SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Mission d'information
(p.
1
).
3.
Diverses dispositions relatives à l'immigration. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
MM. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Guy Allouche.
Exception d'irrecevabilité (p. 3 )
Motion n° 1 de M. Allouche. - MM. Jean-Luc Mélenchon, Paul Masson, rapporteur de la commission des lois ; Mme Joëlle Dusseau, MM. Robert Badinter, Josselin de Rohan. - Rejet par scrutin public.
Question préalable (p. 4 )
Motion n° 2 de Mme Luc. - MM. Jack Ralite, le rapporteur. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission (p. 5 )
Motion n° 46 de M. Allouche. - Mme Monique ben Guiga, M. Jacques Larché, président de la commission des lois. - Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 6 )
Amendements n°s 152 à 155 de M. Pagès. - MM. Robert Pagès, le rapporteur, Christian Bonnet, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart. - Rejet, par scrutins publics, des amendements n°s 152 et 153 ; rejet des amendements n°s 154 et 155.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
4.
Rappel au règlement
(p.
8
).
MM. Jack Ralite, le président, Michel Caldaguès.
5.
Diverses dispositions relatives à l'immigration. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
9
).
Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 10 )
Amendements n°s 156 à 161 de M. Pagès. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Christian Bonnet, Robert Pagès, Ivan Renar, Claude Billard. - Rejet des amendements n°s 156 à 158, 160 et 161 et, par scrutin public, de l'amendement n° 159.
Article 1er (p. 11 )
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Plasait, Jack Ralite, Germain Authié,
Robert Badinter, Mme Monique ben Guiga, MM. Jean-Louis Debré, ministre de
l'intérieur ; Paul Masson, rapporteur de la commission des lois.
Amendements identiques n°s 60 de M. Pagès, 100 de M. Allouche et 194 de Mme
Dusseau ; amendements n°s 82 de M. Plasait et 38 de M. Caldaguès ; amendements
identiques n°s 101 de M. Allouche et 162 de M. Pagès ; amendements n°s 83 à 89
de M. Plasait, 9 de la commission et sous-amendement n° 51 rectifié du
Gouvernement ; amendements n°s 39 à 41 de M. Caldaguès, 163, 164 de M. Pagès,
102 à 106 de M. Allouche et 10 de la commission ; amendements identiques n°s
107 de M. Allouche et 165 de M. Pagès ; amendements n°s 90, 91 de M. Plasait et
108 de M. Allouche. - Mme Nicole Borvo, M. Robert Badinter, Mme Joëlle Dusseau,
MM. Bernard Plasait, Michel Caldaguès, Guy Allouche, Robert Pagès, le
rapporteur, le ministre, Ivan Renar, Claude Billard. - Retrait de l'amendement
n° 102.
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
6.
Rappels au règlement
(p.
13
).
MM. Josselin de Rohan, le président.
MM. Robert Pagès, le président.
7.
Modification de l'ordre du jour
(p.
14
).
8.
Diverses dispositions relatives à l'immigration. -
Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
15
).
Article 1er (suite) (p. 16 )
Demande de priorité de l'amendement n° 9. - MM. Paul Masson, rapporteur de la
commission des lois ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. - La priorité
est ordonnée.
MM. le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Caldaguès,
Jean-Luc Mélenchon, Guy Allouche, Mmes Monique ben Guiga, Joëlle Dusseau, MM.
Bernard Plasait, Michel Rufin, Robert-Paul Vigouroux, Dominique Braye, Guy
Cabanel. - Retrait du sous-amendement n° 51 rectifié et des amendements n°s 38
à 41 et 82 à 91 ; adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 9, les
amendements n°s 60, 100, 194, 101 et 162 devenant sans objet.
MM. le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Luc Mélenchon,
Jacques Mahéas, Guy Allouche, Alain Richard, Robert Pagès, Robert Badinter. -
Rejet des amendements n°s 163, 104 à 106 et 164 ; adoption de l'amendement n°
10, l'amendement n° 103 étant devenu sans objet.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
Mme Monique ben Guiga, M. Jacques Mahéas, Mme Joëlle Dusseau, M. le ministre. -
Rejet des amendements n°s 107, 165 et 108.
MM. Michel Caldaguès, Claude Estier, Michel Rocard, Jacques Mahéas, Jean-Luc
Mélenchon, Guy Cabanel, Emmanuel Hamel, Robert Badinter.
Adoption de l'article modifié.
9.
Dépôt d'un rapport en application d'une loi
(p.
17
).
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
10. Diverses dispositions relatives à l'immigration. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 19 ).
Article additionnel après l'article 1er (p. 20 )
Amendement n° 109 de M. Allouche. - Mme Monique ben Guiga, MM. Paul Masson, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur ; Jean-Luc Mélenchon, Michel Dreyfus-Schmidt, Guy Allouche, Patrice Gélard. - Rejet.
Demande de réserve (p. 21 )
Demande de réserve de l'article 2. - MM. le rapporteur, le ministre. - La réserve est ordonnée.
Article 3 (p. 22 )
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Caldaguès, Robert Pagès, le ministre.
Amendements identiques n°s 62 de M. Pagès, 111 de M. Allouche et 196 de Mme
Dusseau. - MM. Guy Fischer, Guy Allouche, Mme Joëlle Dusseau, MM. le
rapporteur, le ministre, Jean-Luc Mélenchon, Patrice Gélard, Michel
Dreyfus-Schmidt. - Rejet des trois amendements.
Article 8-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (p. 23 )
Amendements identiques n°s 112 de M. Allouche et 166 de M. Pagès ; amendements
n°s 113 de M. Allouche, 11 de la commission et 167 de M. Pagès. - Mme Monique
ben Guiga, MM. Ivan Renar, Guy Allouche, le ministre, le rapporteur, Robert
Pagès, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Luc Mélenchon. - Rejet des amendements n°s
112, 166, 113 et 167 ; adoption de l'amendement n° 11.
Adoption de l'article de l'ordonnance, modifié.
Article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (p. 24 )
Amendements identiques n°s 114 de M. Allouche et 168 de M. Pagès ; amendements
n°s 42, 43 de M. Caldaguès, 115 à 117 de M. Allouche et 12 de la commission. -
MM. Guy Allouche, Guy Fischer, Michel Caldaguès, Michel Dreyfus-Schmidt,
Jean-Jacques Hyest, le ministre, le rapporteur, Lucien Lanier, Alain Vasselle.
- Retrait de l'amendement n° 43 ; rejet des amendements n°s 114, 168, 42 et 115
à 117 ; adoption de l'amendement n° 12.
Adoption de l'article de l'ordonnance, modifié.
Article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 (p. 25 )
Amendements n°s 169 de M. Pagès, 7 rectifié de M. Hyest, 118 de M. Allouche, 13
rectifié, 14 rectifié de la commission et 50 du Gouvernement. - MM. Robert
Pagès, Jean-Jacques Hyest, Guy Allouche, le rapporteur, le ministre, Michel
Dreyfus-Schmidt, Mme Joëlle Dusseau. - Retrait des amendements n°s 7 rectifié
et 118 ; rejet de l'amendement n° 169 ; adoption des amendements n°s 13
rectifié et 14 rectifié, l'amendement n° 50 devenant sans objet.
Adoption de l'article de l'ordonnance, modifié.
Adoption de l'article 3 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
26
).
12.
Dépôt de propositions d'acte communautaire
(p.
27
).
13.
Dépôt de rapports
(p.
28
).
14.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISSION D'INFORMATION
M. le président.
L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande présentée par la commission des
lois tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission
d'information en Guadeloupe, et plus particulièrement à Saint-Barthélemy et à
Saint-Martin, pour étudier le régime juridique applicable dans ces deux
îles.
Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat au cours de sa séance du
mardi 4 février 1997.
Je vais consulter sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, la commission des lois est autorisée, en application de
l'article 21 du règlement, à désigner cette mission d'information.
3
DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 165,
1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions
relatives à l'immigration [rapport n° 200 (1996-1997)].
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, après avoir salué hier le travail du rapporteur, M. Masson, je
voudrais dire aujourd'hui combien j'ai apprécié, et le Sénat aussi je pense,
l'exposé qu'il a fait hier. Je voudrais l'en remercier très sincèrement. Il a
excellemment montré la difficulté de ce dossier et souligné le caractère
paradoxal d'un perpétuel combat pour conjurer, dans notre droit, les risques
tout à la fois de la passivité et de la maladresse.
Ma reconnaissance va aussi à l'endroit de M. Jacques Larché, président de la
commission des lois. J'ai bien noté son souci, que je partage, d'améliorer la
qualité juridique des textes sur l'immigration, grâce à l'Office d'évaluation
des législations récemment institué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d'entre vous ont affirmé, je crois
un peu trop rapidement - mais étaient-ils tous de bonne foi ? - que les lois de
1993 n'étaient pas efficaces et qu'elles étaient donc inutiles, qu'ils avaient
naturellement eu raison de s'y opposer et qu'il fallait aujourd'hui les
supprimer... Refrain connu, devenu une véritable rengaine et même une
authentique litanie depuis cet été de la part de ceux qui avaient occupé une
église à Paris.
(Murmures sur les travées socialistes.)
Je remercie MM. Ceccaldi-Raynaud, Demuynck et Gruillot d'avoir, avec
talent, démontré le mensonge que comportait cette affirmation.
M. Jacques Mahéas.
Surtout M. Demuynck !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Il est vrai qu'à défaut de proposer quelque
chose il faut suggérer de supprimer la législation de 1993.
Au doute sur l'efficacité de cette législation que veulent distiller certains
dans l'opposition, je voudrais simplement opposer certains chiffres. En 1996,
44 043 mesures d'éloignement du territoire ont été prononcées contre des
étrangers et 14 701 ont été exécutées, soit, avec les réadmissions, 25 % de
plus que l'année précédente, sans compter les non-admissions à la frontière,
qui sont de l'ordre de 50 000.
Les expulsions d'étrangers pour menaces graves à l'ordre public sont également
en hausse de 14 %.
Le taux d'exécution de l'ensemble des mesures d'éloignement a progressé en
deux ans de 20 à 28 % et, si l'on enlève les mesures notifiées par voie
postale, ce taux s'établit à 43 %.
En ce qui concerne le regroupement familial, qui demeure la principale source
d'immigration régulière de ressortissants de pays tiers de l'Union européenne,
le nombre de personnes concernées a été réduit de 32 465 en 1993...
Mme Monique ben Guiga.
On réduit l'immigration régulière !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... à 13 500 environ en 1996, ce qui montre que
le respect des conditions légales est scrupuleusement vérifié et que sont
désormais évités les regroupements mal préparés.
S'agissant des entrées régulières en vue d'obtenir un titre de séjour de plus
d'un an, leur nombre a baissé de près de 9 % entre 1994 et 1995, pour s'établir
à 78 777. Cela témoigne d'une véritable maîtrise, sans pour autant nier la
légitimité d'un flux régulier d'immigrants légaux respectant nos lois.
Cela démontre aussi que les lois de 1993, quand on a la volonté de les
appliquer, sont efficaces.
Cela met enfin clairement en évidence que ceux qui affirment le contraire
travestissent la réalité et maquillent la vérité.
Ce qui est vrai, c'est que l'application de ces lois peut et doit être
améliorée. Des imperfections ont été décelées, qui en limitent les effets.
C'est justement cette application imparfaite, ces imperfections évidentes que,
par ce projet de loi, le Gouvernement veut corriger pour mieux conforter
l'édifice législatif.
J'ajoute que cette critique d'inefficacité des lois de 1993 venant de la
gauche est particulièrement surprenante, car la gauche n'a eu de cesse, sitôt
revenue aux affaires, d'ouvrir les portes à l'immigration.
M. Jacques Mahéas.
Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est faux !
M. Bernard Barbier.
La vérité vous fait mal !
M. Jean Chérioux.
Vous n'avez pas le courage de vos opinions !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ainsi, la loi du 29 octobre 1981 puis celle du 2
août 1982 ont marqué, parmi d'autres initiatives des gouvernements socialistes,
le sacrifice de l'ordre public et de la cohésion sociale en France au profit
d'une conception doctrinale.
Cette conception s'inspirait de la clientèle électorale, celle-là même que
l'on voit ajourd'hui soutenir ici ceux qui bafouent la loi ou demandent la
régularisation générale, c'est-à-dire la négation même du droit.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Christian Bonnet a exprimé avec clarté et lucidité, fruit de son
expérience ministérielle, les obstacles dressés sur la route de ceux qui
veulent simplement faire appliquer la loi.
J'indique à M. Othily mon intention de traiter à bref délai et spécifiquement
la question de l'immigration clandestine en Guyane où, comme à Mayotte, il faut
peut-être imaginer des réponses particulières.
Hier avocat au barreau de Paris demandant avec talent l'application de la loi
et veillant au respect des principes fixés par le législateur, ancien garde des
sceaux, et comme tel gardien de la loi, ancien président du Conseil
constitutionnel et aujourd'hui législateur, vous acceptez, monsieur Badinter,
que la loi soit aujourd'hui imparfaitement appliquée et que 28 % seulement des
étrangers en situation irrégulière puissent être effectivement reconduits à la
frontière.
Vous, monsieur Badinter, aujourd'hui législateur, vous soutenez des
agissements qui militent soit pour l'application de la loi, soit pour exiger sa
modification. Mais, monsieur le sénateur, qui, aujourd'hui, est législateur ?
Vous ou eux ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations
sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Guy Penne.
C'est nul !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est scandaleux, monsieur le ministre.
M. Jacques Mahéas.
C'est minable !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Comment pourrais-je partager votre attitude ?
Pour moi, républicain, la République repose d'abord sur le respect de la
loi.
Toute législation, pour être respectée, doit être simple, lisible, elle doit
reposer sur un équilibre entre la défense des libertés individuelles et la
capacité de l'Etat à se prémunir contre ceux qui contestent son autorité.
Cet équilibre, M. Masson l'a fort justement démontré, n'est pas aujourd'hui
réalisé : procédures inapplicables du fait de leur complexité - on a même le
sentiment que certains ont imaginé cette complexité pour rendre la loi
inapplicable - impossibilité pour l'Etat de faire totalement respecter la loi !
Je ne peux pas l'accepter, en tant que républicain.
Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, a uniquement pour objet
de rendre à la loi de la République toute son autorité, toute sa légitimité, en
dépit des uns et des autres, en dépit du combat des uns et des autres.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mystification !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Y a-t-il atteinte aux libertés publiques...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur
... lorsque l'on cherche simplement à lutter
contre ceux qui fraudent, contre ceux qui trichent et, finalement, contre ceux
qui méprisent le législateur ? Je vous pose la question !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il est vrai, je l'ai dit et répété, que la France a toujours été une
terre d'accueil.
Mme Joëlle Dusseau.
De moins en moins !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
La France républicaine s'est construite, au fil
des années, grâce à l'apport d'hommes et de femmes d'origines, de convictions,
de religions, de couleur de peau différentes. Elle a su faire respecter la loi.
Oui, l'immigration régulière a toujours été une chance pour la France.
M. Serge Vinçon.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Mais l'immigration a changé de nature par
rapport à celle qui a marqué notre histoire : nous sommes passés d'une
immigration de travailleurs à une immigration d'ayants droit.
(Très bien ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes.)
La vision de M. Badinter et de ses amis socialistes est une vision certes
sympathique, mais quelque peu passée et dépassée et qui ne correspond plus à la
réalité.
(Nouvelles exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pas du tout, c'est un mensonge !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Comment ne voyez-vous pas que les choses
changent, alors que la mondialisation, les formidables facilités de
communication, le tragique fossé entre certaines régions du globe et la nôtre
conduisent à bouleverser le rapport de forces contre les sociétés et les
nations ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un fantasme !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Comment ne voyez-vous pas dans ce déséquilibre
la source et la relance d'un racisme et d'une xénophobie dont nous ne savons
pas où elles nous conduiraient.
C'est cela notre différence et c'est pour cela que je veux faire respecter le
droit dans notre pays.
Les droits de l'homme, mesdames, messieurs les sénateurs, n'ont jamais
comporté le droit de violer la loi et le droit de s'installer par-delà les
frontières au mépris de tous les règlements, de toutes les lois.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je voudrais maintenant dire à M. Michel Caldaguès ainsi qu'à M. Serge
Mathieu que je les ai écoutés avec beaucoup d'intérêt et que je partage bien
des points de leur analyse pertinente. Je les remercie de m'avoir assuré de
leur soutien et de m'avoir prodigué leurs encouragements, m'incitant à
poursuivre mon action pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière.
Je souhaite également remercier M. Marquès de son excellente intervention,
nourrie d'expériences concrètes. Je lui suis reconnaissant d'avoir rendu
hommage aux fonctionnaires de la police nationale, notamment à ceux de la
direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi
des clandestins des Pyrénées-Orientales.
Certains orateurs de l'opposition m'ont dit en sub-stance : « Avec cette loi,
vous allez multiplier les situations de précarité pour les étrangers qui
résident en France. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
Mme Monique ben Guiga.
C'est certain !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Sauf s'ils ne pensent pas ce qu'ils affirment,
ce que j'ai du mal à croire pour certains, en tout cas pour M. Rocard, j'avoue
que je ne les comprends pas.
M. Jacques Mahéas.
On ne joue pas dans la même cour !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Encore une fois, rien dans ce texte ne vient
affecter la situation des étrangers en situation régulière...
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... qui respectent nos lois. Bien au contraire,
la clarification qui est opérée, la volonté marquée du Gouvernement de lutter
contre l'immigration irrégulière doivent servir de gage à l'intégration des
étrangers en situation régulière.
Quant à ceux qui sont en situation irrégulière, que le texte renforce la
précarité de leur séjour en France, c'est évident, je dirai même que c'est ma
volonté, et je l'assume totalement, ...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... car je veux obtenir leur départ.
M. Alain Gournac.
C'est ça, le courage !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Pour ceux qui étaient en situation régulière,
mais dont le titre de séjour n'a pas été renouvelé, on peut tout simplement se
trouver devant un cas de remise en cause pour motif d'ordre public.
Je le répète : ce n'est pas le fait du Gouvernement ou de la loi, mais cela
tient vraiment à l'attitude de l'étranger lui-même lorsqu'il trouble l'ordre
public.
Pensez-vous qu'il soit légitime de garantir une sérénité totale à l'étranger
qui trouble l'ordre public ? Pensez-vous que, s'il est condamné pour vol,
trafic de stupéfiants, escroquerie, il ne faille pas rendre sa situation en
France intenable pour qu'il s'en aille ? Ma réponse est oui !
Je pense qu'il n'y a pas de droits acquis au séjour en France pour les
étrangers qui ne respectent pas nos lois. Cette forme de précarité, mesdames,
messieurs les sénateurs, oui, je l'assume parfaitement !
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je remercie M. Gruillot du soutien qu'il apporte au projet de loi et à la
démarche du Gouvernement en matière migratoire. Il a raison de souligner que
nous devons, dans un même mouvement, renforcer la lutte contre l'immigration
irrégulière et notre politique d'aide aux pays en voie de développement.
Telle est bien notre politique, comme l'a illustré récemment la relance de
notre action dans la région de Kayes, au Mali.
Je remercie également M. Michel Rufin, qui a relevé à juste titre l'effet
considérable des reconduites groupées. Le message délivré aux candidats à
l'immigration irrégulière se traduit toujours par une mise en échec des
filières. C'est ce que nous avons vérifié, en particulier pour la Roumanie. Il
faut garder ces réalités présentes à l'esprit.
M. Hyest a eu raison de souligner la logique du projet gouvernemental et
d'avoir illustré l'équilibre qui l'inspire. Je rejoins aussi M. Diligent dans
son propos sur la nécessité d'une convergence européenne des politiques
migratoires.
De plus en plus, en effet, nous devons prendre en considération la dimension
européenne et internationale de ces questions et être en harmonie avec nos
voisins de l'Union européenne et en coopération avec les Etats des pays
d'origine de l'immigration, aussi bien pour la réadmission de leurs nationaux
en situation irrégulière que pour conforter leur développement interne.
A ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi des dispositions
jugées bonnes pour tous les Etats européens, notamment sur la durée de
rétention, seraient-elles catastrophiques en France ? Pourquoi ne
porteraient-elles pas atteinte aux libertés en Grande-Bretagne, en Espagne, aux
Pays-Bas tandis qu'elles seraient une violation manifeste des droits de l'homme
en France ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Justement parce que c'est la France !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Pourquoi ceux qui militent pour un espace
judiciaire européen, pour un rapprochement des législations européennes, pour
une harmonisation juridique persistent-ils à vouloir éloigner la France de la
même législation que nos partenaires ?
Cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière a une cohérence,
elle se rapproche de celle de nos partenaires européens dans la nécessité
d'avoir cet espace judiciaire européen.
Cette politique de lutte contre l'immigration irrégulière, M. Demuynck a
raison de la souligner, doit être accompagnée par un renforcement des moyens
budgétaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai entendu bien des orateurs, notamment
MM. Gournac et Plasait, évoquer la République et la nation. Comme ils ont
raison.
La nation, affirmait Renan, dans une célèbre conférence à la Sorbonne : «
C'est un rêve d'avenir partagé. » Se démarquant ainsi de la conception
maurrassienne ou barrésienne de la nation, il montrait que la nation repose sur
« un plébiscite de tous les jours », que c'est une adhésion quotidienne,
permanente à un destin que l'on a comme ambition de forger ensemble.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
Oui, c'est vrai !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Pour construire, pour conforter et pour vivifier
ce destin commun, peu importe l'origine, la couleur de la peau, peu importe la
religion des individus, l'essentiel, c'est l'adhésion à un certain nombre de
valeurs, au premier rang desquelles figurent le respect de la démocratie et des
lois de la République.
Nier ou minimiser cette adhésion, nier ou minimiser ce respect, ce n'est pas
partager simplement la même communauté de destin, c'est faire croire, c'est
faire semblant, c'est semer l'illusion pour mieux profiter d'une situation.
Les étrangers - encore une fois, peu importe leur origine, peu importe la
couleur de leur peau, peu importe leur religion - qui, dans le passé - regardez
notre histoire ! - ont contribué à construire la France réclamaient parfois le
droit à une certaine différence. Celle-ci ne remettait pas en cause leur
adhésion nationale. Or je constate aujourd'hui, hélas ! que certains étrangers,
ceux qui manifestent et crient parfois leur hostilité aux lois de la République
votées par les représentants de la nation, exigent non plus une certaine
différence, mais une différence de droits. On ne peut plus les suivre dans
cette voie sauf à remettre en cause l'unité de la nation.
La différence de droits, et non plus seulement le droit à une certaine
différence, est le premier signe d'un recul sur la voie de l'assimilation à la
communauté nationale des étrangers en situation régulière.
Et moi, en luttant contre l'immigration irrégulière, je veux que la France
reste fidèle à sa tradition, je veux que la France continue à assimiler, à
intégrer les étrangers en situation régulière.
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je souhaiterais faire une mise au point sur une remarque que m'a adressée hier
M. le ministre.
Monsieur le ministre, j'ai mis en cause vos services lorsque j'ai évoqué ce
qui s'est passé l'été dernier à l'église Saint-Bernard. J'ai dit textuellement
: « Des enfants, des femmes et des hommes ont été indignement traités ». J'ai
fait allusion à des faits que des millions de Français, que dis-je ? des
millions d'êtres humains ont pu voir, puisque la grande chaîne d'information
américaine a diffusé ces images à travers le monde.
M. Jean Chérioux.
C'était une mise en scène, une exploitation de ces pauvres malheureux !
M. Alain Gournac.
Avec des acteurs de premier plan !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Paranoïaques !
M. Guy Allouche.
Je faisais donc allusion à cette situation, et c'est uniquement de cela que je
parlais. Je n'ai pas mis en cause les services de police.
M. Christian Bonnet.
Il ne manquerait plus que cela !
M. Jean Chérioux.
Pour un parlementaire, ce ne serait pas très convenable !
M. Guy Allouche.
Monsieur Bonnet, j'apprécie votre remarque ; vous ne m'avez jamais entendu
mettre en cause les services de gendarmerie ou de police dans aucun domaine.
M. Michel Rufin.
Il veut se justifier !
M. Alain Gournac.
Il se raccroche aux branches !
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire à mon tour que je n'accepte
pas que vous puissiez penser que j'ai mis en cause l'ensemble des services de
police ou de gendarmerie.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par MM. Allouche, Autain, Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Delanoé, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, M.
Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Richard, Rocard et les membres du groupe
socialiste et apparentés, et tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare
irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant
diverses dispositions relatives à l'immigration (n° 165, 1996-1997). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, le
président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le
Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée
n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Mélenchon, auteur de la motion.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Le ton que vous avez employé, monsieur le ministre, pour nous répondre, et
singulièrement pour répondre à M. Badinter, nous ramène sur le terrain de la
rudesse. Vous allez nous y trouver.
L'immigration, cette respiration naturelle de la communauté humaine
universelle et aussi ancienne qu'elle, l'immigration, dans notre pays, a cessé
d'être un fait pour devenir un enjeu. Et quel enjeu !
Que cela nous plaise ou non - et cela ne me plaît pas - l'immigration est
devenue le miroir des doutes, des peurs et des cruautés que ces sentiments
engendrent toujours dans la vie en société comme dans la vie privée. La pauvre
figure de l'immigré devient celle du bouc émissaire de toutes les
frustrations.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Et pourtant, monsieur le ministre, le fait migratoire, en ce qui concerne
la France, n'a rien de nouveau, ni dans ses manifestations, ni dans ses
proportions. Il est constant, à tous égards, depuis que la France est la
France.
M. Alain Gournac.
Les temps changent !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais voilà, la xénophobie monte, le racisme s'assume et s'affiche.
M. Jean Chérioux.
La faute à qui ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Dans le champ politique, l'un et l'autre veulent faire norme. Enfin, mes chers
collègues, vous ne reconnaissez pas les stigmates de l'histoire ?
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Hier, l'un de nos collègues, le président de la commission des lois,
Jacques Larché, s'est indigné des rapprochements que les orateurs socialistes
faisaient.
M. Serge Vinçon.
Il avait raison !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il témoignait avec émotion de son engagement républicain et du prix qu'il a
payé de bon coeur en son temps. Je veux témoigner du respect que ces sentiments
m'inspirent.
De notre côté, il y a aussi assez d'hommes et de femmes qui ont partagé ces
épreuves, dans le courage et dans l'honneur, pour que ma génération ait pu
apprendre de vive voix ce que les récits des livres d'histoire lui
enseignaient.
Mais, justement, c'est de ces témoignages et de ceux qui les portent que je
veux me réclamer en cet instant.
Quoi ? Vous ne reconnaissez pas les stigmates de l'histoire ? Et vous, mes
chers collègues, et vous, monsieur le président Jacques Larché, vous devriez
être pour nous les premières sentinelles quand le ressac s'annonce !
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Vous, mieux que d'autres, savez que, si la France est capable du
meilleur, elle est aussi capable du pire. Elle est capable d'être tout à la
fois la France de Londres et d'Alger, qui résiste ici et partout sur le
territoire national,...
M. Alain Gournac.
Ça c'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... et elle est aussi capable d'avoir le record d'Europe des dénonciations
dans les
kommandantur.
Il en est de la vie des peuples comme de celle des individus. Quand le
sol des certitudes se dérobe, c'est au principe qu'il faut s'attacher ! La
France vaincra sa part maudite, une fois de plus, par la République et la
défense intraitable de son identité nationale, qui est contenue tout entière et
exclusivement par la République. Ce n'est pas ce que vous faites !
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
Quoi que vous en ayez dit, ce texte n'est pas un texte technique. Il
prend place, quoi que vous nous en disiez - mais le naturel revient vite au
galop - dans une stratégie politicienne aussi dangereuse que vaine, qui vise à
reprendre au parti xénophobe le monopole des fantasmes dont il se nourrit.
M. Roland Courteau.
Parfaitement !
M. Jean-Luc Mélenchon.
En agissant comme vous le faites, vous légitimez, jour après jour, des
obsessions qui empêchent de traiter sérieusement les problèmes réels qui se
posent à la France dans son rapport au monde et à elle-même.
M. Jean Chérioux.
Vous les avez provoquées souvent !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Que vous le vouliez ou non - mais certains des vôtres, tels que je les ai
entendus à l'Assemblée nationale, le veulent - vous êtes dans le rôle des
petits fourriers des bataillons bruns de Marignane, Toulon, Orange.
M. Jean Chérioux.
Restons au Sénat !
M. Jean-Luc Mélenchon.
N'est-ce pas aussi pour vous le moment d'un examen de conscience après vos
résultats électoraux à Vitrolles ?
(Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Henri de Raincourt.
Et vous ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le candidat sortant était un socialiste !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comme elle tombe mal pour vous cette discussion ! Elle sanctionne la faillite
d'une stratégie : qui sème du sécuritaire récolte exclusivement du fascisme.
