point de vue.
En effet, contrairement aux habitudes acquises depuis longtemps, le texte
proposé en cette matière délicate de l'immigration n'a pas donné lieu à une
déclaration d'urgence et la navette a pu se poursuivre jusqu'à son terme en
mettant en lumière l'ensemble des problèmes tout à la fois politiques et
techniques que pose le texte.
C'est d'ailleurs, pour ma part, la principale difficulté que j'ai ressentie
dans le déroulement de ces débats. Nous devons à chaque instant garder à
l'esprit les exigences juridiques dérivées, notamment, de la jurisprudence
constitutionnelle.
Peu de textes, dans leur préparation, ont été élaborés avec cette volonté de
respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je sais bien que
certains, ici ou là, s'élèvent contre le fait que, lorsqu'on élabore la loi, on
tient compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que, par
conséquent, les parlementaires ne sont pas totalement libres. Peu importe ces
commentaires. Toutes les dispositions que nous avons élaborées respectent la
jurisprudence tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'Etat.
Le juge constitutionnel va être saisi ; naturellement, il peut, pour des
raisons qui lui appartiennent, changer de jurisprudence. L'important pour moi
était de respecter la jurisprudence actuelle.
Nous devons aussi, et tel était mon souci, rester pragmatiques et trouver des
solutions techniques et précises qui puissent être appliquées concrètement.
Nous devons enfin garder le cap sur le fait que la volonté nationale nous
impose de traduire en droit positif une volonté, que je sais partagée par
l'ensemble de nos concitoyens, celle de maîtriser l'immigration irrégulière. Si
nous voulons, je le redis encore une fois, être fidèles à la tradition
française d'intégration des étrangers à la communauté nationale, il faut avoir
un regard critique et mettre en oeuvre des dispositions efficaces contre
l'immigration irrégulière.
Le prix de l'intégration des étrangers en situation irrégulière est que l'on
doit se montrer à l'égard de ceux qui ne sont pas intégrés d'une très grande
intransigeance.
Ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, a aussi cristallisé de véritables
clivages politiques, parfois dans des conditions polémiques inutiles à mes
yeux, dommageables pour l'histoire de notre pays. Mais peu importe le passé
!
Ce débat aura eu le mérite de montrer qu'il existe, entre la majorité qui
soutient le Gouvernement et l'opposition qui le critique, et c'est légitime, un
fossé en ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière. En effet,
si tout le monde s'accorde sur la nécessité de lutter contre l'immigration
irrégulière, en revanche, le fossé se creuse dès lors que des dispositions
précises sont envisagées.
Je vous l'ai dit depuis longtemps : pour ma part je ne souhaite pas que nous
persistions dans cette façon de faire de la politique réduite au raisonnement
par déclaration, par incantation, par pétition de principe et qui fait
apparaitre un très grand vide quand il faut agir de manière précise et
opérationnelle. C'est à l'honneur de cette majorité que d'avoir dépassé le
niveau des discussions, des pétitions de principe et des déclarations
d'intention pour se montrer réellement efficace dans la lutte contre
l'immigration irrégulière.
Je voudrais remercier les sénateurs qui m'ont soutenu dans ce combat
difficile. Les dispositions que vous allez voter sont bonnes. Sachez que je les
ai voulues avec votre rapporteur, avec le Sénat comme avec l'Assemblée
nationale. Sachez que je les assume pleinement.
Je sais bien qu'aujourd'hui nul n'est à l'abri des critiques. Je sais bien que
la critique est facile. Cependant, les dispositions contenues dans ce texte que
j'ai acceptées et que vous allez voter, me paraissent utiles pour mon pays et
pour une certaine conception de la France.
Je voudrais dire en terminant que je ne cours après personne, que je ne fais
pas des lois en fonction de tel ou tel parti de tel ou tel lobby, de tel ou tel
groupe de pression : je fais des lois en fonction de l'image que j'ai de mon
pays et de la conception que je me fais de l'intérêt général.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire merci au terme
de ce long débat, merci pour le soutien que vous avez apporté au Gouvernement,
merci pour l'image que vous avez donnée d'un Parlement qui s'occupe des
problèmes concernant les Français et qui s'en occupe en dehors des pétitions de
principe, en dehors des discours faciles et qui, pour une fois, a montré que la
loi était votée dans de bonnes conditions après avoir été examinée longuement.
C'est une loi qui répond à l'attente des Français et au besoin de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je tiens, tout d'abord, à m'adresser à vous, monsieur le rapporteur. Au-delà
de la diversité partisane légitime dans une démocratie, je ne peux que rendre
hommage au travail que vous avez effectué !
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Au-delà des divergences, au-delà de l'appréciation que les uns et les
autres portent sur ce texte, je veux souligner devant l'ensemble de nos
collègues que, si ce débat politique difficile a été de très haute tenue, c'est
en grande partie grâce à vous. Mes amis et moi-même avons apprécié que, tout au
long de l'expression de nos sensibilités, nous avons, les uns et les autres, su
nous entendre, nous écouter, nous respecter. Vous avez joué, à bien des égards,
un rôle de modérateur tout au long de ce débat tant en séance publique qu'en
commission, et ce grâce à la sagesse de son président, M. Jacques Larché. Je me
devais, au terme de ce débat, de rendre cet hommage, et je le fais avec
plaisir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certains travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Jean Delaneau.
Continuez ainsi !
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les
conclusions de la commission mixte paritaire, nous voici au stade ultime de ce
débat sur l'immigration, sujet sensible, délicat, qui soulève inévitablement
émotion, passion et tension. Deux mois durant, le Gouvernement a voulu que ce
sujet soit au coeur de l'actualité, alors qu'il n'est pas le problème central
des préoccupations des Français.
M. Emmanuel Hamel.
C'est vous qui le dites !
M. Guy Allouche.
Pour des raisons purement politiciennes et bassement électoralistes...
M. Alain Gournac.
Cela commence mal !
M. Guy Allouche.
... le Gouvernement a pris la responsabilité de remettre sur l'établi
législatif une question qui relevait pour l'essentiel du domaine réglementaire.
Mais c'était sans compter sur la pression des ultras de la majorité dont la
lepénisation rampante des esprits...
M. Alain Gournac.
Oh là là !
M. Guy Allouche.
... s'est révélée dès la publication du rapport Philibert-Sauvaigo.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Vous avez bien commencé, mais vous poursuivez mal !
M. Guy Allouche.
En effet, par cynisme et par aveuglement, Gouvernement et majorité ont joué
avec le feu, dramatisant artificiellement la question de l'immigration,
fournissant à l'aile la plus extrémiste de la majorité des concessions de
taille, rivalisant sur un terrain miné avec l'extrême droite.
Un gouvernement digne de ce nom doit expliquer, préparer l'avenir et
convaincre. En aucun cas, il ne doit alimenter le fonds de commerce des
démagogues, ne doit jouer sur les amalgames qui ramènent l'étranger au fantasme
du fraudeur et du profiteur. Gouverner, c'est, selon nous, refuser le recours à
l'irrationnel, c'est refuser le chauvinisme et la fermeture, le recours aux
arguments inacceptables de l'impossibilité d'assimiler, d'intégrer certaines
catégories d'étrangers.
Gouvernement et majorité ont feint d'ignorer que les luttes politiques sont
aussi des luttes sémantiques. Celui qui impose à l'autre son vocabulaire lui
impose aussi ses valeurs. En diabolisant la gauche, la droite française a
banalisé le Front national.
M. Alain Gournac.
Arrêtez d'en parler !
M. Jean Delaneau.
Qui en parle le premier ?
M. Charles Descours.
En 1981, que représentait le Front national ?
M. Emmanuel Hamel.
Quelle polémique lamentable !
M. Guy Allouche.
A l'occasion du débat à l'Assemblée nationale, vous avez osé, monsieur le
ministre, faire le rapprochement douteux entre étrangers et chômage, reprenant
à votre compte le slogan ignoble : trois millions d'étrangers, trois millions
de chômeurs.
Ce n'est ni une maladresse ni une gaffe. Ce raccourci scandaleux révèle en
fait la philosophie qui a animé ce texte.
(Protestations sur les travées du RPR.)
La droite croit lutter contre
les extrêmes, alors qu'elle marche sur ses brisées. Elle fait mine de défendre
la République, mais elle fragilise ses principes. Elle affirme répondre aux
peurs des Français, mais elle conduit à faire de l'étranger, même en situation
régulière, le moteur de cette peur, le bouc émissaire des maux de notre
société. En mettant l'immigration là où le Front national la situe, au coeur du
débat politique, le pouvoir a légitimé son discours.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Vous ne pensez qu'à lui !
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, d'une façon générale, nous n'aimons pas les déclarations
d'urgence.
(M. le ministre proteste).
Vous avez souligné l'importance de la navette.
En effet, sans navette, qu'en serait-il de ce fameux article 1er, dont vous
savez très bien qu'il était contraire aux principes fondamentaux ?
C'est grâce à ces navettes, toujours utiles, que cet article a été modifié.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
La navette, je l'ai voulue !
M. Guy Allouche.
Le mouvement national de protestation contre ce projet de loi a contraint le
Gouvernement à la reculade, cela après qu'il eut été sourd à tous les
avertissements et mises en garde qui lui avaient été adressés.
M. Serge Mathieu.
Ah ! ces « intellos » qui n'habitent pas dans les banlieues !
M. Guy Allouche.
Mon cher Serge Mathieu, n'est-ce pas M. le Premier ministre qui, le 21 mars
dernier, voilà quelques jours, reconnaissait devant la commission nationale
consultative des droits de l'homme...
M. Alain Gournac.
Bonne lecture !
M. Guy Allouche.
... qu'«
a posteriori
le Gouvernement aurait mieux fait de l'écouter.
»
Devrais-je ajouter que la commission nationale consultative des droits de
l'homme a rejeté l'ensemble du projet de loi et pas uniquement son article
1er.
Oui, mes chers collègues, il est des circonstances où une minorité morale est
suffisamment forte pour valoir toutes les majorités silencieuses, quoi qu'en
disent les sondages d'opinion.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et le respect de la démocratie !
M. Guy Allouche.
La xénophobie, le mépris et la haine de l'autre non seulement ne sont pas une
fausse réponse à l'immigration mais elles sont aussi antinomiques de l'idée
même de la République.
M. Joseph Ostermann.
On vient d'en avoir une bonne démonstration.
M. Guy Allouche.
Nous vous avions dit que ce projet de loi était inopportun parce qu'il
accentuait la fracture sociale. Le Gouvernement n'a pas voulu en tenir
compte...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Avec raison !
M. Guy Allouche.
... alors que vient de lui être remis, voilà quelques jours, le 21 mars, un
rapport de cette même commission nationale consultative des droits de l'homme
qui « s'alarme de l'augmentation dangereuse de la xénophobie en France ».
Il serait vain de reprendre ici l'examen et l'analyse des dispositions
législatives de ce projet de loi. Aucun de nos amendements n'a été retenu.
(M. About s'exclame.)
Pourtant, nous n'avons eu de cesse de démontrer l'inconstitutionnalité de
certains articles et d'affirmer que ce projet de loi était sans rapport direct
avec l'objectif avancé, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière,
qu'il était dangereux et inefficace, qu'il précarisait et déstabilisait les
immigrés en situation régulière et enfin, ne l'oublions pas, qu'il accordait la
prééminence à l'autorité administrative au détriment de l'autorité
judiciaire.
M. Nicolas About.
Très bien !
M. Guy Allouche.
Oui, monsieur le ministre, vous ne supportez plus que les juridictions
judiciaires et administratives annulent les décisions du ministère de
l'intérieur et des préfectures. S'agissant des travaux de la commission mixte
paritaire, je relèverai le pas positif fait en faveur des personnes atteintes
d'une pathologie grave.
Dès la première lecture au Sénat, nous avions proposé un tel dispositif par
voie d'amendement, car nous souhaitions tout simplement que la France demeure
fidèle à sa tradition de générosité et d'humanité. Nous souhaitions que cela
fût inscrit dans la loi parce que, dans les faits, les nombreuses expulsions
d'étrangers ayant commencé un traitement médical lourd démentaient les propos
tenus ici même, par vous, monsieur le ministre.
Ce que le Sénat a refusé, l'Assemblée nationale a fini par l'admettre. Nous
n'allions pas bouder notre plaisir, et nous avons donc approuvé le nouvel
article 6
bis
parce qu'il mettra fin, nous l'espérons, à des pratiques
peu dignes et scandaleuses.
J'imagine, monsieur le ministre, votre malaise quand vous avez pris
connaissance de la décision de justice qui vient d'être rendue à la suite de
l'expulsion d'un citoyen tunisien. En effet, alors que vous nous aviez assuré
ici même, au cours de la seconde lecture, qu'il n'y aurait pas d'expulsion de
malades suivant un traitement lourd, nous apprenions dès le lendemain, par vos
services, que ce Tunisien était expulsé alors qu'il se trouvait dans ce cas. Or
la justice vient de lui permettre de revenir sur notre territoire.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Monsieur le ministre, je ne dirai pas, comme le chef de l'Etat, que vous êtes
formidable, mais je vous trouve étonnant, vraiment étonnant !
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Il est les deux !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je vous étonne ? Eh bien, j'en suis ravi !
M. Guy Allouche.
En effet, lorsque l'Assemblée nationale durcit votre texte et le rend
répressif à outrance, vous êtes satisfait. Lorsque le Sénat l'humanise, pour
reprendre l'expression de M. le rapporteur, eh bien ! vous êtes encore
satisfait. Vous êtes même ravi !
M. Jean-Paul Emorine.
C'est une grande qualité !
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est parce qu'il respecte le Parlement !
M. Guy Allouche.
D'un côté comme de l'autre, vous êtes toujours satisfait. On en arrive même à
se demander où est votre conviction dans ce domaine.
M. Jean-Pierre Schosteck.
De quoi vous plaignez-vous ?
M. Lucien Lanier.
C'est l'exercice de la démocratie !
M. Guy Allouche.
Après tant d'heures de débat, nous sommes plus convaincus encore aujourd'hui
qu'hier que cette future loi est inutile et néfaste.
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Guy Allouche.
Cette démarche du Gouvernement est d'autant plus dangereuse qu'elle donne de
faux espoirs...
M. Nicolas About.
Et celle de Badinter ?
M. Guy Allouche.
Vous êtes hors sujet !
(Rires sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Elle donne de faux espoirs à ceux qui croient en son efficacité, car elle ne
résoudra pas les problèmes liés à l'immigration.
Il n'y a pas de fossé entre nous, monsieur le ministre, en matière de la lutte
contre l'immigration irrégulière. Il y a unanimité là-dessus
(Ah bon ! sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
et nous l'avons
démontré pendant de nombreuses années.
(M. Jean-Pierre Schosteck
s'exclame.)
La preuve, c'est qu'il n'y a guère plus de reconduites à la frontière
aujourd'hui qu'il n'y en avait hier !
M. Alain Gournac.
C'est une bonne remarque !
M. Guy Allouche.
Seulement, nous avions, nous, des pratiques très respectueuses de l'Etat de
droit et, malheureusement, vous les avez quelque peu malmenées.
Ajouterai-je que ce sont non pas les sans-papiers qui posent des problèmes
dans les quartiers difficiles, mais, le plus souvent, les fils d'immigrés de la
deuxième et de la troisième génération qui sont plongés dans le chômage et
l'inactivité...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Attention, vous allez déraper !
M. Guy Allouche.
Et ceux-là sont français !
Dans ces quartiers des banlieues difficiles où la précarité devient endémique,
ce n'est pas la loi Debré qui ramènera la légalité, la sécurité et la
confiance, loin s'en faut !
M. Claude Estier.
Parfaitement !
M. Guy Allouche.
Loi néfaste et inutile car nous savons - vous le savez très bien, chers
collègues, ne feignez pas de l'ignorer - que les candidats à la clandestinité
n'ont pas recours dans leur immense majorité aux certificats d'hébergement.
Une analyse sociologique et politique un tant soit peu rigoureuse montre
aisément que la réduction drastique de la délivrance de visas, la
reconnaissance rendue plus difficile du statut de réfugié, et, on l'a appris il
y a trois jours avec un durcissement du décret sur le droit d'asile, le zèle
d'une administration toujours prompte à multiplier les obstacles au
renouvellement d'une carte de séjour, voire d'une carte d'identité, l'obtention
de la nationalité française pour les enfants d'immigrés à seize ans seulement,
tout cela a contribué à marginaliser, à déstabiliser une population destinée à
vivre de façon régulière et durable sur notre territoire.
Comment ne pas souligner qu'un article peut en cacher un autre et qu'il y a
pire que cet article 1er qui a focaliser toute l'attention ? Je veux parler de
l'article 4
bis,
qui permet d'invoquer une « menace possible à l'ordre
public » pour refuser le renouvellement de la carte de résident à un étranger
installé en France depuis dix ans.
En laissant au préfet le soin d'apprécier l'existence de ce danger virtuel,
cette disposition s'abattra sur la tête de l'intéressé, telle l'épée de
Damoclès.
Mais à quoi peut bien servir le non-renouvellement automatique de la carte de
dix ans pour lutter contre l'immigration clandestine ? A rien, par définition,
puisque cette carte concerne des étrangers vivant en situation régulière !
En fait, cet article vise à déstabiliser les communautés d'immigrés déjà
intégrées, à exclure les étrangers de la vie active et du tissu économique, à
les dénigrer et à les désigner systématiquement comme la cause première du
mal-vivre français, à les rabaisser, à les fragiliser socialement et
psychologiquement, avant de les expulser, ou de les réduire à une condition de
sous-hommes soumis et corvéables à merci.
Avec cette nouvelle disposition, la chasse sera ouverte, par voie
administrative, à tous ceux dont le faciès, la couleur de la peau, les
engagements politiques ou syndicaux, les convictions religieuses seront jugés
indésirables.
M. Nicolas About.
C'est facile !
M. Alain Gournac.
C'est affreux !
M. Guy Allouche.
Un trait de plume les mettra au ban de la société. Etranger une fois, étranger
pour toujours, tel est désormais l'axiome du Gouvernement et de sa
majorité...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je n'ai pas ce sentiment !
M. Guy Allouche.
... qui n'ont jamais autant parlé d'intégration alors qu'ils mettent une «
valise dans la tête de chaque étranger ».
M. Nicolas About.
C'est vous qui avez fait entrer Le Pen à l'Assemblée nationale !
M. Claude Estier.
Ça suffit !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ça vous gêne ?
M. Michel Charasse.
C'est Giscard qui a commencé !
M. Marcel Debarge.
Et les assemblées régionales !
M. Claude Estier.
Il faut changer le mode de scrutin des régionales !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous invite à la mesure et à l'écoute.
M. Michel Charasse.
Et réciproquement !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, je vous invite à vous remémorer qui a introduit la
proportionnelle pour les élections européennes, en 1979.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et pour les législatives ?
M. Guy Allouche.
Avec une telle loi, le mot « intégration » achève de se vider de tout contenu
puisqu'elle accrédite la figure symbolique de l'immigré comme résident
temporaire, non désiré, objet de suspicion, élément actif pour une bonne part
de la pathologie sociale actuelle.
Nous réaffirmons avec force que les immigrés ne sont pas la cause de la crise
économique.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est vrai, ce sont les socialistes !
M. Guy Allouche.
Bien au contraire, les immigrés en sont les premières victimes.
Ma conviction, c'est que le Gouvernement et sa majorité « pilotent à vue » car
ils ne mesurent par les conséquences à terme des dispositions envisagées, les
effets sur les jeunes de l'immigration qui ne sont ni sourds ni idiots et qui
comprennent que l'on place au coeur du débat la légitimité de la présence des
immigrés en France, autrement dit de la légitimité de la présence de leurs
parents et d'eux-mêmes.
Pour la « seconde génération », débattre de la légitimité de l'immigration
réactive la mémoire de l'immigration familiale avec sa part de souffrance née
de l'arrachement au pays et des humiliations subies parce qu'ils sont
différents.
Beaucoup de Français récusent encore et refusent toujours de reconnaître
l'importance historique de l'immigration.
M. Alain Gournac.
Je n'ai jamais dit le contraire !
M. Guy Allouche.
Les immigrés n'ont jamais été que tolérés, nulle place pour eux dans la
représentation symbolique que la France se donne, nulle considération envers
ces êtres humains.
Les enfants de l'immigration - qu'ils soient juridiquement français ne change
rien à l'affaire ! - garderont encore longtemps la mémoire de cette altérité
radicale des parents, altérité qu'ils prennent en charge tel un relais de père
en fils.
Si les pouvoirs publics veulent favoriser l'intégration des jeunes d'origine
étrangère qui, eux, sont irrémédiablement là, sont inexpulsables et sont des
électeurs en puissance sinon déjà de fait, il faudrait donc qu'ils tiennent
compte de cette capacité de mémoire. Or, je crains que cette future loi ne
bloque durablement le processus d'identification de ces jeunes à la France.
L'intégration est une question très sérieuse à laquelle il faut apporter des
réponses concrètes. Elle n'est en aucun cas une question que l'on traite en se
contentant d'effets de manche, de coups de bâton, de mensonges.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Alors, il faut arrêter !
M. Guy Allouche.
Oui ! gare au jour où tous ces jeunes Français s'éveilleront et agiront en
souvenir du vécu de leurs parents !
Ma conclusion se devine aisément : nous avons dit non en première lecture ;
nous avons dit non en deuxième lecture.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et vous direz non une troisième fois !
M. Guy Allouche.
Effectivement, nous disons non aux conclusions de la commission mixte
paritaire.
Trois fois non, telle est la réponse du groupe socialiste du Sénat à ce projet
de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE.)
M. Alain Gournac.
Les électeurs trancheront !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Allouche, je voudrais d'abord vous
faire part de mes convictions.
Ma première conviction, je l'ai dit, c'est que la loi se fait ici, et nulle
part ailleurs...
M. Henri de Raincourt.
C'est bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ma deuxième conviction, c'est que notre pays
doit faire respecter les lois de la République.
Ma troisième conviction, c'est que, dans ce pays, il faut lutter contre
l'immigration irrégulière, contre les filières d'immigration illégale et contre
le travail clandestin, en dehors des mots et des discours.
Monsieur Allouche, je m'étonne de recevoir des leçons sur mon absence de
convictions par ceux qui, vous vous en souvenez peut-être, ont institué les
certificats d'hébergement. (
Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Je m'étonne de recevoir des leçons de ceux qui, vous vous en souvenez
peut-être, voilà quelques années, ont modifié la loi électorale pour faire
entrer au Parlement le Front national...
M. Claude Estier.
Cela suffit !
M. Henri de Raincourt.
C'est la vérité !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je m'étonne de recevoir des leçons de ceux qui,
dans cet hémicycle même, ont fait des rapprochements historiques et des
allusions à une période sombre de notre histoire !
M. Michel Charasse.
Ils n'ont pas fait pire que Léotard !
M. Claude Estier.
Vous voulez parler de Léotard !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le devoir de mémoire que nous devons à nos
parents, à nos grands-parents, à ceux qui sont partis et qui ne sont pas
revenus impose parfois, me semble-t-il, un peu plus de décence et de dignité.
(Très bien ! sur les travées du RPR et protestations sur les travées
socialistes.)
M. Michel Charasse.
A Léotard, plus que jamais !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Allouche, vous avez dit qu'il y avait
de la passion dans ce débat. Permettez-moi tout d'abord de relever qu'en
première lecture, à l'Assemblée nationale, il n'y avait pas de passion, parce
que les socialistes étaient absents !
(Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mais, quand ils ont voulu déplacer le débat des enceintes du Parlement
sur la voie publique, alors la passion est entrée, et c'est vous qui êtes à
l'origine de cette passion.
M. Claude Estier.
Ici, au Sénat, elle y était avant les manifestations !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Moi, je n'ai jamais mis de passion dans ce
débat.
De plus, sur ce point, je ne vous comprends pas : pourquoi le Parlement
français ne pourrait-il pas discuter d'un certain nombre de sujets : la lutte
contre l'immigration irrégulière, contre le travail clandestin, contre les
filières d'immigration clandestine ? Ne s'agit-il pas de problèmes importants
?
M. Claude Estier.
C'est la vingt-cinquième loi sur la question !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Si, et c'est l'honneur du Parlement d'avoir
abordé ces questions ! Je ne dis pas - et je ne l'ai jamais dit - qu'il n'y a
pas d'autres problèmes qui préoccupent les Français !
Mme Hélène Luc.
Vous n'aviez pas besoin de nouveau projet pour lutter contre l'immigration
clandestine, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Naturellement, ils sont préoccupés par le
problème de l'emploi, mais ils le sont aussi par celui de l'immigration
irrégulière !
Mme Hélène Luc.
Vous avez laissé faire !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Vous me faites un procès en disant : « Que
serait-il arrivé si vous aviez déclaré l'urgence ? » Mais je n'ai pas déclaré
l'urgence !
M. Claude Estier.
Bien vous en a pris !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je ne l'ai pas fait, justement pour permettre au
Parlement d'agir dans la plénitude de ses fonctions.
M. Claude Estier.
Il faut dire que, vous-même, vous avez changé d'avis ! Vous avez modifié
l'article 1er !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le droit d'amendement, selon la Constitution,
appartient à l'ensemble des parlementaires, et je n'ai pas voulu déclarer
l'urgence parce que j'ai considéré que, sur un sujet important, délicat, il
fallait que toutes les sensibilités puissent s'exprimer au Parlement et
s'exprimer aussi longtemps qu'elles le souhaitaient.
Nous avons eu cent dix heures de débats, en commission et en assemblée
plénière, et c'est bien qu'il en soit ainsi. Alors, ne me faites pas de faux
procès !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Vous me demandez ce qui serait arrivé si j'avais
déclaré l'urgence. Je n'ai pas déclaré l'urgence. Par conséquent, je considère
que votre reproche était tout à fait inutile.
M. Guy Allouche.
Non !
M. Claude Estier.
Nous voulions changer l'article 1er !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Allouche, c'est là où nous divergeons.
Pour être réduite, la fracture sociale suppose, me semble-t-il, que tout le
monde dans ce pays applique la loi. Lorsqu'un certain nombre de personnes se
considèrent hors la loi de la République, alors le risque de fracture sociale
devient évident.
Vous le savez aussi bien que moi, parmi les étrangers en situation irrégulière
- de par la loi ou condamnés par la justice - seuls 28 % sont expulsés. Par
conséquent, la loi n'est pas appliquée en France, justice n'est pas rendue et
c'est là qu'il y a un risque de fracture sociale !
S'agissant de l'immigration irrégulière et du chômage, je maintiens - et je
mesure mes mots, monsieur Allouche - que c'est une pure hypocrisie de nier
l'existence d'un rapport entre les deux.
Mme Joëlle Dusseau.
C'est Mme Couderc qui l'a dit ici même !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Madame, je ne vous ai jamais interrompue lorsque
vous parliez, alors laissez-moi terminer !
Mme Hélène Luc.
Vous auriez pu attendre que tous les orateurs finissent de parler pour leur
répondre !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Vous savez très bien que le travail clandestin
et le travail irrégulier des étrangers sont des fléaux de notre société.
M. Claude Estier.
Vous ne faites rien contre le travail clandestin !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Or l'économie souterraine se nourrit du travail
clandestin, des étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans des
conditions inhumaines et inacceptables ! Oui, l'économie souterraine se nourrit
de tout cela ! Pouvez-vous le nier ? Pouvez-vous nier que les emplois illégaux
portent tort aux emplois légaux ? S'il y avait moins d'emplois illégaux, n'y
aurait-il pas plus d'emplois légaux ?
M. Claude Estier.
Il n'y a pas que des étrangers parmi ceux qui occupent des emplois illégaux
!
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai rien dit de plus ! Je dis simplement
qu'il y a deux fléaux et que l'honneur du Parlement c'est aussi de ne pas
mettre la tête sous l'oreiller pour éviter d'aborder les vraies questions.
Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur Allouche !
Oui, j'ai une conviction : c'est qu'il faut, en dehors des mots, des slogans,
des incantations, comme vous le faites, lutter contre l'immigration
irrégulière, contre les filières d'immigration illégale, contre le travail
clandestin. Je veux en effet que mon pays reste fidèle à sa tradition, et cette
tradition, c'est l'intégration des étrangers en situation régulière. C'est cela
la République, c'est la République que nous aimons !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas cela la France !
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le ministre, vous avez quelque peu personnalisé notre débat en
répondant dès maintenant à notre excellent collègue Guy Allouche.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Jaloux !
(Sourires.)
M. Robert Pagès.
Je crois qu'il aurait été de bon usage que vous attendiez l'ensemble de
l'argumentation pour ce faire, mais c'était votre droit, monsieur le
ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur
Pagès ?
M. Robert Pagès.
Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Si votre intervention nécessite de ma part une
réponse, je la ferai, mais cela dépend de ce que vous allez dire.
Un sénateur socialiste.
A bon entendeur salut !
M. Robert Pagès.
Je n'en doute pas, monsieur le ministre !
(Sourires)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Pagès.
M. Robert Pagès.
Votre réponse ne m'empêchera pas d'intervenir une dernière fois au sujet de ce
projet de loi, qui, à juste titre, a suscité autant de débats, d'émotion, de
polémiques.
Je souhaite faire deux remarques d'ordre général sur les conditions mêmes des
conclusions de cette discussion.
Premièrement, je regrette qu'à ce stade de l'examen des conclusions de la
commission mixte paritaire seuls les amendements acceptés par le Gouvernement
puissent être examinés.
La minorité parlementaire ne peut donc plus qu'affirmer une position de
principe sans poids réel sur le cours des choses.
En revanche, le pouvoir exécutif, lui, peut amender, ce qui semble bien
contradictoire avec la notion même de démocratie parlementaire.
Cette première remarque concernait la Constitution.
Ma seconde remarque porte sur le règlement du Sénat et l'interprétation
restrictive qui en est faite pour ce qui concerne les motions de procédures,
toujours à ce stade du débat.
Contrairement à l'Assemblée nationale, il ne peut y avoir au Sénat ni
exception d'irrecevabilité ni question préalable à l'encontre d'une position
arrêtée par la commission mixte paritaire. Au nom de quoi l'opposition
parlementaire ne pourrait-elle plus afficher son hostilité radicale à tel ou
tel projet, même à ce stade de la procédure ?
Je souhaite donc vivement, avec mes collègues du groupe communiste républicain
et citoyen, que cette restriction du débat soit à l'avenir levée.
Quant au fond du débat, je tiens à rappeler d'emblée l'opposition ferme et
résolue du groupe communiste républicain et citoyen à ce projet de loi qui
généralise la suspiscion à l'égard de l'étranger et le place par principe en
situation d'insécurité chronique.
Ce projet de loi se situe dans le droit-fil des lois Pasqua en durcissant
encore et toujours leurs conditions d'application, en renforçant encore et
toujours les dispositions policières à l'égard des étrangers.
Ce projet de loi, qui va être adopté par une majorité écrasante de
parlementaires de droite, majorité souvent en décalage avec la réalité
politique du pays
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.),...
Un sénateur du RPR.
Je n'en suis pas sûr ! On en reparlera !
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas le cas pour ce texte !
M. Jean-Pierre Schosteck.
63 % des Français le soutiennent !
M. Robert Pagès.
... a suscité, je l'indiquais d'emblée, une grande émotion dans le pays.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Christian Bonnet.
Pas du tout !
M. Robert Pagès.
Il a provoqué un sursaut citoyen profond, spontané, marqué du sceau de la
jeunesse et de la fraternité...
M. Henri de Raincourt.
C'est cela !
M. Robert Pagès.
... qui fut pour les démocrates une éclaircie dans les brumes hivernales de la
crise, du repli sur soi et des peurs qu'elle engendre.
Je tiens à saluer une nouvelle fois la réaction des soixante-six cinéastes qui
n'ont pas accepté la condamnation de Mme Jacqueline Deltombe, qui avait hébergé
un ami zaïrois en situation irrégulière.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Henri de Raincourt.
Un repris de justice !
M. Robert Pagès.
Après la première mobilisation en faveur des sans-papiers de Saint-Bernard,
que nous soutenons encore aujourd'hui avec détermination, l'intervention des
intellectuels,...
M. Serge Mathieu.
Ils n'habitent pas à La Courneuve !
M. Robert Pagès.
... cette nouvelle prise de conscience de la nécessité de l'engagement a
soulevé de vives réactions d'exaspération et de mépris parmi les partisans du
projet de loi dit Debré.
M. Henri de Raincourt.
Mais pas du tout !
M. Robert Pagès.
Sur cette question, je dois dire que, lors du débat en seconde lecture, des
propos tenus par certains collègues de la majorité sénatoriale m'ont
inquiété.
M. Henri de Raincourt.
Lesquels ?
M. Robert Pagès.
Je pense notamment à la diatribe de notre collègue Christian Bonnet à l'égard
de ces intellectuels. Il rappelait - ou manipulait dangereusement, devrais-je
dire - les propos de Montesquieu : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez
instruits pour raisonner de travers. »
Nous le savons, monsieur Bonnet, une certaine droite a toujours préféré, dans
l'histoire de notre pays, un peuple privé d'éducation
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
car le
savoir, c'est le moyen de contester ceux qui fondent leur légitimité sur
l'ignorance et la démagogie.
M. Alain Vasselle.
Je suis un paysan, et j'en suis fier !
M. Robert Pagès.
Moi, je suis d'origine très modeste et instituteur, j'en suis aussi très fier,
mais cela ne m'empêche pas de respecter considérablement les grands
intellectuels de notre pays, qui ont fait l'honneur de notre nation !
M. Emmanuel Hamel.
Pas tous !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Cela n'a pas toujours été le cas dans le passé.
Mme Hélène Luc.
Très bien, monsieur Pagès !
M. Alain Gournac.
Revenons en arrière !
M. Robert Pagès.
Quel démocrate peut s'offusquer du formidable défilé qui, un dimanche de
février, a rassemblé 100 000 citoyens pour crier leur attachement à la liberté,
à l'égalité et à la fraternité ? Qui peut dénigrer ce défi à la haine et à la
xénophobie ?
Nous avons demandé, monsieur le ministre, le retrait de l'ensemble de ce
projet de loi. Je dis bien de l'ensemble, car le débat s'est focalisé sur
l'article 1er, qui est relatif au certificat d'hébergement, alors que, je le
rappelle brièvement, nombre de dispositions de ce texte sont contraires aux
valeurs qui sont celles de la France, de la France de 1789, celles du progrès
et de la justice.
Nous avons combattu vivement en première lecture cet article 1er, qui
renforçait le caractère policier des certificats d'hébergement en préconisant
notamment une véritable politique de délation des hébergés par les
hébergeants.
Devant le tollé à l'encontre d'une telle disposition, le Gouvernement a
manoeuvré en recul en s'appuyant sur l'intervention des députés de la majorité
qui ont proposé un nouveau système abandonnant la pratique « délatoire », mais
transférant aux services des polices l'essentiel des prérogatives en cette
matière.
Le principal résultat de cette pratique, c'est la confirmation, par vous-même
monsieur le ministre, de l'instauration de fichier informatique des hébergés.
Ces fichiers seraient départementaux et ne concerneraient pas les
hébergeants.
Qui peut ici croire que ces données informatiques ne seront pas traitées au
plan national ? Qui peut croire, alors que la fiche remise à la sortie du
territoire par l'immigré comprendra l'adresse du lieu de séjour, que cette
donnée qui concerne directement l'hébergeant ne figurera pas dans les fichiers
?
Nous ne disposons, monsieur le ministre, d'aucune garantie sur l'utilisation
future de tels fichiers. Nous considérons qu'il s'agit d'un renforcement
important du caractère policier de la politique d'immigration de notre pays,
renforcement contraire au principe du respect des libertés individuelles,
principe constitutionnel par excellence.
Le Gouvernement n'a pu aller jusqu'à l'instauration de la délation, et ce
recul est à mettre au compte de la mobilisation de cet hiver.
Ce projet est cependant truffé d'autres dispositions contraires aux traditions
républicaines de notre pays.
Relevé des empreintes digitales pour tout étranger non membre de l'Union
européenne à l'entrée du territoire et, de fait, constitution d'un fichier de
ces empreintes, intervention policière dans les entreprises, fouille des
véhicules, confiscation du passeport et remise d'un récépissé sans valeur
réelle à l'immigré en situation irrégulière, ce qui aggrave la précarité de sa
situation, prolongement de la rétention administrative avant même la saisie du
juge pour faciliter les expulsions précipitées dans des conditions telles
qu'elles ont été mises en évidence par de récents incidents à bord d'avions,
toutes ces mesures marquent une radicalisation du Gouvernement à l'égard de
l'immigration et jettent la suspicion sur l'étranger.
Je reviendrai dans un instant sur les objectifs et les conséquences
politiques, vraisemblablement recherchés par le Gouvernement dans cette
affaire.
Le résultat des lois Pasqua et de cette future loi Debré, qui n'en constitue
qu'une néfaste excroissance, aboutira à la précarisation de la situation de
l'ensemble des étrangers.
Tout étranger est, de fait, soupçonné de délinquance, de clandestinité.
Cette remarque m'apparaît d'autant plus fondée qu'une disposition du projet a
pour objectif de frapper durement, non pas les clandestins, mais les immigrés
en situation régulière.
En effet, vous prévoyez une réserve, au nom de l'ordre public, notion réputée
pour être source d'arbitraire par son flou, au renouvellement jusqu'ici
automatique de la carte de dix ans.
Il y a donc bien précarisation, suspicion à l'égard de l'ensemble des
étrangers.
Ce projet de loi est un texte dangereux pour la démocratie, car il attise les
fantasmes xénophobes.
Quel est le jeu du Gouvernement ? Quels sont les objectifs politiques, ou
plutôt politiciens, de ce projet de loi si ce n'est de flatter un électorat
rendu sensible aux thèses de l'extrême droite par une crise qui rime avec
chômage, baisse ou chute du pouvoir d'achat, qui rime avec insécurité et
drogue, qui rime avec échec scolaire et absence de perspectives pour une
jeunesse déboussolée ?
Nous n'avons cessé de vous alerter, monsieur le ministre, sur les risques
considérables que comportait cette volonté d'aller chasser sur les terres de M.
Le Pen, en flattant les idées de rejet de l'autre, d'exclusion.
Nous n'avons cessé de vouloir remettre à l'ordre du jour les véritables causes
de la désespérance d'un nombre croissant d'habitants de notre pays. Ce sont en
effet des choix économiques, des choix politiques fondamentaux qui entraînent
la France vers la régression.
C'est le choix de l'argent, symbolisé par une Bourse toute-puissante et la
marche forcée vers la monnaie unique, contre celui de l'homme, qui crée la
fracture sociale, dénoncée hier par le Président de la République et ses
partisans.
Il faut tenir un discours de vérité aux Français.
