SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Nomination d'un sénateur en mission (p. 1 ).

3. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 2 )
Discussion générale : MM. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Guy Allouche, Robert Pagès, Mme Joëlle Dusseau.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 3 )

Vote sur l'ensemble (p. 4 )

MM. Ivan Renar, Guy Allouche, Emmanuel Hamel, Mme Joëlle Dusseau, MM. Louis Althapé, Jacques Bimbenet. - Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

4. Réforme de la procédure criminelle. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Intitulé du titre 1er (p. 6 )

Amendement n° 173 de M. Badinter. - MM. Robert Badinter, Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice ; Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement.

Article 1er. - Adoption (p. 7 )

Article 2 (p. 8 )

M. Robert Pagès.

Articles 231 et 231-1 du code de procédure pénale.
- Adoption (p. 9 )

Article 231-2 du code précité
(p. 10 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Article 231-3 du code précité. - Adoption (p. 11 )

Article 231-4 du code précité
(p. 12 )

Amendement n° 2 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Article 231-5 du code précité (p. 13 )

Amendement n° 3 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-6 et 231-7 du code précité. - Adoption (p. 14 )

Article 231-8 du code précité
(p. 15 )

Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-9 du code précité (p. 16 )

Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-10 à 231-17 du code précité. - Adoption (p. 17 )

Article 231-18 du code précité
(p. 18 )

Amendement n° 6 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-19 et 231-20 du code précité. - Adoption (p. 19 )

Article 231-21 du code précité
(p. 20 )

Amendement n° 7 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Pagès. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-22 du code précité (p. 21 )

Amendements n°s 281 de la commission et 153 de Mme Borvo. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Larché, président de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Robert Badinter. - Adoption de l'amendement n° 281, l'amendement n° 153 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-23 à 231-27 du code précité. - Adoption (p. 22 )

Article 231-28 du code précité
(p. 23 )

Amendement n° 9 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-29 du code précité. - Adoption (p. 24 )

Article 231-30 du code précité
(p. 25 )

Amendement n° 10 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-31 du code précité (p. 26 )

Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-32 à 231-34 du code précité. - Adoption (p. 27 )

Article 231-35 du code précité
(p. 28 )

Amendement n° 12 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-36 à 231-46 du code précité. - Adoption (p. 29 )

Article 231-47 du code précité
(p. 30 )

Amendements identiques n°s 13 de la commission et 154 de Mme Borvo. - MM. le rapporteur, Robert Pagès, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article du code.

Article 231-48 du code précité (p. 31 )

Amendements identiques n°s 14 de la commission et 155 de Mme Borvo. - M. le rapporteur, Robert Pagès, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article du code.

Articles 231-49 et 231-50 du code précité. - Adoption (p. 32 )

Article 231-51 du code précité
(p. 33 )

Amendements n°s 177 de M. Badinter et 15 de la commission. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 177 et adoption de l'amendement n° 15.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-52 et 231-53 du code précité. - Adoption (p. 34 )

Article 231-54 du code précité
(p. 35 )

Amendement n° 178 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.

Articles 231-55 et 231-56 du code précité. - Adoption (p. 36 )

Article 231-57 du code précité
(p. 37 )

Amendements n°s 179 de M. Badinter, 16 et 17 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Pagès. - Rejet de l'amendement n° 179, adoption des amendements n°s 16 et 17.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-58 du code précité (p. 38 )

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 180 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code, modifié.
M. le garde des sceaux.

Suspension et reprise de la séance (p. 39 )

5. Dépôt d'un rapport (p. 40 ).

6. Réforme de la procédure criminelle. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 41 ).

Articles 231-59 et 231-60 du code précité. - Adoption (p. 42 )

Article 231-61 du code précité
(p. 43 )

Amendement n° 19 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 181 de M. Badinter. - Retrait.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-62 à 231-65 du code précité. - Adoption (p. 44 )

Article 231-66 du code précité
(p. 45 )

Amendement n° 156 de Mme Borvo. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.

Articles 231-67 à 231-73 du code précité. - Adoption (p. 46 )

Article 231-74 du code précité
(p. 47 )

Amendement n° 182 rectifié de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 183 de M. Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement n° 282 de la commission et 184 de M. Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt.
Demande de priorité de l'amendement n° 184. - Rejet.
Adoption de l'amendement n° 282, l'amendement n° 184 devenant sans objet.
Adoption de l'article du code, modifié.

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Articles 231-75 et 231-76 du code précité. - Adoption (p. 48 )

Article additionnel après l'article 231-76 du code précité
(p. 49 )

Amendement n° 20 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. le président de la commission. - Retrait.

Article 231-77 du code précité (p. 50 )

Amendement n° 21 rectifié de la commission, n°s 185 rectifié et 186 de M. Badinter. - MM. le rapporteur, Robert Badinter, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Emmanuel Hamel. - Retrait de l'amendement n° 21 rectifié ; rejet des amendements n°s 185 rectifié et 186.
Adoption de l'article du code.

Article 231-78 du code précité (p. 51 )

Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-79 du code précité (p. 52 )

Amendement n° 188 de M. Badinter, et sous-amendement n° 285 du Gouvernement. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, le président de la commission. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 23 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-80 du code précité (p. 53 )

Amendement n° 189 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter, Pierre Fauchon. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-81 du code précité (p. 54 )

Amendement n° 190 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-82 du code précité (p. 55 )

Amendement n° 191 de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article du code.

Article 231-83 du code précité. - Adoption (p. 56 )

Article 231-83-1 du code précité
(p. 57 )


Amendements n°s 192 et 193 rectifié de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Fauchon. - Rejet de l'amendement n° 192 et adoption de l'amendement n° 193 rectifié.
Adoption de l'article du code, modifié.

Article 231-83-2 du code précité (p. 58 )

Amendement n° 24 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article du code.

Articles 231-84 à 231-88 du code précité. - Adoption (p. 59 )

Article 231-89 du code précité
(p. 60 )

Amendement n° 194 de M. Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Article 231-90 du code précité (p. 61 )

Amendement n° 196 rectifié bis de M. Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article du code.

Article 231-91 du code précité. - Suppression (p. 62 )

Article 231-92 du code précité
(p. 63 )

Amendement n° 25 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.

Articles 231-93 à 231-95 du code précité. - Adoption (p. 64 )

Article 231-96 du code précité
(p. 65 )

Amendement n°s 197 de M. Badinter et 26 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 197 et adoption de l'amendement n° 26.
Adoption de l'article du code, modifié.
MM. le président de la commission, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux.
Renvoi de la suite de la discussion.

7. Dépôt d'un projet de loi (p. 66 ).

8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 67 ).

9. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 68 ).

10. Dépôt de rapports (p. 69 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 70 ).

12. Ordre du jour (p. 71 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

NOMINATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 26 mars 1997 l'informant qu'il avait décidé de placer M. Philippe Adnot, sénateur de l'Aube, en mission temporaire auprès du ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.

3

DIVERSES DISPOSITIONS
RELATIVES À L'IMMIGRATION

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 277, 1996-1997) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a adopté, hier, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration. Cette approbation me conduit à rapporter devant vous, aujourd'hui, l'adoption définitive de ce projet de loi (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame), dont l'examen par le Parlement débuta en décembre dernier.
Il est temps, me semble-t-il, de conclure cette phase législative d'un texte dont le Gouvernement a voulu, à juste titre, qu'il fût examiné dans la plénitude du débat parlementaire, à travers deux lectures, ce qui s'est traduit par quatre-vingt-dix heures de débat.
Le débat a été nourri, approfondi, passionné. Je crois sincèrement que le Sénat a joué, dans l'examen de ce texte, un rôle éminent, constructif, pondérateur. Chacun s'est plu à souligner le rôle objectif de la Haute Assemblée, et j'ai la grande satisfaction d'avoir, à cet égard, pu traduire vos soucis de pondération et d'efficacité, mes chers collègues.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a largement repris les modifications que le Sénat avait apportées lors de sa première lecture.
Restaient en navette sept articles sur les vingt-deux qui nous avaient été transmis en première lecture. Sur ces sept articles, le Sénat en a adopté quatre conformes, dont l'article 1er relatif au certificat d'hébergement.
La Haute Assemblée avait, au préalable, entendu et apprécié les assurances expresses de M. le ministre de l'intérieur concernant le rôle du maire. M. le ministre nous a rassurés, à cet égard : le texte réglementaire d'application prescrira une association étroite du maire à la procédure avant la délivrance du certificat d'hébergement ; après la décision prise par le préfet de viser ou non le certificat en cause, le maire sera encore informé.
Le Sénat a encore adopté conformes l'article 4, sur l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire, l'article 4 bis, sur le renouvellement de la carte de résident, et l'article 10, sur les visites dans les lieux de travail.
Ne restaient donc en discussion, soumis à la commission mixte paritaire, que trois articles.
D'abord, l'article 3, composé lui-même de trois articles, deux qui avaient été votés en termes identiques par les deux assemblées, l'article 8-1 relatif à la retenue des passeports et l'article 8-2 sur les visites de véhicules, et un article additionnel 8-3 relatif aux fichiers d'empreintes digitales, pour le deuxième alinéa duquel les rédactions des deux assemblées divergaient encore.
Après la première lecture, ce texte autorisait, en vue de l'identification d'un étranger qui ne présente pas ses papiers et ne donne pas les renseignements nécessaires à son éloignement, la consultation, par les agents habilités du ministère de l'intérieur, des fichiers d'empreintes de l'OFPRA et de l'identité judiciaire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale avait accepté une partie de l'encadrement du dispositif prévu par le Sénat, qu'elle avait complété en étendant son champ aux contrôles des titres de séjour et en permettant l'habilitation des gendarmes.
En revanche, elle avait préféré, comme en première lecture, ne pas dresser la liste exhaustive des fichiers dont le législateur autorisait la consultation dans ce cadre et permettre, en conséquence, la consultation « des fichiers contenant des empreintes digitales d'étrangers détenus par les autorités publiques » ; le Sénat, en deuxième lecture, avait repris, sur ce point, sa rédaction de première lecture en citant limitativement le fichier de l'OFPRA et celui de l'identité judiciaire pour des raisons tenant tant à la situation juridique et de fait actuelle qu'à ses préoccupations pour l'avenir.
La commission mixte paritaire a adopté, sur ce point, la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification purement rédactionnelle.
L'article 6 bis , remanié en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, concerne désormais la protection contre l'éloignement des étrangers atteints de pathologies graves. Le Sénat en avait accepté le principe et avait étendu la rédaction proposée pour prévoir non seulement la protection contre l'expulsion, mais également celle contre la reconduite à la frontière.
La commission mixte paritaire a admis cette extension et l'a complétée en prévoyant que cette protection pourrait profiter non seulement aux étrangers dont le traitement serait interrompu par l'éloignement, mais également à ceux qui n'auraient pas commencé le traitement, sous réserve, dans les deux cas, qu'ils ne puissent être traités dans le pays de renvoi.
L'article 8, relatif à la rétention administrative, comportait encore un paragraphe, le paragraphe 4°, sur lequel les deux assemblées n'avaient pu parvenir à une rédaction commune. La divergence portait sur l'opportunité de prévoir un délai pour le procureur pour demander que son appel d'un refus de prolongation d'une rétention administrative ait un effet suspensif.
L'Assemblée nationale avait proposé à deux reprises qu'il bénéficie d'un délai de quatre heures, tandis que le Sénat s'en tenait à une demande formée immédiatement après le prononcé de l'ordonnance.
La commission mixte paritaire a retenu cette dernière solution, là encore sous réserve d'une simplification rédactionnelle.
En votant le texte de la commission mixte paritaire, le Sénat confirmera donc son vote de deuxième lecture.
Ce texte, mes chers collègues, tel que modifié par l'Assemblée nationale et par le Sénat, ne trahit pas le projet gouvernemental ; sur certains points, il le complète même heureusement. C'est pourquoi, en conclusion, je vous demande d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs à l'issue des travaux de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a délibéré, hier, sur le texte de compromis finalement élaboré. A vrai dire, il s'agit non pas réellement d'un compromis, mais plutôt d'ajustements rédactionnels marginaux par rapport à la version adoptée par le Sénat en deuxième lecture. Il n'y a donc guère de faits nouveaux par rapport à notre dernier débat.
J'observe, d'ailleurs, toute l'importance de la contribution du Sénat à l'élaboration de cette loi, et je veux relever - je le dis très sincèrement - la grande qualité du travail législatif accompli dans cette assemblée et au sein de sa commission des lois, sous la présidence de M. Larché, à qui je veux exprimer toute ma reconnaissance.
Ma reconnaissance et mes remerciements vont également à M. Paul Masson, votre rapporteur (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste), dont les positions fermement tenues ont rencontré l'adhésion non seulement de votre majorité mais encore de l'Assemblée nationale elle-même.
Il suffira à celles et à ceux qui, dans d'autres enceintes, peuvent douter de l'importance du Sénat, de se référer au travail qui a été fait ici sur cette loi pour se convaincre de l'utilité de la deuxième chambre !
M. le président. Le Sénat, monsieur le ministre, prend acte de cette déclaration et vous en remercie.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Elle n'est pas nouvelle, dans ma bouche, monsieur le président !
M. le président. Je le sais, monsieur le ministre !
M. Guy Allouche. C'est pour M. Mazeaud que vous dites cela, monsieur le ministre ?
M. Jean Delaneau. C'est de la délation !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas la mémoire des noms, cher monsieur. Alors que l'on parle des institutions, de l'importance d'avoir deux assemblées pour l'élaboration de la loi, ne rabaissez pas le débat à des querelles de personnes !
Mme Joëlle Dusseau. C'est à cause de votre hommage, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Mon hommage, madame, s'adressait aux sénateurs dans leur ensemble, sans distinction d'étiquette politique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Guy Allouche. Merci !
M. Claude Estier. C'est nouveau, ça !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'approfondirai pas la présentation du texte finalement soumis à votre délibération. Les rédactions proposées aux articles 3, 6 bis et 8 reprennent les propositions que vous aviez retenues.
En particulier, à l'article 3, est acquise l'énumération des fichiers contenant des empreintes digitales, auxquels les services du ministère de l'intérieur et les unités de gendarmerie nationale pourront avoir accès, conformément aux souhaits de votre assemblée.
Quant à l'article 6 bis , relatif aux étrangers gravement malades, la commission mixte paritaire a jugé utile d'étendre encore son champ d'application aux étrangers dont le renvoi pourrait les priver d'un traitement médical en France.
Je ne reviens pas sur les réserves que j'ai émises à ce propos devant vous en deuxième lecture sur un amendement analogue et, hier encore, devant l'Assemblée nationale.
Je m'efforcerai simplement de faire en sorte que l'application du texte ainsi amendé par le Parlement ne porte pas préjudice à l'atteinte de nos objectifs.
De même, en ce qui concerne l'appel suspensif du parquet contre un refus de prolongation d'une rétention administrative, prévu à l'article 8-4, l'Assemblée nationale s'est rangée à votre avis, qui était d'ailleurs celui du Gouvernement ; on en revenait ainsi au projet initial du Gouvernement.
De ce fait, nous garantissons la meilleure sécurité juridique, conformément au souhait de votre rapporteur.
Finalement, mesdames, messieurs les sénateurs, cette grande convergence des deux assemblées donne toute satisfaction au Gouvernement.
Le choix de n'avoir pas déclaré l'urgence sur ce texte se trouve pleinement légitimé par l'issue de la procédure, au terme des deux navettes.
Aux pétitionnaires, à ceux qui avaient manifesté dans la rue pour faire pression sur le Gouvernement, pour faire pression sur les députés et sénateurs, j'avais dit qu'en démocratie la loi se faisait au Parlement de la République et nulle part ailleurs.
Je suis heureux qu'après plus de cent dix heures de débat, si l'on tient compte des auditions en commission, députés et sénateurs aient minutieusement examiné toutes les dispositions prévues par le texte du Gouvernement. Ils ont ainsi pu montrer aux uns et aux autres qu'ils sont véritablement les représentants de la nation et que la loi s'est faite au Parlement.
Si je me suis refusé à déclarer l'urgence, c'est aussi parce que je voulais que chacun, quelle que soit son opinion, puisse s'exprimer et faire valoir son point de vue.
En effet, contrairement aux habitudes acquises depuis longtemps, le texte proposé en cette matière délicate de l'immigration n'a pas donné lieu à une déclaration d'urgence et la navette a pu se poursuivre jusqu'à son terme en mettant en lumière l'ensemble des problèmes tout à la fois politiques et techniques que pose le texte.
C'est d'ailleurs, pour ma part, la principale difficulté que j'ai ressentie dans le déroulement de ces débats. Nous devons à chaque instant garder à l'esprit les exigences juridiques dérivées, notamment, de la jurisprudence constitutionnelle.
Peu de textes, dans leur préparation, ont été élaborés avec cette volonté de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je sais bien que certains, ici ou là, s'élèvent contre le fait que, lorsqu'on élabore la loi, on tient compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que, par conséquent, les parlementaires ne sont pas totalement libres. Peu importe ces commentaires. Toutes les dispositions que nous avons élaborées respectent la jurisprudence tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'Etat.
Le juge constitutionnel va être saisi ; naturellement, il peut, pour des raisons qui lui appartiennent, changer de jurisprudence. L'important pour moi était de respecter la jurisprudence actuelle.
Nous devons aussi, et tel était mon souci, rester pragmatiques et trouver des solutions techniques et précises qui puissent être appliquées concrètement.
Nous devons enfin garder le cap sur le fait que la volonté nationale nous impose de traduire en droit positif une volonté, que je sais partagée par l'ensemble de nos concitoyens, celle de maîtriser l'immigration irrégulière. Si nous voulons, je le redis encore une fois, être fidèles à la tradition française d'intégration des étrangers à la communauté nationale, il faut avoir un regard critique et mettre en oeuvre des dispositions efficaces contre l'immigration irrégulière.
Le prix de l'intégration des étrangers en situation irrégulière est que l'on doit se montrer à l'égard de ceux qui ne sont pas intégrés d'une très grande intransigeance.
Ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, a aussi cristallisé de véritables clivages politiques, parfois dans des conditions polémiques inutiles à mes yeux, dommageables pour l'histoire de notre pays. Mais peu importe le passé !
Ce débat aura eu le mérite de montrer qu'il existe, entre la majorité qui soutient le Gouvernement et l'opposition qui le critique, et c'est légitime, un fossé en ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière. En effet, si tout le monde s'accorde sur la nécessité de lutter contre l'immigration irrégulière, en revanche, le fossé se creuse dès lors que des dispositions précises sont envisagées.
Je vous l'ai dit depuis longtemps : pour ma part je ne souhaite pas que nous persistions dans cette façon de faire de la politique réduite au raisonnement par déclaration, par incantation, par pétition de principe et qui fait apparaitre un très grand vide quand il faut agir de manière précise et opérationnelle. C'est à l'honneur de cette majorité que d'avoir dépassé le niveau des discussions, des pétitions de principe et des déclarations d'intention pour se montrer réellement efficace dans la lutte contre l'immigration irrégulière.
Je voudrais remercier les sénateurs qui m'ont soutenu dans ce combat difficile. Les dispositions que vous allez voter sont bonnes. Sachez que je les ai voulues avec votre rapporteur, avec le Sénat comme avec l'Assemblée nationale. Sachez que je les assume pleinement.
Je sais bien qu'aujourd'hui nul n'est à l'abri des critiques. Je sais bien que la critique est facile. Cependant, les dispositions contenues dans ce texte que j'ai acceptées et que vous allez voter, me paraissent utiles pour mon pays et pour une certaine conception de la France.
Je voudrais dire en terminant que je ne cours après personne, que je ne fais pas des lois en fonction de tel ou tel parti de tel ou tel lobby, de tel ou tel groupe de pression : je fais des lois en fonction de l'image que j'ai de mon pays et de la conception que je me fais de l'intérêt général.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire merci au terme de ce long débat, merci pour le soutien que vous avez apporté au Gouvernement, merci pour l'image que vous avez donnée d'un Parlement qui s'occupe des problèmes concernant les Français et qui s'en occupe en dehors des pétitions de principe, en dehors des discours faciles et qui, pour une fois, a montré que la loi était votée dans de bonnes conditions après avoir été examinée longuement. C'est une loi qui répond à l'attente des Français et au besoin de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je tiens, tout d'abord, à m'adresser à vous, monsieur le rapporteur. Au-delà de la diversité partisane légitime dans une démocratie, je ne peux que rendre hommage au travail que vous avez effectué ! (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Au-delà des divergences, au-delà de l'appréciation que les uns et les autres portent sur ce texte, je veux souligner devant l'ensemble de nos collègues que, si ce débat politique difficile a été de très haute tenue, c'est en grande partie grâce à vous. Mes amis et moi-même avons apprécié que, tout au long de l'expression de nos sensibilités, nous avons, les uns et les autres, su nous entendre, nous écouter, nous respecter. Vous avez joué, à bien des égards, un rôle de modérateur tout au long de ce débat tant en séance publique qu'en commission, et ce grâce à la sagesse de son président, M. Jacques Larché. Je me devais, au terme de ce débat, de rendre cet hommage, et je le fais avec plaisir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certains travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Jean Delaneau. Continuez ainsi !
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les conclusions de la commission mixte paritaire, nous voici au stade ultime de ce débat sur l'immigration, sujet sensible, délicat, qui soulève inévitablement émotion, passion et tension. Deux mois durant, le Gouvernement a voulu que ce sujet soit au coeur de l'actualité, alors qu'il n'est pas le problème central des préoccupations des Français.
M. Emmanuel Hamel. C'est vous qui le dites !
M. Guy Allouche. Pour des raisons purement politiciennes et bassement électoralistes...
M. Alain Gournac. Cela commence mal !
M. Guy Allouche. ... le Gouvernement a pris la responsabilité de remettre sur l'établi législatif une question qui relevait pour l'essentiel du domaine réglementaire. Mais c'était sans compter sur la pression des ultras de la majorité dont la lepénisation rampante des esprits...
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Guy Allouche. ... s'est révélée dès la publication du rapport Philibert-Sauvaigo.
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous avez bien commencé, mais vous poursuivez mal !
M. Guy Allouche. En effet, par cynisme et par aveuglement, Gouvernement et majorité ont joué avec le feu, dramatisant artificiellement la question de l'immigration, fournissant à l'aile la plus extrémiste de la majorité des concessions de taille, rivalisant sur un terrain miné avec l'extrême droite.
Un gouvernement digne de ce nom doit expliquer, préparer l'avenir et convaincre. En aucun cas, il ne doit alimenter le fonds de commerce des démagogues, ne doit jouer sur les amalgames qui ramènent l'étranger au fantasme du fraudeur et du profiteur. Gouverner, c'est, selon nous, refuser le recours à l'irrationnel, c'est refuser le chauvinisme et la fermeture, le recours aux arguments inacceptables de l'impossibilité d'assimiler, d'intégrer certaines catégories d'étrangers.
Gouvernement et majorité ont feint d'ignorer que les luttes politiques sont aussi des luttes sémantiques. Celui qui impose à l'autre son vocabulaire lui impose aussi ses valeurs. En diabolisant la gauche, la droite française a banalisé le Front national.
M. Alain Gournac. Arrêtez d'en parler !
M. Jean Delaneau. Qui en parle le premier ?
M. Charles Descours. En 1981, que représentait le Front national ?
M. Emmanuel Hamel. Quelle polémique lamentable !
M. Guy Allouche. A l'occasion du débat à l'Assemblée nationale, vous avez osé, monsieur le ministre, faire le rapprochement douteux entre étrangers et chômage, reprenant à votre compte le slogan ignoble : trois millions d'étrangers, trois millions de chômeurs.
Ce n'est ni une maladresse ni une gaffe. Ce raccourci scandaleux révèle en fait la philosophie qui a animé ce texte. (Protestations sur les travées du RPR.) La droite croit lutter contre les extrêmes, alors qu'elle marche sur ses brisées. Elle fait mine de défendre la République, mais elle fragilise ses principes. Elle affirme répondre aux peurs des Français, mais elle conduit à faire de l'étranger, même en situation régulière, le moteur de cette peur, le bouc émissaire des maux de notre société. En mettant l'immigration là où le Front national la situe, au coeur du débat politique, le pouvoir a légitimé son discours.
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous ne pensez qu'à lui !
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, d'une façon générale, nous n'aimons pas les déclarations d'urgence. (M. le ministre proteste). Vous avez souligné l'importance de la navette. En effet, sans navette, qu'en serait-il de ce fameux article 1er, dont vous savez très bien qu'il était contraire aux principes fondamentaux ?
C'est grâce à ces navettes, toujours utiles, que cet article a été modifié.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. La navette, je l'ai voulue !
M. Guy Allouche. Le mouvement national de protestation contre ce projet de loi a contraint le Gouvernement à la reculade, cela après qu'il eut été sourd à tous les avertissements et mises en garde qui lui avaient été adressés.
M. Serge Mathieu. Ah ! ces « intellos » qui n'habitent pas dans les banlieues !
M. Guy Allouche. Mon cher Serge Mathieu, n'est-ce pas M. le Premier ministre qui, le 21 mars dernier, voilà quelques jours, reconnaissait devant la commission nationale consultative des droits de l'homme...
M. Alain Gournac. Bonne lecture !
M. Guy Allouche. ... qu'« a posteriori le Gouvernement aurait mieux fait de l'écouter. »
Devrais-je ajouter que la commission nationale consultative des droits de l'homme a rejeté l'ensemble du projet de loi et pas uniquement son article 1er.
Oui, mes chers collègues, il est des circonstances où une minorité morale est suffisamment forte pour valoir toutes les majorités silencieuses, quoi qu'en disent les sondages d'opinion.
M. Jean-Pierre Schosteck. Et le respect de la démocratie !
M. Guy Allouche. La xénophobie, le mépris et la haine de l'autre non seulement ne sont pas une fausse réponse à l'immigration mais elles sont aussi antinomiques de l'idée même de la République.
M. Joseph Ostermann. On vient d'en avoir une bonne démonstration.
M. Guy Allouche. Nous vous avions dit que ce projet de loi était inopportun parce qu'il accentuait la fracture sociale. Le Gouvernement n'a pas voulu en tenir compte...
M. Jean-Pierre Schosteck. Avec raison !
M. Guy Allouche. ... alors que vient de lui être remis, voilà quelques jours, le 21 mars, un rapport de cette même commission nationale consultative des droits de l'homme qui « s'alarme de l'augmentation dangereuse de la xénophobie en France ».
Il serait vain de reprendre ici l'examen et l'analyse des dispositions législatives de ce projet de loi. Aucun de nos amendements n'a été retenu. (M. About s'exclame.)
Pourtant, nous n'avons eu de cesse de démontrer l'inconstitutionnalité de certains articles et d'affirmer que ce projet de loi était sans rapport direct avec l'objectif avancé, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière, qu'il était dangereux et inefficace, qu'il précarisait et déstabilisait les immigrés en situation régulière et enfin, ne l'oublions pas, qu'il accordait la prééminence à l'autorité administrative au détriment de l'autorité judiciaire.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Guy Allouche. Oui, monsieur le ministre, vous ne supportez plus que les juridictions judiciaires et administratives annulent les décisions du ministère de l'intérieur et des préfectures. S'agissant des travaux de la commission mixte paritaire, je relèverai le pas positif fait en faveur des personnes atteintes d'une pathologie grave.
Dès la première lecture au Sénat, nous avions proposé un tel dispositif par voie d'amendement, car nous souhaitions tout simplement que la France demeure fidèle à sa tradition de générosité et d'humanité. Nous souhaitions que cela fût inscrit dans la loi parce que, dans les faits, les nombreuses expulsions d'étrangers ayant commencé un traitement médical lourd démentaient les propos tenus ici même, par vous, monsieur le ministre.
Ce que le Sénat a refusé, l'Assemblée nationale a fini par l'admettre. Nous n'allions pas bouder notre plaisir, et nous avons donc approuvé le nouvel article 6 bis parce qu'il mettra fin, nous l'espérons, à des pratiques peu dignes et scandaleuses.
J'imagine, monsieur le ministre, votre malaise quand vous avez pris connaissance de la décision de justice qui vient d'être rendue à la suite de l'expulsion d'un citoyen tunisien. En effet, alors que vous nous aviez assuré ici même, au cours de la seconde lecture, qu'il n'y aurait pas d'expulsion de malades suivant un traitement lourd, nous apprenions dès le lendemain, par vos services, que ce Tunisien était expulsé alors qu'il se trouvait dans ce cas. Or la justice vient de lui permettre de revenir sur notre territoire. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le ministre, je ne dirai pas, comme le chef de l'Etat, que vous êtes formidable, mais je vous trouve étonnant, vraiment étonnant ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Il est les deux !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous étonne ? Eh bien, j'en suis ravi !
M. Guy Allouche. En effet, lorsque l'Assemblée nationale durcit votre texte et le rend répressif à outrance, vous êtes satisfait. Lorsque le Sénat l'humanise, pour reprendre l'expression de M. le rapporteur, eh bien ! vous êtes encore satisfait. Vous êtes même ravi !
M. Jean-Paul Emorine. C'est une grande qualité !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est parce qu'il respecte le Parlement !
M. Guy Allouche. D'un côté comme de l'autre, vous êtes toujours satisfait. On en arrive même à se demander où est votre conviction dans ce domaine.
M. Jean-Pierre Schosteck. De quoi vous plaignez-vous ?
M. Lucien Lanier. C'est l'exercice de la démocratie !
M. Guy Allouche. Après tant d'heures de débat, nous sommes plus convaincus encore aujourd'hui qu'hier que cette future loi est inutile et néfaste.
M. Henri de Raincourt. Ah !
M. Guy Allouche. Cette démarche du Gouvernement est d'autant plus dangereuse qu'elle donne de faux espoirs...
M. Nicolas About. Et celle de Badinter ?
M. Guy Allouche. Vous êtes hors sujet ! (Rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Elle donne de faux espoirs à ceux qui croient en son efficacité, car elle ne résoudra pas les problèmes liés à l'immigration.
Il n'y a pas de fossé entre nous, monsieur le ministre, en matière de la lutte contre l'immigration irrégulière. Il y a unanimité là-dessus (Ah bon ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) et nous l'avons démontré pendant de nombreuses années. (M. Jean-Pierre Schosteck s'exclame.)
La preuve, c'est qu'il n'y a guère plus de reconduites à la frontière aujourd'hui qu'il n'y en avait hier !
M. Alain Gournac. C'est une bonne remarque !
M. Guy Allouche. Seulement, nous avions, nous, des pratiques très respectueuses de l'Etat de droit et, malheureusement, vous les avez quelque peu malmenées.
Ajouterai-je que ce sont non pas les sans-papiers qui posent des problèmes dans les quartiers difficiles, mais, le plus souvent, les fils d'immigrés de la deuxième et de la troisième génération qui sont plongés dans le chômage et l'inactivité...
M. Jean-Pierre Schosteck. Attention, vous allez déraper !
M. Guy Allouche. Et ceux-là sont français !
Dans ces quartiers des banlieues difficiles où la précarité devient endémique, ce n'est pas la loi Debré qui ramènera la légalité, la sécurité et la confiance, loin s'en faut !
M. Claude Estier. Parfaitement !
M. Guy Allouche. Loi néfaste et inutile car nous savons - vous le savez très bien, chers collègues, ne feignez pas de l'ignorer - que les candidats à la clandestinité n'ont pas recours dans leur immense majorité aux certificats d'hébergement.
Une analyse sociologique et politique un tant soit peu rigoureuse montre aisément que la réduction drastique de la délivrance de visas, la reconnaissance rendue plus difficile du statut de réfugié, et, on l'a appris il y a trois jours avec un durcissement du décret sur le droit d'asile, le zèle d'une administration toujours prompte à multiplier les obstacles au renouvellement d'une carte de séjour, voire d'une carte d'identité, l'obtention de la nationalité française pour les enfants d'immigrés à seize ans seulement, tout cela a contribué à marginaliser, à déstabiliser une population destinée à vivre de façon régulière et durable sur notre territoire.
Comment ne pas souligner qu'un article peut en cacher un autre et qu'il y a pire que cet article 1er qui a focaliser toute l'attention ? Je veux parler de l'article 4 bis, qui permet d'invoquer une « menace possible à l'ordre public » pour refuser le renouvellement de la carte de résident à un étranger installé en France depuis dix ans.
En laissant au préfet le soin d'apprécier l'existence de ce danger virtuel, cette disposition s'abattra sur la tête de l'intéressé, telle l'épée de Damoclès.
Mais à quoi peut bien servir le non-renouvellement automatique de la carte de dix ans pour lutter contre l'immigration clandestine ? A rien, par définition, puisque cette carte concerne des étrangers vivant en situation régulière !
En fait, cet article vise à déstabiliser les communautés d'immigrés déjà intégrées, à exclure les étrangers de la vie active et du tissu économique, à les dénigrer et à les désigner systématiquement comme la cause première du mal-vivre français, à les rabaisser, à les fragiliser socialement et psychologiquement, avant de les expulser, ou de les réduire à une condition de sous-hommes soumis et corvéables à merci.
Avec cette nouvelle disposition, la chasse sera ouverte, par voie administrative, à tous ceux dont le faciès, la couleur de la peau, les engagements politiques ou syndicaux, les convictions religieuses seront jugés indésirables.
M. Nicolas About. C'est facile !
M. Alain Gournac. C'est affreux !
M. Guy Allouche. Un trait de plume les mettra au ban de la société. Etranger une fois, étranger pour toujours, tel est désormais l'axiome du Gouvernement et de sa majorité...
M. Jean-Pierre Schosteck. Je n'ai pas ce sentiment !
M. Guy Allouche. ... qui n'ont jamais autant parlé d'intégration alors qu'ils mettent une « valise dans la tête de chaque étranger ».
M. Nicolas About. C'est vous qui avez fait entrer Le Pen à l'Assemblée nationale !
M. Claude Estier. Ça suffit !
M. Jean-Pierre Schosteck. Ça vous gêne ?
M. Michel Charasse. C'est Giscard qui a commencé !
M. Marcel Debarge. Et les assemblées régionales !
M. Claude Estier. Il faut changer le mode de scrutin des régionales !
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à la mesure et à l'écoute.
M. Michel Charasse. Et réciproquement !
M. Guy Allouche. Mes chers collègues, je vous invite à vous remémorer qui a introduit la proportionnelle pour les élections européennes, en 1979. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Et pour les législatives ?
M. Guy Allouche. Avec une telle loi, le mot « intégration » achève de se vider de tout contenu puisqu'elle accrédite la figure symbolique de l'immigré comme résident temporaire, non désiré, objet de suspicion, élément actif pour une bonne part de la pathologie sociale actuelle.