Car c'est vous qui donnez force de loi aux délires maladifs des purificateurs
ethniques en herbe - et l'herbe est déjà bien haute - qui, pour notre honte
collective devant le monde, menacent toujours plus directement l'identité
républicaine de la France.
Le déroulement même de la discussion parlementaire en a apporté la
démonstration. Vous prétendiez remédier aux impasses juridiques et humaines qui
résultaient des lois dites « Pasqua » après le mouvement des sans-papiers. Vous
avez été débordés et emportés par des éléments de votre majorité dont on ne
peut plus discerner s'ils sont la copie ou l'original de ce qu'il y a de pire
dans notre démocratie. Ah ! les beaux mouvements de menton, ah ! les bravoures
de tribunes !...
M. Jean Chérioux.
Vous êtes spécialiste, vous connaissez bien cela !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais laissez-moi vous dire que ces comportements nous donnent surtout le
sentiment de compenser en hargne contre l'étranger le plus malheureux tout ce
qui a été cédé devant l'étranger autrement plus puissant lorsqu'il s'appelle
Daewoo ou qu'il dirige l'OTAN.
Dans cette dérive, des principes constitutionnels essentiels sont mis à mal.
On voit à présent défié un droit que l'on croyait inexpugnable : le droit à une
vie privée, la vie de famille, protégée des inquisitions administratives - qui,
d'habitude, vous font pousser de grands cris - et, à tout le moins, du pouvoir
discrétionnaire d'un tiers non concerné.
A quel cerveau dérangé doit-on cette idée répugnante qui conduit à créer des
fichiers d'hébergeants ? Le mot « hébergeant », peut-être, dans l'apparente
neutralité du vocabulaire des nomenclatures, vous protège ici de la réalité
humaine, terriblement humaine.
L'étranger, que vous traitez en suspect permanent, le voici, souvent entassé,
précarisé, paupérisé, jusqu'à l'insupportable pour lui et pour les autres,
entassés, précarisés, paupérisés, quelles que soient la couleur de leur peau ou
leur nationalité, dans nos quartiers, en particulier dans celui dans lequel je
vis.
Mais, la vie étant ce qu'elle est, en dépit des règlements et des idéologies,
« l'étranger » l'est de moins en moins. En tout cas bien moins qu'on peut le
croire dans les bureaux ! Son fils est déjà notre gendre, sa fille notre bru,
ses petits-enfants les nôtres aussi. Je sais que, pour certains, c'est bien là
le problème... Nous sommes le peuple qui détient le record du monde des
mariages mixtes.
M. Alain Gournac.
Hé bien ! tant mieux. On n'a jamais été contre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Au demeurant, quand il n'en est pas ainsi, notre code de la nationalité -
surtout depuis que vous l'avez retouché - mélange dans une même famille les
cartes d'identité.
Ainsi, dans une fratrie issue de l'immigration, le cadet, par exemple, est
Français. Et il a la même grand-mère, au bled, que l'aîné qui, lui, est
étranger.
M. Alain Gournac.
Le donneur de leçons !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ils préparent ensemble la fête pour la recevoir.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, la grand-mère d'Oran, l'oncle de
Constantine n'ont pas fini d'être un problème pour vous. De Dunkerque à
Tamanrasset, messieurs les gaullistes
(Exclamations sur les travées du RPR),
n'avons-nous pas fini par gagner
le droit de vivre en paix et de nous aimer en famille, tranquillement, sans que
s'en mêlent ici comme là-bas les visiteurs inopinés, contrôleurs d'identité et
vérificateurs de liens familiaux ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
J'estime d'ailleurs que ces visites « inopinées », en France,
contreviennent aux conclusions du Conseil constitutionnel du 29 décembre 1983
concernant les perquisitions fiscales.
Reste que, pour ma part, j'estime que le respect dû aux personnes, quelle que
soit leur nationalité, leur droit à une vie de famille, libre d'autorisation
discrétionnaire, devrait conduire à proposer des lois protectrices. Ce n'est
pas votre ligne d'action quoi que vous en disiez. Mais, en l'occurrence, vous
avez franchi un pas de plus contre ce droit. Il faut rappeler ici avec force,
comme je viens de le montrer, que c'est bien dans nos familles, parmi des
Français, que vos délires vont opérer leurs ségrégations.
(Mais non ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Alain Gournac.
C'est lui qui délire !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et cela non pour quelques cas, mais pour des milliers de cas que vous allez
abandonner à l'arbitraire des maires et de leurs administrations communales.
D'ailleurs, ceux-ci vous ont déjà dit, toutes tendances confondues, qu'ils ne
voulaient pas de ce pouvoir vénéneux. J'ai dit vénéneux. A Toulon, Orange et
Marignane, comment doit-on dire quand il s'agit de faire des déclarations pour
former des fichiers d'hébergeants auprès de maires Front national ?
M. Josselin de Rohan.
C'est du mauvais cinéma !
M. Jean-Luc Mélenchon.
En faisant de surcroît une obligation au maire de contrôler, à chaque nouvelle
demande, que la précédente n'a pas donné lieu à « détournement de procédure » -
notion floue - vous instituez de fait l'obligation de créer un fichier des
hébergeants.
M. Bernard Barbier.
C'est bien !
M. Alain Gournac.
C'est normal !
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'oppose, ici, l'avis du Conseil constitutionnel rendu le 13 août 1993 à
propos de tels fichiers.
Et comme, dans cette procédure, les visites de contrôle « inopinées », les
poursuites possibles contre ceux qui auront oublié de déclarer un départ et les
possibilités de refus pendant deux ans de nouvelle autorisation d'hébergement
viennent compléter le dispositif par un flicage généralisé, une incitation à la
délation et une surveillance permanente, que reste-t-il, après cela, aux cas
considérés, du droit constitutionnel à une vie privée libre ?
Je me réclame donc, à cet instant, de l'avis défavorable déjà exprimé par le
Conseil d'Etat en raison des risques d'atteinte à la liberté individuelle et à
la vie privée des personnes concernées. Je fais miennes les réserves clairement
exprimées sur ce point par le président de la commission des lois à l'Assemblée
nationale, M. Mazeaud. J'oppose à cet article l'avis du comité consultatif des
droits de l'homme. Je fais mien l'argument qu'il a produit : les notions de «
détournement de procédure » et de « bonne foi » sont extrêmement floues.
Convient-il de les laisser à la seule appréciation des maires, par exemple à
Toulon, Marignane et Orange, alors qu'elle peut déboucher sur des opérations de
police ?
Cette loi, après bien d'autres en définitive, repose pour l'essentiel sur
l'idée qu'en toute hypothèse les droits de l'étranger doivent clairement être
affichés comme inférieurs à ceux des Français. Non pas différents :
inférieurs.
Cet état d'esprit conduit tout droit aux pires excès. Je veux, dans ce texte,
en relever un que je juge particulièrement infâme, et je dis « infâme » parce
qu'il concerne les enfants.
L'étranger en situation régulière qui viendrait à faire sa vie avec un
conjoint dont on découvrirait ensuite que, lui, n'est pas en situation
régulière relèverait déjà, du fait de ce comportement, de poursuites au titre
de l'article 21 de l'ordonnance de 1945. Une sanction est donc d'ores et déjà «
disponible ». Eh bien, cela n'a pas suffi. Les députés de la majorité ont
inventé une sanction supplémentaire. Et qui frappe-t-elle ? Les enfants, car ce
sont eux qui, si l'un de leurs parents se retrouvait dans cette situation,
seraient privés de leur droit à bénéficier des allocations familiales !
Voilà donc les enfants, cette fois-ci, pris en otage, leurs droits, devenant
les garants de la bonne conduite de leurs parents !
Je juge que ce système de prise d'otage ne vous est pas permis par la
Constitution laquelle, reprenant sur ce point la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen- c'est bien le moins ! -, écarte toute notion de
responsabilité collective : une peine va à une personne. La responsabilité
collective ne fait pas partie du droit français.
M. René-Georges Laurin.
Mais ce système n'est pas dans le texte qui nous est présenté !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il suffit de le lire !
M. Jean-Louis Carrère.
Cela prouve que M. Laurin n'a pas lu le texte !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Les points de votre texte que je viens d'incriminer ont en commun, avec
d'autres que nous examinerons dans la discussion des articles, de pousser au
bout de ses conséquences une vision de la France comme forteresse assiégée et
minée de l'intérieur par la présence des barbares.
M. Josselin de Rohan.
Ah bon ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un contresens. La France n'a pas à avoir peur de l'immigration. Les flux
qui l'atteignent sont résiduels, comme ils le sont pour l'ensemble du monde
développé : 84 % des migrations s'opèrent entre pays dits du Sud, ne l'oublions
jamais.
La France doit se donner pour objectif de maîtriser un phénomène migratoire
dont on peut dire avec tranquillité qu'il lui est indispensable sur les plans
démographique et économique. C'est une évidence que nous devons proclamer, non
chuchoter, une évidence qu'aucun esprit informé ne peut contester.
Les moyens de cette maîtrise sont à notre portée, pour peu qu'on ose affirmer,
dans ce domaine-là aussi, le rôle de l'Etat régulateur.
Je veux ici relever l'intérêt de l'idée, avancée par SOS Racisme, d'une
politique de quotas d'immigration, négociés avec les pays d'origine. Ce système
recèle sans doute bien des inconvénients, comme le reconnaît l'association
elle-même, mais il a l'avantage de donner corps à ce que pourrait être une
authentique politique de codéveloppement avec les pays d'origine.
Songeons aux leviers dont disposerait une telle politique. Souvenons-nous, par
exemple, que les transferts de fonds de l'immigration malienne équivalent à la
valeur du produit intérieur brut du Mali. On voit aussitôt quelle mutualisation
féconde des avantages ouvrirait la planification contractualisée des flux
migratoires.
On voit également quelles possibilités ouvrirait un véritable aménagement
négocié des entrées en France et des retours au pays. Il pourrait prendre le
sens, pour les individus, d'un authentique projet de vie et, pour les pays,
d'un développement mutuel concerté, maîtrisé et respectueux de chacune des
parties.
Quoi qu'il en soit, aucun système ne nous dispensera jamais d'avoir d'abord à
briser les ghettos, chez nous, ici, sur notre sol. Ces ghettos ethniques sont
la plaie qui empêchera toujours quelque politique que ce soit d'aboutir à
l'intégration républicaine des étrangers, seule issue gagnante sur le long
terme.
J'ai parlé d'intégration républicaine, et je note qu'elle commence à faire
consensus. On entend ce que cela signifie par opposition à la conception
anglo-saxonne de la nation ethnique et différentialiste. C'est le moment de
dire, et je crois qu'il est important que ce soit quelqu'un de ma sensibilité
qui le fasse, que nous avons un idéal à proposer à nos concitoyens étrangers et
à leurs enfants, que nous sommes désireux de leur proposer d'assumer, jusqu'au
bout, la communauté de destin qui nous unit déjà dans les faits.
Je souhaite, pour ma part, qu'une grande loi de naturalisation rende possible
l'amalgame de masse dont notre patrie a besoin pour retrouver confiance en
elle-même.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Oui, je dis bien l'« amalgame de masse », parce que c'est le meilleur des
moyens pour briser les défiances et les méfiances.
M. René-Georges Laurin.
Avec le droit de vote aux municipales !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pourquoi pas, mon cher collègue ?
Que la République se dise conquérante et sûre d'elle, de ses valeurs et de
leur force insurpassable d'attraction !
M. Josselin de Rohan.
Quel cinéma !
M. Jean-Luc Mélenchon.
De la poussière humaine humiliée que charrie jusqu'à nous l'âge des brassages
dans lequel nous vivons, la République fera « France » de tout bois pour la
part qui lui échoira. Elle amalgamera, elle assimilera, sans complexe et avec
jubilation : c'est en effet par cette méthode, qu'elle seule peut porter à son
paroxysme tranquille, que la France sera forte et puissante d'esprit et de
coeur dans les troubles qui viennent, dans la saison pourrie des orages
ethniques et fondamentalistes qui se lèvent autour d'elle.
A la nation, vouée par vous aux enfermements autistes, qui, de certificat de
départ en fichier d'hébergeant, de responsabilité collective des enfants du
comportement de leurs parents en inquisition domiciliaire, feraient de nous ce
petit peuple frileux, hargneux et délateur, mordant les pauvres mains qui lui
donnent si souvent de quoi se loger,...
(Rires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste)
M. Josselin de Rohan.
C'est une caricature ridicule !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... se vêtir, se transporter, nous proposons plutôt, une fois de plus, le
message républicain de la patrie des droits de l'homme.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
MM. Patrice Gélard et Bernard Barbier.
Aucun intérêt !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Braun.
Ce n'est pas la peine !
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je ne peux
imaginer que l'éloquence soit forcément l'expression de la vérité.
(Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Gérard Braun.
Encore faudrait-il qu'il y ait éloquence !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je parlais de l'éloquence en général, pas nécessairement de
celle de ce matin : il y a aussi celle d'hier.
M. Josselin de Rohan.
Grandiloquence n'est pas éloquence !
(Rires sur les mêmes travées.)
M. Paul Masson,
rapporteur.
En tout cas, je suis persuadé que, parce qu'elle est
éloquence, l'éloquence n'est pas la réalité.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Jean-Louis Carrère.
Ne soyez pas jaloux !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Il y a dans tout ce débat un parfum d'amalgame.
M. Bernard Barbier.
Très fort !
Un sénateur socialiste.
Amalgame, c'est le mot !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je suis toujours étonné de la facilité et de l'art avec
lesquels, quand on veut ne pas voir, on déplace les choses et les faits.
MM. Gérard Braun et Alain Gournac.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et les hommes ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Pourquoi cette redondance dans l'enflure ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pour parler des enflures, vous n'êtes pas les mieux placés !
M. Jacques Mahéas.
Gardez cela pour le ministre !
M. Paul Masson,
rapporteur.
De quoi s'agit-il au juste ? Il s'agit très exactement de
régler le cas des étrangers en situation irrégulière, point !
Mme Nelly Olin.
Voilà !
Mme Joëlle Dusseau.
Mais non, pas « point » !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Tel est l'objet de ce texte, et nous ne nous en échapperons
pas. Nous ne nous laisserons pas entraîner à ce penchant que nous avons tous,
parce que nous ressentons, forcément, les choses avec, parfois, un peu de
passion. Car, chers collègues de l'opposition, vous n'avez pas le monopole de
la passion.
M. Alain Gournac.
Ni celui du coeur !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Mais nous voulons, en l'occurrence, nous en tenir à un texte
qui, quoi que vous en disiez, est un texte technique.
Je rappelle qu'il n'est ici question que d'étrangers en situation irrégulière,
c'est-à-dire d'étrangers qui ont violé la loi française, et qu'il s'agit
d'empêcher, même si c'est difficile, que de telles situations se produisent.
C'est un impératif de souveraineté.
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Un Etat souverain doit fixer les conditions dans lesquelles
un étranger entre sur son territoire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien sûr ! Nous ne disons pas autre chose !
M. Jacques Mahéas.
C'est évident !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... de même qu'un chef de famille doit décider des conditions
dans lesquelles on entre chez lui.
C'est à nous, le Parlement élu par le peuple souverain pour faire la loi, de
fixer les conditions d'entrée en France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Personne ne dit le contraire !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Ce n'est pas l'étranger qui les fixe à sa manière et selon
son usage.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
Je rappelle - et M. Badinter, alors garde des sceaux, en a fait une
démonstration éblouissante à l'Assemblée nationale il y a quelques années - que
les étrangers relèvent d'un état à part.
M. Robert Badinter.
Qui vous dit le contraire ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Pas vous, certes !
Aucune règle de nature constitutionnelle, aucun principe, fût-il
international, n'assure aux étrangers des droits...
M. Jacques Mahéas.
Ce ne sont pas des hommes à part !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... à caractère général et absolu d'accès ou de séjour.
Cela doit être rappelé parce que, systématiquement, certains, recourant à la
technique de l'amalgame, font valoir que les étrangers n'ont pas les mêmes
droits que les Français et que, par conséquent, il y a là une forme d'injustice
qu'il faudra un jour ou l'autre résorber.
Non, les étrangers n'ont pas le même statut que les Français précisément parce
qu'ils ne sont pas français. Ils ont néanmoins la possibilité de vivre chez
nous libres parce que nous sommes le pays des droits de l'homme, mais à
condition qu'ils respectent nos lois, toutes nos lois, y compris celles qui
définissent la façon dont ils entrent chez nous. S'ils y entrent
clandestinement, ils sont refoulés, reconduits à la frontière ou condamnés.
Voilà le texte, rien que le texte, tout le texte, et nous nous en tiendrons là.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Mes chers collègues, il va de soi que la motion qu'a défendue M.
Mélenchon n'a pas de sens : nous ne sommes pas des liberticides, nous n'avons
aucune volonté de violer la Constitution ni les droits de l'homme. Pourquoi
serions-nous liberticides, alors que nous avons fait mille fois, les uns et les
autres, la preuve de notre capacité de défendre les libertés et les droits de
l'homme ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant
hier dans la discussion générale, M. Jean-Michel Baylet a dit toutes les
inquiétudes des radicaux socialistes face à ce projet de loi, et il a
effectivement employé à son propos le mot « liberticide , qu'a relevé M. le
rapporteur.
Je constate, à mon tour, que toute une série de dispositions vont, hélas !
dans ce sens. Je veux parler ici de l'incitation donnée au maire d'aller
contrôler le bien-fondé des déclarations de tel ou tel de ses concitoyens par
des visites « inopinées », de l'obligation faite à l'hébergeant d'aller
déclarer le départ de la personne qu'il héberge, de la possibilité pour les
services de police et de gendarmerie de retenir des passeports, de la
possibilité de fouille des véhicules dans la zone dite de Schengen, du fait de
relever des empreintes digitales avec l'établissement d'un fichier, de
l'allongement à deux ans du délai de mariage nécessaire à l'obtention d'une
carte de séjour temporaire, de la possibilité d'expulser, sans décision
judiciaire, un étranger qui justifie résider en France depuis plus de quinze
ans.
Toutes ces mesures renforcent à l'excès les pouvoirs donnés à
l'administration, limitent l'action de la justice, mettent en place des mesures
de nature policière, incitent à la dénonciation et risquent d'aggraver les
conditions de vie et l'accueil des étrangers vivant tout à fait légalement sur
le sol français.
M. Jean Chérioux.
Non ! Pas s'ils y vivent légalement !
Mme Joëlle Dusseau.
Dans le climat de racisme rampant ou affirmé qui se développe dans notre pays
depuis quelques années, ce projet de loi me paraît donc extrêmement
dangereux.
C'est pourquoi les sénateurs radicaux socialistes du groupe du RDSE voteront
cette motion d'irrecevabilité, de même que, le cas échéant, la question
préalable.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées
socialistes.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je ne pensais pas avoir à reprendre la parole après mon intervention d'hier
soir, mais la passion singulière mise par M. le ministre dans ses propos
m'amène à le faire.
Il faut toujours prendre en considération, lorsque l'on élabore une loi, la
portée immédiate de celle-ci et la façon dont elle sera perçue dans l'opinion
publique.
Il y a en effet, d'un côté, le texte, que j'ai défini hier comme un texte de
police concernant la situation des étrangers en situation irrégulière - c'est
sa portée, celle qui est légalement affichée - et, de l'autre, la manière dont
il est ressenti.
Nous aurons tout le temps de débattre des dispositions que contient le projet
de loi, et vous verrez comment, à bien des égards, elles méconnaissent la
finalité du texte. Mais le point le plus important, le problème fondamental
posé à la République et aux républicains, c'est, je ne cesserai de le répéter
dans cet hémicycle, la poursuite de l'intégration des nombreux immigrés de la
première et de la deuxième génération qui sont ou deviendront français et qui
ne doivent à aucun prix se sentir exclus, rejetés ou mis à l'écart de la
communauté nationale.
C'est beaucoup plus au regard de cet impératif essentiel qu'en fonction des
exigences de tel ou tel chef du bureau, dont la fonction est certes
respectable, mais non législative, ou de tel ou tel ministère qui veut sans
cesse parfaire son arsenal, qu'il nous faut évaluer les textes.
Lorsque tout à l'heure nous débattrons de l'article 1er relatif au droit à
l'hébergement qui est reconnu à chacun d'entre nous, songez bien aux
conséquences que peuvent avoir ces dispositions sur les sensibilités, les
esprits et les coeurs de ces immigrés qui sont ou qui deviendront français. Ne
suscitez pas, à coups de lois de précaution, qui ne sont pas nécessaires, des
réactions de rejet et d'exclusion, car, je le répète, il y a, d'un côté, la
technique juridique et, de l'autre, le sentiment qu'elle fait naître dans les
âmes et les coeurs de vingt ans.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Pensez-y ! Tel est l'avertissement que je lance avant que nous
n'entamions l'examen des articles. Soyez certain, monsieur le ministre, que
nous serons, au cours de ce débat, toujours très attentifs et très précis.
Comme M. le rapporteur l'a justement souligné, l'éloquence y aura sa place.
Qu'il me permette toutefois de lui dire qu'elle n'est pas incompatible avec la
vérité. L'éloquence d'ailleurs l'emporte aussi à son heure.
Mais l'impératif que vous devrez garder à l'esprit tout au long de ce débat
est celui-ci : n'acceptez jamais que, bien au-delà de notre hémicycle,
beaucoup, qui sont français, se sentent soupçonnés et marginalisés à tort.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Je suis sensible aux propos qui ont été tenus par M. Badinter. J'admire, comme
tout un chacun ici, son éloquence, sa connaissance du droit et sa sincérité,
mais je lui répondrai, avec une égale sincérité, que le débat d'aujourd'hui,
ainsi que M. le rapporteur l'a dit excellemment, porte sur le respect de la
loi.
Les étrangers, ceux qui ont immigré de manière parfaitement légale, n'ont rien
à redouter de nous, bien au contraire.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
Ce que nous souhaitons, je vous le dis très sincèrement, c'est qu'ils puissent
s'intégrer dans la communauté française en jouissant de tous leurs droits, et
vivre décemment dans notre pays, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement,
loin s'en faut.
En revanche, nous nous élevons, et il ne peut y avoir la moindre ambiguïté sur
ce point, contre le fait que l'on puisse légitimer l'illégalité, l'encourager
et tolérer que certains en vivent !
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
En effet, vous savez très bien, monsieur Badinter, que de véritables négriers
profitent de la misère humaine...
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
... et gagnent de l'argent sur le dos de pauvres bougres qui viennent chez
nous pour essayer de trouver du travail.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Josselin de Rohan.
Pour cela, les candidats à l'immigration franchissent, contre paiement, des
détroits dans des conditions de sécurité telles qu'il en résulte des naufrages
entraînant des pertes humaines.
Ensuite, toujours contre de l'argent, certains leur font passer les
frontières, pour qu'ils soient finalement exploités dans des ateliers
clandestins où ils sont séquestrés.
Vous ne pouvez pas légitimer ces choses, ni laisser bâtir une telle
organisation !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
C'est un amalgame !
M. Josselin de Rohan.
Ne venez donc pas dire aujourd'hui, mesdames, messieurs de l'opposition, que
notre objectif est de refouler systématiquement ou de maltraiter ceux qui
seraient rentrés sur notre territoire, même en violant nos lois. Nous voulons
simplement que les clandestins se mettent en règle avec la loi, et, s'ils s'y
refusent, qu'ils soient reconduits dans leur pays d'origine dans le respect de
leurs droits. Nous ne laisserons pas faire de la France un pays aux frontières
poreuses où tout le monde peut entrer n'importe quand et n'importe comment.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas le cas !
M. Josselin de Rohan.
Je reprends à mon compte la formule de notre collègue Charles Pasqua, même si
elle ne vous plaît pas : « La France est un pays qui veut accueillir les
étrangers comme elle veut, quand elle veut, et de la manière qui lui paraît la
plus propice. »
Voilà quelle est notre politique !
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
95:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 95 |
Contre | 222 |
M. Bernard Barbier. Très bien !
Question préalable
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 2, présentée par Mme Luc, MM. Ralite et Pagès,
Mme Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant
à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi adopté
par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à
l'immigration (n° 165, 1996-1997). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond
et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée
n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Ralite, auteur de la motion.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « mal nommer
les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde », disait Albert Camus.
Les mots ont en effet une extrême importance.
La langue, quand elle est rigoureuse, fixe des points de clarté. Or ce projet
de loi triche sur les mots et crée des points d'obscurité.
Quel objectif affichez-vous en effet pour votre texte, monsieur le ministre ?
La maîtrise de l'immigration ! Voilà le grand slogan lancé comme une
évidence.
La situation française est difficile, complexe, en crise parce que,
suggérez-vous, l'immigration n'est pas maîtrisée.
Ainsi, m'adressant à mes concitoyens d'Aubervilliers, qu'ils fassent partie
des presque 7 000 chômeurs ou des 2 700 RMIstes que compte ma commune ou qu'ils
soient candidats à la location d'un logement social, parmi lesquels 300
seulement sur 2 064 peuvent payer le loyer, je devrais tenter de les apaiser
sur le dos de leurs voisins immigrés, qui représentent 30 % de la population de
ma ville, je devrais désigner ceux-ci comme boucs émissaires, les présenter
comme la cause de leurs malheurs ! Je ne le ferai pas, et, fort heureusement,
la majorité de la population d'Auvervilliers ne cède pas à la « racisation » de
la question sociale qui, souvent, dérive vers un désespoir identitaire.
Ceux dont je viens de dire la statistique inhumaine de la vie savent en effet,
par leur vécu quotidien, qu'ils sont perçus comme étranges eux aussi, comme
porteurs du bacille de la pauvreté qui les isole. Alors, ajoutez un « r » au
mot « étrange », et cela fait « étranger », c'est-à-dire immigré.
La bataille d'idées est forte, je devrais dire inouïe. Je vois sur les travées
socialistes notre collègue Robert Badinter avec qui j'ai rencontré, en 1993,
500 jeunes lycéens d'Aubervilliers. M. Badinter, avec les convictions qu'on lui
connaît, expliquait notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Pourtant,
quelque chose ne passait pas. Alors, il interrogea les jeunes sur les droits
démocratiques dont ils pouvaient user pour leur vie dans notre pays. Plus de 90
% d'entre eux dirent qu'ils n'y croyaient pas. Leur statut social de jeunes de
l'« entre-deux », de jeunes dépréciés, de jeunes soupçonnés, leur interdisait
d'accéder, à ce moment, aux résultats des combats démocratiques.
Je devrais désigner à ces jeunes, dont nombre sont de la deuxième génération,
l'immigré, leur grand-père, leur mère, leur cousin, comme responsable,
reprendre à leur intention le coupable vocabulaire de ces dernières années : «
odeur », « charter », « invasion », « seuil de tolérance », « quotas », «
menace sur la nation »...
Jamais, jamais je ne ferai le moindre petit pas vers la grande dérive
organisée par votre projet de loi, une partie de la question sociale glissant
vers la question raciale. Je m'adresse solennellement à vous, monsieur le
ministre : faites-nous la preuve du péril que vous annoncez et en raison duquel
il faudrait, pour nous en protéger, accepter un texte inscrivant dans la loi
précisément ce que la loi, n'abandonnant pas son code républicain, toujours à
enrichir, devrait combattre.
Ecoutez les questions suivantes : y a-t-il à nos frontières une pression
migratoire menaçante ? L'immigration s'accroît-elle ?
Un sénateur du RPR.
Oui !
M. Jack Ralite.
Dans quelles proportions et depuis combien de temps ? Les moyens que l'on
s'apprête à mettre en oeuvre sont-ils d'une efficacité garantie ? Est-on sûr
notamment que les barrières juridiques soient utiles ? La France est-elle
prête, en application du principe de réciprocité, à accueillir les Français de
l'extérieur - leur nombre s'élève à 1,8 million - qui subiraient la même
politique que celle que nous faisons endurer aux étrangers ?
(Exclamations
sur les travées du RPR.)
A-t-on bien établi les mesures contre les
employeurs de travailleurs clandestins ? S'est-on attaqué à leurs réseaux de
rabatteurs, de passeurs, de logeurs ?
M. Michel Rufin.
Bien entendu !
M. Jack Ralite.
Si vous me permettez d'être votre
Pariscope
d'un jour, monsieur le
ministre, allez voir le film
La Promesse
des frères Dardenne.
Mais continuons notre questionnaire démocratique et humain.
L'immigration est-elle seulement une charge ? Le travail des immigrés ne
produit-il pas aussi des richesses dans le pays où il est accompli ?
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Avez-vous pris la mesure des
actions que les immigrés mènent en faveur du développement de leur pays
d'origine ? Avez-vous fait la comparaison avec la politique de coopération du
Gouvernement ?