Ce n'est pas l'immigration qui est responsable du véritable recul de
civilisation que nous vivons aujourd'hui. Ce sont les choix opérés qui
privilégient le capital sur l'épanouissement de ceux qui ont du travail et de
ceux qui n'en ont pas qui portent cette grave responsabilité.
Il faut en finir avec les fantasmes xénophobes que j'évoquais, tels que celui
de l'immigration responsable du chômage ou du déficit de la sécurité
sociale.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Robert Pagès.
Il faut casser cette propagande si chère au Front national qui crée l'amalgame
entre immigration et chômage.
Je ne peux que constater avec regret, monsieur le ministre, à quel point va
loin votre complaisance pour cette thèse. Il suffit de relire les travaux de
l'Assemblée nationale pour s'en convaincre. Je vous cite : « En luttant contre
l'immigration irrégulière et contre le travail clandestin, je participe à
l'action de l'ensemble du Gouvernement pour l'emploi ».
Comment concilier de tels propos et ceux qui figurent dans le tract que le RPR
distribue à partir d'aujourd'hui ? On peut y lire en effet que « le combat
contre le Front national s'inscrit dans une action quotidienne, sur le terrain,
pour affirmer nos valeurs et dénoncer ses propositions absurdes et inefficaces
».
Je partage cette analyse, mais, au premier plan de ces propositions, on trouve
l'expulsion des immigrés responsables du chômage. Il y a donc une certaine
incohérence.
Comment concilier en effet une telle ligne de conduite avec les propos
précités de M. Debré et l'ensemble des dispositions de ce projet de loi, qui,
je le répète, montre du doigt l'étranger comme le véritable bouc émissaire
responsable des maux de la société française ?
Encore une fois, monsieur le ministre, je dois vous rappeler quelques
réalités.
En 1931, l'immigration représentait 6,75 % de la population, en 1990, elle en
représentait 7,4 %. Où est la mise en cause de la cohésion nationale, où est
l'invasion ?
En Suisse, l'immigration représente 17 % de la population alors que ce pays
compte 5 % de chômeurs. A l'inverse, l'Espagne comprend 1 % d'immigrés alors
que son taux de chômage atteint 22 % de la population active.
Ces chiffres apportent un démenti sans appel à l'automaticité du lien entre
immigration et chômage.
Comment ne pas rappeler ce rapport de l'Institut national des études
démographiques - l'INED - publié voilà quelques semaines et qui a fourni ce
chiffre frappant ? Si la France n'avait pas connu d'immigration dans les cent
dernières années, elle n'aurait compté en 1986 que 45 millions d'habitants.
L'immigration a donc bien participé, et de manière positive, à la construction
de la France d'aujourd'hui.
Une personne sur quatre est immigré ou d'ascendance étrangère, et ce en ne
remontant qu'aux parents et aux grands-parents.
Voilà des vérités qui font peur aux racistes et aux xénophobes car elles
détruisent la médiocre construction intellectuelle qui fonde leur politique.
Alors que le Front national s'apprête à tenir son véritable congrès de la
haine dimanche prochain à Strasbourg, j'estime essentiel de crier gare une
dernière fois. A labourer le terreau de la xénophobie, on favorise l'éclosion
de plantes et de fruits effrayants.
Croyez-vous sincèrement, monsieur le ministre, qu'avec votre projet de loi
vous donnez la possibilité de combattre efficacement ceux ou celles qui, comme
Catherine Mégret, affirment ouvertement et sans crainte la différence - et on
sait ce qu'il y a sous ce mot ! - entre les races ?
Je ne le crois malheureusement pas, car votre projet de loi et votre politique
ne peuvent qu'aviver l'intolérance et les tensions entre les communautés.
Je ne le crois pas, car votre projet de loi semble donner raison à ceux qui
font de l'immigration leurs fonds de commerce depuis vingt ans !
Nous avons développé tout au cours de ces longs débats nos propositions pour
une politique nouvelle et alternative de l'immigration, fondée sur la
répression sévère des employeurs de main-d'oeuvre clandestine, sur le
développement considérable et nécessaire de la coopération entre pays
d'émigration et pays d'accueil et sur la mise en oeuvre d'une autre politique
qui, enfin, place la lutte pour l'emploi, la réduction de la précarité au
centre des préoccupations gouvernementales.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen rejetteront donc
catégoriquement les conclusions de la commission mixte paritaire qui, malgré
une amélioration très partielle concernant les étrangers malades, que nous
avons soutenue, a confirmé, dans toute sa nocivité, le texte adopté par la
majorité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Pagès, vous voulez réformer la
Constitution. C'est votre droit, mais tel n'est pas l'objet de ce débat.
Par ailleurs, vous regrettez de ne pouvoir, à ce stade de la discussion,
déposer de motion de renvoi à la commission ou de motion tendant à opposer
l'exception d'irrecevabilité. Là encore, c'est votre droit, mais cette question
relève du règlement de votre assemblée et non pas des prérogatives du
Gouvernement.
Mais surtout, je voulais réagir contre un thème que j'ai senti sous-jacent
tout au long de ce débat et j'attendais le moment favorable pour le faire.
Monsieur Pagès, ne remettez jamais en cause la légitimité de la majorité.
Entrer dans une telle polémique, c'est d'abord utiliser le vocabulaire des
extrémistes, de ceux qui n'ont jamais admis ni la République ni la démocratie.
Ne remettez jamais en cause les fondements de la démocratie ; il y a une
majorité, elle est élue par le peuple, elle représente le peuple, et ce
jusqu'aux prochaines élections !
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas parce qu'on vote à gauche que l'on remet en cause les fondements
de la démocratie !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Alors, évitez d'appliquer des qualificatifs, car
vous savez très bien ce qui arrive quand on tire sur la démocratie et sur sa
légitimité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Hélène Luc.
Vous n'avez pas le droit de dire cela !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Pagès, il n'y a pas une « loi Debré »,
il y a la loi de la République, et je suis pour ma part opposé à toute
personnalisation du pouvoir.
Mme Hélène Luc.
Ça !...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ce texte ne contient aucune marque de
xénophobie. Il répond simplement à un souci d'ordre public, un souci de
l'autorité de la loi, du respect de l'autorité de la justice, c'est-à-dire du
respect de l'autorité de l'Etat. L'histoire, notre histoire, montre que la
liberté, l'égalité et la fraternité supposent toujours un Etat respecté et que
la liberté, l'égalité et la fraternité meurent toujours de l'absence d'un Etat
respecté ou de l'absence d'une prise de conscience par l'Etat de ses
responsabilités. Or, cette loi est l'expression de la prise de conscience par
l'Etat de ses responsabilités.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de
la discussion de ce projet de loi, je ne voudrais pas allonger inutilement le
débat ; je rappellerai simplement, mais fermement, les raisons de mon
opposition fondamentale. Je parle bien sûr en mon nom propre, mais aussi au nom
des sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE.
Ce texte se voulait plus efficace contre l'immigration clandestine que la
législation en vigueur. Si je suis d'accord avec l'objectif énoncé, je suis en
désaccord profond sur les moyens. Ces moyens sont contraires à un certain
nombre des principes qui régissent les grandes démocraties.
Le premier de ces principes est la primauté du judiciaire sur l'administratif.
Or, le texte prévoit exactement l'inverse ! En donnant des pouvoirs excessifs à
l'administration et à la police, en refusant les procédures judiciaires qui
donnent à l'accusé le droit de se défendre, on contrevient à un principe
fondamental de la démocratie.
Je formulerai une remarque similaire à l'égard du fichier des hébergeants, qui
me choque profondément et dont, de déclarations contradictoires en reculs, nul
ne sait plus exactement comment il fonctionnera.
Il concernera très peu de personnes, puisque la plupart des gens qui viennent
en France vont à l'hôtel et que, si la fiche d'hôtel est obligatoire pour les
étrangers - vous nous le rappeliez voilà peu, monsieur le ministre - vous
n'avez pas, que je sache, envisagé une centralisation de ces fiches, du moins
vous ne l'avez pas dit.
Le fichier concernera donc peu ou prou les 130 000 personnes qui arrivent
annuellement par ce biais en visite en France, mais il ne concernera pas les
clandestins, qui viennent à 90 % par d'autres filières et, là aussi, je cite
les chiffres de vos services.
Ce fichier sera départemental, vous nous l'avez affirmé à de nombreuses
reprises.
En outre, conformément aux instructions de la CNIL, les éléments nominatifs
seront détruits au bout d'un mois.
Il regroupera enfin les hypothétiques fiches de sortie du territoire. Je ne
veux pas reprendre le long débat que nous avons eu sur ce point, mais
nombreuses seront en effet les personnes qui quitteront le territoire en
oubliant d'envoyer ce papier. En revanche, tous ceux qui voudront y rester
clandestinement, eux, le renverront sûrement.
Nous vous l'avons dit. Vous n'avez pas répondu, et pour cause : il n'y a pas
de réponse, monsieur le ministre !
Mais, me direz-vous, si ce fichier est aussi inutile, pourquoi le dénoncer ?
Je vous répondrai, monsieur le ministre, que j'ai, comme beaucoup de Français,
un vieux fond libertaire et que, quand je vois des ministres de l'intérieur,
quelle que soit leur couleur politique, vouloir de façon aussi acharnée
instituer des fichiers et ne lâcher du terrain sur ce point qu'avec tant de
difficultés et de réticences, je m'inquiète. Hélas ! l'histoire - je suis
historienne - m'apprend que j'ai raison de m'inquiéter.
Parmi les mesures qui m'inquiètent dans ce texte, je citerai aussi, pour
mémoire, l'attribution de la carte de séjour d'un an seulement aux immigrés
dont la situation est régularisable, les vides qui demeurent pour toute une
série de personnes ni régularisables, ni expulsables, la possibilité pour la
police d'entrer dans les lieux de travail, la confiscation du passeport,
l'institution d'un fichier centralisé des empreintes digitales, qui assimile
l'immigré au délinquant ; mais il en est d'autres...
Par ailleurs, monsieur le ministre, j'ai été frappée de la réponse que vous
avez faite à M. Allouche dans ce petit débat qui a eu lieu tout à l'heure sur
le thème : immigration clandestine, travail clandestin. A l'encontre de M.
Allouche, qui récuse tout lien entre l'immigration clandestine et le travail
clandestin, vous soutenez, vous, l'existence d'un tel lien.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Il y a un rapport entre les deux !
Mme Joëlle Dusseau.
Je ferai observer que le point de vue de M. Allouche est aussi celui d'un
ministre du Gouvernement, Mme Couderc, qui, ici même, lors de la discussion du
projet de loi sur le travail clandestin en première lecture, a bien insisté sur
le fait qu'il ne fallait pas introduire dans l'esprit des gens, parce que ce
n'est pas conforme à la réalité, l'idée d'un rapport étroit entre travail
clandestin et immigration clandestine. En effet, le travail clandestin, chacun
le sait, est un phénomène très important, très vaste et qui, les statistiques
le montrent, n'a aujourd'hui que peu de rapport avec l'immigration
clandestine.
Vous répétez, monsieur le ministre, que votre objectif est de lutter contre
l'immigration clandestine, que l'objectif du Gouvernement est de lutter contre
le travail clandestin. Si c'était vrai, le Gouvernement n'aurait pas accepté ce
qui a été imposé par le Sénat, lequel a passé son temps à alléger les
dispositifs pris contre les employeurs de travailleurs illégaux.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Il faut savoir ce que l'on veut, monsieur le ministre. Si l'on dit qu'on
veut lutter contre le travail clandestin, cela sous-entend qu'il faut que la
loi soit forte, y compris contre les employeurs illégaux et contre les donneurs
d'ordre !
Or, sur ce point-là, le texte qui est sorti il y a peu des travaux des
assemblées est attristant.
M. Emmanuel Hamel.
On peut le renforcer !
Mme Joëlle Dusseau.
Excusez-moi, mon cher collègue, mais il fallait s'en rendre compte avant !
M. Claude Estier.
Vous l'avez voté, monsieur Hamel !
Mme Joëlle Dusseau.
Rappelez-vous ce que nous avons dit à ce moment-là et qui, je crois, était
raisonnable, mais que, hélas, vous n'avez pas écouté.
Mme Hélène Luc.
On ne nous écoute jamais !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est vrai, madame Luc ! Pas suffisamment en tout cas !
Je voudrais enfin insister sur un point qu'ont déjà abordé MM. Allouche et
Pagès et vous renvoyer à vos propres paroles, monsieur le ministre.
Vous voulez, dites-vous, lutter essentiellement contre l'immigration
clandestine, sécuriser les immigrés qui sont en situation régulière en France
et aider à leur intégration ; cela, vous l'avez affirmé à de nombreuses
reprises, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, et encore tout à
l'heure.
Si c'est vrai, monsieur le ministre, pourquoi prévoir à l'article 4
bis
que le renouvellement de la carte de séjour de dix ans est suspendu à une
décision administrative et que, s'il y a menace pour l'ordre public, une notion
dont chacun sait combien elle est floue, peu tangible,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Mais la menace est souvent réelle !
Mme Joëlle Dusseau.
... l'administration pourra décider de ne pas renouveler cette carte ?
Je ne veux pas reprendre le débat sur ce point, mais il se trouve que, là
encore, les questions que nous vous avons posées n'ont pas entraîné de réponses
de votre part.
Si la personne est un danger pour la sécurité, pourquoi attendre l'expiration
de sa carte ? Qu'on l'expulse tout de suite !
Sinon, pourquoi faire peser sur des immigrés vivant en toute légalité en
France, et depuis très longtemps - car, avant d'obtenir la carte de séjour de
dix ans, il faut avoir déjà séjourné quelques années en France - une menace de
refus du renouvellement de la carte, alors même qu'ils n'ont commis aucune
faute, sans qu'ils aient été jugés ?
L'immigré, direz-vous, peut faire appel devant le juge administratif. Mais,
monsieur le ministre, quel immigré fera appel ? Et puis, avant que le juge se
prononce, des mois, voire des années peuvent s'écouler : quelle sera alors la
situation de cet immigré régulier ? Car c'est bien d'immigrés en situation
régulière qu'il est question ici, ...
M. Claude Estier.
Absolument !
Mme Joëlle Dusseau.
... ceux-là mêmes que vous dites vouloir intégrer et protéger ! Pensez-vous
que l'on peut vraiment les intégrer, les sécuriser en faisant peser sur eux
cette menace permanente ?
Actuellement, nous travaillons, au sein de la commission des affaires
sociales, sur le projet de loi relatif à la cohésion sociale, et j'étais hier,
comme d'autres collègues, avec Mme de Gaulle-Antonioz et des membres
d'ATD-quart-monde. Les représentants du quart monde qui étaient présents nous
ont tous dit à quel point ils ont des rapports difficiles avec l'administration
: par incompréhension, par fermeture sur eux-mêmes, par peur de l'autre, mais
aussi parce qu'ils se sentent parfois agressés ou méprisés par
l'administration. Or il en va de même pour de nombreux immigrés en situation
régulière, qui vivent souvent dans la crainte.
Par cette disposition, vous allez développer leur sentiment de fragilité,
d'insécurité, et vous portez là une grande responsabilité.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris par le vote des sénateurs
radicaux-socialistes : nous nous prononcerons contre les conclusions de la
commission mixte paritaire, de même que nous nous étions prononcés contre le
texte en première et en deuxième lecture.
De plus, nous nous associons à la démarche des sénateurs socialistes, qui vont
déférer cette loi au Conseil constitutionnel contre ce texte de loi.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles du
groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Madame le sénateur, vous commencez par affirmer
de façon catégorique qu'il n'y a pas de lien entre travail clandestin et
immigration irrégulière. Permettez-moi de vous rappeler ce que disait Anatole
France : « Heureux ceux qui n'ont qu'une vérité. Plus heureux et plus grands
ceux qui ont fait le tour des choses, ont assez approché la réalité pour savoir
que la vérité n'est pas une. »
Je dis simplement qu'il y a un rapport entre le travail clandestin et
l'immigration irrégulière. Nier ce rapport est une hypocrisie.
La réalité du travail dissimulé, en termes statistiques, selon un rapport qui
émane de l'Assemblée nationale, est la suivante : 10 % des employeurs impliqués
dans des affaires de travail dissimulé sont des étrangers et 43 % des salariés
impliqués dans ces mêmes affaires sont des étrangers.
Mme Joëlle Dusseau.
Etrangers, mais pas forcément en situation irrégulière !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Il y a donc un lien entre l'immigration
irrégulière et le travail dissimulé.
Mme Joëlle Dusseau.
Ce sont des étrangers, pas des irréguliers !
M. le président.
Madame Dusseau, si vous voulez interrompre M. le ministre, vous le lui
demandez, mais n'intervenez pas de cette manière !
Mme Hélène Luc.
Cela met de l'animation, monsieur le président !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Madame Dusseau, nier cette réalité est une
hypocrisie à laquelle je ne veux prendre aucune part.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
L'un de nos collègues s'étant étonné du fait qu'aucune motion de procédure ne
puisse être discutée à ce stade du processus législatif, je rappelle que, aux
termes de l'article 45 de la Constitution, un texte élaboré par une commission
mixte paritaire peut être soumis pour approbation aux deux assemblées et que,
en application de l'article 42, alinéa 12, de notre règlement, le Sénat examine
après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire,
il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, ce qui exclut toute
autre possibilité de vote.
Il s'agit là d'une pratique constante depuis 1977.
M. Robert Pagès.
C'est ce que j'ai regretté !
Mme Hélène Luc.
Je demande un scrutin public !
M. le président.
Cela, c'est une autre affaire, madame Luc !
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« TITRE Ier
« DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE
AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DESÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE »
« Art. 3. - Dans le chapitre Ier de la même ordonnance,sont insérés, après
l'article 8, les articles 8-1 à 8-3 ainsi rédigés :
«
Art. 8-1 et 8-2. - Non modifiés.
«
Art. 8-3.
- Les empreintes digitales des ressortissants étrangers,
non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, qui sollicitent la
délivrance d'un titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6
peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé
dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il en est de même de ceux qui
sont en situation irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure
d'éloignement du territoire français.
« En vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou
documents visés à l'article 8 ou qui n'a pas présenté à l'autorité
administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de
l'une des mesures prévues au premier alinéa de l'article 27 ou qui, à défaut de
ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution ; les
données du fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de
l'intérieur et du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs
du statut de réfugié peuvent être consultées par les agents expressément
habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie
nationale, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
précitée. »
« Art. 6
bis.
- I. - Après le huitième alinéa (7°) de l'article 25 de
la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 8° L'étranger résidant habituellement en France atteint d'une pathologie
grave nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner pour
lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse
effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. »
« II. - Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "aux 1° à
6°" sont remplacés par les mots : "aux 1° à 6° et 8°" ».
« Art. 8. - L'article 35
bis
de la même ordonnance est ainsi modifié
:
« 1° à 3°, 3°
bis
et 3°
ter. - Non modifiés.
« 4° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président
de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il
lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation
effectives. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est immédiatement
formé et transmis au premier président ou à son délégué après le prononcé de
l'ordonnance. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un
effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée
qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition
de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un
effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
« 5°
Supprimé. »
« TITRE II
« DISPOSITIONS DIVERSES »
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Renar pour explication de vote.
M. Ivan Renar.
Monsieur le ministre, vous avez laissé entendre tout à l'heure, en répondant à
mon collègue Robert Pagès, que se battre contre les idées de la majorité,
c'était, quelque part, ne pas respecter la loi majoritaire et les prérogatives
du Parlement.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas dit cela !
M. Ivan Renar.
Jusqu'au bout, y compris en cet instant, monsieur le ministre, laissez-nous le
droit de tenter de convaincre nos collègues de ne pas voter un texte néfaste,
de même qu'il faut laisser à notre peuple le droit de s'exprimer, le droit de
manifester. C'est la loi de la démocratie ; c'est aussi l'une des valeurs
essentielles de la République.
Depuis la mobilisation des sans-papiers de Saint-Bernard, des collectifs se
sont constitués un peu partout en France, mais le Gouvernement est resté
insensible aux drames humains que vivent des centaines de familles.
Le monde artistique, relayé par nombre de professions, les avocats, les
universitaires, et bien d'autres autorités morales et religieuses, ont lancé
des cris d'alarme, mais le Gouvernement est resté sourd.
M. Philippe de Gaulle.
Ce ne sont pas eux qui font la loi !
M. Jean Chérioux.
Et tout cela, heureusement, ce n'est pas le peuple !
M. Ivan Renar.
Messieurs, un peu de calme ! Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes !
(Rires.)
Ce n'est pas de moi, c'est de Victor Hugo.
Même les études les plus sérieuses, tel le rapport de l'INED, l'Institut
national d'études démographiques, qui montre notamment que le nombre
d'étrangers en France est stable depuis vingt ans, n'ont aucune prise sur
l'entêtement du Gouvernement : celui-ci continue à brandir la menace de
l'immigration clandestine pour justifier sa politique répressive.
La discussion de ce projet de loi touche maintenant à sa fin, et la majorité
parlementaire s'apprête à voter un ensemble de mesures qui, comme nous n'avons
cessé de le démontrer, portent gravement atteinte aux valeurs fondamentales de
notre pays et encouragent le climat de suspicion qui pèse sur l'étranger,
devenu le bouc émissaire de tous les maux de notre société.
Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, vous êtes responsable d'un
débat qui ne peut qu'exacerber la haine de l'autre.
Au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes que connaît notre pays, à savoir le
chômage et l'exclusion, le Gouvernement préfère mettre sur le devant de la
scène l'immigration clandestine et faire porter à cette dernière la
responsabilité des malheurs de nos concitoyens, faisant glisser, comme l'a si
bien dit notre ami Jack Ralite, la question sociale vers la question
raciale.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Ivan Renar.
Le jeu est des plus dangereux.
Loin de stopper la montée du Front national, ce projet de loi ainsi que
certains des propos tenus dans cette enceinte ou à l'Assemblée nationale
alimentent les préjugés racistes et xénophobes.
Le Gouvernement s'en défend. Pourtant, sous prétexte d'une immigration
clandestine prétendument menaçante, il n'hésite pas à mettre en place un
véritable régime juridique d'exception applicable aux étrangers. Ce régime
octroie en effet un rôle exorbitant aux forces de police ainsi qu'aux
représentants de l'Etat et il écarte autant que possible le juge judiciaire,
gardien des libertés, des procédures de reconduites à la frontière.
De plus, quoi qu'en dise le Gouvernement, ce projet de loi ne s'attache pas
seulement à lutter contre l'immigration clandestine : il vise aussi à
déstabiliser les étrangers résidant régulièrement en France.
Comment comprendre autrement la disposition qui supprime le renouvellement de
droit de la carte de résident, en soumettant ce droit à l'absence de menace
pour l'ordre public.
Ainsi, même les étrangers installés en France depuis plus de dix ans ne sont
pas épargnés !
Monsieur le ministre, votre projet de loi constitue une véritable déclaration
de guerre faite aux étrangers. Suspicion, arbitraire et menace policière, voilà
ce qui commande ce texte.
Parallèlement à notre débat, le mouvement de contestations se poursuit, des
collectifs de sans-papiers se mettent en place un peu partout en France et
continuent de résister.
A Lille, notre ville à M. Allouche et à moi-même, avec courage et dignité, les
sans-papiers demandent que leur cas soit examiné et que des négociations
s'ouvrent.
Certains, au péril de leur vie, ont entrepris une grève de la faim. Celle-ci a
pris fin au bout de soixante-trois jours, sans qu'aucune avancée ait pu être
constatée. A chaque manifestation, des arrestations sont effectuées et les
dossiers des sans-papiers ne sont toujours pas examinés.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Votre projet de loi ne sera
d'aucun secours, à moins de recourir systématiquement à la force, ce que, je
l'espère, vous ne ferez pas.
La stratégie du pourrissement, car il faut la nommer par son nom, ne pourra
durer éternellement.
Vu l'ampleur de la contestation, le Gouvernement se doit d'envisager des
régularisations.
Il n'est plus possible de faire croire que votre projet de loi réglera
l'ensemble des situations inextricables engendrées par les lois Pasqua.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte qu'il
estime scandaleux et continuera de soutenir le mouvement des sans-papiers pour
qu'une politique digne et humaine soit enfin adoptée.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je veux saisir l'occasion de cette explication de vote pour répondre en
quelques mots à M. le ministre, qui aura évidemment la possibilité de me
répondre à son tour puisque le Gouvernement peut intervenir à tout moment, en
vertu d'un droit que je ne conteste d'ailleurs nullement.
Monsieur le ministre, mettre de la passion dans un débat, ce n'est pas
répréhensible. Nous sommes tous ici amateurs de débat ; nous sommes même là
pour cela. Et, si nos discussions sont parfois empreintes d'une certaine
passion, c'est parce que nous exprimons nos convictions.
Ce projet, présenté par le Gouvernement, a effectivement suscité de la
passion, et il n'y a pas lieu de s'offusquer si, tant à l'Assemblée nationale
qu'au Sénat, certains articles ont donné lieu à l'expression de cette
passion.
S'agissant du travail clandestin, monsieur le ministre, Mme Dusseau vous a
rappelé ce qu'avait déclaré votre collègue du Gouvernement, Mme Couderc, qui
contestait ce que vous avancez.
Mme Couderc nous a dit ici même - nous ne l'avons pas inventé ! - qu'il ne
fallait en aucun cas lier l'immigration clandestine au travail illégal. C'est
si vrai que le Gouvernement a accepté l'emploi de l'expression « travail
dissimulé », afin d'éviter la confusion avec le travail clandestin.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Entre le mot « lien » et le mot « rapport », le
dictionnaire fait une différence !
M. Guy Allouche.
Aux termes mêmes d'un rapport du Gouvernement, 6 % seulement d'infractions
dues à la présence de travailleurs irréguliers ont été constatées. Nous savons
tous qu'en France il y a bien plus de travailleurs illégaux qu'il n'y a de
clandestins.
Enfin, monsieur le ministre, je sais bien que la campagne électorale s'est
ouverte...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ça on s'en est aperçu !
Mme Hélène Luc.
Cela se voit !
M. Jean Delaneau.
Ce n'est pas nous qui l'avons ouverte !
M. Guy Allouche.
... mais évitons de toujours pointer du doigt ce qui a été fait
précédemment...
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Cela vous gêne !
M. Marcel Debarge.
C'est réciproque !
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, je vous ai dit ici même la dernière fois dans quelles
conditions ce passage à la proportionnelle avait été effectué en 1985. Nous
n'avons pas pris les Français par surprise : cela figurait dans l'une des
propositions du candidat François Mitterrand qui a été élu.
Cependant, permettez-moi de rappeler un fait qui me paraît bien plus grave que
l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives : c'est
l'accord que votre formation politique a passé en bonne et due forme en 1983 à
Dreux, pour la première fois dans notre histoire.
(M. le ministre fait un
signe de dénégation.)
Ne le niez pas, monsieur le ministre ! Je conteste
votre dénégation.
(M. Chérioux proteste.)
De surcroît, le lendemain de la seconde lecture au Sénat, dans un grand
quotidien du soir que chacun a à l'esprit,...
M. Henri de Raincourt.
On ne le lit pas !
M. Jean Delaneau.
C'est un quotidien ou c'est
Le Canard enchaîné
?
M. Guy Allouche.
... était relatée une réunion que M. Mancel avait tenue dans le Var et au
cours de laquelle il avait déclaré : « Nous sommes un rassemblement et, chez
nous, certains sont Front national. »
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ce n'est pas exactement ce qu'il a dit !
M. Guy Allouche.
Voilà ce qu'il a dit ! J'ai l'article ici, et je vous le livre.
(Exclamation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je n'ai pas eu l'occasion de lire un démenti de M. Mancel. Par conséquent,
n'essayez pas d'apporter un démenti aux propos que nous avons tenus sur
certaines collusions. Hélas ! pour une partie de la majorité - je le précise
car je veux être honnête - c'est le cas.
M. Alain Gournac.
C'est vous qui avez fait entrer le Front national au Palais-Bourbon !
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le ministre, vous êtes l'héritier, le successeur d'une grande
tradition républicaine incarnée par votre père qui avait la passion de la
République, animé qu'il était par cet idéal républicain et par le respect
fondamental des droits de l'homme.
Vous connaissant un peu, je sais que, à aucun moment, vous n'avez été animé,
lors de la préparation de ce texte et son dépôt devant le Parlement, des
sentiments que certains collègues, dans l'exercice de leurs droits
démocratiques, prêtent, à tort, à l'ensemble de la majorité et à vous-même.
Pour nous - et je m'adresse à tous mes collègues et, à travers eux, n'étant
que ce que je suis, à l'opinion française - ce texte n'est pas inspiré par la
haine ou par le mépris de l'étranger. Nous nous souvenons, Français que nous
sommes, de ce que les étrangers ont apporté à la France, dans les années de
construction, de travail et de paix civile comme dans les combats pour la
défense de notre pays face au nazisme et dans d'autres guerres.
Nous ne sommes pas xénophobes car, républicains ou chrétiens, ...
M. Marcel Debarge.
On peut être à la fois républicain et chrétien !
M. Emmanuel Hamel.
... nous savons le respect que nous avons du droit de l'homme, du droit de
l'autre dont la personne mérite d'être respectée.
En tant que parlementaires, pour avoir fait souvent, et parfois bien avant de
siéger au Parlement, le tour du monde, de l'équateur au Groenland, du Pacifique
à l'Atlantique, nous savons l'image que la France a et mérite d'avoir dans le
monde, celle du pays le plus merveilleux de tous. Un pays qui a cette image,
dont on sait qu'il est la patrie des droits de l'homme, la nation où l'on est
soigné, respecté, suscite, tout naturellement, dans les malheurs du monde, chez
des millions d'êtres, l'envie de venir en France, la nation du bonheur, du
respect de l'homme et de la joie de vivre.
Or, mes chers collègues - et c'est en cela que la mission des hommes
politiques est difficile - il faut parfois faire un choix entre la
reconnaissance d'aspirations respectables de certains et la possibilité de les
concrétiser par une politique qui n'ait pas, par contre-coup, des influences si
négatives que, globalement, cet accueil sans contrôle ne soit néfaste et
désastreux.
Des millions d'individus sont aujourd'hui français alors que, on l'a rappelé,
voilà quelques générations, ils étaient étrangers. Ce qu'ils demandent
aujourd'hui, c'est d'être vraiment considérés dans l'ensemble de la nation, par
tous, comme des citoyens comme les autres.
Mais cela implique qu'il n'y ait pas ces problèmes de l'immigration
irrégulière, de l'arrivée clandestine en France, du travail illégal qui,
au-delà de nos divergences politiques - et sur ce point nous sommes tous
d'accord - ...
M. Christian Poncelet.
C'est exact !
M. Emmanuel Hamel.
... sont véritablement un mal pour la France, pour le peuple, pour les
citoyens et pour le respect des droits de l'homme par la tentation qui se crée
chez certains, à cause de cette immigration irrégulière, de susciter à
l'encontre de tous les étrangers, en situation régulière ou non, présents sur
notre sol des réactions de xénophobie que nous ne pouvons admettre.
Le texte que nous allons voter, c'est un texte de synthèse, qui tend à
maintenir les principes fondamentaux du respect des droits de l'homme, du
respect de l'étranger. C'est aussi un texte civique, qui tend à protéger la
France à ses frontières, pour éviter qu'elle ne soit submergée parce qu'elle
est la France, qu'elle attire tant d'individus et qu'elle est si belle.
Monsieur le ministre, sachez que, en dehors des dirigeants ou des présidents
de groupe qui vont déclarer qu'ils sont d'accord avec votre texte, le sénateur
de base, le Français de base estime qu'il est de son devoir de vous soutenir
dans votre action.
Néanmoins - et ce sera mes derniers mots - ne vous contentez pas du vote que
vous allez obtenir sur un texte qui respecte les droits de l'homme, qui ne
prône ni la xénophobie ni la haine de l'étranger. Ce texte continuera d'être
critiqué et dénaturé par certains de nos collègues, et c'est leur droit en
démocratie. Votre devoir ne fait que commencer. Vous avez fait voter un projet
de loi. Maintenant, faites-le comprendre et dites à l'ensemble de nos
compatriotes les pensées qui vous animent, la volonté qui vous inspire, qui est
non pas celle que l'on dit, mais celle du service de la France, du respect de
l'étranger. Faites en sorte que notre texte ne nuise pas, parce que défiguré, à
l'image de la France dans le monde, image qui est liée à la tradition d'accueil
qu'il faut maintenir, mais dans le respect de la loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Il est difficile de prendre la parole après le lyrisme de M. Hamel.
Tout à l'heure, j'ai été frappée par la citation de M. le ministre. Citant
Anatole France, un auteur que j'aime bien, il a dit : la vérité n'est pas une.
Il a raison. Il y a plusieurs vérités, il y a des nuances dans la vérité. Qui
en douterait ici, mes chers collègues ?
Ce que j'ai voulu dire, et je le répète avec force, c'est qu'il est très
dangereux de vouloir, sur ce point très précis, superposer travail illégal et
immigration clandestine.
M. Alain Gournac.
On l'a déjà entendu !
Mme Joëlle Dusseau.
Un amalgame se fait dans l'opinion publique, mais aussi dans l'esprit de M. le
ministre.
M. Jean Chérioux.
C'est nouveau !
M. Alain Gournac.
Il est là !
Mme Joëlle Dusseau.
En effet, le chiffre qu'il a cité, c'est non pas celui de l'immigration
clandestine dans le travail illégal, mais le chiffre des immigrés, clandestins
ou non, il l'a dit lui-même.
M. Alain Gournac.
Non !
Mme Joëlle Dusseau.
Si ! mon cher collègue, je suis formelle, et M. le ministre le sait très bien.
Pour quelles raisons ? Aujourd'hui, dans la situation de crise, notamment dans
certains secteurs d'activité, je pense au bâtiment mais il y en a d'autres, des
étrangers en situation régulière qui cherchent du travail régulier sont
contraints de travailler au noir parce que les employeurs leur disent : « C'est
cela ou rien du tout ! » C'est pourquoi je reprends le débat que nous avons eu,
qui n'est pas un débat incident par rapport à l'immigration en général, et pas
par rapport à l'immigration clandestine, sur le problème du durcissement ou non
de la législation sur le travail illégal.
Je ne reprendrai pas, bien sûr, les arguments que j'ai développés voilà
quelques instants.
M. Alain Gournac.
Non !
Mme Joëlle Dusseau.
Je vais simplement m'appuyer sur une formulation employée par M. Hamel.
L'opposition va continuer à critiquer et à dénaturer ce texte, a-t-il dit.
M. Jean Chérioux.
Vous n'avez fait que cela !
Mme Joëlle Dusseau.
Mon cher collègue, point n'est besoin de le critiquer et de le dénaturer : ce
texte parle tout seul, et l'ensemble des débats que nous avons eus montrent
très bien, de fichier d'empreintes digitales en fichier d'hébergeants en
passant par les décisions administratives de suppression de cartes de séjour,
quelle est sa philosophie.
Vous avez ajouté, monsieur Hamel, ce qui montre que vous éprouvez malgré tout
une inquiétude, qu'il ne faut pas que ce texte nuise à l'image de la France.
C'est ce que vous devez vous dire, mes chers collègues de la majorité, au
moment où vous allez émettre un vote qui salira l'image de la France.
(Applaudissements sur les travées socialistes et protestations sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est lamentable !
M. le président.
La parole est à M. Althapé.
M. Louis Althapé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
donc parvenus, après de longs débats et de vives discussions, au terme de
l'examen du projet de loi portant diverses dispositions relatives à
l'immigration.
Que retiendrons-nous de ce débat ?
Tout d'abord, nous retiendrons votre courage et votre détermination, monsieur
le ministre, à rendre la lutte contre l'immigration clandestine plus efficace,
ainsi que votre souci de préserver les prérogatives du Parlement en ne
déclarant pas l'urgence sur ce texte, comme certains vous encourageaient à le
faire, et alors que d'autres, si discrets en première lecture à l'Assemblée
nationale,...
M. Alain Gournac.
Ah oui !
M. Louis Althapé.
... avaient rejoint dans la rue les manifestants.
Ensuite, le grand mérite de ce débat, mes chers collègues, aura été de montrer
à nos compatriotes que la politique socialiste en matière d'immigration n'avait
rien à voir avec ce qu'attendaient les Français. Les sondages d'opinion l'ont
clairement démontré.
(M. Estier sourit.)
Mme Joëlle Dusseau.
Ne parlons pas des sondages !
M. Louis Althapé.
En outre, les interventions des membres de notre majorité ont toujours fait la
distinction entre l'immigration régulière et l'immigration illégale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Louis Althapé.
Cette distinction est le meilleur rempart contre le racisme et la xénophobie.
Certains, aux extrêmes, refusent toujours de faire cette différence. Aussi,
notre devoir est de mettre en garde ceux qui, avec des intentions généreuses,
mélangent de fait l'immigration régulière, qui a toute sa place en France, et
l'immigration irrégulière, qui n'y a pas sa place. En refusant les lois qui
répriment cette dernière, ils font, sans s'en rendre compte, le jeu de ceux
qu'ils veulent combattre et pour qui tout étranger est indésirable.
Enfin, je terminerai cette brève intervention en remerciant le rapporteur, M.
Paul Masson, dont chacun, au sein de notre assemblée, a pu apprécier
l'éloquence, la pertinence et la modération.
Le groupe du RPR votera les conclusions de la commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il convient,
s'agissant du dernier examen de ce texte, de rendre hommage à l'excellent
travail de la commission des lois, notamment de son rapporteur, M. Paul Masson,
comme cela vient d'être dit, et son président, M. Jacques Larché. Il y a
également lieu de saluer la détermination dont M. le ministre de l'intérieur a
su faire preuve tout au long des débats.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement séparé de
communautés s'oppose à l'assimilation républicaine. Assimiler, ce n'est pas
nier les différences et refuser les cultures, c'est conduire ces dernières à
s'exprimer par le biais de pratiques individuelles, et non par celui du droit
positif. Le droit à la différence ne signifie pas la différence des droits.
L'obligation de satisfaire à des devoirs s'impose à tous. La légalité
républicaine et le respect de règles de société communes s'affirment par la
lutte contre tout comportement contraire aux vertus de l'assimilation. En
défendant la force des principes républicains, l'application sans exception de
la loi, nous rendrons possible une véritable politique d'immigration.
L'assimilation, moteur de ce projet de loi, ne se conçoit que par la maîtrise
des flux, par l'arrêt de l'immigration irrégulière, par l'engagement, à cet
effet, d'une lutte intensifiée, fruit d'une volonté politique sans faille. Pour
ce faire, il importait de doter l'Etat d'un droit adapté, sans faire plier les
règles de l'ordre constitutionnel.
Une telle politique n'est cependant pas exclusive d'une immigration fondée sur
les principes de la République. La société française, humaniste et réaliste,
est depuis toujours ouverte sur le monde. Ses besoins et ses devoirs ne
cesseront d'évoluer.