Nous réaffirmons avec force que les immigrés ne sont pas la cause de la crise économique.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est vrai, ce sont les socialistes !
M. Guy Allouche. Bien au contraire, les immigrés en sont les premières victimes.
Ma conviction, c'est que le Gouvernement et sa majorité « pilotent à vue » car ils ne mesurent par les conséquences à terme des dispositions envisagées, les effets sur les jeunes de l'immigration qui ne sont ni sourds ni idiots et qui comprennent que l'on place au coeur du débat la légitimité de la présence des immigrés en France, autrement dit de la légitimité de la présence de leurs parents et d'eux-mêmes.
Pour la « seconde génération », débattre de la légitimité de l'immigration réactive la mémoire de l'immigration familiale avec sa part de souffrance née de l'arrachement au pays et des humiliations subies parce qu'ils sont différents.
Beaucoup de Français récusent encore et refusent toujours de reconnaître l'importance historique de l'immigration.
M. Alain Gournac. Je n'ai jamais dit le contraire !
M. Guy Allouche. Les immigrés n'ont jamais été que tolérés, nulle place pour eux dans la représentation symbolique que la France se donne, nulle considération envers ces êtres humains.
Les enfants de l'immigration - qu'ils soient juridiquement français ne change rien à l'affaire ! - garderont encore longtemps la mémoire de cette altérité radicale des parents, altérité qu'ils prennent en charge tel un relais de père en fils.
Si les pouvoirs publics veulent favoriser l'intégration des jeunes d'origine étrangère qui, eux, sont irrémédiablement là, sont inexpulsables et sont des électeurs en puissance sinon déjà de fait, il faudrait donc qu'ils tiennent compte de cette capacité de mémoire. Or, je crains que cette future loi ne bloque durablement le processus d'identification de ces jeunes à la France.
L'intégration est une question très sérieuse à laquelle il faut apporter des réponses concrètes. Elle n'est en aucun cas une question que l'on traite en se contentant d'effets de manche, de coups de bâton, de mensonges.
M. Jean-Pierre Schosteck. Alors, il faut arrêter !
M. Guy Allouche. Oui ! gare au jour où tous ces jeunes Français s'éveilleront et agiront en souvenir du vécu de leurs parents !
Ma conclusion se devine aisément : nous avons dit non en première lecture ; nous avons dit non en deuxième lecture.
M. Jean-Pierre Schosteck. Et vous direz non une troisième fois !
M. Guy Allouche. Effectivement, nous disons non aux conclusions de la commission mixte paritaire.
Trois fois non, telle est la réponse du groupe socialiste du Sénat à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Les électeurs trancheront !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, je voudrais d'abord vous faire part de mes convictions.
Ma première conviction, je l'ai dit, c'est que la loi se fait ici, et nulle part ailleurs...
M. Henri de Raincourt. C'est bien !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ma deuxième conviction, c'est que notre pays doit faire respecter les lois de la République.
Ma troisième conviction, c'est que, dans ce pays, il faut lutter contre l'immigration irrégulière, contre les filières d'immigration illégale et contre le travail clandestin, en dehors des mots et des discours.
Monsieur Allouche, je m'étonne de recevoir des leçons sur mon absence de convictions par ceux qui, vous vous en souvenez peut-être, ont institué les certificats d'hébergement. ( Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je m'étonne de recevoir des leçons de ceux qui, vous vous en souvenez peut-être, voilà quelques années, ont modifié la loi électorale pour faire entrer au Parlement le Front national...
M. Claude Estier. Cela suffit !
M. Henri de Raincourt. C'est la vérité !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je m'étonne de recevoir des leçons de ceux qui, dans cet hémicycle même, ont fait des rapprochements historiques et des allusions à une période sombre de notre histoire !
M. Michel Charasse. Ils n'ont pas fait pire que Léotard !
M. Claude Estier. Vous voulez parler de Léotard !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le devoir de mémoire que nous devons à nos parents, à nos grands-parents, à ceux qui sont partis et qui ne sont pas revenus impose parfois, me semble-t-il, un peu plus de décence et de dignité. (Très bien ! sur les travées du RPR et protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Charasse. A Léotard, plus que jamais !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, vous avez dit qu'il y avait de la passion dans ce débat. Permettez-moi tout d'abord de relever qu'en première lecture, à l'Assemblée nationale, il n'y avait pas de passion, parce que les socialistes étaient absents ! (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais, quand ils ont voulu déplacer le débat des enceintes du Parlement sur la voie publique, alors la passion est entrée, et c'est vous qui êtes à l'origine de cette passion.
M. Claude Estier. Ici, au Sénat, elle y était avant les manifestations !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Moi, je n'ai jamais mis de passion dans ce débat.
De plus, sur ce point, je ne vous comprends pas : pourquoi le Parlement français ne pourrait-il pas discuter d'un certain nombre de sujets : la lutte contre l'immigration irrégulière, contre le travail clandestin, contre les filières d'immigration clandestine ? Ne s'agit-il pas de problèmes importants ?
M. Claude Estier. C'est la vingt-cinquième loi sur la question !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Si, et c'est l'honneur du Parlement d'avoir abordé ces questions ! Je ne dis pas - et je ne l'ai jamais dit - qu'il n'y a pas d'autres problèmes qui préoccupent les Français !
Mme Hélène Luc. Vous n'aviez pas besoin de nouveau projet pour lutter contre l'immigration clandestine, monsieur le ministre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Naturellement, ils sont préoccupés par le problème de l'emploi, mais ils le sont aussi par celui de l'immigration irrégulière !
Mme Hélène Luc. Vous avez laissé faire !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous me faites un procès en disant : « Que serait-il arrivé si vous aviez déclaré l'urgence ? » Mais je n'ai pas déclaré l'urgence !
M. Claude Estier. Bien vous en a pris !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je ne l'ai pas fait, justement pour permettre au Parlement d'agir dans la plénitude de ses fonctions.
M. Claude Estier. Il faut dire que, vous-même, vous avez changé d'avis ! Vous avez modifié l'article 1er !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le droit d'amendement, selon la Constitution, appartient à l'ensemble des parlementaires, et je n'ai pas voulu déclarer l'urgence parce que j'ai considéré que, sur un sujet important, délicat, il fallait que toutes les sensibilités puissent s'exprimer au Parlement et s'exprimer aussi longtemps qu'elles le souhaitaient.
Nous avons eu cent dix heures de débats, en commission et en assemblée plénière, et c'est bien qu'il en soit ainsi. Alors, ne me faites pas de faux procès !
M. Guy Allouche. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous me demandez ce qui serait arrivé si j'avais déclaré l'urgence. Je n'ai pas déclaré l'urgence. Par conséquent, je considère que votre reproche était tout à fait inutile.
M. Guy Allouche. Non !
M. Claude Estier. Nous voulions changer l'article 1er !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Allouche, c'est là où nous divergeons. Pour être réduite, la fracture sociale suppose, me semble-t-il, que tout le monde dans ce pays applique la loi. Lorsqu'un certain nombre de personnes se considèrent hors la loi de la République, alors le risque de fracture sociale devient évident.
Vous le savez aussi bien que moi, parmi les étrangers en situation irrégulière - de par la loi ou condamnés par la justice - seuls 28 % sont expulsés. Par conséquent, la loi n'est pas appliquée en France, justice n'est pas rendue et c'est là qu'il y a un risque de fracture sociale !
S'agissant de l'immigration irrégulière et du chômage, je maintiens - et je mesure mes mots, monsieur Allouche - que c'est une pure hypocrisie de nier l'existence d'un rapport entre les deux.
Mme Joëlle Dusseau. C'est Mme Couderc qui l'a dit ici même !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Madame, je ne vous ai jamais interrompue lorsque vous parliez, alors laissez-moi terminer !
Mme Hélène Luc. Vous auriez pu attendre que tous les orateurs finissent de parler pour leur répondre !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Vous savez très bien que le travail clandestin et le travail irrégulier des étrangers sont des fléaux de notre société.
M. Claude Estier. Vous ne faites rien contre le travail clandestin !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Or l'économie souterraine se nourrit du travail clandestin, des étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans des conditions inhumaines et inacceptables ! Oui, l'économie souterraine se nourrit de tout cela ! Pouvez-vous le nier ? Pouvez-vous nier que les emplois illégaux portent tort aux emplois légaux ? S'il y avait moins d'emplois illégaux, n'y aurait-il pas plus d'emplois légaux ?
M. Claude Estier. Il n'y a pas que des étrangers parmi ceux qui occupent des emplois illégaux !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai rien dit de plus ! Je dis simplement qu'il y a deux fléaux et que l'honneur du Parlement c'est aussi de ne pas mettre la tête sous l'oreiller pour éviter d'aborder les vraies questions. Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur Allouche !
Oui, j'ai une conviction : c'est qu'il faut, en dehors des mots, des slogans, des incantations, comme vous le faites, lutter contre l'immigration irrégulière, contre les filières d'immigration illégale, contre le travail clandestin. Je veux en effet que mon pays reste fidèle à sa tradition, et cette tradition, c'est l'intégration des étrangers en situation régulière. C'est cela la République, c'est la République que nous aimons ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela la France !
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, vous avez quelque peu personnalisé notre débat en répondant dès maintenant à notre excellent collègue Guy Allouche.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jaloux ! (Sourires.)
M. Robert Pagès. Je crois qu'il aurait été de bon usage que vous attendiez l'ensemble de l'argumentation pour ce faire, mais c'était votre droit, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Pagès ?
M. Robert Pagès. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Si votre intervention nécessite de ma part une réponse, je la ferai, mais cela dépend de ce que vous allez dire.
Un sénateur socialiste. A bon entendeur salut !
M. Robert Pagès. Je n'en doute pas, monsieur le ministre ! (Sourires)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Pagès.
M. Robert Pagès. Votre réponse ne m'empêchera pas d'intervenir une dernière fois au sujet de ce projet de loi, qui, à juste titre, a suscité autant de débats, d'émotion, de polémiques.
Je souhaite faire deux remarques d'ordre général sur les conditions mêmes des conclusions de cette discussion.
Premièrement, je regrette qu'à ce stade de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire seuls les amendements acceptés par le Gouvernement puissent être examinés.
La minorité parlementaire ne peut donc plus qu'affirmer une position de principe sans poids réel sur le cours des choses.
En revanche, le pouvoir exécutif, lui, peut amender, ce qui semble bien contradictoire avec la notion même de démocratie parlementaire.
Cette première remarque concernait la Constitution.
Ma seconde remarque porte sur le règlement du Sénat et l'interprétation restrictive qui en est faite pour ce qui concerne les motions de procédures, toujours à ce stade du débat.
Contrairement à l'Assemblée nationale, il ne peut y avoir au Sénat ni exception d'irrecevabilité ni question préalable à l'encontre d'une position arrêtée par la commission mixte paritaire. Au nom de quoi l'opposition parlementaire ne pourrait-elle plus afficher son hostilité radicale à tel ou tel projet, même à ce stade de la procédure ?
Je souhaite donc vivement, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, que cette restriction du débat soit à l'avenir levée.
Quant au fond du débat, je tiens à rappeler d'emblée l'opposition ferme et résolue du groupe communiste républicain et citoyen à ce projet de loi qui généralise la suspiscion à l'égard de l'étranger et le place par principe en situation d'insécurité chronique.
Ce projet de loi se situe dans le droit-fil des lois Pasqua en durcissant encore et toujours leurs conditions d'application, en renforçant encore et toujours les dispositions policières à l'égard des étrangers.
Ce projet de loi, qui va être adopté par une majorité écrasante de parlementaires de droite, majorité souvent en décalage avec la réalité politique du pays (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.),...
Un sénateur du RPR. Je n'en suis pas sûr ! On en reparlera !
M. Alain Vasselle. Ce n'est pas le cas pour ce texte !
M. Jean-Pierre Schosteck. 63 % des Français le soutiennent !
M. Robert Pagès. ... a suscité, je l'indiquais d'emblée, une grande émotion dans le pays.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Christian Bonnet. Pas du tout !
M. Robert Pagès. Il a provoqué un sursaut citoyen profond, spontané, marqué du sceau de la jeunesse et de la fraternité...
M. Henri de Raincourt. C'est cela !
M. Robert Pagès. ... qui fut pour les démocrates une éclaircie dans les brumes hivernales de la crise, du repli sur soi et des peurs qu'elle engendre.
Je tiens à saluer une nouvelle fois la réaction des soixante-six cinéastes qui n'ont pas accepté la condamnation de Mme Jacqueline Deltombe, qui avait hébergé un ami zaïrois en situation irrégulière.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Un repris de justice !
M. Robert Pagès. Après la première mobilisation en faveur des sans-papiers de Saint-Bernard, que nous soutenons encore aujourd'hui avec détermination, l'intervention des intellectuels,...
M. Serge Mathieu. Ils n'habitent pas à La Courneuve !
M. Robert Pagès. ... cette nouvelle prise de conscience de la nécessité de l'engagement a soulevé de vives réactions d'exaspération et de mépris parmi les partisans du projet de loi dit Debré.
M. Henri de Raincourt. Mais pas du tout !
M. Robert Pagès. Sur cette question, je dois dire que, lors du débat en seconde lecture, des propos tenus par certains collègues de la majorité sénatoriale m'ont inquiété.
M. Henri de Raincourt. Lesquels ?
M. Robert Pagès. Je pense notamment à la diatribe de notre collègue Christian Bonnet à l'égard de ces intellectuels. Il rappelait - ou manipulait dangereusement, devrais-je dire - les propos de Montesquieu : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez instruits pour raisonner de travers. »
Nous le savons, monsieur Bonnet, une certaine droite a toujours préféré, dans l'histoire de notre pays, un peuple privé d'éducation (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) car le savoir, c'est le moyen de contester ceux qui fondent leur légitimité sur l'ignorance et la démagogie.
M. Alain Vasselle. Je suis un paysan, et j'en suis fier !
M. Robert Pagès. Moi, je suis d'origine très modeste et instituteur, j'en suis aussi très fier, mais cela ne m'empêche pas de respecter considérablement les grands intellectuels de notre pays, qui ont fait l'honneur de notre nation !
M. Emmanuel Hamel. Pas tous !
Plusieurs sénateurs du RPR. Cela n'a pas toujours été le cas dans le passé.
Mme Hélène Luc. Très bien, monsieur Pagès !
M. Alain Gournac. Revenons en arrière !
M. Robert Pagès. Quel démocrate peut s'offusquer du formidable défilé qui, un dimanche de février, a rassemblé 100 000 citoyens pour crier leur attachement à la liberté, à l'égalité et à la fraternité ? Qui peut dénigrer ce défi à la haine et à la xénophobie ?
Nous avons demandé, monsieur le ministre, le retrait de l'ensemble de ce projet de loi. Je dis bien de l'ensemble, car le débat s'est focalisé sur l'article 1er, qui est relatif au certificat d'hébergement, alors que, je le rappelle brièvement, nombre de dispositions de ce texte sont contraires aux valeurs qui sont celles de la France, de la France de 1789, celles du progrès et de la justice.
Nous avons combattu vivement en première lecture cet article 1er, qui renforçait le caractère policier des certificats d'hébergement en préconisant notamment une véritable politique de délation des hébergés par les hébergeants.
Devant le tollé à l'encontre d'une telle disposition, le Gouvernement a manoeuvré en recul en s'appuyant sur l'intervention des députés de la majorité qui ont proposé un nouveau système abandonnant la pratique « délatoire », mais transférant aux services des polices l'essentiel des prérogatives en cette matière.
Le principal résultat de cette pratique, c'est la confirmation, par vous-même monsieur le ministre, de l'instauration de fichier informatique des hébergés. Ces fichiers seraient départementaux et ne concerneraient pas les hébergeants.
Qui peut ici croire que ces données informatiques ne seront pas traitées au plan national ? Qui peut croire, alors que la fiche remise à la sortie du territoire par l'immigré comprendra l'adresse du lieu de séjour, que cette donnée qui concerne directement l'hébergeant ne figurera pas dans les fichiers ?
Nous ne disposons, monsieur le ministre, d'aucune garantie sur l'utilisation future de tels fichiers. Nous considérons qu'il s'agit d'un renforcement important du caractère policier de la politique d'immigration de notre pays, renforcement contraire au principe du respect des libertés individuelles, principe constitutionnel par excellence.
Le Gouvernement n'a pu aller jusqu'à l'instauration de la délation, et ce recul est à mettre au compte de la mobilisation de cet hiver.
Ce projet est cependant truffé d'autres dispositions contraires aux traditions républicaines de notre pays.
Relevé des empreintes digitales pour tout étranger non membre de l'Union européenne à l'entrée du territoire et, de fait, constitution d'un fichier de ces empreintes, intervention policière dans les entreprises, fouille des véhicules, confiscation du passeport et remise d'un récépissé sans valeur réelle à l'immigré en situation irrégulière, ce qui aggrave la précarité de sa situation, prolongement de la rétention administrative avant même la saisie du juge pour faciliter les expulsions précipitées dans des conditions telles qu'elles ont été mises en évidence par de récents incidents à bord d'avions, toutes ces mesures marquent une radicalisation du Gouvernement à l'égard de l'immigration et jettent la suspicion sur l'étranger.
Je reviendrai dans un instant sur les objectifs et les conséquences politiques, vraisemblablement recherchés par le Gouvernement dans cette affaire.
Le résultat des lois Pasqua et de cette future loi Debré, qui n'en constitue qu'une néfaste excroissance, aboutira à la précarisation de la situation de l'ensemble des étrangers.
Tout étranger est, de fait, soupçonné de délinquance, de clandestinité.
Cette remarque m'apparaît d'autant plus fondée qu'une disposition du projet a pour objectif de frapper durement, non pas les clandestins, mais les immigrés en situation régulière.
En effet, vous prévoyez une réserve, au nom de l'ordre public, notion réputée pour être source d'arbitraire par son flou, au renouvellement jusqu'ici automatique de la carte de dix ans.
Il y a donc bien précarisation, suspicion à l'égard de l'ensemble des étrangers.
Ce projet de loi est un texte dangereux pour la démocratie, car il attise les fantasmes xénophobes.
Quel est le jeu du Gouvernement ? Quels sont les objectifs politiques, ou plutôt politiciens, de ce projet de loi si ce n'est de flatter un électorat rendu sensible aux thèses de l'extrême droite par une crise qui rime avec chômage, baisse ou chute du pouvoir d'achat, qui rime avec insécurité et drogue, qui rime avec échec scolaire et absence de perspectives pour une jeunesse déboussolée ?
Nous n'avons cessé de vous alerter, monsieur le ministre, sur les risques considérables que comportait cette volonté d'aller chasser sur les terres de M. Le Pen, en flattant les idées de rejet de l'autre, d'exclusion.
Nous n'avons cessé de vouloir remettre à l'ordre du jour les véritables causes de la désespérance d'un nombre croissant d'habitants de notre pays. Ce sont en effet des choix économiques, des choix politiques fondamentaux qui entraînent la France vers la régression.
C'est le choix de l'argent, symbolisé par une Bourse toute-puissante et la marche forcée vers la monnaie unique, contre celui de l'homme, qui crée la fracture sociale, dénoncée hier par le Président de la République et ses partisans.
Il faut tenir un discours de vérité aux Français.
Ce n'est pas l'immigration qui est responsable du véritable recul de civilisation que nous vivons aujourd'hui. Ce sont les choix opérés qui privilégient le capital sur l'épanouissement de ceux qui ont du travail et de ceux qui n'en ont pas qui portent cette grave responsabilité.
Il faut en finir avec les fantasmes xénophobes que j'évoquais, tels que celui de l'immigration responsable du chômage ou du déficit de la sécurité sociale.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Robert Pagès. Il faut casser cette propagande si chère au Front national qui crée l'amalgame entre immigration et chômage.
Je ne peux que constater avec regret, monsieur le ministre, à quel point va loin votre complaisance pour cette thèse. Il suffit de relire les travaux de l'Assemblée nationale pour s'en convaincre. Je vous cite : « En luttant contre l'immigration irrégulière et contre le travail clandestin, je participe à l'action de l'ensemble du Gouvernement pour l'emploi ».
Comment concilier de tels propos et ceux qui figurent dans le tract que le RPR distribue à partir d'aujourd'hui ? On peut y lire en effet que « le combat contre le Front national s'inscrit dans une action quotidienne, sur le terrain, pour affirmer nos valeurs et dénoncer ses propositions absurdes et inefficaces ».
Je partage cette analyse, mais, au premier plan de ces propositions, on trouve l'expulsion des immigrés responsables du chômage. Il y a donc une certaine incohérence.
Comment concilier en effet une telle ligne de conduite avec les propos précités de M. Debré et l'ensemble des dispositions de ce projet de loi, qui, je le répète, montre du doigt l'étranger comme le véritable bouc émissaire responsable des maux de la société française ?
Encore une fois, monsieur le ministre, je dois vous rappeler quelques réalités.
En 1931, l'immigration représentait 6,75 % de la population, en 1990, elle en représentait 7,4 %. Où est la mise en cause de la cohésion nationale, où est l'invasion ?
En Suisse, l'immigration représente 17 % de la population alors que ce pays compte 5 % de chômeurs. A l'inverse, l'Espagne comprend 1 % d'immigrés alors que son taux de chômage atteint 22 % de la population active.
Ces chiffres apportent un démenti sans appel à l'automaticité du lien entre immigration et chômage.
Comment ne pas rappeler ce rapport de l'Institut national des études démographiques - l'INED - publié voilà quelques semaines et qui a fourni ce chiffre frappant ? Si la France n'avait pas connu d'immigration dans les cent dernières années, elle n'aurait compté en 1986 que 45 millions d'habitants. L'immigration a donc bien participé, et de manière positive, à la construction de la France d'aujourd'hui.
Une personne sur quatre est immigré ou d'ascendance étrangère, et ce en ne remontant qu'aux parents et aux grands-parents.
Voilà des vérités qui font peur aux racistes et aux xénophobes car elles détruisent la médiocre construction intellectuelle qui fonde leur politique.
Alors que le Front national s'apprête à tenir son véritable congrès de la haine dimanche prochain à Strasbourg, j'estime essentiel de crier gare une dernière fois. A labourer le terreau de la xénophobie, on favorise l'éclosion de plantes et de fruits effrayants.
Croyez-vous sincèrement, monsieur le ministre, qu'avec votre projet de loi vous donnez la possibilité de combattre efficacement ceux ou celles qui, comme Catherine Mégret, affirment ouvertement et sans crainte la différence - et on sait ce qu'il y a sous ce mot ! - entre les races ?
Je ne le crois malheureusement pas, car votre projet de loi et votre politique ne peuvent qu'aviver l'intolérance et les tensions entre les communautés.
Je ne le crois pas, car votre projet de loi semble donner raison à ceux qui font de l'immigration leurs fonds de commerce depuis vingt ans !
Nous avons développé tout au cours de ces longs débats nos propositions pour une politique nouvelle et alternative de l'immigration, fondée sur la répression sévère des employeurs de main-d'oeuvre clandestine, sur le développement considérable et nécessaire de la coopération entre pays d'émigration et pays d'accueil et sur la mise en oeuvre d'une autre politique qui, enfin, place la lutte pour l'emploi, la réduction de la précarité au centre des préoccupations gouvernementales.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen rejetteront donc catégoriquement les conclusions de la commission mixte paritaire qui, malgré une amélioration très partielle concernant les étrangers malades, que nous avons soutenue, a confirmé, dans toute sa nocivité, le texte adopté par la majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Pagès, vous voulez réformer la Constitution. C'est votre droit, mais tel n'est pas l'objet de ce débat.
Par ailleurs, vous regrettez de ne pouvoir, à ce stade de la discussion, déposer de motion de renvoi à la commission ou de motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Là encore, c'est votre droit, mais cette question relève du règlement de votre assemblée et non pas des prérogatives du Gouvernement.
Mais surtout, je voulais réagir contre un thème que j'ai senti sous-jacent tout au long de ce débat et j'attendais le moment favorable pour le faire.
Monsieur Pagès, ne remettez jamais en cause la légitimité de la majorité. Entrer dans une telle polémique, c'est d'abord utiliser le vocabulaire des extrémistes, de ceux qui n'ont jamais admis ni la République ni la démocratie. Ne remettez jamais en cause les fondements de la démocratie ; il y a une majorité, elle est élue par le peuple, elle représente le peuple, et ce jusqu'aux prochaines élections !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas parce qu'on vote à gauche que l'on remet en cause les fondements de la démocratie !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Alors, évitez d'appliquer des qualificatifs, car vous savez très bien ce qui arrive quand on tire sur la démocratie et sur sa légitimité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas le droit de dire cela !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Pagès, il n'y a pas une « loi Debré », il y a la loi de la République, et je suis pour ma part opposé à toute personnalisation du pouvoir.
Mme Hélène Luc. Ça !...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce texte ne contient aucune marque de xénophobie. Il répond simplement à un souci d'ordre public, un souci de l'autorité de la loi, du respect de l'autorité de la justice, c'est-à-dire du respect de l'autorité de l'Etat. L'histoire, notre histoire, montre que la liberté, l'égalité et la fraternité supposent toujours un Etat respecté et que la liberté, l'égalité et la fraternité meurent toujours de l'absence d'un Etat respecté ou de l'absence d'une prise de conscience par l'Etat de ses responsabilités. Or, cette loi est l'expression de la prise de conscience par l'Etat de ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de la discussion de ce projet de loi, je ne voudrais pas allonger inutilement le débat ; je rappellerai simplement, mais fermement, les raisons de mon opposition fondamentale. Je parle bien sûr en mon nom propre, mais aussi au nom des sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE.
Ce texte se voulait plus efficace contre l'immigration clandestine que la législation en vigueur. Si je suis d'accord avec l'objectif énoncé, je suis en désaccord profond sur les moyens. Ces moyens sont contraires à un certain nombre des principes qui régissent les grandes démocraties.
Le premier de ces principes est la primauté du judiciaire sur l'administratif. Or, le texte prévoit exactement l'inverse ! En donnant des pouvoirs excessifs à l'administration et à la police, en refusant les procédures judiciaires qui donnent à l'accusé le droit de se défendre, on contrevient à un principe fondamental de la démocratie.
Je formulerai une remarque similaire à l'égard du fichier des hébergeants, qui me choque profondément et dont, de déclarations contradictoires en reculs, nul ne sait plus exactement comment il fonctionnera.
Il concernera très peu de personnes, puisque la plupart des gens qui viennent en France vont à l'hôtel et que, si la fiche d'hôtel est obligatoire pour les étrangers - vous nous le rappeliez voilà peu, monsieur le ministre - vous n'avez pas, que je sache, envisagé une centralisation de ces fiches, du moins vous ne l'avez pas dit.
Le fichier concernera donc peu ou prou les 130 000 personnes qui arrivent annuellement par ce biais en visite en France, mais il ne concernera pas les clandestins, qui viennent à 90 % par d'autres filières et, là aussi, je cite les chiffres de vos services.
Ce fichier sera départemental, vous nous l'avez affirmé à de nombreuses reprises.
En outre, conformément aux instructions de la CNIL, les éléments nominatifs seront détruits au bout d'un mois.
Il regroupera enfin les hypothétiques fiches de sortie du territoire. Je ne veux pas reprendre le long débat que nous avons eu sur ce point, mais nombreuses seront en effet les personnes qui quitteront le territoire en oubliant d'envoyer ce papier. En revanche, tous ceux qui voudront y rester clandestinement, eux, le renverront sûrement.
Nous vous l'avons dit. Vous n'avez pas répondu, et pour cause : il n'y a pas de réponse, monsieur le ministre !
Mais, me direz-vous, si ce fichier est aussi inutile, pourquoi le dénoncer ? Je vous répondrai, monsieur le ministre, que j'ai, comme beaucoup de Français, un vieux fond libertaire et que, quand je vois des ministres de l'intérieur, quelle que soit leur couleur politique, vouloir de façon aussi acharnée instituer des fichiers et ne lâcher du terrain sur ce point qu'avec tant de difficultés et de réticences, je m'inquiète. Hélas ! l'histoire - je suis historienne - m'apprend que j'ai raison de m'inquiéter.
Parmi les mesures qui m'inquiètent dans ce texte, je citerai aussi, pour mémoire, l'attribution de la carte de séjour d'un an seulement aux immigrés dont la situation est régularisable, les vides qui demeurent pour toute une série de personnes ni régularisables, ni expulsables, la possibilité pour la police d'entrer dans les lieux de travail, la confiscation du passeport, l'institution d'un fichier centralisé des empreintes digitales, qui assimile l'immigré au délinquant ; mais il en est d'autres...
Par ailleurs, monsieur le ministre, j'ai été frappée de la réponse que vous avez faite à M. Allouche dans ce petit débat qui a eu lieu tout à l'heure sur le thème : immigration clandestine, travail clandestin. A l'encontre de M. Allouche, qui récuse tout lien entre l'immigration clandestine et le travail clandestin, vous soutenez, vous, l'existence d'un tel lien.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il y a un rapport entre les deux !
Mme Joëlle Dusseau. Je ferai observer que le point de vue de M. Allouche est aussi celui d'un ministre du Gouvernement, Mme Couderc, qui, ici même, lors de la discussion du projet de loi sur le travail clandestin en première lecture, a bien insisté sur le fait qu'il ne fallait pas introduire dans l'esprit des gens, parce que ce n'est pas conforme à la réalité, l'idée d'un rapport étroit entre travail clandestin et immigration clandestine. En effet, le travail clandestin, chacun le sait, est un phénomène très important, très vaste et qui, les statistiques le montrent, n'a aujourd'hui que peu de rapport avec l'immigration clandestine.
Vous répétez, monsieur le ministre, que votre objectif est de lutter contre l'immigration clandestine, que l'objectif du Gouvernement est de lutter contre le travail clandestin. Si c'était vrai, le Gouvernement n'aurait pas accepté ce qui a été imposé par le Sénat, lequel a passé son temps à alléger les dispositifs pris contre les employeurs de travailleurs illégaux. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Il faut savoir ce que l'on veut, monsieur le ministre. Si l'on dit qu'on veut lutter contre le travail clandestin, cela sous-entend qu'il faut que la loi soit forte, y compris contre les employeurs illégaux et contre les donneurs d'ordre !
Or, sur ce point-là, le texte qui est sorti il y a peu des travaux des assemblées est attristant.
M. Emmanuel Hamel. On peut le renforcer !
Mme Joëlle Dusseau. Excusez-moi, mon cher collègue, mais il fallait s'en rendre compte avant !
M. Claude Estier. Vous l'avez voté, monsieur Hamel !
Mme Joëlle Dusseau. Rappelez-vous ce que nous avons dit à ce moment-là et qui, je crois, était raisonnable, mais que, hélas, vous n'avez pas écouté.
Mme Hélène Luc. On ne nous écoute jamais !
Mme Joëlle Dusseau. C'est vrai, madame Luc ! Pas suffisamment en tout cas !
Je voudrais enfin insister sur un point qu'ont déjà abordé MM. Allouche et Pagès et vous renvoyer à vos propres paroles, monsieur le ministre.
Vous voulez, dites-vous, lutter essentiellement contre l'immigration clandestine, sécuriser les immigrés qui sont en situation régulière en France et aider à leur intégration ; cela, vous l'avez affirmé à de nombreuses reprises, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, et encore tout à l'heure.
Si c'est vrai, monsieur le ministre, pourquoi prévoir à l'article 4 bis que le renouvellement de la carte de séjour de dix ans est suspendu à une décision administrative et que, s'il y a menace pour l'ordre public, une notion dont chacun sait combien elle est floue, peu tangible,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Mais la menace est souvent réelle !
Mme Joëlle Dusseau. ... l'administration pourra décider de ne pas renouveler cette carte ?
Je ne veux pas reprendre le débat sur ce point, mais il se trouve que, là encore, les questions que nous vous avons posées n'ont pas entraîné de réponses de votre part.
Si la personne est un danger pour la sécurité, pourquoi attendre l'expiration de sa carte ? Qu'on l'expulse tout de suite !
Sinon, pourquoi faire peser sur des immigrés vivant en toute légalité en France, et depuis très longtemps - car, avant d'obtenir la carte de séjour de dix ans, il faut avoir déjà séjourné quelques années en France - une menace de refus du renouvellement de la carte, alors même qu'ils n'ont commis aucune faute, sans qu'ils aient été jugés ?
L'immigré, direz-vous, peut faire appel devant le juge administratif. Mais, monsieur le ministre, quel immigré fera appel ? Et puis, avant que le juge se prononce, des mois, voire des années peuvent s'écouler : quelle sera alors la situation de cet immigré régulier ? Car c'est bien d'immigrés en situation régulière qu'il est question ici, ...
M. Claude Estier. Absolument !
Mme Joëlle Dusseau. ... ceux-là mêmes que vous dites vouloir intégrer et protéger ! Pensez-vous que l'on peut vraiment les intégrer, les sécuriser en faisant peser sur eux cette menace permanente ?
Actuellement, nous travaillons, au sein de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi relatif à la cohésion sociale, et j'étais hier, comme d'autres collègues, avec Mme de Gaulle-Antonioz et des membres d'ATD-quart-monde. Les représentants du quart monde qui étaient présents nous ont tous dit à quel point ils ont des rapports difficiles avec l'administration : par incompréhension, par fermeture sur eux-mêmes, par peur de l'autre, mais aussi parce qu'ils se sentent parfois agressés ou méprisés par l'administration. Or il en va de même pour de nombreux immigrés en situation régulière, qui vivent souvent dans la crainte.
Par cette disposition, vous allez développer leur sentiment de fragilité, d'insécurité, et vous portez là une grande responsabilité.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris par le vote des sénateurs radicaux-socialistes : nous nous prononcerons contre les conclusions de la commission mixte paritaire, de même que nous nous étions prononcés contre le texte en première et en deuxième lecture.
De plus, nous nous associons à la démarche des sénateurs socialistes, qui vont déférer cette loi au Conseil constitutionnel contre ce texte de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Madame le sénateur, vous commencez par affirmer de façon catégorique qu'il n'y a pas de lien entre travail clandestin et immigration irrégulière. Permettez-moi de vous rappeler ce que disait Anatole France : « Heureux ceux qui n'ont qu'une vérité. Plus heureux et plus grands ceux qui ont fait le tour des choses, ont assez approché la réalité pour savoir que la vérité n'est pas une. »
Je dis simplement qu'il y a un rapport entre le travail clandestin et l'immigration irrégulière. Nier ce rapport est une hypocrisie.
La réalité du travail dissimulé, en termes statistiques, selon un rapport qui émane de l'Assemblée nationale, est la suivante : 10 % des employeurs impliqués dans des affaires de travail dissimulé sont des étrangers et 43 % des salariés impliqués dans ces mêmes affaires sont des étrangers.
Mme Joëlle Dusseau. Etrangers, mais pas forcément en situation irrégulière !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il y a donc un lien entre l'immigration irrégulière et le travail dissimulé.
Mme Joëlle Dusseau. Ce sont des étrangers, pas des irréguliers !
M. le président. Madame Dusseau, si vous voulez interrompre M. le ministre, vous le lui demandez, mais n'intervenez pas de cette manière !
Mme Hélène Luc. Cela met de l'animation, monsieur le président !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Madame Dusseau, nier cette réalité est une hypocrisie à laquelle je ne veux prendre aucune part. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
L'un de nos collègues s'étant étonné du fait qu'aucune motion de procédure ne puisse être discutée à ce stade du processus législatif, je rappelle que, aux termes de l'article 45 de la Constitution, un texte élaboré par une commission mixte paritaire peut être soumis pour approbation aux deux assemblées et que, en application de l'article 42, alinéa 12, de notre règlement, le Sénat examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, ce qui exclut toute autre possibilité de vote.
Il s'agit là d'une pratique constante depuis 1977.
M. Robert Pagès. C'est ce que j'ai regretté !
Mme Hélène Luc. Je demande un scrutin public !
M. le président. Cela, c'est une autre affaire, madame Luc !
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« TITRE Ier


« DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DESÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE »

« Art. 3. - Dans le chapitre Ier de la même ordonnance,sont insérés, après l'article 8, les articles 8-1 à 8-3 ainsi rédigés :
« Art. 8-1 et 8-2. - Non modifiés.
« Art. 8-3. - Les empreintes digitales des ressortissants étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il en est de même de ceux qui sont en situation irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français.
« En vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents visés à l'article 8 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de l'une des mesures prévues au premier alinéa de l'article 27 ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution ; les données du fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur et du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs du statut de réfugié peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services du ministère de l'intérieur et de la gendarmerie nationale, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. »

« Art. 6 bis. - I. - Après le huitième alinéa (7°) de l'article 25 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 8° L'étranger résidant habituellement en France atteint d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. »
« II. - Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "aux 1° à 6°" sont remplacés par les mots : "aux 1° à 6° et 8°" ».

« Art. 8. - L'article 35 bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° à 3°, 3° bis et 3° ter. - Non modifiés.
« 4° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est immédiatement formé et transmis au premier président ou à son délégué après le prononcé de l'ordonnance. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
« 5° Supprimé. »

« TITRE II

« DISPOSITIONS DIVERSES »


Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Renar pour explication de vote.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, vous avez laissé entendre tout à l'heure, en répondant à mon collègue Robert Pagès, que se battre contre les idées de la majorité, c'était, quelque part, ne pas respecter la loi majoritaire et les prérogatives du Parlement.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas dit cela !
M. Ivan Renar. Jusqu'au bout, y compris en cet instant, monsieur le ministre, laissez-nous le droit de tenter de convaincre nos collègues de ne pas voter un texte néfaste, de même qu'il faut laisser à notre peuple le droit de s'exprimer, le droit de manifester. C'est la loi de la démocratie ; c'est aussi l'une des valeurs essentielles de la République.
Depuis la mobilisation des sans-papiers de Saint-Bernard, des collectifs se sont constitués un peu partout en France, mais le Gouvernement est resté insensible aux drames humains que vivent des centaines de familles.
Le monde artistique, relayé par nombre de professions, les avocats, les universitaires, et bien d'autres autorités morales et religieuses, ont lancé des cris d'alarme, mais le Gouvernement est resté sourd.
M. Philippe de Gaulle. Ce ne sont pas eux qui font la loi !
M. Jean Chérioux. Et tout cela, heureusement, ce n'est pas le peuple !
M. Ivan Renar. Messieurs, un peu de calme ! Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes ! (Rires.) Ce n'est pas de moi, c'est de Victor Hugo.
Même les études les plus sérieuses, tel le rapport de l'INED, l'Institut national d'études démographiques, qui montre notamment que le nombre d'étrangers en France est stable depuis vingt ans, n'ont aucune prise sur l'entêtement du Gouvernement : celui-ci continue à brandir la menace de l'immigration clandestine pour justifier sa politique répressive.
La discussion de ce projet de loi touche maintenant à sa fin, et la majorité parlementaire s'apprête à voter un ensemble de mesures qui, comme nous n'avons cessé de le démontrer, portent gravement atteinte aux valeurs fondamentales de notre pays et encouragent le climat de suspicion qui pèse sur l'étranger, devenu le bouc émissaire de tous les maux de notre société.
Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, vous êtes responsable d'un débat qui ne peut qu'exacerber la haine de l'autre.
Au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes que connaît notre pays, à savoir le chômage et l'exclusion, le Gouvernement préfère mettre sur le devant de la scène l'immigration clandestine et faire porter à cette dernière la responsabilité des malheurs de nos concitoyens, faisant glisser, comme l'a si bien dit notre ami Jack Ralite, la question sociale vers la question raciale.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Ivan Renar. Le jeu est des plus dangereux.
Loin de stopper la montée du Front national, ce projet de loi ainsi que certains des propos tenus dans cette enceinte ou à l'Assemblée nationale alimentent les préjugés racistes et xénophobes.
Le Gouvernement s'en défend. Pourtant, sous prétexte d'une immigration clandestine prétendument menaçante, il n'hésite pas à mettre en place un véritable régime juridique d'exception applicable aux étrangers. Ce régime octroie en effet un rôle exorbitant aux forces de police ainsi qu'aux représentants de l'Etat et il écarte autant que possible le juge judiciaire, gardien des libertés, des procédures de reconduites à la frontière.
De plus, quoi qu'en dise le Gouvernement, ce projet de loi ne s'attache pas seulement à lutter contre l'immigration clandestine : il vise aussi à déstabiliser les étrangers résidant régulièrement en France.
Comment comprendre autrement la disposition qui supprime le renouvellement de droit de la carte de résident, en soumettant ce droit à l'absence de menace pour l'ordre public.
Ainsi, même les étrangers installés en France depuis plus de dix ans ne sont pas épargnés !
Monsieur le ministre, votre projet de loi constitue une véritable déclaration de guerre faite aux étrangers. Suspicion, arbitraire et menace policière, voilà ce qui commande ce texte.
Parallèlement à notre débat, le mouvement de contestations se poursuit, des collectifs de sans-papiers se mettent en place un peu partout en France et continuent de résister.
A Lille, notre ville à M. Allouche et à moi-même, avec courage et dignité, les sans-papiers demandent que leur cas soit examiné et que des négociations s'ouvrent.
Certains, au péril de leur vie, ont entrepris une grève de la faim. Celle-ci a pris fin au bout de soixante-trois jours, sans qu'aucune avancée ait pu être constatée. A chaque manifestation, des arrestations sont effectuées et les dossiers des sans-papiers ne sont toujours pas examinés.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? Votre projet de loi ne sera d'aucun secours, à moins de recourir systématiquement à la force, ce que, je l'espère, vous ne ferez pas.
La stratégie du pourrissement, car il faut la nommer par son nom, ne pourra durer éternellement.
Vu l'ampleur de la contestation, le Gouvernement se doit d'envisager des régularisations.
Il n'est plus possible de faire croire que votre projet de loi réglera l'ensemble des situations inextricables engendrées par les lois Pasqua.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte qu'il estime scandaleux et continuera de soutenir le mouvement des sans-papiers pour qu'une politique digne et humaine soit enfin adoptée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je veux saisir l'occasion de cette explication de vote pour répondre en quelques mots à M. le ministre, qui aura évidemment la possibilité de me répondre à son tour puisque le Gouvernement peut intervenir à tout moment, en vertu d'un droit que je ne conteste d'ailleurs nullement.
Monsieur le ministre, mettre de la passion dans un débat, ce n'est pas répréhensible. Nous sommes tous ici amateurs de débat ; nous sommes même là pour cela. Et, si nos discussions sont parfois empreintes d'une certaine passion, c'est parce que nous exprimons nos convictions.
Ce projet, présenté par le Gouvernement, a effectivement suscité de la passion, et il n'y a pas lieu de s'offusquer si, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, certains articles ont donné lieu à l'expression de cette passion.
S'agissant du travail clandestin, monsieur le ministre, Mme Dusseau vous a rappelé ce qu'avait déclaré votre collègue du Gouvernement, Mme Couderc, qui contestait ce que vous avancez.
Mme Couderc nous a dit ici même - nous ne l'avons pas inventé ! - qu'il ne fallait en aucun cas lier l'immigration clandestine au travail illégal. C'est si vrai que le Gouvernement a accepté l'emploi de l'expression « travail dissimulé », afin d'éviter la confusion avec le travail clandestin.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Entre le mot « lien » et le mot « rapport », le dictionnaire fait une différence !
M. Guy Allouche. Aux termes mêmes d'un rapport du Gouvernement, 6 % seulement d'infractions dues à la présence de travailleurs irréguliers ont été constatées. Nous savons tous qu'en France il y a bien plus de travailleurs illégaux qu'il n'y a de clandestins.
Enfin, monsieur le ministre, je sais bien que la campagne électorale s'est ouverte...
M. Jean-Jacques Hyest. Ça on s'en est aperçu !
Mme Hélène Luc. Cela se voit !
M. Jean Delaneau. Ce n'est pas nous qui l'avons ouverte !
M. Guy Allouche. ... mais évitons de toujours pointer du doigt ce qui a été fait précédemment...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Cela vous gêne !
M. Marcel Debarge. C'est réciproque !
M. Guy Allouche. Monsieur le ministre, je vous ai dit ici même la dernière fois dans quelles conditions ce passage à la proportionnelle avait été effectué en 1985. Nous n'avons pas pris les Français par surprise : cela figurait dans l'une des propositions du candidat François Mitterrand qui a été élu.
Cependant, permettez-moi de rappeler un fait qui me paraît bien plus grave que l'introduction de la proportionnelle pour les élections législatives : c'est l'accord que votre formation politique a passé en bonne et due forme en 1983 à Dreux, pour la première fois dans notre histoire. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Ne le niez pas, monsieur le ministre ! Je conteste votre dénégation. (M. Chérioux proteste.)
De surcroît, le lendemain de la seconde lecture au Sénat, dans un grand quotidien du soir que chacun a à l'esprit,...
M. Henri de Raincourt. On ne le lit pas !
M. Jean Delaneau. C'est un quotidien ou c'est Le Canard enchaîné ?
M. Guy Allouche. ... était relatée une réunion que M. Mancel avait tenue dans le Var et au cours de laquelle il avait déclaré : « Nous sommes un rassemblement et, chez nous, certains sont Front national. »
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce n'est pas exactement ce qu'il a dit !
M. Guy Allouche. Voilà ce qu'il a dit ! J'ai l'article ici, et je vous le livre. (Exclamation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Je n'ai pas eu l'occasion de lire un démenti de M. Mancel. Par conséquent, n'essayez pas d'apporter un démenti aux propos que nous avons tenus sur certaines collusions. Hélas ! pour une partie de la majorité - je le précise car je veux être honnête - c'est le cas.
M. Alain Gournac. C'est vous qui avez fait entrer le Front national au Palais-Bourbon !
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le ministre, vous êtes l'héritier, le successeur d'une grande tradition républicaine incarnée par votre père qui avait la passion de la République, animé qu'il était par cet idéal républicain et par le respect fondamental des droits de l'homme.
Vous connaissant un peu, je sais que, à aucun moment, vous n'avez été animé, lors de la préparation de ce texte et son dépôt devant le Parlement, des sentiments que certains collègues, dans l'exercice de leurs droits démocratiques, prêtent, à tort, à l'ensemble de la majorité et à vous-même.
Pour nous - et je m'adresse à tous mes collègues et, à travers eux, n'étant que ce que je suis, à l'opinion française - ce texte n'est pas inspiré par la haine ou par le mépris de l'étranger. Nous nous souvenons, Français que nous sommes, de ce que les étrangers ont apporté à la France, dans les années de construction, de travail et de paix civile comme dans les combats pour la défense de notre pays face au nazisme et dans d'autres guerres.
Nous ne sommes pas xénophobes car, républicains ou chrétiens, ...
M. Marcel Debarge. On peut être à la fois républicain et chrétien !
M. Emmanuel Hamel. ... nous savons le respect que nous avons du droit de l'homme, du droit de l'autre dont la personne mérite d'être respectée.
En tant que parlementaires, pour avoir fait souvent, et parfois bien avant de siéger au Parlement, le tour du monde, de l'équateur au Groenland, du Pacifique à l'Atlantique, nous savons l'image que la France a et mérite d'avoir dans le monde, celle du pays le plus merveilleux de tous. Un pays qui a cette image, dont on sait qu'il est la patrie des droits de l'homme, la nation où l'on est soigné, respecté, suscite, tout naturellement, dans les malheurs du monde, chez des millions d'êtres, l'envie de venir en France, la nation du bonheur, du respect de l'homme et de la joie de vivre.
Or, mes chers collègues - et c'est en cela que la mission des hommes politiques est difficile - il faut parfois faire un choix entre la reconnaissance d'aspirations respectables de certains et la possibilité de les concrétiser par une politique qui n'ait pas, par contre-coup, des influences si négatives que, globalement, cet accueil sans contrôle ne soit néfaste et désastreux.
Des millions d'individus sont aujourd'hui français alors que, on l'a rappelé, voilà quelques générations, ils étaient étrangers. Ce qu'ils demandent aujourd'hui, c'est d'être vraiment considérés dans l'ensemble de la nation, par tous, comme des citoyens comme les autres.
Mais cela implique qu'il n'y ait pas ces problèmes de l'immigration irrégulière, de l'arrivée clandestine en France, du travail illégal qui, au-delà de nos divergences politiques - et sur ce point nous sommes tous d'accord - ...
M. Christian Poncelet. C'est exact !
M. Emmanuel Hamel. ... sont véritablement un mal pour la France, pour le peuple, pour les citoyens et pour le respect des droits de l'homme par la tentation qui se crée chez certains, à cause de cette immigration irrégulière, de susciter à l'encontre de tous les étrangers, en situation régulière ou non, présents sur notre sol des réactions de xénophobie que nous ne pouvons admettre.
Le texte que nous allons voter, c'est un texte de synthèse, qui tend à maintenir les principes fondamentaux du respect des droits de l'homme, du respect de l'étranger. C'est aussi un texte civique, qui tend à protéger la France à ses frontières, pour éviter qu'elle ne soit submergée parce qu'elle est la France, qu'elle attire tant d'individus et qu'elle est si belle.
Monsieur le ministre, sachez que, en dehors des dirigeants ou des présidents de groupe qui vont déclarer qu'ils sont d'accord avec votre texte, le sénateur de base, le Français de base estime qu'il est de son devoir de vous soutenir dans votre action.
Néanmoins - et ce sera mes derniers mots - ne vous contentez pas du vote que vous allez obtenir sur un texte qui respecte les droits de l'homme, qui ne prône ni la xénophobie ni la haine de l'étranger. Ce texte continuera d'être critiqué et dénaturé par certains de nos collègues, et c'est leur droit en démocratie. Votre devoir ne fait que commencer. Vous avez fait voter un projet de loi. Maintenant, faites-le comprendre et dites à l'ensemble de nos compatriotes les pensées qui vous animent, la volonté qui vous inspire, qui est non pas celle que l'on dit, mais celle du service de la France, du respect de l'étranger. Faites en sorte que notre texte ne nuise pas, parce que défiguré, à l'image de la France dans le monde, image qui est liée à la tradition d'accueil qu'il faut maintenir, mais dans le respect de la loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Il est difficile de prendre la parole après le lyrisme de M. Hamel.
Tout à l'heure, j'ai été frappée par la citation de M. le ministre. Citant Anatole France, un auteur que j'aime bien, il a dit : la vérité n'est pas une. Il a raison. Il y a plusieurs vérités, il y a des nuances dans la vérité. Qui en douterait ici, mes chers collègues ?
Ce que j'ai voulu dire, et je le répète avec force, c'est qu'il est très dangereux de vouloir, sur ce point très précis, superposer travail illégal et immigration clandestine.
M. Alain Gournac. On l'a déjà entendu !
Mme Joëlle Dusseau. Un amalgame se fait dans l'opinion publique, mais aussi dans l'esprit de M. le ministre.
M. Jean Chérioux. C'est nouveau !
M. Alain Gournac. Il est là !
Mme Joëlle Dusseau. En effet, le chiffre qu'il a cité, c'est non pas celui de l'immigration clandestine dans le travail illégal, mais le chiffre des immigrés, clandestins ou non, il l'a dit lui-même.
M. Alain Gournac. Non !
Mme Joëlle Dusseau. Si ! mon cher collègue, je suis formelle, et M. le ministre le sait très bien. Pour quelles raisons ? Aujourd'hui, dans la situation de crise, notamment dans certains secteurs d'activité, je pense au bâtiment mais il y en a d'autres, des étrangers en situation régulière qui cherchent du travail régulier sont contraints de travailler au noir parce que les employeurs leur disent : « C'est cela ou rien du tout ! » C'est pourquoi je reprends le débat que nous avons eu, qui n'est pas un débat incident par rapport à l'immigration en général, et pas par rapport à l'immigration clandestine, sur le problème du durcissement ou non de la législation sur le travail illégal.
Je ne reprendrai pas, bien sûr, les arguments que j'ai développés voilà quelques instants.
M. Alain Gournac. Non !
Mme Joëlle Dusseau. Je vais simplement m'appuyer sur une formulation employée par M. Hamel. L'opposition va continuer à critiquer et à dénaturer ce texte, a-t-il dit.
M. Jean Chérioux. Vous n'avez fait que cela !
Mme Joëlle Dusseau. Mon cher collègue, point n'est besoin de le critiquer et de le dénaturer : ce texte parle tout seul, et l'ensemble des débats que nous avons eus montrent très bien, de fichier d'empreintes digitales en fichier d'hébergeants en passant par les décisions administratives de suppression de cartes de séjour, quelle est sa philosophie.
Vous avez ajouté, monsieur Hamel, ce qui montre que vous éprouvez malgré tout une inquiétude, qu'il ne faut pas que ce texte nuise à l'image de la France. C'est ce que vous devez vous dire, mes chers collègues de la majorité, au moment où vous allez émettre un vote qui salira l'image de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes et protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. C'est lamentable !
M. le président. La parole est à M. Althapé.
M. Louis Althapé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc parvenus, après de longs débats et de vives discussions, au terme de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Que retiendrons-nous de ce débat ?
Tout d'abord, nous retiendrons votre courage et votre détermination, monsieur le ministre, à rendre la lutte contre l'immigration clandestine plus efficace, ainsi que votre souci de préserver les prérogatives du Parlement en ne déclarant pas l'urgence sur ce texte, comme certains vous encourageaient à le faire, et alors que d'autres, si discrets en première lecture à l'Assemblée nationale,...
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. Louis Althapé. ... avaient rejoint dans la rue les manifestants.
Ensuite, le grand mérite de ce débat, mes chers collègues, aura été de montrer à nos compatriotes que la politique socialiste en matière d'immigration n'avait rien à voir avec ce qu'attendaient les Français. Les sondages d'opinion l'ont clairement démontré. (M. Estier sourit.)
Mme Joëlle Dusseau. Ne parlons pas des sondages !
M. Louis Althapé. En outre, les interventions des membres de notre majorité ont toujours fait la distinction entre l'immigration régulière et l'immigration illégale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Louis Althapé. Cette distinction est le meilleur rempart contre le racisme et la xénophobie. Certains, aux extrêmes, refusent toujours de faire cette différence. Aussi, notre devoir est de mettre en garde ceux qui, avec des intentions généreuses, mélangent de fait l'immigration régulière, qui a toute sa place en France, et l'immigration irrégulière, qui n'y a pas sa place. En refusant les lois qui répriment cette dernière, ils font, sans s'en rendre compte, le jeu de ceux qu'ils veulent combattre et pour qui tout étranger est indésirable.
Enfin, je terminerai cette brève intervention en remerciant le rapporteur, M. Paul Masson, dont chacun, au sein de notre assemblée, a pu apprécier l'éloquence, la pertinence et la modération.
Le groupe du RPR votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il convient, s'agissant du dernier examen de ce texte, de rendre hommage à l'excellent travail de la commission des lois, notamment de son rapporteur, M. Paul Masson, comme cela vient d'être dit, et son président, M. Jacques Larché. Il y a également lieu de saluer la détermination dont M. le ministre de l'intérieur a su faire preuve tout au long des débats.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement séparé de communautés s'oppose à l'assimilation républicaine. Assimiler, ce n'est pas nier les différences et refuser les cultures, c'est conduire ces dernières à s'exprimer par le biais de pratiques individuelles, et non par celui du droit positif. Le droit à la différence ne signifie pas la différence des droits.
L'obligation de satisfaire à des devoirs s'impose à tous. La légalité républicaine et le respect de règles de société communes s'affirment par la lutte contre tout comportement contraire aux vertus de l'assimilation. En défendant la force des principes républicains, l'application sans exception de la loi, nous rendrons possible une véritable politique d'immigration.
L'assimilation, moteur de ce projet de loi, ne se conçoit que par la maîtrise des flux, par l'arrêt de l'immigration irrégulière, par l'engagement, à cet effet, d'une lutte intensifiée, fruit d'une volonté politique sans faille. Pour ce faire, il importait de doter l'Etat d'un droit adapté, sans faire plier les règles de l'ordre constitutionnel.
Une telle politique n'est cependant pas exclusive d'une immigration fondée sur les principes de la République. La société française, humaniste et réaliste, est depuis toujours ouverte sur le monde. Ses besoins et ses devoirs ne cesseront d'évoluer.
Le Gouvernement, après avoir mis en oeuvre avec détermination les lois des 24 août et 30 décembre 1993 et constaté l'imperfection des conditions d'application de ces textes, a choisi de les conforter pour permettre, lorsque les procédures garantissant les droits de la défense ont été respectées, d'exécuter sans réserve les mesures de reconduites à la frontière.
Depuis 1991, le nombre d'interpellations d'étrangers présumés en situation irrégulière n'a cessé de s'accroître.
Pourtant le nombre de reconduites, s'il a progressé, reste faible. Les différentes phases de cette procédure révélaient des inadaptations législatives, réglementaires et matérielles. Le présent projet de loi permet de résoudre ces difficultés.
L'analyse devrait être poursuivie. Ce n'est plus en subissant des flux incontrôlables que la France demeurera une terre d'accueil. C'est bien plutôt en offrant à tous ceux qui la servent et qui l'ont choisie de s'enraciner véritablement sur son sol.
Cet objectif sera atteint grâce à ce texte. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, avec la majorité des membres du Rassemblement démocratique et social européen, je vous apporterai une nouvelle fois mon soutien en le votant. Je n'ai pas l'impression, ce faisant, d'être contre la France. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe socialiste, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 119:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 315158
Pour l'adoption 219
Contre 96

Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !

4

RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 192, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle. [Rapport n° 275 (1996-1997).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DISPOSITIONS INSTITUANT
LE TRIBUNAL D'ASSISES

M. le président. Par amendement n° 173, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - Dans l'intitulé du titre Ier, avant l'article 1er, de remplacer les mots : « tribunal d'assises » par les mots : « tribunal criminel » ;
II. - En conséquence, dans la suite du projet de loi, de procéder à la même substitution chaque fois que nécessaire.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Ce projet de loi vise à la naissance d'une nouvelle juridiction.
Voilà deux siècles qu'existe en France une juridiction criminelle, qui, depuis le code d'instruction criminelle de 1808, est dénommée « cour d'assises » : jugeant, dans l'esprit de nos concitoyens, les grandes affaires criminelles, elle fait partie de notre culture judiciaire, et il serait donc exclu de proposer une autre appellation.
En revanche, la question peut être posée, s'agissant du premier degré de juridiction : le Gouvernement propose la dénomination « tribunal d'assises », dont l'adoption n'aboutirait qu'à jeter la confusion dans les esprits.
Il y a, en droit pénal, des incriminations de divers types : des incriminations de police, des incriminations correctionnelles et des incriminations criminelles ; il existe un tribunal de police, un tribunal correctionnel, et la logique comme la simplicité commandent donc que nous dénommions ce nouveau degré de juridiction : « tribunal criminel ».
Cette appellation serait meilleure que « tribunal d'assises », car elle éviterait toute confusion avec la cour d'assises, qui garderait sa solennité et à laquelle on conserverait donc sa représentation dans l'esprit du public.
On dénomme une juridiction en fonction de ce qu'elle a à juger : dans le cas présent, il s'agit de crimes, et les accusés, s'ils sont condamnés, sont des criminels. C'est la raison pour laquelle nous proposons de remplacer « tribunal d'assises » par « tribunal criminel ».
Je rappelle d'ailleurs que c'est l'appellation « tribunal criminel départemental » qui avait été adoptée en 1791, lorsque, pour la première fois, on est passé au stade de la nouvelle procédure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 173.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me permettrai d'insister : tout le monde sait ce qu'est la cour d'assises. Parler également de tribunal d'assises risque de jeter la confusion dans les esprits. Il est donc important de distinguer l'un de l'autre.
Par ailleurs, en matière de police, on est jugé par le tribunal de police et l'on fait appel devant la cour d'appel. En matière de délit, on est jugé par le tribunal correctionnel et l'on fait appel devant la cour d'appel. Il est donc normal que, en matière criminelle, on soit jugé devant un tribunal criminel et que l'on fasse appel devant la cour d'assises.
C'est la raison pour laquelle « tribunal criminel » me paraît une meilleure dénomination que « tribunal d'assises ».
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 173, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé et il sera procédé à la coordination nécessaire.

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - L'intitulé du titre Ier du livre II du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Titre Ier
« Du jugement des crimes. »
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. « Art. 2. - Les dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de procédure pénale sont remplacées par les dispositions suivantes :
« Sous-titre Ier
« Du tribunal d'assises »

« Chapitre Ier

« De la compétence du tribunal d'assises

« Art. 231 . - Le tribunal d'assises a plénitude de juridiction pour juger les personnes renvoyées devant lui par la décision de mise en accusation.
« Il ne peut connaître d'aucune autre accusation.

« Chapitre II

« De l'institution du tribunal d'assises

« Art. 231-1 . - Il est institué un tribunal d'assises dans chaque département.
« Art. 231-2 . - Le tribunal d'assises a son siège au chef-lieu du département.
« Exceptionnellement, un décret en Conseil d'Etat peut fixer le siège du tribunal d'assises dans une autre ville du département où existe un tribunal de grande instance.
« Art. 231-3 . - Le premier président de la cour d'appel peut, sur les réquisitions du procureur général, après avis du président du tribunal d'assises et des chefs des tribunaux de grande instance intéressés, décider par ordonnance motivée que les audiences du tribunal d'assises se tiendront dans le département, soit au siège d'un autre tribunal, soit, à titre exceptionnel, dans tout autre lieu.
« L'ordonnance est portée à la connaissance des tribunaux intéressés par les soins du procureur général.
« Art. 231-4 . - Le premier président de la cour d'appel peut, sur les réquisitions du procureur général, et après avis de l'assemblée générale de la cour d'appel, des chefs du tribunal de grande instance siège du tribunal d'assises et du ou des présidents du tribunal d'assises, ordonner qu'il soit formé autant de sections du tribunal d'assises que les besoins du service l'exigent.
« Art. 231-5 . - L'accusé doit comparaître devant le tribunal d'assises au plus tard dans les quatre mois du jour à compter duquel la décision de mise en accusation est devenue définitive sous réserve, lorsque l'accusé est détenu, des dispositions de l'article 231-36.
« Des sessions du tribunal d'assises ont lieu chaque fois qu'au moins une affaire doit être jugée dans le délai prévu par l'alinéa précédent. La date d'ouverture de chaque session ainsi que sa durée sont fixées, après avis du procureur de la République, par ordonnance du président du tribunal de grande instance où le tribunal d'assises a son siège.
« Art. 231-6 . - Le rôle de chaque session est arrêté par le président du tribunal d'assises, sur proposition du ministère public.
« Art. 231-7 . - Le greffier du tribunal d'assises avise l'accusé de la date à laquelle celui-ci doit comparaître.

« Chapitre III

« De la composition du tribunal d'assises

« Art. 231-8 . - Le tribunal d'assises comprend des magistrats professionnels qui composent le tribunal proprement dit et le jury.
« Art. 231-9 . - Les fonctions du ministère public y sont exercées dans les conditions définies à l'article 39.
« Toutefois, le procureur général peut déléguer tout magistrat du ministère public du ressort de la cour d'appel auprès des tribunaux d'assises institués dans ce ressort.
« Art. 231-10 . - Le tribunal d'assises est, à l'audience, assisté d'un greffier.
« Les fonctions du greffe sont exercées par un greffier en chef ou un greffier du tribunal de grande instance.

« Section 1

« Du tribunal

« Art. 231-11 . - Le tribunal proprement dit comprend le président et les assesseurs.

« Paragraphe 1

« Du président

« Art. 231-12 . - Le tribunal d'assises est présidé par un magistrat de l'un des tribunaux de grande instance du département exerçant des fonctions de président, premier vice-président ou de vice-président.
« Le tribunal d'assises peut également être présidé par un magistrat de la cour d'appel.
« Art. 231-13 . - Aux termes d'une ordonnance annuelle qui organise le service de la juridiction, le premier président, après avis des présidents des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, désigne le président du tribunal d'assises ainsi que le ou les magistrats qui seront appelés à le suppléer en cas d'empêchement. En cas d'empêchement d'un magistrat désigné, cette ordonnance peut être modifiée en cours d'année.

« Paragraphe 2

« Des assesseurs

« Art. 231-14 . - Aux termes de l'ordonnance annuelle prévue par l'article 231-13, le premier président de la cour d'appel désigne, après avis des présidents des tribunaux de grande instance de son ressort, les assesseurs du tribunal d'assises pour chaque tribunal d'assises et, pour chaque trimestre, pour l'ensemble des sessions susceptibles d'être tenues au cours de ce trimestre ainsi que pour l'application des dispositions de l'article 231-36. Le premier président peut établir à cette fin un tableau de roulement.
« Art. 231-15 . - Les assesseurs du tribunal d'assises sont au nombre de deux.
« Toutefois, à la demande du président du tribunal d'assises, le premier président peut leur adjoindre un ou plusieurs assesseurs supplémentaires, si la durée ou l'importance de la session rendent cette mesure nécessaire.
« Lorsque la session est ouverte, le président du tribunal d'assises peut, s'il y a lieu, désigner un ou plusieurs assesseurs supplémentaires.
« Les assesseurs supplémentaires siègent aux audiences. Ils ne prennent part aux délibérations qu'en cas d'empêchement d'un assesseur titulaire, constaté par ordonnance motivée du président du tribunal d'assises.
« Art. 231-16 . - Les assesseurs du tribunal d'assises sont choisis parmi les magistrats du siège des tribunaux de grande instance du département où siège le tribunal d'assises.
« Ils peuvent être également choisis parmi les magistrats du siège des autres tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel, ainsi que parmi les juges placés, dans les cas visés aux premier et deuxième alinéas de l'article 3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Art. 231-17 . - En cas d'empêchement survenu avant l'ouverture de la session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du premier président.
« Si l'empêchement survient au cours d'une session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du président du tribunal de grande instance où est situé le tribunal d'assises et choisis parmi les magistrats du siège de ce tribunal de grande instance.

« Paragraphe 3

« Dispositions communes

« Art. 231-18 . - Ne peuvent faire partie du tribunal en qualité de président ou d'assesseurs les magistrats qui, dans l'affaire soumise au tribunal, ont, soit accompli un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé à la décision de mise en accusation, à une décision relative au contentieux des nullités ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé.
« Ne peuvent également faire partie du tribunal en qualité de président et d'assesseurs les magistrats qui, dans l'affaire soumise au tribunal, ont participé à une décision relative à la détention provisoire, à l'exception de celles prévues aux articles 148-1 et 231-36 lorsqu'ils ont statué en tant que membres du tribunal d'assises.
« Art. 231-19 . - Les désignations prévues à la présente section sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.

« Section 2

« Du jury

« Art. 231-20 . - Le jury est composé de citoyens désignés conformément aux dispositions des articles suivants.

« Paragraphe 1

« Des conditions d'aptitude aux fonctions de juré

« Art. 231-21 . - Peuvent seuls remplir les fonctions de juré les citoyens âgés de plus de dix-huit ans, sachant lire et écrire le français, jouissant des droits civiques, civils et de famille, inscrits sur les listes électorales d'une commune située dans le ressort du tribunal d'assises, et ne se trouvant dans aucun des cas d'incapacité ou d'incompatibilité énumérés par les deux articles suivants.
« Art. 231-22 . - Sont incapables d'être jurés :
« 1° Les personnes ayant été condamnées pour crime ou pour délit ;
« 2° Les personnes qui, en matière criminelle, font l'objet de poursuites ou qui sont sous mandat de dépôt ou d'arrêt ;
« 3° Les agents publics révoqués de leurs fonctions ;
« 4° Les officiers ministériels destitués et les membres des ordres professionnels frappés d'une interdiction définitive d'exercer par une décision juridictionnelle ;
« 5° Les personnes à l'égard desquelles ont été prononcées la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer et qui n'ont pas été réhabilitées ;
« 6° Les personnes auxquelles il est interdit d'exercer une fonction juridictionnelle en application de l'article 131-26 du code pénal ;
« 7° Les majeurs sous sauvegarde de justice, les majeurs en tutelle, les majeurs en curatelle et ceux qui, en application des dispositions du code de la santé publique, sont hospitalisés sans leur consentement dans un établissement accueillant les malades atteints de troubles mentaux.
« Art. 231-23 . - Les fonctions de juré sont incompatibles avec celles qui sont énumérées ci-après :
« 1° Membre du Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique et social ;
« 2° Membre du Conseil d'Etat, magistrat de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, magistrat de l'ordre judiciaire, membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, magistrat des tribunaux de commerce, assesseur des tribunaux paritaires de baux ruraux et conseiller prud'homme ;
« 3° Secrétaire général du Gouvernement ou d'un ministère, directeur d'administration centrale, membre du corps préfectoral ;
« 4° Militaire ou fonctionnaire des services de police nationale ou municipale ou de l'administration pénitentiaire, en activité de service.
« Art. 231-24 . - Sont dispensées des fonctions de juré auprès du tribunal d'assises les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou n'ayant pas leur résidence principale dans le département siège du tribunal d'assises lorsqu'elles en font la demande à la commission prévue par l'article 231-30.
« Peuvent, en outre, être dispensées de ces fonctions les personnes qui invoquent un motif grave reconnu valable par la commission.
« Art. 231-25 . - Sont exclus ou rayés de la liste annuelle des jurés du tribunal d'assises et de la liste spéciale des jurés suppléants ceux qui ont rempli, depuis moins de cinq ans, les fonctions de juré auprès du tribunal d'assises du département ou de la cour d'assises compétente pour juger en appel les décisions de ce tribunal.
« La commission prévue à l'article 231-30 peut également exclure les personnes qui, pour un motif grave, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré.
« L'inobservation des dispositions du présent article et de l'article précédent n'entache d'aucune nullité la formation du jury.

« Paragraphe 2

« De la formation du jury

« Art. 231-26 . - Il est établi, annuellement, dans le ressort de chaque tribunal d'assises une liste du jury criminel pour le tribunal d'assises.
« Art. 231-27 . - Cette liste comprend, pour le tribunal d'assises de Paris, neuf cents jurés et, pour les autres tribunaux d'assises, un juré pour deux mille cinq cents habitants, sans toutefois que le nombre des jurés puisse être inférieur à cent.
« Le nombre des jurés pour la liste annuelle est réparti proportionnellement au tableau officiel de la population. Cette répartition est faite par commune ou communes regroupées, par arrêté du préfet du département où le tribunal d'assises a son siège, au mois d'avril de chaque année. A Paris, Lyon et Marseille, elle est faite entre les arrondissements, par arrêté du préfet, au mois de juin.
« Art. 231-28 . - Dans chaque commune, le maire, en vue de dresser la liste préparatoire de la liste annuelle, tire au sort publiquement et en présence de deux conseillers municipaux désignés par le conseil municipal, à partir de la liste électorale, un nombre de noms triple de celui fixé par l'arrêté préfectoral pour la circonscription.
« Lorsque l'arrêté préfectoral de répartition a prévu un regroupement de communes, le tirage au sort est effectué, dans les mêmes formes, par le maire de la commune désignée dans l'arrêté du préfet. Il porte sur l'ensemble des listes électorales des communes concernées.
« A Paris, Lyon et Marseille, le tirage au sort est effectué, dans chaque arrondissement, par le maire de l'arrondissement, publiquement et en présence de deux conseillers d'arrondissement désignés par le conseil d'arrondissement.
« Art. 231-29 . - La liste préparatoire doit être dressée en deux originaux dont l'un est déposé à la mairie et, pour Paris, Lyon et Marseille, à la mairie d'arrondissement, et l'autre transmis avant le 15 juillet au greffe de la juridiction siège du tribunal d'assises.
« Le maire doit prévenir les personnes qui ont été tirées au sort. Il leur demande de lui préciser leur profession. Il les avertit qu'elles ont la possibilité de demander par lettre simple adressée avant le 1er septembre au président de la commission prévue à l'article 231-30 le bénéfice des dispositions de l'article 231-24.
« Le maire est tenu d'informer le greffier du tribunal d'assises des inaptitudes légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23 qui, à sa connaissance, frapperaient les personnes portées sur la liste préparatoire. Il peut, en outre, présenter des observations sur le cas des personnes qui, pour des motifs graves, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré.
« Art. 231-30 . - La liste annuelle est dressée au siège de chaque tribunal d'assises par une commission présidée par le président du tribunal de grande instance où le tribunal d'assises a son siège ou par un magistrat du siège qu'il délègue.
« Cette commission comprend, outre son président :
« - trois magistrats du siège désignés chaque année par l'assemblée générale du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises ;
« - le procureur de la République ou un magistrat du parquet qu'il délègue ;
« - le bâtonnier de l'ordre des avocats du tribunal de grande instance du lieu où siège le tribunal d'assises, ou son représentant ;
« - cinq conseillers généraux désignés chaque année par le conseil général et, à Paris, cinq conseillers désignés par le Conseil de Paris.
« Art. 231-31 . - La commission se réunit sur la convocation de son président au siège du tribunal d'assises, dans le courant du mois de septembre. Son secrétariat est assuré par le greffier du tribunal d'assises.
« Elle exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions d'aptitude légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23. Elle statue sur les requêtes présentées en application de l'article 231-24. Sont également exclues les personnes visées par le premier alinéa de l'article 231-25, ainsi que, le cas échéant, celles visées par le deuxième alinéa de l'article 231-25.
« Les décisions de la commission sont prises à la majorité. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
« La liste annuelle des jurés est établie par tirage au sort parmi les noms qui n'ont pas été exclus.
« La liste est définitivement arrêtée dans l'ordre du tirage au sort, signée séance tenante et déposée au greffe du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises.
« Art. 231-32 . - Une liste spéciale de jurés suppléants est également dressée chaque année par la commission, dans les conditions prévues à l'article 231-31, en dehors de la liste annuelle des jurés. Les jurés suppléants doivent résider dans la ville siège du tribunal d'assises.
« Cette liste comprend, pour le tribunal d'assises de Paris, deux cents jurés et, pour les autres tribunaux d'assises, un juré suppléant pour douze mille habitants, sans toutefois que le nombre de jurés puisse être inférieur à vingt.
« Art. 231-33 . - La liste annuelle et la liste spéciale sont transmises par le président de la commission au préfet du département où le tribunal d'assises a son siège, qui les fait parvenir au maire de chaque commune et, à Paris, Lyon et Marseille, au maire de chaque arrondissement.
« Le maire est tenu d'informer, dès qu'il en a connaissance, le président du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, des décès, des incapacités ou des incompatibilités légales qui frapperaient les personnes dont les noms sont portés sur ces listes. Le président du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, ou le magistrat du siège qu'il délègue, est habilité à retirer les noms de ces personnes de la liste annuelle et de la liste spéciale.
« Art. 231-34 . - Trente jours au moins avant l'ouverture de chaque session, le président du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, ou son délégué, tire au sort, en audience publique, sur la liste annuelle, les noms de vingt jurés qui forment la liste de session. Il tire, en outre, les noms de cinq jurés suppléants sur la liste spéciale.
« Si, parmi les noms tirés au sort, figurent ceux d'une ou de plusieurs personnes décédées ou qui se révéleraient ne pas remplir les conditions d'aptitude légales résultant des articles 231-21, 231-22 et 231-23 ou avoir exercé les fonctions de juré auprès du tribunal d'assises ou de la cour d'assises depuis moins de cinq ans, ces noms sont immédiatement remplacés sur la liste de session et la liste des cinq jurés suppléants par les noms d'un ou de plusieurs autres jurés désignés par le sort. Ils sont également retirés de la liste annuelle ou de la liste spéciale par le président du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, ou son délégué.
« Sont également remplacés sur la liste de session et sur la liste des cinq jurés suppléants, dans le cas où ils sont tirés au sort, les noms des personnes qui, dans l'année, ont satisfait aux réquisitions prescrites par les deuxième et troisième alinéas de l'article 231-35.
« Art. 231-35 . - Le greffier du tribunal d'assises notifie à chacun des jurés l'extrait de la liste de session ou de la liste des dix jurés suppléants le concernant quinze jours au moins avant le jour de l'ouverture de la session.
« Ce jour est mentionné dans la notification, laquelle indique également la durée prévisible de la session et contient convocation pour les jour et heure indiqués sous les peines portées au présent code.
« A défaut de notification à personne, elle est faite à domicile ainsi qu'au maire, qui est alors tenu d'en donner connaissance au juré désigné.

« Chapitre IV

« De la procédure préparatoire
aux audiences du tribunal d'assises

« Section 1

« Des actes obligatoires

« Art. 231-36 . - A l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article 231-5, l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant le tribunal d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant le tribunal.
« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément aux dispositions de l'article 144 et mentionnant les raisons qui font obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de quatre mois. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si celui-ci ou son avocat en fait la demande.
« La prolongation prévue au précédent alinéa ne peut être renouvelée. Toutefois, lorsqu'il est fait application des articles 231-52 et 231-56, elle peut être renouvelée pour, chaque fois, une durée de quatre mois au plus et selon les formalités prévues à l'alinéa précédent.
« Art. 231-37 . - L'accusé qui se trouve en liberté doit se constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience du tribunal d'assises. S'il est placé sous contrôle judiciaire, celui-ci continue à produire ses effets jusqu'à ce qu'il se constitue prisonnier.
« L'ordonnance de prise de corps est exécutée si, dûment convoqué au greffe du tribunal d'assises et sans motif légitime d'excuse, l'accusé ne se présente pas au jour fixé pour être interrogé par le président du tribunal. Il en est de même dans le cas prévu à l'article 141-2.
« Art. 231-38 . - Si l'accusé ne peut être saisi ou ne se présente pas, il peut être jugé par défaut conformément aux dispositions des articles 627 et suivants.
« Art. 231-39 . - Si l'affaire ne doit pas être jugée au siège de la juridiction au sein de laquelle l'instruction a été menée, le dossier de la procédure est renvoyé par le procureur de la République au greffe du tribunal de grande instance où siège le tribunal d'assises.
« Les pièces à conviction sont également transportées au greffe de ce tribunal.
« Art. 231-40 . - Le président du tribunal d'assises interroge l'accusé à la maison d'arrêt.
« Si l'accusé est en liberté, il est procédé comme il est dit au deuxième alinéa de l'article 231-37.
« Le président peut déléguer un de ses assesseurs afin de procéder à cet interrogatoire.
« Il doit être fait appel à un interprète si l'accusé ne parle ou ne comprend pas la langue française.
« Art. 231-41 . - Le président interroge l'accusé sur son identité et s'assure que celui-ci a reçu notification ou signification de la décision de mise en accusation.
« Art. 231-42 . - L'accusé est ensuite invité à choisir un avocat pour l'assister dans sa défense.
« Si l'accusé ne choisit pas son avocat, le président ou son délégué lui en désigne un d'office.
« Cette désignation est non avenue si, par la suite, l'accusé choisit un avocat.
« Art. 231-43 . - A titre exceptionnel, le président peut autoriser l'accusé à prendre pour conseil un de ses parents ou amis.
« Art. 231-44 . - L'accomplissement des formalités prescrites par les articles 231-40 à 231-43 est constaté par un procès-verbal que signent le président ou son délégué, le greffier, l'accusé et, s'il y a lieu, l'interprète.
« Si l'accusé ne sait, ne peut ou ne veut signer, le procès-verbal en fait mention.
« Art. 231-45 . - Les débats ne peuvent s'ouvrir moins de cinq jours après l'interrogatoire par le président du tribunal d'assises. L'accusé et son avocat peuvent renoncer à ce délai.
« Art. 231-46 . - L'accusé ne cesse pas de pouvoir communiquer librement avec son avocat.
« L'avocat peut prendre sur place communication de toutes les pièces du dossier sans que cette communication puisse provoquer un retard dans la marche de la procédure.
« Art. 231-47 . - Il est délivré gratuitement à chacun des accusés et parties civiles copie des procès-verbaux constatant l'infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d'expertise.
« Art. 231-48 . - L'accusé et la partie civile, ou leurs avocats, peuvent prendre ou faire prendre copie, à leurs frais, de toutes pièces de la procédure.
« Art. 231-49 . - Le ministère public et la partie civile signifient à l'accusé, l'accusé signifie au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie civile, vingt-quatre heures au moins avant l'ouverture des débats, la liste des personnes qu'ils désirent faire entendre en qualité de témoins. »
« Les noms des experts appelés à rendre compte des travaux dont ils ont été chargés au cours de l'information doivent être signifiés dans les mêmes conditions.
« L'exploit de signification doit mentionner les nom, prénoms, profession et résidence ou domicile élu de ces témoins ou experts.
« Les citations faites à la requête des parties sont à leurs frais, ainsi que les indemnités des témoins cités, s'ils en requièrent. Toutefois, le ministère public est tenu de citer à sa requête les témoins, dont la liste lui a été communiquée par les parties, cinq jours au moins avant l'ouverture des débats ; cette liste ne peut comporter plus de cinq noms.
« Art. 231-50 . - La liste des jurés de session telle qu'elle a été arrêtée conformément aux prescriptions de l'article 231-34 est signifiée à chaque accusé au plus tard l'avant-veille de l'ouverture des débats.
« Cette liste doit contenir des indications suffisantes pour permettre l'identification des jurés, à l'exception de celles concernant leur domicile ou résidence.
« Art. 231-51 . - Les dispositions de la présente section, et notamment celles de l'article 231-37, sont applicables à la personne renvoyée pour délit connexe devant le tribunal d'assises.
« Si cette personne n'est pas détenue, le président peut la dispenser de se constituer prisonnière la veille de l'audience. Il lui indique alors que faute de se présenter devant le tribunal d'assises, elle sera jugée par défaut. Le refus du président d'accorder cette dispense n'est pas susceptible de recours.