Ce sont des questions capitales, et j'en aborderai trois.
Que n'a-t-on dit sur les pays de l'Est bardés de barrières juridiques
enfermant leurs ressortissants ! Avec la chute du mur de Berlin, les barrières
juridiques ont « sauté ». Ils devaient déferler, envahir. Où sont-ils ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
En Allemagne !
M. Jack Ralite.
Chez eux !
En France, depuis vingt ans, l'immigration est stable : son nombre est de 4,2
millions. Retirons les naturalisés. Il y a 2,9 millions d'étrangers, soit 5 %
de notre population. Et parmi ces immigrés, on dénombre 182 000 noirs
d'Afrique, dont 19 % sont français par acquisition, et 148 000 noirs étrangers,
soit 0,3 % de la population ; et il a fallu une hache contre eux à
Saint-Bernard ! J'y étais !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Quel cinéma !
M. Josselin de Rohan.
Le Saint-Esprit ne vous illumine pas !
M. Jack Ralite.
L'immigration clandestine arrange un certain patronat, qui peut ainsi peser
sur les droits sociaux de tous les travailleurs. Vous voulez y mettre fin,
dites-vous. Permettez-moi un conseil : régulariser systématiquement, dans ces
cas, les clandestins, qui auront alors accès aux droits des travailleurs. Vous
verrez, le certain patronat comprendra rapidement !
M. Ivan Renar.
Excellente proposition !
M. Jack Ralite.
Je viens d'aborder ce projet de loi d'un point de vue de société ; mais il
faut également le lire en faisant référence aux libertés et aux droits de
l'homme.
Je suis stupéfait que le Gouvernement soit resté insolemment indifférent aux
avertissements tant du rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de
l'homme, M. Maurice Glele, que j'ai rencontré, que de la Fédération
internationale des droits de l'homme, et de l'officielle Commission nationale
consultative des droits de l'homme, dont j'ai ici le rapport sur ce projet de
loi.
La France était jusqu'ici indemne dans les rapports traquant les atteintes aux
droits de l'homme. C'est fini !
Relisons le préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789 : « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée
nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de
l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des
gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les
droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration,
constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans
cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif,
et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but
de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les
réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et
incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur
de tous. »
Alors, est-ce de l'ignorance, de l'oubli ou du mépris que la remise en cause
pour menace à l'ordre public - et par qui serait apprécié cette menace ? - de
la carte de résident de dix ans renouvelable de plein droit, qui représente un
progrès important dans la politique d'immigration et qui fut approuvée à
l'unanimité par le Sénat, le 28 juin 1984, lors du scrutin public n° 78, par
315 voix ?
Alors, est-ce de l'ignorance, de l'oubli ou du mépris que la disposition
obligeant tout un chacun à déclarer le départ d'un hôte étranger ?
Voilà cinquante-deux ans que l'accueil de l'autre était garanti. C'est fini,
malgré l'opposition du Conseil d'Etat. Comme quoi, droit des étrangers et
liberté de tous sont mêlés, et l'Etat de droit ne se grignote pas innocemment
!
La cause, à mon sens, est suffisamment entendue ; mais je dois encore noter
que vous avez eu peur du mouvement des « sans-papiers ». Voilà des hommes et
des femmes aux voix oubliées, ignorées, étouffées qui, d'un seul coup, avec une
dignité à haute teneur de civilisation, déclarent simplement : « Nous voulons
des papiers. »
En vérité, personne ne les aurait inquiétés s'ils ne les avaient pas demandés
! Mais les voilà, de Saint-Ambroise à Saint-Bernard, avec le père Coindé, en
passant par La Cartoucherie pacifique, rigoureuse et généreuse d'Ariane
Mnouchkine, obligeant, autour de dix hommes risquant leur vie pour la vie, la
société française à réfléchir à une nouvelle approche de la question de
l'immigration.
Ce mouvement, épaulé par un collège pluraliste de médiateurs, a imposé une
vision par en bas d'une question de haut niveau et a obligé nombre de
personnes, dans notre société, à quitter l'attitude défensive sur un terrain
balisé par le Front national pour s'engager dans une lutte offensive. Ce n'est
pas facile !
Je pense que des citoyens français dont la société ne sait plus quoi faire, à
qui finalement le libéralisme sauvage demande de se faire oublier, en arrivent
à se déconsidérer et passent du mécontentement de soi au ressentiment à l'égard
de l'autre.
« Le trait fondamental de la volonté humaine, dit Nietzsche, c'est qu'elle a
besoin d'un but, et plutôt que de ne rien vouloir, elle veut le rien. » «
L'homme aime mieux vouloir le néant que de ne pas le vouloir. » Là est posté le
Front national, comme organisation de la vengeance imaginaire, et ce d'autant
plus facilement quand un préfet, comme dans le Var, vient impunément à la
rescousse !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Ivan Renar.
Eh oui !
M. Jack Ralite.
Ce mouvement des « sans-papiers » qui persiste s'étend et s'étendra. Ce
mouvement, dont je suis solidaire, a fait éclater des tabous, a mis à mal des
notions comme le « moindre mal », le « malgré tout, la vie continue » et
l'acceptation de la descente dans le grand tunnel. Les « sans-papiers » ont été
et sont du combustible démocratique et inventif pour quiconque se refuse de
rester à quai dans notre pays.
M. Jean Chérioux.
On se croirait au goulag !
M. Jack Ralite.
Je souhaite à cet instant me souvenir de l'avenir, car la question de
l'immigration, à mon sens, doit être transformée, comme le réel en mouvement
nous l'indique, en question des migrations.
Le monde, aujourd'hui habité par la circulation des capitaux sans rivage, ne
tolérerait-il pas, à l'exception des clandestins que les capitaux font
circuler, la circulation des femmes et des hommes ?
Peut-on célébrer l'Europe et, sur notre sol, tourmenter les immigrés ? Je
crois que se profile une nouvelle société civile internationale impliquant l'«
option d'autrui ». C'est le seul moyen de mettre en échec la République
mercantile universelle. Il y a nécessité de s'adapter au changement d'échelle.
C'est non pas cesser de privilégier l'observation des nations, mais prendre en
considération les mondes qui les traversent, les débordent et, ce faisant, ne
cessent de les constituer et de les reconstituer. C'est d'une nouvelle
politique de civilisation dont nous avons besoin ! C'est là l'essentiel !
Vous me répondez qu'il y a urgence ; mais à force d'avancer l'urgence, on
finit par oublier l'urgence de l'essentiel.
Mme Nelly Olin.
Oh ! là ! là !
M. Jack Ralite.
Je me suis laissé dire qu'on observait une diminution, en quelques années, du
nombre des étudiants immigrés, notamment en droit, ces derniers choisissant
maintenant volontiers les bourses américaines. Voilà des liens précieux pour
l'avenir qui se tissent ailleurs et pour ailleurs !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Très bien !
M. Jack Ralite.
Ce projet de loi indique à sa manière votre incapacité politique à penser
ensemble les problèmes locaux et globaux. Mieux, il fige cette incapacité.
C'est une sorte de drame. La notion même de frontière évolue, et son traitement
aussi. Il y a le traitement à l'ancienne, aggravé dans la convention de
Schengen, où les frontières, de citoyennes, deviennent policières et favorisent
un ping-pong outrageant pour les émigrés à travers une surenchère sécuritaire.
Il y a le traitement à l'avenir où les frontières sont citoyennes, où serait
prise en compte l'émergence même d'une citoyenneté transnationale. Aujourd'hui,
en tout cas, se pose la question en Europe d'un contrôle démocratique à exercer
sur les contrôleurs des frontières.
Le temps me manque pour déplisser l'ensemble de la question. Comment taire,
cependant, la nécessité d'une autre conception des rapports Nord-Sud
introduisant des rapports d'égalité et non de domination, annulant les intérêts
de la dette, plus élevés que la dette elle-même,...
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Jack Ralite.
... investissant cette dette dans les pays eux-mêmes, restaurant un juste prix
pour les matières premières, refusant les politiques d'ajustement structurel
?
Comment ne pas noter l'application actuellement très restrictive du droit
d'asile, notamment à l'égard de citoyens algériens auxquels je pense toujours
beaucoup ?
Je veux conclure par le détour andalou. En 1492,Ferdinand d'Aragon et Isabelle
de Castille prennent Grenade et en chassent les Maures et les Juifs séfarades
(Exclamations sur les travées du RPR)...
M. Ivan Renar.
Mais oui !
M. Jack Ralite.
... causant une blessure à l'Europe méditerranéenne, blessure qui n'est
toujours pas cautérisée.
M. Ivan Renar.
Eh oui !
M. Jack Ralite.
Braudel, dont il fut question hier, a eu sur ce point des réflexions qui
devraient nous inspirer.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. Jack Ralite.
Dans
le fou d'Elsa,
Aragon écrit superbement sur cette tragédie qui
toucha les « rejetés » comme les « maintenus ».
Les « rejetés » : « Et si Dieu l'a voulu qu'ici borne à l'Islam soit mise
désormais » ;
« Toi qui dis : mais c'est un Juif, n'as-tu pas honte de ta langue ? ».
Les « maintenus » : « Personne ne sait plus parler à la foule, et quel but lui
donner, que lui dire de demain... Les gens d'ici se retrouvent dans le
quotidien de leurs haines, des petites histoires de tous les jours, ils sont
aveuglés de larmes, si bien que le fiel amèrement leur remonte, et les
rivalités mesquines se font jour, la colère est à chaque pas détournée, à
chaque pas, sortant de chez lui, le Grenadin se heurte au Grenadin, qui lui fit
tort de quelque chose, il n'y a plus de temps à vider d'autres querelles que
celle qui se présente au coin de la rue. »
Parce que je ne veux pas que l'Albertivillarien se heurte à
l'Albertivillarien, le Dionysien au Dionysien, le Fontenaisien au Fontenaisien,
j'ai voulu, avec Patrick Braouezec, député-maire de Saint-Denis, rejoint par
Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses, proposer un but pour demain... Nous
sommes quatre-vingt-douze maires de l'Ile-de-France à avoir réagi ainsi,
quatre-vingt-douze maires confrontés au dur quotidien, au vrai quotidien, au
quotidien nommé chômage, et qui ne veulent pas vous laisser utiliser
l'immigration comme masque à votre obstination têtue à réduire l'exclusion par
l'ultra-libéralisme dans lequel vous vous enfoncez et, avec vous, la France
!
« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde », disait Albert
Camus.
Tel est le contenu de cette motion tendant à opposer la question préalable. Je
vous demande, en la votant, mes chers collègues, de rejeter globalement le
projet de loi portant diverses dispositions sur l'immigration.
(
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Défavorable.
M. Jacques Mahéas.
Il faut répondre sur le fond !
M. Robert Pagès.
C'est un peu court !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable également.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une du groupe du
RPR, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
96:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 96 |
Contre | 221 |
Demande de renvoi à la commission
M. le président.
Je suis saisi d'une motion n° 46, présentée par MM. Allouche, Autain et
Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Delanoé, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme
Durrieu, M. Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, MM. Richard et Rocard, et les
membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant au renvoi à la
commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide
qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses
dispositions relatives à l'immigration (n° 165, 1996-1997).
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion
contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la
commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme ben Guiga, auteur de la motion.
Mme Monique ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me
revient, au nom du groupe socialiste, de demander le renvoi de ce projet de loi
à la commission. Les raisons techniques qui motivent une telle demande la
justifieraient à elles seules, mais j'y ajouterai les arguments philosophiques
et politiques qui ont tant d'importance pour nous, Français établis hors de
France, car ils sont au coeur de notre fidélité à notre pays.
Les raisons techniques sont les suivantes : cette loi aurait justifié la
consultation pour avis, d'une part, de la commission des affaires sociales et,
d'autre part, de la commission des affaires étrangères. Ces deux commissions
n'ont pas été saisies ; nous demandons qu'elles le soient.
M. Pierre Biarnès.
Très bien !
Mme Monique ben Guiga.
La commission des affaires sociales aurait dû être saisie parce que les
articles 3
bis,
3
ter
et 10 touchent au code du travail. C'est
ainsi que les articles 3
bis
et 3
ter
tendent à faire infliger,
par l'autorité administrative, une sanction de retrait du titre de séjour à
l'étranger employeur de main-d'oeuvre illégale. Nous approuvons totalement la
sévérité de la répression de ce délit, et nous aimerions bien que la majorité
sénatoriale se montre constamment, je dis bien « constamment », déterminée à
lutter contre l'exploitation des travailleurs les plus démunis.
(Très bien !
sur les travées socialistes.)
Mais le retrait de cette disposition de la loi sur le travail illégal et son
insertion dans un texte relatif à l'immigration est inacceptable.
M. Jacques Mahéas.
Tout à fait !
Mme Joëlle Dusseau.
Très bien !
Mme Monique ben Guiga.
On renforce ainsi l'amalgame - car là, il y a amalgame ! - entre le travail
clandestin et les étrangers en situation irrégulière,...
M. Jacques Mahéas.
Absolument !
Mme Monique ben Guiga.
... alors que ceux-ci ne représentent que 6 % des personnes verbalisées pour
ce délit.
M. Roland Courteau.
C'est vrai !
Mme Monique ben Guiga.
Par ailleurs, ces articles instituent une sanction administrative pour un
délit non constitué, au stade de l'infraction.
M. Guy Allouche.
Très bien !
Mme Monique ben Guiga.
Enfin - et c'est le plus grave - ils instituent une double peine pour
l'étranger, cela deux semaines après que la majorité sénatoriale, sous
l'influence de lobbies patronaux, a atténué, par maints artifices, les mesures
sévères votées par l'Assemblée nationale à l'encontre des employeurs de
main-d'oeuvre illégale et de leurs tout-puissants commanditaires. Il y a là
deux poids deux mesures. Soyez puissant ou misérable !
M. Jacques Mahéas.
Absolument !
Mme Monique ben Guiga.
C'est inacceptable !
De tels articles, même s'ils étaient équitables, ne sont pas à leur place dans
un texte sur l'immigration. Ils étaient du ressort de la commission des affaire
sociales.
M. Roland Courteau.
Absolument !
Mme Monique ben Guiga.
Il en est de même de l'article 10, qui institue des contrôles d'identité sur
les lieux de travail, effectués par des officiers de police judiciaire hors de
la présence d'inspecteurs du travail. Est-il cohérent de prétendre, au
quatrième alinéa de cet article, que l'on contrôle l'identité des personnes
occupées « dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre »,
c'est-à-dire, en principe, pour vérifier le caractère légal ou illégal de
l'emploi, et, simultanément, de retirer cette attribution aux inspecteurs du
travail ? Disons-le clairement, s'il s'agit de préparer des rafles d'étrangers
à la sortie de l'atelier, les officiers de police judiciaire sont certainement
compétents. En revanche, s'il s'agit de réprimer le travail illégal, que les
coupables - employeurs et employés - soient Français ou étrangers, le transfert
de compétence est totalement injustifié.
(Marques d'approbation sur
plusieurs travées socialistes.)
Pour ces trois articles, nous demandons que la commission des affaires
sociales soit consultée.
Par ailleurs, la commission des affaires étrangères aurait dû être saisie,
pour trois raisons.
D'abord, en raison du problème diplomatique qui est posé par la rétention du
passeport de l'étranger en situation irrégulière. Ensuite, en raison des
conséquences que ce texte peut avoir sur le statut des Français établis à
l'étranger, dans leur pays de résidence. Enfin - et c'est le plus important -
en raison de la dimension diplomatique de ces dispositions, qui concernent des
citoyens de plusieurs dizaines de nations avec lesquelles nous entretenons les
plus étroites relations.
Tout d'abord, la rétention d'un passeport étranger se heurte au fait que cette
pièce appartient non pas à son détenteur, mais à l'Etat qui l'a émis. La
mention en est portée sur votre passeport, sur le mien et ainsi que le vôtre,
sur tous les passeports étrangers ; c'est la règle.
Seuls quelques pays, telle l'Arabie Saoudite, retiennent des passeports, mais
ne sont pas des références d'Etat de droit.
M. Jean Chérioux.
Oh !
Mme Monique ben Guiga.
La France ne peut guère se targuer de leur procédé humiliant et irrespectueux
du droit d'aller et venir pour rendre légale, une fois de plus, une pratique
administrative attestée - cela se fait dans la plupart des préfectures - mais
jusqu'à ce jour parfaitement illégale. Nous proposerons, par un de nos
amendements, un moyen de s'assurer de l'identité d'un étranger en situation
irrégulière, tout en lui laissant la seule pièce d'identité qu'il détient, qui
lui assure un minimum de sécurité administrative en France et grâce à laquelle
il pourra quitter de son propre chef le territoire français...
M. Robert Pagès.
Absolument !
Mme Monique ben Guiga.
... sans avoir à aller récupérer un passeport détenu il ne sait où.
M. Jean Chérioux.
Et qu'il pourra détruire par la suite !
Mme Monique ben Guiga.
Nul besoin, pour obtenir ce résultat, de porter atteinte à la souveraineté
d'Etats qui subissent déjà bien assez d'humiliations en la personne de leurs
ressortissants émigrés, et nous qui vivons à l'étranger, nous entendons cela
tous les jours.
Et les Français établis à l'étranger ? Se figure-t-on que notre politique à
l'égard des étrangers en France n'a aucune incidence sur leur sort ? On aurait
tout de même pu interroger la commission des affaires étrangères sur ce
point.
Je représente ici 1,7 million de Français établis dans le monde entier.
M. Michel Caldaguès.
Mais pas la commission des affaires étrangères !
M. Charles de Cuttoli.
Vous n'êtes pas la seule à les représenter ! Nous sommes douze !
Mme Monique ben Guiga.
La moitié d'entre eux, qui résident dans l'Union européenne, ont vu leur
statut juridique s'améliorer parce qu'ils sont devenus des citoyens européens.
Tous les autres, avec des nuances liées au régime politique de leur pays de
résidence et à leur propre statut socio-économique, savent, comme les étrangers
en France, ce que signifie la privation de citoyenneté.
C'est la fragilité du statut, quand il faut renouveler sa carte de séjour, son
permis de travail tous les ans. C'est l'insécurité juridique pour sa personne
ou pour ses biens, quand une législation d'exception vous prive des droits
reconnus aux ressortissants du pays. C'est l'insécurité provoquée par des
pratiques administratives xénophobes qui renchérissent sur cette législation
d'exception.
C'est trop souvent cela notre vécu d'expatriés. Demandez-le aux mères
françaises auxquelles leurs enfants ont été arrachés à l'étranger, à la suite
de procédures juridiques iniques. Demandez-le à la mère de Sana et Sabrina
retenues en Egypte depuis l'âge de deux et trois ans et qui ont oublié leur
mère ! Demandez-le aux deux enfants qui sont retenus en Allemagne. Vous verrez
!
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Cela n'a rien à voir !
M. Josselin de Rohan.
C'est hors sujet !
Mme Monique ben Guiga.
C'est trop souvent cela le vécu des étrangers en France. Dans notre pays aussi
les étrangers sont séparés de leurs enfants.
M. Jean Chérioux.
Cela n'a rien à voir ! C'est ridicule ! C'est une assimilation scandaleuse
!
Mme Monique ben Guiga.
C'est la première raison pour laquelle nous, Français de l'étranger, nous
sommes nombreux à nous sentir solidaires des étrangers en France.
(Applaudissements sur les travées socialistes et protestations sur les travées
du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
N'importe quoi !
Mme Monique ben Guiga.
Mais il faut prendre conscience aussi que nous sommes nous-mêmes atteints en
France par la xénophobie qui frappe les étrangers. Nous sommes plurinationaux,
pour la moitié d'entre nous. Ne l'oubliez pas ! Et c'est nous qui représentons
la France à l'étranger ! Nous portons en France des patronymes délictueux.
Notre nationalité française est suspectée. Nous sommes atteints en la personne
de nos enfants, sangs mêlés qui conjuguent parfois le délit de faciès avec le
délit de patronyme.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Josselin de Rohan.
Ce que vous dites est odieux ! Vous n'avez pas le droit de parler ainsi !
M. Jean Chérioux.
C'est scandaleux !
M. Pierre Biarnès.
C'est pourtant la vérité !
M. Jean-Luc Mélenchon.
La vérité est là !
Mme Monique ben Guiga.
Nous sommes atteints par la suspicion sur les mariages dits mixtes
(Exclamations sur les travées du RPR.) ...
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie, laissez Mme ben Guiga s'exprimer.
Mme Monique ben Guiga.
Nous sommes atteints, disais-je, par la suspicion sur les mariages mixtes
parce que, évidemment, nous, nos enfants, épousons les étrangers au milieu
desquels nous vivons. Et là, brutalement, les exigences de l'administration
deviennent compliquées, totalement incompréhensibles, surtout depuis 1993.
M. Jacques Mahéas.
Çà, c'est du vécu !
M. Jean Chérioux.
Vous n'avez pas entendu parler des mariages blancs ?
Mme Monique ben Guiga.
Où célébrer le mariage ? Comment obtenir le droit de vivre ensemble en France
? L'histoire d'amour tourne vite au cauchemar kafkaïen.
Nous sommes atteints, nous aussi, par le poids de la procédure du certificat
d'hébergement et par la procédure du visa, ainsi que par leur arbitraire.
Comment recevoir nos parents, nos collègues, nos amis étrangers lors de nos
séjours en France ? La course d'obstacles administratifs qui leur est imposée,
ainsi qu'à nous, tourne souvent à l'impossibilité de les accueillir.
Enfin, nous sommes atteints, évidemment, dans nos pays de résidence parce que
la règle des relations internationales est la réciprocité. Quand, sur
l'initiative de la majorité socialiste, le Parlement unanime a accordé aux
étrangers en 1984 des cartes de séjour de dix ans impliquant le droit au
travail, les Français expatriés ont obtenu le même avantage dans de nombreux
pays et cela a transformé leur vie. Nous pouvons craindre, à l'occasion de la
renégociation de conventions bilatérales d'établissement, ou même par des
mesures unilatérales de rétorsion, de perdre ces garanties dont nous savons le
prix.
A contrario,
comment espère-t-on favoriser l'expatriation de centaines
de milliers de jeunes Français - le rêve du président de cette assemblée et
celui du Président de la République - en réduisant les droits des étrangers en
France ? L'incohérence est manifeste. On ne peut vouloir à la fois une
immigration à taux zéro en France et une forte expatriation française.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Nous parlons de l'immigration irrégulière !
Mme Monique ben Guiga.
Les migrations sont des échanges. Si la France donne l'exemple d'une fermeture
hermétique - et nécessairement illusoire - les autres pays agiront-ils
différemment ?
(Exclamations sur plusieurs travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Personne ne dit cela !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Si !
Mme Monique ben Guiga.
Nous avons des Français clandestins - qui ne sont pas des aventuriers -
irréguliers, sans papiers, partout,...
M. Jean Chérioux.
Partout ! Il n'y a que cela !
Mme Monique ben Guiga.
... aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Asie, partout où la législation est
aussi déraisonnablement verrouillée que la nôtre.
Enfin, la question de la cohérence de ce projet de loi avec notre politique
francophone a-t-elle été évoquée par la commission des lois ? Il n'en apparaît
rien. Là aussi, la commission des affaires étrangères aurait pu donner un avis
éclairé.
Pour l'essentiel, les étrangers auxquels vous voulez interdire en France le
séjour irrégulier - tout autant que le séjour régulier pour dire la vérité - à
voir les restrictions apportées à la délivrance des visas de tourisme, d'études
et au regroupement familial, ces étrangers dis-je, sont des ressortissants des
pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Or, c'est avec leurs Etats que
notre coopération est la plus active et la plus largement financée. Nous
finançons des programmes de remise à niveau des systèmes scolaires en langue
française, nous faisons rêver des générations d'élèves et d'étudiants sur la
France, en français, et nous voudrions qu'ils n'aient pas l'idée de venir dans
notre pays, étudier, passer des vacances et, pour une toute petite minorité
d'entre eux, s'y fixer ?
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Régulièrement !
Mme Monique ben Guiga.
Notre politique est là, totalement schizophrène, et se résume en ce discours
absurde : « Apprenez le français, pensez en français, pensez comme des
Français, aimez la France, achetez français,... »
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et respectez les lois de la France !
Mme Monique ben Guiga.
... mais, surtout, ne mettez pas le pied en France !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et exclamations
sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Et venez régulièrement dans notre pays, en
respectant les lois de la France !
M. Jean Chérioux.
Respectez les lois de la France !
M. Jacques Mahéas.
La sincérité vous gênerait-elle ?
Mme Monique ben Guiga.
Plus grave encore aux yeux des Français qui connaissent l'opinion
internationale : la politique que l'on mène en France depuis 1993 en matière de
police des étrangers porte atteinte à la dignité et au prestige international
de la France.
(M. Paul d'Ornano sourit.)
Aujourd'hui, la France est trop souvent perçue
dans le monde comme un pays xénophobe dans lequel les atteintes aux droits de
l'homme et à l'Etat de droit se multiplient.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
Mme Monique ben Guiga.
La xénophobie montante en France se manifeste d'abord, pour l'étranger, dans
les services de délivrance des visas dans les consulats. Allez-y donc, mon cher
collègue !
Installés à l'économie, dans des locaux inadaptés, trop petits, parfois
sordides, sans salle d'attente ou avec une salle d'attente sans siège, ces
services de visas n'ont jamais été dotés que d'agents en contrat précaire, sans
formation, sous-payés, souvent sans réelle couverture sociale et surmenés.
De ce fait, ce lieu de première rencontre entre l'étranger et la France est un
lieu de confrontation, où la courtoisie est absente.
Quand sera-t-il donné au ministère des affaires étrangères les moyens
d'effectuer cette tâche ingrate ?
M. Jean Chérioux.
On est loin du débat !
Mme Monique ben Guiga.
Les diplomates sont contraints, faute de moyens, de défaire dans les services
des visas les liens qu'ils passent leur temps à tisser dans toutes leurs autres
activités. C'est une politique de Pénélope, pour ne pas dire une politique de
Gribouille.
Enfin, l'image de la France est ternie par la progression du Front national,
...
M. Josselin de Rohan.
Vous l'aidez puissamment par vos propos !
M. Jean Chérioux.
C'est vous qui l'encouragez ! Il n'a jamais été aussi fort que depuis 1981
!
Mme Monique ben Guiga...
non seulement aux élections, mais surtout dans les esprits. Les démons des
années quarante agissent à nouveau dans notre pays. Et rappelons-nous que, dès
1938, l'opinion y avait été préparée par des lois de contrôle des étrangers
déjà contraires aux principes républicains.
M. Jean Chérioux.
Pas de larmes de crocodile !
Mme Monique ben Guiga.
Nous sommes dans une situation semblable aujourd'hui. Sous le coup des
mutations économiques, culturelles et, surtout, du chômage, des pans de plus en
plus larges de la société ont perdu leurs repères. L'opinion est fragilisée.
Elle ne sait plus où commence ni où s'arrête la légalité républicaine.
Contrairement à votre conviction, que je crois réellement sincère, monsieur le
ministre, monsieur le rapporteur, une telle loi contribue à la montée de la
xénophobie, car elle donne à croire que c'est en restreignant la liberté
individuelle des étrangers, en les privant de la protection de la justice pour
les soumettre aux procédures expéditives de l'administration et de la police,
que la sécurité et l'emploi reviendront en France.
La xénophobie est malheureusement installée dans la société française, les
étrangers au milieu desquels nous vivons, nous, dans le monde entier, le
savent, et ils s'en inquiètent : pour la France d'abord, et surtout pour les
valeurs qu'elle incarne à leurs yeux
Si la France transige avec l'Etat de droit, si elle instaure une législation
d'exception pour les étrangers, si elle se soustrait au devoir de donner asile
aux réfugiés - et c'est le cas en ce moment pour les Algériens victimes de la
guerre - de quelle dignité pourrons-nous nous prévaloir, nous Français à
l'étranger ? Au nom de quoi la France prétendra-t-elle tenir son rang dans le
monde ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il y aurait
beaucoup à dire sur l'intervention que nous venons d'entendre.
Sur le fond, tout d'abord, il existe dans notre droit un principe, la
présomption d'innocence, dont je voudrais croire en cet instant qu'elle peut
être transformée en présomption de bonne foi. Je voudrais le croire car, à vous
entendre, madame ben Guiga, on se rend compte que vous avez sans cesse détourné
ce texte dans vos affirmations, dans vos commentaires, dans vos projections.
Nous savons ce que nous voulons faire. Nous vous l'avons dit, et nous le
répétons : ce projet de loi vise à protéger les étrangers en situation
régulière et à empêcher une immigration clandestine qui ne peut que nuire,
précisément, à la situation de ceux qui sont régulièrement installés sur notre
sol.