Le Gouvernement, après avoir mis en oeuvre avec détermination les lois des 24
août et 30 décembre 1993 et constaté l'imperfection des conditions
d'application de ces textes, a choisi de les conforter pour permettre, lorsque
les procédures garantissant les droits de la défense ont été respectées,
d'exécuter sans réserve les mesures de reconduites à la frontière.
Depuis 1991, le nombre d'interpellations d'étrangers présumés en situation
irrégulière n'a cessé de s'accroître.
Pourtant le nombre de reconduites, s'il a progressé, reste faible. Les
différentes phases de cette procédure révélaient des inadaptations
législatives, réglementaires et matérielles. Le présent projet de loi permet de
résoudre ces difficultés.
L'analyse devrait être poursuivie. Ce n'est plus en subissant des flux
incontrôlables que la France demeurera une terre d'accueil. C'est bien plutôt
en offrant à tous ceux qui la servent et qui l'ont choisie de s'enraciner
véritablement sur son sol.
Cet objectif sera atteint grâce à ce texte. C'est la raison pour laquelle,
monsieur le ministre, avec la majorité des membres du Rassemblement
démocratique et social européen, je vous apporterai une nouvelle fois mon
soutien en le votant. Je n'ai pas l'impression, ce faisant, d'être contre la
France.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE,
ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la
commission mixte paritaire.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe
socialiste, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
119:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 315158 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 96 |
Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
4
RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 192,
1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure
criminelle. [Rapport n° 275 (1996-1997).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS INSTITUANT
LE TRIBUNAL D'ASSISES
M. le président.
Par amendement n° 173, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent :
I. - Dans l'intitulé du titre Ier, avant l'article 1er, de remplacer les mots
: « tribunal d'assises » par les mots : « tribunal criminel » ;
II. - En conséquence, dans la suite du projet de loi, de procéder à la même
substitution chaque fois que nécessaire.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Ce projet de loi vise à la naissance d'une nouvelle juridiction.
Voilà deux siècles qu'existe en France une juridiction criminelle, qui, depuis
le code d'instruction criminelle de 1808, est dénommée « cour d'assises » :
jugeant, dans l'esprit de nos concitoyens, les grandes affaires criminelles,
elle fait partie de notre culture judiciaire, et il serait donc exclu de
proposer une autre appellation.
En revanche, la question peut être posée, s'agissant du premier degré de
juridiction : le Gouvernement propose la dénomination « tribunal d'assises »,
dont l'adoption n'aboutirait qu'à jeter la confusion dans les esprits.
Il y a, en droit pénal, des incriminations de divers types : des
incriminations de police, des incriminations correctionnelles et des
incriminations criminelles ; il existe un tribunal de police, un tribunal
correctionnel, et la logique comme la simplicité commandent donc que nous
dénommions ce nouveau degré de juridiction : « tribunal criminel ».
Cette appellation serait meilleure que « tribunal d'assises », car elle
éviterait toute confusion avec la cour d'assises, qui garderait sa solennité et
à laquelle on conserverait donc sa représentation dans l'esprit du public.
On dénomme une juridiction en fonction de ce qu'elle a à juger : dans le cas
présent, il s'agit de crimes, et les accusés, s'ils sont condamnés, sont des
criminels. C'est la raison pour laquelle nous proposons de remplacer « tribunal
d'assises » par « tribunal criminel ».
Je rappelle d'ailleurs que c'est l'appellation « tribunal criminel
départemental » qui avait été adoptée en 1791, lorsque, pour la première fois,
on est passé au stade de la nouvelle procédure.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 173.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me permettrai d'insister : tout le monde sait ce qu'est la cour d'assises.
Parler également de tribunal d'assises risque de jeter la confusion dans les
esprits. Il est donc important de distinguer l'un de l'autre.
Par ailleurs, en matière de police, on est jugé par le tribunal de police et
l'on fait appel devant la cour d'appel. En matière de délit, on est jugé par le
tribunal correctionnel et l'on fait appel devant la cour d'appel. Il est donc
normal que, en matière criminelle, on soit jugé devant un tribunal criminel et
que l'on fasse appel devant la cour d'assises.
C'est la raison pour laquelle « tribunal criminel » me paraît une meilleure
dénomination que « tribunal d'assises ».
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 173, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé et il sera procédé à
la coordination nécessaire.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'intitulé du titre Ier du livre II du code de procédure pénale
est ainsi rédigé :
« Titre Ier
« Du jugement des crimes. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Les dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code
de procédure pénale sont remplacées par les dispositions suivantes :
« Sous-titre Ier
« Du tribunal d'assises »
« Chapitre Ier
« De la compétence du tribunal d'assises
«
Art. 231
. - Le tribunal d'assises a plénitude de juridiction pour
juger les personnes renvoyées devant lui par la décision de mise en
accusation.
« Il ne peut connaître d'aucune autre accusation.
« Chapitre II
« De l'institution du tribunal d'assises
«
Art. 231-1
. - Il est institué un tribunal d'assises dans chaque
département.
«
Art. 231-2
. - Le tribunal d'assises a son siège au chef-lieu du
département.
« Exceptionnellement, un décret en Conseil d'Etat peut fixer le siège du
tribunal d'assises dans une autre ville du département où existe un tribunal de
grande instance.
«
Art. 231-3
. - Le premier président de la cour d'appel peut, sur les
réquisitions du procureur général, après avis du président du tribunal
d'assises et des chefs des tribunaux de grande instance intéressés, décider par
ordonnance motivée que les audiences du tribunal d'assises se tiendront dans le
département, soit au siège d'un autre tribunal, soit, à titre exceptionnel,
dans tout autre lieu.
« L'ordonnance est portée à la connaissance des tribunaux intéressés par les
soins du procureur général.
«
Art. 231-4
. - Le premier président de la cour d'appel peut, sur les
réquisitions du procureur général, et après avis de l'assemblée générale de la
cour d'appel, des chefs du tribunal de grande instance siège du tribunal
d'assises et du ou des présidents du tribunal d'assises, ordonner qu'il soit
formé autant de sections du tribunal d'assises que les besoins du service
l'exigent.
«
Art. 231-5
. - L'accusé doit comparaître devant le tribunal d'assises
au plus tard dans les quatre mois du jour à compter duquel la décision de mise
en accusation est devenue définitive sous réserve, lorsque l'accusé est détenu,
des dispositions de l'article 231-36.
« Des sessions du tribunal d'assises ont lieu chaque fois qu'au moins une
affaire doit être jugée dans le délai prévu par l'alinéa précédent. La date
d'ouverture de chaque session ainsi que sa durée sont fixées, après avis du
procureur de la République, par ordonnance du président du tribunal de grande
instance où le tribunal d'assises a son siège.
«
Art. 231-6
. - Le rôle de chaque session est arrêté par le président
du tribunal d'assises, sur proposition du ministère public.
«
Art. 231-7
. - Le greffier du tribunal d'assises avise l'accusé de la
date à laquelle celui-ci doit comparaître.
« Chapitre III
« De la composition du tribunal d'assises
«
Art. 231-8
. - Le tribunal d'assises comprend des magistrats
professionnels qui composent le tribunal proprement dit et le jury.
«
Art. 231-9
. - Les fonctions du ministère public y sont exercées dans
les conditions définies à l'article 39.
« Toutefois, le procureur général peut déléguer tout magistrat du ministère
public du ressort de la cour d'appel auprès des tribunaux d'assises institués
dans ce ressort.
«
Art. 231-10
. - Le tribunal d'assises est, à l'audience, assisté d'un
greffier.
« Les fonctions du greffe sont exercées par un greffier en chef ou un greffier
du tribunal de grande instance.
« Section 1
« Du tribunal
«
Art. 231-11
. - Le tribunal proprement dit comprend le président et
les assesseurs.
« Paragraphe 1
« Du président
«
Art. 231-12
. - Le tribunal d'assises est présidé par un magistrat de
l'un des tribunaux de grande instance du département exerçant des fonctions de
président, premier vice-président ou de vice-président.
« Le tribunal d'assises peut également être présidé par un magistrat de la
cour d'appel.
«
Art. 231-13
. - Aux termes d'une ordonnance annuelle qui organise le
service de la juridiction, le premier président, après avis des présidents des
tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, désigne le
président du tribunal d'assises ainsi que le ou les magistrats qui seront
appelés à le suppléer en cas d'empêchement. En cas d'empêchement d'un magistrat
désigné, cette ordonnance peut être modifiée en cours d'année.
« Paragraphe 2
« Des assesseurs
«
Art. 231-14
. - Aux termes de l'ordonnance annuelle prévue par
l'article 231-13, le premier président de la cour d'appel désigne, après avis
des présidents des tribunaux de grande instance de son ressort, les assesseurs
du tribunal d'assises pour chaque tribunal d'assises et, pour chaque trimestre,
pour l'ensemble des sessions susceptibles d'être tenues au cours de ce
trimestre ainsi que pour l'application des dispositions de l'article 231-36. Le
premier président peut établir à cette fin un tableau de roulement.
«
Art. 231-15
. - Les assesseurs du tribunal d'assises sont au nombre de
deux.
« Toutefois, à la demande du président du tribunal d'assises, le premier
président peut leur adjoindre un ou plusieurs assesseurs supplémentaires, si la
durée ou l'importance de la session rendent cette mesure nécessaire.
« Lorsque la session est ouverte, le président du tribunal d'assises peut,
s'il y a lieu, désigner un ou plusieurs assesseurs supplémentaires.
« Les assesseurs supplémentaires siègent aux audiences. Ils ne prennent part
aux délibérations qu'en cas d'empêchement d'un assesseur titulaire, constaté
par ordonnance motivée du président du tribunal d'assises.
«
Art. 231-16
. - Les assesseurs du tribunal d'assises sont choisis
parmi les magistrats du siège des tribunaux de grande instance du département
où siège le tribunal d'assises.
« Ils peuvent être également choisis parmi les magistrats du siège des autres
tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, ainsi que parmi les
juges placés, dans les cas visés aux premier et deuxième alinéas de l'article
3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique
relative au statut de la magistrature.
«
Art. 231-17
. - En cas d'empêchement survenu avant l'ouverture de la
session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du premier président.
« Si l'empêchement survient au cours d'une session, les assesseurs sont
remplacés par ordonnance du président du tribunal de grande instance où est
situé le tribunal d'assises et choisis parmi les magistrats du siège de ce
tribunal de grande instance.
« Paragraphe 3
« Dispositions communes
«
Art. 231-18
. - Ne peuvent faire partie du tribunal en qualité de
président ou d'assesseurs les magistrats qui, dans l'affaire soumise au
tribunal, ont, soit accompli un acte de poursuite ou d'instruction, soit
participé à la décision de mise en accusation, à une décision relative au
contentieux des nullités ou à une décision sur le fond relative à la
culpabilité de l'accusé.
« Ne peuvent également faire partie du tribunal en qualité de président et
d'assesseurs les magistrats qui, dans l'affaire soumise au tribunal, ont
participé à une décision relative à la détention provisoire, à l'exception de
celles prévues aux articles 148-1 et 231-36 lorsqu'ils ont statué en tant que
membres du tribunal d'assises.
«
Art. 231-19
. - Les désignations prévues à la présente section sont
des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.
« Section 2
« Du jury
«
Art. 231-20
. - Le jury est composé de citoyens désignés conformément
aux dispositions des articles suivants.
« Paragraphe 1
« Des conditions d'aptitude aux fonctions de juré
«
Art. 231-21
. - Peuvent seuls remplir les fonctions de juré les
citoyens âgés de plus de dix-huit ans, sachant lire et écrire le français,
jouissant des droits civiques, civils et de famille, inscrits sur les listes
électorales d'une commune située dans le ressort du tribunal d'assises, et ne
se trouvant dans aucun des cas d'incapacité ou d'incompatibilité énumérés par
les deux articles suivants.
«
Art. 231-22
. - Sont incapables d'être jurés :
« 1° Les personnes ayant été condamnées pour crime ou pour délit ;
« 2° Les personnes qui, en matière criminelle, font l'objet de poursuites ou
qui sont sous mandat de dépôt ou d'arrêt ;
« 3° Les agents publics révoqués de leurs fonctions ;
« 4° Les officiers ministériels destitués et les membres des ordres
professionnels frappés d'une interdiction définitive d'exercer par une décision
juridictionnelle ;
« 5° Les personnes à l'égard desquelles ont été prononcées la faillite
personnelle ou l'interdiction de gérer et qui n'ont pas été réhabilitées ;
« 6° Les personnes auxquelles il est interdit d'exercer une fonction
juridictionnelle en application de l'article 131-26 du code pénal ;
« 7° Les majeurs sous sauvegarde de justice, les majeurs en tutelle, les
majeurs en curatelle et ceux qui, en application des dispositions du code de la
santé publique, sont hospitalisés sans leur consentement dans un établissement
accueillant les malades atteints de troubles mentaux.
«
Art. 231-23
. - Les fonctions de juré sont incompatibles avec celles
qui sont énumérées ci-après :
« 1° Membre du Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du
Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique et social ;
« 2° Membre du Conseil d'Etat, magistrat de la Cour des comptes et des
chambres régionales des comptes, magistrat de l'ordre judiciaire, membre du
corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel,
magistrat des tribunaux de commerce, assesseur des tribunaux paritaires de baux
ruraux et conseiller prud'homme ;
« 3° Secrétaire général du Gouvernement ou d'un ministère, directeur
d'administration centrale, membre du corps préfectoral ;
« 4° Militaire ou fonctionnaire des services de police nationale ou municipale
ou de l'administration pénitentiaire, en activité de service.
«
Art. 231-24
. - Sont dispensées des fonctions de juré auprès du
tribunal d'assises les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou n'ayant
pas leur résidence principale dans le département siège du tribunal d'assises
lorsqu'elles en font la demande à la commission prévue par l'article 231-30.
« Peuvent, en outre, être dispensées de ces fonctions les personnes qui
invoquent un motif grave reconnu valable par la commission.
«
Art. 231-25
. - Sont exclus ou rayés de la liste annuelle des jurés du
tribunal d'assises et de la liste spéciale des jurés suppléants ceux qui ont
rempli, depuis moins de cinq ans, les fonctions de juré auprès du tribunal
d'assises du département ou de la cour d'assises compétente pour juger en appel
les décisions de ce tribunal.
« La commission prévue à l'article 231-30 peut également exclure les personnes
qui, pour un motif grave, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions
de juré.
« L'inobservation des dispositions du présent article et de l'article
précédent n'entache d'aucune nullité la formation du jury.
« Paragraphe 2
« De la formation du jury
«
Art. 231-26
. - Il est établi, annuellement, dans le ressort de chaque
tribunal d'assises une liste du jury criminel pour le tribunal d'assises.
«
Art. 231-27
. - Cette liste comprend, pour le tribunal d'assises de
Paris, neuf cents jurés et, pour les autres tribunaux d'assises, un juré pour
deux mille cinq cents habitants, sans toutefois que le nombre des jurés puisse
être inférieur à cent.
« Le nombre des jurés pour la liste annuelle est réparti proportionnellement
au tableau officiel de la population. Cette répartition est faite par commune
ou communes regroupées, par arrêté du préfet du département où le tribunal
d'assises a son siège, au mois d'avril de chaque année. A Paris, Lyon et
Marseille, elle est faite entre les arrondissements, par arrêté du préfet, au
mois de juin.
«
Art. 231-28
. - Dans chaque commune, le maire, en vue de dresser la
liste préparatoire de la liste annuelle, tire au sort publiquement et en
présence de deux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, à
partir de la liste électorale, un nombre de noms triple de celui fixé par
l'arrêté préfectoral pour la circonscription.
« Lorsque l'arrêté préfectoral de répartition a prévu un regroupement de
communes, le tirage au sort est effectué, dans les mêmes formes, par le maire
de la commune désignée dans l'arrêté du préfet. Il porte sur l'ensemble des
listes électorales des communes concernées.
« A Paris, Lyon et Marseille, le tirage au sort est effectué, dans chaque
arrondissement, par le maire de l'arrondissement, publiquement et en présence
de deux conseillers d'arrondissement désignés par le conseil
d'arrondissement.
«
Art. 231-29
. - La liste préparatoire doit être dressée en deux
originaux dont l'un est déposé à la mairie et, pour Paris, Lyon et Marseille, à
la mairie d'arrondissement, et l'autre transmis avant le 15 juillet au greffe
de la juridiction siège du tribunal d'assises.
« Le maire doit prévenir les personnes qui ont été tirées au sort. Il leur
demande de lui préciser leur profession. Il les avertit qu'elles ont la
possibilité de demander par lettre simple adressée avant le 1er septembre au
président de la commission prévue à l'article 231-30 le bénéfice des
dispositions de l'article 231-24.
« Le maire est tenu d'informer le greffier du tribunal d'assises des
inaptitudes légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23 qui, à sa
connaissance, frapperaient les personnes portées sur la liste préparatoire. Il
peut, en outre, présenter des observations sur le cas des personnes qui, pour
des motifs graves, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de
juré.
«
Art. 231-30
. - La liste annuelle est dressée au siège de chaque
tribunal d'assises par une commission présidée par le président du tribunal de
grande instance où le tribunal d'assises a son siège ou par un magistrat du
siège qu'il délègue.
« Cette commission comprend, outre son président :
« - trois magistrats du siège désignés chaque année par l'assemblée générale
du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises ;
« - le procureur de la République ou un magistrat du parquet qu'il délègue
;
« - le bâtonnier de l'ordre des avocats du tribunal de grande instance du lieu
où siège le tribunal d'assises, ou son représentant ;
« - cinq conseillers généraux désignés chaque année par le conseil général et,
à Paris, cinq conseillers désignés par le Conseil de Paris.
«
Art. 231-31
. - La commission se réunit sur la convocation de son
président au siège du tribunal d'assises, dans le courant du mois de septembre.
Son secrétariat est assuré par le greffier du tribunal d'assises.
« Elle exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions d'aptitude
légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23. Elle statue sur les
requêtes présentées en application de l'article 231-24. Sont également exclues
les personnes visées par le premier alinéa de l'article 231-25, ainsi que, le
cas échéant, celles visées par le deuxième alinéa de l'article 231-25.
« Les décisions de la commission sont prises à la majorité. En cas de partage,
la voix du président est prépondérante.
« La liste annuelle des jurés est établie par tirage au sort parmi les noms
qui n'ont pas été exclus.
« La liste est définitivement arrêtée dans l'ordre du tirage au sort, signée
séance tenante et déposée au greffe du tribunal de grande instance, siège du
tribunal d'assises.
«
Art. 231-32
. - Une liste spéciale de jurés suppléants est également
dressée chaque année par la commission, dans les conditions prévues à l'article
231-31, en dehors de la liste annuelle des jurés. Les jurés suppléants doivent
résider dans la ville siège du tribunal d'assises.
« Cette liste comprend, pour le tribunal d'assises de Paris, deux cents jurés
et, pour les autres tribunaux d'assises, un juré suppléant pour douze mille
habitants, sans toutefois que le nombre de jurés puisse être inférieur à
vingt.
«
Art. 231-33
. - La liste annuelle et la liste spéciale sont transmises
par le président de la commission au préfet du département où le tribunal
d'assises a son siège, qui les fait parvenir au maire de chaque commune et, à
Paris, Lyon et Marseille, au maire de chaque arrondissement.
« Le maire est tenu d'informer, dès qu'il en a connaissance, le président du
tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, des décès, des
incapacités ou des incompatibilités légales qui frapperaient les personnes dont
les noms sont portés sur ces listes. Le président du tribunal de grande
instance, siège du tribunal d'assises, ou le magistrat du siège qu'il délègue,
est habilité à retirer les noms de ces personnes de la liste annuelle et de la
liste spéciale.
«
Art. 231-34
. - Trente jours au moins avant l'ouverture de chaque
session, le président du tribunal de grande instance, siège du tribunal
d'assises, ou son délégué, tire au sort, en audience publique, sur la liste
annuelle, les noms de vingt jurés qui forment la liste de session. Il tire, en
outre, les noms de cinq jurés suppléants sur la liste spéciale.
« Si, parmi les noms tirés au sort, figurent ceux d'une ou de plusieurs
personnes décédées ou qui se révéleraient ne pas remplir les conditions
d'aptitude légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23 ou avoir
exercé les fonctions de juré auprès du tribunal d'assises ou de la cour
d'assises depuis moins de cinq ans, ces noms sont immédiatement remplacés sur
la liste de session et la liste des cinq jurés suppléants par les noms d'un ou
de plusieurs autres jurés désignés par le sort. Ils sont également retirés de
la liste annuelle ou de la liste spéciale par le président du tribunal de
grande instance, siège du tribunal d'assises, ou son délégué.
« Sont également remplacés sur la liste de session et sur la liste des cinq
jurés suppléants, dans le cas où ils sont tirés au sort, les noms des personnes
qui, dans l'année, ont satisfait aux réquisitions prescrites par les deuxième
et troisième alinéas de l'article 231-35.
«
Art. 231-35
. - Le greffier du tribunal d'assises notifie à chacun des
jurés l'extrait de la liste de session ou de la liste des dix jurés suppléants
le concernant quinze jours au moins avant le jour de l'ouverture de la
session.
« Ce jour est mentionné dans la notification, laquelle indique également la
durée prévisible de la session et contient convocation pour les jour et heure
indiqués sous les peines portées au présent code.
« A défaut de notification à personne, elle est faite à domicile ainsi qu'au
maire, qui est alors tenu d'en donner connaissance au juré désigné.
« Chapitre IV
« De la procédure préparatoire
aux audiences du tribunal d'assises
« Section 1
« Des actes obligatoires
«
Art. 231-36
. - A l'expiration du délai prévu au premier alinéa de
l'article 231-5, l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est
renvoyé devant le tribunal d'assises est immédiatement remis en liberté s'il
n'a pas comparu devant le tribunal.
« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de
ce délai, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue
conformément aux dispositions de l'article 144 et mentionnant les raisons qui
font obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des effets de
l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de quatre mois. La
comparution personnelle de l'accusé est de droit si celui-ci ou son avocat en
fait la demande.
« La prolongation prévue au précédent alinéa ne peut être renouvelée.
Toutefois, lorsqu'il est fait application des articles 231-52 et 231-56, elle
peut être renouvelée pour, chaque fois, une durée de quatre mois au plus et
selon les formalités prévues à l'alinéa précédent.
«
Art. 231-37
. - L'accusé qui se trouve en liberté doit se constituer
prisonnier au plus tard la veille de l'audience du tribunal d'assises. S'il est
placé sous contrôle judiciaire, celui-ci continue à produire ses effets jusqu'à
ce qu'il se constitue prisonnier.
« L'ordonnance de prise de corps est exécutée si, dûment convoqué au greffe du
tribunal d'assises et sans motif légitime d'excuse, l'accusé ne se présente pas
au jour fixé pour être interrogé par le président du tribunal. Il en est de
même dans le cas prévu à l'article 141-2.
«
Art. 231-38
. - Si l'accusé ne peut être saisi ou ne se présente pas,
il peut être jugé par défaut conformément aux dispositions des articles 627 et
suivants.
«
Art. 231-39
. - Si l'affaire ne doit pas être jugée au siège de la
juridiction au sein de laquelle l'instruction a été menée, le dossier de la
procédure est renvoyé par le procureur de la République au greffe du tribunal
de grande instance où siège le tribunal d'assises.
« Les pièces à conviction sont également transportées au greffe de ce
tribunal.
«
Art. 231-40
. - Le président du tribunal d'assises interroge l'accusé
à la maison d'arrêt.
« Si l'accusé est en liberté, il est procédé comme il est dit au deuxième
alinéa de l'article 231-37.
« Le président peut déléguer un de ses assesseurs afin de procéder à cet
interrogatoire.
« Il doit être fait appel à un interprète si l'accusé ne parle ou ne comprend
pas la langue française.
«
Art. 231-41
. - Le président interroge l'accusé sur son identité et
s'assure que celui-ci a reçu notification ou signification de la décision de
mise en accusation.
«
Art. 231-42
. - L'accusé est ensuite invité à choisir un avocat pour
l'assister dans sa défense.
« Si l'accusé ne choisit pas son avocat, le président ou son délégué lui en
désigne un d'office.
« Cette désignation est non avenue si, par la suite, l'accusé choisit un
avocat.
«
Art. 231-43
. - A titre exceptionnel, le président peut autoriser
l'accusé à prendre pour conseil un de ses parents ou amis.
«
Art. 231-44
. - L'accomplissement des formalités prescrites par les
articles 231-40 à 231-43 est constaté par un procès-verbal que signent le
président ou son délégué, le greffier, l'accusé et, s'il y a lieu,
l'interprète.
« Si l'accusé ne sait, ne peut ou ne veut signer, le procès-verbal en fait
mention.
«
Art. 231-45
. - Les débats ne peuvent s'ouvrir moins de cinq jours
après l'interrogatoire par le président du tribunal d'assises. L'accusé et son
avocat peuvent renoncer à ce délai.
«
Art. 231-46
. - L'accusé ne cesse pas de pouvoir communiquer librement
avec son avocat.
« L'avocat peut prendre sur place communication de toutes les pièces du
dossier sans que cette communication puisse provoquer un retard dans la marche
de la procédure.
«
Art. 231-47
. - Il est délivré gratuitement à chacun des accusés et
parties civiles copie des procès-verbaux constatant l'infraction, des
déclarations écrites des témoins et des rapports d'expertise.
«
Art. 231-48
. - L'accusé et la partie civile, ou leurs avocats,
peuvent prendre ou faire prendre copie, à leurs frais, de toutes pièces de la
procédure.
«
Art. 231-49
. - Le ministère public et la partie civile signifient à
l'accusé, l'accusé signifie au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie
civile, vingt-quatre heures au moins avant l'ouverture des débats, la liste des
personnes qu'ils désirent faire entendre en qualité de témoins. »
« Les noms des experts appelés à rendre compte des travaux dont ils ont été
chargés au cours de l'information doivent être signifiés dans les mêmes
conditions.
« L'exploit de signification doit mentionner les nom, prénoms, profession et
résidence ou domicile élu de ces témoins ou experts.
« Les citations faites à la requête des parties sont à leurs frais, ainsi que
les indemnités des témoins cités, s'ils en requièrent. Toutefois, le ministère
public est tenu de citer à sa requête les témoins, dont la liste lui a été
communiquée par les parties, cinq jours au moins avant l'ouverture des débats ;
cette liste ne peut comporter plus de cinq noms.
«
Art. 231-50
. - La liste des jurés de session telle qu'elle a été
arrêtée conformément aux prescriptions de l'article 231-34 est signifiée à
chaque accusé au plus tard l'avant-veille de l'ouverture des débats.
« Cette liste doit contenir des indications suffisantes pour permettre
l'identification des jurés, à l'exception de celles concernant leur domicile ou
résidence.
«
Art. 231-51
. - Les dispositions de la présente section, et notamment
celles de l'article 231-37, sont applicables à la personne renvoyée pour délit
connexe devant le tribunal d'assises.
« Si cette personne n'est pas détenue, le président peut la dispenser de se
constituer prisonnière la veille de l'audience. Il lui indique alors que faute
de se présenter devant le tribunal d'assises, elle sera jugée par défaut. Le
refus du président d'accorder cette dispense n'est pas susceptible de
recours.
« Section 2
« Des actes facultatifs ou exceptionnels
«
Art. 231-52
. - Le président, si l'instruction lui semble incomplète
ou si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, peut ordonner
tous actes d'information qu'il estime utiles.
« Il y est procédé soit par le président, soit par un des assesseurs ou un
juge d'instruction qu'il délègue à cette fin. Dans ce cas, les prescriptions du
chapitre Ier du titre III du livre Ier doivent être observées, à l'exception de
celles de l'article 167.
«
Art. 231-53
. - Les procès-verbaux et autres pièces ou documents
réunis au cours du supplément d'information sont déposés au greffe et joints au
dossier de la procédure.
« Ils sont mis à la disposition du ministère public et des parties qui sont
avisés de leur dépôt par les soins du greffier.
« Le procureur de la République peut, à tout moment, requérir communication de
la procédure à charge de rendre les pièces dans les vingt-quatre heures.
«
Art. 231-54
. - Lorsqu'à raison d'un même crime ou de crimes connexes,
plusieurs décisions de mise en accusation ont été rendues contre différents
accusés, le président peut, soit d'office, soit sur réquisitions du ministère
public, soit à la demande d'une des parties, ordonner la jonction des
procédures.
« Cette jonction peut également être ordonnée quand plusieurs décisions de
mise en accusation ont été rendues contre un même accusé pour des infractions
différentes.
«
Art. 231-55
. - Quand la décision de mise en accusation vise plusieurs
infractions non connexes, le président peut, soit d'office, soit sur
réquisitions du ministère public, soit à la demande d'une des parties, ordonner
que les accusés ne soient immédiatement jugés que sur l'une ou quelques-unes de
ces infractions.
«
Art. 231-56
. - Le président peut, soit d'office, soit sur
réquisitions du ministère public ou à la demande d'une partie, ordonner le
renvoi à une audience ou à une session ultérieures des affaires qui ne lui
paraissent pas en état d'être jugées.
« Chapitre V
« De l'ouverture des sessions
« Section 1
« De la révision de la liste du jury
«
Art. 231-57
. - Aux lieu, jour et heure fixés pour l'ouverture de la
session, le tribunal prend séance.
« Le greffier procède à l'appel des jurés inscrits sur la liste établie
conformément à l'article 231-34.
« Le tribunal statue sur le cas des jurés absents.
« Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a
été notifiée, ou qui, après avoir déféré à cette citation, se retire avant
l'expiration de ses fonctions, sans une excuse jugée valable par le tribunal,
encourt la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Il
encourt également la peine complémentaire d'interdiction, pour une durée de
cinq ans, des droits civiques. Ces peines peuvent être prononcées dans les
conditions prévues au titre VIII du livre IV. L'appel de cette condamnation est
porté devant la chambre des appels correctionnels.
«
Art. 231-58
. - Si, parmi les jurés présents, il en est qui ne
remplissent pas les conditions d'aptitude légales exigées par les articles
231-21, 231-22 et 231-23, le tribunal ordonne que leurs noms soient rayés de la
liste et adressés au président du tribunal de grande instance, siège du
tribunal d'assises, aux fins de radiation de la liste annuelle.
« Il en est de même en ce qui concerne les noms des jurés décédés.
« Sont également rayés de la liste de session, les noms des jurés qui se
révéleraient être conjoints, parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou de
neveu inclusivement d'un membre du tribunal ou de l'un des jurés présents
inscrits avant lui sur ladite liste. Il en est de même en ce qui concerne les
personnes vivant notoirement en situation maritale avec un membre du tribunal
ou l'un des jurés.
« Le tribunal s'assure effectivement que les jurés présents remplissent les
conditions d'aptitude légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et
231-23.
«
Art. 231-59
. - Si, en raison des absences ou à la suite des
radiations par le tribunal, il reste moins de douze jurés sur la liste de
session, ce nombre est complété par les jurés suppléants, suivant l'ordre de
leur inscription ; en cas d'insuffisance, par des jurés tirés au sort, en
audience publique, parmi les jurés inscrits sur la liste spéciale,
subsidiairement parmi les jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.
« Dans le cas où le tribunal d'assises tient audience dans un lieu autre que
celui où il siège habituellement, le nombre des jurés titulaires est complété
par un tirage au sort fait, en audience publique, parmi les jurés de la ville
inscrits sur la liste annuelle.
« Les noms des jurés suppléants, de ceux qui sont inscrits sur la liste
spéciale ainsi que les noms des jurés de la ville où le tribunal d'assises
tient audience, qui sont inscrits sur la liste annuelle, sont rayés des listes
dans les conditions prévues à l'article précédent.
«
Art. 231-60
. - L'ensemble des décisions du tribunal fait l'objet d'un
jugement motivé, le ministère public entendu.
« Ce jugement ne peut faire l'objet d'aucun recours.
«
Art. 231-61
. - Avant le jugement de chaque affaire, le tribunal
procède, s'il y a lieu, aux opérations prévues par les articles 231-57, 231-58
et 231-59. Le tribunal ordonne, en outre, que soient provisoirement retirés de
la liste, éventuellement modifiée, les noms des conjoints, parents et alliés
jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement de l'accusé, d'une partie
civile ou de leurs avocats, ainsi que les noms de ceux qui, dans l'affaire,
sont témoins, interprètes, dénonciateurs, experts, plaignants ou parties
civiles ou ont accompli un acte de police judiciaire ou d'instruction. Il en
est de même en ce qui concerne les noms de ceux qui vivent notoirement en
situation maritale avec l'accusé, une partie civile ou leurs avocats.
«
Art. 231-62
. - Tout jugement modifiant la composition de la liste de
session établie conformément à l'article 231-34 est porté, par les soins du
greffier, sans formalité, à la connaissance de l'accusé. Celui-ci ou son avocat
peut demander qu'un délai, qui ne pourra excéder une heure, soit observé avant
l'ouverture des débats.
« Section 2
« De la formation du jury de jugement
«
Art. 231-63
. - Au jour indiqué pour chaque affaire, le tribunal prend
séance et fait introduire l'accusé.
« Le jury de jugement est formé en audience publique.
« La présence de l'avocat de l'accusé n'est pas prescrite à peine de
nullité.
«
Art. 231-64
. - Le président demande à l'accusé ses nom, prénoms, date
et lieu de naissance, profession et résidence.
«
Art. 231-65
. - Le greffier fait l'appel des jurés non excusés.
« Une carte portant leur nom est déposée dans une urne.
«
Art. 231-66
. - Le jury de jugement est formé de cinq jurés.
« Le tribunal doit, par jugement, ordonner, avant le tirage de la liste des
jurés, qu'indépendamment des cinq jurés, il soit tiré au sort un ou plusieurs
jurés supplémentaires qui assistent aux débats.
« Dans le cas où l'un ou plusieurs des cinq jurés seraient empêchés de suivre
les débats jusqu'au prononcé du jugement du tribunal d'assises, ils sont
remplacés par les jurés supplémentaires.
« Le remplacement se fait suivant l'ordre dans lequel les jurés
supplémentaires ont été appelés par le sort.
«
Art. 231-67
. - L'accusé ou son avocat d'abord, le ministère public
ensuite, récusent tels jurés qu'ils jugent à propos, à mesure que leurs noms
sortent de l'urne, sauf la limitation exprimée à l'article 231-68.
« Ni l'accusé, ni son avocat, ni le ministère public ne peuvent exposer les
raisons de leur décision.
« Le jury de jugement est formé à l'instant où sont sortis de l'urne cinq noms
de jurés non récusés et les noms des jurés supplémentaires prévus par l'article
231-66.
«
Art. 231-68
. - L'accusé ne peut récuser plus de trois jurés, le
ministère public plus de deux.
«
Art. 231-69
. - S'il y a plusieurs accusés, ils peuvent se concerter
pour exercer leurs récusations ; ils peuvent les exercer séparément.
« Dans l'un et l'autre cas, ils ne peuvent excéder le nombre de récusations
déterminé pour un seul accusé.
«
Art. 231-70
. - Si les accusés ne se concertent pas pour récuser, le
sort règle entre eux le rang dans lequel ils font les récusations. Dans ce cas,
les jurés récusés par un seul, et dans cet ordre, le sont pour tous jusqu'à ce
que le nombre des récusations soit épuisé.
«
Art. 231-71
. - Les accusés peuvent se concerter pour exercer une
partie des récusations, sauf à exercer le surplus suivant le rang fixé par le
sort.
«
Art. 231-72
. - Le greffier dresse procès-verbal des opérations de
formation du jury de jugement.
«
Art. 231-73
. - Les jurés se placent dans l'ordre désigné par le sort,
aux côtés du tribunal, si la disposition des lieux le permet, et sinon sur des
sièges séparés du public, des parties et des témoins, en face de celui qui est
destiné à l'accusé.
«
Art. 231-74
. - Le président adresse aux jurés, debout et découverts,
le discours suivant : "Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention
la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre M., Mme, Mlle X...,
de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse,
ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre
déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou
l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le
doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de
défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec
l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de
conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos
fonctions."
« Chacun des jurés, appelé individuellement par le président, répond en levant
la main : "Je le jure".
« Le texte du discours est affiché en gros caractères dans le lieu le plus
apparent de la chambre des délibérations.
«
Art. 231-75
. - Le président déclare le jury définitivement
constitué.
« Chapitre VI
« Des débats
« Section 1
« Dispositions générales
«
Art. 231-76
. - Les débats sont publics, à moins que la publicité ne
risque de porter gravement atteinte à la dignité de la personne humaine ou à
l'ordre public. Dans ce cas, le tribunal prononce le huis clos par un jugement
rendu en audience publique qui ne peut faire l'objet d'un appel. »
« Le président peut, dans tous les cas, interdire l'accès de la salle
d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux.
« Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes
de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la
victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans
les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie
civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas.
« Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au prononcé des
jugements qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à
l'article 231-84.
« Le jugement sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.
«
Art. 231-77
. - Dès l'ouverture de l'audience, l'emploi de tout
appareil d'enregistrement ou de diffusion de l'image ou du son est interdit
sous peine d'une amende de 200 000 francs, qui peut être prononcée dans les
conditions prévues au titre VIII du livre IV.
« Toutefois, les débats du tribunal d'assises font l'objet d'un enregistrement
sonore intégral.
« Il est procédé à une transcription écrite de l'enregistrement aux frais de
la partie qui en fait la demande. Toutefois, lorsque le ministère public ou
l'accusé fait appel de la décision du tribunal d'assises, les frais de la
transcription sont à la charge de l'Etat.
« Le président peut faire établir des copies de ces enregistrements, aux fins
d'en faciliter la consultation. Les enregistrements sont placés sous scellés et
déposés au greffe du tribunal d'assises.
« Ces enregistrements peuvent être utilisés devant la cour d'assises en cas
d'appel ou devant la commission de révision ou la cour de révision. Dans ce
cas, les scellés sont ouverts par le président de la juridiction saisie ou par
un magistrat délégué par lui, en présence du condamné assisté de son avocat, ou
eux dûment appelés, ou en présence de l'une des personnes visées au 3° de
l'article 623, ou elles dûment appelées.
« Après présentation des scellés, le président ou son délégué fait procéder,
s'il y a lieu, par un expert à une transcription de l'enregistrement qui est
jointe au dossier de la procédure.
« Les dispositions ci-dessus ne sont pas prescrites à peine de nullité de la
procédure.
«
Art. 231-78
. - Le président a la police de l'audience et la direction
des débats.
« Il rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les
prolonger sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats.
« Il est habilité à prendre toutes les mesures utiles pour assurer l'ordre, la
sécurité et le calme des débats, aussi bien dans la salle d'audience que pour
les faits qui se produiraient à l'extérieur en rapport avec l'affaire, y
compris à demander le concours de la force publique.
« Il a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité de
l'accusé. L'avocat de l'accusé peut le lui rappeler à tout moment.