« Section 2

« Des actes facultatifs ou exceptionnels

« Art. 231-52 . - Le président, si l'instruction lui semble incomplète ou si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture, peut ordonner tous actes d'information qu'il estime utiles.
« Il y est procédé soit par le président, soit par un des assesseurs ou un juge d'instruction qu'il délègue à cette fin. Dans ce cas, les prescriptions du chapitre Ier du titre III du livre Ier doivent être observées, à l'exception de celles de l'article 167.
« Art. 231-53 . - Les procès-verbaux et autres pièces ou documents réunis au cours du supplément d'information sont déposés au greffe et joints au dossier de la procédure.
« Ils sont mis à la disposition du ministère public et des parties qui sont avisés de leur dépôt par les soins du greffier.
« Le procureur de la République peut, à tout moment, requérir communication de la procédure à charge de rendre les pièces dans les vingt-quatre heures.
« Art. 231-54 . - Lorsqu'à raison d'un même crime ou de crimes connexes, plusieurs décisions de mise en accusation ont été rendues contre différents accusés, le président peut, soit d'office, soit sur réquisitions du ministère public, soit à la demande d'une des parties, ordonner la jonction des procédures.
« Cette jonction peut également être ordonnée quand plusieurs décisions de mise en accusation ont été rendues contre un même accusé pour des infractions différentes.
« Art. 231-55 . - Quand la décision de mise en accusation vise plusieurs infractions non connexes, le président peut, soit d'office, soit sur réquisitions du ministère public, soit à la demande d'une des parties, ordonner que les accusés ne soient immédiatement jugés que sur l'une ou quelques-unes de ces infractions.
« Art. 231-56 . - Le président peut, soit d'office, soit sur réquisitions du ministère public ou à la demande d'une partie, ordonner le renvoi à une audience ou à une session ultérieures des affaires qui ne lui paraissent pas en état d'être jugées.

« Chapitre V

« De l'ouverture des sessions

« Section 1

« De la révision de la liste du jury

« Art. 231-57 . - Aux lieu, jour et heure fixés pour l'ouverture de la session, le tribunal prend séance.
« Le greffier procède à l'appel des jurés inscrits sur la liste établie conformément à l'article 231-34.
« Le tribunal statue sur le cas des jurés absents.
« Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a été notifiée, ou qui, après avoir déféré à cette citation, se retire avant l'expiration de ses fonctions, sans une excuse jugée valable par le tribunal, encourt la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Il encourt également la peine complémentaire d'interdiction, pour une durée de cinq ans, des droits civiques. Ces peines peuvent être prononcées dans les conditions prévues au titre VIII du livre IV. L'appel de cette condamnation est porté devant la chambre des appels correctionnels.
« Art. 231-58 . - Si, parmi les jurés présents, il en est qui ne remplissent pas les conditions d'aptitude légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et 231-23, le tribunal ordonne que leurs noms soient rayés de la liste et adressés au président du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises, aux fins de radiation de la liste annuelle.
« Il en est de même en ce qui concerne les noms des jurés décédés.
« Sont également rayés de la liste de session, les noms des jurés qui se révéleraient être conjoints, parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement d'un membre du tribunal ou de l'un des jurés présents inscrits avant lui sur ladite liste. Il en est de même en ce qui concerne les personnes vivant notoirement en situation maritale avec un membre du tribunal ou l'un des jurés.
« Le tribunal s'assure effectivement que les jurés présents remplissent les conditions d'aptitude légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et 231-23.
« Art. 231-59 . - Si, en raison des absences ou à la suite des radiations par le tribunal, il reste moins de douze jurés sur la liste de session, ce nombre est complété par les jurés suppléants, suivant l'ordre de leur inscription ; en cas d'insuffisance, par des jurés tirés au sort, en audience publique, parmi les jurés inscrits sur la liste spéciale, subsidiairement parmi les jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.
« Dans le cas où le tribunal d'assises tient audience dans un lieu autre que celui où il siège habituellement, le nombre des jurés titulaires est complété par un tirage au sort fait, en audience publique, parmi les jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.
« Les noms des jurés suppléants, de ceux qui sont inscrits sur la liste spéciale ainsi que les noms des jurés de la ville où le tribunal d'assises tient audience, qui sont inscrits sur la liste annuelle, sont rayés des listes dans les conditions prévues à l'article précédent.
« Art. 231-60 . - L'ensemble des décisions du tribunal fait l'objet d'un jugement motivé, le ministère public entendu.
« Ce jugement ne peut faire l'objet d'aucun recours.
« Art. 231-61 . - Avant le jugement de chaque affaire, le tribunal procède, s'il y a lieu, aux opérations prévues par les articles 231-57, 231-58 et 231-59. Le tribunal ordonne, en outre, que soient provisoirement retirés de la liste, éventuellement modifiée, les noms des conjoints, parents et alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement de l'accusé, d'une partie civile ou de leurs avocats, ainsi que les noms de ceux qui, dans l'affaire, sont témoins, interprètes, dénonciateurs, experts, plaignants ou parties civiles ou ont accompli un acte de police judiciaire ou d'instruction. Il en est de même en ce qui concerne les noms de ceux qui vivent notoirement en situation maritale avec l'accusé, une partie civile ou leurs avocats.
« Art. 231-62 . - Tout jugement modifiant la composition de la liste de session établie conformément à l'article 231-34 est porté, par les soins du greffier, sans formalité, à la connaissance de l'accusé. Celui-ci ou son avocat peut demander qu'un délai, qui ne pourra excéder une heure, soit observé avant l'ouverture des débats.

« Section 2

« De la formation du jury de jugement

« Art. 231-63 . - Au jour indiqué pour chaque affaire, le tribunal prend séance et fait introduire l'accusé.
« Le jury de jugement est formé en audience publique.
« La présence de l'avocat de l'accusé n'est pas prescrite à peine de nullité.
« Art. 231-64 . - Le président demande à l'accusé ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, profession et résidence.
« Art. 231-65 . - Le greffier fait l'appel des jurés non excusés.
« Une carte portant leur nom est déposée dans une urne.
« Art. 231-66 . - Le jury de jugement est formé de cinq jurés.
« Le tribunal doit, par jugement, ordonner, avant le tirage de la liste des jurés, qu'indépendamment des cinq jurés, il soit tiré au sort un ou plusieurs jurés supplémentaires qui assistent aux débats.
« Dans le cas où l'un ou plusieurs des cinq jurés seraient empêchés de suivre les débats jusqu'au prononcé du jugement du tribunal d'assises, ils sont remplacés par les jurés supplémentaires.
« Le remplacement se fait suivant l'ordre dans lequel les jurés supplémentaires ont été appelés par le sort.
« Art. 231-67 . - L'accusé ou son avocat d'abord, le ministère public ensuite, récusent tels jurés qu'ils jugent à propos, à mesure que leurs noms sortent de l'urne, sauf la limitation exprimée à l'article 231-68.
« Ni l'accusé, ni son avocat, ni le ministère public ne peuvent exposer les raisons de leur décision.
« Le jury de jugement est formé à l'instant où sont sortis de l'urne cinq noms de jurés non récusés et les noms des jurés supplémentaires prévus par l'article 231-66.
« Art. 231-68 . - L'accusé ne peut récuser plus de trois jurés, le ministère public plus de deux.
« Art. 231-69 . - S'il y a plusieurs accusés, ils peuvent se concerter pour exercer leurs récusations ; ils peuvent les exercer séparément.
« Dans l'un et l'autre cas, ils ne peuvent excéder le nombre de récusations déterminé pour un seul accusé.
« Art. 231-70 . - Si les accusés ne se concertent pas pour récuser, le sort règle entre eux le rang dans lequel ils font les récusations. Dans ce cas, les jurés récusés par un seul, et dans cet ordre, le sont pour tous jusqu'à ce que le nombre des récusations soit épuisé.
« Art. 231-71 . - Les accusés peuvent se concerter pour exercer une partie des récusations, sauf à exercer le surplus suivant le rang fixé par le sort.
« Art. 231-72 . - Le greffier dresse procès-verbal des opérations de formation du jury de jugement.
« Art. 231-73 . - Les jurés se placent dans l'ordre désigné par le sort, aux côtés du tribunal, si la disposition des lieux le permet, et sinon sur des sièges séparés du public, des parties et des témoins, en face de celui qui est destiné à l'accusé.
« Art. 231-74 . - Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : "Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre M., Mme, Mlle X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions."
« Chacun des jurés, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure".
« Le texte du discours est affiché en gros caractères dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.
« Art. 231-75 . - Le président déclare le jury définitivement constitué.

« Chapitre VI

« Des débats

« Section 1

« Dispositions générales

« Art. 231-76 . - Les débats sont publics, à moins que la publicité ne risque de porter gravement atteinte à la dignité de la personne humaine ou à l'ordre public. Dans ce cas, le tribunal prononce le huis clos par un jugement rendu en audience publique qui ne peut faire l'objet d'un appel. »
« Le président peut, dans tous les cas, interdire l'accès de la salle d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux.
« Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas.
« Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au prononcé des jugements qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à l'article 231-84.
« Le jugement sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.
« Art. 231-77 . - Dès l'ouverture de l'audience, l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion de l'image ou du son est interdit sous peine d'une amende de 200 000 francs, qui peut être prononcée dans les conditions prévues au titre VIII du livre IV.
« Toutefois, les débats du tribunal d'assises font l'objet d'un enregistrement sonore intégral.
« Il est procédé à une transcription écrite de l'enregistrement aux frais de la partie qui en fait la demande. Toutefois, lorsque le ministère public ou l'accusé fait appel de la décision du tribunal d'assises, les frais de la transcription sont à la charge de l'Etat.
« Le président peut faire établir des copies de ces enregistrements, aux fins d'en faciliter la consultation. Les enregistrements sont placés sous scellés et déposés au greffe du tribunal d'assises.
« Ces enregistrements peuvent être utilisés devant la cour d'assises en cas d'appel ou devant la commission de révision ou la cour de révision. Dans ce cas, les scellés sont ouverts par le président de la juridiction saisie ou par un magistrat délégué par lui, en présence du condamné assisté de son avocat, ou eux dûment appelés, ou en présence de l'une des personnes visées au 3° de l'article 623, ou elles dûment appelées.
« Après présentation des scellés, le président ou son délégué fait procéder, s'il y a lieu, par un expert à une transcription de l'enregistrement qui est jointe au dossier de la procédure.
« Les dispositions ci-dessus ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure.
« Art. 231-78 . - Le président a la police de l'audience et la direction des débats.
« Il rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats.
« Il est habilité à prendre toutes les mesures utiles pour assurer l'ordre, la sécurité et le calme des débats, aussi bien dans la salle d'audience que pour les faits qui se produiraient à l'extérieur en rapport avec l'affaire, y compris à demander le concours de la force publique.
« Il a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé. L'avocat de l'accusé peut le lui rappeler à tout moment.
« Art. 231-79 . - Le président peut prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité. Il peut, s'il l'estime opportun, saisir le tribunal qui statue dans les conditions prévues à l'article 231-84.
« Il peut au cours des débats appeler et entendre toutes personnes ou se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraissent, d'après les développements donnés à l'audience, utiles à la manifestation de la vérité. Il peut si nécessaire ordonner que ces témoins soient amenés par la force publique.
« Les témoins ainsi appelés ne prêtent pas serment et leurs déclarations ne sont considérées que comme renseignements.
« Art. 231-80 . - Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins, aux experts et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président.
« Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion sur la culpabilité de l'accusé.
« Art. 231-81 . - Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, l'accusé et la partie civile peuvent poser des questions, par l'intermédiaire du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre.
« Sous les mêmes réserves, le ministère public et les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président.
« Art. 231-82 . - Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles et sur lesquelles le tribunal est tenu de statuer.
« Art. 231-83 . - L'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles le tribunal est tenu de statuer.
« Art. 231-83-1 . - Lorsqu'à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion de la salle d'audience. Si, au cours de l'exécution de cette mesure, il résiste à cet ordre ou cause du tumulte, le tribunal peut, sur les réquisitions du ministère public, le juger et le punir d'un emprisonnement de deux ans et le placer sous mandat de dépôt, sans préjudice des peines portées au code pénal contre les auteurs d'outrages et de violences envers les magistrats. L'appel de cette condamnation est porté devant la chambre des appels correctionnels. Sur l'ordre du président, il est alors contraint par la force publique de quitter l'audience.
« Art. 231-83-2 . - Pendant les débats, les magistrats et les jurés peuvent prendre des notes.
« Art. 231-84 . - Tous incidents contentieux sont réglés par le tribunal, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus.
« Ces jugements ne peuvent préjuger du fond.
« Ceux visés à l'article 232-9 peuvent faire l'objet d'un appel.
« Art. 231-85 . - Sont irrecevables les exceptions tirées d'une nullité purgée par la décision de mise en accusation.
« A peine d'irrecevabilité, les exceptions de nullité concernant la procédure antérieure à l'audience devant le tribunal d'assises, et notamment celles ayant trait à la formation du jury, doivent être présentées dès que le jury de jugement est définitivement constitué, avant la lecture de la décision de mise en accusation.
« Dans le cas où l'ordonnance ou l'arrêt de mise en accusation n'a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l'article 183 ou par l'article 217, ou si l'ordonnance n'a pas été rendue conformément aux dispositions des articles 175 et 184, le tribunal d'assises renvoie la procédure au ministère public, pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction, afin que la procédure soit régularisée.
« Art. 231-86 . - Les débats ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu'à ce que la cause soit terminée par le jugement du tribunal d'assises.
« Ils peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges et de l'accusé.
« Toutefois, le tribunal peut ordonner, d'office ou à la requête du ministère public ou de l'une des parties, le renvoi de l'affaire à la prochaine session.

« Section 2

« De la comparution de l'accusé

« Art. 231-87 . - A l'audience, la présence d'un défenseur auprès de l'accusé est obligatoire.
« Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 231-42 ne se présente pas, le président en commet un d'office.
« Lorsque le défenseur de l'accusé n'est pas inscrit à un barreau, le président l'informe qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou le respect dû aux lois et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération.
« Art. 231-88 . - L'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader.
« Art. 231-89 . - Si un accusé détenu refuse de comparaître, sommation lui est faite au nom de la loi, par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par l'huissier d'audience. Le cas échéant, la réponse de l'accusé est transmise au président du tribunal.
« Art. 231-90 . - Si l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le président peut ordonner qu'il soit amené par la force devant le tribunal ; il peut également, le cas échéant après lecture à l'audience des observations de l'accusé, ordonner que, nonobstant son absence, les débats s'engagent.
« Si des jugements incidents sont rendus par le tribunal en l'absence de l'accusé, ils lui sont notifiés par le chef de l'établissement pénitentiaire. Ces jugements sont réputés contradictoires.
« Art. 231-91. - Supprimé.
« Art. 231-92 . - Si l'ordre est troublé par l'accusé lui-même, il lui est fait application des dispositions de l'article 231-91.
« L'accusé, lorsqu'il est expulsé de la salle d'audience, est gardé par la force publique à la disposition du tribunal. Après chaque audience, il lui est donné lecture du procès verbal des débats par le greffier du tribunal d'assises, qui lui remet copie des réquisitions du ministère public ainsi que des jugements rendus par le tribunal, qui sont tous réputés contradictoires.

« Section 3

« De la production et de la discussion des preuves

« Art. 231-93 . - Les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, et les membres du tribunal d'assises décident d'après leur intime conviction, en se fondant exclusivement sur les preuves qui sont apportées aux cours des débats et discutées contradictoirement.
« Art. 231-94 . - Le président ordonne à l'huissier de faire l'appel des témoins cités par le ministère public, par l'accusé et la partie civile, dont les noms ont été signifiés conformément aux prescriptions de l'article 231-49.
« Art. 231-95 . - Le président ordonne aux témoins de se retirer dans la chambre qui leur est destinée. Ils n'en sortent que pour déposer. Le président prend, s'il en est besoin, toutes mesures utiles pour empêcher les témoins de conférer entre eux avant leur déposition.
« Art. 231-96 . - Lorsqu'un témoin cité ne comparaît pas, le tribunal peut, sur réquisitions du ministère public ou même d'office, ordonner que ce témoin soit immédiatement amené par la force publique devant le tribunal pour y être entendu, ou renvoyer l'affaire à la prochaine session.
« Dans tous les cas, le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de faire sa déposition peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par le tribunal à la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
« Le témoin condamné peut interjeter appel de la condamnation dans les dix jours du prononcé de celle-ci. S'il était défaillant, ce délai ne commence à courir que du jour de la signification du jugement. L'appel est porté devant la chambre d'appel de l'instruction.
« Art. 231-97 . - Le président invite l'accusé à écouter avec attention la lecture de la décision de mise en accusation.
« Il invite le greffier à lire cette décision.
« Art. 231-98 . - Le président interroge l'accusé et reçoit ses déclarations.
« Art. 231-99 . - Les témoins appelés par le ministère public ou les parties sont entendus dans le débat, même s'ils n'ont pas déposé à l'instruction, ou s'ils n'ont pas été assignés, à condition que leurs noms aient été signifiés conformément aux prescriptions de l'article 231-49.
« Art. 231-100 . - Le ministère public et les parties peuvent s'opposer à l'audition d'un témoin dont le nom ne leur aurait pas été signifié ou qui leur aurait été irrégulièrement signifié.
« Le tribunal statue sur cette opposition.
« Si elle est reconnue fondée, ces témoins peuvent être entendus, à titre de renseignements, en application des dispositions de l'article 231-79.
« Art. 231-101 . - Les témoins déposent séparément l'un de l'autre, dans l'ordre établi par le président.
« Les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s'ils connaissaient l'accusé avant les faits mentionnés dans la décision de mise en accusation, s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le président leur demande encore s'ils ne vivent pas notoirement en situation maritale avec l'un ou l'autre ou s'ils ne sont pas attachés au service de l'un ou de l'autre. Le président peut dispenser un témoin de faire connaître son domicile ou sa résidence.
« Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. Cela fait, les témoins déposent oralement.
« Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition.
« Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sur sa moralité.
« Art. 231-102 . - Le serment prévu à l'article précédent est prescrit à peine de nullité.
« Néanmoins, cette exception de nullité doit, à peine de forclusion, être soulevée par le ministère public ou les parties avant la fin de l'audition du témoin. Cet incident contentieux est réglé conformément aux dispositions de l'article 231-84. Si la partie de l'audition réalisée sans prestation de serment est annulée par le tribunal, le témoin peut être à nouveau interrogé après avoir prêté serment. Il ne peut être entendu sans prêter serment en application de l'article 231-79.
« Art. 231-102-1 . - Les dispositions du second alinéa de l'article 231-102 sont applicables aux experts entendus en application de l'article 168.
« Art. 231-103 . - Le témoin qui a prêté serment n'est pas tenu de le renouveler, s'il est entendu à nouveau au cours des débats.
« Le président lui rappelle, s'il y a lieu, le serment qu'il a prêté.
« Art. 231-104 . - Après chaque déposition, le président peut poser des questions aux témoins.
« Le ministère public, ainsi que les avocats de l'accusé et de la partie civile, l'accusé et la partie civile ont la même faculté, dans les conditions déterminées à l'article 231-81.
« Art. 231-105 . - Chaque témoin, après sa déposition, demeure dans la salle d'audience, si le président n'en ordonne autrement, jusqu'à la clôture des débats.
« Art. 231-106 . - Ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions :
« 1° Du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l'accusé, ou de l'un des accusés présents et soumis au même débat ;
« 2° Du fils, de la fille ou de tout autre descendant ;
« 3° Des frères et soeurs ;
« 4° Des alliés aux mêmes degrés ;
« 5° Du mari ou de la femme, même après le divorce, ou de la personne qui vit ou a vécu notoirement en situation maritale avec l'accusé ;
« 6° De la partie civile ;
« 7° Des enfants âgés de moins de seize ans.
« Art. 231-107 . - Néanmoins, l'audition sous serment des personnes désignées par l'article précédent n'entraîne pas nullité lorsque le ministère public ni aucune des parties ne s'est opposé à la prestation de serment.
« En cas d'opposition du ministère public ou d'une ou plusieurs des parties, le témoin peut être entendu, à titre de renseignements, en application des dispositions de l'article 231-79.
« Art. 231-108 . - La personne qui, agissant en vertu d'une obligation légale ou de sa propre initiative, a porté les faits poursuivis à la connaissance de la justice, est reçue en témoignage, mais le président en avertit le tribunal d'assises.
« Celui dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la loi peut être entendu en témoignage, à moins qu'il n'y ait opposition d'une des parties ou du ministère public. En cas d'opposition, il peut être entendu, sans prestation de serment, en application des dispositions de l'article 231-79.
« Art. 231-109 . - Le ministère public, ainsi que la partie civile et l'accusé, peuvent demander, et le président peut toujours ordonner, qu'un témoin se retire momentanément de la salle d'audience, après sa déposition, pour y être introduit et entendu s'il y a lieu après d'autres dépositions, avec ou sans confrontation.
« Art. 231-110 . - Le président peut, avant, pendant ou après l'audition d'un témoin, faire retirer un ou plusieurs accusés, et les interroger séparément sur quelques circonstances du procès ; mais il a soin de ne reprendre la suite des débats qu'après avoir informé chaque accusé de ce qui s'est fait en son absence et ce qui en est résulté.
« Art. 231-111 . - Dans le cours ou à la suite des dépositions, le président fait, s'il est nécessaire, présenter aux parties ou aux témoins les pièces à conviction et reçoit leurs observations.
« Le président les fait aussi présenter, s'il y a lieu, aux assesseurs et aux jurés.
« Art. 231-112 . - Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin paraît fausse, le président, soit d'office, soit à la requête du ministère public ou d'une des parties, peut ordonner spécialement à ce témoin de demeurer à la disposition du tribunal, qui l'entendra à nouveau s'il y a lieu.
« Si le jugement doit être rendu le jour même, le président peut également faire garder ce témoin par la force publique dans ou hors la salle d'audience.
« Après lecture du jugement sur le fond ou dans le cas de renvoi à une autre session, le président ordonne sa conduite devant le procureur de la République qui apprécie les suites à donner. Il est dressé par le greffier, à la demande du président, un procès-verbal des faits et des dires d'où peut résulter le faux témoignage. Ce procès-verbal ainsi que, le cas échéant, l'extrait du procès verbal établi en application de l'article 231-115 sont transmis sans délai au procureur de la République.
« Art. 231-113 . - Dans le cas où l'accusé, la partie civile, les témoins ou l'un d'eux ne parlent pas suffisamment la langue française ou s'il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président nomme d'office un interprète, âgé de dix-huit ans au moins, et lui fait prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.
« Le ministère public, l'accusé et la partie civile peuvent récuser l'interprète en motivant leur récusation. Le tribunal se prononce sur cette récusation. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours.
« L'interprète ne peut, même si l'accusé ou le ministère public y consentent, être pris parmi les membres du tribunal d'assises, le greffier qui tient l'audience, les parties et les témoins.
« Art. 231-114 . - Si l'accusé est sourd-muet, le président nomme d'office en qualité d'interprète la personne qui a le plus l'habitude de converser avec lui.
« Il en est de même à l'égard de la partie civile ou du témoin sourd-muet.
« Les autres dispositions du précédent article sont applicables.
« Art. 231-115 . - Le greffier du tribunal d'assises dresse, sous la direction du président, un procès-verbal résumant le déroulement de la procédure d'audience jusqu'au prononcé de la décision sur l'action publique.
« Ce procès-verbal mentionne l'identité des personnes entendues comme témoins ou comme experts ou en application des dispositions de l'article 231-79. Les jugements rendus sur des incidents contentieux y sont intégrés si ces jugements ne font pas l'objet d'un acte distinct.
« A moins que le président n'en ordonne autrement, d'office ou à la requête du ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu des dépositions.
« Le procès-verbal est signé par le président et le greffier dans le délai de trois jours au plus tard du prononcé de la décision.
« Les dispositions du présent article ne sont pas prescrites à peine de nullité.
« Art. 231-116 . - Une fois l'instruction à l'audience terminée, la partie civile ou son avocat est entendu. Le ministère public prend ses réquisitions.
« L'accusé et son avocat et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense.
« La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais l'accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers.

« Section 4

« De la clôture des débats et de la lecture des questions

« Art. 231-117 . - Le président déclare les débats terminés.
« Il ne peut résumer les moyens de l'accusation et de la défense.
« Art. 231-118 . - Le président donne lecture des questions auxquelles le tribunal et le jury ont à répondre. Cette lecture n'est pas obligatoire si les questions sont posées dans les termes de la décision de mise en accusation ou si l'accusé ou son défenseur y renonce.
« Art. 231-119 . - Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?".
« Une question est posée sur chaque fait spécifié dans la décision de mise en accusation.
« Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.
« Une question distincte est également posée, lorsqu'elle est invoquée, sur chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.
« Art. 231-120 . - Lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-1 (premier alinéa), 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 (premier et second alinéas) et 122-7 du code pénal, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions posées ainsi qu'il suit :
« 1° "L'accusé a-t-il commis tel fait ?" ;
« 2° "L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui... ?" .
« Le président peut, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.
« Sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce, il est donné lecture des questions posées en application du présent article.
« Art. 231-121 . - S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes non mentionnées dans la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions spéciales.
« Art. 231-122 . - S'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires.
« Art. 231-123 . - S'il s'élève un incident contentieux au sujet des questions le tribunal statue dans les conditions prévues à l'article 231-84.
« Art. 231-124 . - Avant que le tribunal d'assises se retire, le président donne connaissance des dispositions de l'article 231-93, qui sont affichées en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.
« Art. 231-125 . - Le président fait retirer l'accusé de la salle d'audience.
« Il invite le chef du service d'ordre à faire garder les issues de la chambre des délibérations, dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que ce soit, sans autorisation du président.
« Le président déclare l'audience suspendue.

« Chapitre VII

« Du jugement

« Section 1

« De la délibération du tribunal d'assises

« Art. 231-126 . - Les magistrats du tribunal et les jurés se retirent dans la chambre des délibérations avec le dossier de la procédure. Celui-ci ne peut être consulté au cours du délibéré que pour vérifier des éléments évoqués au cours des débats.
« Les magistrats et les jurés ne peuvent sortir de la chambre des délibérations qu'après avoir pris leurs décisions.
« Art. 231-127 . - Le tribunal et le jury délibèrent puis votent par bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d'abord et, s'il y a lieu, sur les causes d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires, et sur chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.
« Art. 231-128 . - Chacun des magistrats et des jurés reçoit, à cet effet, un bulletin ouvert, marqué du timbre du tribunal d'assises et portant ces mots : "Sur mon honneur et en ma conscience, ma déclaration est...".
« Il écrit à la suite ou fait écrire secrètement le mot :"oui" ou le mot : "non" sur une table disposée de telle manière que personne ne puisse voir le vote inscrit sur le bulletin. Il remet le bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans une urne destinée à cet usage.
« Art. 231-129 . - Le président dépouille chaque scrutin en présence des membres du tribunal et du jury qui peuvent vérifier les bulletins. Il constate sur-le-champ le résultat du vote en marge ou à la suite de la question résolue.
« Les bulletins blancs, ou déclarés nuls par la majorité, sont comptés comme favorables à l'accusé.
« Immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin, les bulletins sont détruits.
« Art. 231-130 . - Toute décision défavorable à l'accusé, y compris celle qui refuse, dans le cas prévu par l'article 231-120, l'application d'une cause d'irresponsabilité pénale, se forme à la majorité de six voix au moins. Cette majorité est constatée sans que le nombre de voix puisse être autrement exprimé.
« Art. 231-131 . - Au cas de contradiction entre deux ou plusieurs réponses, le président peut faire procéder à un nouveau vote.
« Art. 231-132 . - Si, lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article 231-120, le tribunal d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question, il déclare l'accusé coupable. S'il a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde question, il déclare l'accusé non coupable.
« Art. 231-133 . - En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du code pénal. Le tribunal d'assises délibère alors sans désemparer sur l'application de la peine. Le vote a lieu ensuite séparément pour chaque accusé.
« La décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants. Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de six voix au moins. Si le maximum de la peine encourue n'a pas obtenu la majorité de six voix, il ne peut être prononcé une peine supérieure à trente ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité et une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans de réclusion criminelle. Les mêmes règles sont applicables en cas de détention criminelle.
« Si, après deux tours de scrutin, aucune peine n'a réuni la majorité des suffrages, il est procédé à un troisième tour au cours duquel la peine la plus forte proposée au tour précédent est écartée. Si, à ce troisième tour, aucune peine n'a encore obtenu la majorité absolue des votes, il est procédé à un quatrième tour et ainsi de suite, en continuant à écarter la peine la plus forte, jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée.
« Lorsque le tribunal d'assises prononce une peine correctionnelle, il peut ordonner à la majorité qu'il soit sursis à l'exécution de la peine avec ou sans mise à l'épreuve.
« Le tribunal d'assises se prononce également, à la majorité absolue des votants, sur la peine d'amende et les peines accessoires ou complémentaires.
« Art. 231-134 . - Si le fait retenu contre l'accusé ne tombe pas ou ne tombe plus sous l'application de la loi pénale, ou si l'accusé est déclaré non coupable, le tribunal d'assises prononce l'acquittement de celui-ci.
« Si l'accusé bénéficie d'une cause d'exemption de peine, le tribunal d'assises le déclare coupable et l'exempte de peine.
« Art. 231-135 . - Mention des décisions prises est faite sur la feuille de questions, qui est signée séance tenante par le président et par le premier juré désigné par le sort ou, s'il ne peut ou ne veut signer, par le ou les jurés suivants dans l'ordre où ils ont été désignés par le sort lors de la formation du jury du jugement.
« Art. 231-136 . - Les réponses du tribunal d'assises aux questions posées sont irrévocables.
« Art. 231-137. - Supprimé.

« Section 2

« De la décision sur l'action publique

« Art. 231-138 . - Le tribunal d'assises rentre ensuite dans la salle d'audience. Le président fait comparaître l'accusé, donne lecture des réponses faites aux questions et prononce la décision portant condamnation, exemption de peine ou acquittement.
« Au cas de condamnation ou d'exemption de peine, le jugement se prononce sur la contrainte par corps.
« Art. 231-139 . - Si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, s'il est condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou s'il est condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention provisoire, il est mis immédiatement en liberté s'il n'est retenu pour autre cause.
« Dans les autres cas, tant que le jugement n'est pas définitif et, le cas échéant, pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ou continue de produire ses effets, jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice des dispositions de l'article 148-1.
« Le tribunal d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider que l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution contre la personne renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où le jugement est rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision.
« Art. 231-140 . - Aucune personne acquittée par un jugement du tribunal d'assises devenu définitif ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente.
« Art. 231-141 . - Lorsque, dans le cours des débats, des charges sont relevées contre l'accusé à raison d'autres faits, et lorsque le ministère public a fait des réserves aux fins de poursuites, le président ordonne que l'accusé acquitté soit, par la force publique, conduit sans délai devant le procureur de la République du siège du tribunal d'assises qui apprécie les suites à donner.
« Art. 231-142 . - Après le prononcé de la décision, le président avertit, s'il y a lieu, l'accusé de la faculté qui lui est accordée de faire appel et lui fait connaître le délai de cet appel en lui précisant qu'il ne commencera à courir qu'à compter de la notification du jugement motivé effectuée conformément aux dispositions de l'article 231-156.

« Section 3

« De la décision sur l'action civile

« Art. 231-143 . - Après que le tribunal d'assises s'est prononcé sur l'action publique, le tribunal, sans l'assistance du jury, statue sur les demandes en dommages-intérêts formées soit par la partie civile contre l'accusé, soit par l'accusé acquitté contre la partie civile, les parties et le ministère public ayant été entendus.
« Le tribunal peut commettre l'un de ses membres pour entendre les parties, prendre connaissance des pièces et faire son rapport à l'audience, où les parties peuvent encore présenter leurs observations et où le ministère public est ensuite entendu.
« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 sont applicables.
« Art. 231-144 . - La partie civile, dans le cas d'acquittement comme dans celui d'exemption de peine, peut demander réparation du dommage résultant de la faute de l'accusé, telle qu'elle résulte des faits qui sont l'objet de l'accusation.
« Art. 231-145 . - Le tribunal peut ordonner d'office la restitution des objets placés sous la main de la justice. Toutefois, cette restitution n'est effectuée qu'après que le jugement est devenu définitif.
« Le tribunal peut refuser la restitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens.
« Art. 231-146 . - Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'État et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
« Art. 231-147 . - Le tribunal peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée, sans préjudice des dispositions de l'article 232-8.
« Toutefois, l'exécution provisoire des mesures d'instruction prises en matière civile est de droit.
« Art. 231-148 . - La partie civile est assimilée au témoin en ce qui concerne le paiement des indemnités, sauf décision contraire du tribunal.
« Art. 231-149 . - Les personnes condamnées pour un même crime sont tenues solidairement des restitutions et des dommages-intérêts.

« Section 4

« Du jugement

« Art. 231-150 . - Avant le prononcé de la décision en audience publique, le président ou l'un des assesseurs par lui désigné met en forme les raisons du jugement. A titre exceptionnel, si la complexité de l'affaire le justifie, il peut être procédé à cette mise en forme dans un délai qui ne saurait excéder quinze jours à compter du prononcé de la décision.
« Les raisons du jugement reprennent, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, le résumé des principaux arguments par lesquels le tribunal d'assises s'est convaincu et qui ont été dégagés au cours de la délibération, ainsi que, en cas de condamnation, les principaux éléments de fait et de personnalité ayant justifié le choix de la peine.
« Art. 231-151 . - Les raisons du jugement sont rédigées sur une feuille annexée à la feuille des questions. Elle est signée par le président et le premier juré désigné par le sort ou, si ce dernier ne peut ou ne veut signer, par le ou les jurés suivants dans l'ordre où ils ont été désignés par le sort lors de la formation du jury de jugement.
« Art. 231-152 . - Le président informe les parties du délai dans lequel les raisons du jugement seront mises en forme, sauf si celles-ci ont été rédigées séance tenante.
« Art. 231-153 . - Le jugement reproduit les raisons figurant sur la feuille prévue par l'article 231-151, même si celle-ci n'a pas été signée par le premier juré ou son remplaçant ; les textes de lois appliqués y sont indiqués.
« Art. 231-154 . - La minute du jugement rendu après délibération du tribunal d'assises ainsi que la minute des jugements rendus par le tribunal sans l'assistance du jury sont datées et mentionnent le nom des magistrats qui l'ont rendu. La présence du ministère public et l'assistance du greffier à l'audience doit y être constatée.
« Ces minutes sont signées par le président et le greffier. En cas d'empêchement du président, mention est faite sur la minute qui est signée par celui des magistrats qui donne lecture du jugement.
« Art. 231-155 . - Les minutes des jugements rendus par le tribunal d'assises sont réunies et déposées au greffe du tribunal de grande instance, siège du tribunal d'assises.
« Art. 231-156 . - Il est remis une expédition des jugements du tribunal d'assises à l'accusé, au ministère public et à la partie civile.
« Cette remise est faite à l'accusé détenu par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur de la République, l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé.
« Dans le cas contraire, elle est faite dans les formes prévues au titre IV du présent livre. »
Sur l'article, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 2 est la disposition clé du projet de loi puisqu'il organise le fonctionnement du tribunal criminel.
C'est dans cet article que l'on trouve les dispositions aussi importantes que l'abaissement de l'âge auquel on peut être juré, le nombre de jurés siégeant au tribunal criminel, la motivation des décisions, la présence du dossier de procédure en salle des délibérés, l'enregistrement des débats, etc.
Aussi est-il regrettable de ne disposer que de quelques minutes pour intervenir sur cet article 2 qui traite de sujets aussi divers qu'importants.
En examinant plus attentivement chacune des dispositions contenues dans cet article, on peut légitimement s'interroger sur le risque d'une réelle remise en cause de la souveraineté du jury populaire.
Ainsi, le fait qu'en première instance le tribunal soit composé de cinq jurés seulement et de trois magistrats montre l'abaissement du rôle et des pouvoirs des jurés entraînant a contrario un renforcement des pouvoirs des magistrats.
La prise de décision à une majorité de six voix sur huit implique, en effet, le vote favorable d'un magistrat professionnel pour emporter la décision, ce qui, à l'évidence, fait disparaître la primauté du jury.
Il faut avoir en tête le fait que, même si, en appel, la cour est composée de neuf jurés et de trois magistrats, cette cour sera, qu'on le veuille ou non, influencée par la décision prise, en première instance, par le tribunal criminel, dans lequel le poids des magistrats sera incontestable par rapport aux jurés.
Par ailleurs, si aucune des parties ne fait appel, la décision de condamnation de l'accusé aura été prise par cinq jurés, alors qu'actuellement le jury est composé de neuf jurés.
Inversement, on peut supposer qu'un accusé condamné par un tribunal de cinq jurés fera systématiquement appel pour être jugé par neuf jurés.
C'est pourquoi nous proposons, pour renforcer le poids des jurés par rapport aux magistrats, un amendement portant à neuf le nombre de jurés présents en première instance. Je reviendrai sur ce point le moment venu.
Une autre disposition participe à la remise en cause de la justice populaire : il s'agit de la motivation des décisions.
Nous avons eu l'occasion d'évoquer cette question lors de la discussion générale ; néanmoins, je souhaite y revenir, car elle soulève nombre de problèmes.
Monsieur le garde des sceaux, même si vous avez renoncé à l'idée de faire revenir un juré quinze jours plus tard et proposé de poser cinq conditions à une motivation rendue en même temps que le verdict, nos inquiétudes demeurent.
Nous estimons qu'il ne faut pas exiger d'un jury populaire une motivation de ses décisions, car, représentant le peuple français et étant souverain, il n'a pas à expliquer ses motivations. Le faire serait donc porter un coup à la souveraineté populaire du jury, à son intime conviction, ainsi qu'au secret des délibérations qui en découle.
D'une manière générale donc, le poids incontestable des magistrats qui parviennent très souvent à emporter la décision qu'ils souhaitent, même quand il y a neuf jurés, le rôle prépondérant dont ils disposent pendant l'audience publique préparatoire à la délibération, le nombre insuffisant de jurés en première instance la motivation des décisions nous portent à penser que la réforme ainsi envisagée risque de renforcer l'influence des magistrats, non seulement dans le cours des délibérations, mais aussi dans la décision qui sera rendue, et ce bien évidemment au détriment d'un jury populaire, pourtant garant d'une justice populaire.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, mais je tenais à préciser ces idées générales, en préambule à l'étude de cet article.