Vous ne voulez pas le voir, nous ne voulez pas l'admettre. Vous vous êtes
lancée dans un débat de fond quelque peu passionné qui était très loin d'une
motion de renvoi à la commission.
Nous vous avons écoutée. Est-il besoin de vous dire que vous ne nous avez pas
convaincus ?
Un sénateur socialiste.
C'est dommage !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Les remarques que vous avez faites
étaient si éloignées de ce que nous avons l'intention de faire qu'il existe sur
ce point, reconnaissons-le, un fossé entre vous et nous, entre ce que nous
voulons faire et ce que vous affectez de croire que nous voudrions faire, bien
que vous sachiez très bien qu'il n'en est rien.
Sur le plan de la procédure, ensuite, vous auriez souhaité que deux
commissions soient saisies. Président de la commission des lois, je n'ai jamais
été saisi d'une telle demande, ni de la commission des affaires sociales ni de
la commission des affaires étrangères. L'avez-vous proposé au sein de votre
commission ? Je n'en sais rien.
Vous nous le proposez maintenant. Acceptez de croire que cette demande, à
supposer qu'elle soit fondée - et je ne vois pas pourquoi elle le serait -
apparaît quelque peu tardive.
Reste un élément, que vous n'avez d'ailleurs pas complètement traduit dans
votre propos, au sujet du « travail sérieux de la commission des lois ».
J'ai la faiblesse de penser que nous avons fait un travail sérieux. Je ne vais
pas vous le détailler, je sais simplement que les membres de la commission des
lois n'ont pas pensé un seul instant qu'ils avaient bâclé leur ouvrage. Le
contraire d'un travail sérieux n'est-il pas, en effet, un travail bâclé ?
Nous avons donc abouti à un texte, dont nous allons maintenant débattre. Un
certain nombre de propositions émanent de vos rangs. Nous les avons examinées,
nous aurons l'occasion de dire ce que nous en pensons et il n'apparaîtra pas,
je pense, à la Haute Assemblée qu'il soit nécessaire de revenir devant la
commission des lois pour les examiner à nouveau. Quant à l'avis de la
commission des affaires sociales, il n'a pas été demandé, pas plus que celui de
la commission des affaires étrangères, et il ne suffit pas que l'un de ses
membres le fasse pour que cette demande soit tenue pour valable.
Nous allons donc, avec votre permission et après le vote, négatif, je pense,
de la majorité de la Haute Assemblée, entamer notre travail, c'est-à-dire
l'examen d'un texte dont nous avons la faiblesse de penser qu'il est équilibré
et qu'il correspond à un certain nombre de besoins essentiels.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendant, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix la motion n° 46, repoussée par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le
résultat du dépouillement du scrutin n°
97:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 96 |
Contre | 221 |
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 152, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité
est abrogée. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement a pour objet d'abroger la loi réformant le droit de la
nationalité qui fait partie des lois dites « Pasqua ».
Pour mémoire, nous nous étions vigoureusement opposés à l'adoption de cette
loi et nous avions alors défendu une question préalable.
Notre position de principe n'a pas changé depuis lors.
Je rappelle que la réforme du code de la nationalité, c'est la remise en cause
du droit du sol au profit du droit du sang ; c'est la remise en cause de
l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française ; c'est une
atteinte à la liberté pourtant fondamentale du mariage et du droit de vivre en
famille tel qu'il est reconnu par la Convention européenne des droits de
l'homme, ratifiée par la France ; c'est, enfin, une restriction du droit
d'asile.
C'est à cause de cette loi, pourtant largement censurée et donc modifiée, que
des étrangers ont été jetés du jour au lendemain dans l'irrégularité et la
clandestinité parce qu'ils ne pouvaient plus obtenir les papiers auxquels ils
avaient droit avant les lois Pasqua. C'est toute la lutte des « sans papiers »
!
Sans les lois Pasqua, il n'y aurait pas eu de personnes sans droit et, par
conséquent, nous ne serions pas en train d'examiner ce projet de loi qui, sous
couvert de régulariser une poignée de cas, va durcir davantage les lois de 1993
!
Les propos que nous tenions à l'époque sont, hélas ! toujours d'actualité : «
En l'état, le texte nous paraît très dangereux et de mesure à attiser le
malaise déjà perceptible dans les cités urbaines et chez les jeunes filles et
fils d'immigrés. Il n'apporte aucun commencement de réponse à leur attente. Il
se situe dans un contexte de répression et d'exclusion, à l'opposé des
nécessités de notre époque. »
D'une législature à une autre, d'un gouvernement à un autre, la philosophie
des partis de droite demeure.
On croyait avoir atteint le sommet en la matière en 1993. C'est faux : vous
prouvez aujourd'hui, à peine quatre ans après, que le pire est possible.
En maintenant votre projet de loi, monsieur le ministre - et en l'adoptant,
mes chers collègues - vous êtes à contre-courant d'une majorité de la
population. En effet, de nombreuses associations, de nombreux collectifs, de
nombreux mouvements catholiques, tous les démocrates et progressistes de ce
pays ont largement fait connaître leur opposition à votre projet de loi.
Vous faites semblant de revenir çà et là sur les dispositions les plus dures
adoptées par les députés pour apparaître comme modérés, mais personne n'est
dupe.
Non seulement nous combattrons un à un les articles du présent texte, mais
nous vous proposons au préalable d'abroger une à une les lois de 1993.
C'est tout le sens du présent amendement et de ceux qui vont suivre, que je
vous demande d'accueillir favorablement.
Enfin, pour que chacun prenne ses responsabilités, nous demandons un vote par
scrutin public sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
M. Pagès ayant évoqué l'ensemble des amendements n°s 152 à
157, je ferai comme lui, en indiquant dès à présent l'avis de la commission sur
l'ensemble de ces amendements.
La commission est, bien entendu, défavorable à l'amendement n° 152, comme elle
l'est à tous les autres.
M. Pagès nous propose en effet de censurer le droit de la nationalité, la
maîtrise de l'immigration, les contrôles et les vérifications d'identité, ainsi
qu'une mesure introduite en 1994 concernant les conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France. Mais il censure aussi, dans l'amendement n°
157, les zones d'attente, c'est-à-dire une loi de juillet 1992. A cette époque
c'est, me semble-t-il, M. Marchand qui était ministre - socialiste - de
l'intérieur. Mais cela n'a pas d'importance, mon cher collègue !
(Rires sur
les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Huriet.
C'est amusant !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Enfin, il y a un amendement que je n'ai pas vu, celui qui
tend à supprimer l'ordonnance de 1945. Vous l'avez oublié !
(Nouveaux rires
sur les mêmes travées.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable aux amendements n° 152 à 157.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 152.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
J'ai entendu notre excellent collègue M. Pagès évoquer les autorités
religieuses. De ce point de vue, je ne voudrais pas qu'il confonde le détail
avec l'ensemble.
J'ai sous les yeux le passage d'une adresse de la commission pontificale
Justice et Paix. Elle est parfaitement équilibrée : « Certes, il appartient aux
pouvoirs publics, qui ont la charge du bien commun, de déterminer la proportion
de réfugiés ou d'immigrés que leur pays peut accueillir compte tenu de ses
possibilités d'emploi et de ses perspectives de développement mais aussi de
l'urgence du besoin des autres peuples. Et l'Etat veillera à ce que ne se
créent pas des situations de déséquilibre social grave, accompagnées de
phénomènes sociologiques de rejet comme cela peut arriver lorsqu'une trop forte
concentration de personnes d'une autre culture est perçue comme menaçant
directement l'identité et les coutumes de la communauté locale d'accueil. »
M. Alain Gournac.
Tiens ! tiens ! tiens !
M. Christian Bonnet.
« Dans l'apprentissage de la différence, on ne peut tout exiger d'un coup.
Mais il faut considérer les possibilités d'une nouvelle connivence et même d'un
enrichissement mutuel. Et une fois qu'une personne étrangère a été admise et se
soumet aux règlements de l'ordre public,... »
M. Alain Gournac.
Tiens ! tiens ! tiens !
M. Christian Bonnet.
« ... elle a droit à la protection de la loi pour toute la durée de son
insertion sociale. » Par conséquent, monsieur Pagès, ne confondez pas ce que
peut dire un évêque auxiliaire, qui n'engage pas le diocèse de Paris,
contrairement à la désinformation qui a paru dans un grand journal du soir il y
a peu de temps, avec la position qui peut être celle des véritables autorités
en la matière.
(Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 152, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
98:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 96 |
Contre | 221 |
Par amendement n° 153, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France est abrogée. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre amendement a pour objet d'abroger la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et de rétablir, en conséquence, la législation antérieure.
Dès sa discussion, en 1993, nous avions souligné les effets pervers de cette loi qui désignait les étrangers comme boucs émissaires de tous les problèmes.
Nous avions malheureusement raison, et nous en voyons, aujourd'hui, les conséquences désastreuses : des étrangers ayant vocation à vivre en France se trouvent privés de titre de séjour, alors même qu'ils ne peuvent être reconduits à la frontière ; l'ensemble des étrangers résidant régulièrement sur notre territoire ont vu leur situation devenir toujours plus précaire ; leur droit de vivre en famille se réduit de plus en plus face aux conditions toujours plus restrictives exigées pour le regroupement familial.
Monsieur le ministre, cette situation n'est plus acceptable.
Le volet dit « libéral » du présent projet de loi, qui prétend remédier à l'imbroglio juridique engendré par les lois Pasqua, loin d'accorder un véritable droit à ces étrangers, qui ont pourtant, je le répète, vocation à vivre sur notre sol, les laisse, en réalité, dans une précarité injustifiée.
Comment osez-vous, monsieur le ministre, leur accorder un titre de séjour d'une durée limitée à un an, alors qu'il s'agit de parents d'enfants français ou de conjoints de Français ?
Vous ne cessez de compliquer une législation déjà fort complexe. Vous créez ainsi des régimes juridiques différents pour une même catégorie d'étrangers, selon des critères qui oublient que leur caractéristique commune, qui prime toutes les autres, est, par exemple, d'être marié à un Français ou à une Française, ou d'être parent d'un enfant français.
Mais, surtout, monsieur le ministre, vous ne mettez pas fin définitivement à la catégorie pour le moins absurde des « ni régularisables » « ni éloignables » du territoire.
Quel sort réservez-vous aux étrangers conjoints de Français, entrés, c'est vrai, sans visa en France, sinon celui d'une vie clandestine, d'une vie de sans-droit ?
Quand accepterez-vous de regarder la réalité en face, en cessant de voir en chaque étranger un délinquant ?
Votre projet de loi, monsieur le ministre, loin d'être un texte équilibré et équitable, est une véritable déclaration de guerre faite aux étrangers.
Le « tout répressif » est une impasse. Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'il est illusoire de vouloir mener une politique de fermeture totale des frontières.
« La France n'est jamais plus grande que lorsqu'elle l'est pour tous, lorsqu'elle n'est pas repliée sur elle-même ». Cette phrase d'André Malraux nous a été rappelée par le Président de la République lui-même, lors de son discours prononcé à l'occasion du transfert des cendres d'André Malraux au Panthéon.
Il est encore temps, mes chers collègues, que vous méditiez ces propos et que vous en tiriez les conséquences, en adoptant notre amendement, sur lequel nous demandons que le Sénat se prononce par un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 153, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 99:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 96 |
Contre | 221 |
Par amendement n° 154, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil est abrogée. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à abroger la loi du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil.
Permettez-moi de rappeler l'objet de cette loi. Elle fait suite à la loi relative à la maîtrise de l'immigration du 24 août 1993, qui contenait, pour une large part, des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision des 12 et 13 août 1993.
Je tiens à souligner ici que cette décision a été, en quelque sorte, celle des records. Ainsi, dans l'ouvrage Les Grands Arrêts du Conseil constitutionnel , on peut lire ces observations de MM. Favoreu et Philip : « C'est la plus longue décision qu'ait rendue le Conseil constitutionnel : 134 considérants. » Plus loin : « C'est aussi celle qui a donné lieu à l'invocation du plus grand nombre de moyens : environ quatre-vingts, répartis en une quinzaine de catégories différentes : liberté individuelle y compris inviolabilité du domicile, liberté d'aller et venir, liberté de mariage, etc., droits de la défense, droit de recours, légalité des délits et des peines, proportionnalité et nécessité des sanctions, droit de mener une vie familiale normale et au regroupement familial, droit aux prestations sociales, principe d'égalité, indivisibilité de la République, incompétence négative du législateur... »
« Le Conseil constitutionnel a prononcé l'invalidation de dix dispositions relevant de huit cas différents. »
Cette décision est donc l'une des plus sévères qui aient été prononcées, surtout si l'on ajoute aux huit cas d'invalidation la douzaine de réserves d'interprétation formulées, dont trois sont expressément qualifiées de strictes réserves d'interprétation.
Au total donc, plus de vingt dispositions ont été considérées comme inconstitutionnelles. C'est beaucoup, surtout si l'on considère que la loi ne comportait que cinquante et un articles !
M. Pasqua, soutenu par la majorité, avait décidé, avec son projet de loi, de frapper fort en matière d'immigration. Il a dû cependant prendre en compte les remarques du Conseil constitutionnel et proposer un autre texte, devenu la loi du 30 décembre 1993.
C'est donc de cette loi que nous demandons l'abrogation, par analogie avec la demande de suppression de la loi du 24 août 1993, précédemment formulée. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 155, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article premier, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité est abrogée. »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Nous proposons d'abroger la loi du 10 août 1993 relative aux contrôles d'identité, loi au caractère sécuritaire très marqué : cette loi fait un amalgame qui, contrairement aux valeurs de la République, place l'étranger présent sur notre sol en situation d'insécurité permanente.
Comment s'étonner alors que ces lois proposées et votées par la majorité de droite mettent clairement les étrangers en position d'accusés et favorisent le succès des thèses de Le Pen ?
Votre responsabilité dans la persistance du danger raciste, monsieur le ministre, est grande. La réalité d'aujourd'hui est claire. Vous menez une politique qui accentue encore le désarroi des populations les plus défavorisées, qui généralise la précarité, une politique qui fait battre de tristes records de chômage en Europe, une politique qui accentue la pauvreté et la misère.
Dans le même temps, vous continuez de traiter les étrangers en accusés en maintenant sur eux une terrible pression tant législative, réglementaire que policière.
Les immigrés voleraient les emplois, les logements, ils accentueraient le déficit de la sécurité sociale, ils poseraient des bombes... Les immigrés seraient des dealers, des cambrioleurs... Des arguments aussi vils et bas ne s'entendent pas qu'au café du commerce.
Nous, nous estimons qu'il faut d'urgence rompre avec cette logique sous peine d'assister à la multiplication des « Vitrolles ».
Il faut donc rompre avec la logique d'un texte tel que celui du 10 août 1993, qui instaurait le tristement célèbre « contrôle au faciès ».
Depuis 1993, nous avons pu constater l'exaspération que soulèvent ces méthodes, notamment parmi les jeunes de banlieue...
M. Robert Pagès. Tout à fait !
M. Jean-Luc Bécart. ... et l'inefficacité de telles mesures ; il suffit de constater la croissance du trafic de stupéfiants dans les banlieues depuis 1993 pour le comprendre.
Notre conception de la protection de la nécessaire sécurité des biens et des personnes est tout autre. Elle doit s'appuyer sur une politique de redressement économique et de création massive de véritables emplois et non pas de petits boulots qui exaspèrent toujours plus les jeunes. Elle doit s'appuyer sur une politique de prévention qui exige des moyens autres que ceux trop dérisoires qui existent aujourd'hui.
La réinsertion des jeunes délinquants doit être considérée comme essentielle. Certes, la dissuasion et la répression doivent intervenir, bien entendu, mais ne doivent être conçues que comme des ultimes recours, dans le cadre d'une politique de sécurité radicalement différente, intégrée dans une politique de progrès social.
Je conclurai en rappelant les propos de notre ancien collègue et ami Charles Lederman, qui dénonçait ici même, le 29 juin 1993, la « bête aux aguets qui doit susciter la vigilance constante, la sagesse de tous ceux qui persistent à croire que la nation s'est faite sur des valeurs assurées et non codifiées ».
Mes chers collègues, nous trouvons plus que jamais nécessaire l'abrogation de cette loi du 10 août 1993 ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 155, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures
cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Jack Ralite.
Je demande la parole, pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je viens de prendre connaissance d'une dépêche de presse - confirmée par un
appel téléphonique au collège des médiateurs - qui fait état de
l'interpellation, ce matin, de femmes sans papiers et de personnes les
accompagnant alors qu'elles se rendaient en délégation auprès de Mme Claude
Chirac, qui a déclaré à l'hebdomadaire
Le Point
que l'affaire des «
sans-papiers » de Saint-Bernard avait constitué « un événement majeur de
l'année 1996. ».
La délégation souhaitait déposer une requête auprès de Mme Claude Chirac, afin
que cette dernière la transmette à son père, le Président de la République.
Mais, rue du Bac, des fonctionnaires de police sont intervenus et les ont
emmenées au commissariat.
Au moment où nous discutons de ce projet de loi, cet acte constitue un symbole
quelque peu provocant.
Ce texte a été qualifié de « technique », et je ne sache pas qu'il mette en
cause le droit de manifester. Pourtant, un glissement s'opère. Je demande donc
à M. le ministre de l'intérieur d'intervenir immédiatement pour que ces
personnes soient libérées.
(Très bien ! sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen. - Murmures sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
On doit respecter la loi !
M. Jack Ralite.
Elle n'est pas votée, la loi !
M. le président.
Monsieur Ralite, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je voudrais simplement exprimer à M. Ralite notre vive gratitude pour la
sollicitude qu'il témoigne à l'égard de la famille du Président de la
République. Nous espérons vivement qu'elle ne se démentira en aucune façon.
(Applaudissement sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
5
DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Nous en sommes parvenus à l'amendement n° 157, tendant à insérer un article
additionnel avant l'article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er
(suite)
M. le président.
Par amendement n° 157, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er ,
un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des
aéroports et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est
abrogée. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre amendement a pour objet d'abroger la loi du 6 juillet 1992 relative à la
zone d'attente des ports et des aéroports et portant modification de
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et
de séjour des étrangers en France.
Cette loi a institué des « zones d'attente » dans les ports et les aéroports
pour retenir les étrangers demandeurs d'asile le « temps nécessaire » à
l'instruction de leur dossier.
M. Jean Chérioux.
Cela paraît logique !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Commme à l'époque, nous sommes opposés à ces dispositifs, monsieur Chérioux
!
Nous avions alors dénoncé ces zones de droit minimum dans lesquelles se
trouvent confinés, pendant un délai pouvant aller jusqu'à vingt jours, les
demandeurs d'asile qui attendent l'examen de leur demande.
M. Christian Bonnet.
C'est le double du délai de rétention.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Malgré la prise en compte par cette loi de 1992 des observations du Conseil
contitutionnel et la mise en place de quelques garde-fous tels que le droit,
pour les demandeurs d'asile, de bénéficier d'un conseil, d'un médecin, d'un
interprète, ou l'accès des organisations humanitaires aux zones d'attente, il
reste que tout demandeur est
a priori
suspecté d'être un fraudeur dont
le délit est de solliciter l'accès au territoire français au nom du droit
d'asile.
Nous demeurons donc résolument opposés à la création des zones d'attente, qui
ont été étendues en 1994, car leur raison d'être est d'expulser plus facilement
des réfugiés qui quittent leur pays d'origine parce qu'ils y sont menacés dans
leur conscience, dans leur liberté et dans leur vie, ce qui leur est souvent
difficile à prouver sans délai.
Il faut tenir compte des circonstances qui accompagnent leur fuite. Il y va de
l'honneur de notre pays, qui se doit d'accorder un
a priori
favorable
aux demandes d'asile politique.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, en adoptant cet amendement,
d'abroger une loi que nous considérons comme restrictive en matière de droit
d'asile et de police des étrangers.
M. le président.
La commission et le Gouvernement ont indiqué ce matin qu'ils étaient
défavorables aux amendements n°s 157 et 156.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 157.
M. Christian Bonnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Le délai de rétention dans les zones d'attente des ports et des aéroports dont
vient de parler Mme Beaudeau est de vingt jours. On s'explique donc très mal
pourquoi le délai de rétention administrative est de sept jours, pouvant
éventuellement être porté à dix jours. C'est la moitié du délai que vient
d'évoquer Mme Beaudeau.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 157, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 156, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite, les membres du groupe
communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 portant modification de l'ordonnance
n° 44-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France est abrogée. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 27
décembre 1994 que nous proposons d'abroger par cet amendement accentuerait les
caractéristiques répressives de la loi de 1992.
Cette loi, en effet, avait pour objet d'étendre les zones d'attente, ces
véritables zones de non-droit aux gares ferroviaires ouvertes au trafic
international.
Ce texte a participé à déstabiliser encore davantage la situation des
étrangers en France en jetant la suspicion sur tout étranger se déplaçant en
train, surtout s'il s'agit d'un train en provenance de l'étranger.
(Bien sûr ! sur les travées du RPR.)
En vertu de cette loi, l'étranger est soupçonné d'être en situation
irrégulière, il peut être contrôlé, voire débarqué du train pour vérification
de son identité ainsi que de sa situation.
Ce texte s'inscrivait donc totalement dans la logique des lois adoptées en
1993, qui montrent du doigt l'étranger comme source de la plupart des maux dont
souffre notre pays.
Le but évident de ce texte était de dresser une barrière supplémentaire à la
demande par un étranger de la reconnaissance auprès de l'OFPRA de son statut de
réfugié. Ainsi, le voyage d'un étranger peut être interrompu avant son arrivée
à Paris et la demande d'asile peut donc être rejetée au motif qu'elle serait
manifestement irrecevable, et ce sans qu'aucun examen sérieux de la situation
n'ait été pratiqué.
Nous avions également souligné, lors du débat sur ce texte, le risque de
confusion entre la procédure du maintien en zone d'attente et celle de la
reconduite à la frontière : tout étranger en situation irrégulière voyageant en
train international sera présumé venir directement de l'Etat de provenance du
train, et ce, alors qu'il vit en France depuis plusieurs jours ou plusieurs
mois et qu'il ne peut pas le prouver pour autant.
Nous ne sommes pas en dehors des réalités. Nous ne contestons aucunement la
nécessité de contrôler efficacement les flux de migration, mais nous estimons
que le matraquage législatif auquel se livre la droite depuis 1993 en matière
de politique d'immigration est inacceptable, alors que cette même droite
aggrave les conditions de vie générales des habitants de notre pays.
Nous devons dire stop à cette dérive qui fait le lit des discours de
xénophobie et de haine.
C'est pourquoi nous vous proposons d'abroger cette loi du 27 décembre 1993.
M. le président.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet
amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 158, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« D'où qu'il vienne et où qu'il soit, tout individu a en France des droits
fondamentaux que la législation se doit de respecter et de protéger.
« La liberté d'aller et venir, celle de pouvoir trouver des moyens convenables
d'existence, celle de pouvoir mener une vie personnelle et familiale normale,
sont au premier rang de ces droits.
« Les restrictions qui peuvent y être apportées ne sauraient être
discriminatoires ou arbitraires et doivent se limiter à celles qu'imposent à
tous les nécessités d'une société démocratique. »
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Cet amendement a pour objet de faire apparaître clairement, en forme de
préambule, les principes fondamentaux que se doit de respecter la loi en
matière d'immigration.
Les durcissements successifs de la législation sur les étrangers intervenus
ces dernières années, ainsi que le développement de pratiques administratives
et policières bafouant les droits élémentaires de tout être humain nous font
craindre le pire.
Les obligations administratives imposées aux étrangers sont de plus en plus
tatillonnes et contraignantes, et leurs droits toujours plus réduits. On
apprend ici et là que des mineurs ont été placés en détention, des familles
séparées et des reconduites à la frontière effectuées au mépris du droit.
Cela ne peut plus durer. De telles entorses aux principes fondamentaux d'un
Etat démocratique ne sont pas tolérables.
Le Gouvernement fabrique par touches successives un droit pénal d'exception à
l'encontre des étrangers. Ce régime juridique discriminatoire repose sur un
principe des plus contestables : la suspicion généralisée.
Il est urgent de mettre un terme à la surenchère répressive et illusoire à
laquelle se livre le Gouvernement et de rappeler les principes fondamentaux qui
doivent guider une politique française en matière d'immigration digne de ce
nom. Il ne s'agit aucunement d'une générosité laxiste, mais, bien au contraire,
il s'agit d'appliquer avec rigueur et fidélité les principes de la République.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je rappellerai à M. Pagès que le contenu de cet amendement
est d'ordre constitutionnel. Les principes qu'il énonce sont inscrits dans la
loi fondamentale. Il est inutile de les faire figurer dans un article de loi
ordinaire. La commission est donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 158, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté).
M. le président.
Par amendement n° 159, M. Pagès, Mme Borvo, M Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. La France annule les dettes que les pays les moins avancés ont
contractées auprès de l'Etat.
« II. Les opérations sur le marché monétaire sont soumises à une taxation
spécifique assise sur leur montant. Le taux de la taxe est fixé en tant que de
besoin pour permettre le financement de l'annulation. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
La dette, mes chers collègues, est-il nécessaire de le rappeler, constitue une
ponction insupportable pour des économies déjà affaiblies par l'inégalité des
échanges avec les pays capitalistes développés et les exigences du Fonds
monétaire international et de la Banque mondiale.
Les chiffres sont révélateurs de cette situation.
Ainsi, malgré une timide progression des exportations de matières premières et
des accords de réduction de dettes, la situation des pays de l'Afrique
subsaharienne continue de se dégrader. La dette de ces pays représente en
moyenne 170 % de leurs exportations, ce pourcentage allant jusqu'à 1 000 % au
Mozambique et 600 % en Côte d'Ivoire.
Sur les quarante pays les plus lourdement endettés, trente-trois sont situés
en Afrique subsaharienne, dont la dette s'élève au total à 223 milliards de
dollars.
La France, qui assume une responsabilité dans la situation financière de
nombreux pays sous-développés, en particulier en Afrique, peut et doit agir à
l'échelon international auprès de l'ensemble de ses partenaires capitalistes et
des institutions financières internationales, dans le cadre de l'ONU, pour
obtenir l'annulation immédiate de la dette des pays les moins avancés et aller
vers l'annulation de la dette de l'ensemble des pays en voie de
développement.
A son niveau, et sans attendre qu'une solution internationale positive
intervienne, notre pays pourrait dès maintenant renoncer aux créances qu'il
détient sur les pays les moins avancés.
Pour permettre le financement de cette annulation, nous proposons que les
opérations réalisées sur le marché monétaire soient soumises à une taxation
spécifique.
Cette proposition, vous le savez, est tout à fait réalisable. Une étude
récente d'un groupe d'experts, parmi les meilleurs spécialistes de l'économie
et de la finance internationale, consacrée justement à la taxe Tobin, du nom du
prix Nobel américain, et publiée en juillet dernier, confirme l'efficacité et
la faisabilité d'une telle mesure.
Vous le savez, le vrai problème n'est pas tant de gérer les flux d'immigration
ou de tenter de les réduire que de développer les pays d'émigration et d'aider
à leur développement, ce qui permettrait aux populations qui quittent ces pays
pour fuir la misère et, malheureusement, quelquefois la famine de s'y fixer.
M. Charles Pasqua déclarait lui-même en 1993 : « On peut prendre toutes les
décisions administratives possibles, on ne résoudra le problème de l'émigration
de l'Est comme du Sud que par le développement des pays d'origine. »
Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, il n'est nullement question de
cela, bien au contraire, puisque le budget de la coopération que le
Gouvernement a fait adopter accusait une baisse de 7 %.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Cela n'a rien à voir !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Pour remédier à cette grave lacune qui constitue un problème de fond que l'on
ne peut pas évacuer, et pour parvenir à une solution acceptable par tous, nous
vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, et ce par
scrutin public.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
100:
Nombre de votants | 252 |
Nombre de suffrages exprimés | 252 |
Majorité absolue des suffrages | 127 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 230 |
Par amendement n° 161, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er janvier 1997, il est institué une taxation spécifique des délocalisations d'entreprises dans un pays extérieur à l'Union européenne.
« II. - Cette taxe est fixée au taux de 10 % de la valeur comptable des actifs délocalisés tels qu'inscrits au bilan de l'entreprise concernée, majorée des éventuelles reprises sur provisions ou amortissements associés à l'opération de délocalisation.
« III. - Le produit de la taxe définie au II ci-dessus est affecté au compte de prêts n° 903-17 " Prêts du trésor à des Etats étrangers et à la caisse française de développement ".
« Il est mobilisé sous forme de prêts à faible taux d'intérêt, de créances participatives ou de prêts convertibles en subventions pour faciliter la mise en oeuvre de programmes bilatéraux et multilatéraux de développement économique. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement n° 161 constitue une proposition importante pour donner à la France les moyens d'une véritable politique d'immigration.