«
Art. 231-79
. - Le président peut prendre toutes mesures qu'il croit
utiles pour découvrir la vérité. Il peut, s'il l'estime opportun, saisir le
tribunal qui statue dans les conditions prévues à l'article 231-84.
« Il peut au cours des débats appeler et entendre toutes personnes ou se faire
apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraissent, d'après les développements
donnés à l'audience, utiles à la manifestation de la vérité. Il peut si
nécessaire ordonner que ces témoins soient amenés par la force publique.
« Les témoins ainsi appelés ne prêtent pas serment et leurs déclarations ne
sont considérées que comme renseignements.
«
Art. 231-80
. - Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, les
assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins,
aux experts et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au
président.
« Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion sur la culpabilité de
l'accusé.
«
Art. 231-81
. - Sous réserve des dispositions de l'article 231-78,
l'accusé et la partie civile peuvent poser des questions, par l'intermédiaire
du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la
barre.
« Sous les mêmes réserves, le ministère public et les conseils de l'accusé et
de la partie civile peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins et à
toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président.
«
Art. 231-82
. - Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes
les réquisitions qu'il juge utiles et sur lesquelles le tribunal est tenu de
statuer.
«
Art. 231-83
. - L'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent
déposer des conclusions sur lesquelles le tribunal est tenu de statuer.
«
Art. 231-83-1
. - Lorsqu'à l'audience, l'un des assistants trouble
l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion de
la salle d'audience. Si, au cours de l'exécution de cette mesure, il résiste à
cet ordre ou cause du tumulte, le tribunal peut, sur les réquisitions du
ministère public, le juger et le punir d'un emprisonnement de deux ans et le
placer sous mandat de dépôt, sans préjudice des peines portées au code pénal
contre les auteurs d'outrages et de violences envers les magistrats. L'appel de
cette condamnation est porté devant la chambre des appels correctionnels. Sur
l'ordre du président, il est alors contraint par la force publique de quitter
l'audience.
«
Art. 231-83-2
. - Pendant les débats, les magistrats et les jurés
peuvent prendre des notes.
«
Art. 231-84
. - Tous incidents contentieux sont réglés par le
tribunal, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus.
« Ces jugements ne peuvent préjuger du fond.
« Ceux visés à l'article 232-9 peuvent faire l'objet d'un appel.
«
Art. 231-85
. - Sont irrecevables les exceptions tirées d'une nullité
purgée par la décision de mise en accusation.
« A peine d'irrecevabilité, les exceptions de nullité concernant la procédure
antérieure à l'audience devant le tribunal d'assises, et notamment celles ayant
trait à la formation du jury, doivent être présentées dès que le jury de
jugement est définitivement constitué, avant la lecture de la décision de mise
en accusation.
« Dans le cas où l'ordonnance ou l'arrêt de mise en accusation n'a pas été
porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas,
par le quatrième alinéa de l'article 183 ou par l'article 217, ou si
l'ordonnance n'a pas été rendue conformément aux dispositions des articles 175
et 184, le tribunal d'assises renvoie la procédure au ministère public, pour
lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction, afin que la
procédure soit régularisée.
«
Art. 231-86
. - Les débats ne peuvent être interrompus et doivent
continuer jusqu'à ce que la cause soit terminée par le jugement du tribunal
d'assises.
« Ils peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges et
de l'accusé.
« Toutefois, le tribunal peut ordonner, d'office ou à la requête du ministère
public ou de l'une des parties, le renvoi de l'affaire à la prochaine
session.
« Section 2
« De la comparution de l'accusé
«
Art. 231-87
. - A l'audience, la présence d'un défenseur auprès de
l'accusé est obligatoire.
« Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 231-42 ne se
présente pas, le président en commet un d'office.
« Lorsque le défenseur de l'accusé n'est pas inscrit à un barreau, le
président l'informe qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou le respect
dû aux lois et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération.
«
Art. 231-88
. - L'accusé comparaît libre et seulement accompagné de
gardes pour l'empêcher de s'évader.
«
Art. 231-89
. - Si un accusé détenu refuse de comparaître, sommation
lui est faite au nom de la loi, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou
par l'huissier d'audience. Le cas échéant, la réponse de l'accusé est transmise
au président du tribunal.
«
Art. 231-90
. - Si l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le
président peut ordonner qu'il soit amené par la force devant le tribunal ; il
peut également, le cas échéant après lecture à l'audience des observations de
l'accusé, ordonner que, nonobstant son absence, les débats s'engagent.
« Si des jugements incidents sont rendus par le tribunal en l'absence de
l'accusé, ils lui sont notifiés par le chef de l'établissement pénitentiaire.
Ces jugements sont réputés contradictoires.
«
Art. 231-91. - Supprimé.
«
Art. 231-92
. - Si l'ordre est troublé par l'accusé lui-même, il lui
est fait application des dispositions de l'article 231-91.
« L'accusé, lorsqu'il est expulsé de la salle d'audience, est gardé par la
force publique à la disposition du tribunal. Après chaque audience, il lui est
donné lecture du procès verbal des débats par le greffier du tribunal
d'assises, qui lui remet copie des réquisitions du ministère public ainsi que
des jugements rendus par le tribunal, qui sont tous réputés contradictoires.
« Section 3
« De la production et de la discussion des preuves
«
Art. 231-93
. - Les infractions peuvent être établies par tout mode de
preuve, et les membres du tribunal d'assises décident d'après leur intime
conviction, en se fondant exclusivement sur les preuves qui sont apportées aux
cours des débats et discutées contradictoirement.
«
Art. 231-94
. - Le président ordonne à l'huissier de faire l'appel des
témoins cités par le ministère public, par l'accusé et la partie civile, dont
les noms ont été signifiés conformément aux prescriptions de l'article
231-49.
«
Art. 231-95
. - Le président ordonne aux témoins de se retirer dans la
chambre qui leur est destinée. Ils n'en sortent que pour déposer. Le président
prend, s'il en est besoin, toutes mesures utiles pour empêcher les témoins de
conférer entre eux avant leur déposition.
«
Art. 231-96
. - Lorsqu'un témoin cité ne comparaît pas, le tribunal
peut, sur réquisitions du ministère public ou même d'office, ordonner que ce
témoin soit immédiatement amené par la force publique devant le tribunal pour y
être entendu, ou renvoyer l'affaire à la prochaine session.
« Dans tous les cas, le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de
prêter serment, soit de faire sa déposition peut, sur réquisitions du ministère
public, être condamné par le tribunal à la peine d'amende prévue pour les
contraventions de la cinquième classe.
« Le témoin condamné peut interjeter appel de la condamnation dans les dix
jours du prononcé de celle-ci. S'il était défaillant, ce délai ne commence à
courir que du jour de la signification du jugement. L'appel est porté devant la
chambre d'appel de l'instruction.
«
Art. 231-97
. - Le président invite l'accusé à écouter avec attention
la lecture de la décision de mise en accusation.
« Il invite le greffier à lire cette décision.
«
Art. 231-98
. - Le président interroge l'accusé et reçoit ses
déclarations.
«
Art. 231-99
. - Les témoins appelés par le ministère public ou les
parties sont entendus dans le débat, même s'ils n'ont pas déposé à
l'instruction, ou s'ils n'ont pas été assignés, à condition que leurs noms
aient été signifiés conformément aux prescriptions de l'article 231-49.
«
Art. 231-100
. - Le ministère public et les parties peuvent s'opposer
à l'audition d'un témoin dont le nom ne leur aurait pas été signifié ou qui
leur aurait été irrégulièrement signifié.
« Le tribunal statue sur cette opposition.
« Si elle est reconnue fondée, ces témoins peuvent être entendus, à titre de
renseignements, en application des dispositions de l'article 231-79.
«
Art. 231-101
. - Les témoins déposent séparément l'un de l'autre, dans
l'ordre établi par le président.
« Les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leurs nom,
prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s'ils connaissaient
l'accusé avant les faits mentionnés dans la décision de mise en accusation,
s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à
quel degré. Le président leur demande encore s'ils ne vivent pas notoirement en
situation maritale avec l'un ou l'autre ou s'ils ne sont pas attachés au
service de l'un ou de l'autre. Le président peut dispenser un témoin de faire
connaître son domicile ou sa résidence.
« Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment de parler
sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. Cela
fait, les témoins déposent oralement.
« Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, les témoins ne sont pas
interrompus dans leur déposition.
« Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé,
soit sur sa personnalité et sur sa moralité.
«
Art. 231-102
. - Le serment prévu à l'article précédent est prescrit à
peine de nullité.
« Néanmoins, cette exception de nullité doit, à peine de forclusion, être
soulevée par le ministère public ou les parties avant la fin de l'audition du
témoin. Cet incident contentieux est réglé conformément aux dispositions de
l'article 231-84. Si la partie de l'audition réalisée sans prestation de
serment est annulée par le tribunal, le témoin peut être à nouveau interrogé
après avoir prêté serment. Il ne peut être entendu sans prêter serment en
application de l'article 231-79.
«
Art. 231-102-1
. - Les dispositions du second alinéa de l'article
231-102 sont applicables aux experts entendus en application de l'article
168.
«
Art. 231-103
. - Le témoin qui a prêté serment n'est pas tenu de le
renouveler, s'il est entendu à nouveau au cours des débats.
« Le président lui rappelle, s'il y a lieu, le serment qu'il a prêté.
«
Art. 231-104
. - Après chaque déposition, le président peut poser des
questions aux témoins.
« Le ministère public, ainsi que les avocats de l'accusé et de la partie
civile, l'accusé et la partie civile ont la même faculté, dans les conditions
déterminées à l'article 231-81.
«
Art. 231-105
. - Chaque témoin, après sa déposition, demeure dans la
salle d'audience, si le président n'en ordonne autrement, jusqu'à la clôture
des débats.
«
Art. 231-106
. - Ne peuvent être reçues sous la foi du serment les
dépositions :
« 1° Du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l'accusé, ou de l'un
des accusés présents et soumis au même débat ;
« 2° Du fils, de la fille ou de tout autre descendant ;
« 3° Des frères et soeurs ;
« 4° Des alliés aux mêmes degrés ;
« 5° Du mari ou de la femme, même après le divorce, ou de la personne qui vit
ou a vécu notoirement en situation maritale avec l'accusé ;
« 6° De la partie civile ;
« 7° Des enfants âgés de moins de seize ans.
«
Art. 231-107
. - Néanmoins, l'audition sous serment des personnes
désignées par l'article précédent n'entraîne pas nullité lorsque le ministère
public ni aucune des parties ne s'est opposé à la prestation de serment.
« En cas d'opposition du ministère public ou d'une ou plusieurs des parties,
le témoin peut être entendu, à titre de renseignements, en application des
dispositions de l'article 231-79.
«
Art. 231-108
. - La personne qui, agissant en vertu d'une obligation
légale ou de sa propre initiative, a porté les faits poursuivis à la
connaissance de la justice, est reçue en témoignage, mais le président en
avertit le tribunal d'assises.
« Celui dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la loi peut
être entendu en témoignage, à moins qu'il n'y ait opposition d'une des parties
ou du ministère public. En cas d'opposition, il peut être entendu, sans
prestation de serment, en application des dispositions de l'article 231-79.
«
Art. 231-109
. - Le ministère public, ainsi que la partie civile et
l'accusé, peuvent demander, et le président peut toujours ordonner, qu'un
témoin se retire momentanément de la salle d'audience, après sa déposition,
pour y être introduit et entendu s'il y a lieu après d'autres dépositions, avec
ou sans confrontation.
«
Art. 231-110
. - Le président peut, avant, pendant ou après l'audition
d'un témoin, faire retirer un ou plusieurs accusés, et les interroger
séparément sur quelques circonstances du procès ; mais il a soin de ne
reprendre la suite des débats qu'après avoir informé chaque accusé de ce qui
s'est fait en son absence et ce qui en est résulté.
«
Art. 231-111
. - Dans le cours ou à la suite des dépositions, le
président fait, s'il est nécessaire, présenter aux parties ou aux témoins les
pièces à conviction et reçoit leurs observations.
« Le président les fait aussi présenter, s'il y a lieu, aux assesseurs et aux
jurés.
«
Art. 231-112
. - Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin
paraît fausse, le président, soit d'office, soit à la requête du ministère
public ou d'une des parties, peut ordonner spécialement à ce témoin de demeurer
à la disposition du tribunal, qui l'entendra à nouveau s'il y a lieu.
« Si le jugement doit être rendu le jour même, le président peut également
faire garder ce témoin par la force publique dans ou hors la salle
d'audience.
« Après lecture du jugement sur le fond ou dans le cas de renvoi à une autre
session, le président ordonne sa conduite devant le procureur de la République
qui apprécie les suites à donner. Il est dressé par le greffier, à la demande
du président, un procès-verbal des faits et des dires d'où peut résulter le
faux témoignage. Ce procès-verbal ainsi que, le cas échéant, l'extrait du
procès verbal établi en application de l'article 231-115 sont transmis sans
délai au procureur de la République.
«
Art. 231-113
. - Dans le cas où l'accusé, la partie civile, les
témoins ou l'un d'eux ne parlent pas suffisamment la langue française ou s'il
est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président nomme
d'office un interprète, âgé de dix-huit ans au moins, et lui fait prêter
serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa
conscience.
« Le ministère public, l'accusé et la partie civile peuvent récuser
l'interprète en motivant leur récusation. Le tribunal se prononce sur cette
récusation. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours.
« L'interprète ne peut, même si l'accusé ou le ministère public y consentent,
être pris parmi les membres du tribunal d'assises, le greffier qui tient
l'audience, les parties et les témoins.
«
Art. 231-114
. - Si l'accusé est sourd-muet, le président nomme
d'office en qualité d'interprète la personne qui a le plus l'habitude de
converser avec lui.
« Il en est de même à l'égard de la partie civile ou du témoin sourd-muet.
« Les autres dispositions du précédent article sont applicables.
«
Art. 231-115
. - Le greffier du tribunal d'assises dresse, sous la
direction du président, un procès-verbal résumant le déroulement de la
procédure d'audience jusqu'au prononcé de la décision sur l'action publique.
« Ce procès-verbal mentionne l'identité des personnes entendues comme témoins
ou comme experts ou en application des dispositions de l'article 231-79. Les
jugements rendus sur des incidents contentieux y sont intégrés si ces jugements
ne font pas l'objet d'un acte distinct.
« A moins que le président n'en ordonne autrement, d'office ou à la requête du
ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des
réponses des accusés, ni du contenu des dépositions.
« Le procès-verbal est signé par le président et le greffier dans le délai de
trois jours au plus tard du prononcé de la décision.
« Les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de
nullité.
«
Art. 231-116
. - Une fois l'instruction à l'audience terminée, la
partie civile ou son avocat est entendu. Le ministère public prend ses
réquisitions.
« L'accusé et son avocat et, s'il y a lieu, la personne civilement
responsable, présentent leur défense.
« La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais
l'accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers.
« Section 4
« De la clôture des débats et de la lecture des questions
«
Art. 231-117
. - Le président déclare les débats terminés.
« Il ne peut résumer les moyens de l'accusation et de la défense.
«
Art. 231-118
. - Le président donne lecture des questions auxquelles
le tribunal et le jury ont à répondre. Cette lecture n'est pas obligatoire si
les questions sont posées dans les termes de la décision de mise en accusation
ou si l'accusé ou son défenseur y renonce.
«
Art. 231-119
. - Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit
: "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?".
« Une question est posée sur chaque fait spécifié dans la décision de mise en
accusation.
« Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.
« Une question distincte est également posée, lorsqu'elle est invoquée, sur
chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.
«
Art. 231-120
. - Lorsqu'est invoquée comme moyen de défense
l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les
articles 122-1 (premier alinéa), 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 (premier et second
alinéas) et 122-7 du code pénal, chaque fait spécifié dans le dispositif de la
décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions posées ainsi
qu'il suit :
« 1° "L'accusé a-t-il commis tel fait ?" ;
« 2° "L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité
pénale prévue par l'article... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement
responsable la personne qui... ?" .
« Le président peut, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question
concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à
l'accusé.
« Sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce, il est donné lecture des
questions posées en application du présent article.
«
Art. 231-121
. - S'il résulte des débats une ou plusieurs
circonstances aggravantes non mentionnées dans la décision de mise en
accusation, le président pose une ou plusieurs questions spéciales.
«
Art. 231-122
. - S'il résulte des débats que le fait comporte une
qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en
accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires.
«
Art. 231-123
. - S'il s'élève un incident contentieux au sujet des
questions le tribunal statue dans les conditions prévues à l'article 231-84.
«
Art. 231-124
. - Avant que le tribunal d'assises se retire, le
président donne connaissance des dispositions de l'article 231-93, qui sont
affichées en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des
délibérations.
«
Art. 231-125
. - Le président fait retirer l'accusé de la salle
d'audience.
« Il invite le chef du service d'ordre à faire garder les issues de la chambre
des délibérations, dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que
ce soit, sans autorisation du président.
« Le président déclare l'audience suspendue.
« Chapitre VII
« Du jugement
« Section 1
« De la délibération du tribunal d'assises
«
Art. 231-126
. - Les magistrats du tribunal et les jurés se retirent
dans la chambre des délibérations avec le dossier de la procédure. Celui-ci ne
peut être consulté au cours du délibéré que pour vérifier des éléments évoqués
au cours des débats.
« Les magistrats et les jurés ne peuvent sortir de la chambre des
délibérations qu'après avoir pris leurs décisions.
«
Art. 231-127
. - Le tribunal et le jury délibèrent puis votent par
bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal
d'abord et, s'il y a lieu, sur les causes d'irresponsabilité pénale, sur
chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires, et sur
chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de
la peine.
«
Art. 231-128
. - Chacun des magistrats et des jurés reçoit, à cet
effet, un bulletin ouvert, marqué du timbre du tribunal d'assises et portant
ces mots : "Sur mon honneur et en ma conscience, ma déclaration
est...".
« Il écrit à la suite ou fait écrire secrètement le mot :"oui" ou le
mot : "non" sur une table disposée de telle manière que personne ne
puisse voir le vote inscrit sur le bulletin. Il remet le bulletin écrit et
fermé au président, qui le dépose dans une urne destinée à cet usage.
«
Art. 231-129
. - Le président dépouille chaque scrutin en présence des
membres du tribunal et du jury qui peuvent vérifier les bulletins. Il constate
sur-le-champ le résultat du vote en marge ou à la suite de la question
résolue.
« Les bulletins blancs, ou déclarés nuls par la majorité, sont comptés comme
favorables à l'accusé.
« Immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin, les bulletins sont
détruits.
«
Art. 231-130
. - Toute décision défavorable à l'accusé, y compris
celle qui refuse, dans le cas prévu par l'article 231-120, l'application d'une
cause d'irresponsabilité pénale, se forme à la majorité de six voix au moins.
Cette majorité est constatée sans que le nombre de voix puisse être autrement
exprimé.
«
Art. 231-131
. - Au cas de contradiction entre deux ou plusieurs
réponses, le président peut faire procéder à un nouveau vote.
«
Art. 231-132
. - Si, lorsqu'il est fait application des dispositions
de l'article 231-120, le tribunal d'assises a répondu positivement à la
première question et négativement à la seconde question, il déclare l'accusé
coupable. S'il a répondu négativement à la première question ou positivement à
la seconde question, il déclare l'accusé non coupable.
«
Art. 231-133
. - En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le
président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et
132-24 du code pénal. Le tribunal d'assises délibère alors sans désemparer sur
l'application de la peine. Le vote a lieu ensuite séparément pour chaque
accusé.
« La décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants.
Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être
prononcé qu'à la majorité de six voix au moins. Si le maximum de la peine
encourue n'a pas obtenu la majorité de six voix, il ne peut être prononcé une
peine supérieure à trente ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue
est la réclusion criminelle à perpétuité et une peine supérieure à vingt ans de
réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans de réclusion
criminelle. Les mêmes règles sont applicables en cas de détention
criminelle.
« Si, après deux tours de scrutin, aucune peine n'a réuni la majorité des
suffrages, il est procédé à un troisième tour au cours duquel la peine la plus
forte proposée au tour précédent est écartée. Si, à ce troisième tour, aucune
peine n'a encore obtenu la majorité absolue des votes, il est procédé à un
quatrième tour et ainsi de suite, en continuant à écarter la peine la plus
forte, jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée.
« Lorsque le tribunal d'assises prononce une peine correctionnelle, il peut
ordonner à la majorité qu'il soit sursis à l'exécution de la peine avec ou sans
mise à l'épreuve.
« Le tribunal d'assises se prononce également, à la majorité absolue des
votants, sur la peine d'amende et les peines accessoires ou complémentaires.
«
Art. 231-134
. - Si le fait retenu contre l'accusé ne tombe pas ou ne
tombe plus sous l'application de la loi pénale, ou si l'accusé est déclaré non
coupable, le tribunal d'assises prononce l'acquittement de celui-ci.
« Si l'accusé bénéficie d'une cause d'exemption de peine, le tribunal
d'assises le déclare coupable et l'exempte de peine.
«
Art. 231-135
. - Mention des décisions prises est faite sur la feuille
de questions, qui est signée séance tenante par le président et par le premier
juré désigné par le sort ou, s'il ne peut ou ne veut signer, par le ou les
jurés suivants dans l'ordre où ils ont été désignés par le sort lors de la
formation du jury du jugement.
«
Art. 231-136
. - Les réponses du tribunal d'assises aux questions
posées sont irrévocables.
«
Art. 231-137. - Supprimé.
« Section 2
« De la décision sur l'action publique
«
Art. 231-138
. - Le tribunal d'assises rentre ensuite dans la salle
d'audience. Le président fait comparaître l'accusé, donne lecture des réponses
faites aux questions et prononce la décision portant condamnation, exemption de
peine ou acquittement.
« Au cas de condamnation ou d'exemption de peine, le jugement se prononce sur
la contrainte par corps.
«
Art. 231-139
. - Si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, s'il
est condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou s'il
est condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention
provisoire, il est mis immédiatement en liberté s'il n'est retenu pour autre
cause.
« Dans les autres cas, tant que le jugement n'est pas définitif et, le cas
échéant, pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à
exécution ou continue de produire ses effets, jusqu'à ce que la durée de
détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice des
dispositions de l'article 148-1.
« Le tribunal d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider que
l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution contre la personne
renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où le jugement est
rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement
et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11
du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision.
«
Art. 231-140
. - Aucune personne acquittée par un jugement du tribunal
d'assises devenu définitif ne peut plus être reprise ou accusée à raison des
mêmes faits, même sous une qualification différente.
«
Art. 231-141
. - Lorsque, dans le cours des débats, des charges sont
relevées contre l'accusé à raison d'autres faits, et lorsque le ministère
public a fait des réserves aux fins de poursuites, le président ordonne que
l'accusé acquitté soit, par la force publique, conduit sans délai devant le
procureur de la République du siège du tribunal d'assises qui apprécie les
suites à donner.
«
Art. 231-142
. - Après le prononcé de la décision, le président
avertit, s'il y a lieu, l'accusé de la faculté qui lui est accordée de faire
appel et lui fait connaître le délai de cet appel en lui précisant qu'il ne
commencera à courir qu'à compter de la notification du jugement motivé
effectuée conformément aux dispositions de l'article 231-156.
« Section 3
« De la décision sur l'action civile
«
Art. 231-143
. - Après que le tribunal d'assises s'est prononcé sur
l'action publique, le tribunal, sans l'assistance du jury, statue sur les
demandes en dommages-intérêts formées soit par la partie civile contre
l'accusé, soit par l'accusé acquitté contre la partie civile, les parties et le
ministère public ayant été entendus.
« Le tribunal peut commettre l'un de ses membres pour entendre les parties,
prendre connaissance des pièces et faire son rapport à l'audience, où les
parties peuvent encore présenter leurs observations et où le ministère public
est ensuite entendu.
« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 sont applicables.
«
Art. 231-144
. - La partie civile, dans le cas d'acquittement comme
dans celui d'exemption de peine, peut demander réparation du dommage résultant
de la faute de l'accusé, telle qu'elle résulte des faits qui sont l'objet de
l'accusation.
«
Art. 231-145
. - Le tribunal peut ordonner d'office la restitution des
objets placés sous la main de la justice. Toutefois, cette restitution n'est
effectuée qu'après que le jugement est devenu définitif.
« Le tribunal peut refuser la restitution lorsque celle-ci présente un danger
pour les personnes ou les biens.
«
Art. 231-146
. - Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer
à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par
l'État et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la
situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des
raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette
condamnation.
«
Art. 231-147
. - Le tribunal peut ordonner l'exécution provisoire de
sa décision, si celle-ci a été demandée, sans préjudice des dispositions de
l'article 232-8.
« Toutefois, l'exécution provisoire des mesures d'instruction prises en
matière civile est de droit.
«
Art. 231-148
. - La partie civile est assimilée au témoin en ce qui
concerne le paiement des indemnités, sauf décision contraire du tribunal.
«
Art. 231-149
. - Les personnes condamnées pour un même crime sont
tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts.
« Section 4
« Du jugement
«
Art. 231-150
. - Avant le prononcé de la décision en audience
publique, le président ou l'un des assesseurs par lui désigné met en forme les
raisons du jugement. A titre exceptionnel, si la complexité de l'affaire le
justifie, il peut être procédé à cette mise en forme dans un délai qui ne
saurait excéder quinze jours à compter du prononcé de la décision.
« Les raisons du jugement reprennent, pour chacun des faits reprochés à
l'accusé, le résumé des principaux arguments par lesquels le tribunal d'assises
s'est convaincu et qui ont été dégagés au cours de la délibération, ainsi que,
en cas de condamnation, les principaux éléments de fait et de personnalité
ayant justifié le choix de la peine.
«
Art. 231-151
. - Les raisons du jugement sont rédigées sur une feuille
annexée à la feuille des questions. Elle est signée par le président et le
premier juré désigné par le sort ou, si ce dernier ne peut ou ne veut signer,
par le ou les jurés suivants dans l'ordre où ils ont été désignés par le sort
lors de la formation du jury de jugement.
«
Art. 231-152
. - Le président informe les parties du délai dans lequel
les raisons du jugement seront mises en forme, sauf si celles-ci ont été
rédigées séance tenante.
«
Art. 231-153
. - Le jugement reproduit les raisons figurant sur la
feuille prévue par l'article 231-151, même si celle-ci n'a pas été signée par
le premier juré ou son remplaçant ; les textes de lois appliqués y sont
indiqués.
«
Art. 231-154
. - La minute du jugement rendu après délibération du
tribunal d'assises ainsi que la minute des jugements rendus par le tribunal
sans l'assistance du jury sont datées et mentionnent le nom des magistrats qui
l'ont rendu. La présence du ministère public et l'assistance du greffier à
l'audience doit y être constatée.
« Ces minutes sont signées par le président et le greffier. En cas
d'empêchement du président, mention est faite sur la minute qui est signée par
celui des magistrats qui donne lecture du jugement.
«
Art. 231-155
. - Les minutes des jugements rendus par le tribunal
d'assises sont réunies et déposées au greffe du tribunal de grande instance,
siège du tribunal d'assises.
«
Art. 231-156
. - Il est remis une expédition des jugements du tribunal
d'assises à l'accusé, au ministère public et à la partie civile.
« Cette remise est faite à l'accusé détenu par les soins du chef de
l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur de la
République, l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.
« Dans le cas contraire, elle est faite dans les formes prévues au titre IV du
présent livre. »
Sur l'article, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article
2 est la disposition clé du projet de loi puisqu'il organise le fonctionnement
du tribunal criminel.
C'est dans cet article que l'on trouve les dispositions aussi importantes que
l'abaissement de l'âge auquel on peut être juré, le nombre de jurés siégeant au
tribunal criminel, la motivation des décisions, la présence du dossier de
procédure en salle des délibérés, l'enregistrement des débats, etc.
Aussi est-il regrettable de ne disposer que de quelques minutes pour
intervenir sur cet article 2 qui traite de sujets aussi divers
qu'importants.
En examinant plus attentivement chacune des dispositions contenues dans cet
article, on peut légitimement s'interroger sur le risque d'une réelle remise en
cause de la souveraineté du jury populaire.
Ainsi, le fait qu'en première instance le tribunal soit composé de cinq jurés
seulement et de trois magistrats montre l'abaissement du rôle et des pouvoirs
des jurés entraînant
a contrario
un renforcement des pouvoirs des
magistrats.
La prise de décision à une majorité de six voix sur huit implique, en effet,
le vote favorable d'un magistrat professionnel pour emporter la décision, ce
qui, à l'évidence, fait disparaître la primauté du jury.
Il faut avoir en tête le fait que, même si, en appel, la cour est composée de
neuf jurés et de trois magistrats, cette cour sera, qu'on le veuille ou non,
influencée par la décision prise, en première instance, par le tribunal
criminel, dans lequel le poids des magistrats sera incontestable par rapport
aux jurés.
Par ailleurs, si aucune des parties ne fait appel, la décision de condamnation
de l'accusé aura été prise par cinq jurés, alors qu'actuellement le jury est
composé de neuf jurés.
Inversement, on peut supposer qu'un accusé condamné par un tribunal de cinq
jurés fera systématiquement appel pour être jugé par neuf jurés.
C'est pourquoi nous proposons, pour renforcer le poids des jurés par rapport
aux magistrats, un amendement portant à neuf le nombre de jurés présents en
première instance. Je reviendrai sur ce point le moment venu.
Une autre disposition participe à la remise en cause de la justice populaire :
il s'agit de la motivation des décisions.
Nous avons eu l'occasion d'évoquer cette question lors de la discussion
générale ; néanmoins, je souhaite y revenir, car elle soulève nombre de
problèmes.
Monsieur le garde des sceaux, même si vous avez renoncé à l'idée de faire
revenir un juré quinze jours plus tard et proposé de poser cinq conditions à
une motivation rendue en même temps que le verdict, nos inquiétudes
demeurent.
Nous estimons qu'il ne faut pas exiger d'un jury populaire une motivation de
ses décisions, car, représentant le peuple français et étant souverain, il n'a
pas à expliquer ses motivations. Le faire serait donc porter un coup à la
souveraineté populaire du jury, à son intime conviction, ainsi qu'au secret des
délibérations qui en découle.
D'une manière générale donc, le poids incontestable des magistrats qui
parviennent très souvent à emporter la décision qu'ils souhaitent, même quand
il y a neuf jurés, le rôle prépondérant dont ils disposent pendant l'audience
publique préparatoire à la délibération, le nombre insuffisant de jurés en
première instance la motivation des décisions nous portent à penser que la
réforme ainsi envisagée risque de renforcer l'influence des magistrats, non
seulement dans le cours des délibérations, mais aussi dans la décision qui sera
rendue, et ce bien évidemment au détriment d'un jury populaire, pourtant garant
d'une justice populaire.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, mais je tenais à préciser ces
idées générales, en préambule à l'étude de cet article.
ARTICLES 231 ET 231-1
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231 et 231-1 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-2 du
code de procédure pénale :
«
Art. 231-2.
- Le siège du tribunal d'assises est fixé par décret en
Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a considéré qu'il convenait de modifier cette
disposition pour assurer le respect du domaine réglementaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remettra sur cet amendement à la
sagesse du Sénat, mais non sans avoir, au préalable, explicité très clairement
ce que voulait dire son texte et ce qu'il veut dire en s'en remettant à la
sagesse du Sénat.
L'implantation des cours d'assises relève de la plus longue tradition et, en
particulier, de décisions qui ont été prises pendant le droit intermédiaire,
sous la Révolution.
Le principe veut, et nous souhaitons qu'il soit maintenu, que le tribunal
d'assises soit installé au chef-lieu du département, comme c'est d'ailleurs
très généralement le cas depuis deux cents ans, c'est-à-dire depuis la création
des départements.
Mais en même temps - c'est le sens du second alinéa du texte proposé pour
l'article 231-2 - nous voulons très clairement préciser que certaines
situations particulières doivent être prises en compte et éventuellement
maintenues. J'évoquerai pêle-mêle, et sans être exhaustif, Carpentras, dans le
Vaucluse, Douai, dans le Nord, Saintes, en Charente-Maritime, Saint-Omer dans
le Pas-de-Calais.
Pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui êtes les plus fidèles
représentants de nos terroirs, il y a là un symbole important. Si je m'en
remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, c'est que, dans
mon esprit, même si vous supprimez le premier alinéa du texte que je propose,
le pouvoir réglementaire conserve très clairement la possibilité de préserver
des situations qui, aujourd'hui, prévalent depuis des siècles et qui
constituent, dans un grand nombre de départements, un véritable patrimoine, une
véritable culture judiciaire que je ne crois pas utile de remettre en cause. En
tout cas, ce sera dans cet esprit que sera conçu le texte d'application de
cette loi.
L'amendement proposé par la commission, auquel je ne m'oppose pas, ne dit pas
le contraire mais il n'est pas aussi précis que le texte du Gouvernement. Je
tenais à le préciser pour ceux qui se pencheront plus tard sur nos travaux
préparatoires.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-2 du code de procédure pénale est donc
ainsi rédigé.
ARTICLE 231-3 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 231-3 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-4 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-4 du code de
procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Comme pour l'amendement précédent, la commission a considéré
que ces dispositions relevaient du domaine réglementaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-4 du code de procédure pénale est donc
supprimé.
ARTICLE 231-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit la première phrase du second alinéa du texte présenté par
l'article 2 pour l'article 231-5 du code de procédure pénale :
« Les sessions du tribunal d'assises sont organisées afin d'assurer pour
chaque affaire le respect du délai prévu par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet de loi
exige actuellement que des sessions aient lieu chaque fois qu'au moins une
affaire doit être jugée dans le délai légal. Ce faisant, il paraît
sous-entendre que certaines affaires pourraient ne pas être jugées dans ce
délai. Il n'en est évidemment pas question. Nous proposons une rédaction qui
lève toute ambiguïté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-5 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-6 ET 231-7
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-6 et 231-7 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-8 du code de
procédure pénale, de supprimer les mots : « des magistrats professionnels qui
composent ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer une précision inutile puisqu'il est
prévu plus loin dans le texte, précisément à l'article 231-11, que le tribunal
proprement dit comprend des magistrats.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat mais, un peu
dans le même esprit que tout à l'heure sur le texte proposé pour l'article
231-2, je précise que, s'agissant, je le rappelle, de la justice au sens plein
du terme, qui doit être la plus populaire possible, je ne suis pas sûr que
l'ellipse soit une bonne façon de rédiger les textes.
M. Jean-Jacques Hyest.
Le projet de loi lui-même est elliptique !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de proscrire,
avec l'Académie française, les redondances, mais ces dernières peuvent parfois
ne pas être inutiles dans la mesure où l'on peut espérer qu'une telle loi sera
lue et comprise par un vaste public.
Bien entendu, ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, ne change
aucunement le sens du projet de loi, mais peut-être une certaine insistance,
voire une certaine redondance, n'est-elle pas inutile dans un texte de ce
genre, et cette remarque vaudra pour d'autres amendements à venir.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-8 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-9 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de remplacer, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour
l'article 231-9 du code de procédure pénale, le mot : « y » par les mots : «
près le tribunal d'assises ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-9 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-10 À 231-17
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-10 à 231-17 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-18 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-18
du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « à l'exception de celles
prévues aux articles 148-1 et 231-36 » par le mot : « sauf ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer une énumération d'articles
inutile.
Le projet de loi prévoit logiquement que ne peuvent faire partie du tribunal
les magistrats qui ont participé « à une décision relative à la détention
provisoire, à l'exception de celles prévues aux articles 141-8 et 231-36
lorsqu'ils ont statué en tant que membres du tribunal d'assises ». Toutefois,
la commission estime qu'il est inutile de viser des articles précis, car on
risque d'en oublier. De même, si un jour on ajoutait un nouveau cas dans lequel
le tribunal d'assises serait appelé à se prononcer sur la détention provisoire,
on risquerait d'oublier d'opérer la coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-18 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-19 ET 231-20
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-19 et 231-20 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-21 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-21 du code de
procédure pénale, de remplacer les mots : « dix-huit ans » par les mots : «
vingt-trois ans ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Nous sommes ici à l'un des rendez-vous importants de ce
débat, puisqu'il s'agit de l'âge minimum requis pour être juré. Nous avons eu
hier, au cours de la discussion générale, un débat très ouvert sur cette
question. Je me suis exprimé en tant que rapporteur de la commission des lois
et je n'ai pas l'intention de reprendre les arguments que j'ai développés.
La commission a considéré que l'âge de vingt-trois ans, actuellement requis,
devait être maintenu. Certes, à dix-huit ans, on devient citoyen, on participe
à des élections, mais pas forcément à des fonctions électives. Juger un homme
accusé d'un crime exige une certaine maturité. C'est pourquoi, à la
quasi-unanimité de ses membres, pour ne pas dire à l'unanimité, la commission
des lois a pris le parti de remplacer les mots « dix-huit ans » par les mots «
vingt-trois ans » dans le texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-21
du code de procédure pénale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je me suis déjà longuement exprimé tant devant la
commission que dans la discussion générale, hier, ce qui me dispense de
reprendre maintenant mon argumentation.
Manifestement, deux « attitudes », c'est, je crois, le mot exact, s'opposent
sur ce point. Mais, comme ce n'est pas moi qui vote, c'est le vote de «
l'attitude » inverse de la mienne qui s'imposera !
(Sourires.)
Je suis donc défavorable à l'amendement qui consiste à revenir à l'âge de
vingt-trois ans.
Cela étant, il serait peut-être possible, au lieu de s'en tenir au choix entre
dix-huit ans et vingt-trois ans, d'ouvrir une voie intermédiaire en retenant
l'âge requis pour être élu conseiller municipal, qui est actuellement de vingt
et un ans, et en prévoyant que peuvent donc être tirées au sort en tant que
jurés sur la liste électorale - j'anticipe sur l'amendement suivant - les
personnes ayant plus de vingt et un ans, au lieu de dix-huit ans comme indiqué
dans le projet de loi.
Par ailleurs, nous pourrions prévoir des possibilités supplémentaires de
dispense pour ces jeunes jurés.
Le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement dans ce sens. Le Sénat va donc se
prononcer sur l'amendement n° 7, mais je précise mes propositions pour que,
dans la suite des débats, nous puissions éventuellement en tenir compte, étant
donné le vote qui a été émis par l'Assemblée nationale en première lecture et
compte tenu de celui que va vraisemblablement émettre le Sénat en première
lecture également.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 7, sous réserve des
propositions que je viens d'évoquer qui pourront être examinées
ultérieurement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Après une riche discussion, qui a reflété les interrogations et les
préoccupations de chacun, notre groupe a majoritairement décidé de voter les
amendements qui prévoient de fixer à vingt-trois ans l'âge minimum requis pour
devenir juré.