ARTICLES 231 ET 231-1
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231 et 231-1 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 1, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-2 du code de procédure pénale :
« Art. 231-2. - Le siège du tribunal d'assises est fixé par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a considéré qu'il convenait de modifier cette disposition pour assurer le respect du domaine réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remettra sur cet amendement à la sagesse du Sénat, mais non sans avoir, au préalable, explicité très clairement ce que voulait dire son texte et ce qu'il veut dire en s'en remettant à la sagesse du Sénat.
L'implantation des cours d'assises relève de la plus longue tradition et, en particulier, de décisions qui ont été prises pendant le droit intermédiaire, sous la Révolution.
Le principe veut, et nous souhaitons qu'il soit maintenu, que le tribunal d'assises soit installé au chef-lieu du département, comme c'est d'ailleurs très généralement le cas depuis deux cents ans, c'est-à-dire depuis la création des départements.
Mais en même temps - c'est le sens du second alinéa du texte proposé pour l'article 231-2 - nous voulons très clairement préciser que certaines situations particulières doivent être prises en compte et éventuellement maintenues. J'évoquerai pêle-mêle, et sans être exhaustif, Carpentras, dans le Vaucluse, Douai, dans le Nord, Saintes, en Charente-Maritime, Saint-Omer dans le Pas-de-Calais.
Pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui êtes les plus fidèles représentants de nos terroirs, il y a là un symbole important. Si je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, c'est que, dans mon esprit, même si vous supprimez le premier alinéa du texte que je propose, le pouvoir réglementaire conserve très clairement la possibilité de préserver des situations qui, aujourd'hui, prévalent depuis des siècles et qui constituent, dans un grand nombre de départements, un véritable patrimoine, une véritable culture judiciaire que je ne crois pas utile de remettre en cause. En tout cas, ce sera dans cet esprit que sera conçu le texte d'application de cette loi.
L'amendement proposé par la commission, auquel je ne m'oppose pas, ne dit pas le contraire mais il n'est pas aussi précis que le texte du Gouvernement. Je tenais à le préciser pour ceux qui se pencheront plus tard sur nos travaux préparatoires.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-2 du code de procédure pénale est donc ainsi rédigé.

ARTICLE 231-3 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 231-3 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-4 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 2, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-4 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Comme pour l'amendement précédent, la commission a considéré que ces dispositions relevaient du domaine réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-4 du code de procédure pénale est donc supprimé.

ARTICLE 231-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 3, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la première phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-5 du code de procédure pénale :
« Les sessions du tribunal d'assises sont organisées afin d'assurer pour chaque affaire le respect du délai prévu par l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet de loi exige actuellement que des sessions aient lieu chaque fois qu'au moins une affaire doit être jugée dans le délai légal. Ce faisant, il paraît sous-entendre que certaines affaires pourraient ne pas être jugées dans ce délai. Il n'en est évidemment pas question. Nous proposons une rédaction qui lève toute ambiguïté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-5 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-6 ET 231-7
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-6 et 231-7 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 4, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-8 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « des magistrats professionnels qui composent ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit de supprimer une précision inutile puisqu'il est prévu plus loin dans le texte, précisément à l'article 231-11, que le tribunal proprement dit comprend des magistrats.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je m'en remettrai à la sagesse du Sénat mais, un peu dans le même esprit que tout à l'heure sur le texte proposé pour l'article 231-2, je précise que, s'agissant, je le rappelle, de la justice au sens plein du terme, qui doit être la plus populaire possible, je ne suis pas sûr que l'ellipse soit une bonne façon de rédiger les textes.
M. Jean-Jacques Hyest. Le projet de loi lui-même est elliptique !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, vous avez raison de proscrire, avec l'Académie française, les redondances, mais ces dernières peuvent parfois ne pas être inutiles dans la mesure où l'on peut espérer qu'une telle loi sera lue et comprise par un vaste public.
Bien entendu, ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, ne change aucunement le sens du projet de loi, mais peut-être une certaine insistance, voire une certaine redondance, n'est-elle pas inutile dans un texte de ce genre, et cette remarque vaudra pour d'autres amendements à venir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-8 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-9 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 5, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de remplacer, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-9 du code de procédure pénale, le mot : « y » par les mots : « près le tribunal d'assises ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-9 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-10 À 231-17
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-10 à 231-17 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-18 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 6, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-18 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « à l'exception de celles prévues aux articles 148-1 et 231-36 » par le mot : « sauf ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une énumération d'articles inutile.
Le projet de loi prévoit logiquement que ne peuvent faire partie du tribunal les magistrats qui ont participé « à une décision relative à la détention provisoire, à l'exception de celles prévues aux articles 141-8 et 231-36 lorsqu'ils ont statué en tant que membres du tribunal d'assises ». Toutefois, la commission estime qu'il est inutile de viser des articles précis, car on risque d'en oublier. De même, si un jour on ajoutait un nouveau cas dans lequel le tribunal d'assises serait appelé à se prononcer sur la détention provisoire, on risquerait d'oublier d'opérer la coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-18 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-19 ET 231-20
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-19 et 231-20 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-21 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 7, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-21 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « dix-huit ans » par les mots : « vingt-trois ans ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Nous sommes ici à l'un des rendez-vous importants de ce débat, puisqu'il s'agit de l'âge minimum requis pour être juré. Nous avons eu hier, au cours de la discussion générale, un débat très ouvert sur cette question. Je me suis exprimé en tant que rapporteur de la commission des lois et je n'ai pas l'intention de reprendre les arguments que j'ai développés.
La commission a considéré que l'âge de vingt-trois ans, actuellement requis, devait être maintenu. Certes, à dix-huit ans, on devient citoyen, on participe à des élections, mais pas forcément à des fonctions électives. Juger un homme accusé d'un crime exige une certaine maturité. C'est pourquoi, à la quasi-unanimité de ses membres, pour ne pas dire à l'unanimité, la commission des lois a pris le parti de remplacer les mots « dix-huit ans » par les mots « vingt-trois ans » dans le texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-21 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je me suis déjà longuement exprimé tant devant la commission que dans la discussion générale, hier, ce qui me dispense de reprendre maintenant mon argumentation.
Manifestement, deux « attitudes », c'est, je crois, le mot exact, s'opposent sur ce point. Mais, comme ce n'est pas moi qui vote, c'est le vote de « l'attitude » inverse de la mienne qui s'imposera ! (Sourires.)
Je suis donc défavorable à l'amendement qui consiste à revenir à l'âge de vingt-trois ans.
Cela étant, il serait peut-être possible, au lieu de s'en tenir au choix entre dix-huit ans et vingt-trois ans, d'ouvrir une voie intermédiaire en retenant l'âge requis pour être élu conseiller municipal, qui est actuellement de vingt et un ans, et en prévoyant que peuvent donc être tirées au sort en tant que jurés sur la liste électorale - j'anticipe sur l'amendement suivant - les personnes ayant plus de vingt et un ans, au lieu de dix-huit ans comme indiqué dans le projet de loi.
Par ailleurs, nous pourrions prévoir des possibilités supplémentaires de dispense pour ces jeunes jurés.
Le Gouvernement n'a pas déposé d'amendement dans ce sens. Le Sénat va donc se prononcer sur l'amendement n° 7, mais je précise mes propositions pour que, dans la suite des débats, nous puissions éventuellement en tenir compte, étant donné le vote qui a été émis par l'Assemblée nationale en première lecture et compte tenu de celui que va vraisemblablement émettre le Sénat en première lecture également.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 7, sous réserve des propositions que je viens d'évoquer qui pourront être examinées ultérieurement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Après une riche discussion, qui a reflété les interrogations et les préoccupations de chacun, notre groupe a majoritairement décidé de voter les amendements qui prévoient de fixer à vingt-trois ans l'âge minimum requis pour devenir juré.
Plusieurs arguments s'opposent en effet à l'accession des plus jeunes à cette fonction.
Premièrement, nous considérons que le traumatisme entraîné par la participation en tant que juré à un procès d'assises peut être important, et ce d'autant plus que la personnalité d'un jeune de dix-huit ans est encore en pleine formation. Le juré, en tant qu'homme, engage en effet sa responsabilité pour décider de l'avenir d'un autre homme.
Rappelons à cet égard qu'un jury d'assises peut décider l'emprisonnement d'un homme ou d'une femme à perpétuité assorti d'une peine incompressible de trente ans !
Chacun le sait ici, de telles décisions, qui sont pour l'instant sans appel, ont parfois poursuivi, hanté, devrais-je dire, des jurés durant leur vie entière.
Nous estimons donc qu'il n'est pas souhaitable d'exposer des jeunes à une telle pression psychologique. Ils le refusent d'ailleurs eux-mêmes, dans un grand nombre de cas, si l'on en croit les sondages effectués sur ce point.
Deuxièmement, nous estimons que, paradoxalement, fixer l'âge requis pour être juré à dix-huit ans renforcera le rôle des magistrats professionnels, étant donné les difficultés inévitables qu'auront les jeunes à se forger une opinion.
Troisièmement, enfin, il sera très difficile de concilier la scolarité des jeunes et la fonction de juré, laquelle peut, dans certains cas, exiger des semaines de disponibilité.
Certes, l'accès à la citoyenneté dans sa plénitude nous paraît être un argument fort en faveur de l'abaissement à dix-huit ans. Nous n'y sommes pas insensibles,...
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je le vois !
M. Robert Pagès. ... loin s'en faut, car nous sommes aux côtés des jeunes...
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je n'en doute pas !
M. Robert Pagès. ... pour qu'ils accèdent aux droits qui sont les leurs, à savoir le droit à l'éducation, au logement, à l'emploi.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Tellement à leurs côtés que vous allez voter contre l'amendement !
M. Robert Pagès. Laissez-moi aller jusqu'au bout de mon argumentation, monsieur le ministre ! Si vous êtes si agressif dès le début, qu'est-ce que cela va être par la suite !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Vous êtes objectifs, vous, les communistes !
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, je vous ai fait part des interrogations de notre groupe. Peut-être n'avez-vous pas senti la nuance, mais j'ai parlé de majorité dans mon groupe, ce qui signifie qu'il y avait en son sein de fortes interrogations. Vous nous avez assez souvent accusés de monolithisme pour écouter aujourd'hui l'expression de nos nuances ! (M. le ministre rit.)
En l'occurrence, il s'agit d'une responsabilité terrible, qui engage profondément la personnalité.
Pour l'instant, en l'attente, monsieur le ministre, de la suite du débat en deuxième lecture, nous estimons qu'il est prématuré d'adopter le principe de l'abaissement à dix-huit ans de l'âge requis pour être juré.
Nous nous réservons, toutefois, la possibilité de modifier notre attitude, d'autant que des solutions intermédiaires nous ont été soumises, comme fixer l'âge minimum à vingt et un ans ou offrir la possibilité aux jeunes de refuser d'être désignés comme juré.
Pour l'instant, notre position est celle que j'ai dite. Mais puisque vous avez vous-même ouvert des pistes de réflexion, vous nous permettrez d'être éventuellement sensibles à vos propositions.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-21 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « les listes électorales » par les mots : « la liste électorale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il n'y a qu'une liste électorale par commune. D'ailleurs, le droit actuel, comme le futur article 231-28, emploie le singulier. La précision est importante, car il pourrait y avoir, prochainement, une seconde liste électorale propre aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne. L'emploi du pluriel pourrait ainsi faire accroire que les étrangers inscrits sur cette seconde liste peuvent être jurés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-21 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-22 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 281, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-22 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 153, Mme Borvo, M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-22 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « ou pour délit ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 281.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Le nouveau code pénal a supprimé les peines accessoires. Il est donc inopportun de prévoir une incapacité automatique pour la fonction de juré en cas de condamnation pénale. C'est pourquoi l'amendement vise à supprimer cette incapacité.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 153.
M. Robert Pagès. L'article 231-22 énumère les personnes incapables d'être juré.
Il opère un élargissement par rapport aux incapacités actuellement prévues par l'article 256 du code de procédure pénale. En effet, désormais, les personnes condamnées pour crime ou délit ne pourront pas être jurés.
Nous nous interrogeons, tout comme le rapporteur, sur l'opportunité d'étendre l'incapacité à toutes les personnes condamnées pour délit.
Si le nouveau code pénal a supprimé la cause d'incapacité qui, auparavant, touchait les personnes condamnées pour crime et celles qui étaient condamnées pour délit à une amende supérieure à 500 francs, la juridiction peut néanmoins, lorsque la loi le prévoit, prononcer une interdiction des droits civiques, civils et de famille, qui porte notamment sur le droit d'exercer une fonction juridictionnelle.
Dans ces conditions, est-il nécessaire de rétablir et de généraliser, comme l'a souligné le rapporteur, une véritable peine accessoire en rendant systématiquement incapable d'être juré toute personne condamnée pour délit, et ce quelle que soit la gravité de son comportement, d'autant que les délits peuvent recouvrir un champ très vaste d'infractions qui ne légitiment pas nécessairement l'exclusion a priori d'un jury ?
C'est au tribunal correctionnel de joindre en peine complémentaire la déchéance des droits civiques pour interdire à un condamné d'être, à l'avenir, juré.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 153 ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'amendement de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 281 et 153 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, qui ont grosso modo le même objet, car il me paraît tout à fait impossible, pour employer un mot totalement neutre, d'accepter que soit juré une personne qui a été condamnée pour un crime ou pour un délit : la justice rendue par les citoyens doit être rendue par des citoyens qui n'ont pas eu affaire à la justice.
Cette précision a disparu en 1992. Elle a disparu par la volonté d'une majorité qui, très clairement, voulait que l'on puisse éventuellement être juré après avoir été condamné pour crime ou pour délit.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de rétablir cette interdiction, et je ne vois pas comment la majorité de cette assemblée pourrait accepter de maintenir le texte de 1992, qui, je le répète, permet à une personne condamnée pour crime ou pour délit de siéger comme juré dans un tribunal d'assises ou une cour d'assises.
Il y a là une impossibilité manifeste, et j'en appelle à la Haute Assemblée pour accepter ce que propose le Gouvernement, à savoir rétablir la tradition antérieure à 1992 et, donc - M. le rapporteur voudra bien m'en excuser - repousser les deux amendements, ainsi que, ultérieurement, l'amendement du groupe socialiste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comment pourrions-nous soutenir, demain, que nous avons décidé que peuvent être jurés des hommes et des femmes qui ont d'ores et déjà été condamnés pour crime ou pour délit, qui sont donc passés eux-mêmes entre les mains de la justice, sachant qu'on va leur demander de juger leurs pairs en conscience, avec la responsabilité éminente que cela suppose et que vous avez tous parfaitement décrite ; hier, à cette tribune ?
M. le président. Monsieur le ministre, pour la clarté du débat, je dois vous indiquer que je ne suis saisi d'aucun amendement du groupe socialiste sur le texte proposé pour cet article du code.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 281.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a peut-être eu un amendement du groupe socialiste, monsieur le garde des sceaux, mais il a été retiré. (M. le garde des sceaux s'esclaffe.)
Il n'y a pas de quoi rire !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Si, si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous voulons toutefois nous expliquer.
Monsieur le garde des sceaux, vous étiez député lorsque, ensemble, nous avons adopté le nouveau code pénal.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue que, dès lors, je suis étonné de votre indignation, car, lorsque nous l'avons adopté, nous avons décidé qu'il n'y aurait plus de peine complémentaire automatique, que celle-ci devait donc, dans chaque cas, être décidée par les tribunaux.
Il y avait une logique à cela. Trop souvent, en effet, les malheureux condamnés découvraient, des années après - personne ne leur avait dit, ni le tribunal ni l'avocat, qui n'en savaient rien - qu'ils étaient frappés d'une incapacité qu'ils ignoraient totalement.
Tel est donc le principe posé par le nouveau code pénal.
Monsieur le garde des sceaux, si vous envisagiez de demander que telle ou telle question soit posée automatiquement au tribunal, je le concevrais. J'observe toutefois que, actuellement, des élus qui sont condamnés - et parfois lourdement - ne sont pas frappés d'inéligibilité par les tribunaux. Personnellement, je le regrette. Mais c'est la conséquence du même principe établi dans le code pénal.
Il y a une logique évidente dans les deux amendements qui nous sont proposés : soit le code pénal reste ce qu'il est, soit vous nous en proposez une modification, mais vous ne pouvez pas introduire une exception à la règle générale qui veut qu'il n'y ait pas de peine complémentaire qui ne soit prononcée par un tribunal.
J'ajoute que votre texte n'est pas satisfaisant, en dépit de votre vertueuse indignation, car il n'y a aucune raison pour que celui qui va être condamné pour blessures involontaires, par exemple, ce qui est un délit, ne puisse pas être juré, n'est-il pas vrai ?
La navette vous permettra peut-être de réfléchir à l'ensemble du problème, monsieur le garde des sceaux, et de nous proposer une solution acceptable.
Nous ne pouvons, en l'état, voter votre texte. En revanche, nous avons toutes raisons de voter l'amendement de la commission.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il faut dépassionner un peu le débat ! (Sourires.)
L'article 132-21 du nouveau code pénal est ainsi conçu : « L'interdiction de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille mentionnés à l'article 131-26 ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d'une condamnation pénale. »
Cela n'empêche nullement l'avocat général de refuser qu'un juré qui aurait subi telle ou telle condamnation puisse siéger en tant que tel, en exerçant son droit de récusation.
La circulaire d'application apporte une précision : « Enfin, il peut être indiqué, s'agissant de la question des jurés d'assises, que rien n'interdit au ministère public, dans l'hypothèse qui devrait demeurer très exceptionnelle où une personne désignée comme juré aurait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves sans avoir été privée de ses droits civiques, d'user à son encontre de son droit de récusation. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Tout à l'heure, a été évoqué le cas de la condamnation pour blessures involontaires dans un accident de la route. L'auteur de ces blessures involontaires doit-il être de plein droit et automatiquement déclaré incapable d'être membre d'un jury d'assises ? Il convient, en fait, de laisser le tribunal et le ministère public en décider.
Je comprends bien la réaction de M. le garde des sceaux, mais il m'apparaît qu'il peut être remédié aux inconvénients qu'il a soulignés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Pour avoir participé, comme l'a dit M. Dreyfus-Schmidt, à la discussion du nouveau code pénal et pour avoir moi-même proposé à cette époque, en tant que député de l'opposition, un nouveau système de peine accessoire et une modification du code pénal en ce sens, je suis mieux placé que quiconque pour savoir quelle est la logique qui nous a conduits à exclure l'automaticité des peines accessoires.
Mais, justement, je suis d'autant mieux placé, aujourd'hui, pour dire que, en l'occurrence, il faut faire une exception. On a suffisamment insisté sur le caractère extraordinaire, dans notre système judiciaire, du jury, pour que, par-delà la logique juridique qu'a évoquée M. Dreyfus-Schmidt, par-delà le droit de récusation, monsieur le rapporteur, on inscrive très clairement une exception à la règle générale.
La règle générale, nous l'avons tous voulue. Elle a son mérite. Elle permet, en particulier, au juge une modulation qui est tout à fait indispensable. En revanche, dans le cas particulier et exceptionnel dont nous parlons, il faut maintenir le lien entre la condamnation et l'impossibilité de siéger comme juré.
Compte tenu de ces explications, je maintiens l'avis défavorable du Gouvernement sur les deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et dans le cas de blessures involontaires ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur Dreyfus-Schmidt, un cas a été évoqué hier devant un tribunal du midi de la France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agissait d'un homicide involontaire.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Bien d'autres cas du même genre pourraient être cités, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je voudrais savoir, lorsqu'on essaie de lutter, comme nous le faisons tous, pour la sécurité routière, s'il n'y a pas des blessures ou des homicides involontaires qui méritent d'être stigmatisés. Bien sûr, personne ne fait exprès de tuer quelqu'un en voiture. Et pourtant ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et d'autres, non ?
M. Jacques Larché, président de la commission de lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je crois qu'en ce domaine il faut se garder des exemples que l'on peut tirer de tel ou tel type de condamnation.
Quelle est la situation actuelle ? En 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat ont voté un code pénal et ont réussi à le voter en termes conformes. Ce n'était pas tellement évident à l'époque et, pour ma part, j'en garde quelques souvenirs, notamment car j'ai considéré que le travail accompli avait été extrêmement constructif.
Le code pénal comporte un principe. Si ce principe aboutit à des conséquences particulièrement fâcheuses, une procédure est prévue par circulaire.
Le principe et la circulaire d'application sont en vigueur depuis 1994, c'est-à-dire depuis pratiquement trois ans maintenant. Je pose la question suivante : y a-t-il eu des circonstances telles que cette règle soit apparue comme scandaleuse et qu'elle nécessite de remettre en cause, même partiellement, un point particulier du code pénal que nous avons adopté ?
Nous sommes partisans de la stabilité législative. Or nous adoptons quelquefois des règles dont les modalités d'application posent des questions de principe. Evitons donc de remettre en cause les principes si cela ne relève pas d'une nécessité particulièrement impérieuse.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je souhaite donner une autre précision à nos collègues.
Dans le prolongement du vote du nouveau code pénal, la loi du 16 décembre 1992 avait modifié le texte de l'article 256 du code de procédure pénale concernant la formation du jury pour supprimer l'incapacité que le projet de loi vise aujourd'hui à rétablir.
M. Pierre Fauchon. Bien sûr !
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il est donc parfaitement clair que, dans la logique du nouveau code pénal, l'abrogation s'imposait.
Aujourd'hui, ce que la commission des lois demande, c'est la conséquence de l'application du nouveau code pénal.
Je comprends très bien les protestations de M. le garde des sceaux, mais il reste quand même des facultés de récuser ou d'empêcher de siéger comme juré une personne qui a été condamnée pour un délit mettant en cause son honnêteté.
Loin d'innover, nous nous contentons de tirer les conséquences déjà consacrées par le législateur lors de l'adoption du nouveau code pénal.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 281.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je poserai simplement une question à M. le garde des sceaux dans le cadre de cet intéressant débat. Pour être fonctionnaire ou agent public, faut-il n'avoir été condamné pour aucun délit ? Ce n'est pas aussi simple parce qu'on peut être fonctionnaire ou agent public en ayant été condamné pour certains délits mais qui ne figurent pas au nombre de ceux qui vous privent des droits civiques et civils.
Paradoxalement, un magistrat professionnel, qui aurait pu être condamné pour un délit mineur ne mettant pas en cause son honorabilité, pourra continuer à sièger. Il ne sera pas destitué pour autant. Une multitude de fonctionnaires ont certes été condamnés pour des délits mais qui ne sont pas considérés comme graves et qui ne leur retirent pas le droit d'être fonctionnaire.
A mon avis, le débat est tranché.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Notre collègue, M. Hyest, a exprimé très exactement la précision que je voulais apporter.
Je résume la situation : il s'agit ici de délits en général. Très franchement, lorsque nous avions essayé de dresser l'inventaire du nombre d'infractions qualifiées de délit dans le droit français actuel, je parle là de catégories spéciales, les infractions financières, douanières ou fiscales, les infractions en matière de construction et en matière privée, c'est par milliers qu'il fallait les compter. Ici, il faut donc se garder de changer ce qui a été justement posé comme principe au moment du vote du nouveau code pénal.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 281, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 153 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-22 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-23 A 231-27
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-23 à 231-27 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-28 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 9, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de compléter le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-28 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la constitution de cette liste préparatoire, ne sont pas retenues les personnes qui n'auront pas atteint l'âge de vingt-trois ans au cours de l'année civile qui suit. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination relatif à l'âge des jurés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Défavorable, mais c'est de la coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-28 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-29 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 231-29 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-30 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 10, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-30 du code de procédure pénale, après les mots : « procureur de la République » d'insérer les mots : « du tribunal de grande instance du lieu où siège le tribunal d'assises ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision : il peut y avoir plusieurs tribunaux de grande instance, et donc plusieurs procureurs de la République dans un département.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-30 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-31 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 11, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-31 du code de procédure pénale, après les mots : « En cas de partage » d'insérer les mots : « égal des voix ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'une précision rédactionnelle. Moi-même, d'ailleurs, au cours de ma carrière d'avocat, je ne m'étais pas ému de la notion de partage, mais je crois qu'aujourd'hui il faut bien préciser qu'il s'agit du partage égal des voix avec ses conséquences. Il y a toujours partage des voix, mais l'alinéa en question vise l'hypothèse particulière du partage égal. Il faut le consacrer littéralement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas toujours partage, mais souvent partage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat, d'autant plus que l'amendement de la commission va dans le sens que je préconisais tout à l'heure, c'est-à-dire rendre le texte le plus explicite possible. Toutefois, je précise que depuis la plus haute antiquité, si j'ose dire, « partage » a toujours voulu signifier « partage égal » dans les textes juridiques. Néanmoins, il est bon que la commission élabore un texte que tout le monde comprendra et non pas seulement ceux qui lisent le droit depuis la plus haute antiquité. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-31 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-32 À 231-34
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-32 à 231-34 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-35 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 12, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-35 du code de procédure pénale, de remplacer le mot : « dix » par le mot : « cinq ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'une coordination émise par l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-35 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-36 À 231-46
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-36 à 231-46 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-47 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission.
L'amendement n° 154 est présenté par Mme Borvo et M. Pagès, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-47 du code de procédure pénale :
« Art. 231-47 . - Il est délivré gratuitement à chacun des accusés et parties civiles copie de toutes pièces de la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la distinction, difficile en pratique, entre les copies délivrées gratuitement et celles qui sont laissées aux frais des parties. Il est donc proposé de délivrer « gratuitement à chacun des accusés et parties civiles copie de toutes pièces de la procédure ».
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 154.
M. Robert Pagès. Le nouvel article 231-47 du code de procédure pénale du projet de loi reprend la rédaction de l'actuel article 279 à propos de la gratuité de la délivrance, à chacun des accusés et parties civiles, des copies de procès-verbaux constatant l'infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d'expertise.
S'agissant des autres pièces de la procédure, il est précisé dans le nouvel article 231-48, lequel est l'ancien article 280, que l'accusé et la partie civile ou leurs avocats peuvent en avoir copie à leurs frais. Comme le souligne M. Jean-Marie Girault dans son rapport, « l'énumération des copies délivrées gratuitement est limitative ».
« Ainsi, ne sont notamment pas concernés les procès-verbaux de descente sur les lieux ou d'interrogatoire des personnes mises en examen, les lettres écrites par des témoins au juge, ni le rapport de police résumant l'enquête. »
D'une part, la distinction entre les pièces délivrées gratuitement et celles qui sont laissées aux frais des parties est souvent difficile à effectuer, comme l'a dit M. le rapporteur.
D'autre part, le fait que la liste des copies délivrées gratuitement soit restreinte peut entraîner, dans certaines affaires où les dossiers comportent énormément de feuilles ou documents, des coûts exorbitants pour les parties lorsque ces copies sont à leur frais.
Ces frais s'ajoutent aux honoraires versés aux avocats et, souvent, l'accusé ou la partie civile n'a pas les moyens financiers de supporter une telle dépense.
C'est pourquoi nous préconisons par l'amendement n° 154 qu'une fois l'instruction achevée les parties aient droit à la délivrance gratuite d'une copie de toutes les pièces de la procédure.
Par voie de conséquence, l'amendement n° 155 que nous avons déposé et qui sera examiné dans un instant vise à supprimer l'article 231-48 du code de procédure pénale, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
La commission des lois, nous l'avons vu, a déposé un amendement allant dans le même sens que le nôtre. Nous espérons que la Haute assemblée retiendra cette proposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 154.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il est satisfait par l'amendement n° 13 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 13 et 154 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis favorable à ces amendements, mais je m'en remets à la sagesse du Sénat en faisant observer qu'en pratique c'est l'intégralité du dossier qui est remise en copie à l'accusé. En réalité, la distinction que l'amendement n° 13 supprime n'existe pas en pratique, et la totalité du dossier est remise en copie.
Je m'en remets à la sagesse du Sénat, parce qu'en réalité cela consiste à mettre en harmonie le droit avec les faits. Le problème avec le texte du Gouvernement ne se serait pas posé davantage, mais autant inscrire dans la loi, comme le demandent la commission et les membres du groupe communiste, la pratique, c'est-à-dire la copie de la totalité du dossier.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 13 et 154.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas déposé d'amendement parce que la commission l'avait fait, mais nous voudrions, avec beaucoup de modestie, rappeler que nous réclamions cette disposition depuis longtemps. C'était notamment l'objet d'une proposition de loi qui portait sur l'article 114 à titre principal et qui est venu en discussion devant le Sénat. Or, celui-ci n'avait pas cru, à ce moment-là, devoir retenir notre suggestion ; M. le garde des sceaux s'en souvient certainement...
Il est vrai que depuis longtemps le dossier est remis dans son intégralité et ce parce qu'il est plus rapide de photocopier l'ensemble d'un document que de faire un tri entre les différentes pièces.
En outre, il était tout à fait injuste d'obliger les avocats commis d'office qui ont besoin de l'intégralité du dossier à demander à leurs frais la copie d'un certain nombre de pièces.
M. le garde des sceaux s'en rapporte à la sagesse du Sénat mais il avait, dans un premier temps - et le premier mouvement est le bon - donné un avis favorable sur ces amendements qui ont été présentés par la commission et par le groupe communiste. je pense que tout le Sénat en sera d'accord. Comme le disait Edgar Faure, c'est un grand tort d'avoir raison trop tôt. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 13 et 154 pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-47 du code de procédure pénale est donc ainsi rédigé.

ARTICLE 231-48 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission.
L'amendement n° 155 est déposé par Mme Borvo et M. Pagès, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-48 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 155.
M. Robert Pagès. Cet amendement a le même objet que celui de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 155, acceptés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-48 du code de procédure pénale est donc supprimé.