Nous proposons d'instaurer une taxe sur les opérations de délocalisation d'entreprises au profit du développement économique. Cette taxe s'élèverait à 10 % de la valeur comptable des actifs délocalisés.
Les délocalisations ont pour objectif essentiel, vous le savez - qui pourrait le nier ? - la recherche d'un profit toujours plus grand. Des chefs d'entreprises choisissent en toute impunité de supprimer des emplois en France pour profiter du faible coût de la main-d'oeuvre ou de la fiscalité plus intéressante des pays d'accueil. Ces derniers sont, bien entendu, pour l'essentiel des pays du tiers monde.
Nous estimons qu'il faut abandonner cette politique fondée sur les choix stratégiques de directions d'entreprises qui favorisent la compétitivité sociale, la déflation salariale contre l'emploi dans les pays d'origine et contre le progrès social dans les pays d'arrivée des délocalisations.
Contrairement aux propos de ses partisans, cette politique n'offre qu'un minimum d'emplois aux pays d'accueil sans permettre, notamment du fait de la déflation salariale, aux marchés intérieurs de ces pays de se développer réellement.
Il apparaît donc particulièrement utile d'instaurer une taxe spécifique frappant les délocalisations d'entreprises vers un pays extérieur à l'Union européenne. Notre proposition permet de sortir de la fatalité de la mondialisation, qui imposerait ses règles de libre concurrence et le libéralisme économique le plus cru.
Il est possible de s'opposer à la déréglementation la plus totale en matière de droit du travail et à l'abaissement des conditions de travail vers le bas. Il est possible, en taxant ce véritable dumping social, de mettre à la disposition d'une grande politique de développement des moyens nouveaux et significatifs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 161, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 160, M. Pagès, Mme Bravo, M. Ralite et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Chaque année, un rapport est présenté par le Gouvernement devant le Parlement informant des initiatives internationnales prises par la France pour la généralisation de cette annulation.
« Ce rapport fera également état des initiatives prises par le Gouvernement pour que l'ensemble des pays en voie de développement obtiennent, dans le cadre d'une évolution négociée, l'annulation de leur dette. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le comité d'aide au développement de l'OCDE à déboursé 59 milliards de dollars d'aide au développement en 1995 contre 59,2 milliards de dollars en 1994. Ces chiffres ont été repris par la revue Problèmes économiques.
Du fait de la baisse du dollar intervenue en 1995, cette légère diminution en dollars courants masque une baisse de 9,3 % en termes réels par rapport à 1994.
Cet effort, mes chers collègues, représente à peine 0,27 % du produit national brut de l'ensemble des pays membres, taux le plus faible enregistré depuis que les Nations unies ont adopté, en 1970, un objectif de 0,7 % !
Si j'ai commencé la défense de cet amendement par le rappel de ces quelques chiffres, c'est qu'il me semble important que la France use de tout son poids et de toute son autorité pour inverser cette tendance qui a abouti à la situation paradoxale, pour ne pas dire plus, qui est la suivante : les pays riches reçoivent davantage des pays pauvres qu'ils ne leur versent !
M. Jacques Chirac, lors d'un entretien télévisé, le 3 décembre 1995, déclarait que « les grandes puissances qui sont à l'origine de l'esclavage devraient assumer leurs responsabilités historiques ». Il poursuivait : « Nous devons nous souvenir et réparer ».
Comment ne pas commencer par annuler la dette des pays les moins avancés ? Comment, ensuite, ne pas s'engager dans la voie de l'annulation progressive de la dette de l'ensemble des pays que l'on veut considérer comme étant « en voie de développement » ?
Pour qu'ils le soient réellement, inversons donc la logique des rapports inégaux, imposons des relations internationales porteuses de véritables coopérations et refusons le nouvel ordre international dont les Etats-Unis se veulent les maîtres, ces mêmes Etats-Unis qui rognent sur les crédits alloués aux pays en voie de développement et imposent, au mépris de tous et de tout, leur vision du monde, notamment à l'ONU !
Vous me direz que nous sommes bien loin du texte qui nous occupe et de l'amendement que je vous soumets.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui !
M. Claude Billard. Je vous rétorquerai : bien au contraire, tant il est vrai que la maîtrise, certes nécessaire, des flux migratoires ne saurait se concevoir hors de cette dimension internationale et sans la recherche de véritables coopérations réciproques.
Voilà pourquoi je vous demande d'adopter cet amendement, dont l'objet est de rendre à la France la voix qui devrait être la sienne sur la scène internationale.
Voilà pourquoi il me semble nécessaire qu'un rapport fasse état des initiatives de notre pays dans la voie du progrès et de la solidarité internationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et indépendant.)
M. Michel Rocard. Il a raison !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 160, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658 DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX
CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ Après le premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le signataire d'un certificat d'hébergement doit notifier à la mairie de sa
commune de résidence, dans un délai de huit jours, sauf circonstances
personnelles ou familiales justifiées, le départ de l'étranger hébergé. »
« II. _ Le deuxième alinéa du même article 5-3 est remplacé par cinq alinéas
ainsi rédigés :
« Le maire refuse de viser le certificat d'hébergement dans les cas suivants
:
« _ il ressort, soit de la teneur du certificat et des justificatifs
présentés, soit de la vérification effectuée au domicile de son signataire, que
l'étranger ne peut être hébergé dans des conditions normales ;
« _ les mentions portées sur le certificat sont inexactes ;
« _ les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement
de la procédure au vu d'une enquête demandée par le préfet aux services de
police ou unités de gendarmerie, le cas échéant, à l'initiative du maire ;
« _ le signataire du certificat d'hébergement n'a pas notifié à la mairie le
départ d'un étranger hébergé dans les deux années précédant la demande de visa.
»
« III. _ Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même article
5-3, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il peut y procéder par des visites inopinées. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On nous explique depuis hier que le projet de loi dont nous sommes saisis est
un texte purement technique, dont l'objet est de remédier à des
dysfonctionnements de la loi de 1993. En particulier, puisque certains
étrangers ne peuvent être expulsés en vertu de l'article 25 de l'ordonnance de
1945, il nous est proposé que soit délivrée une carte de séjour temporaire aux
étrangers en situation irrégulière qui entrent dans le champ d'un nouvel
article 12
bis
de ladite ordonnance.
Nous avons déjà dit qu'il existait à cet égard un moyen très simple : décider,
une fois pour toutes, d'attribuer une carte à tous ceux qui ne peuvent pas être
expulsés. Ainsi, il n'y aurait plus de « sans-papiers ». Nous avons déposé des
amendements dans ce sens.
M. Masson, qui écrit lui-même dans son rapport qu'il a été tenté de suivre
cette logique, a néanmoins refusé ces amendements ce matin en commission. Cette
logique aurait pourtant réglé le problème.
Il était d'autant moins nécessaire d'élaborer quelque texte que ce soit qu'il
suffisait au ministre de l'intérieur, qui a tout pouvoir en la matière, avec
les préfets, d'accorder une carte de séjour temporaire à tous ceux qui entrent
dans le champ de l'article 25. Ainsi, nous n'aurions pas eu à revenir une
nouvelle fois sur les conditions d'entrée, de séjour et de circulation des
étrangers en France.
Nous ne contestons pas, monsieur le rapporteur, que le Parlement ait
parfaitement le droit de définir ces conditions, et il est à nos yeux légitime
que celles-ci soient différentes de celles qui s'appliquent aux nationaux, mais
il n'y a pas de raison que le Parlement passe son temps à débattre sur ce sujet
comme si ce sujet était le seul qui existât.
Si je dis cela à propos de l'article 1er, c'est précisément parce que celui-ci
n'a strictement rien à voir avec la régularisation des « sans-papiers ». Ainsi,
dès l'article 1er, nous constatons qu'il ne s'agit pas du tout, contrairement à
ce que vous prétendez, d'un texte « technique » mais qu'il s'agit en fait pour
vous d'aggraver ce que vous aviez déjà fait en 1993.
Vous « enrégimentez » les maires, vous leur demandez de jouer les policiers.
Vous prévoyez même que c'est sur leur initiative que le préfet pourrait
demander au procureur des enquêtes. On peut imaginer que, lorsqu'un maire veut
demander une enquête au procureur, il n'a pas besoin que ce soit écrit dans la
loi. De même, lorsqu'un préfet veut recueillir une demande de la part d'un
maire, il n'est peut-être pas non plus nécessaire de l'écrire dans la loi.
Vous, vous l'écrivez dans la loi.
De surcroît, alors que, actuellement, lorsque vous recevez un ami étranger,
vous vous dispensez sûrement de demander un certificat d'hébergement, vous
voulez que, désormais, ceux qui reçoivent chez eux un ami étranger, après avoir
demandé un certificat d'hébergement, aient l'obligation d'aller déclarer à la
mairie : « Ça y est ! Il est parti ! » Est-ce que vous vous rendez compte de ce
que, psychologiquement, cela peut représenter ?
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
J'ajoute que, normalement, une décision administrative doit être motivée
: c'est la règle générale. Or un texte de 1986, pris sous l'égide d'une
majorité qui l'est redevenue depuis, prévoit qu'il n'y a pas à motiver les
refus de visa.
Il apparaît que, de plus en plus, les visas sont refusés, Cela signifie que
beaucoup de gens versent à l'office des migrations internationales, l'OMI, les
cents francs requis pour un certificat d'hébergement, que ce dernier est envoyé
au consulat concerné à l'étranger mais que, finalement, le visa est refusé.
Et il est impossible de demander les raisons de ce refus puisque, dans ce
texte de 1986, vous avez prévu que le refus de visa n'avait pas à être motivé
!
Monsieur le ministre, jugez-vous normal, alors que le Gouvernement a
manifestement donné des instructions pour que l'on refuse massivement les
visas, que ces refus ne soient pas motivés ? S'ils l'étaient, ils pourraient au
moins être discutés devant les tribunaux administratifs. Cela étant, si les
consulats étaient obligés d'invoquer des motifs, le plus souvent, c'est
évident, ils en seraient incapables. C'est précisément pourquoi nous vous
demandons de faire en sorte que, dorénavant, les refus de visa soient
motivés.
J'ajoute qu'il n'est tout de même pas très honnête d'encaisser de multiples
fois cent francs pour des certificats d'hébergement si l'on sait depuis le
début que, dans la plupart des cas, le visa ne sera pas accordé !
Nous sommes décidés à dénoncer et à combattre cet article 1er. Ce qui nous
incite à penser, si nous avions eu le moindre doute, que nous avons raison de
le faire, c'est, vous le savez bien, la position qui a été prise à cet égard
par le bureau de l'association des maires de France.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Je crois, pour ma part, que nous sommes bien là dans un domaine technique.
M. Jacques Mahéas.
Non, absolument pas !
M. Guy Penne.
Ou alors pyrotechnique !
(Sourires.)
M. Bernard Plasait.
Par ce projet de loi, le Gouvernement manifeste clairement sa volonté de
mettre un terme aux séjours irréguliers des étrangers sur notre territoire.
Dans cette perspective, une attention particulière doit être portée à
l'immigration qui, initialement légale, est devenue clandestine par
détournement de procédure.
La procédure du certificat d'hébergement fournit, sur ce point, un exemple
frappant des carences de la réglementation.
En effet, l'article 5-3 de l'ordonnance de 1945, modifié par la loi du 24 août
1993, dispose que tout étranger non ressortissant de l'Union européenne qui
souhaite séjourner en France pour moins de trois mois, dans le cadre d'une
visite privée, doit présenter un certificat d'hébergement. Celui-ci, délivré
sur la base d'un document type par la personne qui accueille l'étranger,
indique les noms, adresse personnelle et identité du signataire et, s'il y a
lieu, le lien de parenté qui unit le signataire et l'étranger. Lorsque le
signataire est un étranger, le certificat porte mention du lieu, de la date de
délivrance et de la durée de validité du titre de séjour du signataire.
Le certificat est établi en mairie. Lorsque le maire a un doute sérieux sur la
réalité des conditions d'hébergement, il peut saisir l'office des migrations
internationales d'une demande motivée aux fins de faire procéder à une
vérification sur place. Pour effectuer la vérification, les agents de l'OMI ne
peuvent pénétrer dans le domicile qu'avec le consentement écrit de
l'hébergeant.
Les services de contrôle estiment que ce dispositif donne souvent lieu à
fraude de la part des demandeurs. Il semble en effet que de nombreux étrangers
obtiennent des certificats de complaisance, certaines personnes se spécialisant
dans la production - rémunérée - de certificats sans héberger effectivement
l'étranger demandeur.
On ne peut qu'être inquiet, monsieur le ministre, quand on sait que ces
certificats d'hébergement, indispensables pour obtenir un visa, sont l'objet
d'un important trafic et s'achètent, me dit-on, jusqu'à 5 000 francs, voire 10
000 francs pièce.
Ainsi, des étrangers obtiennent, grâce à ces certificats, le droit de
séjourner trois mois en France et y demeurent, souvent dans la clandestinité, à
l'issue de ce délai.
Si 142 736 certificats d'hébergement ont été officiellement visés en 1994, il
semblerait que près du double l'aient été l'an dernier.
Dans ces conditions, je ne peux qu'être perplexe, comme ce maire de la
banlieue parisienne qui déclarait, lors d'un entretien de presse, que, avec 600
familles d'étrangers installés sur sa commune, 450 demandes de certificat
d'hébergement sont déposées chaque année. Cela veut dire que trois familles
étrangères sur quatre demandent, chaque année, à recevoir un parent ou un ami
pendant trois mois.
M. Jacques Mahéas.
Et vous, combien de fois par an rendez-vous visite à des parents ?
M. Bernard Plasait.
Dès lors, je m'étonne, monsieur le ministre, que des milliers d'étrangers,
vivant généralement dans une grande pauvreté dans leur pays, acceptent de
dépenser ce qui représente pour eux des années de salaire, simplement pour
venir passer quelques semaines de vacances avec un parent ou un ami dans un
logement de la banlieue parisienne !
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
C'est profondément déplacé !
M. Robert Pagès.
Quel jugement méprisant !
M. Bernard Plasait.
Il me semble donc clair qu'il y a, dans notre réglementation, trois carences
majeures.
D'abord, les conditions exigées de l'hébergeant sont très peu contraignantes.
Il doit seulement prouver que son logement répond à certaines normes de
superficie. Il ne lui est demandé de justifier d'aucune ressource.
M. Robert Pagès.
Alors, pourquoi certains maires refusent-ils systématiquement de viser les
certificats ?
M. Bernard Plasait.
Ensuite, les conditions demandées à l'hébergé sont, elles aussi, vraiment
minimales. Une fois le certificat signé, pour obtenir son visa, il doit
seulement justifier de ressources au moins égales à la moitié du SMIC
journalier. Je crois vraiment qu'un tel montant ne peut garantir qu'il sera en
mesure de faire face à toutes ses dépenses sur le territoire français.
M. Robert Pagès.
Malheur aux pauvres !
M. Bernard Plasait.
Enfin, les maires disposent de moyens très faibles pour s'opposer à la
délivrance des certificats et, s'ils les délivrent, pour contrôler les
conditions de séjour de l'hébergé.
La loi, en ne prévoyant aucune réelle mesure de surveillance de ce type de
séjour et en imposant très peu de contraintes à l'hébergeant comme l'hébergé, a
laissé, en réalité, la porte ouverte à des dérives qui font incontestablement,
me semble-t-il, du certificat d'hébergement l'un des moyens privilégiés de
l'immigration clandestine.
C'est la raion pour laquelle, monsieur le ministre, les dispositions de
l'article 1er, tel qu'il résulte du vote en première lecture de l'Assemblée
nationale, ne me paraissent pas répondre aux nécessités que je viens d'évoquer.
J'ai donc déposé plusieurs amendements sur cet article.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Robert Pagès.
C'était la voix des ultras !
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Avant d'évoquer l'article 1er, je veux dire à l'orateur précédent combien je
suis choqué de voir quelqu'un s'autoriser à juger de la manière dont un pauvre
utilise sa pauvreté ! Il a peu, et l'on veut aller enquêter sur la façon dont
il dépense !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes. - Protestations
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mon émotion est à la mesure de l'ignominie qui vient d'être proférée !
(Les protestations redoublent sur les mêmes travées.)
J'habite une ville où il y a beaucoup de pauvres, et je ne me suis jamais
mêlé de savoir comment ils dépensaient leur pauvreté !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Charles de Cuttoli.
C'est une réunion électorale ?
M. Jean Chérioux.
On sait ce qu'est la pauvreté !
M. Michel Rocard.
Il a parfaitement raison !
M. Jack Ralite.
Dès son article 1er, le projet de loi comprend de vrais dangers pour les
libertés - on vient d'en avoir l'illustration - et même pour l'organisation
démocratique de notre pays.
En effet, évoquant les dispositions qui durcissent considérablement le régime
des certificats d'hébergement, le Conseil d'Etat avait refusé d'accepter «
cette atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée de l'hébergeant
».
La commission nationale des droits de l'homme l'a confirmé le 15 novembre
quand, sous la présidence de M. Kahn, elle a insisté sur le fait que cet
article 1er risquait d'engendrer des « pratiques de délation ».
Oui, ces dispositions sont inacceptables, et ce pour deux raisons
principales.
En premier lieu, elles instaurent des sanctions administratives ou pénales
supplémentaires à l'encontre des hébergeants.
En second lieu, cet article 1er engendrera, de fait, la création de fichiers
informatiques, à l'utilisation difficilement contrôlable.
Comment ne pas craindre la constitution, à l'avenir, de fichiers informatiques
mettant en cause la vie privée des hébergeants et des hébergés ?
M. Gérard Braun.
On n'est pas en Russie !
M. Jack Ralite.
Nous ne contestons pas la nécessité de conserver tel ou tel document pour la
bonne marche de l'administration des communes, car nous savons que la pratique
l'impose. Mais, avec cet article 1er, c'est de tout autre chose qu'il s'agit,
puisque M. le ministre a confirmé lui-même, devant la commission compétente de
l'Assemblée nationale, la nécessité de conserver une trace des demandes.
Or, étant donné la nombreuse population des grandes villes, ces demandes
devront être conservées grâce à l'informatique. Il s'agira donc non plus de «
registres » ou de « répertoires », comme on a pu l'entendre ici ou là, mais de
véritables fichiers informatiques qui tombent sous le coup de la loi du 6
janvier 1978, laquelle interdit toute atteinte à la vie privée. Qui peut
contester ici l'existence potentielle d'une telle atteinte ?
Je dois rappeler ici que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13
août 1993, a posé clairement son point de vue en la matière : il rappelle en
effet que « le législateur a entendu explicitement assurer l'application des
dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ».
L'article 1er est donc, selon nous, irrecevable sur le plan du strict respect
des libertés fondamentales, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce point à
l'occasion de l'examen des amendements.
En outre, cet article 1er suscite des réserves, voire une franche hostilité,
et ce au-delà de l'opposition et des associations qui protestent contre le
projet de loi. Ainsi, l'Association des maires de France s'est clairement
élevée contre cette disposition. Elle juge en effet ces mesures « nuisibles à
la sérénité politique locale et susceptibles de créer un climat de suspicion à
l'égard du maire ».
Ces remarques sont pertinentes, car les élus locaux ne peuvent accepter
l'attitude du Gouvernement, qui tonne contre les immigrés mais qui, dans la
pratique quotidienne, veut transférer au maire une responsabilité totale en
matière de délivrance des certificats d'hébergement.
Nous constatons donc qu'il existe des points de vue très divers et que la
majorité est même divisée sur cette question des certificats d'hébergement.
C'est d'ailleurs bien normal, s'agissant d'un problème privé aussi
fondamental.
Nous espérons donc que le bon sens démocratique prévaudra et que M. le
ministre et la majorité renonceront, en acceptant le retrait ou la suppression
de cet article, à ces nouveaux outils qui blessent les libertés.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen leur en offriront la
possibilité, puisqu'ils ont déposé un amendement de suppression.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Michel Rocard.
Qu'est-ce que tu es bon, Jack !
M. le président.
La parole est à M. Authié.
M. Germain Authié.
J'interviendrai brièvement en qualité de président de l'association des maires
de mon département, lequel présente la caractéristique de compter près de 180
kilomètres de frontière avec l'Espagne et 50 avec la principauté d'Andorre.
Etant moi-même maire d'une commune située à moins de 40 kilomètres de la
frontière, je m'interroge sur l'efficacité du dispositif proposé au regard de
l'objectif officiellement visé - je dis bien « officiellement » - à savoir la
lutte contre l'immigration clandestine.
En revanche, ce texte, s'il est mis en oeuvre, aggravera sans aucun doute les
difficultés déjà rencontrées par les étrangers qui souhaitent venir en France
pour effectuer des visites familiales et privées.
En outre, je considère que le rôle des maires se trouverait singulièrement
modifié, car ils n'ont pas été élus pour faire fonction d'agents de police.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Nous avons maintenant entamé la discussion du texte, et l'article 1er est le
plus important, qui a suscité, il faut le savoir, le plus de réserves de la
part d'abord de la commission consultative des droits de l'homme, ensuite du
Conseil d'Etat et, enfin, de l'Association des maires de France. C'est dire à
quel point son examen requiert une attention scrupuleuse de notre part.
Avec la pratique des certificats d'hébergement, nous nous trouvons dans une
situation de droit qui a été reconnue par le Conseil d'Etat, à deux reprises,
et par le Conseil constitutionnel.
Cette démarche concerne une personne qui souhaite recevoir chez elle, pour une
visite privée, un étranger, qui est, bien sûr, par définition, en situation
régulière, car, dans le cas contraire, on pense bien qu'il n'ira pas demander
un certificat d'hébergement. Telle est la situation.
La pratique du visa s'est révélée variable selon les mairies. Nous savons que,
hélas ! dans certaines mairies, on a pris le parti de refuser systématiquement
de viser les certificats d'hébergement demandés, tandis qu'ailleurs le visa est
toujours accordé. Cependant, le premier cas est le plus fréquent.
La pratique introduit également une discrimination entre les étrangers, parce
qu'il ne faut pas oublier que, si l'étranger réside dans un hôtel, il n'est
plus question alors pour lui de demander un certificat d'hébergement.
On veut apporter maintenant une adjonction au dispositif, laquelle a suscité
une réaction négative du Conseil d'Etat et inquiète aussi les maires.
L'adjonction est la suivante : lorsque le certificat d'hébergement a été obtenu
et que l'étranger, régulièrement entré en France, a terminé son séjour chez
l'hébergeant, celui-ci doit signaler à la mairie le départ de son invité.
Une question ne peut pas ne pas être posée à propos de cette obligation : à
quoi sert-elle ?
S'il s'agit de lutter contre l'entrée irrégulière d'étrangers, cela n'a aucun
sens, puisque, encore une fois, il s'agit de quelqu'un qui est entré sur le
territoire avec un certificat d'hébergement. Donc, telle ne peut pas être la
finalité de la nouvelle mesure proposée.
S'il s'agit de déceler le départ de France de cet étranger, ce n'est pas le
fait de quitter le domicile de l'hébergeant qui implique la sortie du
territoire. Telle n'est donc pas non plus la finalité.
Certes, on nous dit que cette disposition répond à une préoccupation, celle de
repérer des filières d'immigration clandestines, et qu'elle permettrait de les
cerner. Comment alors ne pas s'interroger ? J'ai rappelé que les filières
clandestines sont constitutives d'infraction et que ce problème concerne la
police judiciaire, le parquet et les magistrats instructeurs.
S'il s'agit de déceler des indices qui permettront à la police judiciaire
d'accomplir sa mission, il est déjà très désagréable, on le comprendra, pour
tous ceux qui, après avoir délivré le certificat d'hébergement, doivent
dénoncer le départ de leur hôte, de savoir que leur déclaration sera utilisée
dans le cadre d'opérations de police judiciaire. Je n'insiste pas sur ce
point.
De surcroît, cette procédure est totalement inopérante, parce que ce qui
caractérise la constitution d'une filière clandestine, ce sont évidemment les
demandes de visa renouvelées, multipliées, singulières et concernant des lieux
de séjour inadaptés, et non pas la date du départ.
Nous nous trouvons donc devant une démarche par laquelle on tend à exiger que
tous les Français et les étrangers régulièrement domiciliés en France
deviennent les dénonciateurs de ceux qui, après avoir séjourné chez eux,
quittent leur domicile. Comment ne pas s'interroger lorsque l'on examine les
conséquences d'une telle mesure, qui se caractérise par son absence
d'efficacité, en dehors bien entendu des questions constitutionnelles qu'elle
est de nature à soulever ?
Cette perplexité est d'autant plus grande que si par exemple le départ de
parents étrangers reçus par leur enfant français ou d'une jeune fille marocaine
ou tunisienne accueillie par son fiancé français n'a pas été dénoncé, il ne
sera plus possible d'obtenir un autre certificat d'hébergement
ultérieurement.
Cela signifie que le fils ne recevra plus ses parents ou que le jeune homme
n'accueillera plus sa fiancée, parce qu'il aura oublié d'accomplir une
formalité !
En me plaçant cette fois-ci du point de vue des maires, je veux souligner
l'inévitable, et peut-être le prévenir. Je laisse de côté le problème du
ficher, qui, j'en suis sûr, devra être constitué dans les mairies où des
certificats d'hébergement seront fréquemment visés. En effet, comment
constatera-t-on autrement que celui qui a été accueilli est reparti sans
déclaration à l'appui ? Il faut donc établir un fichier, et admettons que
celui-ci répondra aux exigences de la CNIL. Cela représentera une charge pour
la mairie.
Il faut cependant mesurer que, comme pour être relevé de ce que j'appelle une
sorte de déchéance du droit d'hébergement...
M. le président.
Monsieur Badinter, je vous prie de bien vouloir conclure.
M. Robert Badinter.
Tout à l'heure, vous n'étiez pas aussi pointilleux, monsieur le président !
M. le président.
Ce n'est pas très gentil de votre part, monsieur Badinter, car je vous ai
laissé parler deux minutes de plus que vous n'en aviez le droit.
Vous voyez que je suis très tolérant !
M. Robert Badinter.
Je vous remercie, monsieur le président.
J'en termine, mais je tiens à aborder une question essentielle. Comme je le
disais, du point de vue des maires, chacun de ces constats de déchéance, fût-ce
pendant une période limitée, du droit d'hébergement, entraînera inévitablement
un recours. En effet, il n'est pas possible que l'on ne s'aperçoive pas que ces
décisions administratives sont susceptibles de recours, et l'ardeur justifiée
des associations dans ce domaine entraînera, sans profit aucun, j'en suis
convaincu, pour la finalité qui est affirmée par les auteurs du texte, une
prolifération de contentieux dont les maires et les juridictions
administratives auront à supporter le poids.
On comprend dès lors pourquoi l'Association des maires de France et le Conseil
d'Etat, pour ne parler que d'eux, et en dehors de toute autre considération,
sont opposés à cette disposition, dont on sent trop bien le caractère et
l'origine.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga.
Je voudrais porter quelques informations à la connaissance du Sénat sur les
chiffres concernant les certificats d'hébergement. Combien délivre-t-on en
effet de visas à des étrangers qui demandent à faire un séjour en France ?
J'englobe ici tous les visas, qu'il s'agisse de visas de court séjour, qui sont
la majorité, ou de visas de long séjour.
Sachez, mes chers collègues, qu'il n'est nul besoin de durcir les conditions
d'obtention du certificat d'hébergement pour diminuer encore le nombre de visas
accordés en particulier à tous les étrangers ressortissants de l'espace
francophone.
En effet, si vous examinez les chiffres couvrant la période allant de 1987,
époque à laquelle cette majorité était au pouvoir, à 1996, vous constaterez une
chute incroyable du nombre de visas délivrés.
Par exemple, le nombre de visas délivrés aux ressortissants d'un pays comme la
Côte d'Ivoire, est passé de 22 800 en 1987 à 12 500 en 1996. S'agissant des
pays d'Afrique du Nord, pour lesquels les chiffres sont beaucoup plus élevés,
le nombre de visas concernant des citoyens marocains est passé de 144 000 en
1984 à moins de 60 000 en 1996.
Cela signifie que c'est en amont, dans les services des visas, que l'on bloque
la venue en France d'étrangers francophones dont on ne souhaite pas la
visite.
Il en est de même en ce qui concerne la Tunisie. En effet, le nombre de visas
est passé de 73 740 en 1987 à 48 262 en 1996, alors que nous avons signé
l'accord de partenariat eurotunisien voilà quelques mois.