Plusieurs arguments s'opposent en effet à l'accession des plus jeunes à cette
fonction.
Premièrement, nous considérons que le traumatisme entraîné par la
participation en tant que juré à un procès d'assises peut être important, et ce
d'autant plus que la personnalité d'un jeune de dix-huit ans est encore en
pleine formation. Le juré, en tant qu'homme, engage en effet sa responsabilité
pour décider de l'avenir d'un autre homme.
Rappelons à cet égard qu'un jury d'assises peut décider l'emprisonnement d'un
homme ou d'une femme à perpétuité assorti d'une peine incompressible de trente
ans !
Chacun le sait ici, de telles décisions, qui sont pour l'instant sans appel,
ont parfois poursuivi, hanté, devrais-je dire, des jurés durant leur vie
entière.
Nous estimons donc qu'il n'est pas souhaitable d'exposer des jeunes à une
telle pression psychologique. Ils le refusent d'ailleurs eux-mêmes, dans un
grand nombre de cas, si l'on en croit les sondages effectués sur ce point.
Deuxièmement, nous estimons que, paradoxalement, fixer l'âge requis pour être
juré à dix-huit ans renforcera le rôle des magistrats professionnels, étant
donné les difficultés inévitables qu'auront les jeunes à se forger une
opinion.
Troisièmement, enfin, il sera très difficile de concilier la scolarité des
jeunes et la fonction de juré, laquelle peut, dans certains cas, exiger des
semaines de disponibilité.
Certes, l'accès à la citoyenneté dans sa plénitude nous paraît être un
argument fort en faveur de l'abaissement à dix-huit ans. Nous n'y sommes pas
insensibles,...
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je le vois !
M. Robert Pagès.
... loin s'en faut, car nous sommes aux côtés des jeunes...
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je n'en doute pas !
M. Robert Pagès.
... pour qu'ils accèdent aux droits qui sont les leurs, à savoir le droit à
l'éducation, au logement, à l'emploi.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Tellement à leurs côtés que vous allez voter contre
l'amendement !
M. Robert Pagès.
Laissez-moi aller jusqu'au bout de mon argumentation, monsieur le ministre !
Si vous êtes si agressif dès le début, qu'est-ce que cela va être par la suite
!
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Vous êtes objectifs, vous, les communistes !
M. Robert Pagès.
Monsieur le ministre, je vous ai fait part des interrogations de notre groupe.
Peut-être n'avez-vous pas senti la nuance, mais j'ai parlé de majorité dans mon
groupe, ce qui signifie qu'il y avait en son sein de fortes interrogations.
Vous nous avez assez souvent accusés de monolithisme pour écouter aujourd'hui
l'expression de nos nuances !
(M. le ministre rit.)
En l'occurrence, il s'agit d'une responsabilité terrible, qui engage
profondément la personnalité.
Pour l'instant, en l'attente, monsieur le ministre, de la suite du débat en
deuxième lecture, nous estimons qu'il est prématuré d'adopter le principe de
l'abaissement à dix-huit ans de l'âge requis pour être juré.
Nous nous réservons, toutefois, la possibilité de modifier notre attitude,
d'autant que des solutions intermédiaires nous ont été soumises, comme fixer
l'âge minimum à vingt et un ans ou offrir la possibilité aux jeunes de refuser
d'être désignés comme juré.
Pour l'instant, notre position est celle que j'ai dite. Mais puisque vous avez
vous-même ouvert des pistes de réflexion, vous nous permettrez d'être
éventuellement sensibles à vos propositions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-21 du code de
procédure pénale, de remplacer les mots : « les listes électorales » par les
mots : « la liste électorale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il n'y a qu'une liste électorale par commune. D'ailleurs, le
droit actuel, comme le futur article 231-28, emploie le singulier. La précision
est importante, car il pourrait y avoir, prochainement, une seconde liste
électorale propre aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.
L'emploi du pluriel pourrait ainsi faire accroire que les étrangers inscrits
sur cette seconde liste peuvent être jurés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-21 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-22 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 281, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 2 pour
l'article 231-22 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 153, Mme Borvo, M. Pagès et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, à la fin du deuxième alinéa (1°) du texte
présenté par l'article 2 pour l'article 231-22 du code de procédure pénale, de
supprimer les mots : « ou pour délit ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 281.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Le nouveau code pénal a supprimé les peines accessoires. Il
est donc inopportun de prévoir une incapacité automatique pour la fonction de
juré en cas de condamnation pénale. C'est pourquoi l'amendement vise à
supprimer cette incapacité.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 153.
M. Robert Pagès.
L'article 231-22 énumère les personnes incapables d'être juré.
Il opère un élargissement par rapport aux incapacités actuellement prévues par
l'article 256 du code de procédure pénale. En effet, désormais, les personnes
condamnées pour crime ou délit ne pourront pas être jurés.
Nous nous interrogeons, tout comme le rapporteur, sur l'opportunité d'étendre
l'incapacité à toutes les personnes condamnées pour délit.
Si le nouveau code pénal a supprimé la cause d'incapacité qui, auparavant,
touchait les personnes condamnées pour crime et celles qui étaient condamnées
pour délit à une amende supérieure à 500 francs, la juridiction peut néanmoins,
lorsque la loi le prévoit, prononcer une interdiction des droits civiques,
civils et de famille, qui porte notamment sur le droit d'exercer une fonction
juridictionnelle.
Dans ces conditions, est-il nécessaire de rétablir et de généraliser, comme
l'a souligné le rapporteur, une véritable peine accessoire en rendant
systématiquement incapable d'être juré toute personne condamnée pour délit, et
ce quelle que soit la gravité de son comportement, d'autant que les délits
peuvent recouvrir un champ très vaste d'infractions qui ne légitiment pas
nécessairement l'exclusion
a priori
d'un jury ?
C'est au tribunal correctionnel de joindre en peine complémentaire la
déchéance des droits civiques pour interdire à un condamné d'être, à l'avenir,
juré.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 153 ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Cet amendement est satisfait par l'amendement de la
commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 281 et 153 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements,
qui ont
grosso modo
le même objet, car il me paraît tout à fait
impossible, pour employer un mot totalement neutre, d'accepter que soit juré
une personne qui a été condamnée pour un crime ou pour un délit : la justice
rendue par les citoyens doit être rendue par des citoyens qui n'ont pas eu
affaire à la justice.
Cette précision a disparu en 1992. Elle a disparu par la volonté d'une
majorité qui, très clairement, voulait que l'on puisse éventuellement être juré
après avoir été condamné pour crime ou pour délit.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de rétablir cette interdiction, et je ne
vois pas comment la majorité de cette assemblée pourrait accepter de maintenir
le texte de 1992, qui, je le répète, permet à une personne condamnée pour crime
ou pour délit de siéger comme juré dans un tribunal d'assises ou une cour
d'assises.
Il y a là une impossibilité manifeste, et j'en appelle à la Haute Assemblée
pour accepter ce que propose le Gouvernement, à savoir rétablir la tradition
antérieure à 1992 et, donc - M. le rapporteur voudra bien m'en excuser -
repousser les deux amendements, ainsi que, ultérieurement, l'amendement du
groupe socialiste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comment pourrions-nous soutenir, demain,
que nous avons décidé que peuvent être jurés des hommes et des femmes qui ont
d'ores et déjà été condamnés pour crime ou pour délit, qui sont donc passés
eux-mêmes entre les mains de la justice, sachant qu'on va leur demander de
juger leurs pairs en conscience, avec la responsabilité éminente que cela
suppose et que vous avez tous parfaitement décrite ; hier, à cette tribune ?
M. le président.
Monsieur le ministre, pour la clarté du débat, je dois vous indiquer que je ne
suis saisi d'aucun amendement du groupe socialiste sur le texte proposé pour
cet article du code.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 281.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a peut-être eu un amendement du groupe socialiste, monsieur le garde des
sceaux, mais il a été retiré.
(M. le garde des sceaux s'esclaffe.)
Il n'y a pas de quoi rire !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Si, si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous voulons toutefois nous expliquer.
Monsieur le garde des sceaux, vous étiez député lorsque, ensemble, nous avons
adopté le nouveau code pénal.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'avoue que, dès lors, je suis étonné de votre indignation, car, lorsque nous
l'avons adopté, nous avons décidé qu'il n'y aurait plus de peine complémentaire
automatique, que celle-ci devait donc, dans chaque cas, être décidée par les
tribunaux.
Il y avait une logique à cela. Trop souvent, en effet, les malheureux
condamnés découvraient, des années après - personne ne leur avait dit, ni le
tribunal ni l'avocat, qui n'en savaient rien - qu'ils étaient frappés d'une
incapacité qu'ils ignoraient totalement.
Tel est donc le principe posé par le nouveau code pénal.
Monsieur le garde des sceaux, si vous envisagiez de demander que telle ou
telle question soit posée automatiquement au tribunal, je le concevrais.
J'observe toutefois que, actuellement, des élus qui sont condamnés - et parfois
lourdement - ne sont pas frappés d'inéligibilité par les tribunaux.
Personnellement, je le regrette. Mais c'est la conséquence du même principe
établi dans le code pénal.
Il y a une logique évidente dans les deux amendements qui nous sont proposés :
soit le code pénal reste ce qu'il est, soit vous nous en proposez une
modification, mais vous ne pouvez pas introduire une exception à la règle
générale qui veut qu'il n'y ait pas de peine complémentaire qui ne soit
prononcée par un tribunal.
J'ajoute que votre texte n'est pas satisfaisant, en dépit de votre vertueuse
indignation, car il n'y a aucune raison pour que celui qui va être condamné
pour blessures involontaires, par exemple, ce qui est un délit, ne puisse pas
être juré, n'est-il pas vrai ?
La navette vous permettra peut-être de réfléchir à l'ensemble du problème,
monsieur le garde des sceaux, et de nous proposer une solution acceptable.
Nous ne pouvons, en l'état, voter votre texte. En revanche, nous avons toutes
raisons de voter l'amendement de la commission.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il faut dépassionner un peu le débat !
(Sourires.)
L'article 132-21 du nouveau code pénal est ainsi conçu : « L'interdiction de
tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article
131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit
d'une condamnation pénale. »
Cela n'empêche nullement l'avocat général de refuser qu'un juré qui aurait
subi telle ou telle condamnation puisse siéger en tant que tel, en exerçant son
droit de récusation.
La circulaire d'application apporte une précision : « Enfin, il peut être
indiqué, s'agissant de la question des jurés d'assises, que rien n'interdit au
ministère public, dans l'hypothèse qui devrait demeurer très exceptionnelle où
une personne désignée comme juré aurait fait l'objet d'une condamnation pénale
pour des faits graves sans avoir été privée de ses droits civiques, d'user à
son encontre de son droit de récusation. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà !
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Tout à l'heure, a été évoqué le cas de la condamnation pour
blessures involontaires dans un accident de la route. L'auteur de ces blessures
involontaires doit-il être de plein droit et automatiquement déclaré incapable
d'être membre d'un jury d'assises ? Il convient, en fait, de laisser le
tribunal et le ministère public en décider.
Je comprends bien la réaction de M. le garde des sceaux, mais il m'apparaît
qu'il peut être remédié aux inconvénients qu'il a soulignés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Pour avoir participé, comme l'a dit M. Dreyfus-Schmidt,
à la discussion du nouveau code pénal et pour avoir moi-même proposé à cette
époque, en tant que député de l'opposition, un nouveau système de peine
accessoire et une modification du code pénal en ce sens, je suis mieux placé
que quiconque pour savoir quelle est la logique qui nous a conduits à exclure
l'automaticité des peines accessoires.
Mais, justement, je suis d'autant mieux placé, aujourd'hui, pour dire que, en
l'occurrence, il faut faire une exception. On a suffisamment insisté sur le
caractère extraordinaire, dans notre système judiciaire, du jury, pour que,
par-delà la logique juridique qu'a évoquée M. Dreyfus-Schmidt, par-delà le
droit de récusation, monsieur le rapporteur, on inscrive très clairement une
exception à la règle générale.
La règle générale, nous l'avons tous voulue. Elle a son mérite. Elle permet,
en particulier, au juge une modulation qui est tout à fait indispensable. En
revanche, dans le cas particulier et exceptionnel dont nous parlons, il faut
maintenir le lien entre la condamnation et l'impossibilité de siéger comme
juré.
Compte tenu de ces explications, je maintiens l'avis défavorable du
Gouvernement sur les deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et dans le cas de blessures involontaires ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, un cas a été évoqué hier
devant un tribunal du midi de la France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agissait d'un homicide involontaire.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Bien d'autres cas du même genre pourraient être cités,
monsieur Dreyfus-Schmidt. Je voudrais savoir, lorsqu'on essaie de lutter, comme
nous le faisons tous, pour la sécurité routière, s'il n'y a pas des blessures
ou des homicides involontaires qui méritent d'être stigmatisés. Bien sûr,
personne ne fait exprès de tuer quelqu'un en voiture. Et pourtant ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et d'autres, non ?
M. Jacques Larché,
président de la commission de lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je crois qu'en ce domaine il faut se garder
des exemples que l'on peut tirer de tel ou tel type de condamnation.
Quelle est la situation actuelle ? En 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat
ont voté un code pénal et ont réussi à le voter en termes conformes. Ce n'était
pas tellement évident à l'époque et, pour ma part, j'en garde quelques
souvenirs, notamment car j'ai considéré que le travail accompli avait été
extrêmement constructif.
Le code pénal comporte un principe. Si ce principe aboutit à des conséquences
particulièrement fâcheuses, une procédure est prévue par circulaire.
Le principe et la circulaire d'application sont en vigueur depuis 1994,
c'est-à-dire depuis pratiquement trois ans maintenant. Je pose la question
suivante : y a-t-il eu des circonstances telles que cette règle soit apparue
comme scandaleuse et qu'elle nécessite de remettre en cause, même
partiellement, un point particulier du code pénal que nous avons adopté ?
Nous sommes partisans de la stabilité législative. Or nous adoptons
quelquefois des règles dont les modalités d'application posent des questions de
principe. Evitons donc de remettre en cause les principes si cela ne relève pas
d'une nécessité particulièrement impérieuse.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je souhaite donner une autre précision à nos collègues.
Dans le prolongement du vote du nouveau code pénal, la loi du 16 décembre 1992
avait modifié le texte de l'article 256 du code de procédure pénale concernant
la formation du jury pour supprimer l'incapacité que le projet de loi vise
aujourd'hui à rétablir.
M. Pierre Fauchon.
Bien sûr !
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il est donc parfaitement clair que, dans la logique du
nouveau code pénal, l'abrogation s'imposait.
Aujourd'hui, ce que la commission des lois demande, c'est la conséquence de
l'application du nouveau code pénal.
Je comprends très bien les protestations de M. le garde des sceaux, mais il
reste quand même des facultés de récuser ou d'empêcher de siéger comme juré une
personne qui a été condamnée pour un délit mettant en cause son honnêteté.
Loin d'innover, nous nous contentons de tirer les conséquences déjà consacrées
par le législateur lors de l'adoption du nouveau code pénal.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 281.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je poserai simplement une question à M. le garde des sceaux dans le cadre de
cet intéressant débat. Pour être fonctionnaire ou agent public, faut-il n'avoir
été condamné pour aucun délit ? Ce n'est pas aussi simple parce qu'on peut être
fonctionnaire ou agent public en ayant été condamné pour certains délits mais
qui ne figurent pas au nombre de ceux qui vous privent des droits civiques et
civils.
Paradoxalement, un magistrat professionnel, qui aurait pu être condamné pour
un délit mineur ne mettant pas en cause son honorabilité, pourra continuer à
sièger. Il ne sera pas destitué pour autant. Une multitude de fonctionnaires
ont certes été condamnés pour des délits mais qui ne sont pas considérés comme
graves et qui ne leur retirent pas le droit d'être fonctionnaire.
A mon avis, le débat est tranché.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Notre collègue, M. Hyest, a exprimé très exactement la précision que je
voulais apporter.
Je résume la situation : il s'agit ici de délits en général. Très franchement,
lorsque nous avions essayé de dresser l'inventaire du nombre d'infractions
qualifiées de délit dans le droit français actuel, je parle là de catégories
spéciales, les infractions financières, douanières ou fiscales, les infractions
en matière de construction et en matière privée, c'est par milliers qu'il
fallait les compter. Ici, il faut donc se garder de changer ce qui a été
justement posé comme principe au moment du vote du nouveau code pénal.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 281, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 153 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-22 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-23 A 231-27
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-23 à 231-27 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-28 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
231-28 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la constitution de cette liste préparatoire, ne sont pas retenues les
personnes qui n'auront pas atteint l'âge de vingt-trois ans au cours de l'année
civile qui suit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination relatif à l'âge des
jurés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Défavorable, mais c'est de la coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-28 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-29 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 231-29 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-30 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
231-30 du code de procédure pénale, après les mots : « procureur de la
République » d'insérer les mots : « du tribunal de grande instance du lieu où
siège le tribunal d'assises ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision : il peut y avoir
plusieurs tribunaux de grande instance, et donc plusieurs procureurs de la
République dans un département.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-30 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-31 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 2
pour l'article 231-31 du code de procédure pénale, après les mots : « En cas de
partage » d'insérer les mots : « égal des voix ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'une précision rédactionnelle. Moi-même,
d'ailleurs, au cours de ma carrière d'avocat, je ne m'étais pas ému de la
notion de partage, mais je crois qu'aujourd'hui il faut bien préciser qu'il
s'agit du partage égal des voix avec ses conséquences. Il y a toujours partage
des voix, mais l'alinéa en question vise l'hypothèse particulière du partage
égal. Il faut le consacrer littéralement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a pas toujours partage, mais souvent partage.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat, d'autant plus que
l'amendement de la commission va dans le sens que je préconisais tout à
l'heure, c'est-à-dire rendre le texte le plus explicite possible. Toutefois, je
précise que depuis la plus haute antiquité, si j'ose dire, « partage » a
toujours voulu signifier « partage égal » dans les textes juridiques.
Néanmoins, il est bon que la commission élabore un texte que tout le monde
comprendra et non pas seulement ceux qui lisent le droit depuis la plus haute
antiquité.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-31 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-32 À 231-34
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-32 à 231-34 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-35 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-35
du code de procédure pénale, de remplacer le mot : « dix » par le mot : « cinq
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'une coordination émise par l'Assemblée
nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-35 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-36 À 231-46
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-36 à 231-46 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-47 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Jean-Marie Girault, au nom de la
commission.
L'amendement n° 154 est présenté par Mme Borvo et M. Pagès, les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour
l'article 231-47 du code de procédure pénale :
«
Art. 231-47
. - Il est délivré gratuitement à chacun des accusés et
parties civiles copie de toutes pièces de la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer la distinction, difficile en
pratique, entre les copies délivrées gratuitement et celles qui sont laissées
aux frais des parties. Il est donc proposé de délivrer « gratuitement à chacun
des accusés et parties civiles copie de toutes pièces de la procédure ».
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 154.
M. Robert Pagès.
Le nouvel article 231-47 du code de procédure pénale du projet de loi reprend
la rédaction de l'actuel article 279 à propos de la gratuité de la délivrance,
à chacun des accusés et parties civiles, des copies de procès-verbaux
constatant l'infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports
d'expertise.
S'agissant des autres pièces de la procédure, il est précisé dans le nouvel
article 231-48, lequel est l'ancien article 280, que l'accusé et la partie
civile ou leurs avocats peuvent en avoir copie à leurs frais. Comme le souligne
M. Jean-Marie Girault dans son rapport, « l'énumération des copies délivrées
gratuitement est limitative ».
« Ainsi, ne sont notamment pas concernés les procès-verbaux de descente sur
les lieux ou d'interrogatoire des personnes mises en examen, les lettres
écrites par des témoins au juge, ni le rapport de police résumant l'enquête.
»
D'une part, la distinction entre les pièces délivrées gratuitement et celles
qui sont laissées aux frais des parties est souvent difficile à effectuer,
comme l'a dit M. le rapporteur.
D'autre part, le fait que la liste des copies délivrées gratuitement soit
restreinte peut entraîner, dans certaines affaires où les dossiers comportent
énormément de feuilles ou documents, des coûts exorbitants pour les parties
lorsque ces copies sont à leur frais.
Ces frais s'ajoutent aux honoraires versés aux avocats et, souvent, l'accusé
ou la partie civile n'a pas les moyens financiers de supporter une telle
dépense.
C'est pourquoi nous préconisons par l'amendement n° 154 qu'une fois
l'instruction achevée les parties aient droit à la délivrance gratuite d'une
copie de toutes les pièces de la procédure.
Par voie de conséquence, l'amendement n° 155 que nous avons déposé et qui sera
examiné dans un instant vise à supprimer l'article 231-48 du code de procédure
pénale, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
La commission des lois, nous l'avons vu, a déposé un amendement allant dans le
même sens que le nôtre. Nous espérons que la Haute assemblée retiendra cette
proposition.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 154.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il est satisfait par l'amendement n° 13 de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 13 et 154
?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis favorable à ces amendements, mais je m'en
remets à la sagesse du Sénat en faisant observer qu'en pratique c'est
l'intégralité du dossier qui est remise en copie à l'accusé. En réalité, la
distinction que l'amendement n° 13 supprime n'existe pas en pratique, et la
totalité du dossier est remise en copie.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat, parce qu'en réalité cela consiste à
mettre en harmonie le droit avec les faits. Le problème avec le texte du
Gouvernement ne se serait pas posé davantage, mais autant inscrire dans la loi,
comme le demandent la commission et les membres du groupe communiste, la
pratique, c'est-à-dire la copie de la totalité du dossier.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 13 et 154.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous n'avons pas déposé d'amendement parce que la commission l'avait fait,
mais nous voudrions, avec beaucoup de modestie, rappeler que nous réclamions
cette disposition depuis longtemps. C'était notamment l'objet d'une proposition
de loi qui portait sur l'article 114 à titre principal et qui est venu en
discussion devant le Sénat. Or, celui-ci n'avait pas cru, à ce moment-là,
devoir retenir notre suggestion ; M. le garde des sceaux s'en souvient
certainement...
Il est vrai que depuis longtemps le dossier est remis dans son intégralité et
ce parce qu'il est plus rapide de photocopier l'ensemble d'un document que de
faire un tri entre les différentes pièces.
En outre, il était tout à fait injuste d'obliger les avocats commis d'office
qui ont besoin de l'intégralité du dossier à demander à leurs frais la copie
d'un certain nombre de pièces.
M. le garde des sceaux s'en rapporte à la sagesse du Sénat mais il avait, dans
un premier temps - et le premier mouvement est le bon - donné un avis favorable
sur ces amendements qui ont été présentés par la commission et par le groupe
communiste. je pense que tout le Sénat en sera d'accord. Comme le disait Edgar
Faure, c'est un grand tort d'avoir raison trop tôt.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 13 et 154 pour lesquels le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-47 du code de procédure pénale est donc
ainsi rédigé.
ARTICLE 231-48 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Jean-Marie Girault, au nom de la
commission.
L'amendement n° 155 est déposé par Mme Borvo et M. Pagès, les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le texte proposé par l'article 2 pour l'article
231-48 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 155.
M. Robert Pagès.
Cet amendement a le même objet que celui de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 155, acceptés par le
Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-48 du code de procédure pénale est donc
supprimé.
ARTICLES 231-49 ET 231-50
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-49 et 231-50 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-51 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 177, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer le texte présenté par l'article
2 pour l'article 231-51 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 15, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de modifier comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-51
du code de procédure pénale :
I. - Dans le premier alinéa, supprimer les mots : « , et notamment celles de
l'article 231-37, ».
II. - Au début du second alinéa, avant les mots : « Si cette personne »,
ajouter les mots : « Toutefois, par dérogation à l'article 231-37, ».
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 177.
M. Robert Badinter.
Il s'agit là de personnes qui sont renvoyées devant le tribunal d'assises non
parce qu'elles sont réputées accusées ou complices d'un crime, mais parce
qu'elles ont commis un délit connexe. Ce ne sont donc que des délinquants.
Toute personne qui doit comparaître devant une juridiction criminelle se
constitue prisonnière la veille ; elle est « prise de corps », et doit
rejoindre la maison d'arrêt la veille de sa comparution. Tel n'est jamais le
cas pour les prévenus devant un tribunal correctionnel.
En l'occurrence, les prévenus pour délits connexes ou devant un tribunal
correctionnel sont dans des situations pénalement identiques. Etre prévenu
d'avoir commis un délit ou un crime, cela n'a rien à voir. On veut pourtant
appliquer le régime qui, traditionnellement, n'a été réservé qu'à ceux qui sont
accusés d'avoir commis un crime dans les deux cas.
Il n'y a aucune raison, alors qu'on est présumé délinquant, d'être traité
comme si l'on était accusé d'être un criminel. C'est la raison pour laquelle il
nous est apparu qu'il fallait supprimer cette disposition, qui n'existe pas
actuellement, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais suscité la moindre
difficulté.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur
l'amendement n° 177 et pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
J'ai constaté lors des délibérations en commission des lois
que mon opposition personnelle à l'amendement n° 177 n'avait pas convaincu la
majorité de mes collègues. La commission a donc émis un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 15, il est d'ordre rédactionnel : le projet de loi
apporte une précision certes utile, mais au mauvais alinéa.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 177 et 15 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 de
la commission.
En ce qui concerne l'amendement n° 177, je partage l'opinion exprimée à titre
personnel par M. le rapporteur : j'y suis donc défavorable.
En effet, le texte proposé par le Gouvernement pour l'article 231-51 du code
de procédure pénale prévoit de réglementer le jugement des délits connexes,
afin d'éviter la désorganisation de l'audience de la juridiction criminelle. Il
est indispensable de maintenir la possibilité d'exercer une contrainte à
l'égard des auteurs de délits connexes, mais je souligne que celle-ci est
facultative. Cela est bien précisé, et le président du tribunal ou de la cour
d'assises peut dispenser de cette contrainte la personne renvoyée devant la
juridiction pour délit connexe.
Nombre de praticiens du droit demandent depuis de longues années que puisse
éventuellement être exercée cette contrainte. C'est pourquoi le Gouvernement a
introduit cette possibilité dans son texte.
C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il ne faut pas voter un amendement
tendant à supprimer ce qui, encore une fois, est une faculté et non pas une
obligation.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 177.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, nous en sommes bien d'accord, deux amendements sont en
discussion commune, et l'amendement n° 15, évidemment, sera sans objet dès lors
que l'amendement n° 177 aura été adopté !
Je ne comprends pas M. le garde des sceaux ! Il présente comme indispensable
le fait que quelqu'un devant passer devant le tribunal d'assises pour un délit
connexe à un crime - pour un délit, seulement un délit - soit mis en prison la
veille de l'audience. Si cette mesure était indispensable, la loi l'aurait
prévu depuis longtemps. Or, depuis que la loi est la loi, tel n'est pas le
cas.
La preuve est apportée par deux siècles d'application : cette mesure n'est pas
indispensable, c'est le moins que l'on puisse dire.
M. le garde des sceaux nous dit : « Ce n'est qu'une possibilité ». Une
disposition aurait pu prévoir à la rigueur le contraire, c'est-à-dire que le
président pourrait demander la détention la veille, la règle générale prévoyant
l'absence de détention. Mais un principe veut que les personnes qui sont dans
une même situation soient traitées de la même manière. Alors comment justifier
le fait que celui qui comparaît devant un tribunal correctionnel pour un délit
n'est jamais mis en prison la veille de sa comparution, alors que celui qui
aurait la malchance d'être accusé d'avoir commis un délit connexe à un crime -
mais qui n'a commis qu'un délit - et va comparaître devant une cour d'assises,
lui, pourrait être mis en prison la veille de l'audience ?
Ce n'est pas justifiable, ce n'est pas non plus constitutionnel, ce n'est en
tout cas sûrement pas indispensable puisque - je le répète - cela ne s'est
jamais fait et que, à notre connaissance, il n'y a jamais eu le moindre
incident.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-51 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-52 ET 231-53
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-52 et 231-53 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-54 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 178, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté
par l'article 2 pour l'article 231-54 du code de procédure pénale, de supprimer
les mots : « soit sur réquisition du ministère public, ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le texte actuel de l'article 285 du code de procédure pénale prévoit que le
président peut, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public,
ordonner la jonction des procédures.
Le texte qui nous est proposé pour l'article 231-54 reprend cette disposition
en ajoutant, après les mots : « soit sur réquisition du ministère public », les
mots : soit à la demande d'une des parties ».
Or, parmi les parties devant un tribunal criminel, il y a évidemment le
ministère public.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Puisque l'on prévoit la jonction à la demande de l'une des parties, il est
inutile de prévoir qu'elle peut intervenir sur réquisition du ministère
public.
Je dois à la vérité de dire que, dans les textes actuels, on trouve parfois la
formule figurant dans le texte qui nous est proposé. Il faudrait donc également
les corriger. En effet, il me paraît impossible de soutenir que le ministère
public n'est pas une partie.
Le ministère public est évidemment une partie. En tout cas, il serait bon
qu'on le considère comme tel. Je ne sais pas ce qu'on va me répondre, mais, par
ailleurs, nous avons déposé un amendement tendant à corriger, comme le disait
Moro-Gaffieri, l'erreur du menuisier !
(Sourires.)
et à ce que le
ministère public siège sur le parquet, puisqu'on appelle d'ailleurs le
ministère public « le parquet ». Il est en tout cas tout à fait normal qu'il
soit sur le même plan, c'est le cas de le dire, que les autres parties,
c'est-à-dire la défense et la partie civile.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission s'est montrée défavorable à cet amendement et
je pense que M. le garde des sceaux va émettre un avis défavorable et qu'ainsi
il développera les arguments justifiant cette position.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, le rapporteur avait bien présumé
de la position du Gouvernement, qui est défavorable.
Je me permets de faire part à la Haute Assemblée de la raison essentielle de
ce choix : dans la procédure pénale mais aussi dans la procédure civile telle
qu'elle est organisée aujourd'hui par le droit positif français, le ministère
public n'est pas une partie, il est le ministère public. Cela va peut-être
changer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voyez les propositions de la commission Truche !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il se peut qu'à l'occasion d'une réforme globale de la
procédure pénale ou d'un changement fondamental de la position du parquet au
sein de l'institution judiciaire, on envisage d'autres solutions. Et chacun
sait que celui qui vous parle n'est pas le dernier à penser qu'il faut, sur ces
sujets comme sur d'autres, faire preuve d'imagination et de courage
intellectuel.
Cela étant dit, aujourd'hui, il n'est pas possible d'écrire que le ministère
public, notamment devant la cour d'assises, est une partie comme les autres.
J'apporterai d'ailleurs à l'appui de mon propos un simple argument de texte
qui, je crois, est particulièrement frappant. L'article 316 du code de
procédure pénale, qui porte sur les incidents contentieux, précise : « Tous
incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties
ou leurs "avocats entendus" ». Cela montre bien qu'il existe une
distinction qui, pour des raisons de cohérence dans notre code de procédure
pénale, doit être conservée.
Pour toutes ces raisons, je suis donc, comme la commission, défavorable à
l'amendement n° 178.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 178.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le garde des sceaux, je voudrais vous remercier d'avoir rendu hommage
à notre imagination et à notre courage intellectuel. Mais pourquoi retarder
leurs effets ? Franchement, j'attends que vous me donniez un argument.
Vous vous rappelez sans doute que j'avais moi-même fait remarquer qu'il y a
dans les textes actuels des articles - peut-être d'ailleurs est-ce le même qui
avait attiré mon attention - où il est question du ministère public et des
parties. Mais sans doute cela provient-il d'une correction comme celle que vous
nous proposez d'apporter aujourd'hui. Il s'agit donc là d'un argument de texte
et non pas d'un argument de fond.
Or il est évident que dans un tribunal criminel - c'est d'ailleurs la même
chose devant n'importe quel tribunal - il y a plusieurs parties : le ministère
public, qui représente les intérêts de la société, la partie civile, qui
représente les intérêts de la victime, et la défense, qui représente les
intérêts de l'accusé. Toutes ces parties ont les mêmes droits !
Vous savez bien à cet égard que la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme prévoit qu'il y a égalité des armes entre les parties, ce qui
s'applique évidemment au ministère public. Il est donc évident que le ministère
public, dans une procédure pénale, est une partie.
Si vous n'avez pas d'autres arguments que ceux que vous m'avez opposés,
monsieur le ministre, faisons preuve ensemble d'imagination et de courage
intellectuel et acceptez notre amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 178, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-54 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-55 ET 231-56
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-55 et 231-56 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 321-57 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 179, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de remplacer la première phrase du quatrième
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-57 du code de
procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :
« Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a
été notifiée, encourt une peine de 10 000 francs d'amende. Cette peine est
portée à 30 000 francs d'amende et un mois d'emprisonnement lorsque celui-ci,
après avoir déféré à la citation, se retire avant l'expiration de ses
fonctions. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Jean-Marie Girault, au nom
de la commission.
L'amendement n° 16 tend :
I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article
2 pour l'article 231-57 du code de procédure pénale, à remplacer le mot : «
encourt » par les mots : « peut être condamné par le tribunal à ».
II. - En conséquence, à supprimer l'avant-dernière phrase du même alinéa.
L'amendement n° 17 a pour objet, à la fin de la première phrase du dernier
alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-57 du code de
procédure pénale, de remplacer les mots : « la peine d'amende prévue pour les
contraventions de la quatrième classe » par les mots : « une peine de 25 000
francs d'amende ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 179.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit de deux cas qui sont bien connus.
Le premier cas est celui de l'amende qui va être prononcée par le tribunal
criminel, de même qu'elle l'est aujourd'hui par la cour d'assises, contre un
juré qui, ou, d'une part, ne siège pas parce qu'il est malade, parce qu'un pneu
de son automobile peut avoir crevé, parce qu'il a décidé de ne pas venir ou,
d'autre part, décide de ne plus siéger alors qu'il a commencé à le faire.
Il est évident, à notre sens, que le second cas est singulièrement plus grave,
puisqu'il va obliger à recommencer les débats, voire à faire appel - si l'on a
pris la précaution d'en tirer un - à un juré supplémentaire, mais qui n'aura
pas suivi de la même manière les débats, ce qui va troubler ceux-ci,
contrairement à ce qui se produisait dans le premier exemple.
Il nous paraît indispensable de faire une différence entre les deux cas, entre
le juré qui est un insoumis, mais peut-être de manière involontaire, et le juré
qui est un déserteur, cette fois d'une manière volontaire.
Le texte actuel est le suivant : « Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas
déféré à la citation qui lui a été notifiée, est condamné par la cour - il
s'agissait de l'unique cour d'assises - à une amende, laquelle est, pour la
première fois, de 100 francs, la cour ayant la faculté de la réduire de moitié,
pour la seconde fois de 200 francs, et pour la troisième fois de 500 francs. »
Ce n'était évidemment pas assez cher !
Je poursuis ma lecture : « Les peines portées au présent article sont
applicables à tout juré qui, même ayant déféré à la citation, se retire avant
l'expiration de ses fonctions, sans une excuse jugée valable par la cour. »
Dans le texte actuel était prévu le même montant d'amende dans les deux cas,
c'est vrai ; mais, puisque nous en sommes à essayer d'améliorer les choses,
pourquoi ne pas les distinguer ? C'est ce que nous souhaitons. Dans le texte du
projet, il est proposé une amende de 50 000 francs. Bien sûr, c'est un maximum,
mais c'est tout de même beaucoup pour celui qui ne se présente pas.
Nous proposons, par l'amendement n° 179, que la peine d'amende soit de 10 000
francs si le juré n'a pas déféré à la citation sans motif légitime, et de 30
000 francs et un mois d'emprisonnement - car cela nous paraît là singulièrement
grave - si, après avoir déféré à la citation, il se retire avant l'expiration
de ses fonctions.
Telle est la philosophie et même la lettre de notre amendement n° 179.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 16 et 17,
et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 179.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
L'amendement n° 16 est un amendement de pure logique.
Le projet de loi prévoit que le juré défaillant peut-être condamné dans les
conditions prévues en cas d'infraction commise à l'audience. Cette procédure
est inapplicable à une personne qui est, par hypothèse, absente, qui n'est pas
à l'audience.
L'amendement n° 17 porte de 5 000 à 25 000 francs l'amende encourue par le
juré défaillant. Nous le proposons pour deux raisons.
La première est un souci de cohérence juridique. L'Assemblée nationale a prévu
la peine complémentaire de privation des droits civiques qui est en effet
particulièrement appropriée en l'espèce, puisque le juré défaillant manque à un
devoir civique. Mais c'est une peine correctionnelle ; il faut donc que
l'infraction soit un délit, ce qui suppose que l'amende encourue soit au moins
de 25 000 francs.
La seconde raison est que la peine soit adaptée à la gravité de l'infraction.
En effet, le juré défaillant, ce n'est pas seulement celui qui ne se présente
pas au début du procès ; c'est aussi celui qui déserte en cours du procès et
qui peut obliger à tout recommencer. Il faut absolument une sanction
véritablement dissuasive contre un tel comportement, même s'il n'est pas
question de prononcer systématiquement le maximum de la peine encourue.
La commission est défavorable à l'amendement n° 179 présenté par M.
Dreyfus-Schmidt. Elle a refusé de faire une distinction entre le juré insoumis
et le juré déserteur. Chacun encourt une peine d'amende de 25 000 francs au
maximum ; les juridictions décideront en fonction des circonstances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 179, 16 et 17 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 16
et 17 de la commission, et défavorable à l'amendement n° 179 présenté par le
groupe socialiste.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 179.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Bien entendu, on peut penser qu'une peine de 100 francs d'amende est quelque
peu dérisoire par rapport à la gravité de l'acte commis, c'est vrai. Mais il me
semble, qu'il s'agisse de l'amendement n° 179 dont il est question maintenant
ou de l'amendement n° 17 que nous voterons tout à l'heure, que le bond est tout
de même d'importance et qu'il représente une somme excessive !
Je sais bien qu'il s'agit d'un acte grave, mais on ne peut pas en préjuger les
raisons profondes. Le bond étant, selon nous, trop important, notre groupe
votera donc contre les amendements n°s 179 et 17.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 179, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-57 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-58 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
:
I. - Au début du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour
l'article 231-58 du code de procédure pénale, d'ajouter une phrase ainsi
rédigée :
« Le tribunal s'assure que les jurés présents remplissent effectivement les
conditions d'aptitudes légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et
231-23. »
II. - En conséquence :
A. - Dans cet alinéa, de remplacer les mots : « les conditions d'aptitudes
légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et 231-23 » par les mots ; «
ces conditions ».
B. - De supprimer le dernier alinéa dudit texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit de déplacer une disposition dans le projet de loi.
Il paraît logique de demander au tribunal de vérifier l'aptitude des jurés
avant de lui demander d'exclure ceux qui sont inaptes. L'Assemblée nationale a
inversé l'ordre des choses.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 180, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans la dernière phrase de l'avant-dernier
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-58 du code de
procédure pénale, de supprimer le mot : « notoirement ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous allons rencontrer à plusieurs reprises les mots « vivant notoirement en
situation maritale ». En l'occurrence, de quoi s'agit-il ?