ARTICLES 231-49 ET 231-50
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-49 et 231-50 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-51 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 177, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-51 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 15, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de modifier comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-51 du code de procédure pénale :
I. - Dans le premier alinéa, supprimer les mots : « , et notamment celles de l'article 231-37, ».
II. - Au début du second alinéa, avant les mots : « Si cette personne », ajouter les mots : « Toutefois, par dérogation à l'article 231-37, ».
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 177.
M. Robert Badinter. Il s'agit là de personnes qui sont renvoyées devant le tribunal d'assises non parce qu'elles sont réputées accusées ou complices d'un crime, mais parce qu'elles ont commis un délit connexe. Ce ne sont donc que des délinquants.
Toute personne qui doit comparaître devant une juridiction criminelle se constitue prisonnière la veille ; elle est « prise de corps », et doit rejoindre la maison d'arrêt la veille de sa comparution. Tel n'est jamais le cas pour les prévenus devant un tribunal correctionnel.
En l'occurrence, les prévenus pour délits connexes ou devant un tribunal correctionnel sont dans des situations pénalement identiques. Etre prévenu d'avoir commis un délit ou un crime, cela n'a rien à voir. On veut pourtant appliquer le régime qui, traditionnellement, n'a été réservé qu'à ceux qui sont accusés d'avoir commis un crime dans les deux cas.
Il n'y a aucune raison, alors qu'on est présumé délinquant, d'être traité comme si l'on était accusé d'être un criminel. C'est la raison pour laquelle il nous est apparu qu'il fallait supprimer cette disposition, qui n'existe pas actuellement, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais suscité la moindre difficulté.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 177 et pour présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. J'ai constaté lors des délibérations en commission des lois que mon opposition personnelle à l'amendement n° 177 n'avait pas convaincu la majorité de mes collègues. La commission a donc émis un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 15, il est d'ordre rédactionnel : le projet de loi apporte une précision certes utile, mais au mauvais alinéa.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 177 et 15 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 15 de la commission.
En ce qui concerne l'amendement n° 177, je partage l'opinion exprimée à titre personnel par M. le rapporteur : j'y suis donc défavorable.
En effet, le texte proposé par le Gouvernement pour l'article 231-51 du code de procédure pénale prévoit de réglementer le jugement des délits connexes, afin d'éviter la désorganisation de l'audience de la juridiction criminelle. Il est indispensable de maintenir la possibilité d'exercer une contrainte à l'égard des auteurs de délits connexes, mais je souligne que celle-ci est facultative. Cela est bien précisé, et le président du tribunal ou de la cour d'assises peut dispenser de cette contrainte la personne renvoyée devant la juridiction pour délit connexe.
Nombre de praticiens du droit demandent depuis de longues années que puisse éventuellement être exercée cette contrainte. C'est pourquoi le Gouvernement a introduit cette possibilité dans son texte.
C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il ne faut pas voter un amendement tendant à supprimer ce qui, encore une fois, est une faculté et non pas une obligation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 177.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous en sommes bien d'accord, deux amendements sont en discussion commune, et l'amendement n° 15, évidemment, sera sans objet dès lors que l'amendement n° 177 aura été adopté !
Je ne comprends pas M. le garde des sceaux ! Il présente comme indispensable le fait que quelqu'un devant passer devant le tribunal d'assises pour un délit connexe à un crime - pour un délit, seulement un délit - soit mis en prison la veille de l'audience. Si cette mesure était indispensable, la loi l'aurait prévu depuis longtemps. Or, depuis que la loi est la loi, tel n'est pas le cas.
La preuve est apportée par deux siècles d'application : cette mesure n'est pas indispensable, c'est le moins que l'on puisse dire.
M. le garde des sceaux nous dit : « Ce n'est qu'une possibilité ». Une disposition aurait pu prévoir à la rigueur le contraire, c'est-à-dire que le président pourrait demander la détention la veille, la règle générale prévoyant l'absence de détention. Mais un principe veut que les personnes qui sont dans une même situation soient traitées de la même manière. Alors comment justifier le fait que celui qui comparaît devant un tribunal correctionnel pour un délit n'est jamais mis en prison la veille de sa comparution, alors que celui qui aurait la malchance d'être accusé d'avoir commis un délit connexe à un crime - mais qui n'a commis qu'un délit - et va comparaître devant une cour d'assises, lui, pourrait être mis en prison la veille de l'audience ?
Ce n'est pas justifiable, ce n'est pas non plus constitutionnel, ce n'est en tout cas sûrement pas indispensable puisque - je le répète - cela ne s'est jamais fait et que, à notre connaissance, il n'y a jamais eu le moindre incident.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-51 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-52 ET 231-53
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-52 et 231-53 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-54 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 178, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-54 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « soit sur réquisition du ministère public, ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte actuel de l'article 285 du code de procédure pénale prévoit que le président peut, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, ordonner la jonction des procédures.
Le texte qui nous est proposé pour l'article 231-54 reprend cette disposition en ajoutant, après les mots : « soit sur réquisition du ministère public », les mots : soit à la demande d'une des parties ».
Or, parmi les parties devant un tribunal criminel, il y a évidemment le ministère public.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Puisque l'on prévoit la jonction à la demande de l'une des parties, il est inutile de prévoir qu'elle peut intervenir sur réquisition du ministère public.
Je dois à la vérité de dire que, dans les textes actuels, on trouve parfois la formule figurant dans le texte qui nous est proposé. Il faudrait donc également les corriger. En effet, il me paraît impossible de soutenir que le ministère public n'est pas une partie.
Le ministère public est évidemment une partie. En tout cas, il serait bon qu'on le considère comme tel. Je ne sais pas ce qu'on va me répondre, mais, par ailleurs, nous avons déposé un amendement tendant à corriger, comme le disait Moro-Gaffieri, l'erreur du menuisier ! (Sourires.) et à ce que le ministère public siège sur le parquet, puisqu'on appelle d'ailleurs le ministère public « le parquet ». Il est en tout cas tout à fait normal qu'il soit sur le même plan, c'est le cas de le dire, que les autres parties, c'est-à-dire la défense et la partie civile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission s'est montrée défavorable à cet amendement et je pense que M. le garde des sceaux va émettre un avis défavorable et qu'ainsi il développera les arguments justifiant cette position.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le président, le rapporteur avait bien présumé de la position du Gouvernement, qui est défavorable.
Je me permets de faire part à la Haute Assemblée de la raison essentielle de ce choix : dans la procédure pénale mais aussi dans la procédure civile telle qu'elle est organisée aujourd'hui par le droit positif français, le ministère public n'est pas une partie, il est le ministère public. Cela va peut-être changer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voyez les propositions de la commission Truche !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il se peut qu'à l'occasion d'une réforme globale de la procédure pénale ou d'un changement fondamental de la position du parquet au sein de l'institution judiciaire, on envisage d'autres solutions. Et chacun sait que celui qui vous parle n'est pas le dernier à penser qu'il faut, sur ces sujets comme sur d'autres, faire preuve d'imagination et de courage intellectuel.
Cela étant dit, aujourd'hui, il n'est pas possible d'écrire que le ministère public, notamment devant la cour d'assises, est une partie comme les autres. J'apporterai d'ailleurs à l'appui de mon propos un simple argument de texte qui, je crois, est particulièrement frappant. L'article 316 du code de procédure pénale, qui porte sur les incidents contentieux, précise : « Tous incidents contentieux sont réglés par la cour, le ministère public, les parties ou leurs "avocats entendus" ». Cela montre bien qu'il existe une distinction qui, pour des raisons de cohérence dans notre code de procédure pénale, doit être conservée.
Pour toutes ces raisons, je suis donc, comme la commission, défavorable à l'amendement n° 178.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 178.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, je voudrais vous remercier d'avoir rendu hommage à notre imagination et à notre courage intellectuel. Mais pourquoi retarder leurs effets ? Franchement, j'attends que vous me donniez un argument.
Vous vous rappelez sans doute que j'avais moi-même fait remarquer qu'il y a dans les textes actuels des articles - peut-être d'ailleurs est-ce le même qui avait attiré mon attention - où il est question du ministère public et des parties. Mais sans doute cela provient-il d'une correction comme celle que vous nous proposez d'apporter aujourd'hui. Il s'agit donc là d'un argument de texte et non pas d'un argument de fond.
Or il est évident que dans un tribunal criminel - c'est d'ailleurs la même chose devant n'importe quel tribunal - il y a plusieurs parties : le ministère public, qui représente les intérêts de la société, la partie civile, qui représente les intérêts de la victime, et la défense, qui représente les intérêts de l'accusé. Toutes ces parties ont les mêmes droits !
Vous savez bien à cet égard que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme prévoit qu'il y a égalité des armes entre les parties, ce qui s'applique évidemment au ministère public. Il est donc évident que le ministère public, dans une procédure pénale, est une partie.
Si vous n'avez pas d'autres arguments que ceux que vous m'avez opposés, monsieur le ministre, faisons preuve ensemble d'imagination et de courage intellectuel et acceptez notre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-54 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-55 ET 231-56
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-55 et 231-56 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 321-57 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 179, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de remplacer la première phrase du quatrième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-57 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :
« Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a été notifiée, encourt une peine de 10 000 francs d'amende. Cette peine est portée à 30 000 francs d'amende et un mois d'emprisonnement lorsque celui-ci, après avoir déféré à la citation, se retire avant l'expiration de ses fonctions. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission.
L'amendement n° 16 tend :
I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-57 du code de procédure pénale, à remplacer le mot : « encourt » par les mots : « peut être condamné par le tribunal à ».
II. - En conséquence, à supprimer l'avant-dernière phrase du même alinéa.
L'amendement n° 17 a pour objet, à la fin de la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-57 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « la peine d'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe » par les mots : « une peine de 25 000 francs d'amende ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 179.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de deux cas qui sont bien connus.
Le premier cas est celui de l'amende qui va être prononcée par le tribunal criminel, de même qu'elle l'est aujourd'hui par la cour d'assises, contre un juré qui, ou, d'une part, ne siège pas parce qu'il est malade, parce qu'un pneu de son automobile peut avoir crevé, parce qu'il a décidé de ne pas venir ou, d'autre part, décide de ne plus siéger alors qu'il a commencé à le faire.
Il est évident, à notre sens, que le second cas est singulièrement plus grave, puisqu'il va obliger à recommencer les débats, voire à faire appel - si l'on a pris la précaution d'en tirer un - à un juré supplémentaire, mais qui n'aura pas suivi de la même manière les débats, ce qui va troubler ceux-ci, contrairement à ce qui se produisait dans le premier exemple.
Il nous paraît indispensable de faire une différence entre les deux cas, entre le juré qui est un insoumis, mais peut-être de manière involontaire, et le juré qui est un déserteur, cette fois d'une manière volontaire.
Le texte actuel est le suivant : « Tout juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a été notifiée, est condamné par la cour - il s'agissait de l'unique cour d'assises - à une amende, laquelle est, pour la première fois, de 100 francs, la cour ayant la faculté de la réduire de moitié, pour la seconde fois de 200 francs, et pour la troisième fois de 500 francs. » Ce n'était évidemment pas assez cher !
Je poursuis ma lecture : « Les peines portées au présent article sont applicables à tout juré qui, même ayant déféré à la citation, se retire avant l'expiration de ses fonctions, sans une excuse jugée valable par la cour. »
Dans le texte actuel était prévu le même montant d'amende dans les deux cas, c'est vrai ; mais, puisque nous en sommes à essayer d'améliorer les choses, pourquoi ne pas les distinguer ? C'est ce que nous souhaitons. Dans le texte du projet, il est proposé une amende de 50 000 francs. Bien sûr, c'est un maximum, mais c'est tout de même beaucoup pour celui qui ne se présente pas.
Nous proposons, par l'amendement n° 179, que la peine d'amende soit de 10 000 francs si le juré n'a pas déféré à la citation sans motif légitime, et de 30 000 francs et un mois d'emprisonnement - car cela nous paraît là singulièrement grave - si, après avoir déféré à la citation, il se retire avant l'expiration de ses fonctions.
Telle est la philosophie et même la lettre de notre amendement n° 179.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 16 et 17, et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 179.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. L'amendement n° 16 est un amendement de pure logique.
Le projet de loi prévoit que le juré défaillant peut-être condamné dans les conditions prévues en cas d'infraction commise à l'audience. Cette procédure est inapplicable à une personne qui est, par hypothèse, absente, qui n'est pas à l'audience.
L'amendement n° 17 porte de 5 000 à 25 000 francs l'amende encourue par le juré défaillant. Nous le proposons pour deux raisons.
La première est un souci de cohérence juridique. L'Assemblée nationale a prévu la peine complémentaire de privation des droits civiques qui est en effet particulièrement appropriée en l'espèce, puisque le juré défaillant manque à un devoir civique. Mais c'est une peine correctionnelle ; il faut donc que l'infraction soit un délit, ce qui suppose que l'amende encourue soit au moins de 25 000 francs.
La seconde raison est que la peine soit adaptée à la gravité de l'infraction. En effet, le juré défaillant, ce n'est pas seulement celui qui ne se présente pas au début du procès ; c'est aussi celui qui déserte en cours du procès et qui peut obliger à tout recommencer. Il faut absolument une sanction véritablement dissuasive contre un tel comportement, même s'il n'est pas question de prononcer systématiquement le maximum de la peine encourue.
La commission est défavorable à l'amendement n° 179 présenté par M. Dreyfus-Schmidt. Elle a refusé de faire une distinction entre le juré insoumis et le juré déserteur. Chacun encourt une peine d'amende de 25 000 francs au maximum ; les juridictions décideront en fonction des circonstances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 179, 16 et 17 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 16 et 17 de la commission, et défavorable à l'amendement n° 179 présenté par le groupe socialiste.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 179.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Bien entendu, on peut penser qu'une peine de 100 francs d'amende est quelque peu dérisoire par rapport à la gravité de l'acte commis, c'est vrai. Mais il me semble, qu'il s'agisse de l'amendement n° 179 dont il est question maintenant ou de l'amendement n° 17 que nous voterons tout à l'heure, que le bond est tout de même d'importance et qu'il représente une somme excessive !
Je sais bien qu'il s'agit d'un acte grave, mais on ne peut pas en préjuger les raisons profondes. Le bond étant, selon nous, trop important, notre groupe votera donc contre les amendements n°s 179 et 17.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 179, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-57 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-58 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 18, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose :
I. - Au début du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-58 du code de procédure pénale, d'ajouter une phrase ainsi rédigée :
« Le tribunal s'assure que les jurés présents remplissent effectivement les conditions d'aptitudes légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et 231-23. »
II. - En conséquence :
A. - Dans cet alinéa, de remplacer les mots : « les conditions d'aptitudes légales exigées par les articles 231-21, 231-22 et 231-23 » par les mots ; « ces conditions ».
B. - De supprimer le dernier alinéa dudit texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit de déplacer une disposition dans le projet de loi. Il paraît logique de demander au tribunal de vérifier l'aptitude des jurés avant de lui demander d'exclure ceux qui sont inaptes. L'Assemblée nationale a inversé l'ordre des choses.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 180, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-58 du code de procédure pénale, de supprimer le mot : « notoirement ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous allons rencontrer à plusieurs reprises les mots « vivant notoirement en situation maritale ». En l'occurrence, de quoi s'agit-il ?
L'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 231-58 se lit ainsi : « Sont également rayés de la liste de session les noms des jurés qui se révéleraient être conjoints, parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement... » - il faut lutter contre le népotisme ! - « ... d'un membre du tribunal ou de l'un des jurés présents inscrits avant lui sur ladite liste. »
Ce sont là exactement les termes, sinon qu'il est question de la cour et non pas du tribunal, de l'actuel article 289 du code de procédure pénale.
Il est proposé dans le projet de loi - l'Assemblée nationale n'y a pas vu malice - d'ajouter les mots : « Il en est de même en ce qui concerne les personnes vivant notoirement en situation maritale avec un membre du tribunal ou l'un des jurés. »
Ce terme « notoire » reviendra souvent. C'est une réminiscence de la vieille formule de l'article 340 du code civil sur le concubinage notoire, et qui concernait la recherche de paternité naturelle, dans ce cas, il était parfaitement concevable que le concubinage soit notoire.
Il n'en va pas de même ici : il n'y a aucune raison que la situation maritale soit notoire, c'est-à-dire connue de tous. Ce qui est important, c'est que la situation existe. De surcroît, il s'agit non plus de « concubinage », mais de « situation maritale ».
La notion de « situation maritale » suppose qu'elle soit évidemment connue, qu'elle soit vécue au vu et au su de tout le monde. Autrement, ce n'est plus une situation maritale. Par voie de conséquence, à quoi bon préciser qu'elle doit être « notoire » ?
Nous vous demandons donc de supprimer l'adverbe « notoirement ». Il faut d'ailleurs, autant que possible, supprimer les adverbes des textes de loi pour en alléger la rédaction.
Encore une fois, il n'y a franchement aucune raison de maintenir ici ce terme. D'ailleurs, dès lors que les personnes concernées vivent en situation maritale, non seulement la situation est notoire, mais, de surcroît, cela constitue une raison suffisante pour rayer l'intéressé de la liste des sessions, même si tout le monde ne le sait pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Moi, je comprends très bien ce que veut dire cet amendement, mais je me permets de dire qu'il est proprement absurde.
Comment pouvoir tirer une conséquence juridique telle que la récusation d'une situation qui n'est pas connue ? Or, si elle n'est pas notoire, elle n'est pas connue ! Si ces personnes ont tel ou tel comportement et que nul ne le sait, comment pourra-t-on en tirer une conséquence, notamment les récuser ?
Il faut donc inscrire « notoirement », tout simplement parce que l'on ne peut tirer de conséquences juridiques que d'une situation notoire, ce qui veut dire connue...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De tous !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je reprends là d'ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, la notion qui figure dans le code civil, comme vous l'avez très bien dit tout à l'heure.
Voilà donc la raison pour laquelle, si je comprends très bien les raisonnements qui sont faits, il est clair que si l'on ne sait pas qu'une situation existe on ne pourra pas en tirer les conséquences. Il est donc évident que l'on ne peut tirer de conséquences que d'une situation qui est notoirement celle que l'on veut récuser. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 180.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le garde des sceaux, on vous aime bien, parce qu'on vous connaît depuis longtemps. Mais, tout de même, vous maniez les adjectifs d'une manière quelque peu choquante ! « Absurde » me paraît un adjectif un peu fort pour les membres de la commission des lois qui, nombreux, ont adopté cet amendement ! C'est vous qui raisonnez par l'absurde !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Non ! C'est bien absurde au sens de Ionesco !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, pour pouvoir le faire, permettez-moi de vous dire que vous tronquez les choses !
Il est vrai que si personne ne connaît la situation des intéressés on ne pourra pas les récuser. Si je pouvais modifier l'objet de l'amendement - mais on ne peut pas le faire -, j'écrirais : « même s'ils vivent en concubinage sans que tous le sachent ». C'est suffisant pour qu'ils soient récusés. En effet, contrairement à ce que vous dites et qui est « absurde » (Oh ! sur les travées du RPR) - j'ai mis le qualificatif entre guillemets, vous l'avez bien compris -,...
M. Emmanuel Hamel. Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... « notoire » ne veut pas dire « connu », mais signifie « connu de tous ».
Or, s'il n'y a que peu de personnes qui connaissent la situation, ou même si les intéressés le reconnaissent, cela suffit pour que le juré soit récusé. Encore une fois, la commission a été unanime sur ce point.
Vous, vous estimez que c'est absurde pour donner plus de force à votre proposition, qui elle-même ne tient pas. Il n'y a aucune raison - et nous retrouverons l'expression en plusieurs endroits - de demander que la situation véritable soit notoire. Pour que ce soit établi, il faut bien que quelqu'un le sache ou que quelqu'un le reconnaisse. Dès lors que la situation maritale existe, il y a lieu de ne pas faire figurer les intéressés sur la liste de jurés.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je voudrais apporter une précision de texte.
L'article 434-1 du nouveau code pénal, qui, comme l'ont rappelé M. Dreyfus-Schmidt ainsi que M. le président de la commission des lois, a fait l'objet d'un large accord,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que vous remettiez en cause tout à l'heure !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... y compris de la part de M. Dreyfus-Schmidt, l'article 434-1 relatif aux entraves à la justice précise : « le conjoint de l'auteur ou du complice du crime ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui... ». C'est, si j'ose dire, monsieur Dreyfus-Schmidt, une notion bien connue de tous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour répondre à M. le ministre.
M. le président. Non, monsieur Dreyfus-Schmidt, je suis désolé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en appelle à votre pouvoir discrétionnaire, monsieur le président !
M. le président. Et si je n'ai pas envie d'en user ? (Sourires.) D'autres collègues de votre groupe peuvent s'exprimer à votre place. Les précédents sont toujours fâcheux, vous le savez bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un mot seulement, monsieur le président ! Il faut modifier le code pénal !
M. le président. A titre exceptionnel, je vous accorde la parole pour quinze secondes, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci, monsieur le président.
M. le garde des sceaux nous a dit tout à l'heure que pour ce qui figurait dans le code pénal, il fallait faire une exception. Si des erreurs ont été commises, ce n'est pas une oeuvre sacrée et donc intouchable, il faut évidemment y porter remède !
Ce n'est pas un argument de dire qu'il faut s'en tenir à ce qui figure dans le code pénal !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 180, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-58 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le président, je demande une courte suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.
La séance est suspendue.


(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. M. le président a reçu de M. le médiateur de la République son rapport au Président de la République et au Parlement pour l'année 1996.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. C'est un excellent rapport.

6

RÉFORME DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la réforme de la procédure criminelle.
Dans la discussion des articles nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, aux articles 231-59 et 231-60 du code de procédure pénale.

ARTICLES 231-59 ET 231-60
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-59 et 231-60 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-61 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 19, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de modifier comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-61 du code de procédure pénale :
I. - Dans la deuxième phrase, de remplacer les mots : « de leurs avocats » par les mots : « de l'avocat d'une partie ».
II. - A la fin de la dernière phrase, de remplacer les mots : « ou leurs avocats » par les mots : « ou l'avocat d'une partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. En dépit de la libération des moeurs, il serait extraordinaire qu'un jury vive notoirement en situation maritale avec plusieurs avocats. (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'est-ce pas absurde ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ce point de moeurs ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Il est favorable sur le point de droit.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 181, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la dernière phrase du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-61 du code de procédure pénale, de supprimer le mot : « notoirement ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous retirons cet amendement pour l'instant.
M. le président. L'amendement n° 181 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-61 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-62 À 231-65
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-62 à 231-65 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-66 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 156, Mme Borvo, M. Pagès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans les premier, deuxième et troisième alinéas du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-66 du code de procédure pénale, de remplacer le mot : « cinq » par le mot : « neuf ».
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Le texte proposé par le projet de loi pour l'article 231-66 du code de procédure pénale est relatif à la composition du jury en première instance et fixe à cinq le nombre de jurés, contre neuf pour le jury de l'actuelle cour d'assises, selon l'article 296, actuellement en vigueur, du code procédure pénale.
Le nombre de jurés composant le nouveau tribunal d'assises est très important en ce qu'il déterminera le rapport entre les pouvoirs des jurés et ceux des magistrats professionnels.
A l'évidence, limiter le nombre des jurés à cinq, face à trois magistrats, renforce le poids de ces derniers et ne permet donc pas que soit respecté le principe d'un véritable jury populaire.
Pour mémoire, je rappelle que ce dernier, jusqu'à ces dernières décennies, siégeait hors de la présence des juges professionnels.
Par ailleurs, limiter à cinq le nombre des jurés pourrait laisser penser que les jugements du tribunal criminel seraient moins importants et que le véritable jury populaire serait uniquement celui de la cour d'appel d'assises, ce qui pourrait entraîner de très nombreux appels.
Nous proposons donc que le nombre des jurés soit le même au sein du tribunal criminel qu'au sein de la cour d'assises d'appel.
Nous ne faisons pas ici référence à l'appel tournant. Nous sommes en effet d'accord pour instituer une différence entre les deux juridictions et conserver une instance d'appel, la cour d'assises étant hiérarchiquement supérieure au tribunal criminel.
Cette différence ne doit cependant pas s'exprimer de façon quantitative. Le nombre de magistrats, lui, ne change d'ailleurs pas. Pourquoi, dans ce cas, changer le nombre des jurés ?
La seule différence qui doit apparaître entre le tribunal criminel et la cour d'appel d'assises doit résider dans le fait que ce seront des magistrats de première instance qui siégeront dans le premier cas et des magistrats de rang de cours d'appel dans le second.
Changer le nombre des jurés revient à porter atteinte au principe même du jury populaire et, par là même, à la justice populaire, car l'abaissement du nombre des jurés engendre un renforcement du rôle des magistrats, c'est incontestable.
Ainsi, comme il faut une majorité de six voix sur huit pour emporter la décision, force est de constater que cette disposition implique le vote favorable d'un magistrat, ce qui fait disparaître la primauté du jury.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de conserver en première instrance un nombre de jurés qui permette de redonner toute sa place au peuple en matière de justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. On pourrait gloser longtemps encore sur le nombre des jurés.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement dans la mesure où neuf jurés, en première instance, c'est beaucoup, surtout si la majorité pour condamner reste à six voix.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement ne glosera pas davantage. Il partage l'avis de la commission.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 156.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Je souhaite intervenir de nouveau car les réponses qui m'ont été faites ne vont pas au fond des choses.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Mais si !
M. Robert Pagès. En fait je soupçonne que l'avis défavorable qui est émis sur mon amendement est dicté par un souci d'économie de moyens. Mais neuf jurés au lieu de six, cela ne doit pas représenter une dépense insurmontable ! Y a-t-il d'autres raisons profondes à cette position ?
Ce nombre de neuf jurés avait-il été fixé de façon aléatoire, au hasard des décisions ? Non, il devait correspondre à une nécessité, établir un équilibre. Cette nécessité n'existerait-elle plus aujourd'hui ?
Voilà pourquoi il me semble opportun d'assurer l'égalité du nombre des jurés, ce qui ne met pas en cause, bien entendu, la différence qui doit exister entre les deux instances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-66 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-67 À 231-73
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-67 à 231-73 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-74 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 182 rectifié, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale :
I. - Après les mots : « est présumé innocent », d'insérer les mots : « , que le doute doit lui profiter et que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée par l'accusation ».
II. - De supprimer les mots : « et que le doute doit lui profiter ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En 1994, avec les membres du groupe socialiste, j'avais eu l'honneur de déposer une proposition de loi - son texte est annexé au procès-verbal de la séance du 17 mai 1994 - qui tendait, notamment, à modifier l'article 304 du code de procédure pénale et à rédiger ainsi la fin de son premier alinéa : « ... avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une femme ou à un homme probe et libre, sans oublier jamais que le moindre doute doit profiter à l'accusé, que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée de manière certaine. »
Après avoir rédigé cette proposition, relisant le livre de René Floriot intitulé Les Erreurs judiciaires , j'y avais trouvé la conclusion suivante : « Récemment, une modification a été apportée à la procédure d'assises et le président, avant que les jurés se retirent avec la cour dans la chambre des délibérations, doit leur lire l'instruction suivante... » Vous connaissez cette instruction. Et, à propos de la fameuse question : « Avez-vous une intime conviction ? », René Floriot ajoutait : « Dois-je dire que cette formule ne me satisfait pas ? Il est exact que le juré n'est lié par aucune règle, qu'il n'a pas à motiver sa décision et qu'on lui demande simplement d'exprimer sa conviction. Mais puisqu'on voulait adresser aux jurés, à l'audience publique, un avertissement solennel, ne valait-il pas mieux leur rappeler qu'aucune condamnation ne doit être prononcée s'il subsiste le moindre doute ? »
Autrement dit, René Floriot concluait exactement de la même manière que moi-même dans la propositions de loi que j'avais déposée.
Dans le texte présenté pour l'article 231-74, le projet tient compte de cette idée commune à René Floriot et à moi-même - c'est là une des rares idées qui nous étaient communes ! - en prévoyant que, dans le discours qu'il adresse aux jurés, le président doit notamment : « ... rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; ». C'est déjà une bonne chose.
En effet, l'expression « intime conviction » donne souvent lieu à contresens, compte tenu du contexte où l'on demande au juré les impressions qu'ont produites sur lui les preuves rapportées. Ainsi, pour beaucoup, « intime conviction », signifie que l'on peut être persuadé de la culpabilité alors même que la preuve n'en est pas rapportée. Or « intime conviction », cela veut dire qu'on est convaincu intimement. Et convaincu par quoi ? Evidemment, par les preuves qui sont administrées.
Malheureusement, je le répète, le contresens est quasiment général.
C'est pourquoi il nous paraît nécessaire d'ajouter, après les mots : « est présumé innocent », les mots : « , que le doute doit lui profiter et que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée par l'accusation ». Cette rédaction souligne bien la nécessité que la preuve soit rapportée.
L'exposé des motifs de la proposition de loi que j'ai déjà évoquée commençait ainsi : « Des affaires récentes ont interpellé l'opinion publique. De lourdes condamnations ont été prononcées par des cours d'assises alors qu'apparemment la preuve absolue de la culpabilité n'avait pas été rapportée. » Ces lignes, écrites en 1994, pourraient l'être aujourd'hui, en mars 1997.
Imposer une motivation n'éviterait pas cela, monsieur le garde des sceaux, car il a été abondamment démontré qu'elle ne peut pas coexister avec le secret du vote des jurés, secret qu'il est difficile de supprimer compte tenu de la liberté dont le juré doit jouir pour s'exprimer.
Dès lors, il est indispensable de faire au moins entrer dans l'esprit des jurés le fait que l'intime conviction, cela ne veut pas dire « pile ou face », cela ne veut pas dire « être persuadé », cela veut dire que la preuve doit être rapportée par l'accusation.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous aviez effectivement déposé une proposition de loi où vous développiez déjà la thèse que vous venez de défendre.
Mais permettez-moi de vous rappeler les termes du premier alinéa de l'article 231-74 tel qu'il nous est proposé :
« Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : "Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre M., Mme, Mlle X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions." »
Tout y est ! Il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher, sinon que, tout à l'heure, nous allons simplement vous proposer de substituer « la personne » à « l'homme ».
C'est parfaitement clair : l'intime conviction n'exclut pas que l'on se détermine notamment à raison des charges et de tous les éléments dont a eu connaissance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je ne peux mieux dire que M. le rapporteur. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement. Il faut maintenir le texte tel qu'il est, à la fois pour des raisons de faits, pour des raisons juridiques et pour des raisons symboliques.
M. le président. Je vaix mettre aux voix l'amendement n° 182 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit moi-même, en droit, l'intime conviction n'est pas incompatible avec le fait d'exiger que la preuve soit rapportée.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est certain !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me permets de souligner aussi que le texte du projet comporte déjà beaucoup des propositions que j'avais faites en 1994.
Monsieur le rapporteur, vous me dites : « Tout y est ! » Eh bien, non. Si l'on ajoutait simplement les mots : « , et que vous ne pouvez retenir sa culpabilité que si la preuve en est rapportée par l'accusation », cela permettrait de bien préciser les choses.
Avec votre permission, monsieur le président, j'évoquerai dès à présent l'amendement suivant, qui porte le numéro 183 et par lequel nous proposons de supprimer les mots : « et votre intime conviction ». Chacun, d'ailleurs, aura sans doute remarqué que, à la différence de nos autres amendements, celui-ci ne porte pas le nom de Robert Badinter, même s'il a été déposé par l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés.
Je voudrais rappeler ce qu'écrivait Jean Giono, le 17 novembre 1954, à propos du procès Dominici : « Je ne dis pas que Gaston Dominici n'était pas coupable. Je dis qu'on ne m'a pas prouvé qu'il l'était. Le président, l'assesseur, les juges, l'avocat général, le procureur sont des hommes dont l'honnêteté et la droiture ne peuvent être suspectées. Ils ont la conviction intime que l'accusé est coupable. Je dis que cette conviction ne m'a pas convaincu. »
On ne va pas gloser sur les termes « intime conviction ». Je crois qu'il est nécessaire de rappeler que cela signifie seulement qu'il n'y a pas, en droit français, de système de preuve fixe et que la preuve est libre.
Ce rappel étant fait, j'annonce que je retire l'amendement n° 183 mais j'insiste pour que, au moins, on dise qu'il faut que la preuve soit rapportée par l'accusation pour que l'on puisse condamner.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 182 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 183, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « et votre intime conviction ».
Cet amendement a été retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 282, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « un homme » par les mots : « une personne ».
Par amendement n° 184, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-74 du code de procédure pénale, après les mots : « et la fermeté qui conviennent à », d'insérer les mots : « une femme ou à ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 282.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission va passer aux aveux ! (Sourires.)
Ce matin, au cours de sa réunion, s'est posée la question de savoir si, s'agissant de la formule que j'ai lue tout à l'heure, il fallait conserver le texte tel qu'il nous est soumis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est avec l'amendement n° 184 que cette question a été soulevée.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Effectivement !
Nos collègues socialistes ont en effet suggéré d'écrire que les jurés devaient se décider avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent « à un homme ou à une femme probe et libre ».
Après une discussion qui a duré près d'un quart d'heure, la commission a proposé un amendement visant à employer le mot « personne ». La fin du premier alinéa du texte présenté pour l'article 231-74 serait donc ainsi rédigé : « de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une personne probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions. » Tel est l'objet de l'amendement n° 184.
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 184.
M. Robert Badinter. En l'occurrence, ce n'est pas simplement une question de forme, et chacun le sent bien.
Le texte que le président adresse aux jurés au début de l'audience de la cour d'assises, et demain du tribunal criminel, est un texte solennel, chargé d'une grande force symbolique.
Dans le texte en son état actuel et dont M. le rapporteur a donné lecture tout à l'heure, le président, après avoir rappelé que l'accusé est présumé innocent, s'adresse aux jurés et leur dit : « de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre... »
Je rappelle que, aujourd'hui, les jurys de cours d'assises - et il en sera de même demain dans le tribunal criminel - comprennent toujours des femmes et quelquefois même plus de femmes que d'hommes ; cela dépend du tirage au sort.
Dans ces conditions, est-il bien opportun de demander aux jurés de « décider avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre » ? Vous en conviendrez, il serait tout de même préférable de dire « à un homme ou à une femme probe et libre ». Ce serait, je crois, la moindre des choses.
Sur le principe, tous les membres de la commission étaient d'accord : il faut modifier ce texte. Le mot « personne » a paru, plus simple en raison de sa neutralité.
Tout à l'heure, en le relisant, je me disais que, pour sa qualité, il vaudrait mieux dire « avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à une femme ou à un homme probe et libre » plutôt que d'opter pour le vocable général et anonyme de « personne ».
Nous devrions procéder ainsi. Cela serait un vote d'autant plus sympathique que je note sans surprise que seuls des hommes siègent à cet instant dans l'hémicycle. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 184 ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Compte tenu de l'amendement que j'ai présenté voilà quelques instants, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 282 et 184 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'émets un avis défavorable sur ces deux amendements pour des raisons tout à fait essentielles parce qu'elles relèvent du symbole.
D'abord, aux termes de l'amendement présenté par M. Badinter, dans ce texte, comme dans une multitude d'autres, « homme » voudrait dire vir , et non pas homo au sens le plus général, et le plus générique. On reviendrait ainsi sur notre tradition la plus absolue, la plus ancienne, qui, je le rappelle, figure, en particulier, au frontispice de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Marques d'approbation sur les travées de l'Union centriste.)
Dans ces conditions, on ne peut pas se porter, comme vient de le faire M. Badinter, dans la réalité du tribunal, imaginer le président s'adressant aux individus qu'il a en face de lui et qui peuvent être soit des femmes, soit des hommes. Au contraire, ce que l'on demande, c'est la probité d'un homme, c'est-à-dire d'un être digne de l'espèce humaine, et qui est un homme, tout simplement, sans distinguer ou femme.
Je ne suis pas favorable non plus, pour les mêmes raisons, à l'amendement n° 282. De plus, remplacer le mot « homme » par le mot « personne » c'est, monsieur le rapporteur, du canadien, de l'américain, du québécois, c'est du langage des Nations unies, c'est du « politiquement correct », ce n'est pas du français. En français « homme » signifie, non seulement dans notre tradition juridique et philosophique, mais dans la langue elle-même, ce que signifie effectivement le mot « personne » dans d'autres cultures.
Par exemple, au Québec, où - et je suis bien placé pour le savoir - on lutte pour la langue française, on lutte aussi avec les groupes féministes pour empêcher la discrimination contre les femmes. Or l'une des caractéristiques de la législation et du vocabulaire de cette province, c'est de remplacer systématiquement le mot « homme » par le mot « personne ». Il s'agit de l'une des manifestations les plus précises et les plus excessives du langage « politiquement correct ». Pour ces raisons, ces deux amendements ne sont pas acceptables.
Enfin, pourquoi, dans un texte aussi essentiel pour les droits de l'homme, voudrait-on employer un vocabulaire qui est en train de mettre en cause - et Dieu sait si les mots ont de l'importance en ce domaine - les droits de l'homme eux-mêmes ?
M. François Trucy. En l'occurrence, il faudrait mettre un h majuscule !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 282.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On pourra dire tout ce que l'on voudra. Mais on pourra constater que cette discussion n'est pas politique et que, les uns et les autres, nous sommes donc totalement libres de notre point de vue.
Cette rigueur dans l'explication de M. le garde des sceaux ne me surprend pas, car je la connais. Mais, les choses évoluent. En l'occurrence, il s'agit d'un texte dont il propose lui-même la modification.
Le texte en vigueur vise « les charges qui seront portées contre X... ». Le présent projet de loi tend à écrire : « les charges qui seront portées contre M., Mme, Mlle X... » - ce qui est d'ailleurs beaucoup mieux - et, bien évidemment, cela variera suivant les cas.
Ensuite, on va parler des intérêts de l'accusé - et il y en aura peut-être plusieurs - de ceux de la société qui l'accuse, voire de ceux de la victime. Personnellement, j'émets des réserves à cet égard parce que cela semble affirmer qu'il y a une victime de cet accusé, et donc préjuger quelque peu. Le groupe socialiste, après en avoir longuement délibéré, a décidé de ne pas demander la suppression des mots : « ni ceux de la victime ». Il pourrait aussi ne pas y avoir de victime du tout. Une tentative de cambriolage d'une banque peut avoir lieu sans qu'il y ait la moindre victime. Pourquoi pas ?
Les mots évoluent. Vous vous référez à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En l'occurrence, il s'agit non pas de cela, mais d'un homme probe et libre, car jusqu'à la Libération, pour être juré, il fallait être un homme et, évidemment, on ne s'adressait qu'aux hommes.
Aujourd'hui, il doit être possible à chacun d'entre nous de se mettre à la place d'une femme jurée, et il y en a quasiment toujours dorénavant : lorsqu'elles vont entendre dire : « à un homme », elles se diront : comme d'habitude, on ne s'adresse qu'aux hommes, parce que c'est cela que l'on a fait. Pendant des siècles, en effet, on ne s'est adressé qu'aux hommes parce que la femme était, aux termes du code civil, incapable. Or, fort heureusement, les choses ont évolué. C'est pourquoi il faut le marquer.
Au Sénat, une commission réfléchit sur la place de la femme dans la vie publique. Cette année est l'année de la femme. Nous proposons purement et simplement qu'on en tienne compte et que, dans le texte, on inscrive : « à une femme ou à un homme ». Nous ne pensions pas que cela soulèverait des oppositions aussi violentes.
Néanmoins, là encore, la commission a été sensible à nos arguments et, finalement, nous avons trouvé la formule suivante : « une personne ».
M. Pierre Fauchon. Formule plus élégante !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avions d'ailleurs dit qu'il fallait écrire « à toute personne », plutôt que « à une personne ». La formule « à toute personne probe et libre » serait plus élégante et pourrait, à la rigueur, résoudre le problème.
Si la discussion a été engagée sur ce point, c'est parce que nous avions déposé l'amendement n° 184. M. le président de la commission des lois, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a mis aux voix non pas l'amendement n° 184, qui était le plus éloigné du texte, mais l'amendement n° 282, qui venait d'apparaître en réaction à notre amendement n° 184.
De même, en séance publique, l'amendement n° 282 vient en discussion avant l'amendement n° 184, ce qui signifie que, si l'amendement n° 282 est adopté, l'amendement n° 184 n'aura plus d'objet. En conséquence, je demande la priorité pour l'amendement n° 184. Je vous prie, monsieur le président, de consulter le Sénat. Ainsi, on se prononcera d'abord pour savoir si l'on retient la formule « à une femme ou à un homme probe et libre ». C'est seulement si cet amendement n'est pas adopté que, bien entendu, nous-mêmes, nous voterons l'amendement n° 282 de la commission qui va proposer la formule « toute personne ».
Telles sont les explications que je tenais à donner.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur la demande de priorité formulée par M. Dreyfus-Schmidt ?
M. Jacques Larché, président de la commission. La commission émet un avis défavorable sur cette demande.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la demande de priorité présentée par M. Dreyfus-Schmidt.

(La priorité n'est pas ordonnée.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 282, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 184 n'a plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. N'insultez pas une femme qui tombe. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-74 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence).

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

ARTICLES 231-75 ET 231-76
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-75 et 231-76 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 231-76
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 20, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose d'insérer, après le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-76 du code de procédure pénale, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 231-76-1. - Les débats du tribunal d'assises font, sous le contrôle du greffier, l'objet d'un enregistrement sonore intégral.
« Le président peut faire établir des copies de cet enregistrement aux fins d'en faciliter la consultation.
« Le support de cet enregistrement est placé sous scellés par le greffier du tribunal d'assises.
« En cas d'appel de la décision du tribunal d'assises sur l'action publique, les parties peuvent obtenir, aux frais de l'Etat, une copie de l'enregistrement.
« Cet enregistrement peut être utilisé devant la cour d'assises, dans les conditions prévues par l'article 342-1.
« Il peut également être utilisé devant la commission de révision ou la cour de révision. Dans ce cas, les scellés sont ouverts par le président de la juridiction saisie ou un magistrat délégué par lui, en présence du condamné assisté de son avocat ou eux dûment appelés, ou en présence de l'une des personnes visées au 3° de l'article 623 ou elles dûment appelées. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Le débat d'assises doit laisser des traces. La méthode qui permet d'aboutir à cette fin doit être recherchée. La commission a adopté un amendement qui tend à instaurer l'enregistrement des débats d'assises.
Nous posons ici le problème du choix de l'enregistrement ou de la transcription des débats d'assises. La commission a dit « oui » à l'enregistrement dans les termes de l'amendement qu'elle propose et « non » à la transcription.
La commission est donc favorable à l'enregistrement, sous réserve qu'il s'effectue sous le contrôle du greffier. Elle est en revanche défavorable à la transcription. Nous avons débattu de ses modalités pratiques. Elle pourrait être l'oeuvre de sténotypistes, corporation parfaitement respectée et parfaitement compétente, je tiens à le dire afin qu'on ne puisse pas supposer que la commission des lois du Sénat aurait à l'égard des sténotypistes des réticences particulières. Nous avons eu cependant le sentiment que la transcription serait irréalisable dans les affaires complexes et d'un coût disproportionné par rapport aux avantages attendus. C'est notre point de vue.
Certes, un enregistrement sonore peut, lui aussi, être source de difficultés et de lacunes, mais il nous a paru indispensable de prévoir que l'on garde trace des débats, d'autant que même la sténotypie ne résout pas tout et qu'il est très difficile de restituer certains moments du débat, surtout quand règne la confusion et que tous parlent en même temps. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement n° 20.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement considère que la première partie de l'amendement n° 20, qui consiste à préciser notamment le rôle du greffier et à prévoir la réalisation de copies, est tout à fait opportune.
En revanche, le Gouvernement est défavorable au choix fait par la commission de remplacer la transcription par un enregistrement sonore, et ce pour des raisons qui sont à la fois de principe et de fait.
J'évoquerai, tout d'abord, la raison de principe. La cour d'assises, juridiction d'appel, rejuge l'affaire et non pas les débats. Or, si on lui soumet un enregistrement sonore, en réalité, elle sera amenée à examiner ce qui aura été dit, et non pas le dossier dans son entier, ce qu'elle doit pourtant faire dans les conditions nouvelles qui lui sont faites par ce texte. Il s'agit là d'une raison de principe car c'est, en quelque sorte, le rôle de la cour d'assises par rapport aux tribunaux d'assises qui est mis en cause.
Viennent ensuite deux raisons de fait qui sont importantes et qui tiennent toutes deux à la sérénité nécessaire à la justice, sérénité tant « interne » qu' « externe », ou médiatique.
En ce qui concerne la sérénité « interne », il est tout à fait clair qu'un enregistrement ou la lecture d'un texte n'ont pas du tout le même effet sur l'auditoire, surtout lorsqu'il s'agit de propos dramatiques, passionnés et émouvants, qui peuvent donc avoir sur la sérénité du jury de la cour d'assises d'appel une incidence tout à fait négative.
Puisque l'on rejuge l'affaire, ce sont les propos qui ont été tenus au tribunal qui peuvent susciter une émotion renouvelée chez les membres du jury de la cour d'assises d'appel, émotion contraire à la sérénité et, en tous les cas, absolument pas conforme, encore une fois, au rôle de la juridiction d'appel.
Pour ce qui est de la sérénité que je qualifiais à l'instant d'« externe », à l'évidence, lorsqu'on disposera d'un enregistrement sonore, il en ira tout simplement comme aujourd'hui, on en diffusera constamment des extraits sur les ondes. La médiatisation ira de pair avec la déformation car, bien entendu, ces citations seront faites, si j'ose dire, pour les besoins de la cause !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est donc sage de s'en tenir à la transcription. C'est beaucoup plus conforme au rôle de la cour d'assises d'appel par rapport à l'affaire et par rapport au tribunal et, par ailleurs, beaucoup plus conforme à la sérénité, que l'on attend d'une juridiction d'appel, ô combien difficile à ménager.
Faut-il le rappeler, lorsque l'on ira en appel devant la cour d'assises, par définition, c'est qu'il y aura contestation. La passion se sera déjà installée au sein de la juridiction. Je ne crois pas qu'il soit utile que l'enregistrement sonore ajoute encore à cette passion.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à cet amendement, qui, par ailleurs, est tout à fait bienvenu en ce qu'il apporte des précisions utiles, mais qui ne me paraît pas du tout opportun lorsqu'il remplace complètement la transcription écrite par l'enregistrement sonore.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Les explications fournies par M. le garde des sceaux correspondent à ma propre conception. En effet, il faut éviter d'ajouter encore au caractère spectaculaire qu'ont, par nature, les débats d'assises, en imposant un enregistrement qui sera divulgué, diffusé et interprété, et qui empêchera la juridiction de juger dans la sérénité nécessaire. M. le garde des sceaux a raison.
Par ailleurs, se pose une question de fond. Le support de cet enregistrement est placé sous scellés par le greffier du tribunal d'assises. Il faudrait, en tout cas, prévoir un scellé contradictoire et au moins ne pas laisser un document aussi important simplement sous scellés.
Enfin, qu'allons-nous faire de tous ces enregistrements ? Quid des notes d'audience écrites ?
Pour tout dire, je crains que cet enregistrement sonore ne soit d'une utilisation dangereusement théâtrale.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Le souci qui a inspiré ce texte à la commission a été d'ordre matériel, mais je dois dire qu'entre le système de la transcription et le système de l'enregistrement sonore, c'est finalement une question de moyens, car l'enregistrement sonore est sans doute plus commode à mettre en place et moins coûteux.
En revanche, la transcription, si elle exige le recours à la sténotypie, vous conduit à l'impasse, monsieur le garde des sceaux, parce que - nous avons vérifié ce point - la profession est très réglementée. De surcroît, si mes souvenirs sont exacts, il existe un brevet qui réserve les droits de l'inventeur du système sur la vente de tous les appareils nécessaires à la sténotypie. Tels sont les termes du problème.
J'avoue que nous n'attachons pas une importance extrême à ce point. Vous êtes juge des moyens.
Vous préconisez l'enregistrement sonore, puis la transcription écrite ; nous n'en faisons pas une affaire de principe. La question est plutôt d'ordre matériel. Vous pensez que la transcription d'un enregistrement sonore peut aboutir à une plus grande sérénité de la justice, et c'est également la thèse défendue par Mme Michaux-Chevry.
En revanche, M. le rapporteur n'a aucune préférence, aucune position particulière sur ce point.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je n'ai, en effet, aucune religion établie à cet égard !
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous verrons à l'usage. Pour la sténotypie, je vous invite à la prudence, car cela risque de coûter très cher et, compte tenu des moyens qui sont les nôtres... S'agira-t-il de simples sténographes ou de sténotypistes ? Tout cela est bien difficile à décider, car nous sommes ici très en deçà des problèmes de principe.
Une chose est sûre, il faut que l'on conserve la trace du débat au stade du tribunal criminel. Nous avions pensé que le système que M. le rapporteur vous proposait était à la fois plus efficace et moins coûteux. C'est ce qui avait dicté notre position. Encore une fois, nous sommes là en face de choix d'ordre matériel qui sont, après tout, de votre responsabilité, monsieur le garde des sceaux. C'est à vous d'organiser les choses. Si vous avez beaucoup d'argent à dépenser pour payer les éventuelles sténotypistes, servez-vous-en, monsieur le garde des sceaux ! (Sourires.)
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je crois avoir montré les dangers et les inconvénients du seul enregistrement sonore. Encore faut-il bien préciser au Sénat qu'il ne s'agit pas de choisir entre un enregistrement sur cassette audio et une transcription sténotypique, proposition que nous fera dans un instant le groupe socialiste. Non ! Les débats du tribunal d'assises sont enregistrés et, le cas échéant, à la demande des parties, peuvent être utilisés devant la cour d'assises, juridiction d'appel. Lorsque l'on souhaite recourir à l'enregistrement sonore, qui, par ailleurs, est mis sous scellés, c'est-à-dire qu'il ne présente pas les risques de divulgation dont je parlais tout à l'heure, à ce moment-là, une procédure, prévue dans la suite du texte, permet de briser les scellés et de transcrire noir sur blanc l'enregistrement sonore afin qu'il soit utilisé devant la cour d'assises.
Donc, le système proposé par le Gouvernement n'est pas en contradiction formelle avec la proposition de la commission. L'enregistrement sonore n'est pas utilisé directement par la cour d'assises, comme le voudrait la commission. Il est transcrit, le cas échéant, et est utilisé sous cette forme écrite devant la juridiction d'appel.
Ainsi on combine l'enregistrement sonore, qui permet, M. le président de la commission l'a très justement rappelé, de conserver de la manière la plus simple et la moins coûteuse la trace du débat devant le tribunal d'assises et, si besoin est, la transcription de la partie de l'enregistrement nécessaire à l'appui d'un moyen que l'on veut présenter devant la cour d'appel. On a donc à la fois la facilité de l'enregistrement et la sécurité de la transcription.
Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, il vaut mieux retenir cette solution.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Compte tenu des explications que vient de nous fournir M. le garde des sceaux, je retire l'amendement.
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.