S'agissant, enfin, de l'Algérie, la situation est assez effroyable puisque le
nombre de visas est passé de 571 000 en 1987 à 48 000 en 1996. Là, c'est
vraiment le mur, le cordon sanitaire. Les Algériens, menacés ou non, ne
viennent plus en France, quelle que soit la longueur du séjour, et les familles
séparées par la Méditerranée ne peuvent pas se rencontrer en France.
Plus grave d'une certaine manière, même si cela ne concerne pas les
certificats d'hébergement, le nombre des visas accordés aux étudiants d'un
grand nombre de pays francophones diminue très nettement, de moitié ou des deux
tiers.
Donc, que l'on ne nous dise pas que c'est en durcissant les conditions de
délivrance des certificats d'hébergement que l'on réduira l'entrée d'étrangers
en France, réguliers ou irréguliers ; on le fait déjà dans les services des
visas !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Descours.
Enfin ! Nous allons entendre un autre son !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
D'abord, je ne comprends pas les réticences que
certains ont s'agissant des certificats d'hébergement. En effet, ces
certificats résultent du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, signé par M.
Badinter, garde des sceaux !
(Bravo ! Rires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants ; exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Modifié en 1991 !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ce décret dispose : « pour une visite privée » -
il prévoit les visites touristiques ou professionnelles - « est établi un
certificat d'hébergement signé par la personne qui accueille l'étranger. Ce
certificat indique l'identité de l'auteur du certificat, son adresse
personnelle, l'identité du bénéficiaire et précise les conditions
d'hébergement. Il mentionne, s'il y a lieu, le lien de parenté du signataire du
certificat avec la personne hébergée. »
M. Guy Penne.
C'était bien. Restez-en là !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
« Le certificat doit être revêtu du visa du
maire de la commune après vérification par celui-ci. »
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Un sénateur du RPR.
Bravo !
M. Charles Descours.
Il est facile d'être dans l'opposition, monsieur Badinter !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je tiens ce décret à votre disposition.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il a été modifié !
M. Charles Descours.
Il est plus difficile de gouverner !
M. le président.
Mes chers collègues, M. le ministre a seul la parole.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Soyons clairs. Je n'ai jamais eu l'intention
d'entraver l'accueil des étrangers en France lors des visites familiales ou
privées. Il n'est pas question de fichiers. En tout état de cause, si certains
maires veulent constituer des fichiers, ils doivent au préalable - vous l'avez
dit, monsieur Badinter - obtenir l'accord de la CNIL.
M. Guy Penne.
Elle va le leur donner !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le seul objectif du Gouvernement est de mieux
lutter contre les professionnels de l'hébergement, qui monnaient les
certificats d'hébergement à des étrangers cherchant à s'introduire durablement
en France sous le couvert d'un simple visa de court séjour, comme l'a fort bien
expliqué M. Plasait. Je ne veux pas que l'on dénature l'intention du
Gouvernement. J'ajoute qu'il me paraît légitime d'inciter les maires, agissant
au nom de l'Etat, à ne pas s'associer indirectement, si peu que ce soit, à
l'immigration irrégulière.
Un sénateur du RPR.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
A cette fin, ils pourront s'appuyer non
seulement sur l'OMI pour les visites domiciliaires, ce qu'ils ne font pas
assez, ...
M. Guy Penne.
Ils peuvent le faire !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est prévu par la loi !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... mais aussi, dans les cas les plus douteux,
sur les services de l'Etat, afin de détecter d'éventuels détournements de
procédure. J'espère ainsi surmonter des blocages que vous connaissez comme moi
et redonner confiance dans cette procédure pour le plus grand profit des
étrangers eux-mêmes. Aucune de ces dispositions ne contrevient à la décision du
Conseil constitutionnel en date du 13 août 1993. Je ne vois donc pas de
fondement réel à l'indignation qui se manifeste sur certaines travées, alors
que ce sont des gouvernements de gauche qui ont créé les certificats
d'hébergement...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... et qui en ont confié le contrôle aux maires
par les décrets de 1982 et de 1991.
M. Guy Penne.
Si cela est suffisant, ne changez rien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Enfin, je m'engage à définir précisément, par
circulaire, les modalités d'application de la loi, à charge pour les préfets
d'en assurer une mise en oeuvre homogène.
M. Guy Penne.
Vous avez voté contre à l'époque !
M. Michel Mercier.
Il s'agit d'un décret !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne la finalité, l'article 1er
crée également une formalité nouvelle, vous avez raison, monsieur Badinter.
Celle-ci tend à inviter l'hébergeant à informer la mairie du départ de
l'étranger qu'il héberge. Cette démarche très simple peut amener les
hébergeants à prendre conscience de leurs responsabilités s'ils s'associent au
maintien irrégulier d'étrangers en France.
M. Charles Pasqua.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le projet de loi prévoit de les sanctionner par
un refus de délivrance du certificat d'hébergement dans les deux années suivant
l'absence de déclaration. Toutefois, en cas d'absence de déclaration ou de
négligence de bonne foi, cette sanction n'interviendra bien sûr pas.
Voilà ce qui figure dans cet article. Il ne comporte rien de plus, rien de
moins. Aussi, ne faites pas de procès d'intention !
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole.
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Monsieur Badinter, nous sommes dans un débat organisé, je ne peux donc vous
donner la parole en l'instant. Vous vous exprimerez tout à l'heure.
M. Charles Descours.
Pas de discrimination !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je voudrais rappeler, après M. le ministre et certainement
moins bien que lui, qu'il s'agit d'un texte ancien puisqu'il date de 1982. Je
n'avais pas eu la curiosité de rechercher par qui avait été signé...
(Sourires sur les travées du RPR.)
M. Guy Penne.
De toute façon, vous auriez voté contre !
M. Alain Gournac.
On ne vote pas un décret !
M. Guy Penne.
Je ne parle pas du décret !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je voudrais souligner aussi que ce texte n'a été soumis au
Conseil constitutionnel que parce qu'il a été intégré dans la loi en 1993,
grâce à M. Pasqua.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR. - M.
Pasqua sourit.)
M. Guy Penne.
Vous faites sourire M. Pasqua !
M. Charles Pasqua.
Du calme !
(Sourires.)
M. Paul Masson,
rapporteur.
Avant 1993, on ne savait pas si ce texte respectait la
Constitution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Maintenez le décret !
M. Paul Masson,
rapporteur.
C'est parce qu'il a été intégré dans la loi, comme bien
d'autres dispositions, notamment le droit d'asile et le regroupement familial,
que le Conseil constitutionnel a effectivement pu donner sa position. Elle est
claire : il n'y a pas atteinte à la liberté des personnes ; le domicile privé
n'est pas violé. Telle est la décision prise par le Conseil constitutionnel en
1993.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous n'avons jamais dit le contraire !
M. Bernard Piras.
Ce n'est pas le débat !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Or, depuis le début de ce débat, il est fait référence au
droit d'exception de la France ; on reproche à notre pays d'être « bourré » de
préjugés et on fait tous les procès d'intention pour que les étrangers ne
viennent pas. Sommes-nous les seuls à agir ainsi ? Il faut faire toujours un
peu de droit comparé européen...
M. Guy Penne.
Il n'y a pas que l'Europe !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... quand on veut être un peu rappelé à la modestie et
lorsque l'on ne veut pas être prisonnier de l'éloquence,...
M. Guy Penne.
Redondante !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... parfois intelligente, parfois foisonnante, parfois
redondante.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
N'ayez pas de complexe !
M. Paul Masson,
rapporteur.
A cet égard, que font la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie,
l'Allemagne et ses Lander ? Voilà des pays où, à ma connaissance, on respecte
le droit des personnes.
M. Alain Gournac.
C'est normal !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Mes chers collègues, il y a dans tous ces pays des
déclarations de prise en charge, des conditions de ressources de l'hébergé, des
exigences de police d'assurance et, pour certains cas, des précisions
concernant la nature de l'hébergement.
M. Bernard Piras.
Mais pas de délation !
M. Guy Penne.
Si c'est bien, pourquoi voulez-vous modifier le dispositif ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
On en est loin en France ! On ne va pas jusque-là ! Pourquoi
nous faire en l'occurrence un procès, alors que, nous le savons, nos voisins et
amis, nos partenaires européens font plus ?
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
C'était ma deuxième observation.
M. Charles Descours.
Et en Belgique, c'est un gouvernement socialiste ! C'est le parti social
démocrate qui a la majorité !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Ma troisième observation concerne la position de notre
assemblée, constante depuis 1991. Je rappelle que, à la suite du rapport de
notre éminent collègue M. Laurin, nous avons voté, en 1991, une proposition de
loi qui est claire à cet égard et dont le titre II précise les dispositions
relatives aux certificats d'hébergement.
On avait effectivement voulu ici la codifier et on avait notamment précisé que
les dispositions de cet article sont relatives aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions et qu'elles sont applicables aux
actes pris par le maire dans la plénitude de ses fonctions, c'est-à-dire en
indépendance par rapport au préfet.
C'était un risque que nous avions pris à l'époque. Je réponds là indirectement
à notre collègue M. Authié. En effet, le maire aurait agi précisément seul,
uniquement sous le contrôle de ses concitoyens et donc éventuellement sous leur
pression. C'est vrai, mon cher collègue, le maire n'est pas fait pour cela !
(Rires sur les travées socialistes.)
Attendez avant de vous esclaffer.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a bien précisé que le maire agissait dans
le cadre du pouvoir hiérarchique des préfets. Cette précision figure dans la
décision du Conseil constitutionnel. Cela change tout. En effet, nous sommes
maintenant non plus dans la situation où le maire agit en toute souveraineté
sous le seul contrôle de ses concitoyens et de la majorité municipale, mais
dans celle où il intervient sous la responsabilité de l'Etat. Comme chacun le
sait, dans notre pays, le maire est dépositaire d'un double pouvoir : d'une
part, il gère ; d'autre part, il exerce des missions, au nom de l'Etat, dans un
certain nombre de domaines sur lesquels le préfet représente l'échelon
hiérarchique supérieur et, en définitive, se substitue à lui en cas de
carence.
On le voit constamment en matière d'ordre public, lorsque le maire interdit ou
autorise une manifestation. On le voit aussi constamment en matière de
circulation, en matière de danger imminent, le maire prenant ou non un arrêté
de péril et le préfet, le cas échéant, prend la décision à la place du
maire.
Cette situation-là est très exactement celle dans laquelle nous nous trouvons
avec les certificats d'hébergement. Cela signifie qu'il n'y a pas de craintes à
avoir quant à une hétérogénéité dans l'interprétation de la loi. C'est le
préfet et, derrrière lui, le Gouvernement qui précisent comment il faut agir en
matière de certificat d'hébergement. Ainsi va être instauré un droit homogène
par rapport à une décision du législateur et aux décrets d'application pris par
le Gouvernement.
Il revient donc au Gouvernement de définir quelle doit être la position
homogène des maires vis-à-vis du certificat d'hébergement. Si certains maires
adoptent, à cet égard, une position hétérogène ou insolite, il revient alors au
pouvoir hiérarchique d'agir. Il lui revient en effet de faire en sorte que, par
un recours amiable s'il y a lieu, ou par un recours contentieux si c'est
nécessaire, le maire qui irait à l'encontre de la loi et des décisions prises
par le Gouvernement en matière réglementaire, en application de la loi, voie sa
décision infirmée.
M. Guy Penne.
C'est totalitaire !
M. Paul Masson,
rapporteur.
En l'occurrence, le maire est en effet l'auxiliaire du
Gouvernement, et ce n'est pas la seule fois !
En cette matière, il s'agit non pas d'un quelconque détournement de pouvoir,
mais simplement de l'application de notre logique républicaine, qui ne date pas
d'hier car ces dispositions existaient déjà sous la IVe République.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais ajouter aux commentaires qui ont
été faits, afin de cadrer ce débat et de n'en faire ni un excès d'honneur ni un
excès d'indignité. C'est important, car ce régime n'est ni dérogatoire de ce
qui existe en Europe ni exorbitant du droit commun.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Penne.
Mieux vaudrait tout abroger !
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi de trente-deux amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les
appellerai séparément.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite, les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 100 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme
ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu,
MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard, les membres du
groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 194 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 1er.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 60.
Mme Nicole Borvo.
Avant de défendre l'amendement n° 60, je souhaite inviter M. le ministre à
répondre à la demande de M. Ralite, s'agissant du sort des personnes, dont
plusieurs femmes, arrêtées ce matin et encore détenues au commissariat du XIVe
arrondissement. Il est fâcheux, alors que nous discutons d'un projet de loi
portant diverses dispositions relatives à l'immigration, que ces personnes
continuent à être détenues sans que vous ayez dit un mot sur cette affaire,
monsieur le ministre !
M. Robert Pagès.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
Quant à l'amendement n° 60, il a pour objet de supprimer les dispositions du
projet de loi tendant à durcir encore un peu plus le régime du certificat
d'hébergement.
Si le principe même de la nécessité de demander une autorisation pour pouvoir
séjourner chez un parent ou un ami est déjà en soi quelque peu choquant, les
nouvelles modalités de délivrance de ces certificats en font, de plus, une
procédure profondément condamnable. Vous avez cité la Suisse, monsieur le
rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Non, je n'ai pas cité la Suisse !
Mme Nicole Borvo.
Je vous recommande d'aller voir le film
Pain et Chocolat,
qui, s'il
date déjà de quelques années, est néanmoins toujours significatif du traitement
des immigrés en Suisse ; il me paraît donc inutile de copier sur la Suisse.
Inspirée par une méfiance irrationnelle, attentatoire au respect de la vie
privée de celles et de ceux qui souhaitent accueillir, dans le cadre de visites
privées, des proches ou des amis, cette disposition est d'autant plus
critiquable que l'imprécision de sa rédaction risque d'entraîner de nombreux
abus faisant la part belle à l'arbitraire.
Que faut-il entendre, par exemple, par « détournement de procédure » ? Chacun
sait que, juridiquement, cette notion est particulièrement vague.
De même, que sont des « conditions normales » d'hébergement ?
Cette imprécision n'est pas tolérable quand on sait que certains élus
n'hésitent pas à exiger, à l'appui de la demande du certificat d'hébergement,
des pièces justificatives plus ou moins farfelues, et que d'autres prônent
ostensiblement une politique de refus systématique de ces certificats.
Jack Ralite a évoqué la mise en place inévitable de fichiers informatisés,
contraires à la loi du 6 janvier 1978. En réalité, sous couvert de lutter
contre l'immigration, vous travaillez surtout à réduire les libertés : celles
des Français et celles des étrangers en situation régulière, en fichant ces
derniers sans contrôle de l'utilisation des données.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de
l'article 1er.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Badinter, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Robert Badinter.
Monsieur le ministre, soit vous n'avez rien compris à mon propos, soit - c'est
ce que je crois plus volontiers - vous avez feint de ne rien comprendre pour
pratiquer un amalgame !
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Protestations sur les travées de l'Union centriste.)
Je rappelle - et toute la Haute Assemblée peut d'ailleurs s'en souvenir - que,
commençant mon intervention, j'ai énoncé l'état de droit existant, à savoir les
certificats d'hébergement. J'ai rappelé moi-même que le Conseil d'Etat avait
reconnu la légalité des certificats d'hébergement, et j'ai évoqué à cet égard
la circulaire signée par le ministre de l'intérieur de l'époque, notre regretté
ami Gaston Defferre, ainsi que par MM. Cheysson et Fabius, indépendamment de
moi-même.
Mais il ne s'agit pas de cela. Si le Conseil d'Etat, dans son arrêt « Terre
d'asile », a reconnu la légalité de ce texte, c'est parce que ce dernier
constituait un juste équilibre entre les exigences de l'ordre public et les
libertés.
Mais je n'insiste pas, car cela n'a rien à voir avec ce dont nous discutons.
Nous débattons en effet de la diposition ajoutée par le projet de loi, à savoir
l'obligation pour celui auquel on a délivré le certificat d'hébergement de
dénoncer le départ de son hôte. C'est là une question tout à fait différente.
L'amalgame fait à cet égard, par un effet de tréteau, sinon d'audience, n'est
pas, au regard de l'importance du sujet, la meilleure façon de traiter ce
dernier. Voilà ce que je voulais d'abord vous répondre, monsieur le ministre
!
J'en arrive maintenant à l'article 1er et à l'amendement n° 100, qui vise à sa
suppression.
En ce qui concerne l'équilibre évoqué, le Conseil d'Etat a déconseillé au
Gouvernement de prendre une telle disposition, et ce pour les raisons que j'ai
déjà énoncées : tout d'abord, cela fait peser sur les citoyens une obligation
qu'ils n'ont pas à assumer au regard des libertés ; par ailleurs, cela fait
nécessairement peser sur les maires une responsabilité dont ils auront à
répondre devant les juridictions administratives ; enfin, cela engendrera un
contentieux inutile et des amertumes durables.
Ces seuls motifs devraient suffire à retenir la Haute Assemblée de demander à
tous les Français et à tous les étrangers régulièrement domiciliés qui
recoivent des étrangers de dénoncer le départ des personnes titularise de visas
admises à venir régulièrement sur le territoire national. Quelle société sera
la nôtre, si, à chaque fois que nous recevons un ami, il nous faut prévenir les
autorités administratives de son départ ?
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Un sénateur socialiste.
C'est scandaleux !
M. Michel Caldaguès.
N'en ajoutez pas !
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 194.
Mme Joëlle Dusseau.
L'article 1er est symbolique de l'état d'esprit général qui préside au projet
de loi.
Ses dispositions sont dangereuses dans leur principe : elles autorisent les
maires - et donc les incitent - à évaluer les capacités d'hébergement, à
organiser des visites domiciliaires inopinées, à ficher les habitants et à
noter le départ des personnes hébergées.
Quel rôle fait-on jouer aux maires ? Quels rapports instaure-t-on entre eux et
leurs administrés ? D'ailleurs, leurs réactions ne se sont pas fait attendre,
et je suis persuadé, mes chers collègues, que, quels que soient les propos que
vous tenez actuellement, vous êtes nombreux à avoir enregistré ces réactions et
à y être attentifs.
Le principe, c'est d'obliger les hébergeants - le parent, le fiancé dont
parlait M. Badinter, mais aussi vous ou moi, quand nous recevons des visiteurs
qui ne sont pas originaires de l'Union européenne - à notifier à la mairie le
départ des personnes hébergées. Qu'est-ce donc, monsieur le ministre, si ce
n'est de la délation organisée, institutionnalisée et légalisée ?
Nous avons connu ces pratiques en d'autres temps, dans d'autres pays, et elles
existent actuellement dans certaines contrées du monde.
M. Dominique Braye.
Arrêtez l'amalgame !
Mme Joëlle Dusseau.
Nous sommes donc en train d'instaurer dans notre propre pays ce que nous avons
dénoncé hier !
Quant à l'efficacité, plusieurs de nos collègues - je pense à M. Vallet, hier
soir, et à M. Badinter, tout à l'heure - ont montré que le fait de notifier le
départ de la personne hébergée ne permet en rien de savoir où va cette dernière
et, en tout cas, ne permet en rien de s'attaquer au problème principal,
c'est-à-dire l'institution de filières illégales et mafieuses.
Ce n'est pas parce que M. X ira dire que la Roumaine ou le Roumain qu'il
hébergeait est bien parti que la filière mafieuse qui est proche sera
démantelée.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles l'amendement n° 194 vise à la
suppression pure et simple de l'article 1er.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° 82, M. Plasait propose d'insérer, avant le paragraphe I de
l'article 1er, un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Dans le premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945 précitée, les mots : "d'un étranger" sont remplacés
par les mots : "d'un ressortissant d'un Etat soumis à visa". »
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Je tiens tout d'abord à répondre très calmement à M. Ralite, qui m'a pris à
partie tout à l'heure, que sa belle envolée lyrique ne m'impressionne pas !
Elle s'apparente à une espèce de terrorisme moraliste...
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Bernard Plasait.
... ou à un procès d'intention que je trouve vraiment irresponsable.
(Très
bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants.)
Pour moi, les droits de l'homme, loin d'être un slogan permettant des effets
faciles
(Très bien ! sur les mêmes travées.),
sont au contraire une
nécessité non seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain.
C'est parce que l'immigration illégale conduit beaucoup trop souvent le
clandestin à des conditions de vie incompatibles avec la dignité de l'homme que
nous voulons lutter contre elle.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ben voyons !
M. Bernard Plasait.
L'amendement n° 82 vise à supprimer des formalités inutiles imposées jusque-là
aux ressortissants de certains pays étrangers. Je suggère de renoncer à un
certain patriotisme européen qui nous conduit à imposer des formalités inutiles
aux ressortissants non européens.
C'est pourquoi je propose de réserver le certificat d'hébergement aux
ressortissants des Etats soumis à visa.
M. le président.
Par amendement n° 38, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent
d'insérer, avant le I de l'article 1er, un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... Le premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Celui-ci en rend compte sans délai au représentant de l'Etat dans le
département. »
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Certains, ici et là, ayant déploré l'excès de décentralisation que constituait
l'attribution aux maires de la responsabilité d'octroyer des certificats
d'hébergement, mes amis et moi-même proposons, pour tenir compte de cette
préoccupation, d'obliger le maire à rendre compte immédiatement au représentant
de l'Etat dans le département de la délivrance des certificats d'hébergement
octroyés. Cela permettrait d'assurer un meilleur contrôle de l'autorité de
l'Etat, au nom duquel agit le maire en la matière. Tel est l'objet de
l'amendement n° 38.
Je voudrais saisir cette occasion pour éclaircir, à l'intention de ceux qui
s'interrogent à ce sujet - je pense notamment à M. Badinter - les raisons qui
motivent l'institution d'une déclaration de départ ; il est bon, en effet,
d'avoir la pratique du terrain et, par conséquent, de savoir à quoi correspond
concrètement une obligation ou son absence.
En tant que maire d'arrondissement à Paris, j'ai interrogé mes collaborateurs
au sujet des certificats d'hébergement délivrés quotidiennement. Ils m'ont
indiqué avoir repéré des hébergeants qui, toujours pour le même individu,
demandaient à quelques mois d'intervalle un certificat d'hébergement, ce qui
permettait à la personne hébergée de ne pas repartir et de disposer quasiment
en permanence d'un certificat d'hébergement !
Or, il est certain que, si le départ de la personne hébergée est déclaré, ces
manoeuvres seront moins faciles ; en effet, l'hébergeant engagera alors sa
responsabilité sur cette déclaration de départ.
Voilà à quoi correspond concrètement, sur le terrain, cette obligation.
J'ajouterai, monsieur Badinter, que le certificat d'hébergement, que vous avez
institué, comme M. le ministre l'a rappelé à l'instant, ...
Mme Joëlle Dusseau.
Ce n'est pas un
scoop
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est la preuve que nous ne sommes pas laxistes !
M. Michel Caldaguès.
... a fait figure de formalité relativement banale depuis son institution
jusqu'à la vague d'attentats de septembre 1986. Et je puis vous dire que, pour
ma part, je ne prends pas cette formalité à la légère !
Un sénateur socialiste.
Nous non plus !
M. Michel Caldaguès.
En effet, à cette époque des attentats, j'ai découvert un personnage qui en
était pratiquement à sa cinquantième demande de certificat d'hébergement ! Je
l'ai immédiatement signalé à la police.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Combien de terroristes parmi eux ?
Mme Joëlle Dusseau.
Cela prouve bien l'inutilité du projet de loi !
M. Michel Caldaguès.
Tout à l'heure, on a dit que les maires ne devaient pas jouer le rôle de la
police.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Evidemment pas !
M. Michel Caldaguès.
En l'occurrence, au moment de cette vague d'attentats, quand j'ai appris qu'un
personnage en était à son cinquantième certificat d'hébergement, j'ai alors
estimé de mon devoir de le signaler à la police, et j'espère que cela n'a pas
été inutile !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Combien y avait-il de terroristes parmi ces cinquante personnes ?
Mme Joëlle Dusseau.
Cela prouve bien l'inutilité du projet de loi !
M. Michel Caldaguès.
Voilà, monsieur Badinter, la réalité des choses, sur le terrain,...
Mme Joëlle Dusseau.
C'est un contre-exemple !
M. Michel Caldaguès.
... et voilà pourquoi je crois à la nécessité du certificat d'hébergement. A
vous, cela vous est tout à fait indifférent...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pas du tout ! Mais combien de terroristes y avait-il parmi ces personnes ?
M. le président.
Monsieur Mélenchon, laissez M. Caldaguès s'exprimer !
M. Michel Caldaguès.
Monsieur Mélenchon, je vais vous donner une précision supplémentaire : ce
personnage...
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'était Carlos ?
M. Michel Caldaguès.
... était originaire d'un pays fortement soupçonné, à l'époque, d'avoir
organisé un réseau de poseurs de bombes en France.
Voilà, mesdames, messieurs, la précision qui vous manquait et qui était
importante pour comprendre mon intervention !
Mme Joëlle Dusseau.
Ce projet de loi ne sert donc à rien, puisque vous avez fait cela sans ce
texte !
M. le président.
Monsieur Caldaguès, exposez votre amendement, ne vous laissez pas
impressionner !
M. Michel Caldaguès.
J'expose mon amendement ! Au demeurant, je ne suis pas à une minute près et,
si l'on veut bien ne pas m'interrompre, je vais terminer, monsieur le
président.
M. Bernard Piras.
C'était Gordji, votre personnage ?
M. Michel Caldaguès.
Je veux seulement dire, pour terminer - et, pour une fois, je vais me
retrouver avec M. Dreyfus-Schmidt sur un point -...
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Voilà, ça l'intéresse !
Je dis seulement, monsieur le ministre, que, s'agissant d'une formalité telle
que le certificat d'hébergement, qui est rendue nécessaire par l'intérêt
général, par la protection de notre sécurité à tous, il me paraît quelque peu
mesquin de demander un droit de 100 francs à tout étranger. En effet, il n'y a
qu'une petite partie des étrangers qui abusent des certificats d'hébergement -
même si nous connaissons des officines oeuvrant à répétition - mais il y a
aussi des étrangers qui viennent en France en respectant la loi.
Nous nous honorerions donc, monsieur le ministre, en supprimant ce droit de
100 francs.
Mme Joëlle Dusseau.
Il n'y a pas que l'étranger qui héberge, il y a aussi des Français hébergeants
!
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 101, est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme
Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres
du groupe socialiste et apparentés.
Le second, n° 162, est déposé par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le I de l'article 1er.
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Guy Allouche.
Je tiens à ce que les choses soient bien claires jusqu'à la fin du débat.
Peut-être nous sommes-nous mal expliqués ?
M. Alain Gournac.
Ah !
M. Guy Allouche.
Nous constatons, en effet, que vous n'avez pas encore compris.
M. Jean Chérioux.
Nous sommes un peu idiots !
M. Bernard Piras.
Nous l'avions remarqué !
M. le président.
Monsieur Allouche, ne vous laissez pas influencer !
M. Guy Allouche.
Je préfère attendre le calme, monsieur le président, afin que mes propos
soient audibles pour tout le monde.
M. le président.
Nous vous écoutons.
M. Guy Allouche.
Nous n'avons jamais remis en cause le principe du certificat d'hébergement. Ce
que nous condamnons, ce que nous refusons,...
M. Michel Caldaguès.
Il faut pourvoir à notre éducation intellectuelle !
M. Guy Allouche.
Ecoutez, monsieur Caldaguès ! Cela vous fera le plus grand bien !
M. Michel Caldaguès.
Mais vous proposez des amendements de suppression !
M. Guy Allouche.
Ce que nous contestons, ce sont les adjonctions qui ont été apportées à la
première partie du texte.
Quoi qu'il en soit, monsieur Caldaguès, je suis sensible à votre mansuétude :
il vous aura fallu attendre la cinquantième fois pour appeler l'attention de la
police sur le comportement quelque peu délictueux d'un individu !
M. Michel Caldaguès.
N'essayez pas de faire diversion !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Debré va vous faire mettre à table !
M. Guy Allouche.
Par l'amendement n° 101, nous entendons supprimer le paragraphe I de l'article
1er, car l'obligation faite au signataire du certificat de notifier à la mairie
de sa commune de résidence dans un délai de huit jours le départ de son hôte
est pour nous inacceptable.
D'une part, ainsi que cela a été expliqué et démontré, il s'agit d'une
atteinte au droit à mener sa vie privée comme on l'entend, composante de la
liberté individuelle dont la valeur constitutionnelle est fortement
consacrée.
D'autre part, cette obligation fait de tout hébergeant une personne
susceptible d'être poursuivie sur le fondement de l'article 21 de l'ordonnance
de 1945 pour aide au séjour irrégulier.
Permettez au sénateur du Nord que je suis d'appeler votre attention sur le cas
de Mme Deltombe, qui est retournée hier au tribunal, où on l'a reconnue
coupable sans pour autant sanctionner sa culpabilité au motif qu'elle a hébergé
un ami d'origine zaïroise. Voilà ce qui risque d'arriver, demain, en France
!