L'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 231-58 se lit ainsi : «
Sont également rayés de la liste de session les noms des jurés qui se
révéleraient être conjoints, parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou de
neveu inclusivement... » - il faut lutter contre le népotisme ! - « ... d'un
membre du tribunal ou de l'un des jurés présents inscrits avant lui sur ladite
liste. »
Ce sont là exactement les termes, sinon qu'il est question de la cour et non
pas du tribunal, de l'actuel article 289 du code de procédure pénale.
Il est proposé dans le projet de loi - l'Assemblée nationale n'y a pas vu
malice - d'ajouter les mots : « Il en est de même en ce qui concerne les
personnes vivant notoirement en situation maritale avec un membre du tribunal
ou l'un des jurés. »
Ce terme « notoire » reviendra souvent. C'est une réminiscence de la vieille
formule de l'article 340 du code civil sur le concubinage notoire, et qui
concernait la recherche de paternité naturelle, dans ce cas, il était
parfaitement concevable que le concubinage soit notoire.
Il n'en va pas de même ici : il n'y a aucune raison que la situation maritale
soit notoire, c'est-à-dire connue de tous. Ce qui est important, c'est que la
situation existe. De surcroît, il s'agit non plus de « concubinage », mais de «
situation maritale ».
La notion de « situation maritale » suppose qu'elle soit évidemment connue,
qu'elle soit vécue au vu et au su de tout le monde. Autrement, ce n'est plus
une situation maritale. Par voie de conséquence, à quoi bon préciser qu'elle
doit être « notoire » ?
Nous vous demandons donc de supprimer l'adverbe « notoirement ». Il faut
d'ailleurs, autant que possible, supprimer les adverbes des textes de loi pour
en alléger la rédaction.
Encore une fois, il n'y a franchement aucune raison de maintenir ici ce terme.
D'ailleurs, dès lors que les personnes concernées vivent en situation maritale,
non seulement la situation est notoire, mais, de surcroît, cela constitue une
raison suffisante pour rayer l'intéressé de la liste des sessions, même si tout
le monde ne le sait pas.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Moi, je comprends très bien ce que veut dire cet
amendement, mais je me permets de dire qu'il est proprement absurde.
Comment pouvoir tirer une conséquence juridique telle que la récusation d'une
situation qui n'est pas connue ? Or, si elle n'est pas notoire, elle n'est pas
connue ! Si ces personnes ont tel ou tel comportement et que nul ne le sait,
comment pourra-t-on en tirer une conséquence, notamment les récuser ?
Il faut donc inscrire « notoirement », tout simplement parce que l'on ne peut
tirer de conséquences juridiques que d'une situation notoire, ce qui veut dire
connue...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
De tous !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je reprends là d'ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, la
notion qui figure dans le code civil, comme vous l'avez très bien dit tout à
l'heure.
Voilà donc la raison pour laquelle, si je comprends très bien les
raisonnements qui sont faits, il est clair que si l'on ne sait pas qu'une
situation existe on ne pourra pas en tirer les conséquences. Il est donc
évident que l'on ne peut tirer de conséquences que d'une situation qui est
notoirement celle que l'on veut récuser. Voilà pourquoi je suis défavorable à
cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 180.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le garde des sceaux, on vous aime bien, parce qu'on vous connaît
depuis longtemps. Mais, tout de même, vous maniez les adjectifs d'une manière
quelque peu choquante ! « Absurde » me paraît un adjectif un peu fort pour les
membres de la commission des lois qui, nombreux, ont adopté cet amendement !
C'est vous qui raisonnez par l'absurde !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non ! C'est bien absurde au sens de Ionesco !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais, pour pouvoir le faire, permettez-moi de vous dire que vous tronquez les
choses !
Il est vrai que si personne ne connaît la situation des intéressés on ne
pourra pas les récuser. Si je pouvais modifier l'objet de l'amendement - mais
on ne peut pas le faire -, j'écrirais : « même s'ils vivent en concubinage sans
que tous le sachent ». C'est suffisant pour qu'ils soient récusés. En effet,
contrairement à ce que vous dites et qui est « absurde »
(Oh ! sur les
travées du RPR)
- j'ai mis le qualificatif entre guillemets, vous l'avez
bien compris -,...
M. Emmanuel Hamel.
Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... « notoire » ne veut pas dire « connu », mais signifie « connu de tous
».
Or, s'il n'y a que peu de personnes qui connaissent la situation, ou même si
les intéressés le reconnaissent, cela suffit pour que le juré soit récusé.
Encore une fois, la commission a été unanime sur ce point.
Vous, vous estimez que c'est absurde pour donner plus de force à votre
proposition, qui elle-même ne tient pas. Il n'y a aucune raison - et nous
retrouverons l'expression en plusieurs endroits - de demander que la situation
véritable soit notoire. Pour que ce soit établi, il faut bien que quelqu'un le
sache ou que quelqu'un le reconnaisse. Dès lors que la situation maritale
existe, il y a lieu de ne pas faire figurer les intéressés sur la liste de
jurés.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je voudrais apporter une précision de texte.
L'article 434-1 du nouveau code pénal, qui, comme l'ont rappelé M.
Dreyfus-Schmidt ainsi que M. le président de la commission des lois, a fait
l'objet d'un large accord,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que vous remettiez en cause tout à l'heure !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... y compris de la part de M. Dreyfus-Schmidt,
l'article 434-1 relatif aux entraves à la justice précise : « le conjoint de
l'auteur ou du complice du crime ou la personne qui vit notoirement en
situation maritale avec lui... ». C'est, si j'ose dire, monsieur
Dreyfus-Schmidt, une notion bien connue de tous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour répondre à M. le ministre.
M. le président.
Non, monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis désolé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'en appelle à votre pouvoir discrétionnaire, monsieur le président !
M. le président.
Et si je n'ai pas envie d'en user ?
(Sourires.)
D'autres collègues de
votre groupe peuvent s'exprimer à votre place. Les précédents sont toujours
fâcheux, vous le savez bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Un mot seulement, monsieur le président ! Il faut modifier le code pénal !
M. le président.
A titre exceptionnel, je vous accorde la parole pour quinze secondes, monsieur
Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Merci, monsieur le président.
M. le garde des sceaux nous a dit tout à l'heure que pour ce qui figurait dans
le code pénal, il fallait faire une exception. Si des erreurs ont été commises,
ce n'est pas une oeuvre sacrée et donc intouchable, il faut évidemment y porter
remède !
Ce n'est pas un argument de dire qu'il faut s'en tenir à ce qui figure dans le
code pénal !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 180, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-58 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je demande une courte suspension
de séance.
M. le président.
Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures
vingt-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
5
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le médiateur de la République son rapport au
Président de la République et au Parlement pour l'année 1996.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
C'est un excellent rapport.
6
RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la réforme de la
procédure criminelle.
Dans la discussion des articles nous en sommes parvenus, au sein de l'article
2, aux articles 231-59 et 231-60 du code de procédure pénale.
ARTICLES 231-59 ET 231-60
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-59 et 231-60 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-61 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de modifier comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-61
du code de procédure pénale :
I. - Dans la deuxième phrase, de remplacer les mots : « de leurs avocats » par
les mots : « de l'avocat d'une partie ».
II. - A la fin de la dernière phrase, de remplacer les mots : « ou leurs
avocats » par les mots : « ou l'avocat d'une partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il s'agit
d'un amendement rédactionnel. En dépit de la libération des moeurs, il serait
extraordinaire qu'un jury vive notoirement en situation maritale avec plusieurs
avocats.
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
N'est-ce pas absurde ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce point de moeurs ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Il est favorable sur le point
de droit.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 181, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans la dernière phrase du texte présenté
par l'article 2 pour l'article 231-61 du code de procédure pénale, de supprimer
le mot : « notoirement ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous retirons cet amendement pour l'instant.
M. le président.
L'amendement n° 181 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-61 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-62 À 231-65
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-62 à 231-65 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-66 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 156, Mme Borvo, M. Pagès et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans les premier, deuxième et troisième
alinéas du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-66 du code de
procédure pénale, de remplacer le mot : « cinq » par le mot : « neuf ».
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Le texte proposé par le projet de loi pour l'article 231-66 du code de
procédure pénale est relatif à la composition du jury en première instance et
fixe à cinq le nombre de jurés, contre neuf pour le jury de l'actuelle cour
d'assises, selon l'article 296, actuellement en vigueur, du code procédure
pénale.
Le nombre de jurés composant le nouveau tribunal d'assises est très important
en ce qu'il déterminera le rapport entre les pouvoirs des jurés et ceux des
magistrats professionnels.
A l'évidence, limiter le nombre des jurés à cinq, face à trois magistrats,
renforce le poids de ces derniers et ne permet donc pas que soit respecté le
principe d'un véritable jury populaire.
Pour mémoire, je rappelle que ce dernier, jusqu'à ces dernières décennies,
siégeait hors de la présence des juges professionnels.
Par ailleurs, limiter à cinq le nombre des jurés pourrait laisser penser que
les jugements du tribunal criminel seraient moins importants et que le
véritable jury populaire serait uniquement celui de la cour d'appel d'assises,
ce qui pourrait entraîner de très nombreux appels.
Nous proposons donc que le nombre des jurés soit le même au sein du tribunal
criminel qu'au sein de la cour d'assises d'appel.
Nous ne faisons pas ici référence à l'appel tournant. Nous sommes en effet
d'accord pour instituer une différence entre les deux juridictions et conserver
une instance d'appel, la cour d'assises étant hiérarchiquement supérieure au
tribunal criminel.
Cette différence ne doit cependant pas s'exprimer de façon quantitative. Le
nombre de magistrats, lui, ne change d'ailleurs pas. Pourquoi, dans ce cas,
changer le nombre des jurés ?
La seule différence qui doit apparaître entre le tribunal criminel et la cour
d'appel d'assises doit résider dans le fait que ce seront des magistrats de
première instance qui siégeront dans le premier cas et des magistrats de rang
de cours d'appel dans le second.
Changer le nombre des jurés revient à porter atteinte au principe même du jury
populaire et, par là même, à la justice populaire, car l'abaissement du nombre
des jurés engendre un renforcement du rôle des magistrats, c'est
incontestable.
Ainsi, comme il faut une majorité de six voix sur huit pour emporter la
décision, force est de constater que cette disposition implique le vote
favorable d'un magistrat, ce qui fait disparaître la primauté du jury.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de conserver en première
instrance un nombre de jurés qui permette de redonner toute sa place au peuple
en matière de justice.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
On pourrait gloser longtemps encore sur le nombre des
jurés.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement dans la mesure où
neuf jurés, en première instance, c'est beaucoup, surtout si la majorité pour
condamner reste à six voix.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement ne glosera pas davantage. Il partage
l'avis de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 156.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Je souhaite intervenir de nouveau car les réponses qui m'ont été faites ne
vont pas au fond des choses.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Mais si !
M. Robert Pagès.
En fait je soupçonne que l'avis défavorable qui est émis sur mon amendement
est dicté par un souci d'économie de moyens. Mais neuf jurés au lieu de six,
cela ne doit pas représenter une dépense insurmontable ! Y a-t-il d'autres
raisons profondes à cette position ?
Ce nombre de neuf jurés avait-il été fixé de façon aléatoire, au hasard des
décisions ? Non, il devait correspondre à une nécessité, établir un équilibre.
Cette nécessité n'existerait-elle plus aujourd'hui ?
Voilà pourquoi il me semble opportun d'assurer l'égalité du nombre des jurés,
ce qui ne met pas en cause, bien entendu, la différence qui doit exister entre
les deux instances.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-66 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-67 À 231-73
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-67 à 231-73 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-74 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 182 rectifié, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par
l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale :
I. - Après les mots : « est présumé innocent », d'insérer les mots : « , que
le doute doit lui profiter et que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si
la preuve en est rapportée par l'accusation ».
II. - De supprimer les mots : « et que le doute doit lui profiter ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En 1994, avec les membres du groupe socialiste, j'avais eu l'honneur de
déposer une proposition de loi - son texte est annexé au procès-verbal de la
séance du 17 mai 1994 - qui tendait, notamment, à modifier l'article 304 du
code de procédure pénale et à rédiger ainsi la fin de son premier alinéa : «
... avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une femme ou à un homme
probe et libre, sans oublier jamais que le moindre doute doit profiter à
l'accusé, que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est
rapportée de manière certaine. »
Après avoir rédigé cette proposition, relisant le livre de René Floriot
intitulé
Les Erreurs judiciaires
, j'y avais trouvé la conclusion
suivante : « Récemment, une modification a été apportée à la procédure
d'assises et le président, avant que les jurés se retirent avec la cour dans la
chambre des délibérations, doit leur lire l'instruction suivante... » Vous
connaissez cette instruction. Et, à propos de la fameuse question : « Avez-vous
une intime conviction ? », René Floriot ajoutait : « Dois-je dire que cette
formule ne me satisfait pas ? Il est exact que le juré n'est lié par aucune
règle, qu'il n'a pas à motiver sa décision et qu'on lui demande simplement
d'exprimer sa conviction. Mais puisqu'on voulait adresser aux jurés, à
l'audience publique, un avertissement solennel, ne valait-il pas mieux leur
rappeler qu'aucune condamnation ne doit être prononcée s'il subsiste le moindre
doute ? »
Autrement dit, René Floriot concluait exactement de la même manière que
moi-même dans la propositions de loi que j'avais déposée.
Dans le texte présenté pour l'article 231-74, le projet tient compte de cette
idée commune à René Floriot et à moi-même - c'est là une des rares idées qui
nous étaient communes ! - en prévoyant que, dans le discours qu'il adresse aux
jurés, le président doit notamment : « ... rappeler que l'accusé est présumé
innocent et que le doute doit lui profiter ; ». C'est déjà une bonne chose.
En effet, l'expression « intime conviction » donne souvent lieu à contresens,
compte tenu du contexte où l'on demande au juré les impressions qu'ont
produites sur lui les preuves rapportées. Ainsi, pour beaucoup, « intime
conviction », signifie que l'on peut être persuadé de la culpabilité alors même
que la preuve n'en est pas rapportée. Or « intime conviction », cela veut dire
qu'on est convaincu intimement. Et convaincu par quoi ? Evidemment, par les
preuves qui sont administrées.
Malheureusement, je le répète, le contresens est quasiment général.
C'est pourquoi il nous paraît nécessaire d'ajouter, après les mots : « est
présumé innocent », les mots : « , que le doute doit lui profiter et que vous
ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée par
l'accusation ». Cette rédaction souligne bien la nécessité que la preuve soit
rapportée.
L'exposé des motifs de la proposition de loi que j'ai déjà évoquée commençait
ainsi : « Des affaires récentes ont interpellé l'opinion publique. De lourdes
condamnations ont été prononcées par des cours d'assises alors qu'apparemment
la preuve absolue de la culpabilité n'avait pas été rapportée. » Ces lignes,
écrites en 1994, pourraient l'être aujourd'hui, en mars 1997.
Imposer une motivation n'éviterait pas cela, monsieur le garde des sceaux, car
il a été abondamment démontré qu'elle ne peut pas coexister avec le secret du
vote des jurés, secret qu'il est difficile de supprimer compte tenu de la
liberté dont le juré doit jouir pour s'exprimer.
Dès lors, il est indispensable de faire au moins entrer dans l'esprit des
jurés le fait que l'intime conviction, cela ne veut pas dire « pile ou face »,
cela ne veut pas dire « être persuadé », cela veut dire que la preuve doit être
rapportée par l'accusation.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous aviez effectivement déposé une proposition de
loi où vous développiez déjà la thèse que vous venez de défendre.
Mais permettez-moi de vous rappeler les termes du premier alinéa de l'article
231-74 tel qu'il nous est proposé :
« Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant :
"Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse
les charges qui seront portées contre M., Mme, Mlle X..., de ne trahir ni les
intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime
; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter
ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler
que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous
décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience
et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à
un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même
après la cessation de vos fonctions." »
Tout y est ! Il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher, sinon que, tout à
l'heure, nous allons simplement vous proposer de substituer « la personne » à «
l'homme ».
C'est parfaitement clair : l'intime conviction n'exclut pas que l'on se
détermine notamment à raison des charges et de tous les éléments dont a eu
connaissance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je l'ai dit !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je ne peux mieux dire que M. le rapporteur. Je suis
tout à fait défavorable à cet amendement. Il faut maintenir le texte tel qu'il
est, à la fois pour des raisons de faits, pour des raisons juridiques et pour
des raisons symboliques.
M. le président.
Je vaix mettre aux voix l'amendement n° 182 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je l'ai dit moi-même, en droit, l'intime conviction n'est pas incompatible
avec le fait d'exiger que la preuve soit rapportée.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est certain !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me permets de souligner aussi que le texte du projet comporte déjà beaucoup
des propositions que j'avais faites en 1994.
Monsieur le rapporteur, vous me dites : « Tout y est ! » Eh bien, non. Si l'on
ajoutait simplement les mots : « , et que vous ne pouvez retenir sa culpabilité
que si la preuve en est rapportée par l'accusation », cela permettrait de bien
préciser les choses.
Avec votre permission, monsieur le président, j'évoquerai dès à présent
l'amendement suivant, qui porte le numéro 183 et par lequel nous proposons de
supprimer les mots : « et votre intime conviction ». Chacun, d'ailleurs, aura
sans doute remarqué que, à la différence de nos autres amendements, celui-ci ne
porte pas le nom de Robert Badinter, même s'il a été déposé par l'ensemble des
membres du groupe socialiste et apparentés.
Je voudrais rappeler ce qu'écrivait Jean Giono, le 17 novembre 1954, à propos
du procès Dominici : « Je ne dis pas que Gaston Dominici n'était pas coupable.
Je dis qu'on ne m'a pas prouvé qu'il l'était. Le président, l'assesseur, les
juges, l'avocat général, le procureur sont des hommes dont l'honnêteté et la
droiture ne peuvent être suspectées. Ils ont la conviction intime que l'accusé
est coupable. Je dis que cette conviction ne m'a pas convaincu. »
On ne va pas gloser sur les termes « intime conviction ». Je crois qu'il est
nécessaire de rappeler que cela signifie seulement qu'il n'y a pas, en droit
français, de système de preuve fixe et que la preuve est libre.
Ce rappel étant fait, j'annonce que je retire l'amendement n° 183 mais
j'insiste pour que, au moins, on dise qu'il faut que la preuve soit rapportée
par l'accusation pour que l'on puisse condamner.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 182 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 183, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article
2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : «
et votre intime conviction ».
Cet amendement a été retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 282, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission,
propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour
l'article 231-74 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « un
homme » par les mots : « une personne ».
Par amendement n° 184, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté
par l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale, après les
mots : « et la fermeté qui conviennent à », d'insérer les mots : « une femme ou
à ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 282.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission va passer aux aveux !
(Sourires.)
Ce matin, au cours de sa réunion, s'est posée la question de savoir si,
s'agissant de la formule que j'ai lue tout à l'heure, il fallait conserver le
texte tel qu'il nous est soumis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est avec l'amendement n° 184 que cette question a été soulevée.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Effectivement !
Nos collègues socialistes ont en effet suggéré d'écrire que les jurés devaient
se décider avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent « à un homme ou à
une femme probe et libre ».
Après une discussion qui a duré près d'un quart d'heure, la commission a
proposé un amendement visant à employer le mot « personne ». La fin du premier
alinéa du texte présenté pour l'article 231-74 serait donc ainsi rédigé : « de
vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre
conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui
conviennent à une personne probe et libre, et de conserver le secret des
délibérations, même après la cessation de vos fonctions. » Tel est l'objet de
l'amendement n° 184.
M. le président.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 184.
M. Robert Badinter.
En l'occurrence, ce n'est pas simplement une question de forme, et chacun le
sent bien.
Le texte que le président adresse aux jurés au début de l'audience de la cour
d'assises, et demain du tribunal criminel, est un texte solennel, chargé d'une
grande force symbolique.
Dans le texte en son état actuel et dont M. le rapporteur a donné lecture tout
à l'heure, le président, après avoir rappelé que l'accusé est présumé innocent,
s'adresse aux jurés et leur dit : « de vous décider d'après les charges et les
moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec
l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre... »
Je rappelle que, aujourd'hui, les jurys de cours d'assises - et il en sera de
même demain dans le tribunal criminel - comprennent toujours des femmes et
quelquefois même plus de femmes que d'hommes ; cela dépend du tirage au
sort.
Dans ces conditions, est-il bien opportun de demander aux jurés de « décider
avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre » ?
Vous en conviendrez, il serait tout de même préférable de dire « à un homme ou
à une femme probe et libre ». Ce serait, je crois, la moindre des choses.
Sur le principe, tous les membres de la commission étaient d'accord : il faut
modifier ce texte. Le mot « personne » a paru, plus simple en raison de sa
neutralité.
Tout à l'heure, en le relisant, je me disais que, pour sa qualité, il vaudrait
mieux dire « avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une femme ou à
un homme probe et libre » plutôt que d'opter pour le vocable général et anonyme
de « personne ».
Nous devrions procéder ainsi. Cela serait un vote d'autant plus sympathique
que je note sans surprise que seuls des hommes siègent à cet instant dans
l'hémicycle.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 184 ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Compte tenu de l'amendement que j'ai présenté voilà quelques
instants, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 282 et 184 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
J'émets un avis défavorable sur ces deux amendements
pour des raisons tout à fait essentielles parce qu'elles relèvent du
symbole.
D'abord, aux termes de l'amendement présenté par M. Badinter, dans ce texte,
comme dans une multitude d'autres, « homme » voudrait dire
vir
, et non
pas homo au sens le plus général, et le plus générique. On reviendrait ainsi
sur notre tradition la plus absolue, la plus ancienne, qui, je le rappelle,
figure, en particulier, au frontispice de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen.
(Marques d'approbation sur les travées de l'Union centriste.)
Dans ces conditions, on ne peut pas se porter, comme vient de le faire M.
Badinter, dans la réalité du tribunal, imaginer le président s'adressant aux
individus qu'il a en face de lui et qui peuvent être soit des femmes, soit des
hommes. Au contraire, ce que l'on demande, c'est la probité d'un homme,
c'est-à-dire d'un être digne de l'espèce humaine, et qui est un homme, tout
simplement, sans distinguer ou femme.
Je ne suis pas favorable non plus, pour les mêmes raisons, à l'amendement n°
282. De plus, remplacer le mot « homme » par le mot « personne » c'est,
monsieur le rapporteur, du canadien, de l'américain, du québécois, c'est du
langage des Nations unies, c'est du « politiquement correct », ce n'est pas du
français. En français « homme » signifie, non seulement dans notre tradition
juridique et philosophique, mais dans la langue elle-même, ce que signifie
effectivement le mot « personne » dans d'autres cultures.
Par exemple, au Québec, où - et je suis bien placé pour le savoir - on lutte
pour la langue française, on lutte aussi avec les groupes féministes pour
empêcher la discrimination contre les femmes. Or l'une des caractéristiques de
la législation et du vocabulaire de cette province, c'est de remplacer
systématiquement le mot « homme » par le mot « personne ». Il s'agit de l'une
des manifestations les plus précises et les plus excessives du langage «
politiquement correct ». Pour ces raisons, ces deux amendements ne sont pas
acceptables.
Enfin, pourquoi, dans un texte aussi essentiel pour les droits de l'homme,
voudrait-on employer un vocabulaire qui est en train de mettre en cause - et
Dieu sait si les mots ont de l'importance en ce domaine - les droits de l'homme
eux-mêmes ?
M. François Trucy.
En l'occurrence, il faudrait mettre un h majuscule !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 282.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On pourra dire tout ce que l'on voudra. Mais on pourra constater que cette
discussion n'est pas politique et que, les uns et les autres, nous sommes donc
totalement libres de notre point de vue.
Cette rigueur dans l'explication de M. le garde des sceaux ne me surprend pas,
car je la connais. Mais, les choses évoluent. En l'occurrence, il s'agit d'un
texte dont il propose lui-même la modification.
Le texte en vigueur vise « les charges qui seront portées contre X... ». Le
présent projet de loi tend à écrire : « les charges qui seront portées contre
M., Mme, Mlle X... » - ce qui est d'ailleurs beaucoup mieux - et, bien
évidemment, cela variera suivant les cas.
Ensuite, on va parler des intérêts de l'accusé - et il y en aura peut-être
plusieurs - de ceux de la société qui l'accuse, voire de ceux de la victime.
Personnellement, j'émets des réserves à cet égard parce que cela semble
affirmer qu'il y a une victime de cet accusé, et donc préjuger quelque peu. Le
groupe socialiste, après en avoir longuement délibéré, a décidé de ne pas
demander la suppression des mots : « ni ceux de la victime ». Il pourrait aussi
ne pas y avoir de victime du tout. Une tentative de cambriolage d'une banque
peut avoir lieu sans qu'il y ait la moindre victime. Pourquoi pas ?
Les mots évoluent. Vous vous référez à la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen. En l'occurrence, il s'agit non pas de cela, mais d'un homme probe
et libre, car jusqu'à la Libération, pour être juré, il fallait être un homme
et, évidemment, on ne s'adressait qu'aux hommes.
Aujourd'hui, il doit être possible à chacun d'entre nous de se mettre à la
place d'une femme jurée, et il y en a quasiment toujours dorénavant :
lorsqu'elles vont entendre dire : « à un homme », elles se diront : comme
d'habitude, on ne s'adresse qu'aux hommes, parce que c'est cela que l'on a
fait. Pendant des siècles, en effet, on ne s'est adressé qu'aux hommes parce
que la femme était, aux termes du code civil, incapable. Or, fort heureusement,
les choses ont évolué. C'est pourquoi il faut le marquer.
Au Sénat, une commission réfléchit sur la place de la femme dans la vie
publique. Cette année est l'année de la femme. Nous proposons purement et
simplement qu'on en tienne compte et que, dans le texte, on inscrive : « à une
femme ou à un homme ». Nous ne pensions pas que cela soulèverait des
oppositions aussi violentes.
Néanmoins, là encore, la commission a été sensible à nos arguments et,
finalement, nous avons trouvé la formule suivante : « une personne ».
M. Pierre Fauchon.
Formule plus élégante !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous avions d'ailleurs dit qu'il fallait écrire « à toute personne », plutôt
que « à une personne ». La formule « à toute personne probe et libre » serait
plus élégante et pourrait, à la rigueur, résoudre le problème.
Si la discussion a été engagée sur ce point, c'est parce que nous avions
déposé l'amendement n° 184. M. le président de la commission des lois, en vertu
de son pouvoir discrétionnaire, a mis aux voix non pas l'amendement n° 184, qui
était le plus éloigné du texte, mais l'amendement n° 282, qui venait
d'apparaître en réaction à notre amendement n° 184.
De même, en séance publique, l'amendement n° 282 vient en discussion avant
l'amendement n° 184, ce qui signifie que, si l'amendement n° 282 est adopté,
l'amendement n° 184 n'aura plus d'objet. En conséquence, je demande la priorité
pour l'amendement n° 184. Je vous prie, monsieur le président, de consulter le
Sénat. Ainsi, on se prononcera d'abord pour savoir si l'on retient la formule «
à une femme ou à un homme probe et libre ». C'est seulement si cet amendement
n'est pas adopté que, bien entendu, nous-mêmes, nous voterons l'amendement n°
282 de la commission qui va proposer la formule « toute personne ».
Telles sont les explications que je tenais à donner.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur la demande de priorité formulée par M.
Dreyfus-Schmidt ?
M. Jacques Larché,
président de la commission.
La commission émet un avis défavorable sur
cette demande.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la demande de priorité présentée par M. Dreyfus-Schmidt.
(La priorité n'est pas ordonnée.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 282, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 184 n'a plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
N'insultez pas une femme qui tombe.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-74 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Paul Girod au fauteuil de la
présidence).
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
ARTICLES 231-75 ET 231-76
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-75 et 231-76 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 231-76
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 20, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
d'insérer, après le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-76 du
code de procédure pénale, un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. 231-76-1.
- Les débats du tribunal d'assises font, sous le
contrôle du greffier, l'objet d'un enregistrement sonore intégral.
« Le président peut faire établir des copies de cet enregistrement aux fins
d'en faciliter la consultation.
« Le support de cet enregistrement est placé sous scellés par le greffier du
tribunal d'assises.
« En cas d'appel de la décision du tribunal d'assises sur l'action publique,
les parties peuvent obtenir, aux frais de l'Etat, une copie de
l'enregistrement.
« Cet enregistrement peut être utilisé devant la cour d'assises, dans les
conditions prévues par l'article 342-1.
« Il peut également être utilisé devant la commission de révision ou la cour
de révision. Dans ce cas, les scellés sont ouverts par le président de la
juridiction saisie ou un magistrat délégué par lui, en présence du condamné
assisté de son avocat ou eux dûment appelés, ou en présence de l'une des
personnes visées au 3° de l'article 623 ou elles dûment appelées. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Le débat d'assises doit laisser des traces. La méthode qui
permet d'aboutir à cette fin doit être recherchée. La commission a adopté un
amendement qui tend à instaurer l'enregistrement des débats d'assises.
Nous posons ici le problème du choix de l'enregistrement ou de la
transcription des débats d'assises. La commission a dit « oui » à
l'enregistrement dans les termes de l'amendement qu'elle propose et « non » à
la transcription.
La commission est donc favorable à l'enregistrement, sous réserve qu'il
s'effectue sous le contrôle du greffier. Elle est en revanche défavorable à la
transcription. Nous avons débattu de ses modalités pratiques. Elle pourrait
être l'oeuvre de sténotypistes, corporation parfaitement respectée et
parfaitement compétente, je tiens à le dire afin qu'on ne puisse pas supposer
que la commission des lois du Sénat aurait à l'égard des sténotypistes des
réticences particulières. Nous avons eu cependant le sentiment que la
transcription serait irréalisable dans les affaires complexes et d'un coût
disproportionné par rapport aux avantages attendus. C'est notre point de
vue.
Certes, un enregistrement sonore peut, lui aussi, être source de difficultés
et de lacunes, mais il nous a paru indispensable de prévoir que l'on garde
trace des débats, d'autant que même la sténotypie ne résout pas tout et qu'il
est très difficile de restituer certains moments du débat, surtout quand règne
la confusion et que tous parlent en même temps. Voilà pourquoi nous avons
déposé cet amendement n° 20.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement considère que la première partie de
l'amendement n° 20, qui consiste à préciser notamment le rôle du greffier et à
prévoir la réalisation de copies, est tout à fait opportune.
En revanche, le Gouvernement est défavorable au choix fait par la commission
de remplacer la transcription par un enregistrement sonore, et ce pour des
raisons qui sont à la fois de principe et de fait.
J'évoquerai, tout d'abord, la raison de principe. La cour d'assises,
juridiction d'appel, rejuge l'affaire et non pas les débats. Or, si on lui
soumet un enregistrement sonore, en réalité, elle sera amenée à examiner ce qui
aura été dit, et non pas le dossier dans son entier, ce qu'elle doit pourtant
faire dans les conditions nouvelles qui lui sont faites par ce texte. Il s'agit
là d'une raison de principe car c'est, en quelque sorte, le rôle de la cour
d'assises par rapport aux tribunaux d'assises qui est mis en cause.
Viennent ensuite deux raisons de fait qui sont importantes et qui tiennent
toutes deux à la sérénité nécessaire à la justice, sérénité tant « interne »
qu' « externe », ou médiatique.
En ce qui concerne la sérénité « interne », il est tout à fait clair qu'un
enregistrement ou la lecture d'un texte n'ont pas du tout le même effet sur
l'auditoire, surtout lorsqu'il s'agit de propos dramatiques, passionnés et
émouvants, qui peuvent donc avoir sur la sérénité du jury de la cour d'assises
d'appel une incidence tout à fait négative.
Puisque l'on rejuge l'affaire, ce sont les propos qui ont été tenus au
tribunal qui peuvent susciter une émotion renouvelée chez les membres du jury
de la cour d'assises d'appel, émotion contraire à la sérénité et, en tous les
cas, absolument pas conforme, encore une fois, au rôle de la juridiction
d'appel.
Pour ce qui est de la sérénité que je qualifiais à l'instant d'« externe », à
l'évidence, lorsqu'on disposera d'un enregistrement sonore, il en ira tout
simplement comme aujourd'hui, on en diffusera constamment des extraits sur les
ondes. La médiatisation ira de pair avec la déformation car, bien entendu, ces
citations seront faites, si j'ose dire, pour les besoins de la cause !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est donc sage de s'en tenir à la
transcription. C'est beaucoup plus conforme au rôle de la cour d'assises
d'appel par rapport à l'affaire et par rapport au tribunal et, par ailleurs,
beaucoup plus conforme à la sérénité, que l'on attend d'une juridiction
d'appel, ô combien difficile à ménager.
Faut-il le rappeler, lorsque l'on ira en appel devant la cour d'assises, par
définition, c'est qu'il y aura contestation. La passion se sera déjà installée
au sein de la juridiction. Je ne crois pas qu'il soit utile que
l'enregistrement sonore ajoute encore à cette passion.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à cet
amendement, qui, par ailleurs, est tout à fait bienvenu en ce qu'il apporte des
précisions utiles, mais qui ne me paraît pas du tout opportun lorsqu'il
remplace complètement la transcription écrite par l'enregistrement sonore.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Les explications fournies par M. le garde des sceaux correspondent à ma propre
conception. En effet, il faut éviter d'ajouter encore au caractère
spectaculaire qu'ont, par nature, les débats d'assises, en imposant un
enregistrement qui sera divulgué, diffusé et interprété, et qui empêchera la
juridiction de juger dans la sérénité nécessaire. M. le garde des sceaux a
raison.
Par ailleurs, se pose une question de fond. Le support de cet enregistrement
est placé sous scellés par le greffier du tribunal d'assises. Il faudrait, en
tout cas, prévoir un scellé contradictoire et au moins ne pas laisser un
document aussi important simplement sous scellés.
Enfin, qu'allons-nous faire de tous ces enregistrements ?
Quid
des
notes d'audience écrites ?
Pour tout dire, je crains que cet enregistrement sonore ne soit d'une
utilisation dangereusement théâtrale.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Le souci qui a inspiré ce texte à la
commission a été d'ordre matériel, mais je dois dire qu'entre le système de la
transcription et le système de l'enregistrement sonore, c'est finalement une
question de moyens, car l'enregistrement sonore est sans doute plus commode à
mettre en place et moins coûteux.
En revanche, la transcription, si elle exige le recours à la sténotypie, vous
conduit à l'impasse, monsieur le garde des sceaux, parce que - nous avons
vérifié ce point - la profession est très réglementée. De surcroît, si mes
souvenirs sont exacts, il existe un brevet qui réserve les droits de
l'inventeur du système sur la vente de tous les appareils nécessaires à la
sténotypie. Tels sont les termes du problème.
J'avoue que nous n'attachons pas une importance extrême à ce point. Vous êtes
juge des moyens.
Vous préconisez l'enregistrement sonore, puis la transcription écrite ; nous
n'en faisons pas une affaire de principe. La question est plutôt d'ordre
matériel. Vous pensez que la transcription d'un enregistrement sonore peut
aboutir à une plus grande sérénité de la justice, et c'est également la thèse
défendue par Mme Michaux-Chevry.
En revanche, M. le rapporteur n'a aucune préférence, aucune position
particulière sur ce point.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je n'ai, en effet, aucune religion établie à cet égard !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Nous verrons à l'usage. Pour la sténotypie,
je vous invite à la prudence, car cela risque de coûter très cher et, compte
tenu des moyens qui sont les nôtres... S'agira-t-il de simples sténographes ou
de sténotypistes ? Tout cela est bien difficile à décider, car nous sommes ici
très en deçà des problèmes de principe.
Une chose est sûre, il faut que l'on conserve la trace du débat au stade du
tribunal criminel. Nous avions pensé que le système que M. le rapporteur vous
proposait était à la fois plus efficace et moins coûteux. C'est ce qui avait
dicté notre position. Encore une fois, nous sommes là en face de choix d'ordre
matériel qui sont, après tout, de votre responsabilité, monsieur le garde des
sceaux. C'est à vous d'organiser les choses. Si vous avez beaucoup d'argent à
dépenser pour payer les éventuelles sténotypistes, servez-vous-en, monsieur le
garde des sceaux !
(Sourires.)
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je crois avoir montré les dangers et les inconvénients
du seul enregistrement sonore. Encore faut-il bien préciser au Sénat qu'il ne
s'agit pas de choisir entre un enregistrement sur cassette audio et une
transcription sténotypique, proposition que nous fera dans un instant le groupe
socialiste. Non ! Les débats du tribunal d'assises sont enregistrés et, le cas
échéant, à la demande des parties, peuvent être utilisés devant la cour
d'assises, juridiction d'appel. Lorsque l'on souhaite recourir à
l'enregistrement sonore, qui, par ailleurs, est mis sous scellés, c'est-à-dire
qu'il ne présente pas les risques de divulgation dont je parlais tout à
l'heure, à ce moment-là, une procédure, prévue dans la suite du texte, permet
de briser les scellés et de transcrire noir sur blanc l'enregistrement sonore
afin qu'il soit utilisé devant la cour d'assises.
Donc, le système proposé par le Gouvernement n'est pas en contradiction
formelle avec la proposition de la commission. L'enregistrement sonore n'est
pas utilisé directement par la cour d'assises, comme le voudrait la commission.
Il est transcrit, le cas échéant, et est utilisé sous cette forme écrite devant
la juridiction d'appel.
Ainsi on combine l'enregistrement sonore, qui permet, M. le président de la
commission l'a très justement rappelé, de conserver de la manière la plus
simple et la moins coûteuse la trace du débat devant le tribunal d'assises et,
si besoin est, la transcription de la partie de l'enregistrement nécessaire à
l'appui d'un moyen que l'on veut présenter devant la cour d'appel. On a donc à
la fois la facilité de l'enregistrement et la sécurité de la transcription.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, il vaut mieux retenir cette
solution.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Compte tenu des explications que vient de nous fournir M. le
garde des sceaux, je retire l'amendement.
M. François Trucy.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 20 est retiré.
ARTICLE 231-77 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 21 rectifié, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission,
propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article
231-77 du code de procédure pénale :
«
Art. 231-77. -
Sous réserve des dispositions de l'article précédent,
l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion de l'image ou du son
est interdit dès le début de l'audience, sous peine d'une amende de 100 000 F
qui peut être prononcée dans les conditions prévues au titre VIII du livre
IV.