ARTICLE 231-77 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 21 rectifié, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-77 du code de procédure pénale :
« Art. 231-77. - Sous réserve des dispositions de l'article précédent, l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion de l'image ou du son est interdit dès le début de l'audience, sous peine d'une amende de 100 000 F qui peut être prononcée dans les conditions prévues au titre VIII du livre IV.
« Est puni de la même peine le fait de communiquer à un tiers, sauf pour les besoins de la défense, une copie de l'enregistrement obtenue en application de l'article 231-76-1. »
Par amendement n° 185 rectifié, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de remplacer le deuxième et le troisième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-77 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est procédé à une sténotypie intégrale des débats. »
Par amendement n° 186, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-77 du code de procédure pénale, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Ces frais peuvent être pris en charge par l'aide juridictionnelle si la partie concernée en est bénéficiaire. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21 rectifié.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 185 rectifié.
M. Robert Badinter. Il s'agit là - chacun le mesure - de la continuation directe du débat qui vient de s'engager, sur une question qui, je l'indique d'emblée, concerne l'exécution et nullement le principe : nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut veiller scrupuleusement au respect du principe de l'oralité des débats.
Dans le système qui nous est proposé, un enregistrement sonore est réalisé sous le contrôle du président du tribunal d'assises et, le cas échéant, une transcription écrite de cet enregistrement, sonore peut être mise à la disposition des parties.
S'agissant de l'enregistrement sonore, les greffiers - ils nous l'ont dit eux-mêmes - ne pourront en assumer la responsabilité. En effet, devant une juridiction criminelle, le greffier est fort occupé, attaché qu'il est, notamment, à éviter que, d'aventure, ne survienne quelque fâcheux cas de cassation.
Il faudra donc qu'il y ait un technicien, car le pire serait que l'enregistrement soit raté. Cette assistance entraîne un coût, qu'il faut prendre en compte.
Par ailleurs, chacun sait qu'une transcription écrite à partir d'un enregistrement sonore a également un coût élevé, coût qui ne devrait pas être loin de celui d'une sténotypie.
Dans ces conditions, conformément à l'usage quand on veut savoir avec précision ce qu'a été le déroulement d'une déposition, le plus simple serait que l'on recoure à la sténotypie, comme cela se fait dans les grands débats judiciaires depuis fort longtemps, et comme cela se pratique d'ailleurs aussi au Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand on entend M. le garde des sceaux !
M. Robert Badinter. C'est exact ! Quand on entend M. le garde des sceaux, il est normal qu'il y ait une sténographie ou une sténotypie ; on ne procède pas à un enregistrement sonore.
Pour en revenir à la scène judiciaire, nous avons toujours connu la sténotypie, qui a l'avantage de ne troubler personne.
Se pose alors la question du coût. Sur ce point, j'indique que le haut comité consultatif, lorsqu'il a eu à se pencher sur la question de l'enregistrement, a été aussi catégorique que possible, comme en témoignent les pages 46 et 47 du rapport : le double examen impose la sténotypie, dont le coût, certes réel, doit être intégré dans l'ensemble des coûts de la réforme que M. le garde des sceaux désire voir mise en oeuvre aussi promptement que possible.
La sténotypie, c'est aujourd'hui le procédé qui offre le maximum d'avantages, notamment de sécurité. Si les techniques évoluent dans l'avenir, on pourra toujours modifier, ce n'est pas une question fondamentale, chacun le perçoit. En l'état, c'est certainement le procédé qui donne le plus de sécurité. Quant à son coût, il ne devrait pas être sensiblement différent de celui d'une transcription écrite ultérieure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 185 rectifié ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, mais uniquement pour des raisons financières. Si M. le garde des sceaux nous assurait que la dépense pourra être assumée, la commission se rallierait volontiers à la proposition qui est faite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement confirme son opposition à cet amendement.
Avant toute chose, puisque l'on a argué de la position du haut comité consultatif présidé par M. Deniau, je tiens à souligner que ce haut comité a demandé la sténotypie systématique dans le cadre de sa proposition, à savoir la création d'un second degré sous forme de filtre du pourvoi en Cour de cassation. La situation était donc tout à fait différente en fait et en droit.
Quant au fond, quel est le système proposé ? Le texte, tel que modifié par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, prévoit non pas qu'il peut - c'était le texte originel du Gouvernement - mais qu'il doit y avoir un enregistrement sonore intégral.
Cet enregistrement est mis sous scellés. Le président peut en donner des copies, sous sa responsabilité. On peut utiliser cet enregistrement s'il y a appel de la décision du tribunal d'assises devant le cour d'assises ; on utilise alors le contenu de l'enregistrement sonore en en faisant une transcription dactylographiée.
Ainsi, je l'ai dit, on assure à la fois la fidélité et l'exhaustivité des débats de première instance, et la sécurité de leur utilisation.
A mon avis, il faut s'en tenir à ce système, car il est à la fois efficace et sûr. La sténotypie intégrale des débats n'est ni utile ni indispensable.
J'ajoute que, selon une estimation de l'Association nationale des sténotypistes, la sténotypie coûterait plus de 15 millions de francs par an. Cette dépense ne me paraît pas utile. On peut parfaitement s'en passer. Le système de l'enregistrement sonore, suivi éventuellement d'une transcription écrite, permettra d'arriver au même résultat pour un coût bien moindre.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 185 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A la lecture du rapport du haut comité présidé par M. Deniau, on se rend compte que ce n'est pas du tout en vertu du filtre, que, en effet, il proposait par ailleurs, que le Haut comité affirmait que le double examen imposait la sténotypie.
Que disait le rapport ?
« Le principe selon lequel la conviction de la cour se forme exclusivement d'après les débats oraux et l'absence de second examen des décisions criminelles explique qu'il ne soit conservé que peu de traces des débats. Le greffier dresse, certes, un procès-verbal de ceux-ci, mais son seul objet est de constater l'accomplissement des formalités prescrites à peine de nullité par la loi, afin de permettre à la Cour de cassation, en cas de pourvoi, d'exercer son contrôle.
« L'instauration d'un appel, simple ou motivé, impose un renversement complet de perspective. Il devient nécessaire de conserver une trace minutieuse des débats du premier degré, d'abord pour la juridiction chargée de l'examen de recevabilité » - c'est ce que vous nous dites - « et ensuite pour celle appelée à statuer à nouveau sur le fond en seconde instance. »
Suivent des considérations techniques : « Le haut comité considère que l'enregistrement sonore ou visuel de l'audience de première instance est de nature à perturber gravement la sérénité des débats, voire à les dénaturer. En effet, ce type d'enregistrement est nécessairement sélectif et donc infidèle, car il est techniquement impossible de saisir de façon concomitante l'ensemble des sons et des images qui doivent l'être. En outre, il influe sur le comportement de ceux qui sont filmés ou enregistrés, et donc sur leurs déclarations elles-mêmes.
« En conséquence, les membres du haut comité préfèrent à cette solution un enregistrement sténotypée des débats, qui leur paraît à la fois plus fiable, plus objectif. Cette solution respecte, en outre, davantage la liberté des seconds juges en leur permettant un meilleur recul. Cet enregistrement pourrait être intégral, hormis les réquisitions et plaidoiries, afin de respecter la liberté de parole du ministère public et de la défense, et devrait en tout cas concerner toutes les dépositions des témoins, victimes, experts, et, de façon générale, de toutes les personnes appelées, à un titre ou un autre, à déposer devant la cour d'assises. Le procès-verbal de cet enregistrement serait intégré à l'actuel procès-verbal des débats. »
Nous avons entendu, en commission, quatre présidents de cour d'assises. Tous nous ont dit qu'il était nécessaire de sténotyper les débats. M. Lemonde, auteur d'un article remarqué sur la réforme, n'a pas dit autre chose.
Alors, vous évoquez le coût de la mesure, monsieur le garde des sceaux ! Là encore, il faut se reporter à ce qu'a dit le haut comité :
« Cette solution n'est certes pas sans coût et, à cet égard, le haut comité rappelle son exigence générale de l'allocation de moyens réels et suffisants, mais elle s'impose tant dans le cadre de l'appel simple que dans celui de l'appel motivé. »
Combien y a-t-il d'affaires jugées en cour d'assises chaque année ? Deux mille, deux mille cinq cents ? Il ne faut pas exagérer le coût que cela représenterait. Le cas échéant, faites-le évaluer, et communiquez-le nous.
Monsieur le garde des sceaux, chaque fois que vous venez devant le Sénat, que ce soit en salle de commission ou à la salle Médicis, comme ce fut le cas voilà quelques jours, même si les débats sont télévisés, il y a une prise sténographique ou sténotypique.
C'est précisément quand il y a un incident - lorsque tout le monde parle en même temps - que l'on a besoin de savoir ce que tout le monde dit, et cela seules la sténographie ou la sténotypie peuvent l'assurer.
J'ajoute que les greffiers nous ont dit qu'il ne leur était pas possible d'assurer l'enregistrement sonore parce qu'ils avaient autre chose à faire, et qu'il faudrait donc leur adjoindre des appariteurs pour surveiller.
Quant au magnétophone, évidemment, il peut s'arrêter ; d'ailleurs, dans notre assemblée, chacun le sait, on ne se contente pas de magnétophones pour enregistrer les débats.
En conclusion, à l'appui de ce que je dis, vous me permettrez de citer un extrait de l'article de M. Lemonde : « Le deuxième degré de juridiction n'est pas nécessairement lié à la motivation en première instance. En revanche, la sténotypie des débats est indispensable. Elle est un moyen irremplaçable de vérifier si le procès a été équitable au premier degré. »
Voilà le dossier complet ! Maintenant, il vous appartient de décider, mes chers collègues.
M. Guy Allouche. Très bien !
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je ne voudrais pas voter sans avoir, au préalable, exprimé notre gratitude, toutes travées confondues, aux admirables sténographes du Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 186.
M. Robert Badinter. Dans la mesure où l'on retient le système proposé, il convient que les frais de transcription écrite de l'enregistrement, qui seront lourds, puissent être pris en charge par l'aide juridictionnelle si une partie concernée en est bénéficiaire. Cela va de soi, au regard du principe de l'égalité des justiciables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Non seulement je suis défavorable à cet amendement n° 186, mais j'estime qu'il n'a plus d'objet puisque l'amendement n° 185 rectifié de M. Badinter vient d'être repoussé. Présenté sous une autre forme, il aurait pu parfaitement être admis par cohérence.
Naturellement, je ne propose pas de le faire, mais j'aurais pu l'accepter. On peut imaginer que la transcription écrite faite devant la cour d'assises et qui est prévue par le texte du Gouvernement soit prise en charge par l'aide juridictionnelle.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 186, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-77 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-78 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 22, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-78 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de l'article 231-78 du code de procédure pénale tel qu'il résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui est ainsi formulé : « L'avocat de l'accusé peut le lui rappeler à tout moment. » Cela signifie que l'avocat peut à tout moment rappeler au président qu'il a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé.
La commission des lois souhaite que cette phrase soit supprimée, car elle apparaît comme un rajout qui ne s'impose pas.
M. Pierre Fauchon. Cela va de soi !
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Effectivement, cela va de soi. L'avocat qui aurait à se plaindre du comportement du président peut très bien se faire donner acte de tel ou tel propos, et il n'est pas besoin d'écrire que « l'avocat de l'accusé peut le rappeler au président à tout moment ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évident que l'intérêt n'est pas tant que l'avocat de l'accusé fasse remarquer au président qu'il manifeste son opinion, mais qu'il en demande acte. De plus, il existe l'enregistrement.
Et pourquoi l'avocat de l'accusé et pas celui de la partie civile ? Pourquoi pas le ministère public ? Franchement, nous nous étonnons, là, que M. le garde des sceaux s'en rapporte à la sagesse du Sénat.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Quelle position voulez-vous que je prenne ? ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si le président manifeste son opinion - il est évident que c'est pour cela qu'on enregistre les débats et c'est dommage qu'il n'y ait pas de sténotypie - l'enregistrement sonore doit permettre de le démontrer ; avocats et ministère public peuvent demander que cela soit inscrit au prècès-verbal, etc.
Il n'est donc vraiment pas besoin d'écrire dans la loi que l'avocat de l'accusé, et seulement lui, peut faire observer au président qu'il manifeste son opinion alors que, je le répète, c'est le devoir de tout le monde de lui reprocher et de le faire noter au procès-verbal.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-78 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-79 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 188, MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-79 du code de procédure pénale :
« Le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 231-79 est curieux : il tend à mettre en place, pour le tribunal criminel, le système en vigueur devant la cour d'assises mais en émasculant le texte, d'ailleurs très beau, de l'article 310 du code de procédure pénale.
L'article 310 débute ainsi : « Le président est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience, prendre toutes les mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité. »
Or l'article 231-79 supprime le pouvoir discrétionnaire. On va nous dire que certains objectent que le président a trop de pouvoir et qu'il était proposé que le président soit simplement un arbitre. C'est vrai, mais, en l'état actuel des choses, il est nécessaire que le président dispose d'un pouvoir qu'on ne peut qualifier que de « discrétionnaire », faute de pouvoir se référer à divers articles, en disant : « le pouvoir prévu à tel article ». Appelons un chat un chat et continuons à appeler ce pouvoir un pouvoir discrétionnaire.
Pourquoi, de plus, faire disparaître le fait que le président exerce ce pouvoir discrétionnaire, « en son honneur et en sa conscience » ?
Ces termes soulignent que si le président a beaucoup de pouvoirs c'est parce que on lui fait confiance, qu'il est honorable et qu'il a une haute conscience pour les exercer.
Il n'y a donc vraiment aucune raison de ne pas conserver le texte de l'article 310 dans le texte proposé pour l'article 231-79. Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?...
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement car elle reste attachée à cette notion de pouvoir discrétionnaire.
Je sais bien que le projet de loi tend à moderniser la procédure. M. le garde des sceaux va sans doute s'en expliquer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement, qui consiste à rétablir le pouvoir discrétionnaire. Cette suggestion de modification du texte actuel de l'article 310, c'est moi-même qui l'ai introduite dans le texte.
L'idée d'un pouvoir discrétionnaire - d'ailleurs personne ne sait ce que veut dire exactement « discrétionnaire » et tout le monde confond « discrétionnaire » avec « arbitraire » dans le langage courant - est une idée contre-productive par rapport à l'image que nous voulons donner de la justice, et notamment de la présidence d'une cour d'assises, vis-à-vis de ceux - je reviens toujours à cette notion de justice populaire - qui sont censés connaître cette loi.
J'ajoute que, parmi tous les groupes du Sénat comme de l'Assemblée nationale, - j'en ai été, M. Dreyfus-Schmidt en a été et en est toujours - c'est une idée que nous avons toujours prônée, et ce texte comporte d'ailleurs certains éléments en ce sens ; peut-être faudra-t-il envisager un jour une réforme d'ensemble de la procédure pénale. Nous avons toujours été favorables à l'idée que le procès, d'une manière générale, le procès criminel en particulier, doit être plus équilibré et contradictoire. On a notamment mis très souvent en cause le caractère excessivement directif de la présidence des assises.
La proposition que je fais, supprimant le pouvoir discrétionnaire et disant simplement : « Le président peut prendre toutes mesures qu'il croit utiles... » signifie bien que ce dernier a le droit de prendre toutes mesures pour parvenir à la manifestation de la vérité. Cette rédaction évite de donner l'impression que le président est au-dessus de l'ensemble de la cour, qu'il a une sorte de pouvoir extraordinaire qui lui permet de prendre toutes mesures...
Voilà les deux raisons pour lesquelles il faut, à mon sens, s'en tenir au texte du Gouvernement.
J'ai été très étonné de la position de M. Dreyfus-Schmidt dans la mesure où il a toujours défendu l'idée d'une procédure plus moderne, plus équilibrée et plus contradictoire. Or, il me propose de rétablir une expression qui, par sa signification réelle et dans le langage courant, va exactement à l'encontre de tout ce qu'il a toujours proposé.
Voilà pourquoi je crois qu'il ne faut pas adopter cet amendement.
Monsieur le rapporteur, le caractère que chacun veut donner à la justice aujourd'hui, ce caractère équitable, ce caractère proche, ce caractère de disponibilité, ne me paraît pas contenu dans cette expression, que j'ai tenu à supprimer dans le projet de loi du Gouvernement.
Voilà pourquoi, je le répète, je suis défavorable à l'amendement n° 188.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je rejoins M. le garde des sceaux dans la pertinence de son analyse. Il a bien posé les problèmes, mais je crois qu'au fond on devrait en venir un jour peut-être à effectuer un choix entre la procédure accusatoire et la procédure inquisitoire.
M. Jean-Jacques Hyest. Absolument !
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous sommes ici dans le droit-fil de la procédure inquisitoire. C'est un fait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. Si l'on fait de la procédure accusatoire, on aura un juge qui ne dira rien, qui entendra, qui écoutera.
Dans la mesure où nous restons dans le cadre de la procédure inquisitoire, il est bien certain qu'on ne peut pas avoir - excusez-moi - un président potiche. D'ailleurs, M. le garde des sceaux n'y songe nullement.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est juste !
M. Jacques Larché, président de la commission. En effet, je dois dire qu'entre le pouvoir discrétionnaire et toutes mesures utiles...
M. Jean-Jacques Hyest. C'est la même chose !
M. Jacques Larché, président de la commission. ... je ne vois véritablement pas de différence substantielle.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. L'honneur et la conscience sont supposés acquis et il n'est pas besoin d'écrire ces mots.
M. Pierre Fauchon. C'est joli, c'est rétro, cela décore !
M. Jacques Larché, président de la commission. Alors, à quoi bon se quereller sur des mots ? Ce texte n'est quand même pas mauvais, il a une certaine majesté. Vous savez ce qui nous a guidés dans le choix que nous avons fait.
Monsieur le garde des sceaux, à défaut de connaître la date de rédaction de ce texte je constate qu'il est bien écrit et empreint d'une certaine majesté et d'une certaine dignité.
Je dois dire que cela ne me choque pas de rappeler que ce président qui est investi d'un pouvoir discrétionnaire peut « en son honneur et en sa conscience... »
C'est quand même la majesté des assises ! Le président agit ainsi sous le double éclairage de son honneur et de sa conscience.
On va gloser sur ces dispositions. La doctrine va s'interroger sur le point de savoir pourquoi on est passé de l'article 310 actuel à l'article 231-79 nouveau du code de procédure pénale et, surtout, pourquoi on n'exige pas que le président se manifeste en son honneur et en sa conscience.
M. Pierre Fauchon. Il faut bien que la doctrine vive !
M. Jacques Larché, président de la commission. Imaginez les articles dans la Revue de droit criminel suscitant quelque inquiétude à ce propos.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce que vient de dire le président de la commission des lois ne manque pas d'une certaine force. Pour en tenir compte, je propose de rectifier l'amendement n° 188 de manière que ce mot « discrétionnaire » soit remplacé par le mot « propre ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le garde des sceaux ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à remercier très vivement M. le garde des sceaux.
Je pensais que la discussion serait très difficile sur ce point puisque, M. le garde des sceaux, comme il a eu la gentillesse de nous le dire, avait veillé personnellement à cette rédaction. Cela n'a pas été le cas et je l'en félicite.
Je souhaiterais bien que, sur les textes dont il n'est pas directement l'auteur, il fait la même attitude !
Nous allions effectivement proposer de supprimer le mot « discrétionnaire », étant observé que, malheureusement, les pouvoirs du président ne changent pas.
A Robert Badinter, qui me soufflait de proposer la suppression du terme « discrétionnaire », je répondais à l'instant que c'était ennuyeux, parce que de nombreux articles renvoient au « pouvoir discrétionnaire du président », ce qui est tout de même plus facile que de renvoyer « à l'article 231-79 ».
Monsieur le garde des sceaux, votre suggestion répond très exactement à ce que nous voulions. Vous proposez que le président soit investi d'un pouvoir « propre » en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience, prendre toute mesure qu'il croit utile pour découvrir la vérité.
Nous en sommes parfaitement d'accord. Voilà du travail utile !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le président, ne serait-il pas opportun de considérer que je propose un sous-amendement plutôt qu'une rectification ? En effet, il me paraît très outrecuidant que je propose de modifier un amendement du groupe socialiste. En revanche, il me paraît normal que je le sous-amende.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aurais accepté de rectifier cet amendement, mais je préfère de beaucoup que l'amendement du groupe socialiste soit sous-amendé par M. le garde des sceaux et que ce sous-amendement soit accepté par ledit groupe !
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 285, présenté par le Gouvernement et tendant, dans le texte proposé par l'amencement n° 188, à remplacer le mot : « discrétionnaire » par le mot : « propre ».
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets au voix le sous-amendement n° 285, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 188, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 23, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose :
I. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-79 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « ces témoins soient amenés » par les mots : « ces personnes soient amenées ».
II. - En conséquence, au début du troisième alinéa, de remplacer les mots : « les témoins ainsi appelés » par les mots : « les personnes ainsi appelées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel : les personnes que le président pourra entendre seront non seulement des témoins, mais aussi, par exemple, des experts.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des hommes et des femmes !...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-79 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-80 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 189, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-80 du code de procédure pénale, les mots : « sur la culpabilité de l'accusé ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne sais pas si la rédaction de l'article 231-80 émane personnellement de M. le garde des sceaux, mais, en vérité, nous avons été tout à fait étonnés par ce texte.
L'article 311 du code de procédure pénale actuellement en vigueur prévoit que les assesseurs et les jurés « ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ». On me posera la question de savoir sur quoi. Si on leur demande s'il faut reprendre l'audience à quinze heures ou à quatorze heures, ils ont certes le droit de manifester leur opinion, mais tout le monde comprend, et ce de toute éternité, que ce qui leur est interdit, c'est de manifester leur opinion sur quoi que ce soit intéressant le fond du procès lui-même.
Or, le texte du projet de loi que, apparemment, l'Assemblée nationale a accepté, est ainsi rédigé : « Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion sur la culpabilité de l'accusé ». C'est la formule existante pour le président, lequel, en vertu de son pouvoir propre, peut évidemment être conduit à donner son opinion sur tel témoin qui se contredirait d'une manière éhontée mais non manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé.
En revanche, la même rédaction pour les jurés et pour les assesseurs impliquerait qu'ils ont le droit de manifester leur opinion sur telle question posée par l'avocat de la partie civile, sur la partie civile elle-même, sur tel témoin, ou sur que sais-je encore ?... Il ne le faut pas, et il convient donc de conserver le texte en vigueur. Vous voyez, monsieur le garde des sceaux, que nous sommes très conservateurs en ce qui concerne ce dossier !
M. Pierre Fauchon. Vous êtes toujours conservateurs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Croyez-vous ? C'est pour essayer de vous rallier à nous !...
En vérité, quand les textes ont leur utilité, quand ils sont consacrés par le temps, pourquoi les changer ? On fait une réforme aujourd'hui pour instaurer un appel des jugements criminels et le groupe socialiste en est d'accord. Mais pourquoi en profiter pour changer dans le même temps une foule de textes sans rapport avec cela ?
Cela nécessite des débats plus longs que nous l'aurions souhaité, les uns et les autres...
M. Jacques Machet. Ne dites pas cela, vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et pourquoi donc ?
En l'occurrence, il est dangereux de prévoir que les assesseurs et les jurés ont le devoir de ne pas manifester leur opinion uniquement sur la culpabilité de l'accusé, ce qui implique a contrario qu'ils ont le droit de manifester leur opinion sur tout le reste. Ce n'est pas ce que vous voulez, ce n'est pas ce que nous voulons, c'est pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a considéré qu'on pouvait s'en tenir au texte de référence de l'article 311 du code de procédure pénale et rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 231-80 : « Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ».
Les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées, ils ont donc le devoir de ne pas manifester leur opinion, et je pense que cette phrase suffit.
Dans ces conditions, la commission est favorable à l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le texte du Gouvernement présente un double intérêt.
Tout d'abord, il exprime bien ce qu'on veut. Aujourd'hui, le langage étant ce qu'il est : « manifester une opinion », c'est une expression générique.
Celui qui lit le texte et qui n'est pas grand connaisseur des traditions pense qu'ils n'ont pas le droit d'émettre une opinion quelconque.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. En fait, on demande aux jurés de ne pas poser leurs questions de manière à laisser présager ou entrevoir leur opinion sur la culpabilité de l'accusé, objet de la décision du tribunal d'assises ou de la cour d'assises.
Cette précision est par ailleurs utile sur le fond, car c'est de cela qu'il s'agit et pas d'autre chose. Il est très important de bien expliquer que ce que l'on demande aux membres du jury qui posent une question, en application du premier alinéa de l'article, c'est de ne pas exprimer leur opinion sur le point de savoir si cet accusé est, semble ou peut être présumé coupable.
Cette rédaction est vraiment utile quant à la forme, mais aussi sur le fond, pour bien préciser que le juré peut exprimer par ailleurs toutes les opinions qu'il veut sur toutes les autres choses.
On n'interdit pas au juré d'exprimer une opinion, on précise seulement qu'il ne peut pas poser des questions qui laissent entendre qu'il a une opinion sur la culpabilité.
Voilà qui me paraît absolument nécessaire pour préserver le caractère équilibré, contradictoire, équitable du procès.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je crois que l'amendement est fondé parce que le premier alinéa de l'article 231-80 dispose : « Les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins, et à toute personne appelée à la barre en demandant la parole au président », alors que le texte actuel prévoit qu'« ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion », sur la culpabilité de l'accusé forcément, mais aussi sur les déclarations d'un témoin ou d'un expert.
Il faut que les assesseurs et les jurés ne manifestent pas leur opinion, un point c'est tout, et pas uniquement sur la culpabilité de l'accusé.
M. Pierre Fauchon. Oui, oui, c'est très juste !
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. A cet égard, je partage tout à fait l'opinion qui vient d'être émise par M. le rapporteur. Inscrire dans un texte que les jurés ne devront exprimer leur opinion que lorsqu'il s'agit du problème de la culpabilité, c'est méconnaître complètement la réalité.
Il est absolument indispensable que les jurés soient silencieux et impassibles.
Indépendamment de la question de la culpabilité, d'autres questions essentielles sont en jeu. Si l'accusé reconnaît les faits, les jurés doivent décider du quantum de la peine. Ils ont devant eux des témoins qui ont connu l'accusé, qu'ils peuvent interroger sur telle ou telle circonstance familiale, laquelle pourra entraîner une diminution de la peine. Ils ont également devant eux des psychiatres, auxquels ils peuvent poser des questions quant à une réinsertion éventuelle, ce qui pourra aussi entraîner des conséquences quant à la durée de la peine.
Imaginez des jurés approuvant la partie civile. Imaginez la victime voyant le juré approuver une déposition favorable à l'accusé. Ce n'est pas envisageable !
Le débat criminel ne se résume pas, chacun le sait, à la seule question de la culpabilité. Il est absolument indispensable pour la dignité du débat devant la cour d'assises que celui-ci se déroule devant des jurés auxquels il est toujours rappelé qu'ils ne doivent à aucun moment laisser paraître le moindre sentiment sur leur intime conviction.
Je terminerai par la question des motifs. Imaginez un crime politique - cela arrive ! - un crime inspiré par une conviction politique. Des témoins déposeraient et des jurés opineraient à leurs déclarations alors qu'ils exposent l'idéal politique qui a conduit celui qui est dans le box à agir. Ce n'est pas pensable !
Il faut que ceux qui sont amenés à juger ne manifestent jamais leurs sentiments, non seulement dans l'intérêt de la justice, mais aussi dans celui de la victime et de l'ensemble des personnes présentes. C'est une nécessité.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je voudrais dire à M. le garde des sceaux qu'au point où nous en sommes nous ne pouvons pas hésiter, me semble-t-il, à voter cet amendement.
D'une manière générale, entre nous soit dit, quand on est en présence d'un texte normal et qui est ancien, il y a une certaine sagesse à ne pas le modifier parce qu'on risque, avec de telles improvisations, de faire des choses que l'on regrettera par la suite.
A partir du moment où l'on a posé le problème, si nous conservons la rédaction de l'Assemblée nationale, cela voudra clairement dire - et la doctrine ne manquera pas de le faire, ainsi que les jurés - que les jurés et les assesseurs ont parfaitement le droit d'exprimer leur opinion sur tout ce qui n'est pas la culpabilité, c'est-à-dire de dire ce qu'ils pensent du témoin, de l'expert, etc. Où va-t-on ?
Par conséquent, je crois qu'il faut absolument voter cet amendement pour maintenir le texte d'origine et éviter que les jurés ne se laissent aller à exprimer leur opinion, ce qu'ils ne manqueraient pas de faire à tort et à travers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je souhaiterais faire une mise au point, monsieur le président. Tout à l'heure, je me suis prononcé contre cet amendement, au nom du Gouvernement, mais, en fin de compte, ce dernier s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Emmanuel Hamel. C'est une avancée remarquable !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-80 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-81 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 190, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-81, après les mots : « aux témoins, » d'insérer les mots : « aux experts ».
II. - Dans le deuxième alinéa du texte présenté par ce même article pour l'article 231-81, après les mots : « et aux témoins » d'insérer les mots : « aux experts ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais souligner l'apport de l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de ce texte.
Ce texte de référence précisait : « Les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins en demandant la parole au président. » Ils pouvaient en poser d'autres.
Le texte du projet pour l'article 231-80 du code de procédure pénale précise : « Les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. »
L'Assemblée nationale modifie le projet de loi pour ajouter les mots « aux experts » entre les mots « aux témoins » et les mots « et à toutes personnes appelées à la barre ».
Nous aurions pu demander la suppression de cet ajout car, outre les accusés et les témoins, quelles personnes peuvent-elles être appelées à la barre ? Je n'en vois pas tellement d'autres que les experts !
Mais il n'est pas normal, si l'on accepte cet apport de l'Assemblée nationale, que l'article 231-81, qui est le suivant et que l'Assemblée nationale a adopté sans modification, soit ainsi libellé : « Sous réserve des dispositions de l'article 231-78, l'accusé et la partie civile peuvent poser des questions, par l'intermédiaire du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre. » Cela veut-il dire que, a contrario , ils ne pourraient pas en poser aux experts ?
Le deuxième alinéa de l'article 231-81 est ainsi conçu : « Sous les mêmes réserves, le ministère public et les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. » De nouveau, les experts ne figurent pas dans la rédaction.
Par homothétie, nous proposons donc, par notre amendement n° 190, de rajouter les mots « aux experts », en regrettant toutefois de n'avoir pas proposé de les supprimer à l'article 231-80 ! Si vous nous le proposiez, monsieur le garde des sceaux, nous l'accepterions.
Sur cet article 231-80, je ne veux tout de même pas me contenter de parler de la forme, sur laquelle porte notre amendement, sans saluer l'apport important que constitue la possibilité offerte aux conseils, aussi bien de la partie civile que de l'accusé, et au ministère public de poser des questions directement aux témoins et à toute personne dès lors qu'ils ont demandé la parole au président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 190, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-81 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-82 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 191, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-82 du code de procédure pénale :
« Art. 231-82. - Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles : le tribunal d'assises est tenu de lui en donner acte et d'en délibérer.
« Les réquisitions du ministère public prises dans le cours des débats sont mentionnées par le greffier sur son procès-verbal. Toutes les décisions auxquelles elles ont donné lieu sont signées par le président et le greffier. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je disais tout à l'heure en plaisantant que nous étions conservateurs. M. Fauchon me rétorquait : « Vous l'êtes toujours ! » ; après quoi il rappelait qu'il n'est pas bon de changer un texte qui n'a suscité aucune critique et qui n'en suscite aucune ! (Sourires.) Nous serons d'accord, bien entendu, avec Montesquieu pour affirmer qu'il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante !
M. Pierre Fauchon. C'est Portalis !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! C'est Montesquieu, dans les Lettres persanes. Je tiens à le rappeler !
M. Pierre Fauchon. Les Lettres persanes, c'est fripon ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. La statue vibre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En la cherchant, je me demande pourquoi le pauvre Michel de L'Hospital est gris alors que les autres ont leur blancheur.
M. le président. C'est un problème de lumière !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais que la statue de Portalis est là, mais je ne la vois pas car elle m'est cachée. Ce n'est pas grave, puisque ma citation était bien de Montesquieu !
Revenons à l'article 231-82 du projet de loi. Le texte de référence, l'article 313 initial, est tout à fait satisfaisant. Fallait-il en changer les termes ? Il précisait : « Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles : la cour est tenue de lui en donner acte et d'en délibérer. » Elle n'est donc pas obligée de rendre un arrêt ; elle en délibère simplement.
Je poursuis : « Les réquisitions du ministère public prises dans le cours des débats sont mentionnées par le greffier sur son procès-verbal. Toutes les décisions auxquelles elles ont donné lieu sont signées par le président et par le greffier. » Y a-t-il quelque chose à changer à cela ? Si oui, pourquoi ? Qu'on nous le dise !
Nous avons lu avec beaucoup d'attention le rapport de M. Clément ainsi que le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas trouvé la moindre justification aux modifications qui sont proposées à l'article 231-82, selon lesquelles : « Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles et sur lesquelles le tribunal est tenu de statuer. »
Pourquoi ne pas se contenter d'écrire que le tribunal serait tenu de lui donner acte et d'en délibérer ? Pourquoi supprimer la mention au procès-verbal des réquisitions ? Pourquoi supprimer la signature par le président et par le greffier des décisions auxquelles ces réquisitions ont donné lieu ?
Nous n'avons pas de réponse.
M. Pierre Fauchon. Cela va de soi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous proposons donc de conserver le texte de l'article 313 du code de procédure pénale, en l'adaptant évidemment au tribunal et en remplaçant les mots « la cour » par les mots « le tribunal ». Tel est l'objet de notre amendement n° 191.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à l'amendement n° 191, car le texte proposé par le Gouvernement dit exactement la même chose, notamment parce que le greffier établit un procès-verbal, ce qui signifie que le tribunal statue.
De plus, notre texte est beaucoup plus simple, ce qui me paraît être un progrès par rapport au texte actuel.
Je souhaite que l'on maintienne le texte du Gouvernement et que l'on n'adopte donc pas l'amendement du groupe socialiste.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 231-82 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-83 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 231-83 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-83-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 192 tend, dans la première phrase du texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « le président ordonne » par les mots : « le président peut ordonner ».
L'amendement n° 193 vise, dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer le mot : « punir » par le mot « condamner ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Lorsque, à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion. » C'est un terme nouveau. Il nous semble que, bien souvent, lorsqu'un perturbateur se manifeste, le président, suivant la gravité de l'incident, est amené à dire - cela se passe très exactement de la même manière au fauteuil que vous occupez en cet instant, monsieur le président : « Si vous recommencez, je demanderai votre expulsion. » En général, cela suffit à ramener le calme.
M. Pierre Fauchon. Pas toujours !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi nous proposons, suivant le cas, de dire : « Le président peut ordonner. » Tel est le sens de notre amendement n° 192.
J'en viens à notre amendement n° 193. Le texte de l'article est ainsi rédigé : « Si, au cours de cette mesure, il - l'un des assistants - résiste à cet ordre ou cause du tumulte, le tribunal peut, sur les réquisitions du ministère public, le juger et le punir d'un emprisonnement de deux ans. » La formule est curieuse ! La manière dont le tribunal punit, c'est en général en condamnant. C'est une pure question de forme, je le reconnais. Mais nous sommes là - n'est-il pas vrai ? - pour faire la loi le mieux possible. Nous proposons donc de remplacer le verbe « punir » par le verbe « condamner ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission y est favorable. Elle souhaite toutefois que M. Dreyfus-Schmidt complète son amendement n° 193 pour préciser : « condamner à un emprisonnement ».
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous cette rectification ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument, monsieur le président. je préciserai même : « condamner à une peine d'emprisonnement ».
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Pas d'objection !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 193 rectifié, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, dans la deuxième phrase du texte proposé par l'article 2 pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « punir d'un emprisonnement » par les mots : « condamner à une peine d'emprisonnement ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 192 et 193 rectifié ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable au deux amendements.
Le premier est inutile dans la mesure où le texte adopté par l'Assemblée nationale donne exactement au président le pouvoir d'appréciation que souhaite lui conférer M. Dreyfus-Schmidt. L'expression « le président ordonne » est meilleure et je souhaite donc le maintien du texte du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Où est le pouvoir d'appréciation ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il est dans l'ensemble de la rédaction de l'article et il est dans ce que vous avez voté tout à l'heure à la suite de votre amendement n° 188.
L'amendement n° 193 rectifié propose de substituer le verbe « condamner » au verbe « punir ». Or, c'est ce dernier terme qui figure tout au long du code pénal.
Il nous a paru préférable de ne pas modifier ce terme du code pénal au détour du texte que nous adoptons sur les cours d'assises.
M. Pierre Fauchon. C'est juste !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Voilà exactement la raison pour laquelle je crois qu'il ne faut pas changer le terme.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 192.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me demandais s'il ne faudrait pas suspendre maintenant nos travaux. En effet, nous sommes apparemment fatigués et nous avons du mal à nous comprendre. Notre amendement n° 188 ne règle pas du tout le problème !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je ne sais pas qui est fatigué ! Pas moi ! La séance est prévue jusqu'à vingt et une heures !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il nous reste, d'ici à vingt et une heures, cinquante minutes d'utiles travaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Et même d'intenses travaux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 188 rectifié a donné des pouvoirs propres au président dans la recherche de la manifestation de la vérité, et pas du tout pour faire face à la situation prévue par les dispositions de l'article 231-83-1, à savoir : « Lorsque, à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion de la salle d'audience ». Il n'a pas le choix ! Nous demandons très simplement, benoîtement, naïvement, que l'on dise « peut ordonner ». Vous nous répondez que c'est exactement ce que vous voulez écrire, mais que le texte le précise déjà ! Ce n'est pas vrai, le texte ne le précise pas !
M. Pierre Fauchon. Pinaillage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quant au verbe « punir », vous nous avez dit qu'il figurait dans le code pénal. Excusez-moi, mais nous sommes dans le code de procédure pénale - et non pas dans le code pénal - qui utilise bien le terme de « condamner » et non de punir.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Punir d'un emprisonnement, c'est une peine !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 192.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je trouve, je me permets de le dire à notre collègue M. Dreyfus-Schmidt, que l'on arrive à des pinaillages...
M. Emmanuel Hamel. Oh, quel mot !
M. Pierre Fauchon. ... qui me paraissent tout de même de nature à allonger un peu inutilement le débat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, n'y participez pas !
M. Pierre Fauchon. Mais, mon cher collègue, puisque vous souhaitiez tout à l'heure abréger le débat, je vous signale qu'il y a une bonne façon de le faire, c'est peut-être de ne pas multiplier le pointillisme et les difficultés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, arrêtez et renoncez à la parole !
M. Pierre Fauchon. Je voudrais tout de même vous expliquer ce que je pense de votre affaire !
Dès lors qu'il est écrit : « Lorsque, à l'audience, l'un des assistants trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne... », c'est bien le président qui apprécie s'il y a un trouble à l'audience, et cela suffit. Naturellement, il a cette appréciation de la réalité de la consistance du trouble et, à partir de cette appréciation, il ordonne ou non.
J'estime plus élégant d'écrire « ordonne » plutôt que « peut ordonner », expression qui alourdit inutilement la rédaction. C'est pourquoi je ne voterai pas cet amendement n° 192.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand je vous dis que nous sommes fatigués !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 192, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 193 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-83-1 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 231-83-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 24, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de supprimer le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-83-2 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Il s'agit de la suppression d'une disposition inutile. Il est évident que les magistrats et les jurés peuvent prendre des notes. Comme le dit l'article V de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 : « Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché. »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'article 231-83-2 du code de procédure pénale est donc supprimé.