Enfin, on peut s'interroger sur la portée du terme « notification ».
Faudra-t-il que l'hébergeant adresse un courrier recommandé afin que sa
déclaration de départ de l'hébergé acquière date certaine ? Imagine-t-on les
complications que cela entraînera au quotidien ? D'évidence, la liberté
personnelle est contrainte au-delà du strict nécessaire !
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression du paragraphe I de
l'article 1er.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 162.
M. Robert Pagès.
L'amendement que nous vous proposons a pour objet de supprimer l'obligation
faite aux personnes qui ont hébergé des étrangers en visite privée de déclarer
le départ de ces derniers à la mairie.
Nous ne saurions donner notre aval à une mesure qui, au-delà même de son
esprit exclusivement sécuritaire, porte atteinte aux libertés.
Pour quelle raison, sinon celle de prêter des intentions frauduleuses à toutes
celles et à tous ceux qui, dans notre pays, souhaitent accueillir des étrangers
amis ou parents, imposer une telle obligation ?
Vous multipliez les formalités administratives sous prétexte de lutter contre
l'immigration irrégulière mais, ce faisant, vous mettez en place un régime de
surveillance généralisée des Français et des étrangers réguliers.
Votre méfiance vous amène à des entorses injustifiables aux libertés
individuelles.
Est-il nécessaire de vous rappeler, monsieur le ministre, que le respect de la
vie privée fait partie de ces libertés et qu'il a valeur constitutionnelle ?
Le Conseil d'Etat, dans son avis remis le 31 octobre 1996 au Gouvernement,
souligne lui-même que les dispositions relatives aux certificats d'hébergement
« feraient peser sur l'hébergeant des obligations nouvelles assorties de
véritables sanctions ». Il ajoute que ces dispositions « porteraient atteinte à
la liberté individuelle et à la vie privée de l'hébergeant ».
La commission nationale consultative des droits de l'homme n'a pas hésité,
elle aussi, à condamner sévèrement cette obligation, qui risque « d'engendrer
des pratiques de délation » et fait courir « le danger de voir criminaliser le
simple fait d'accueillir un étranger chez soi ».
Dès lors, mes chers collègues, refusez, vous aussi, de faire de la vertu
d'hospitalité une vertu suspecte.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° 83, M. Plasait propose, avant le texte présenté par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, d'insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« L'hébergeant doit justifier de ressources personnelles mensuelles, stables
et suffisantes, de nature à subvenir aux besoins des personnes hébergées. Les
étudiants titulaires d'une carte de séjour temporaire sont dispensés de
l'obligation précitée. »
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Cet amendement tend à étendre le contrôle des certificats d'hébergement par
l'édiction d'une condition de ressources identique à celle qui est demandée
pour le regroupement familial.
M. Jacques Mahéas.
Les pauvres n'ont pas le droit d'héberger !
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Masson, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par le I de l'article 1er pour insérer un alinéa
après le premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« Toute personne ayant signé un certificat d'hébergement et hébergé un
ressortissant étranger, dans le cadre d'une visite privée, notifie à la mairie
de sa commune de résidence le départ de cet étranger de son domicile. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 51 rectifié, présenté par
le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 9, à
remplacer les mots : « et hébergé » par le mot : « pour ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Nous abordons ici la seule innovation importante par rapport
aux textes de 1982 et de 1993 concernant le certificat d'hébergement.
Il s'agit de savoir si, oui ou non, l'obligation faite à l'hébergeant - qu'il
soit français ou étranger, d'ailleurs - d'annoncer le départ de celui qu'il
héberge est de nature incantatoire, de nature attentatoire,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
De nature inquisitoire !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... de nature inquisitoire, ou encore de nature
administrative.
Personnellement, ma conviction est faite. Quelqu'un qui est allé annoncer au
maire qu'il a un visiteur - c'est l'objet du certificat d'hébergement tel qu'il
existe depuis 1982 - me paraît être en état de signaler au même maire le départ
de ce visiteur !
Pourquoi parler - cet amalgame est sinon insupportable, du moins un peu
désagréable - d'inquisition, de délation, de dénonciation ? Il y a là
simplement une démarche tout à fait naturelle, faite par quelqu'un qui signale
à l'autorité municipale, au maire, agissant au nom de l'Etat à cet égard, qu'il
va recevoir un étranger. C'est la loi actuelle ! Je ne vois pas pourquoi on lui
interdirait d'annoncer le départ ou la non-venue de cette personne !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il ne s'agit pas de lui interdire, mais de l'obliger à dire !
M. Marcel Debarge.
C'est une obligation !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui, on va l'obliger à le dire !
M. Paul Masson,
rapporteur.
C'est une procédure administrative, comme il en existe
d'autres dans le droit français.
M. Claude Estier.
A quoi ça sert ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je vais vous le dire, mon cher collègue.
M. Claude Estier.
Oui, nous aimerions bien savoir !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Cela sert à démanteler les réseaux.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Alors il fallait le faire depuis longtemps !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Ne vous exclamez pas : ce que disait M. Caldaguès tout à
l'heure est essentiel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Nous savons, et vous le saviez aussi quand vous étiez au
gouvernement, qu'il y a des réseaux organisés à l'extérieur, qu'il y a de
bonnes adresses de gens complices qui prêtent volontiers et facticement leur
domicile et leur nom...
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Paul Masson,
rapporteur.
... afin que l'on puisse bénéficier d'un certificat
d'hébergement. Mais, bien entendu, l'intéressé ne réside pas à cette adresse,
il s'agit simplement de donner à l'étranger la possibilité d'obtenir un visa au
vu d'un certificat d'hébergement.
C'est cela, la clandestinité ! Nous voulons dénoncer les réseaux, il ne s'agit
pas d'embêter les braves gens !
M. Jean Peyraffite.
Mettez-leur des bracelets électroniques !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Pour en revenir à l'amendement n° 9, la commission des lois
vous propose de reprendre, en le précisant, le texte du Gouvernement tel qu'il
avait été présenté en première lecture à l'Assemblée nationale. Elle le
préfère, en effet, à celui qui a été voté par nos collègues députés.
L'amendement que je vous soumets, mes chers collègues, a donc pour objet
d'alléger la rédaction du projet de loi, notamment en renvoyant au pouvoir
réglementaire le soin de fixer le délai au cours duquel la notification du
départ de l'étranger hébergé doit être faite, en supprimant la mention de
circonstances personnelles et familiales - qui seront reprises plus loin dans
le texte et complétées par la faculté reconnue à l'intéressé d'exposer sa bonne
foi pour justifier qu'il a omis d'annoncer le départ de la personne hébergée et
en précisant que la notification porte sur le départ du domicile et non sur le
départ du territoire, pour lequel, effectivement, pas plus l'hébergeant que le
maire n'ont, par essence et par définition, aucun avis à formuler.
Il faut bien comprendre que nous sommes là au point dur, au point essentiel de
notre délibération : faut-il, oui ou non, que l'hébergeant notifie le départ de
l'hébergé comme il a notifié son arrivée ? Je pense que cela n'a rien à voir ni
avec la délation ni avec la dénonciation : c'est une procédure qui me paraît
normale dans un Etat qui veut s'assurer que ses frontières ne sont pas des
passoires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et le bracelet électronique, c'est pour la prochaine fois ?
M. Jacques Mahéas.
Je l'avais déjà suggéré à M. Demuynck !
M. Christian Demuynck.
Oui, mais nous n'avons pas besoin de perroquets !
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 51
rectifié.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Avec son amendement n° 9, M. le rapporteur ne
créé d'obligation que pour les hébergeants qui ont effectivement reçu leur
invité étranger. Or il y a deux autres cas à prendre en considération : d'abord
celui des étrangers invités qui n'ont pas pu, pour des raisons personnelles,
effectuer le déplacement prévu ; ensuite le cas de ceux qui n'ont reçu un
certificat qu'à titre de complaisance.
Ce sous-amendement a donc pour objet de bien distinguer ces différentes
situations.
M. le président.
Par amendement n° 84, M. Plasait propose, dans le texte présenté par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, de remplacer le mot : « huit »,
par le mot : « trois ».
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Aux termes de l'article 1er, « le signataire d'un certificat d'hébergement
doit notifier à la mairie de sa commune de résidence, dans un délai de huit
jours, sauf circonstances personnelles ou familiales justifiées, le départ de
l'étranger hébergé ».
Comme il s'agit d'une simple déclaration en mairie, je ne vois pas ce qui
justifierait un délai de huit jours !
Aussi, sous réserve de plus amples explications, je propose de ramener ce
délai à trois jours, ce qui me paraît largement suffisant pour répondre aux
contraintes quelle que soit leur nature.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est laxiste !
M. Jacques Mahéas.
En comptant le samedi et le dimanche ? Les mairies sont fermées, le dimanche
!
M. Robert-Paul Vigouroux.
Et quand on invite quelqu'un à dîner, faut-il dire quand il part ?
M. Jacques Mahéas.
Bientôt, il faudra dire quand il prend sa douche !
(Rires sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Par amendement n° 39, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent
dans le texte présenté par le I de l'article 1er pour insérer un alinéa après
le premier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945, de remplacer les mots : « sauf circonstances personnelles ou familiales
justifiées » par les mots : « sauf cas de force majeure ».
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Il est apparu aux signataires de cet amendement et à moi-même que la notion de
« circonstances personnelles ou familiales justifiées », circonstances qui
excuseraient l'absence d'informations relatives au départ de l'hébergé, était
bien vague. Que signifie, en effet, cette expression ? Cela ressemble beaucoup
à une condition potestative ; au fond, on raconte ce que l'on veut !
Voilà pourquoi il nous paraît préférable d'y substituer la notion de « force
majeure ». Là, au moins, on est sur du terrain solide. Les juristes savent ce
qu'est la force majeure et la disposition devient facile à interpréter par les
tribunaux.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président.
Les amendements n°s 86, 87, 88, 89, et 85 sont présentés par M. Plasait.
L'amendement n° 86 tend, après le premier alinéa du texte proposé par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, à insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« L'hébergeant doit se porter caution des dettes contractées par l'hébergé au
cours de son séjour. Cette condition trouve son terme à la date de déclaration
du départ. »
L'amendement n° 87 vise, après le premier alinéa du texte proposé par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, à insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« L'hébergé doit justifier de ressources personnelles, mensuelles, stables.
»
L'amendement n° 88 a pour objet, après le premier alinéa du texte proposé par
le I de l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de
l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, à insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« L'hébergé est tenu de se présenter, dès son arrivée en France, à la mairie
qui a délivré son certificat d'hébergement pour y déposer son titre de
transport de retour. »
L'amendement n° 89 tend, après le premier alinéa du texte proposé par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, à insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« L'hébergeant doit être titulaire d'une carte de résident pour solliciter un
certificat d'hébergement, sauf si celui-ci est titulaire d'une carte temporaire
portant la mention "étudiant". »
Enfin, l'amendement n° 85 vise à compléter le texte proposé par le I de
l'article 1er pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 5-3
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le certificat d'hébergement est envoyé par la mairie au consulat. »
La parole est à M. Plasait, pour défendre ces cinq amendements.
M. Bernard Plasait.
L'amendement n° 86 vise à instituer une véritable responsabilité de
l'hébergeant.
Dans le dispositif actuel, l'hébergeant ne souscrit aucun engagement le
rendant responsable du séjour. Aussi, afin de rendre vraiment impossibles les
certificats de complaisance, je propose d'obliger l'hébergeant à se porter
caution des dettes contractées par l'hébergé au cours de son séjour.
M. Henri Weber.
Les dettes de jeu ?
M. Jacques Mahéas.
C'est risible !
M. Bernard Plasait.
J'en viens à l'amendement n° 87.
Une fois signé le certificat d'hébergement, pour obtenir son visa, la personne
hébergée doit seulement justifier de ressources au moins égales à la moitié du
SMIC journalier. Un tel montant ne peut, bien entendu, garantir que la personne
sera en mesure de faire face à toutes ses dépenses sur le territoire
français.
Sur ce point, monsieur le ministre, il convient de rappeler que, pour le
séjour touristique d'une durée semblable à celle de la visite familiale ou
privée, il est exigé que les étrangers justifient non seulement de leur
réservation d'hôtel mais encore de ressources égales au SMIC journalier.
Cette différence de régime me paraît incompréhensible. Cet amendement vise à y
remédier par l'édiction d'une condition de ressources équivalente.
L'amendement n° 88 me paraît être un amendement de bon sens puisqu'il tend à
obliger l'hébergé à se présenter dès son arrivée en France à la mairie qui a
délivré son certificat d'hébergement afin d'y déposer son billet de retour.
C'est une disposition qui vise à s'assurer des intentions de l'hébergé arrivant
en France et à éviter qu'il ne s'évanouisse dans la nature.
L'amendement n° 89 vise à faire en sorte que seuls les étrangers munis de
titres de séjour définitifs soient admis à solliciter un certificat
d'hébergement, réserve faite du cas des étudiants susceptibles de recevoir leur
fiancée.
L'amendement n° 85 tend à sécuriser le certificat d'hébergement afin de
limiter les possibilités de falsification ; il prévoit que le certificat sera
envoyé au consulat directement par la mairie et non plus par l'hébergeant.
M. Jacques Mahéas.
Il faut prendre votre carte au Front national !
M. Bernard Plasait.
Bien sûr, vous me répondrez, monsieur le ministre, qu'une telle mesure
coûterait cher aux finances publiques, l'Etat devant apporter une compensation
financière aux communes depuis la suppression de la franchise postale. On peut
même estimer ce coût à environ 4 millions de francs par an dans l'hypothèse
maximale.
Mais on peut aussi s'interroger légitimement, me semble-t-il, sur le coût que
représente pour notre pays cette immigration clandestine. J'ai bien peur que
les proportions ne soient pas les mêmes !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Démontrez-le !
M. le président.
Par amendement n° 40, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent,
au deuxième alinéa du texte présenté par le II de l'article 1er pour remplacer
le deuxième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945, après les mots : « de son signataire », d'insérer les mots : « soit des
informations disponibles ».
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Cet amendement tend à rétablir un membre de phrase qui figurait dans le texte
initial du Gouvernement, qui a été supprimé par l'Assemblée nationale.
En effet, parmi les raisons qui peuvent inciter un maire à refuser la
délivrance du certificat, le projet initial évoquait les « informations
disponibles ». L'Assemblée nationale, sur l'insistance de son rapporteur, qui
estimait que ce membre de phrase était « sans consistance juridique », a
supprimé cette raison.
Personnellement, je ne vois pas en quoi cette notion aurait moins de
consistance juridique que, par exemple, celle de la preuve par tous moyens, qui
est bien vague.
Voilà pourquoi il nous paraît opportun de rétablir le texte du
Gouvernement.
M. le président.
Par amendement n° 163, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de supprimer les deux derniers
alinéas du texte présenté par le II de l'article 1er pour remplacer le deuxième
alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cet
amendement, nous proposons de supprimer deux des cas dans lesquels le maire
pourra refuser de viser un certificat d'hébergement.
Ces cas, qui n'existent pas dans la législation en vigueur, sont les suivants
:
« - les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement
de procédure au vu d'une enquête demandée aux services de police ou unités de
gendarmerie, le cas échéant, à l'initiative du maire. »
« - le signataire du certificat d'hébergement n'a pas ratifié à la mairie le
départ d'un étranger hébergé dans les deux années précédant la demande de visa.
»
Ces dispositions restreignent davantage encore les possibilités de délivrance
des certificats d'hébergement. C'est inadmissible !
De plus, la notion de « détournement de procédure », qui pourrait ainsi
constituer un motif de refus de délivrance d'un certificat d'hébergement, n'est
pas claire.
Peut-être vise-t-elle les situations dans lesquelles un étranger, entré en
France sous couvert d'un visa de tourisme, se serait maintenu sur le territoire
au-delà de la durée autorisée par ce visa ?
Mais ce pourrait être aussi le cas des étrangers qui, pendant la durée de
validité de leur visa de tourisme, solliciteraient un titre de séjour pour
rester en France.
Je pense, par exemple, aux conjoints de Français ou aux étrangers qui
demandent une autorisation de séjour pour soins ou encore ceux qui déposent une
demande « d'asile territorial ».
Ainsi, une personne ayant demandé un certificat d'hébergement pour un étranger
qui, une fois arrivé en France, sollicite son admission avec séjour pour un de
ces motifs pourrait se voir opposer par la suite ce « détournement de procédure
».
De plus, on peut légitimement se demander sur quels critères le préfet
déciderait de demander une enquête de police - à moins que toute demande de
certificat ne soit précédée d'une enquête !
En fait, le dispositif proposé en matière de certificat d'hébergement a été
pensé pour être le plus dissuasif possible, notamment par la suspicion qu'il
fait peser sur toutes les personnes susceptibles d'établir des certificats
d'hébergement pour des étrangers, diminuant ainsi les possibilités d'obtention
de visa.
On peut d'ores et déjà s'interroger sur son efficacité réelle quant au but
officiellement visé, à savoir la lutte contre l'immigration clandestine.
Une fois de plus, la hantise de la clandestinité conduit à réduire les
libertés, celles des Français et celles des étrangers en situation
régulière.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer les nouvelles restrictions
à la délivrance du certificat d'hébergement contenues dans l'article 1er.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements présentés par MM. Allouche, Autain, Authié,
Badinter, Mme Ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt,
Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et
les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 102 vise à supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par
le paragraphe II de l'article 1er pour remplacer le deuxième alinéa de
l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
L'amendement n° 103 tend à supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par
le paragraphe II de l'article 1er pour remplacer le deuxième alinéa de
l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
L'amendement n° 104 a pour objet de compléter
in fine
le cinquième
alinéa du texte proposé par le II de l'article 1er pour le deuxième alinéa de
l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par les dispositions suivantes
: « : ces dispositions ne sont applicables qu'à partir de deux ans après
l'entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. Allouche, pour défendre ces trois amendements.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, compte tenu de son objet erroné, nous retirons
l'amendement n° 102.
M. le président.
L'amendement n° 102 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
L'amendement n° 103 est un amendement de coordination. L'obligation de
notification du départ de l'étranger devant être supprimée, il nous apparaît
logique de faire disparaître la sanction qui s'y trouvait rattachée.
Enfin, l'amendement n° 104 s'explique par son texte même.
M. le président.
Par amendement n° 41, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent
de compléter le texte présenté par le II de l'article 1er pour remplacer le
deuxième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
par un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire rend compte sans délai de cette décision au représentant de l'Etat
dans le département. »
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Cet amendement est le pendant de celui que nous avons proposé pour la
déclaration au représentant de l'Etat de l'établissement du visa. Il nous a
semblé que le maire devait également prévenir le représentant de l'Etat dans
les meilleurs délais de l'information qui lui a été donnée du départ de
l'hébergé. Cela permet de mieux asseoir, dirai-je, le contrôle de l'autorité de
l'Etat dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
De quelle décision s'agit-il ?
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Masson, au nom de la commission, propose :
A. - De compléter le texte présenté par le II de l'article 1er pour remplacer
le deuxième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par un alinéa
ainsi rédigé :
« L'absence de notification du départ de l'étranger hébergé n'est pas
opposable au signataire du certificat d'hébergement de bonne foi ou qui
justifie de circonstances personnelles ou familiales. »
B. - En conséquence, dans le premier alinéa du II, de remplacer les mots : «
cinq alinéas » par les mots : « six alinéas ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Cet amendement tend, dans une rédaction allégée et plus
simple, à réintroduire la bonne foi de l'hébergeant, qui figurait dans le texte
initial du Gouvernement, mais qui a été supprimée par l'Assemblée nationale,
d'où la modification du nombre d'alinéas.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Allouche, Autain, Authié,
Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt,
Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et
les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 105 tend, après le paragraphe II de l'article 1er, à insérer
un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le deuxième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2
novembre 1945, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire doit motiver son refus de viser le certificat d'hébergement à
défaut de quoi le visa est réputé accordé. »
L'amendement n° 106 vise, après le paragraphe II de l'article 1er, à insérer
un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le troisième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2
novembre 1945, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En l'absence de réponse du maire dans un délai de quatre semaines à compter
de la demande de visa du certificat d'hébergement, le visa est réputé accordé.
»
La parole est à M. Allouche, pour défendre ces deux amendements.
M. Guy Allouche.
L'amendement n° 105 a pour objet de soumettre la décision de refus de visa à
une obligation de motivation, au sens des prescriptions de la loi du 11 juillet
1979 sur la motivation des actes administratifs.
Cette motivation devra donc indiquer les circonstances de fait et de droit à
l'origine du refus. Une motivation simplement stéréotypée sera insuffisante et
sera, dès lors, regardée comme inexistante.
Cette obligation est d'autant plus nécessaire que les nouveaux cas de refus
proposés au maire conduisent à devoir encadrer un pouvoir très largement
discrétionnaire.
Elle est, de surcroît, de nature à faciliter le contrôle du juge de l'excès de
pouvoir.
Enfin, la sanction du défaut de motivation - une décision implicite
d'acceptation - permettra de limiter la volonté de certains élus, qui se
vantent de ne plus signer de certificat d'hébergement.
Quant à l'amendement n° 106, il permettra d'éviter que la pratique avouée de
certains maires, qui, par leur silence, paralysent la procédure du visa des
certificats, ne perdure.
Dans le droit-fil du projet de loi de M. Perben, actuellement en discussion,
il s'agit de prévoir que le silence gardé pendant quatre semaines vaudra une
décision implicite d'acceptation.
Bien connu en droit administratif, cet effet donné au silence de la personne
publique saisie d'une demande aura, en outre, pour avantage de simplifier la
procédure.
De la sorte, seul le refus devra faire l'objet d'une décision particulièrement
motivée.
La collectivité locale, l'hébergeant, le futur hébergé, tout le monde y
gagne.
Permettez-moi, à cet égard, de lire le premier alinéa de l'article 5 du projet
de loi relatif à l'amélioration des relations entre l'administration et le
public :
« Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une
demande fait naître une décision implicite d'acceptation dans les cas prévus
par décrets en Conseil d'Etat. Lorsque la complexité ou l'urgence de la
procédure le justifie, ces décrets peuvent fixer une durée différente au terme
de laquelle la décision implicite intervient. Ils définissent, lorsque cela est
nécessaire, les mesures destinées à assurer l'information des tiers. »
M. le président.
Par amendement n° 164, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent, après le paragraphe II de
l'article 1er, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La décision de délivrance ou de refus de délivrance d'un certificat
d'hébergement doit intervenir dans un délai d'un mois à compter de la demande.
Cette décision doit être motivée en fait et en droit et signifiée par écrit au
demandeur ainsi qu'à la personne qui s'est proposée de l'héberger. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Notre amendement a le même objet que le précédent, mais je veux encore
préciser que, pour obtenir un papier signé de son maire autorisant un ami
étranger à vous rendre visite, il faut en principe remplir un questionnaire
assorti d'un justificatif de domicile, d'une pièce d'identité et d'un timbre
fiscal de 100 francs !
La pratique en vigueur est en fait à géométrie variable en fonction du maire.
Nombreux sont ceux qui réclament, par exemple, le livret de famille. Certains
n'hésitent pas, en effet, à allonger abusivement la liste des pièces
justificatives prétendument exigibles, à multiplier les embûches pour refuser
le précieux papier qui permettra ensuite la délivrance du visa, alors même que
les demandes en vue d'obtenir ce dernier sont déjà sévèrement filtrées par les
consulats pour les étrangers des pays dits « à risques ».
La notion pour le moins vague d'hébergement dans « des conditions normales »
est elle-même sujette à des interprétations plus ou moins restrictives.
Enfin, comme cela vient d'être dit, certains maires ne se cachent pas
d'appliquer une politique de refus systématique des certificats
d'hébergement.
Cette formalité est donc devenue véritablement attentatoire aux libertés
individuelles des Français comme des étrangers. Elle est une immixtion
intolérable dans la vie privée de celles et de ceux qui souhaitent recevoir
amis et parents vivant hors de France.
Dans la version actuelle, aucun garantie ne permet d'empêcher une utilisation
abusive du certificat d'hébergement.
C'est pourquoi nous proposons que la décision de délivrance ou de refus soit
soumise à un délai strict d'un mois et qu'elle soit motivée en fait et en
droit.
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme
Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 165 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le III de l'article 1er.
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Guy Allouche.
Cet amendement tend à supprimer la possibilité pour les agents de l'OMI de
procéder à des visites inopinées chez les personnes signataires du certificat
d'hébergement. Le dispositif actuel, admis tant par le Conseil d'Etat que par
le Conseil constitutionnel, est équilibré ; celui qui est proposé, à la suite
d'une adjonction introduite par l'Assemblée nationale au texte initial du
Gouvernement, remet en cause cet équilibre.
Le consentement préalable et écrit de l'hébergeant sera-t-il toujours une
manifestation non équivoque de volonté quand il sera recueilli au cours d'une
visite surprise ? Sachant que le refus d'y consentir a pour conséquence
automatique un refus de visa, le consentement de l'intéressé sera à l'évidence
contraint. Ce mécanisme va donc bien au-delà de ce que la jurisprudence
admet.
Hier, au cours de la discussion générale, nous avons été quelques-uns à
refuser ces visites inopinées car nous considérons que se présenter en
l'absence de l'hébergeant qui travaille ou qui se trouve absent pour des
raisons personnelles vaudra refus. Nous ne souhaitons pas, au motif que l'agent
de l'OMI ait trouvé porte de bois signifie un refus alors que l'hébergeant a
pour de multiples raisons dû quitter son domicile.
M. le président.
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 165.
M. Claude Billard.
Dans le droit-fil des arguments que vient de développer mon collègue, M.
Allouche, l'amendement que nous vous proposons tend à supprimer la possibilité
de visites inopinées de l'agent de l'office des migrations internationales au
domicile des hébergeants qui souhaitent recevoir chez eux, dans le cadre de
visites privées, des amis ou des parents étrangers.
Le régime actuel des vérifications sur place est déjà suffisamment strict sans
qu'on y ajoute des procédures nouvelles qui n'apporteront aucune amélioration à
l'efficacité du dispositif mais qui porteront, en revanche, atteinte à la vie
privée des personnes résidant sur notre territoire.
La procédure en vigueur permet au maire de demander, préalablement au visa du
certificat d'hébergement d'un étranger, à l'office des migrations
internationales de vérifier, en se rendant au domicile de l'hébergeant, si ce
dernier remplit bien les « conditions normales » d'hébergement.
Une telle vérification ne peut être faite sans le consentement de l'intéressé.
Cependant, en cas de refus de l'hébergeant, les « conditions normales » sont
réputées non remplies.
Laissez-moi vous faire remarquer, monsieur le ministre, que la liberté de
l'hébergeant de refuser une vérification est pour le moins limitée, pour ne pas
dire inexistante, dès lors que ce refus revient à priver ce dernier de
certificat.
Si le nombre de visites domiciliaires apparaît peu élevé au regard du nombre
des certificats d'hébergement demandés, comme le note d'ailleurs le rapporteur,
M. Paul Masson, ce n'est en aucun cas en ouvrant à l'OMI la possibilité de
visites inopinées que vous changerez cet état de fait.
La méfiance toujours plus grande qui inspire la majorité nous laisse craindre
le pire ; elle conduit à une répression accrue et à des libertés rognées dans
le seul but de prévenir un mal imaginaire qu'est le fameux mythe de
l'invasion.
Nous ne pouvons accepter de cautionner des dérives sécuritaires qui alimentent
la xénophobie et le rejet de l'autre.
Nous vous invitons donc à nous rejoindre en votant cet amendement.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Plasait :
L'amendement n° 90 a pour objet :
I - De rédiger ainsi le paragraphe III de l'article 1er :
« III - les deux premières phrases du 4e alinéa de l'article 5-3 de
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 sont remplacées par les dispositions
suivantes :
« L'office des migrations internationales et les services administratifs
municipaux sont habilités à procéder aux vérifications sur place demandées par
le maire préalablement au visa du certificat d'hébergement d'un étranger. Ils
peuvent y procéder par des visites inopinées. Les agents de l'office et des
services administratifs municipaux qui sont habilités à procéder à ces
vérifications ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du
consentement, donc par écrit, de celui-ci.
II - De compléter,
in fine,
l'article 1er par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ...Le dernier alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 est complété par la phrase suivante :
« Cette taxe est acquittée au profit de la commune au cas où les services
administratifs municipaux ont effectué la vérification. »
L'amendement n° 91 tend à compléter,
in fine,
l'article 1er par un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Dans le dernier alinéa du même article 5-3, la somme : "100
francs" est remplacée par la somme : "200 francs". »
La parole est à M. Plasait pour défendre ces deux amendements.