« Est puni de la même peine le fait de communiquer à un tiers, sauf pour les
besoins de la défense, une copie de l'enregistrement obtenue en application de
l'article 231-76-1. »
Par amendement n° 185 rectifié, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent de remplacer le deuxième et le
troisième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-77 du
code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est procédé à une sténotypie intégrale des débats. »
Par amendement n° 186, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après la première phrase du troisième
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-77 du code de
procédure pénale, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Ces frais peuvent être
pris en charge par l'aide juridictionnelle si la partie concernée en est
bénéficiaire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21
rectifié.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 185 rectifié.
M. Robert Badinter.
Il s'agit là - chacun le mesure - de la continuation directe du débat qui
vient de s'engager, sur une question qui, je l'indique d'emblée, concerne
l'exécution et nullement le principe : nous sommes tous d'accord pour dire
qu'il faut veiller scrupuleusement au respect du principe de l'oralité des
débats.
Dans le système qui nous est proposé, un enregistrement sonore est réalisé
sous le contrôle du président du tribunal d'assises et, le cas échéant, une
transcription écrite de cet enregistrement, sonore peut être mise à la
disposition des parties.
S'agissant de l'enregistrement sonore, les greffiers - ils nous l'ont dit
eux-mêmes - ne pourront en assumer la responsabilité. En effet, devant une
juridiction criminelle, le greffier est fort occupé, attaché qu'il est,
notamment, à éviter que, d'aventure, ne survienne quelque fâcheux cas de
cassation.
Il faudra donc qu'il y ait un technicien, car le pire serait que
l'enregistrement soit raté. Cette assistance entraîne un coût, qu'il faut
prendre en compte.
Par ailleurs, chacun sait qu'une transcription écrite à partir d'un
enregistrement sonore a également un coût élevé, coût qui ne devrait pas être
loin de celui d'une sténotypie.
Dans ces conditions, conformément à l'usage quand on veut savoir avec
précision ce qu'a été le déroulement d'une déposition, le plus simple serait
que l'on recoure à la sténotypie, comme cela se fait dans les grands débats
judiciaires depuis fort longtemps, et comme cela se pratique d'ailleurs aussi
au Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quand on entend M. le garde des sceaux !
M. Robert Badinter.
C'est exact ! Quand on entend M. le garde des sceaux, il est normal qu'il y
ait une sténographie ou une sténotypie ; on ne procède pas à un enregistrement
sonore.
Pour en revenir à la scène judiciaire, nous avons toujours connu la
sténotypie, qui a l'avantage de ne troubler personne.
Se pose alors la question du coût. Sur ce point, j'indique que le haut comité
consultatif, lorsqu'il a eu à se pencher sur la question de l'enregistrement, a
été aussi catégorique que possible, comme en témoignent les pages 46 et 47 du
rapport : le double examen impose la sténotypie, dont le coût, certes réel,
doit être intégré dans l'ensemble des coûts de la réforme que M. le garde des
sceaux désire voir mise en oeuvre aussi promptement que possible.
La sténotypie, c'est aujourd'hui le procédé qui offre le maximum d'avantages,
notamment de sécurité. Si les techniques évoluent dans l'avenir, on pourra
toujours modifier, ce n'est pas une question fondamentale, chacun le perçoit.
En l'état, c'est certainement le procédé qui donne le plus de sécurité. Quant à
son coût, il ne devrait pas être sensiblement différent de celui d'une
transcription écrite ultérieure.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 185 rectifié ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable, mais uniquement
pour des raisons financières. Si M. le garde des sceaux nous assurait que la
dépense pourra être assumée, la commission se rallierait volontiers à la
proposition qui est faite.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement confirme son opposition à cet
amendement.
Avant toute chose, puisque l'on a argué de la position du haut comité
consultatif présidé par M. Deniau, je tiens à souligner que ce haut comité a
demandé la sténotypie systématique dans le cadre de sa proposition, à savoir la
création d'un second degré sous forme de filtre du pourvoi en Cour de
cassation. La situation était donc tout à fait différente en fait et en
droit.
Quant au fond, quel est le système proposé ? Le texte, tel que modifié par
l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, prévoit non pas qu'il
peut - c'était le texte originel du Gouvernement - mais qu'il doit y avoir un
enregistrement sonore intégral.
Cet enregistrement est mis sous scellés. Le président peut en donner des
copies, sous sa responsabilité. On peut utiliser cet enregistrement s'il y a
appel de la décision du tribunal d'assises devant le cour d'assises ; on
utilise alors le contenu de l'enregistrement sonore en en faisant une
transcription dactylographiée.
Ainsi, je l'ai dit, on assure à la fois la fidélité et l'exhaustivité des
débats de première instance, et la sécurité de leur utilisation.
A mon avis, il faut s'en tenir à ce système, car il est à la fois efficace et
sûr. La sténotypie intégrale des débats n'est ni utile ni indispensable.
J'ajoute que, selon une estimation de l'Association nationale des
sténotypistes, la sténotypie coûterait plus de 15 millions de francs par an.
Cette dépense ne me paraît pas utile. On peut parfaitement s'en passer. Le
système de l'enregistrement sonore, suivi éventuellement d'une transcription
écrite, permettra d'arriver au même résultat pour un coût bien moindre.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 185 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A la lecture du rapport du haut comité présidé par M. Deniau, on se rend
compte que ce n'est pas du tout en vertu du filtre, que, en effet, il proposait
par ailleurs, que le Haut comité affirmait que le double examen imposait la
sténotypie.
Que disait le rapport ?
« Le principe selon lequel la conviction de la cour se forme exclusivement
d'après les débats oraux et l'absence de second examen des décisions
criminelles explique qu'il ne soit conservé que peu de traces des débats. Le
greffier dresse, certes, un procès-verbal de ceux-ci, mais son seul objet est
de constater l'accomplissement des formalités prescrites à peine de nullité par
la loi, afin de permettre à la Cour de cassation, en cas de pourvoi, d'exercer
son contrôle.
« L'instauration d'un appel, simple ou motivé, impose un renversement complet
de perspective. Il devient nécessaire de conserver une trace minutieuse des
débats du premier degré, d'abord pour la juridiction chargée de l'examen de
recevabilité » - c'est ce que vous nous dites - « et ensuite pour celle appelée
à statuer à nouveau sur le fond en seconde instance. »
Suivent des considérations techniques : « Le haut comité considère que
l'enregistrement sonore ou visuel de l'audience de première instance est de
nature à perturber gravement la sérénité des débats, voire à les dénaturer. En
effet, ce type d'enregistrement est nécessairement sélectif et donc infidèle,
car il est techniquement impossible de saisir de façon concomitante l'ensemble
des sons et des images qui doivent l'être. En outre, il influe sur le
comportement de ceux qui sont filmés ou enregistrés, et donc sur leurs
déclarations elles-mêmes.
« En conséquence, les membres du haut comité préfèrent à cette solution un
enregistrement sténotypée des débats, qui leur paraît à la fois plus fiable,
plus objectif. Cette solution respecte, en outre, davantage la liberté des
seconds juges en leur permettant un meilleur recul. Cet enregistrement pourrait
être intégral, hormis les réquisitions et plaidoiries, afin de respecter la
liberté de parole du ministère public et de la défense, et devrait en tout cas
concerner toutes les dépositions des témoins, victimes, experts, et, de façon
générale, de toutes les personnes appelées, à un titre ou un autre, à déposer
devant la cour d'assises. Le procès-verbal de cet enregistrement serait intégré
à l'actuel procès-verbal des débats. »
Nous avons entendu, en commission, quatre présidents de cour d'assises. Tous
nous ont dit qu'il était nécessaire de sténotyper les débats. M. Lemonde,
auteur d'un article remarqué sur la réforme, n'a pas dit autre chose.
Alors, vous évoquez le coût de la mesure, monsieur le garde des sceaux ! Là
encore, il faut se reporter à ce qu'a dit le haut comité :
« Cette solution n'est certes pas sans coût et, à cet égard, le haut comité
rappelle son exigence générale de l'allocation de moyens réels et suffisants,
mais elle s'impose tant dans le cadre de l'appel simple que dans celui de
l'appel motivé. »
Combien y a-t-il d'affaires jugées en cour d'assises chaque année ? Deux
mille, deux mille cinq cents ? Il ne faut pas exagérer le coût que cela
représenterait. Le cas échéant, faites-le évaluer, et communiquez-le nous.
Monsieur le garde des sceaux, chaque fois que vous venez devant le Sénat, que
ce soit en salle de commission ou à la salle Médicis, comme ce fut le cas voilà
quelques jours, même si les débats sont télévisés, il y a une prise
sténographique ou sténotypique.
C'est précisément quand il y a un incident - lorsque tout le monde parle en
même temps - que l'on a besoin de savoir ce que tout le monde dit, et cela
seules la sténographie ou la sténotypie peuvent l'assurer.
J'ajoute que les greffiers nous ont dit qu'il ne leur était pas possible
d'assurer l'enregistrement sonore parce qu'ils avaient autre chose à faire, et
qu'il faudrait donc leur adjoindre des appariteurs pour surveiller.
Quant au magnétophone, évidemment, il peut s'arrêter ; d'ailleurs, dans notre
assemblée, chacun le sait, on ne se contente pas de magnétophones pour
enregistrer les débats.
En conclusion, à l'appui de ce que je dis, vous me permettrez de citer un
extrait de l'article de M. Lemonde : « Le deuxième degré de juridiction n'est
pas nécessairement lié à la motivation en première instance. En revanche, la
sténotypie des débats est indispensable. Elle est un moyen irremplaçable de
vérifier si le procès a été équitable au premier degré. »
Voilà le dossier complet ! Maintenant, il vous appartient de décider, mes
chers collègues.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je ne voudrais pas voter sans avoir, au préalable, exprimé notre gratitude,
toutes travées confondues, aux admirables sténographes du Sénat.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 186.
M. Robert Badinter.
Dans la mesure où l'on retient le système proposé, il convient que les frais
de transcription écrite de l'enregistrement, qui seront lourds, puissent être
pris en charge par l'aide juridictionnelle si une partie concernée en est
bénéficiaire. Cela va de soi, au regard du principe de l'égalité des
justiciables.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non seulement je suis défavorable à cet amendement n°
186, mais j'estime qu'il n'a plus d'objet puisque l'amendement n° 185 rectifié
de M. Badinter vient d'être repoussé. Présenté sous une autre forme, il aurait
pu parfaitement être admis par cohérence.
Naturellement, je ne propose pas de le faire, mais j'aurais pu l'accepter. On
peut imaginer que la transcription écrite faite devant la cour d'assises et qui
est prévue par le texte du Gouvernement soit prise en charge par l'aide
juridictionnelle.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 186, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-77 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-78 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 22, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de supprimer la seconde phrase du dernier alinéa du texte présenté par
l'article 2 pour l'article 231-78 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de
l'article 231-78 du code de procédure pénale tel qu'il résulte d'un amendement
adopté par l'Assemblée nationale et qui est ainsi formulé : « L'avocat de
l'accusé peut le lui rappeler à tout moment. » Cela signifie que l'avocat peut
à tout moment rappeler au président qu'il a le devoir de ne pas manifester son
opinion sur la culpabilité de l'accusé.
La commission des lois souhaite que cette phrase soit supprimée, car elle
apparaît comme un rajout qui ne s'impose pas.
M. Pierre Fauchon.
Cela va de soi !
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Effectivement, cela va de soi. L'avocat qui aurait à se
plaindre du comportement du président peut très bien se faire donner acte de
tel ou tel propos, et il n'est pas besoin d'écrire que « l'avocat de l'accusé
peut le rappeler au président à tout moment ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est évident que l'intérêt n'est pas tant que l'avocat de l'accusé fasse
remarquer au président qu'il manifeste son opinion, mais qu'il en demande acte.
De plus, il existe l'enregistrement.
Et pourquoi l'avocat de l'accusé et pas celui de la partie civile ? Pourquoi
pas le ministère public ? Franchement, nous nous étonnons, là, que M. le garde
des sceaux s'en rapporte à la sagesse du Sénat.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Quelle position voulez-vous que je prenne ? ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si le président manifeste son opinion - il est évident que c'est pour cela
qu'on enregistre les débats et c'est dommage qu'il n'y ait pas de sténotypie -
l'enregistrement sonore doit permettre de le démontrer ; avocats et ministère
public peuvent demander que cela soit inscrit au prècès-verbal, etc.
Il n'est donc vraiment pas besoin d'écrire dans la loi que l'avocat de
l'accusé, et seulement lui, peut faire observer au président qu'il manifeste
son opinion alors que, je le répète, c'est le devoir de tout le monde de lui
reprocher et de le faire noter au procès-verbal.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-78 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-79 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 188, MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit la première
phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
231-79 du code de procédure pénale :
« Le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il
peut, en son honneur et en sa conscience prendre toutes mesures qu'il croit
utiles pour découvrir la vérité. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'article 231-79 est curieux : il tend à mettre en place, pour le tribunal
criminel, le système en vigueur devant la cour d'assises mais en émasculant le
texte, d'ailleurs très beau, de l'article 310 du code de procédure pénale.
L'article 310 débute ainsi : « Le président est investi d'un pouvoir
discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience,
prendre toutes les mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité. »
Or l'article 231-79 supprime le pouvoir discrétionnaire. On va nous dire que
certains objectent que le président a trop de pouvoir et qu'il était proposé
que le président soit simplement un arbitre. C'est vrai, mais, en l'état actuel
des choses, il est nécessaire que le président dispose d'un pouvoir qu'on ne
peut qualifier que de « discrétionnaire », faute de pouvoir se référer à divers
articles, en disant : « le pouvoir prévu à tel article ». Appelons un chat un
chat et continuons à appeler ce pouvoir un pouvoir discrétionnaire.
Pourquoi, de plus, faire disparaître le fait que le président exerce ce
pouvoir discrétionnaire, « en son honneur et en sa conscience » ?
Ces termes soulignent que si le président a beaucoup de pouvoirs c'est parce
que on lui fait confiance, qu'il est honorable et qu'il a une haute conscience
pour les exercer.
Il n'y a donc vraiment aucune raison de ne pas conserver le texte de l'article
310 dans le texte proposé pour l'article 231-79. Tel est l'objet de notre
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?...
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement car
elle reste attachée à cette notion de pouvoir discrétionnaire.
Je sais bien que le projet de loi tend à moderniser la procédure. M. le garde
des sceaux va sans doute s'en expliquer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement, qui consiste à
rétablir le pouvoir discrétionnaire. Cette suggestion de modification du texte
actuel de l'article 310, c'est moi-même qui l'ai introduite dans le texte.
L'idée d'un pouvoir discrétionnaire - d'ailleurs personne ne sait ce que veut
dire exactement « discrétionnaire » et tout le monde confond « discrétionnaire
» avec « arbitraire » dans le langage courant - est une idée contre-productive
par rapport à l'image que nous voulons donner de la justice, et notamment de la
présidence d'une cour d'assises, vis-à-vis de ceux - je reviens toujours à
cette notion de justice populaire - qui sont censés connaître cette loi.
J'ajoute que, parmi tous les groupes du Sénat comme de l'Assemblée nationale,
- j'en ai été, M. Dreyfus-Schmidt en a été et en est toujours - c'est une idée
que nous avons toujours prônée, et ce texte comporte d'ailleurs certains
éléments en ce sens ; peut-être faudra-t-il envisager un jour une réforme
d'ensemble de la procédure pénale. Nous avons toujours été favorables à l'idée
que le procès, d'une manière générale, le procès criminel en particulier, doit
être plus équilibré et contradictoire. On a notamment mis très souvent en cause
le caractère excessivement directif de la présidence des assises.
La proposition que je fais, supprimant le pouvoir discrétionnaire et disant
simplement : « Le président peut prendre toutes mesures qu'il croit utiles... »
signifie bien que ce dernier a le droit de prendre toutes mesures pour parvenir
à la manifestation de la vérité. Cette rédaction évite de donner l'impression
que le président est au-dessus de l'ensemble de la cour, qu'il a une sorte de
pouvoir extraordinaire qui lui permet de prendre toutes mesures...
Voilà les deux raisons pour lesquelles il faut, à mon sens, s'en tenir au
texte du Gouvernement.
J'ai été très étonné de la position de M. Dreyfus-Schmidt dans la mesure où il
a toujours défendu l'idée d'une procédure plus moderne, plus équilibrée et plus
contradictoire. Or, il me propose de rétablir une expression qui, par sa
signification réelle et dans le langage courant, va exactement à l'encontre de
tout ce qu'il a toujours proposé.
Voilà pourquoi je crois qu'il ne faut pas adopter cet amendement.
Monsieur le rapporteur, le caractère que chacun veut donner à la justice
aujourd'hui, ce caractère équitable, ce caractère proche, ce caractère de
disponibilité, ne me paraît pas contenu dans cette expression, que j'ai tenu à
supprimer dans le projet de loi du Gouvernement.
Voilà pourquoi, je le répète, je suis défavorable à l'amendement n° 188.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je rejoins M. le garde des sceaux dans la
pertinence de son analyse. Il a bien posé les problèmes, mais je crois qu'au
fond on devrait en venir un jour peut-être à effectuer un choix entre la
procédure accusatoire et la procédure inquisitoire.
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Nous sommes ici dans le droit-fil de la
procédure inquisitoire. C'est un fait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Si l'on fait de la procédure accusatoire, on
aura un juge qui ne dira rien, qui entendra, qui écoutera.
Dans la mesure où nous restons dans le cadre de la procédure inquisitoire, il
est bien certain qu'on ne peut pas avoir - excusez-moi - un président potiche.
D'ailleurs, M. le garde des sceaux n'y songe nullement.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est juste !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
En effet, je dois dire qu'entre le pouvoir
discrétionnaire et toutes mesures utiles...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est la même chose !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
... je ne vois véritablement pas de
différence substantielle.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
L'honneur et la conscience sont supposés acquis et il
n'est pas besoin d'écrire ces mots.
M. Pierre Fauchon.
C'est joli, c'est rétro, cela décore !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Alors, à quoi bon se quereller sur des mots ?
Ce texte n'est quand même pas mauvais, il a une certaine majesté. Vous savez ce
qui nous a guidés dans le choix que nous avons fait.
Monsieur le garde des sceaux, à défaut de connaître la date de rédaction de ce
texte je constate qu'il est bien écrit et empreint d'une certaine majesté et
d'une certaine dignité.
Je dois dire que cela ne me choque pas de rappeler que ce président qui est
investi d'un pouvoir discrétionnaire peut « en son honneur et en sa
conscience... »
C'est quand même la majesté des assises ! Le président agit ainsi sous le
double éclairage de son honneur et de sa conscience.
On va gloser sur ces dispositions. La doctrine va s'interroger sur le point de
savoir pourquoi on est passé de l'article 310 actuel à l'article 231-79 nouveau
du code de procédure pénale et, surtout, pourquoi on n'exige pas que le
président se manifeste en son honneur et en sa conscience.
M. Pierre Fauchon.
Il faut bien que la doctrine vive !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Imaginez les articles dans la
Revue de
droit criminel
suscitant quelque inquiétude à ce propos.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce que vient de dire le président de la commission des
lois ne manque pas d'une certaine force. Pour en tenir compte, je propose de
rectifier l'amendement n° 188 de manière que ce mot « discrétionnaire » soit
remplacé par le mot « propre ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le
sens proposé par M. le garde des sceaux ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je tiens à remercier très vivement M. le garde des sceaux.
Je pensais que la discussion serait très difficile sur ce point puisque, M. le
garde des sceaux, comme il a eu la gentillesse de nous le dire, avait veillé
personnellement à cette rédaction. Cela n'a pas été le cas et je l'en
félicite.
Je souhaiterais bien que, sur les textes dont il n'est pas directement
l'auteur, il fait la même attitude !
Nous allions effectivement proposer de supprimer le mot « discrétionnaire »,
étant observé que, malheureusement, les pouvoirs du président ne changent
pas.
A Robert Badinter, qui me soufflait de proposer la suppression du terme «
discrétionnaire », je répondais à l'instant que c'était ennuyeux, parce que de
nombreux articles renvoient au « pouvoir discrétionnaire du président », ce qui
est tout de même plus facile que de renvoyer « à l'article 231-79 ».
Monsieur le garde des sceaux, votre suggestion répond très exactement à ce que
nous voulions. Vous proposez que le président soit investi d'un pouvoir «
propre » en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience, prendre
toute mesure qu'il croit utile pour découvrir la vérité.
Nous en sommes parfaitement d'accord. Voilà du travail utile !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, ne serait-il pas opportun de
considérer que je propose un sous-amendement plutôt qu'une rectification ? En
effet, il me paraît très outrecuidant que je propose de modifier un amendement
du groupe socialiste. En revanche, il me paraît normal que je le
sous-amende.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'aurais accepté de rectifier cet amendement, mais je préfère de beaucoup que
l'amendement du groupe socialiste soit sous-amendé par M. le garde des sceaux
et que ce sous-amendement soit accepté par ledit groupe !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 285, présenté par le Gouvernement
et tendant, dans le texte proposé par l'amencement n° 188, à remplacer le mot :
« discrétionnaire » par le mot : « propre ».
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets au voix le sous-amendement n° 285, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 188, accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 23, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
:
I. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article
2 pour l'article 231-79 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : «
ces témoins soient amenés » par les mots : « ces personnes soient amenées ».
II. - En conséquence, au début du troisième alinéa, de remplacer les mots : «
les témoins ainsi appelés » par les mots : « les personnes ainsi appelées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
C'est un amendement rédactionnel : les personnes que le
président pourra entendre seront non seulement des témoins, mais aussi, par
exemple, des experts.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Des hommes et des femmes !...
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-79 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-80 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 189, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer, dans le second alinéa du texte
présenté par l'article 2 pour l'article 231-80 du code de procédure pénale, les
mots : « sur la culpabilité de l'accusé ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je ne sais pas si la rédaction de l'article 231-80 émane personnellement de M.
le garde des sceaux, mais, en vérité, nous avons été tout à fait étonnés par ce
texte.
L'article 311 du code de procédure pénale actuellement en vigueur prévoit que
les assesseurs et les jurés « ont le devoir de ne pas manifester leur opinion
». On me posera la question de savoir sur quoi. Si on leur demande s'il faut
reprendre l'audience à quinze heures ou à quatorze heures, ils ont certes le
droit de manifester leur opinion, mais tout le monde comprend, et ce de toute
éternité, que ce qui leur est interdit, c'est de manifester leur opinion sur
quoi que ce soit intéressant le fond du procès lui-même.
Or, le texte du projet de loi que, apparemment, l'Assemblée nationale a
accepté, est ainsi rédigé : « Ils ont le devoir de ne pas manifester leur
opinion sur la culpabilité de l'accusé ». C'est la formule existante pour le
président, lequel, en vertu de son pouvoir propre, peut évidemment être conduit
à donner son opinion sur tel témoin qui se contredirait d'une manière éhontée
mais non manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé.
En revanche, la même rédaction pour les jurés et pour les assesseurs
impliquerait qu'ils ont le droit de manifester leur opinion sur telle question
posée par l'avocat de la partie civile, sur la partie civile elle-même, sur tel
témoin, ou sur que sais-je encore ?... Il ne le faut pas, et il convient donc
de conserver le texte en vigueur. Vous voyez, monsieur le garde des sceaux, que
nous sommes très conservateurs en ce qui concerne ce dossier !
M. Pierre Fauchon.
Vous êtes toujours conservateurs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Croyez-vous ? C'est pour essayer de vous rallier à nous !...
En vérité, quand les textes ont leur utilité, quand ils sont consacrés par le
temps, pourquoi les changer ? On fait une réforme aujourd'hui pour instaurer un
appel des jugements criminels et le groupe socialiste en est d'accord. Mais
pourquoi en profiter pour changer dans le même temps une foule de textes sans
rapport avec cela ?
Cela nécessite des débats plus longs que nous l'aurions souhaité, les uns et
les autres...
M. Jacques Machet.
Ne dites pas cela, vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et pourquoi donc ?
En l'occurrence, il est dangereux de prévoir que les assesseurs et les jurés
ont le devoir de ne pas manifester leur opinion uniquement sur la culpabilité
de l'accusé, ce qui implique
a contrario
qu'ils ont le droit de
manifester leur opinion sur tout le reste. Ce n'est pas ce que vous voulez, ce
n'est pas ce que nous voulons, c'est pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter
notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission a considéré qu'on pouvait s'en tenir au texte
de référence de l'article 311 du code de procédure pénale et rédiger ainsi le
deuxième alinéa de l'article 231-80 : « Ils ont le devoir de ne pas manifester
leur opinion ».
Les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins et à toutes
personnes appelées, ils ont donc le devoir de ne pas manifester leur opinion,
et je pense que cette phrase suffit.
Dans ces conditions, la commission est favorable à l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le texte du Gouvernement présente un double intérêt.
Tout d'abord, il exprime bien ce qu'on veut. Aujourd'hui, le langage étant ce
qu'il est : « manifester une opinion », c'est une expression générique.
Celui qui lit le texte et qui n'est pas grand connaisseur des traditions pense
qu'ils n'ont pas le droit d'émettre une opinion quelconque.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh oui !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
En fait, on demande aux jurés de ne pas poser leurs
questions de manière à laisser présager ou entrevoir leur opinion sur la
culpabilité de l'accusé, objet de la décision du tribunal d'assises ou de la
cour d'assises.
Cette précision est par ailleurs utile sur le fond, car c'est de cela qu'il
s'agit et pas d'autre chose. Il est très important de bien expliquer que ce que
l'on demande aux membres du jury qui posent une question, en application du
premier alinéa de l'article, c'est de ne pas exprimer leur opinion sur le point
de savoir si cet accusé est, semble ou peut être présumé coupable.
Cette rédaction est vraiment utile quant à la forme, mais aussi sur le fond,
pour bien préciser que le juré peut exprimer par ailleurs toutes les opinions
qu'il veut sur toutes les autres choses.
On n'interdit pas au juré d'exprimer une opinion, on précise seulement qu'il
ne peut pas poser des questions qui laissent entendre qu'il a une opinion sur
la culpabilité.
Voilà qui me paraît absolument nécessaire pour préserver le caractère
équilibré, contradictoire, équitable du procès.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Je crois que l'amendement est fondé parce que le premier
alinéa de l'article 231-80 dispose : « Les assesseurs et les jurés peuvent
poser des questions aux accusés, aux témoins, et à toute personne appelée à la
barre en demandant la parole au président », alors que le texte actuel prévoit
qu'« ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion », sur la culpabilité
de l'accusé forcément, mais aussi sur les déclarations d'un témoin ou d'un
expert.
Il faut que les assesseurs et les jurés ne manifestent pas leur opinion, un
point c'est tout, et pas uniquement sur la culpabilité de l'accusé.
M. Pierre Fauchon.
Oui, oui, c'est très juste !
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
A cet égard, je partage tout à fait l'opinion qui vient d'être émise par M. le
rapporteur. Inscrire dans un texte que les jurés ne devront exprimer leur
opinion que lorsqu'il s'agit du problème de la culpabilité, c'est méconnaître
complètement la réalité.
Il est absolument indispensable que les jurés soient silencieux et
impassibles.
Indépendamment de la question de la culpabilité, d'autres questions
essentielles sont en jeu. Si l'accusé reconnaît les faits, les jurés doivent
décider du quantum de la peine. Ils ont devant eux des témoins qui ont connu
l'accusé, qu'ils peuvent interroger sur telle ou telle circonstance familiale,
laquelle pourra entraîner une diminution de la peine. Ils ont également devant
eux des psychiatres, auxquels ils peuvent poser des questions quant à une
réinsertion éventuelle, ce qui pourra aussi entraîner des conséquences quant à
la durée de la peine.
Imaginez des jurés approuvant la partie civile. Imaginez la victime voyant le
juré approuver une déposition favorable à l'accusé. Ce n'est pas envisageable
!
Le débat criminel ne se résume pas, chacun le sait, à la seule question de la
culpabilité. Il est absolument indispensable pour la dignité du débat devant la
cour d'assises que celui-ci se déroule devant des jurés auxquels il est
toujours rappelé qu'ils ne doivent à aucun moment laisser paraître le moindre
sentiment sur leur intime conviction.
Je terminerai par la question des motifs. Imaginez un crime politique - cela
arrive ! - un crime inspiré par une conviction politique. Des témoins
déposeraient et des jurés opineraient à leurs déclarations alors qu'ils
exposent l'idéal politique qui a conduit celui qui est dans le box à agir. Ce
n'est pas pensable !
Il faut que ceux qui sont amenés à juger ne manifestent jamais leurs
sentiments, non seulement dans l'intérêt de la justice, mais aussi dans celui
de la victime et de l'ensemble des personnes présentes. C'est une nécessité.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je voudrais dire à M. le garde des sceaux qu'au point où nous en sommes nous
ne pouvons pas hésiter, me semble-t-il, à voter cet amendement.
D'une manière générale, entre nous soit dit, quand on est en présence d'un
texte normal et qui est ancien, il y a une certaine sagesse à ne pas le
modifier parce qu'on risque, avec de telles improvisations, de faire des choses
que l'on regrettera par la suite.
A partir du moment où l'on a posé le problème, si nous conservons la rédaction
de l'Assemblée nationale, cela voudra clairement dire - et la doctrine ne
manquera pas de le faire, ainsi que les jurés - que les jurés et les assesseurs
ont parfaitement le droit d'exprimer leur opinion sur tout ce qui n'est pas la
culpabilité, c'est-à-dire de dire ce qu'ils pensent du témoin, de l'expert,
etc. Où va-t-on ?
Par conséquent, je crois qu'il faut absolument voter cet amendement pour
maintenir le texte d'origine et éviter que les jurés ne se laissent aller à
exprimer leur opinion, ce qu'ils ne manqueraient pas de faire à tort et à
travers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je souhaiterais faire une mise au point, monsieur le
président. Tout à l'heure, je me suis prononcé contre cet amendement, au nom du
Gouvernement, mais, en fin de compte, ce dernier s'en remet à la sagesse du
Sénat.
M. Emmanuel Hamel.
C'est une avancée remarquable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-80 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-81 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 190, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
231-81, après les mots : « aux témoins, » d'insérer les mots : « aux experts
».
II. - Dans le deuxième alinéa du texte présenté par ce même article pour
l'article 231-81, après les mots : « et aux témoins » d'insérer les mots : «
aux experts ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais souligner l'apport de l'Assemblée nationale à l'occasion de
l'examen de ce texte.
Ce texte de référence précisait : « Les assesseurs et les jurés peuvent poser
des questions aux accusés et aux témoins en demandant la parole au président. »
Ils pouvaient en poser d'autres.
Le texte du projet pour l'article 231-80 du code de procédure pénale précise :
« Les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux
témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au
président. »
L'Assemblée nationale modifie le projet de loi pour ajouter les mots « aux
experts » entre les mots « aux témoins » et les mots « et à toutes personnes
appelées à la barre ».
Nous aurions pu demander la suppression de cet ajout car, outre les accusés et
les témoins, quelles personnes peuvent-elles être appelées à la barre ? Je n'en
vois pas tellement d'autres que les experts !
Mais il n'est pas normal, si l'on accepte cet apport de l'Assemblée nationale,
que l'article 231-81, qui est le suivant et que l'Assemblée nationale a adopté
sans modification, soit ainsi libellé : « Sous réserve des dispositions de
l'article 231-78, l'accusé et la partie civile peuvent poser des questions, par
l'intermédiaire du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes
appelées à la barre. » Cela veut-il dire que,
a contrario
, ils ne
pourraient pas en poser aux experts ?
Le deuxième alinéa de l'article 231-81 est ainsi conçu : « Sous les mêmes
réserves, le ministère public et les conseils de l'accusé et de la partie
civile peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins et à toutes
personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. » De
nouveau, les experts ne figurent pas dans la rédaction.
Par homothétie, nous proposons donc, par notre amendement n° 190, de rajouter
les mots « aux experts », en regrettant toutefois de n'avoir pas proposé de les
supprimer à l'article 231-80 ! Si vous nous le proposiez, monsieur le garde des
sceaux, nous l'accepterions.
Sur cet article 231-80, je ne veux tout de même pas me contenter de parler de
la forme, sur laquelle porte notre amendement, sans saluer l'apport important
que constitue la possibilité offerte aux conseils, aussi bien de la partie
civile que de l'accusé, et au ministère public de poser des questions
directement aux témoins et à toute personne dès lors qu'ils ont demandé la
parole au président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 190, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-81 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-82 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 191, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par
l'article 2 pour l'article 231-82 du code de procédure pénale :
«
Art. 231-82.
- Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes
les réquisitions qu'il juge utiles : le tribunal d'assises est tenu de lui en
donner acte et d'en délibérer.
« Les réquisitions du ministère public prises dans le cours des débats sont
mentionnées par le greffier sur son procès-verbal. Toutes les décisions
auxquelles elles ont donné lieu sont signées par le président et le greffier.
»
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je disais tout à l'heure en plaisantant que nous étions conservateurs. M.
Fauchon me rétorquait : « Vous l'êtes toujours ! » ; après quoi il rappelait
qu'il n'est pas bon de changer un texte qui n'a suscité aucune critique et qui
n'en suscite aucune !
(Sourires.)
Nous serons d'accord, bien entendu,
avec Montesquieu pour affirmer qu'il ne faut toucher aux lois que d'une main
tremblante !
M. Pierre Fauchon.
C'est Portalis !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non ! C'est Montesquieu, dans les
Lettres persanes.
Je tiens à le
rappeler !
M. Pierre Fauchon.
Les
Lettres persanes,
c'est fripon !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
La statue vibre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En la cherchant, je me demande pourquoi le pauvre Michel de L'Hospital est
gris alors que les autres ont leur blancheur.
M. le président.
C'est un problème de lumière !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je sais que la statue de Portalis est là, mais je ne la vois pas car elle
m'est cachée. Ce n'est pas grave, puisque ma citation était bien de Montesquieu
!
Revenons à l'article 231-82 du projet de loi. Le texte de référence, l'article
313 initial, est tout à fait satisfaisant. Fallait-il en changer les termes ?
Il précisait : « Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les
réquisitions qu'il juge utiles : la cour est tenue de lui en donner acte et
d'en délibérer. » Elle n'est donc pas obligée de rendre un arrêt ; elle en
délibère simplement.
Je poursuis : « Les réquisitions du ministère public prises dans le cours des
débats sont mentionnées par le greffier sur son procès-verbal. Toutes les
décisions auxquelles elles ont donné lieu sont signées par le président et par
le greffier. » Y a-t-il quelque chose à changer à cela ? Si oui, pourquoi ?
Qu'on nous le dise !
Nous avons lu avec beaucoup d'attention le rapport de M. Clément ainsi que le
compte rendu des débats de l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas trouvé la
moindre justification aux modifications qui sont proposées à l'article 231-82,
selon lesquelles : « Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les
réquisitions qu'il juge utiles et sur lesquelles le tribunal est tenu de
statuer. »
Pourquoi ne pas se contenter d'écrire que le tribunal serait tenu de lui
donner acte et d'en délibérer ? Pourquoi supprimer la mention au procès-verbal
des réquisitions ? Pourquoi supprimer la signature par le président et par le
greffier des décisions auxquelles ces réquisitions ont donné lieu ?
Nous n'avons pas de réponse.
M. Pierre Fauchon.
Cela va de soi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous proposons donc de conserver le texte de l'article 313 du code de
procédure pénale, en l'adaptant évidemment au tribunal et en remplaçant les
mots « la cour » par les mots « le tribunal ». Tel est l'objet de notre
amendement n° 191.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Sagesse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à l'amendement n° 191, car le texte
proposé par le Gouvernement dit exactement la même chose, notamment parce que
le greffier établit un procès-verbal, ce qui signifie que le tribunal
statue.
De plus, notre texte est beaucoup plus simple, ce qui me paraît être un
progrès par rapport au texte actuel.
Je souhaite que l'on maintienne le texte du Gouvernement et que l'on n'adopte
donc pas l'amendement du groupe socialiste.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-82 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-83 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 231-83 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-83-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt
et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 192 tend, dans la première phrase du texte proposé par
l'article 2 pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer
les mots : « le président ordonne » par les mots : « le président peut ordonner
».
L'amendement n° 193 vise, dans la deuxième phrase du texte proposé par cet
article pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer le mot
: « punir » par le mot « condamner ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
« Lorsque, à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque
manière que ce soit, le président ordonne son expulsion. » C'est un terme
nouveau. Il nous semble que, bien souvent, lorsqu'un perturbateur se manifeste,
le président, suivant la gravité de l'incident, est amené à dire - cela se
passe très exactement de la même manière au fauteuil que vous occupez en cet
instant, monsieur le président : « Si vous recommencez, je demanderai votre
expulsion. » En général, cela suffit à ramener le calme.
M. Pierre Fauchon.
Pas toujours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pourquoi nous proposons, suivant le cas, de dire : « Le président peut
ordonner. » Tel est le sens de notre amendement n° 192.
J'en viens à notre amendement n° 193. Le texte de l'article est ainsi rédigé :
« Si, au cours de cette mesure, il - l'un des assistants - résiste à cet ordre
ou cause du tumulte, le tribunal peut, sur les réquisitions du ministère
public, le juger et le punir d'un emprisonnement de deux ans. » La formule est
curieuse ! La manière dont le tribunal punit, c'est en général en condamnant.
C'est une pure question de forme, je le reconnais. Mais nous sommes là -
n'est-il pas vrai ? - pour faire la loi le mieux possible. Nous proposons donc
de remplacer le verbe « punir » par le verbe « condamner ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
La commission y est favorable. Elle souhaite toutefois que M.
Dreyfus-Schmidt complète son amendement n° 193 pour préciser : « condamner à un
emprisonnement ».
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous cette rectification ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument, monsieur le président. je préciserai même : « condamner à une
peine d'emprisonnement ».
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Pas d'objection !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement, n° 193 rectifié, présenté par MM.
Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant, dans la deuxième phrase du texte proposé par l'article 2 pour
l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « punir
d'un emprisonnement » par les mots : « condamner à une peine d'emprisonnement
».
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 192 et 193 rectifié
?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis défavorable au deux amendements.
Le premier est inutile dans la mesure où le texte adopté par l'Assemblée
nationale donne exactement au président le pouvoir d'appréciation que souhaite
lui conférer M. Dreyfus-Schmidt. L'expression « le président ordonne » est
meilleure et je souhaite donc le maintien du texte du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Où est le pouvoir d'appréciation ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il est dans l'ensemble de la rédaction de l'article et
il est dans ce que vous avez voté tout à l'heure à la suite de votre amendement
n° 188.
L'amendement n° 193 rectifié propose de substituer le verbe « condamner » au
verbe « punir ». Or, c'est ce dernier terme qui figure tout au long du code
pénal.
Il nous a paru préférable de ne pas modifier ce terme du code pénal au détour
du texte que nous adoptons sur les cours d'assises.
M. Pierre Fauchon.
C'est juste !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Voilà exactement la raison pour laquelle je crois qu'il
ne faut pas changer le terme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 192.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me demandais s'il ne faudrait pas suspendre maintenant nos travaux. En
effet, nous sommes apparemment fatigués et nous avons du mal à nous comprendre.