ARTICLES 231-84 À 231-88
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-84 à 231-88 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-89 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 194, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte proposé pour l'article 231-89 du code de procédure pénale :
« Art. 231-89. - Si un accusé refuse de comparaître, sommation lui est faite au nom de la loi, par un huissier commis à cet effet par le président, et assisté de la force publique. L'huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de l'accusé. »
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement vise à apporter une précision nécessaire.
On est dans l'hypothèse où l'accusé refuse de comparaître. Il convient évidemment - et cela figure dans le texte de l'article 319 actuel - d'abord, de lui faire une sommation et, ensuite, de dresser procès-verbal de cette sommation et de la réponse de l'accusé. Aujourd'hui, tout cela est fait par un huissier.
Dans le texte du projet de loi, il est proposé que ce soit le chef de l'établissement pénitentiaire ou l'huissier d'audience qui remplisse ce rôle. Je ne vois vraiment pas pourquoi le chef de l'établissement pénitentiaire, lequel a certes toutes sortes de mérites mais n'est pas officier ministériel, devrait devenir le dépositaire de la réponse de l'accusé. Cela ne peut que nourrir des difficultés et, éventuellement, servir de motif à un pourvoi en cassation. Mieux vaut en rester au système actuel, qui fonctionne très bien.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement parce que je ne vois pas pourquoi il faudrait adopter des dispositions aussi formalistes.
Le chef de l'établissement pénitentiaire est à même de recueillir et de transmettre les observations de l'accusé détenu, adressées au président du tribunal. C'est si vrai que, par la loi du 31 décembre 1985, qui a été adoptée sur la proposition du garde des sceaux de l'époque, M. Badinter, on a prévu que de nombreux actes de procédure pouvaient être accomplis par le chef de l'établissement : il en est ainsi, par exemple, dans un cas très important, comme l'est l'appel de l'ordonnance de refus de mise en liberté.
Je pense que nous avons toutes les raisons d'adopter une simplification qui est dans la droite ligne de la loi de 1985.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 194.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je crains, monsieur le garde des sceaux, qu'une confusion ne se soit glissée dans votre esprit. Il est normal d'essayer de rendre plus faciles les formalités à l'avantage de celui qui est prévenu ou qui se trouve accusé, pour un appel par exemple.
En l'occurrence, il s'agit de quelqu'un qui refuse de comparaître. On lui fait une sommation : c'est un acte très important. A cet instant, il peut vouloir faire des déclarations, qui figureront ensuite au dossier. Il est évident qu'un chef d'établissement pénitentiaire, tout à fait compétent pour recevoir une signature, n'a ni la formation ni la responsabilité requises pour recueillir les déclarations que l'accusé peut être amené à faire à la suite de son refus de comparution. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les arguments ad hominem n'apportent pas beaucoup de clarté dans un débat !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Mes arguments ne sont pas ad hominem ; ils se fondent sur les textes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est vrai qu'en 1985 le garde des sceaux et ses services avaient fait en sorte que le plus grand nombre de formalités possible soit effectué par le gardien-chef de la prison. On avait même oublié que l'avocat pouvait faire appel et qu'il n'était pas nécessaire de l'obliger pour cela à se rendre à la Cour d'appel. On y a remédié en 1987. Mais là n'est pas le problème.
J'ai l'impression que nombre des modifications apportées à la loi en vigueur ont pour objectif d'accélérer les procédures. Or, il ne s'agit pas d'aller plus vite. Il s'agit de faire juger un crime par le tribunal criminel avec la même méticulosité que jusqu'à présent devant la cour d'assises.
Ains, l'article 319 prévoit que : « Si un accusé détenu refuse de comparaître, sommation lui est faite au nom de la loi. » Mais par qui ? Evidemment par un huissier, dit le texte, « commis à cet effet par le président et assisté de la force publique ». Cela confère à l'acte une solennité que ne peut évidemment pas donner le chef de l'établissement pénitentiaire.
Ensuite que se passe-t-il ? « L'huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de l'accusé » parce qu'il est assermenté et que cette pièce sera versée au dossier. Le chef de l'établissement pénitentiaire, n'a pas, lui, qualité pour enregistrer la réponse de l'accusé. D'ailleurs comment l'enregistrera-t-il ? Verbalement ? Comment la transmettra-t-il au président du tribunal ? Par téléphone ?
Excusez-moi, monsieur le garde des sceaux, je ne comprends pas pourquoi on revient sur le texte actuel.
Il en sera de même s'agissant de l'article 320, qui traite du cas de l'accusé qui refuse d'obtempérer à la sommation.
Qu'est-il prévu actuellement si l'accusé n'obtempère pas à la sommation ? « Le président peut ordonner qu'il soit amené par la force devant la cour ; il peut également, après lecture faite à l'audience du procès-verbal constatant sa résistance - on donne le compte rendu aux assesseurs et aux jurés - ordonner que, nonobstant son abstention, il soit passé outre aux débats ». Dans ce cas-là, il est important que l'on sache ce qui a été dit à l'intéressé et ce qu'il a répondu. On le saura exactement grâce au procès-verbal dressé par l'huissier et non par ce qui aura été retenu par le gardien-chef de la prison, qui a certainement beaucoup de qualités, mais pas celle d'être un huissier.
L'article 320 actuel continue en ces termes : « Après chaque audience, il est, par le greffier de la cour d'assises, donné lecture à l'accusé qui n'a pas comparu du procès-verbal des débats, et il lui est signifié copie des réquisitions du ministère public ainsi que des arrêts rendus par la cour, qui sont tous réputés contradictoires. » Ainsi, l'accusé est mis au courant par le greffier de la cour de ce qui s'est passé en son absence. Ce qui fait qu'il pourra dire : « Tiens, il faut que j'y retourne. »
Le nouvel article 231-90, lui, dispose : « Si des jugements incidents sont rendus par le tribunal en l'absence de l'accusé, ils lui sont notifiés par le chef d'établissement pénitentiaire. » C'est tout, le directeur de la prison lui notifie les jugements. Quant à lui raconter ce qui s'est passé, il n'en est plus question. Pourquoi ? Ce n'est pas parce qu'il y aura possibilité d'appel qu'il faut modifier une procédure actuellement en vigueur devant la cour d'assises et qui doit être la même devant le tribunal criminel.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 194, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-89 est donc ainsi rédigé.

ARTICLE 231-90 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 196 rectifié bis, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-90 :
« Art. 231-90. - Si l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le président peut ordonner qu'il soit emmené par la force devant le tribunal ; il peut également, après lecture faite à l'audience du procès-verbal constatant sa résistance, ordonner que, nonobstant son absence, il soit passé outre aux débats.
« Après chaque audience, il est, par le greffier du tribunal, donné lecture à l'accusé qui n'a pas comparu du procès-verbal des débats, et il lui est signifié copie des réquisitions du ministère public ainsi que des jugements rendus par le tribunal, qui sont tous réputés contradictoires. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme vous l'aurez remarqué, monsieur le président, j'ai déjà défendu cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement exactement pour les mêmes raisons que celles que j'ai énoncées tout à l'heure. Mais je voudrais faire une remarque d'ordre général à la suite de l'observation qu'a formulée M. Dreyfus-Schmidt à l'instant.
Le groupe socialiste présente tout un ensemble d'amendements visant à rétablir les procédures actuelles, y compris, comme l'a bien souligné M. Dreyfus-Schmidt, les plus longues, les plus difficiles ou les plus coûteuses,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... alors que le texte du Gouvernement s'est donné pour objectif, chaque fois que cela ne met pas en cause l'intérêt des parties et notamment les droits de la défense, de simplifier les procédures.
Lorsque, siégeant sur les bancs de l'Assemblée nationale, j'ai discuté nombre de textes relatifs au code pénal ou au code de procédure pénale présentés à l'époque par des gardes des sceaux appartenant au parti auquel appartient M. Dreyfus-Schmidt lui-même, j'avais cru comprendre, que cette politique de simplification, était préconisée par ce même parti. J'ai moi-même à plusieurs reprises considéré qu'il s'agissait d'une très bonne approche.
C'est pourquoi, monsieur le président, je suis très étonné de voir que - probablement pour les besoins de la cause et pour alimenter et donc allonger un peu les débats - le groupe socialiste propose systématiquement le retour aux procédures actuelles, et ce sans autre motivation que la volonté de ne pas changer les procédures, non pas sur le fond, mais dans les modalités.
Je le regrette, car je pensais que, au contraire, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, il se trouverait une majorité, voire une unanimité, pour s'efforcer, s'agissant d'une matière aussi importante pour l'ensemble du public - certes, il n'y a que 2 500 procès d'assises par an, mais chacun sait que ce sont ceux qui sont le plus suivis, que ce sont ces procédures-là qui intéressent le plus nos concitoyens - de simplifier les choses, de les rendre plus compréhensibles.
Dans beaucoup de cas, on nous explique, sur les travées du groupe socialiste du Sénat ou sur les bancs homologues de l'Assemblée nationale, que, par exemple, l'intervention de l'huissier est tout à fait contre-indiquée. Et voilà qu'aujourd'hui on réintroduit le ministère d'huissier. Il y a tout de même là de quoi être étonné !
Je crois vraiment que ce n'est pas de bonne méthode.
Un des mérites de ce texte tient précisément à la volonté de simplifier et de clarifier qui nous anime. Dès lors, je ne pense pas que proposer systématiquement le retour au texte actuel soit judicieux et je regrette que la commission des lois, sur un certain nombre de points, se soit associée à cette sorte de « législation dans le rétroviseur » à laquelle se livre le groupe socialiste.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Sénat s'y associe aussi !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 196 rectifié bis.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je suis encore plus étonné, pour ma part, d'entendre M. le garde des sceaux nous expliquer que ce qui est à l'ordre du jour, c'est la simplification et, quand le groupe socialiste, avec la commission des lois, présente des amendements qui vont dans le sens d'une meilleure administration de la justice, affirmer que nous ne cherchons qu'à gagner du temps. Je ne vois pas en quoi ni pourquoi nous chercherions à gagner du temps !
En revanche, ce que je vois très clairement, monsieur le garde des sceaux, c'est que, depuis le début de ce débat, nous ne cessons d'essayer d'apporter, au-delà et même indépendamment de toute considération politique, des améliorations techniques nécessaires à ce texte qui, je ne crains pas de le dire, a été élaboré trop vite.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ah c'est sûr !
M. Robert Badinter. Je vais vous en donner deux exemples, si vous le permettez, monsieur le garde des sceaux, car je sais que vous ne supportez pas d'être contredit.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il ne s'agit pas de ça !
M. Robert Badinter. C'est dans votre nature ! Cela a toujours été : je vous ai connu tel il y a dix ans, je vous retrouve tel aujourd'hui !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Votre nature a vous, monsieur Badinter, c'est de ne pas supporter de ne pas avoir le dernier mot, et cela est parfaitement insupportable parce que vous êtes aujourd'hui sénateur et non plus avocat de la défense !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne vous donne pas le droit de l'interrompre sans en demander l'autorisation !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est auprès de vous que j'ai dû contracter de mauvaises habitudes !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous rappelle que c'est moi qui préside les débats, et seul M. Badinter a la parole.
M. Robert Badinter. A cet égard, je me permettrai de rapporter à M. le garde des sceaux une petite anecdote.
Quand je suis devenu garde des sceaux, je n'avais jamais eu auparavant le privilège d'être parlementaire. Inquiet, je me suis dit : « Il faut que j'aille demander à un homme d'expérience ce qu'il convient de faire pour ne point irriter les parlementaires quand on est ministre. »
Aller chez le Président de la République m'était impossible : il aurait pensé qu'il avait eu tort de me nommer.
Après réflexion, j'ai songé que je connaissais quelqu'un de fort compétent, d'une immense expérience parlementaire, dont on disait volontiers qu'il était le plus brillant spécialiste de la vie politique aussi bien sous la IVe République et que sous la Ve République : le président Edgar Faure.
Je m'en fus donc le trouver et lui demandai comment on devait se comporter lorsque l'on est ministre et que l'on se trouve dans l'enceinte d'une assemblée parlementaire. Et voici à peu près ce que le président Edgar Faure m'a répondu : « Mon cher ami, ne vous faites aucun souci, vous vous débrouillerez très bien. Il y a une chose cependant que vous devez toujours conserver présente à l'esprit, c'est que vous êtes l'invité. Quand vous êtes, vous ministre, au Parlement, vous êtes reçu par les parlementaires, vous êtes chez eux. Dans ces conditions, même s'ils ne sont pas agréables avec vous, et ils le sont rarement, vous devez, comme saint Sébastien, accepter d'être percé de flèches et ne jamais réagir. » (Sourires.)
J'ai retenu la leçon.
On ne m'a pas ménagé les flèches lorsque j'étais garde des sceaux et, dans toute la mesure possible, j'ai essayé de conserver dans ma mémoire ce que le président Edgar Faure m'avait dit. Je crains, hélas ! monsieur le garde des sceaux, que vous n'avez pas bénéficié de la même leçon.
Mais je reviens au débat et je vous invite, monsieur le garde des sceaux, si vous le voulez bien, à examiner un instant froidement l'économie de ces deux amendements.
Tout à l'heure, la commission des lois a soutenu l'amendement n° 194 du groupe socialiste. Mais de quoi était-il question dans l'article 231-89 ? De quelqu'un qui ne veut pas comparaître devant une cour d'assises. Or comparaître devant une cour d'assises, ce n'est pas une formalité banale et refuser d'aller devant ses juges, c'est tout de même très grave ! Vous imaginez les conséquences d'une telle décision ; des exemples illustres, que je n'ai pas besoin de rappeler, sont là pour le montrer.
Dès lors, la réponse de l'accusé est importante et il est légitime que ce soit quelqu'un qui est spécialisé dans la transcription d'une telle réponse, un greffier ou un officier ministériel, qui la recueille. Or cette réponse, monsieur le garde des sceaux, aux termes de l'article 231-90, reste-t-elle au greffe, comme un appel ? Lisez votre texte ! Il est clairement indiqué que, si l'accusé n'obtempère pas à la sommation, le président peut donner « lecture à l'audience des observations de l'accusé ».
Ces observations, il faudra bien qu'elles aient été rédigées par un homme qui soit indiscutable quant à la fidélité du texte qu'il aura recueilli. Qui est cet homme, en dehors du greffier, sinon un huissier ?
Ce sont des vérités élémentaires que je rapelle ici. Je n'ai pas le désir, croyez-moi, de poursuivre une discussion qui, pour nous tous, n'a déjà que trop duré.
Le problème est le même s'agissant du deuxième alinéa de l'article 231-90.
Dans le texte actuel, c'est-à-dire au deuxième alinéa de l'article 320, vous l'aurez noté si vous l'avez lu avec attention, il est indiqué que, si le procès se déroule en l'absence de l'accusé, après chaque audience, il lui est donné lecture du procès-verbal des débats par le greffier de la cour d'assises et il lui est signifié copie des réquisitions du ministère public.
Il faut évidemment que l'accusé sache ce qui s'est passé ! Cela peut entraîner de sa part la décision de revenir à l'audience. Il lui faut donc avoir connaissance du procès-verbal, et cela par le truchement du greffier.
Or, dans votre texte, si des jugements incidents sont rendus par le tribunal, ils lui sont notifiés par le chef de l'établissement pénitentiaire ! Les jugements sont réputés contradictoires. Mais vous n'avez plus l'avertissement donné par le greffier qui vient dire à l'accusé ce qui s'est passé et lui transmet le procès-verbal.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. Je termine en disant que ce n'est pas du tout l'esprit de polémique, croyez-le bien, qui, ici, a commandé nos observations.
C'est un texte qui vous survivra, monsieur le garde des sceaux, et je pense qu'il nous survivra à tous.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Pas grâce à vous !
M. Robert Badinter. Faisons donc du bon travail législatif.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Incapable de le faire, incapable de le soutenir !
M. Robert Badinter. Vraiment, monsieur le garde des sceaux, cette passion d'interrompre ! Vous auriez fait un excellent avocat d'assises, et il n'est peut-être pas trop tard !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Devrais-je aller prendre des leçons chez vous ?
M. Robert Badinter. Quoi qu'il en soit, je vous rappelle simplement que la commission des lois a accepté cet amendement parce qu'il est conforme à l'intérêt général ! Acceptez-le ! Faisons ensemble une oeuvre constructive et oubliez et les polémiques politiques comme les polémiques personnelles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, Ce texte me survivra certainement, mais pas grâce à vous, monsieur Badinter, qui avez été incapable de le faire et qui êtes aujourd'hui incapable de le soutenir. (M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
M. Robert Badinter. C'est incroyable ! Et dire que je vous ai demandé d'oublier la polémique !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je voudrais dire exactement ce qu'il en est,...
M. Robert Badinter. Allons-y !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux ... après toute cette leçon, parfaitement inutile.
M. Robert Badinter. Mais oui !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Au Sénat plus qu'ailleurs, j'ai toujours été traité comme un invité.
M. Robert Badinter. Mais vous êtes-vous conduit en invité ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Cela a beaucoup changé, je dois le dire, monsieur Badinter, depuis que vous siégez dans cette enceinte.
M. Robert Badinter. Tiens !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Vous ne vous conduisez jamais avec le garde des sceaux, ni avec aucun autre ministre d'ailleurs, comme avec un invité du Sénat. C'est évidemment quelque chose que le président Edgar Faure n'a pas pu vous expliquer lorsque vous êtes arrivé ici comme parlementaire.
Je reviens maintenant au point actuellement en discussion.
L'huissier n'est en rien chargé de recueillir les déclarations de l'intéressé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce qui est important dans cette affaire, c'est que l'intéressé puisse s'exprimer. S'il refuse de venir lui-même, il faut qu'il puisse écrire ce qu'il a à déclarer ou le faire dire par son avocat qui, lui, assiste à l'audience. C'est ce que prévoit notre texte.
Présent à l'audience, l'avocat me paraît d'ailleurs le mieux placé, parce qu'il est le plus susceptible de lui inspirer confiance, pour donner connaissance à l'accusé du déroulement de l'audience. Il n'est nullement nécessaire de prévoir une signification par huissier. Quel compte rendu du déroulement de l'audience l'huissier qui sera chargé de cette signification pourra-t-il donner ? En revanche, l'avocat de l'accusé saura parfaitement de quoi il retourne : il est là pour ça ! Il pourra parler à son client, puis exprimer le point de vue de ce dernier de la manière la plus fidèle et la plus efficace qui soit.
A quoi bon introduire l'huissier ? C'est une procédure parfaitement inutile.
Je maintiens donc que ce que nous proposons est plus simple et plus efficace. Notre texte ne met aucunement en cause les droits de l'accusé, bien au contraire, et permet de réaliser une économie de moyens et de procédure qui me paraît aller dans le bon sens.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a la forme et il y a le fond.
Nous avons commencé l'examen de ce texte en commission mercredi matin, travaillant de neuf heures jusqu'à treize heures quinze. Nous avons repris nos travaux à quatorze heures trente et les avons poursuivis jusqu'à vingt et une heures. Nous n'avions alors étudié que les articles sur lesquels le rapporteur proposait un amendement.
Evidemment, nous n'avons disposé du rapport que très tard, mais, grâce à l'amabilité de la commission, nous avons pu en prendre connaissance avant qu'il ne soit broché, c'est-à-dire jeudi soir.
Nous avons passé tout le week-end à préparer nos amendements, car ils devaient être déposés hier avant seize heures.
Nous ne travaillons pas ainsi par plaisir, monsieur le garde des sceaux ! Et il n'est pas digne de prétendre que nous cherchons à faire durer les débats.
Nous n'avons, au demeurant, aucun intérêt à les faire durer. La commission a adopté la plupart de ces amendements, ainsi que le Sénat, cet après-midi même.
Vous n'avez pas, permettez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux, le droit de traiter comme vous le faites l'un de vos prédécesseurs, qui a honoré la place que vous occupez aujourd'hui.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il se gêne, lui ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur le fond, nous avons découvert que vous vouliez alléger la procédure mais, avez-vous dit, à condition que cela ne touche pas au fond. Or, ici, cela touche au fond.
Vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'enregistrer la réponse de l'accusé. Mais si ! L'huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de l'accusé. Dans votre texte, le cas échéant, la réponse de l'accusé est transmise au président du tribunal, après avoir été recueillie par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par l'huissier d'audience.
Le chef de l'établissement pénitentiaire la recueille comment ? Oralement ? Il la transmet comment ? Oralement ? Ce n'est pas précisé.
Vous allégez, mais vous oubliez l'éventuel procès en appel : les membres de la cour auront alors intérêt à connaître la réponse de l'accusé qui, sommé de comparaître, aura refusé de le faire. Il faudra donc bien qu'on ait un procès-verbal.
De même, il faudra bien qu'on sache s'il a été prévenu ou non de ce qui s'est passé en son absence. Vous dites que son avocat le fera. Mais nous n'en savons rien.
Un procès-verbal doit permettre de savoir que lecture en a été faite à l'accusé qui a refusé de comparaître, de manière à avoir la preuve qu'il a su ce qui s'était passé. Ainsi, il n'y aura pas là un vice quelconque !
Evidemment, vous pouvez vous montrer très sûr de vous et accuser les autres de chercher à gagner du temps. Mais, je vous en prie, admettez une seconde que nous cherchons à faire la loi la meilleure possible. Nous somes là pour cela ! Vous, le Gouvernement, vous proposez ; nous, le Parlement, nous disposons.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 196 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-90 du code de procédure pénale est donc ainsi rédigé.

ARTICLE 231-91 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Le texte proposé pour l'article 231-91 du code de procédure pénale a été supprimé par l'Assemblée nationale.

ARTICLE 231-92 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Par amendement n° 25, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-92 du code de procédure pénale :
« Lorsqu'à l'audience l'accusé trouble l'ordre de quelque manière que ce soit, il est fait application des dispositions de l'article 231-83-1. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement est simplement destiné à réparer une omission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 231-92 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 231-93 À 231-95
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Sur les textes proposés pour les articles 231-93 à 231-95 du code de procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je les mets aux voix.

(Ces textes sont adoptés.)

ARTICLE 231-96 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 197, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure pénale :
« La voie de l'opposition est ouverte au condamné qui n'a pas comparu. L'opposition s'exerce dans les cinq jours de la signification de l'arrêt faite à sa personne ou à son domicile. Le tribunal statue sur cette opposition. »
Par amendement n° 26, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure pénale : « L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais que M. le garde des sceaux ne nous en veuille pas d'avoir l'outrecuidance de ne pas accepter aveuglément la modification qu'il propose au système actuel.
L'article 231-96 du code de procédure pénale prévoit le cas dans lequel un témoin cité ne comparaît pas. Jusqu'à présent, le tribunal peut condamner le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse de prêter serment ou de faire sa déposition. Le témoin condamné a le droit de faire opposition et, s'il a, par exemple, simplement été retardé par un accident de la route, la cour relève immédiatement la condamnation. La procédure est simple. Devant la cour d'assises, c'est elle-même qui est juge de cette opposition.
Le tribunal qui nous est proposé va être permanent. Est-il normal de supprimer cette opposition - c'est ce que prévoit le texte du Gouvernement - pour la remplacer par un appel qui sera jugé par la cour d'appel ? Le tribunal a son siège dans le département, alors que la cour d'appel, souvent, se tient hors du département. Ainsi, le malheureux témoin qui sera arrivé en retard et qui aura été condamné ne pourra pas faire opposition immédiatement, il sera obligé de faire appel et de se déplacer devant des magistrats qui ne connaîtront pas le contexte de l'affaire et qui ne pourront pas savoir pourquoi il a été condamné de cette manière et pourquoi, éventuellement, il a refusé de témoigner.
Là encore, mes collègues et moi-même avons cherché des explications, mais nous n'en avons pas trouvée. Est-ce pour gagner du temps, monsieur le garde des sceaux, que vous supprimez cette opposition ? Ce n'est sûrement pas le témoin qui gagnera du temps.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 197.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. L'amendement n° 26 vise à confier à la chambre des affaires correctionnelles, et non à la chambre d'accusation, l'appel d'une condamnation à une contravention de cinquième classe à l'égard d'un témoin défaillant. Cela paraît plus naturel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 197. Elle a jugé préférable que le témoin défaillant puisse faire appel, plutôt qu'opposition, de la condamnation prononcée à son encontre. L'appel est, en effet, porté devant la chambre des appels correctionnels. En revanche, l'opposition alourdirait la tâche de la juridiction d'assises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 197 et 26 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 26. J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, dans mon intervention au cours de la discussion générale.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 197 pour les raisons que vient d'expliciter M. le rapporteur. En effet, cet amendement a pour objet de revenir purement et simplement à l'article 326 en vigueur actuellement. C'est exactement le même débat que celui que nous avons eu voilà quelques instants avec MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je comprends mieux ce qui se passe. Nous déposons des amendements qui nous paraissent de bon sens, voire de nature à rétablir quelque erreur. Nous sommes donc évidemment sidérés d'entendre le Gouvernement reconnaître que l'idée est bonne, puis s'y opposer.
M. le garde des sceaux aurait-il la conviction que nos amendements sont uniquement déposés pour l'ennuyer, pour gagner du temps, et donc lui en faire perdre ? Il a donc un préjugé défavorable sur nos amendements.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je ne suis pas aussi égocentrique et narcissique que d'autres, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Emmanuel Hamel. Que la paix soit avec vous ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'occurrence, je n'ai pas entendu d'explication. J'ai donné un exemple qui me semble tout de même parlant, celui du témoin qui arrive en retard, qui apprend qu'il est condamné et qui fait opposition immédiatement ; immédiatement, la cour relève la condamnation. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Demain, lorsqu'il arrivera, s'il apprend qu'il a été condamné, on lui dira qu'il peut faire appel. Le Gouvernement proposait que ce soit devant « la chambre d'appel de l'instruction », nom provisoire pour la chambre d'accusation, on se demande pourquoi. La commission considère qu'il est préférable d'aller devant la chambre des appels correctionnels ; le Gouvernement donne son accord, mais il ne dit pas pourquoi. Voilà un instant, il a dit : vous proposez de revenir au texte ancien, je ne suis pas d'accord. Mais il ne nous explique pas pour quelles raisons il propose de supprimer le système de l'opposition. C'est un mauvais service.
Nous en reparlerons en cours de la navette. L'Assemblée nationale sera éclairée sur un texte que, visiblement, elle a voté un peu rapidement. Il n'y aura donc pas de vote conforme au Sénat.
Vous ne voulez pas nous donner d'explication sur le fond. Vous ne voulez pas répondre à l'argumentation charpentée que nous nous efforçons, modestement, d'établir. Libre à vous ! Si telle est votre conception du débat parlementaire, ce n'est - excusez-nous de vous le dire - là non plus, pas la nôtre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-96 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Nous sommes parvenus à l'article 231-97 du code de procédure pénale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, j'avais levé la main pour demander la parole pour explication de vote sur l'amendement n° 26, mais vous ne m'avez pas vu, soit.
L'article 231-97 nécessitant un débat long et important, il ne me paraît pas possible de l'aborder maintenant. Aussi, je vous demande de bien vouloir renvoyer la discussion à la prochaine séance.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Non !
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Théoriquement, nous devions lever la séance à vingt et une heures.
Le débat se poursuit selon nos conditions de travail habituelles : sont présents dans cet hémicycle environ un quart des sénateurs qui siègent habituellement en commission lorsque nous examinons des textes de ce genre.
M. Pierre Fauchon. Ce sont les meilleurs ! (Sourires.)
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est une procédure contre laquelle je me suis quelquefois élevé, mais sans succès. J'en constate une fois de plus le résultat.
Cela étant dit, le débat en commission s'est déroulé dans une certaine sérénité. Aussi, je souhaiterais que nous puissions retrouver cette sérénité en séance publique.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. Demain, nous allons devoir aborder encore au moins deux problèmes extrêmement importants. Des solutions devront être trouvées. Le problème qui fait l'objet de l'amendement n° 198, sur lequel la commission n'a pas émis un avis favorable puiqu'elle présente l'amendement n° 283, est très important. Il s'agit, en quelque sorte, de modifier le démarrage de l'audience criminelle ou de l'audience en cour d'assises.
Le souci que nous avions eu, à travers ces dispositions, c'était de redonner un certain caractère contradictoire à ce démarrage de l'audience qui - tous ceux qui ont pratiqué les audiences criminelles le savent - a une très grande importance.
Or, monsieur le président, je ne crois pas que notre état de fraîcheur intellectuelle, si je puis m'exprimer ainsi, soit suffisant pour débattre avec la sérénité requise.
M. le président. J'ai bien noté votre souhait, monsieur Larché.
La commission doit se réunir demain matin à neuf heures et la séance publique est prévue à neuf heures trente. Ce délai d'une demi-heure est-il suffisant ? Ne devrions-nous pas fixer l'ouverture de la séance à dix heures ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Cela me parait judicieux, monsieur le président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, serait-il possible d'ouvrir la séance à neuf heures trente et d'interrompre nos travaux à onze heures, pour une raison très simple, que vous connaissez ? En effet, je dois présider la séance entre onze heures et douze heures - à midi le bureau du Sénat devant se réunir - ce qui m'empêchera de prendre part aux travaux du Sénat.
Au nom des « droits de la défense » (Sourires) , je vous prie d'accepter que la commission se réunisse, afin de poursuivre l'examen des amendements, soit à partir de onze heures trente, soit entre onze heures et midi.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le président, nous disposons d'un temps compté. je réunis la commission demain matin non pas aux aurores, mais à neuf heures, ce qui rompt avec les habitudes du Sénat.
Nous ne pouvons pas commencer nos travaux en séance publique à neuf heures trente, les suspendre à onze heures trente et les reprendre ensuite. Je prie notre collègue M. Dreyfuys-Schmidt de bien vouloir m'en excuser. Nous avons tous constaté combien il prend part à ce débat. Je comprends les exigences qui sont les siennes : il doit en effet présider la séance demain, en fin de matinée. Cependant, nous devons nous en tenir au schéma, déjà très tendu, que nous avons arrêté d'un commun accord.
Je rappelle simplement que nous étions « menacés » d'un certain nombre de séances de nuit. Grâce à la bienveillance de M. le président du Sénat, nous les avons évitées.
Nous devons tenir le rythme et nous nous efforçons de conduire le débat dans les meilleures conditions possibles.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le président, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles ce débat est organisé, après les décisions qui ont été prises par la conférence des présidents, hier.
Le Gouvernement avait souhaité que se tiennent trois séances de nuit : hier soir, ce soir, et éventuellement, demain soir. Par la bouche de M. Romani, ministre chargé des relations avec le Parlement, il a accédé aux demandes du président de la commission et du président de votre assemblée et a bien voulu que le débat soit organisé de la manière suivante : pas de séance de nuit hier, pas de séance de nuit ce soir, pas de séance de nuit demain, et deux nouvelles journées de débat les 16 et 17 avril, de manière à permettre au Sénat la discussion la plus complète et la plus détendue possible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Dans ces conditions, il me paraît au moins nécessaire de respecter ce que la conférence des présidents a décidé hier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il avait effectivement été décidé que, ce soir, nous travaillerions jusqu'à vingt et une heures. En revanche, cela n'avait pas été prévu pour hier soir, et pourtant ce fut le cas.
Ce texte ne sera applicable que dans deux ans ! Deux journées de discussion sont encore prévues. Nous ne sommes sans doute pas à une ou deux heures de débat près en ce moment. Je voudrais tout de même rappeler, monsieur le garde des sceaux, que vous avez déjà gagné du temps hier soir, ou ce matin, en ne répondant pas, contrairement à l'habitude, aux orateurs qui s'étaient exprimés dans la discussion générale.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 291, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 285, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu, en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 287 et distribuée.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Henri Revol un rapport supplémentaire fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur :
- la proposition de résolution (n° 211, 1996-1997) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Jacques Oudin sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211) ;
- et la proposition de résolution (n° 237, 1996-1997), présentée en application de l'article 73 bis du règlement par MM. Claude Billard, Félix Leyzour, Louis Minetti, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Hélène Luc, MM. Paul Loridant, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar sur la proposition de directive du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (n° E-211).
Le rapport supplémentaire sera imprimé sous le numéro 286 et distribué.
J'ai reçu de M. Marcel Deneux un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale (n° 224, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 288 et distribué.
J'ai reçu de Mme Lucette Michaux-Chevry un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur :
- le projet de loi autorisant la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes) (n° 187, 1996-1997) ;
- et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique (n° 188, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 289 et distribué.

11

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. Xavier de Villepin, Jean-Luc Bécart, Didier Borotra, André Boyer, Maurice Lombard et André Rouvière un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée en Australie et en Nouvelle-Zélande du 7 au 16 février 1997.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 290 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au jeudi 27 mars 1997, à dix heures et à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 192, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle.
Rapport (n° 275, 1996-1997) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON






NOMINATION DE RAPPORTEURS COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 279 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres).
Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 280 (1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euroméditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc, d'autre part.

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 278 (1996-1997) portant diverses dispositions relatives à la justice.
M. Luc Dejoie a été nommé rapporteur du projet de loi n° 281 (1996-1997) modifiant le code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
M. Jean-Pierre Schosteck a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 195 (1996-1997) de M. Louis Souvet et plusieurs de ses collègues, visant à permettre une exploitation rapide et systématiques des brevets d'invention dans les bassins d'emplois.
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 260 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
M. Lucien Lanier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 261 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fiscalité applicable en Polynésie française.
M. Pierre Fauchon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 284 (1996-1997) de M. Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mercredi 26 mars 1997


SCRUTIN (n° 119)



sur l'ensemble du projet de loi, portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire (vote unique en application de l'article 42, alinéa 12, du Réglement).

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 219
Contre : 96

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre : 15.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :

Pour : 14.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert-Paul Vigouroux.
Abstention : 1. _ M. Georges Othily.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :

Pour : 94.

GROUPE SOCIALISTE (76) :

Contre : 75.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Claude Pradille.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :

Pour : 59.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. René Monory, président du Sénat.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :

Pour : 44.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :

Pour : 8.
Abstention : 1. _ M. Philippe Darniche.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Vergès.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy


Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Philippe Darniche et Georges Othily.

N'ont pas pris part au vote


MM. Claude Pradille et Paul Vergès.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.