Notre amendement n° 188 ne règle pas du tout le problème !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je ne sais pas qui est fatigué ! Pas moi ! La séance
est prévue jusqu'à vingt et une heures !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il nous reste, d'ici à vingt et une heures,
cinquante minutes d'utiles travaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Et même d'intenses travaux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 188 rectifié a donné des pouvoirs propres au président dans la
recherche de la manifestation de la vérité, et pas du tout pour faire face à la
situation prévue par les dispositions de l'article 231-83-1, à savoir : «
Lorsque, à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière
que ce soit, le président ordonne son expulsion de la salle d'audience ». Il
n'a pas le choix ! Nous demandons très simplement, benoîtement, naïvement, que
l'on dise « peut ordonner ». Vous nous répondez que c'est exactement ce que
vous voulez écrire, mais que le texte le précise déjà ! Ce n'est pas vrai, le
texte ne le précise pas !
M. Pierre Fauchon.
Pinaillage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quant au verbe « punir », vous nous avez dit qu'il figurait dans le code
pénal. Excusez-moi, mais nous sommes dans le code de procédure pénale - et non
pas dans le code pénal - qui utilise bien le terme de « condamner » et non de
punir.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Punir d'un emprisonnement, c'est une peine !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 192.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je trouve, je me permets de le dire à notre collègue M. Dreyfus-Schmidt, que
l'on arrive à des pinaillages...
M. Emmanuel Hamel.
Oh, quel mot !
M. Pierre Fauchon.
... qui me paraissent tout de même de nature à allonger un peu inutilement le
débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Alors, n'y participez pas !
M. Pierre Fauchon.
Mais, mon cher collègue, puisque vous souhaitiez tout à l'heure abréger le
débat, je vous signale qu'il y a une bonne façon de le faire, c'est peut-être
de ne pas multiplier le pointillisme et les difficultés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Alors, arrêtez et renoncez à la parole !
M. Pierre Fauchon.
Je voudrais tout de même vous expliquer ce que je pense de votre affaire !
Dès lors qu'il est écrit : « Lorsque, à l'audience, l'un des assistants
trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne... »,
c'est bien le président qui apprécie s'il y a un trouble à l'audience, et cela
suffit. Naturellement, il a cette appréciation de la réalité de la consistance
du trouble et, à partir de cette appréciation, il ordonne ou non.
J'estime plus élégant d'écrire « ordonne » plutôt que « peut ordonner »,
expression qui alourdit inutilement la rédaction. C'est pourquoi je ne voterai
pas cet amendement n° 192.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quand je vous dis que nous sommes fatigués !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 192, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 193 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-83-1 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 231-83-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 24, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-83-2 du code
de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Il s'agit de la suppression d'une disposition inutile. Il est
évident que les magistrats et les jurés peuvent prendre des notes. Comme le dit
l'article V de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : « Tout ce qui
n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché. »
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, sur lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'article 231-83-2 du code de procédure pénale est donc supprimé.
ARTICLES 231-84 À 231-88
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-84 à 231-88 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-89 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 194, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte proposé pour
l'article 231-89 du code de procédure pénale :
«
Art. 231-89.
- Si un accusé refuse de comparaître, sommation lui est
faite au nom de la loi, par un huissier commis à cet effet par le président, et
assisté de la force publique. L'huissier dresse procès-verbal de la sommation
et de la réponse de l'accusé. »
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Cet amendement vise à apporter une précision nécessaire.
On est dans l'hypothèse où l'accusé refuse de comparaître. Il convient
évidemment - et cela figure dans le texte de l'article 319 actuel - d'abord, de
lui faire une sommation et, ensuite, de dresser procès-verbal de cette
sommation et de la réponse de l'accusé. Aujourd'hui, tout cela est fait par un
huissier.
Dans le texte du projet de loi, il est proposé que ce soit le chef de
l'établissement pénitentiaire ou l'huissier d'audience qui remplisse ce rôle.
Je ne vois vraiment pas pourquoi le chef de l'établissement pénitentiaire,
lequel a certes toutes sortes de mérites mais n'est pas officier ministériel,
devrait devenir le dépositaire de la réponse de l'accusé. Cela ne peut que
nourrir des difficultés et, éventuellement, servir de motif à un pourvoi en
cassation. Mieux vaut en rester au système actuel, qui fonctionne très bien.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement parce que je ne
vois pas pourquoi il faudrait adopter des dispositions aussi formalistes.
Le chef de l'établissement pénitentiaire est à même de recueillir et de
transmettre les observations de l'accusé détenu, adressées au président du
tribunal. C'est si vrai que, par la loi du 31 décembre 1985, qui a été adoptée
sur la proposition du garde des sceaux de l'époque, M. Badinter, on a prévu que
de nombreux actes de procédure pouvaient être accomplis par le chef de
l'établissement : il en est ainsi, par exemple, dans un cas très important,
comme l'est l'appel de l'ordonnance de refus de mise en liberté.
Je pense que nous avons toutes les raisons d'adopter une simplification qui
est dans la droite ligne de la loi de 1985.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 194.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je crains, monsieur le garde des sceaux, qu'une confusion ne se soit glissée
dans votre esprit. Il est normal d'essayer de rendre plus faciles les
formalités à l'avantage de celui qui est prévenu ou qui se trouve accusé, pour
un appel par exemple.
En l'occurrence, il s'agit de quelqu'un qui refuse de comparaître. On lui fait
une sommation : c'est un acte très important. A cet instant, il peut vouloir
faire des déclarations, qui figureront ensuite au dossier. Il est évident qu'un
chef d'établissement pénitentiaire, tout à fait compétent pour recevoir une
signature, n'a ni la formation ni la responsabilité requises pour recueillir
les déclarations que l'accusé peut être amené à faire à la suite de son refus
de comparution. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre
amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les arguments
ad hominem
n'apportent pas beaucoup de clarté dans un
débat !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Mes arguments ne sont pas
ad hominem
; ils se
fondent sur les textes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est vrai qu'en 1985 le garde des sceaux et ses services avaient fait en
sorte que le plus grand nombre de formalités possible soit effectué par le
gardien-chef de la prison. On avait même oublié que l'avocat pouvait faire
appel et qu'il n'était pas nécessaire de l'obliger pour cela à se rendre à la
Cour d'appel. On y a remédié en 1987. Mais là n'est pas le problème.
J'ai l'impression que nombre des modifications apportées à la loi en vigueur
ont pour objectif d'accélérer les procédures. Or, il ne s'agit pas d'aller plus
vite. Il s'agit de faire juger un crime par le tribunal criminel avec la même
méticulosité que jusqu'à présent devant la cour d'assises.
Ains, l'article 319 prévoit que : « Si un accusé détenu refuse de comparaître,
sommation lui est faite au nom de la loi. » Mais par qui ? Evidemment par un
huissier, dit le texte, « commis à cet effet par le président et assisté de la
force publique ». Cela confère à l'acte une solennité que ne peut évidemment
pas donner le chef de l'établissement pénitentiaire.
Ensuite que se passe-t-il ? « L'huissier dresse procès-verbal de la sommation
et de la réponse de l'accusé » parce qu'il est assermenté et que cette pièce
sera versée au dossier. Le chef de l'établissement pénitentiaire, n'a pas, lui,
qualité pour enregistrer la réponse de l'accusé. D'ailleurs comment
l'enregistrera-t-il ? Verbalement ? Comment la transmettra-t-il au président du
tribunal ? Par téléphone ?
Excusez-moi, monsieur le garde des sceaux, je ne comprends pas pourquoi on
revient sur le texte actuel.
Il en sera de même s'agissant de l'article 320, qui traite du cas de l'accusé
qui refuse d'obtempérer à la sommation.
Qu'est-il prévu actuellement si l'accusé n'obtempère pas à la sommation ? « Le
président peut ordonner qu'il soit amené par la force devant la cour ; il peut
également, après lecture faite à l'audience du procès-verbal constatant sa
résistance - on donne le compte rendu aux assesseurs et aux jurés - ordonner
que, nonobstant son abstention, il soit passé outre aux débats ». Dans ce
cas-là, il est important que l'on sache ce qui a été dit à l'intéressé et ce
qu'il a répondu. On le saura exactement grâce au procès-verbal dressé par
l'huissier et non par ce qui aura été retenu par le gardien-chef de la prison,
qui a certainement beaucoup de qualités, mais pas celle d'être un huissier.
L'article 320 actuel continue en ces termes : « Après chaque audience, il est,
par le greffier de la cour d'assises, donné lecture à l'accusé qui n'a pas
comparu du procès-verbal des débats, et il lui est signifié copie des
réquisitions du ministère public ainsi que des arrêts rendus par la cour, qui
sont tous réputés contradictoires. » Ainsi, l'accusé est mis au courant par le
greffier de la cour de ce qui s'est passé en son absence. Ce qui fait qu'il
pourra dire : « Tiens, il faut que j'y retourne. »
Le nouvel article 231-90, lui, dispose : « Si des jugements incidents sont
rendus par le tribunal en l'absence de l'accusé, ils lui sont notifiés par le
chef d'établissement pénitentiaire. » C'est tout, le directeur de la prison lui
notifie les jugements. Quant à lui raconter ce qui s'est passé, il n'en est
plus question. Pourquoi ? Ce n'est pas parce qu'il y aura possibilité d'appel
qu'il faut modifier une procédure actuellement en vigueur devant la cour
d'assises et qui doit être la même devant le tribunal criminel.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 194, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-89 est donc ainsi rédigé.
ARTICLE 231-90 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 196 rectifié
bis,
MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et
les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit
le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-90 :
«
Art. 231-90. -
Si l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le
président peut ordonner qu'il soit emmené par la force devant le tribunal ; il
peut également, après lecture faite à l'audience du procès-verbal constatant sa
résistance, ordonner que, nonobstant son absence, il soit passé outre aux
débats.
« Après chaque audience, il est, par le greffier du tribunal, donné lecture à
l'accusé qui n'a pas comparu du procès-verbal des débats, et il lui est
signifié copie des réquisitions du ministère public ainsi que des jugements
rendus par le tribunal, qui sont tous réputés contradictoires. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme vous l'aurez remarqué, monsieur le président, j'ai déjà défendu cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement exactement pour
les mêmes raisons que celles que j'ai énoncées tout à l'heure. Mais je voudrais
faire une remarque d'ordre général à la suite de l'observation qu'a formulée M.
Dreyfus-Schmidt à l'instant.
Le groupe socialiste présente tout un ensemble d'amendements visant à rétablir
les procédures actuelles, y compris, comme l'a bien souligné M.
Dreyfus-Schmidt, les plus longues, les plus difficiles ou les plus
coûteuses,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
... alors que le texte du Gouvernement s'est donné pour
objectif, chaque fois que cela ne met pas en cause l'intérêt des parties et
notamment les droits de la défense, de simplifier les procédures.
Lorsque, siégeant sur les bancs de l'Assemblée nationale, j'ai discuté nombre
de textes relatifs au code pénal ou au code de procédure pénale présentés à
l'époque par des gardes des sceaux appartenant au parti auquel appartient M.
Dreyfus-Schmidt lui-même, j'avais cru comprendre, que cette politique de
simplification, était préconisée par ce même parti. J'ai moi-même à plusieurs
reprises considéré qu'il s'agissait d'une très bonne approche.
C'est pourquoi, monsieur le président, je suis très étonné de voir que -
probablement pour les besoins de la cause et pour alimenter et donc allonger un
peu les débats - le groupe socialiste propose systématiquement le retour aux
procédures actuelles, et ce sans autre motivation que la volonté de ne pas
changer les procédures, non pas sur le fond, mais dans les modalités.
Je le regrette, car je pensais que, au contraire, au Sénat comme à l'Assemblée
nationale, il se trouverait une majorité, voire une unanimité, pour s'efforcer,
s'agissant d'une matière aussi importante pour l'ensemble du public - certes,
il n'y a que 2 500 procès d'assises par an, mais chacun sait que ce sont ceux
qui sont le plus suivis, que ce sont ces procédures-là qui intéressent le plus
nos concitoyens - de simplifier les choses, de les rendre plus
compréhensibles.
Dans beaucoup de cas, on nous explique, sur les travées du groupe socialiste
du Sénat ou sur les bancs homologues de l'Assemblée nationale, que, par
exemple, l'intervention de l'huissier est tout à fait contre-indiquée. Et voilà
qu'aujourd'hui on réintroduit le ministère d'huissier. Il y a tout de même là
de quoi être étonné !
Je crois vraiment que ce n'est pas de bonne méthode.
Un des mérites de ce texte tient précisément à la volonté de simplifier et de
clarifier qui nous anime. Dès lors, je ne pense pas que proposer
systématiquement le retour au texte actuel soit judicieux et je regrette que la
commission des lois, sur un certain nombre de points, se soit associée à cette
sorte de « législation dans le rétroviseur » à laquelle se livre le groupe
socialiste.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le Sénat s'y associe aussi !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 196 rectifié
bis.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je suis encore plus étonné, pour ma part, d'entendre M. le garde des sceaux
nous expliquer que ce qui est à l'ordre du jour, c'est la simplification et,
quand le groupe socialiste, avec la commission des lois, présente des
amendements qui vont dans le sens d'une meilleure administration de la justice,
affirmer que nous ne cherchons qu'à gagner du temps. Je ne vois pas en quoi ni
pourquoi nous chercherions à gagner du temps !
En revanche, ce que je vois très clairement, monsieur le garde des sceaux,
c'est que, depuis le début de ce débat, nous ne cessons d'essayer d'apporter,
au-delà et même indépendamment de toute considération politique, des
améliorations techniques nécessaires à ce texte qui, je ne crains pas de le
dire, a été élaboré trop vite.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ah c'est sûr !
M. Robert Badinter.
Je vais vous en donner deux exemples, si vous le permettez, monsieur le garde
des sceaux, car je sais que vous ne supportez pas d'être contredit.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il ne s'agit pas de ça !
M. Robert Badinter.
C'est dans votre nature ! Cela a toujours été : je vous ai connu tel il y a
dix ans, je vous retrouve tel aujourd'hui !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Votre nature a vous, monsieur Badinter, c'est de ne pas
supporter de ne pas avoir le dernier mot, et cela est parfaitement
insupportable parce que vous êtes aujourd'hui sénateur et non plus avocat de la
défense !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela ne vous donne pas le droit de l'interrompre sans en demander
l'autorisation !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
C'est auprès de vous que j'ai dû contracter de
mauvaises habitudes !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous rappelle que c'est moi qui préside les
débats, et seul M. Badinter a la parole.
M. Robert Badinter.
A cet égard, je me permettrai de rapporter à M. le garde des sceaux une petite
anecdote.
Quand je suis devenu garde des sceaux, je n'avais jamais eu auparavant le
privilège d'être parlementaire. Inquiet, je me suis dit : « Il faut que j'aille
demander à un homme d'expérience ce qu'il convient de faire pour ne point
irriter les parlementaires quand on est ministre. »
Aller chez le Président de la République m'était impossible : il aurait pensé
qu'il avait eu tort de me nommer.
Après réflexion, j'ai songé que je connaissais quelqu'un de fort compétent,
d'une immense expérience parlementaire, dont on disait volontiers qu'il était
le plus brillant spécialiste de la vie politique aussi bien sous la IVe
République et que sous la Ve République : le président Edgar Faure.
Je m'en fus donc le trouver et lui demandai comment on devait se comporter
lorsque l'on est ministre et que l'on se trouve dans l'enceinte d'une assemblée
parlementaire. Et voici à peu près ce que le président Edgar Faure m'a répondu
: « Mon cher ami, ne vous faites aucun souci, vous vous débrouillerez très
bien. Il y a une chose cependant que vous devez toujours conserver présente à
l'esprit, c'est que vous êtes l'invité. Quand vous êtes, vous ministre, au
Parlement, vous êtes reçu par les parlementaires, vous êtes chez eux. Dans ces
conditions, même s'ils ne sont pas agréables avec vous, et ils le sont
rarement, vous devez, comme saint Sébastien, accepter d'être percé de flèches
et ne jamais réagir. »
(Sourires.)
J'ai retenu la leçon.
On ne m'a pas ménagé les flèches lorsque j'étais garde des sceaux et, dans
toute la mesure possible, j'ai essayé de conserver dans ma mémoire ce que le
président Edgar Faure m'avait dit. Je crains, hélas ! monsieur le garde des
sceaux, que vous n'avez pas bénéficié de la même leçon.
Mais je reviens au débat et je vous invite, monsieur le garde des sceaux, si
vous le voulez bien, à examiner un instant froidement l'économie de ces deux
amendements.
Tout à l'heure, la commission des lois a soutenu l'amendement n° 194 du groupe
socialiste. Mais de quoi était-il question dans l'article 231-89 ? De quelqu'un
qui ne veut pas comparaître devant une cour d'assises. Or comparaître devant
une cour d'assises, ce n'est pas une formalité banale et refuser d'aller devant
ses juges, c'est tout de même très grave ! Vous imaginez les conséquences d'une
telle décision ; des exemples illustres, que je n'ai pas besoin de rappeler,
sont là pour le montrer.
Dès lors, la réponse de l'accusé est importante et il est légitime que ce soit
quelqu'un qui est spécialisé dans la transcription d'une telle réponse, un
greffier ou un officier ministériel, qui la recueille. Or cette réponse,
monsieur le garde des sceaux, aux termes de l'article 231-90, reste-t-elle au
greffe, comme un appel ? Lisez votre texte ! Il est clairement indiqué que, si
l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le président peut donner « lecture à
l'audience des observations de l'accusé ».
Ces observations, il faudra bien qu'elles aient été rédigées par un homme qui
soit indiscutable quant à la fidélité du texte qu'il aura recueilli. Qui est
cet homme, en dehors du greffier, sinon un huissier ?
Ce sont des vérités élémentaires que je rapelle ici. Je n'ai pas le désir,
croyez-moi, de poursuivre une discussion qui, pour nous tous, n'a déjà que trop
duré.
Le problème est le même s'agissant du deuxième alinéa de l'article 231-90.
Dans le texte actuel, c'est-à-dire au deuxième alinéa de l'article 320, vous
l'aurez noté si vous l'avez lu avec attention, il est indiqué que, si le procès
se déroule en l'absence de l'accusé, après chaque audience, il lui est donné
lecture du procès-verbal des débats par le greffier de la cour d'assises et il
lui est signifié copie des réquisitions du ministère public.
Il faut évidemment que l'accusé sache ce qui s'est passé ! Cela peut entraîner
de sa part la décision de revenir à l'audience. Il lui faut donc avoir
connaissance du procès-verbal, et cela par le truchement du greffier.
Or, dans votre texte, si des jugements incidents sont rendus par le tribunal,
ils lui sont notifiés par le chef de l'établissement pénitentiaire ! Les
jugements sont réputés contradictoires. Mais vous n'avez plus l'avertissement
donné par le greffier qui vient dire à l'accusé ce qui s'est passé et lui
transmet le procès-verbal.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter.
Je termine en disant que ce n'est pas du tout l'esprit de polémique, croyez-le
bien, qui, ici, a commandé nos observations.
C'est un texte qui vous survivra, monsieur le garde des sceaux, et je pense
qu'il nous survivra à tous.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Pas grâce à vous !
M. Robert Badinter.
Faisons donc du bon travail législatif.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Incapable de le faire, incapable de le soutenir !
M. Robert Badinter.
Vraiment, monsieur le garde des sceaux, cette passion d'interrompre ! Vous
auriez fait un excellent avocat d'assises, et il n'est peut-être pas trop tard
!
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Devrais-je aller prendre des leçons chez vous ?
M. Robert Badinter.
Quoi qu'il en soit, je vous rappelle simplement que la commission des lois a
accepté cet amendement parce qu'il est conforme à l'intérêt général !
Acceptez-le ! Faisons ensemble une oeuvre constructive et oubliez et les
polémiques politiques comme les polémiques personnelles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
Ce texte me survivra certainement, mais pas grâce à vous, monsieur Badinter,
qui avez été incapable de le faire et qui êtes aujourd'hui incapable de le
soutenir.
(M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
M. Robert Badinter.
C'est incroyable ! Et dire que je vous ai demandé d'oublier la polémique !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je voudrais dire exactement ce qu'il en est,...
M. Robert Badinter.
Allons-y !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux
... après toute cette leçon, parfaitement inutile.
M. Robert Badinter.
Mais oui !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Au Sénat plus qu'ailleurs, j'ai toujours été traité
comme un invité.
M. Robert Badinter.
Mais vous êtes-vous conduit en invité ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Cela a beaucoup changé, je dois le dire, monsieur
Badinter, depuis que vous siégez dans cette enceinte.
M. Robert Badinter.
Tiens !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Vous ne vous conduisez jamais avec le garde des
sceaux, ni avec aucun autre ministre d'ailleurs, comme avec un invité du Sénat.
C'est évidemment quelque chose que le président Edgar Faure n'a pas pu vous
expliquer lorsque vous êtes arrivé ici comme parlementaire.
Je reviens maintenant au point actuellement en discussion.
L'huissier n'est en rien chargé de recueillir les déclarations de
l'intéressé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Ce qui est important dans cette affaire, c'est que
l'intéressé puisse s'exprimer. S'il refuse de venir lui-même, il faut qu'il
puisse écrire ce qu'il a à déclarer ou le faire dire par son avocat qui, lui,
assiste à l'audience. C'est ce que prévoit notre texte.
Présent à l'audience, l'avocat me paraît d'ailleurs le mieux placé, parce
qu'il est le plus susceptible de lui inspirer confiance, pour donner
connaissance à l'accusé du déroulement de l'audience. Il n'est nullement
nécessaire de prévoir une signification par huissier. Quel compte rendu du
déroulement de l'audience l'huissier qui sera chargé de cette signification
pourra-t-il donner ? En revanche, l'avocat de l'accusé saura parfaitement de
quoi il retourne : il est là pour ça ! Il pourra parler à son client, puis
exprimer le point de vue de ce dernier de la manière la plus fidèle et la plus
efficace qui soit.
A quoi bon introduire l'huissier ? C'est une procédure parfaitement
inutile.
Je maintiens donc que ce que nous proposons est plus simple et plus efficace.
Notre texte ne met aucunement en cause les droits de l'accusé, bien au
contraire, et permet de réaliser une économie de moyens et de procédure qui me
paraît aller dans le bon sens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a la forme et il y a le fond.
Nous avons commencé l'examen de ce texte en commission mercredi matin,
travaillant de neuf heures jusqu'à treize heures quinze. Nous avons repris nos
travaux à quatorze heures trente et les avons poursuivis jusqu'à vingt et une
heures. Nous n'avions alors étudié que les articles sur lesquels le rapporteur
proposait un amendement.
Evidemment, nous n'avons disposé du rapport que très tard, mais, grâce à
l'amabilité de la commission, nous avons pu en prendre connaissance avant qu'il
ne soit broché, c'est-à-dire jeudi soir.
Nous avons passé tout le week-end à préparer nos amendements, car ils devaient
être déposés hier avant seize heures.
Nous ne travaillons pas ainsi par plaisir, monsieur le garde des sceaux ! Et
il n'est pas digne de prétendre que nous cherchons à faire durer les débats.
Nous n'avons, au demeurant, aucun intérêt à les faire durer. La commission a
adopté la plupart de ces amendements, ainsi que le Sénat, cet après-midi
même.
Vous n'avez pas, permettez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux,
le droit de traiter comme vous le faites l'un de vos prédécesseurs, qui a
honoré la place que vous occupez aujourd'hui.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Il se gêne, lui ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sur le fond, nous avons découvert que vous vouliez alléger la procédure mais,
avez-vous dit, à condition que cela ne touche pas au fond. Or, ici, cela touche
au fond.
Vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'enregistrer la réponse de l'accusé. Mais
si ! L'huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de
l'accusé. Dans votre texte, le cas échéant, la réponse de l'accusé est
transmise au président du tribunal, après avoir été recueillie par le chef de
l'établissement pénitentiaire ou par l'huissier d'audience.
Le chef de l'établissement pénitentiaire la recueille comment ? Oralement ? Il
la transmet comment ? Oralement ? Ce n'est pas précisé.
Vous allégez, mais vous oubliez l'éventuel procès en appel : les membres de la
cour auront alors intérêt à connaître la réponse de l'accusé qui, sommé de
comparaître, aura refusé de le faire. Il faudra donc bien qu'on ait un
procès-verbal.
De même, il faudra bien qu'on sache s'il a été prévenu ou non de ce qui s'est
passé en son absence. Vous dites que son avocat le fera. Mais nous n'en savons
rien.
Un procès-verbal doit permettre de savoir que lecture en a été faite à
l'accusé qui a refusé de comparaître, de manière à avoir la preuve qu'il a su
ce qui s'était passé. Ainsi, il n'y aura pas là un vice quelconque !
Evidemment, vous pouvez vous montrer très sûr de vous et accuser les autres de
chercher à gagner du temps. Mais, je vous en prie, admettez une seconde que
nous cherchons à faire la loi la meilleure possible. Nous somes là pour cela !
Vous, le Gouvernement, vous proposez ; nous, le Parlement, nous disposons.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 196 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-90 du code de procédure pénale est donc
ainsi rédigé.
ARTICLE 231-91 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Le texte proposé pour l'article 231-91 du code de procédure pénale a été
supprimé par l'Assemblée nationale.
ARTICLE 231-92 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 25, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour
l'article 231-92 du code de procédure pénale :
« Lorsqu'à l'audience l'accusé trouble l'ordre de quelque manière que ce soit,
il est fait application des dispositions de l'article 231-83-1. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
Cet amendement est simplement destiné à réparer une
omission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-92 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 231-93 À 231-95
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 231-93 à 231-95 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 231-96 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 197, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du
texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure
pénale :
« La voie de l'opposition est ouverte au condamné qui n'a pas comparu.
L'opposition s'exerce dans les cinq jours de la signification de l'arrêt faite
à sa personne ou à son domicile. Le tribunal statue sur cette opposition. »
Par amendement n° 26, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose
de rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté
par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure pénale : « L'appel
est porté devant la chambre des appels correctionnels. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais que M. le garde des sceaux ne nous en veuille pas d'avoir
l'outrecuidance de ne pas accepter aveuglément la modification qu'il propose au
système actuel.
L'article 231-96 du code de procédure pénale prévoit le cas dans lequel un
témoin cité ne comparaît pas. Jusqu'à présent, le tribunal peut condamner le
témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse de prêter serment ou de faire sa
déposition. Le témoin condamné a le droit de faire opposition et, s'il a, par
exemple, simplement été retardé par un accident de la route, la cour relève
immédiatement la condamnation. La procédure est simple. Devant la cour
d'assises, c'est elle-même qui est juge de cette opposition.
Le tribunal qui nous est proposé va être permanent. Est-il normal de supprimer
cette opposition - c'est ce que prévoit le texte du Gouvernement - pour la
remplacer par un appel qui sera jugé par la cour d'appel ? Le tribunal a son
siège dans le département, alors que la cour d'appel, souvent, se tient hors du
département. Ainsi, le malheureux témoin qui sera arrivé en retard et qui aura
été condamné ne pourra pas faire opposition immédiatement, il sera obligé de
faire appel et de se déplacer devant des magistrats qui ne connaîtront pas le
contexte de l'affaire et qui ne pourront pas savoir pourquoi il a été condamné
de cette manière et pourquoi, éventuellement, il a refusé de témoigner.
Là encore, mes collègues et moi-même avons cherché des explications, mais nous
n'en avons pas trouvée. Est-ce pour gagner du temps, monsieur le garde des
sceaux, que vous supprimez cette opposition ? Ce n'est sûrement pas le témoin
qui gagnera du temps.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 197.
M. Jean-Marie Girault,
rapporteur.
L'amendement n° 26 vise à confier à la chambre des affaires
correctionnelles, et non à la chambre d'accusation, l'appel d'une condamnation
à une contravention de cinquième classe à l'égard d'un témoin défaillant. Cela
paraît plus naturel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 197.
Elle a jugé préférable que le témoin défaillant puisse faire appel, plutôt
qu'opposition, de la condamnation prononcée à son encontre. L'appel est, en
effet, porté devant la chambre des appels correctionnels. En revanche,
l'opposition alourdirait la tâche de la juridiction d'assises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 197 et 26 ?
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement
n° 26. J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, dans mon intervention au cours
de la discussion générale.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 197 pour les raisons que
vient d'expliciter M. le rapporteur. En effet, cet amendement a pour objet de
revenir purement et simplement à l'article 326 en vigueur actuellement. C'est
exactement le même débat que celui que nous avons eu voilà quelques instants
avec MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je comprends mieux ce qui se passe. Nous déposons des amendements qui nous
paraissent de bon sens, voire de nature à rétablir quelque erreur. Nous sommes
donc évidemment sidérés d'entendre le Gouvernement reconnaître que l'idée est
bonne, puis s'y opposer.
M. le garde des sceaux aurait-il la conviction que nos amendements sont
uniquement déposés pour l'ennuyer, pour gagner du temps, et donc lui en faire
perdre ? Il a donc un préjugé défavorable sur nos amendements.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je ne suis pas aussi égocentrique et narcissique que
d'autres, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Emmanuel Hamel.
Que la paix soit avec vous !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En l'occurrence, je n'ai pas entendu d'explication. J'ai donné un exemple qui
me semble tout de même parlant, celui du témoin qui arrive en retard, qui
apprend qu'il est condamné et qui fait opposition immédiatement ;
immédiatement, la cour relève la condamnation. C'est ce qui se passe
aujourd'hui. Demain, lorsqu'il arrivera, s'il apprend qu'il a été condamné, on
lui dira qu'il peut faire appel. Le Gouvernement proposait que ce soit devant «
la chambre d'appel de l'instruction », nom provisoire pour la chambre
d'accusation, on se demande pourquoi. La commission considère qu'il est
préférable d'aller devant la chambre des appels correctionnels ; le
Gouvernement donne son accord, mais il ne dit pas pourquoi. Voilà un instant,
il a dit : vous proposez de revenir au texte ancien, je ne suis pas d'accord.
Mais il ne nous explique pas pour quelles raisons il propose de supprimer le
système de l'opposition. C'est un mauvais service.
Nous en reparlerons en cours de la navette. L'Assemblée nationale sera
éclairée sur un texte que, visiblement, elle a voté un peu rapidement. Il n'y
aura donc pas de vote conforme au Sénat.
Vous ne voulez pas nous donner d'explication sur le fond. Vous ne voulez pas
répondre à l'argumentation charpentée que nous nous efforçons, modestement,
d'établir. Libre à vous ! Si telle est votre conception du débat parlementaire,
ce n'est - excusez-nous de vous le dire - là non plus, pas la nôtre !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-96 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Nous sommes parvenus à l'article 231-97 du code de procédure pénale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, j'avais levé la main pour demander la parole pour
explication de vote sur l'amendement n° 26, mais vous ne m'avez pas vu,
soit.
L'article 231-97 nécessitant un débat long et important, il ne me paraît pas
possible de l'aborder maintenant. Aussi, je vous demande de bien vouloir
renvoyer la discussion à la prochaine séance.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Non !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Théoriquement, nous devions lever la séance à
vingt et une heures.
Le débat se poursuit selon nos conditions de travail habituelles : sont
présents dans cet hémicycle environ un quart des sénateurs qui siègent
habituellement en commission lorsque nous examinons des textes de ce genre.
M. Pierre Fauchon.
Ce sont les meilleurs !
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission.
C'est une procédure contre laquelle je me
suis quelquefois élevé, mais sans succès. J'en constate une fois de plus le
résultat.
Cela étant dit, le débat en commission s'est déroulé dans une certaine
sérénité. Aussi, je souhaiterais que nous puissions retrouver cette sérénité en
séance publique.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Demain, nous allons devoir aborder encore au
moins deux problèmes extrêmement importants. Des solutions devront être
trouvées. Le problème qui fait l'objet de l'amendement n° 198, sur lequel la
commission n'a pas émis un avis favorable puiqu'elle présente l'amendement n°
283, est très important. Il s'agit, en quelque sorte, de modifier le démarrage
de l'audience criminelle ou de l'audience en cour d'assises.
Le souci que nous avions eu, à travers ces dispositions, c'était de redonner
un certain caractère contradictoire à ce démarrage de l'audience qui - tous
ceux qui ont pratiqué les audiences criminelles le savent - a une très grande
importance.
Or, monsieur le président, je ne crois pas que notre état de fraîcheur
intellectuelle, si je puis m'exprimer ainsi, soit suffisant pour débattre avec
la sérénité requise.
M. le président.
J'ai bien noté votre souhait, monsieur Larché.
La commission doit se réunir demain matin à neuf heures et la séance publique
est prévue à neuf heures trente. Ce délai d'une demi-heure est-il suffisant ?
Ne devrions-nous pas fixer l'ouverture de la séance à dix heures ?
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Cela me parait judicieux, monsieur le
président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, serait-il possible d'ouvrir la séance à neuf heures
trente et d'interrompre nos travaux à onze heures, pour une raison très simple,
que vous connaissez ? En effet, je dois présider la séance entre onze heures et
douze heures - à midi le bureau du Sénat devant se réunir - ce qui m'empêchera
de prendre part aux travaux du Sénat.
Au nom des « droits de la défense »
(Sourires)
, je vous prie d'accepter
que la commission se réunisse, afin de poursuivre l'examen des amendements,
soit à partir de onze heures trente, soit entre onze heures et midi.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Monsieur le président, nous disposons d'un
temps compté. je réunis la commission demain matin non pas aux aurores, mais à
neuf heures, ce qui rompt avec les habitudes du Sénat.
Nous ne pouvons pas commencer nos travaux en séance publique à neuf heures
trente, les suspendre à onze heures trente et les reprendre ensuite. Je prie
notre collègue M. Dreyfuys-Schmidt de bien vouloir m'en excuser. Nous avons
tous constaté combien il prend part à ce débat. Je comprends les exigences qui
sont les siennes : il doit en effet présider la séance demain, en fin de
matinée. Cependant, nous devons nous en tenir au schéma, déjà très tendu, que
nous avons arrêté d'un commun accord.
Je rappelle simplement que nous étions « menacés » d'un certain nombre de
séances de nuit. Grâce à la bienveillance de M. le président du Sénat, nous les
avons évitées.
Nous devons tenir le rythme et nous nous efforçons de conduire le débat dans
les meilleures conditions possibles.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Monsieur le président, je voudrais rappeler les
conditions dans lesquelles ce débat est organisé, après les décisions qui ont
été prises par la conférence des présidents, hier.
Le Gouvernement avait souhaité que se tiennent trois séances de nuit : hier
soir, ce soir, et éventuellement, demain soir. Par la bouche de M. Romani,
ministre chargé des relations avec le Parlement, il a accédé aux demandes du
président de la commission et du président de votre assemblée et a bien voulu
que le débat soit organisé de la manière suivante : pas de séance de nuit hier,
pas de séance de nuit ce soir, pas de séance de nuit demain, et deux nouvelles
journées de débat les 16 et 17 avril, de manière à permettre au Sénat la
discussion la plus complète et la plus détendue possible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Jacques Toubon,
garde des sceaux.
Dans ces conditions, il me paraît au moins nécessaire
de respecter ce que la conférence des présidents a décidé hier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il avait effectivement été décidé que, ce soir, nous travaillerions jusqu'à
vingt et une heures. En revanche, cela n'avait pas été prévu pour hier soir, et
pourtant ce fut le cas.
Ce texte ne sera applicable que dans deux ans ! Deux journées de discussion
sont encore prévues. Nous ne sommes sans doute pas à une ou deux heures de
débat près en ce moment. Je voudrais tout de même rappeler, monsieur le garde
des sceaux, que vous avez déjà gagné du temps hier soir, ou ce matin, en ne
répondant pas, contrairement à l'habitude, aux orateurs qui s'étaient exprimés
dans la discussion générale.
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à l'application
de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de
la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur
destruction.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 291, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
8
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance
électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 285, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu, en application de l'article 73
bis,
alinéa 8, du règlement,
une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan,
sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour
le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 287 et distribuée.
10
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport supplémentaire fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de résolution (n° 211, 1996-1997) présentée en application de
l'article 73
bis
du règlement par M. Jacques Oudin sur la proposition de
directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du
gaz naturel (n° E-211) ;
- et la proposition de résolution (n° 237, 1996-1997), présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement par MM. Claude Billard,
Félix Leyzour, Louis Minetti, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart,
Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer,
Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Hélène Luc, MM. Paul Loridant, Robert Pagès,
Jack Ralite et Ivan Renar sur la proposition de directive du Conseil concernant
des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
Le rapport supplémentaire sera imprimé sous le numéro 286 et distribué.
J'ai reçu de M. Marcel Deneux un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à
l'alimentation humaine ou animale (n° 224, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 288 et distribué.
J'ai reçu de Mme Lucette Michaux-Chevry un rapport fait au nom de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant la ratification de la convention créant
l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes) (n° 187,
1996-1997) ;
- et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la
Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République
française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au
titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique (n° 188,
1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 289 et distribué.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Xavier de Villepin, Jean-Luc Bécart, Didier Borotra, André
Boyer, Maurice Lombard et André Rouvière un rapport d'information fait au nom
de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à
la suite d'une mission effectuée en Australie et en Nouvelle-Zélande du 7 au 16
février 1997.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 290 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au
jeudi 27 mars 1997, à dix heures et à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 192, 1996-1997), adopté par
l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle.
Rapport (n° 275, 1996-1997) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 279 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres).
Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 280 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euroméditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 278 (1996-1997) portant diverses dispositions relatives à la justice.
M. Luc Dejoie a été nommé rapporteur du projet de loi n° 281 (1996-1997) modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
M. Jean-Pierre Schosteck a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 195 (1996-1997) de M. Louis Souvet et plusieurs de ses collègues, visant à permettre une exploitation rapide et systématiques des brevets d'invention dans les bassins d'emplois.
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 260 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 261 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en Polynésie française.
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 284 (1996-1997) de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mercredi 26 mars 1997
SCRUTIN (n° 119)
sur l'ensemble du projet de loi, portant diverses dispositions relatives à
l'immigration, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission
mixte paritaire (vote unique en application de l'article 42, alinéa 12, du
Réglement).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Pour : | 219 |
Contre : | 96 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
14.
Contre :
6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention :
1. _ M. Georges Othily.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
94.
GROUPE SOCIALISTE (76) :
Contre :
75.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Pour :
59.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. René Monory, président du Sénat.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Pour :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
8.
Abstention :
1. _ M. Philippe Darniche.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstentions
MM. Philippe Darniche et Georges Othily.
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.
Actualités | Travaux Parlementaires | Vos Sénateurs | Europe et International | Connaître le Sénat |
Recherche | Liste de diffusion | Contacts | Recrutement | Plan | Librairie | FAQ | Liens | Ameli |