M. Bernard Plasait.
L'expérience a montré que les maires avaient peu recours aux services de
l'Office des migrations internationales, l'OMI, pour contrôler les conditions
relatives au logement. En 1994, au plan national, pour presque 150 000
certificats instruits, l'Office n'a été sollicité que dans 5 364 cas : le taux
de recours est donc de 3,6 %. Evidemment, dans quelques rares départements, ce
taux est plus important, puisqu'il est de 10 % à Paris, de 8 % dans le Var et
de 7 % en Seine-Saint-Denis.
Cependant, il faut remarquer que, lorsqu'il est sollicité, l'Office répond aux
demandes et réalise des inspections qui peuvent conduire à un avis
défavorable.
Ainsi, en 1994, sur 4 612 enquêtes, 1 828 ont connu une issue défavorable,
c'est-à-dire 40 %. Cela montre combien ces contrôles sont utiles.
Le désintérêt des maires s'explique largement par les limites des pouvoirs de
l'OMI.
En effet, si le demandeur de certificat accepte, dès le stade de la demande,
le principe de la visite domiciliaire, celle-ci ne peut avoir lieu qu'après
notification du jour et de l'heure du passage des agents de l'office.
Je ne m'exprimerai pas davantage, puisque j'approuve la disposition qui a été
votée par l'Assemblée nationale. J'ajouterai simplement que, compte tenu de la
faible densité du réseau de l'OMI, il me semble nécessaire de relayer ses
actions en confiant aux maires le pouvoir de contrôler les conditions
d'hébergement et de ressources sans passer par cet organisme.
M. Jacques Mahéas.
La nuit à trois heurs du matin !
M. Bernard Plasait.
Ce dispositif serait efficace en raison même de la proximité.
Dès lors, la taxe actuellement versée à l'OMI serait dans ce cas acquitée au
profit de la commune.
Par l'amendement n° 91, je propose que le montant de la taxe prévue au dernier
alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, acquittée au moyen
de timbres fiscaux et perçue au profit de l'OMI soit porté de 100 à 200
francs.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Le montant de cette taxe
n'avait pas été revalorisé depuis 1991. Cette augmentation permettrait
d'apporter quelques ressources supplémentaires. En outre, elle n'est pas
exorbitante si on la compare au montant du timbre demandé pour l'obtention
d'une carte nationale d'identité qui est de 150 francs pour la délivrance d'un
passeport qui est de 350 francs.
Mme Monique ben Guiga.
Cela n'a rien à voir !
M. le président.
Par amendement n° 108, MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter, Mme ben
Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu,
MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le paragraphe III de
l'article 1er, un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - L'article 5-3 de l'ordonnance de 2 novembre 1945 est complété
in
fine
par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de refus par le maire de viser le certificat d'hébergement, le
signataire peut, dans les 24 heures suivant la notification de ce refus, saisir
le président du tribunal administratif d'un recours en annulation de cette
décision.
« Le président ou son délégué statue dans un délai de quinze jours. Le
jugement du président du tribunal administratif ou de son délégué est
susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant la cour administrative
d'appel. Cet appel n'est pas suspensif. »
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Cet amendement a pour objet d'organiser une procédure contentieuse enfermée
dans de brefs délais. Ce type de recours devant le président du tribunal
administratif ou le conseiller délégué par lui n'est pas inédit en contentieux
administratif. Il trouve même à s'appliquer déjà dans le cadre du droit des
étrangers. Il se justifie particulièrement dans la mesure où se trouve en cause
une liberté publique, celle de recevoir chez soi une personne de son choix. Le
refus opposé à l'exercice d'une telle liberté, outre sa motivation très
précise, doit donc pouvoir être contesté à bref délai par l'intéressé.
Quant au risque d'une multiplication des contentieux, il ne réside pas dans
l'instauration de cette nouvelle procédure, mais dans l'accroissement
inconsidéré des pouvoirs des maires et dans le fait que certains d'entre eux se
vantent de refuser systématiquement tout visa.
M. le président.
Mes chers collègues, avant de demander l'avis de la commission et du
Gouvernement sur ces 32 amendements, je vous propose d'interrompre quelques
instants nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures
vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
RAPPEL AU RE`GLEMENT
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, nous avons été avisés que l'un de nos collègues pilote,
si j'ose m'exprimer ainsi, dans les locaux du Sénat, une délégation de «
sans-papiers ».
J'estime que ce défi à la loi est scandaleux et je souhaite qu'il soit mis bon
ordre dans cette affaire.
En outre, hier, nous avons constaté que, dans le public, des personnes se
permettaient d'applaudir les orateurs.
Les bornes sont, me semble-t-il, franchies et je demande qu'on revienne à une
saine administration de nos débats !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Monsieur de Rohan, vous venez de porter à ma connaissance deux faits.
Jusqu'à présent, le public n'a pas manifesté dans les tribunes pendant que je
présidais. Quant à votre première remarque, nous allons voir exactement ce qui
s'est passé.
M. Robert Pagès.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le ministre, pour la troisième fois, je vous demande de bien vouloir
nous donner quelques explications sur l'arrestation d'un certain nombre de
personnes qui participaient à une manifestation très pacifique.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
MM. Michel Caldaguès et Jean Chérioux.
C'est scandaleux !
M. Josselin de Rohan.
C'est de la provocation ! Ça suffit !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Sur quel
article du règlement se fonde ce rappel au règlement ?
M. Robert Pagès.
Je vous en prie, chers collègues, il s'agit là d'un débat sur l'immigration,
sur la liberté ; or nous sommes obligés de poser pour la troisième fois une
question parce que nous n'avons toujours pas reçu de réponse.
Il n'est pas acceptable que des citoyens soient arrêtés, simplement parce
qu'ils cherchent à s'exprimer !
M. Josselin de Rohan.
C'est normal, quand il s'agit de sans papiers !
M. Robert Pagès.
En France, nous avons encore le droit de manifester !
Monsieur le ministre, je vous demande donc des explications et je proteste
vigoureusement contre ces interpellations.
(Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
Vous êtes le législateur, vous devez respecter la loi !
M. Charles de Cuttoli.
Dans cette enceinte, il n'y a que nous qui ayons le droit de nous exprimer. La
représentation nationale, c'est nous !
Mme Nicole Borvo.
M. Pagès aussi !
M. Robert Pagès.
Je parlais de personnes qui manifestaient à l'extérieur !
7
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer que, en application de l'article 48 de la
Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie
comme suit l'ordre du jour du jeudi 6 février :
« Le matin, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et
éventuellement le soir :
« - suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses
dispositions relatives à l'immigration.
« Je vous prie de croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Roger Romani. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
8
DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions
relatives à l'immigration.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements portant sur
l'articles 1er, à l'exception de ceux qu'elle a déposés ?
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
A cet
instant du débat, monsieur le président, je demande l'examen en priorité de
l'amendement n° 9 et, par voie de conséquence, de l'amendement n° 10, qui
reflètent l'opinion de la majorité de la commission des lois, laquelle
représente la majorité de cette assemblée. Je tiens ces propos sous le contrôle
de M. Jacques Larché, président de la commission des lois.
Cette procédure, si l'amendement n° 9 devait être adopté, aurait l'avantage de
clarifier le débat et organiser la discussion des amendements complémentaires
ou divergents autour d'un texte voté par la majorité du Sénat.
En effet, leurs auteurs pourront soit poursuivre la défense de leurs
amendements en recueillant un avis défavorable de la part de la commission
forte de l'adoption de son amendement, soit retirer leurs amendements pour
prendre acte de l'expression de la majorité du Sénat.
Je rappelle qu'en tout état de cause une seconde lecture aura lieu puisque
nous ne votons pas conforme le texte de l'Assemblée nationale et que,
fatalement, un nouveau débat s'instaurera sur cet article 1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la
commission ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
L'amendement n° 9, pour lequel la priorité est ordonnée est affecté d'un
sous-amendement n° 51 rectifié.
Quel est donc l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 51 rectifié
?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je serais favorable à ce sous-amendement dans la mesure où
son libellé serait plus clair.
En l'état actuel des choses, si l'on supprimait les mots « et hébergé »,
l'hébergeant serait censé déclarer à la mairie le départ de quelqu'un qui n'est
pas arrivé. Cela me paraît quelque peu difficile !
Par conséquent, je suggère que le texte visé par l'amendement n° 9 soit revu à
l'occasion de la deuxième lecture.
Je comprends très bien le souci du Gouvernement et je l'approuve : il ne veut
pas qu'à cause d'une imprécision on ne puisse pas savoir que quelqu'un qui a
bénéficié d'un certificat d'hébergement n'est pas venu. Mais il ne faut pas, me
semble t-il, le formuler ainsi.
Je suggère donc au Gouvernement de bien vouloir retirer son sous-amendement et
de le présenter de nouveau au cours de la navette dans une rédaction plus
claire.
M. le président.
Monsieur le ministre, le sous-amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 51, rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je souhaiterais formuler une observation préalable.
Nous sommes dans le cadre d'une discussion commune portant sur de nombreux
amendements. Tous les amendements ont été exposés, à la suite de quoi M. le
rapporteur vient de demander la priorité pour son propre amendement n° 9.
Auparavant, il s'est dispensé de donner l'avis de la commission sur l'ensemble
des amendements, et nous n'avons pas entendu non plus l'avis du
Gouvernement.
Conformément au règlement, n'est-ce pas seulement après qu'on nous eût donné
ces avis qu'il eût été temps de savoir s'il devait y avoir ou non priorité ?
Pour éclairer l'ensemble de la discussion, il me paraît nécessaire qu'avant de
nous prononcer sur l'amendement concerné par la demande de priorité nous ayons
connaissance de l'avis de la commission et du Gouvernement sur l'ensemble des
amendements en discussion commune.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il est conforme au règlement de procéder comme je le
fais, soit, après avoir demandé l'avis du Gouvernement sur l'amendement
concerné par la priorité, de mettre aux voix cet amendement.
Après quoi, bien sûr, nous reprendrons chacun des autres amendements et la
commission se prononcera.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Certes, monsieur le président, mais, encore une fois, il eût été bon, pour
éclairer la discussion sur l'amendement n° 9 lui-même, de demander la position
de la commission et du Gouvernement sur tous les amendements qui font l'objet
de la discussion commune. Vous ne l'avez pas fait et je le déplore.
J'en viens à l'amendement n° 9.
Cet amendement retient le principe contenu dans le texte gouvernemental en
précisant qu'il faut notifier à la mairie le départ de l'étranger « de son
domicile ». Voilà une précision utile ! L'hébergeant ne peut évidemment pas
dire si son hébergé a quitté la France. Il n'en sait rien ! Il peut seulement
dire qu'il a quitté son domicile. Ainsi, au bout de huit jours - on nous
proposait trois jours - il doit se rendre à la mairie pour déclarer : « La
personne qui était chez moi est partie. » A quoi cela sert-il ?
M. Michel Caldaguès.
On vous l'a dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le rapporteur nous a répondu : « Cette mesure permettra de démanteler les
réseaux. » Si cela est vrai, il est déplorable que vous n'ayez pas pensé à la
mettre en oeuvre en 1986, ou au moins depuis 1993, et qu'il ait fallu l'affaire
de l'église Saint-Bernard pour que vous nous la proposiez.
Il ne suffit pas d'affirmer qu'il s'agit de démanteler les réseaux :
dites-nous aussi en quoi cela permet de les démanteler.
M. Michel Caldaguès.
On vous l'a dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous confondez la police et les agents de l'office des migrations
internationales, qui pourront effectuer des contrôles de manière inopinée. Je
ne sais pas si ce sera au milieu de la nuit et sans ordonnance. En tout cas,
leur rôle est de constater les conditions de logement, c'est-à-dire les
conditions matérielles. Pour le reste, si un certificat d'hébergement est
envoyé dans un consulat, la police peut le savoir et, si elle découvre quelque
chose de suspect, elle peut faire une enquête, le procureur peut ordonner
toutes les enquêtes qu'il veut c'est tout à fait différent.
Mais lorsque l'hébergeant sera venu dire : la personne qui était chez moi est
partie il y a six jours, à quoi cela servira-t-il ?
M. Michel Caldaguès.
En quoi cela vous gêne ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela va gêner tout le monde. Cela va vous gêner, vous, lorsque vous recevrez
l'ami argentin de votre fils.
M. Michel Caldaguès.
N'ayez pas de souci là-dessus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et si vous oubliez de le faire, vous ne pourrez plus le recevoir pendant deux
ans. Cela gênera tous les braves gens. Franchement, quelle en sera l'utilité
?
M. Michel Caldaguès.
Je l'ai expliqué, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, vous avez expliqué, monsieur Caldaguès, en rendant un hommage, rare de
votre part, auquel nous avons été sensible, à la gauche
(sourires)
...
M. Michel Caldaguès.
Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... que le fait d'avoir instauré en 1982 un certificat d'hébergement vous
avait permis de constater que quelqu'un avait demandé cinquante fois un
certificat d'hébergement.
M. Michel Caldaguès.
Cela m'a permis de constater à retardement, hélas ! que votre texte n'était
pas suffisamment précis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si les hébergeants avaient eu l'obligation de venir vous déclarer que les
intéressés étaient partis de chez eux, cela n'aurait strictement rien
changé.
M. Michel Caldaguès.
Si, je vous l'ai expliqué ; je recommencerai.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Franchement, monsieur le rapporteur, c'est un peu court de nous dire, comme
vous l'avez fait, que c'est pour démanteler les réseaux !
Tout le monde est d'accord pour qu'ils soient démantelés !
M. Jean-Pierre Schosteck.
On ne le dirait pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais leurs organisateurs vont-ils innocemment venir demander des certificats
d'hébergement ? Vont-ils venir déclarer à M. le maire que les étrangers sont
partis ? Evidemment non.
M. Claude Estier.
C'est ridicule, c'est absurde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tous seront embêtés, sauf ceux que vous prétendez vouloir rechercher.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Exactement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes contre l'amendement n° 9,
qui n'est absolument pas « neuf » par rapport au texte et qui, je crois l'avoir
démontré, n'est absolument pas raisonnable non plus.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je répondrai à la suggestion de M. le rapporteur en indiquant que les
amendements n°s 38, 39, 40 et 41, que mes amis et moi-même avons déposés, n'ont
pas valeur fondamentale, qu'ils étaient tout simplement destinés, soit à
rétablir le texte initial du Gouvernement, soit à faciliter sa tâche.
Par conséquent, si cela concourt à la bonne organisation des débats, je suis
tout à fait prêt à les retirer.
Je voudrais également répondre aussi rapidement que possible, à M.
Dreyfus-Schmidt, à qui je ne savais pas qu'il fallait expliquer les choses deux
fois. C'est une découverte ; jusqu'ici nous faisions plutôt confiance à la
rapidité de son esprit. Eh bien, sacrifions à cette petite formalité !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, la déclaration du départ a pour utilité de déjouer
le procédé qui consiste, sous le couvert de déclarations d'hébergement
successives, à permettre à quelqu'un de résider en permanence en France
puisque, n'ayant pas fait connaître son départ, il peut évidemment raconter
n'importe quoi.
Vous parlez de réseaux ; je vais vous expliquer ce qu'est un réseau.
Un réseau, c'est un ou plusieurs individus qui font commerce de certificats
d'hébergement en accumulant les certificats d'hébergement libellés à leur
domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes.
M. Claude Estier.
Vous croyez qu'ils vont aller déclarer les départs à la mairie ? Enfin !
M. le président.
Les amendements n°s 38, 39, 40 et 41 sont retirés.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
A ce point du débat, nous ne sommes pas vraiment éclairés sur plusieurs
questions qui restent pendantes, notamment sur la question des fichiers. Elle
n'est pas réglée par cet amendement, qui prétend pourtant faire la lumière.
En effet, si nous avons bien compris - et nous avons forcément bien compris -
le maire est chargé de vérifier que chacune des déclarations d'hébergement n'a
pas donné lieu à un détournement de procédure ; il doit le vérifier au moment
d'accorder une nouvelle autorisation.
Donc, il est obligé de garder la mémoire des différentes déclarations, et son
appréciation de ce que l'on peut entendre par « détournement de procédure » est
absolument libre ; c'est une appréciation totalement subjective ; au demeurant,
elle n'est pas précisée.
En quoi consiste le détournement ? Est-ce simplement le fait d'avoir oublié de
mentionner un départ ? Je reviendrai sur ce point dans un instant. Est-ce parce
que, à l'occasion de la visite en cause, il s'est passé quelque chose que le
maire n'avait pas prévu ? Ou est-ce que, à cette occasion, s'est ouverte une
nouvelle procédure ? Allez savoir ! Quelqu'un est venu, est tombé amoureux, a
engagé une démarche, ce qui a entraîné quelques demandes supplémentaires qui
n'étaient pas prévues au début.
On sera donc obligé de tenir un fichier.
Quid
de ce fichier ? A toutes nos discussions, qui ont naturellement
leur grandeur et leur importance, je veux opposer le réel.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce matin, je ne plaisantais pas
en demandant comment devrait se nommer l'obligation de créer des fichiers dans
les communes où il y a un maire à propos duquel le Premier ministre lui-même a
dit qu'il participait d'une idéologie raciste, xénophobe et antisémite ? Où
allons-nous si nous donnons à de tels individus, caractérisés politiquement de
cette façon par le Premier ministre lui-même, je le répète, la possibilité de
tenir des fichiers d'hébergeants !
Ce risque, qui est extrême, et dont, j'en suis certain, vous sentez comme moi
la gravité, ne fait que porter à son paroxysme un doute qui pèse sur l'ensemble
du processus. Comment peut-on légiférer en ne tenant aucun compte de ce type de
réalité ?
Enfin, j'ai entendu tout à l'heure l'argumentation de notre collègue
concernant les réseaux et les certificats d'hébergement de complaisance. Je
pense que personne au groupe socialiste ne niera le fait qu'il y a des
certificats de complaisance. Bien sûr que non ! C'est la vie elle-même qui est
ainsi !
Mais tout certificat n'entend pas forcément la constitution d'un réseau.
Au demeurant, mon cher collègue, avez-vous vous-même mesuré le glissement dans
lequel vous êtes entré ? Vous avez dénoncé le fait à la police. C'est votre
conscience qui vous y a porté, mais pourquoi au cinquantième certificat
d'hébergement ?
M. Michel Caldaguès.
C'est très clair !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous avez dit que c'était parce que les personnes concernées venaient d'un
pays qui, lui-même, était suspect d'être le pays d'origine de terroristes.
M. Michel Caldaguès.
Parce qu'il n'y avait pas de fichier, tout simplement !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ecoutez-moi, mon cher collègue, je ne vous fais pas de procès d'intention,
j'essaie de réfléchir concrètement à ce que seront les conditions de mise en
oeuvre des dispositions dont nous débattons.
Vous avez donc invoqué un pays suspect d'être à l'origine d'opérations de
terrorisme... Alors, dorénavant, il y aura des directions dont il ne fera pas
bon venir quels que soient son opinion personnelle ou son propre exercice de la
citoyenneté.
Faudra-t-il qu'un jour on assimile tous les Algériens au FIS ou au FLN
maintenu ?
Mon cher collègue, il faut mesurer le gravité de ce que nous disons.
Et puis, si la suspicion porte sur l'origine, pourquoi attendre le
cinquantième pour dénoncer ? Il faut dénoncer dès le premier, par précaution
!
M. Dominique Braye.
Oui, absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est tout cet ensemble qui appelle des éclaircissements ; je me permets de
vous le dire, monsieur le rapporteur, parce que vous êtes toujours précis dans
vos explications.
Or vous ne pouvez nier que, dans le contexte politique que nous connaissons,
il y a là la source d'immenses risques.
Alors, monsieur le rapporteur, faites mieux que nous dire qu'on va démanteler
les réseaux !
M. Michel Caldaguès.
D'après vous, il ne faut rien faire ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je ne voudrais pas, en procédant à ma démonstration, faire l'apologie de
pratiques que je condamne, bien entendu. Mais, franchement, comment peut-on
croire que les réseaux auraient la naïveté de passer par ces filières ?
En réalité, chaque fois que vous ajoutez une difficulté de cette nature, vous
ne faites qu'empoisonner la vie des honnêtes gens, des gens tranquilles.
Et vous le savez bien, monsieur le rapporteur, puisque, dans un premier
mouvement, vous avez commencé par dire : « Est-ce qu'on peut priver la personne
hébergeante de la possibilité d'aller déclarer ?... » Mais non, il ne s'agit
pas de la priver d'une possibilité : il s'agit de l'obliger à déclarer. Vous
sentez bien qu'il y a là une contrainte et je suis sûr que cela vous met
vous-même mal à l'aise.
M. Dominique Braye.
Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Face à cela, je vous le dis, les réseaux n'auront qu'une réaction : la
tricherie et la fraude. Et cela coûtera encore plus cher aux malheureux qui
seront obligés de passer par eux !
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Essayons, si possible, d'être concrets.
Je demeure à Lille. J'ai envie de recevoir un ami que j'ai connu dans mon
Algérie natale. Mais peut-être suis-je déjà suspect...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ça commence mal pour toi !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche.
Je demande un certificat d'hébergement à la mairie et je reçois, de façon
régulière ou inopinée, la visite d'un représentant de l'ONI, qui constate que
je peux accueillir M. X. Je lui envoie son certificat et il obtient son visa.
Il passe quelques jours chez moi, puis il décide de s'en retourner. Il quitte
donc mon domicile, je lui fais l'accolade fraternelle et je lui souhaite bon
retour.
Bien entendu, je ne vais pas vérifier quel chemin il prend. Avant même
d'attendre vingt-quatre heures, je me rends à la mairie et je fais savoir à
l'employé de la commune que M. X a quitté mon domicile. Mais je n'ai aucun
moyen de savoir si la personne que j'ai accueillie veut retourner en Algérie ou
souhaite rester en France. Si cette personne demeure en France en situation
irrégulière, que puis-je faire ? Rien. En quoi suis-je répréhensible aux termes
de ce qui nous est proposé ? En rien.
Quoi qu'il en soit, comme j'ai déclaré son départ, on ne va pas m'interdire de
recevoir un autre ami qui, lui, vient de Casablanca.
M. Michel Caldaguès.
C'est s'il s'agit du même que le problème se pose !
M. Guy Allouche.
Le premier invité est reparti de mon domicile, j'ai fait ce que j'avais à
faire, je suis en règle avec la loi.
M. Dominique Braye.
Mais pas avec votre conscience !
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
N'importe quoi !
M. Michel Caldaguès.
Cela, c'est le cas idéal !
M. Guy Allouche.
On ne va pas m'interdire de recevoir autant d'amis que je le veux, puisque
j'ai un logement qui me le permet.
M. Henri de Raincourt.
Vous êtes riche !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Ces personnes viennent me voir autant de fois que je suis autorisé à les
recevoir. Quand elles quittent mon domicile, je ne sais pas si elles retournent
chez elles.
Vous voulez démanteler les réseaux, mais les réseaux ne se constituent pas de
cette façon : ce n'est pas une personne qui va, de manière frauduleuse,
demander des visas pour quatorze ou quinze personnes ! Un réseau, c'est une
addition de personnes qui vont affirmer, chacune à son tour, qu'elles sont
habilitées à recevoir des étrangers, pour lesquels elles établissent un
certificat d'hébergement.
J'estime que l'idée selon laquelle cela permet de contrôler l'immigration
irrégulière et d'y mettre un terme ne tient pas. Votre raisonnement est non
seulement fallacieux mais spécieux. C'est un prétexte pour, en fait, interdire
à des personnes de recevoir des étrangers et à des étrangers de venir chez
nous.
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes encore plus bête que je ne le pensais !
Mme Monique ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga.
Vous me permettrez d'employer les mots « hôtes » et « invités » plutôt que les
termes « hébergeants » et « hébergés », qui ont une connotation administrative
désagréable.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Ce sont ceux qui sont utilisés depuis 1990 !
Mme Monique ben Guiga.
D'autres pays que la France ont déjà voulu contrôler, par des procédés de ce
type, les étrangers qui viennent sur leur sol, répondant à des invitations
amicales ou familiales. J'ai moi-même dû, à l'étranger, déclarer au
commissariat de police local l'arrivée, puis le départ de parents. Je peux tout
de suite vous dire que cela n'a jamais rien de très agréable ! Mais là n'est
pas le plus grave.
Vous voulez responsabiliser - c'est le mot qui revient toujours - ceux que
vous appelez les « hébergeants » et que j'appelle les hôtes. Mais en quoi cette
disposition les responsabilise-t-elle ?
Vous invitez un étranger muni d'un visa de séjour de quinze jours, par
exemple, à passer trois jours chez vous. Vous devez déclarer son départ à la
mairie. Si, quatre jours plus tard, il revient passer de nouveau trois jours
chez vous, vous devrez aller déclarer une nouvelle fois qu'il est parti. Sinon,
vous ne serez pas en règle. En quoi cela vous rendra-t-il responsable du
maintien ou non de l'étranger sur le territoire français au-delà de la durée de
validité de son visa ?
La prolongation du séjour sur le territoire français au-delà de la durée de
validité du visa est déjà sanctionnée : il n'est pas possible d'obtenir un
nouveau visa pour l'étranger qui a commis l'imprudence de rester en France deux
jours de plus que ne l'y autorise son visa. C'est un crime capital d'être resté
deux jours de plus en France que ne l'autorisait le visa ! Les consuls
reçoivent des consignes très strictes sur ce point, et ils sont impitoyables
!
Si vous voulez vraiment contrôler que les étrangers rentrés en France avec un
visa de quinze jours ou de trois semaines sont bien partis au bout de quinze
jours ou de trois semaines, il faut mettre en oeuvre des procédures du type
bracelet électronique ! Je ne vois pas d'autre moyen !
En tout cas, le moyen que vous préconisez a été employé par d'autres pays et
il y est tombé en désuétude. Il tombera aussi en désuétude en France parce
qu'il est inapplicable et qu'il n'a aucune efficacité. Il ne fera que
culpabiliser les gens qui reçoivent des étrangers mais il ne les
responsabilisera pas.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Monsieur le président, je demande que le Sénat se prononce par scrutin public
sur cet amendement.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Contrairement à M. Mélenchon, je suis sensible à l'exemple cité par M.
Caldaguès. Celui-ci nous a expliqué qu'il nourrissait des soupçons sur une
personne qui présentait de nombreuses demandes d'hébergement et que, s'estimant
éventuellement en présence d'une filière d'immigration clandestine, il a
prévenu la police.
Cela prouve que le dispositif légal existant permettait tout à fait ce genre
de réaction.
M. Michel Caldaguès.
A retardement !
Mme Joëlle Dusseau.
Bien sûr, mais il n'empêche !
En revanche, mon cher collègue, votre argumentation relative à l'obligation,
pour la personne qui reçoit, de déclarer le départ est infiniment plus
faible.
Vous dites que cela viserait le cas où la personne resterait en France. Mais
tel n'est pas du tout l'objet d'un certificat d'hébergement !
Un certificat d'hébergement est envoyé au consulat où doit être délivré le
visa permettant à une personne d'entrer en France. Cela n'a rien à voir avec le
fait de cacher la présence de quelqu'un en France.
Ni M. le ministre, ni M. le rapporteur, ni aucun des orateurs n'ont pu
expliquer en quoi l'obligation pour la personne qui reçoit de déclarer le
départ de celle qui était reçue aurait une quelconque efficacité à l'encontre
des filières maffieuses d'entrées illégales en France. En fait, un tel
dispositif ne servira qu'à gêner les honnêtes gens.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
L'exemple qu'a pris Mme ben Guiga le montre parfaitement,
car il arrive très souvent que des gens viennent passer trois jours chez vous,
partent faire un tour en France, puis reviennent. Cela m'est arrivé : dans
quelle situation aurais-je été si j'avais dû dire, après trois jours, que mes
amis étaient partis et, quelques jours plus tard, qu'ils étaient revenus ?
A quoi voulez-vous ainsi contraindre les personnes qui accueillent des amis ou
des parents étrangers ? Cela ne peut que gêner considérablement les honnêtes
gens. Cela ne gênera en rien les maffieux ou les passeurs professionnels.
Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Plasait.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plaisait.
M. Bernard Plasait.
Je souhaite tout simplement dire que M. le président Jacques Larché étant
particulièrement convaincant, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'a pas ouvert la bouche !
M. Bernard Plasait.
... j'ai compris les arguments qui ont été développés. Par conséquent, je
voterai l'amendement n° 9 et je retire mes amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 85, 90 et 91 sont retirés.
M. Michel Rufin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Rufin.
M. Michel Rufin.
L'amendement qu'a présenté notre rapporteur - j'en reviens à l'objet de ce
débat - est pour moi empreint de sagesse et il n'est guidé, à ma connaissance,
que par un seul souci : protéger et sécuriser tous les citoyens, y compris les
étrangers qui vivent dans notre communauté.
Nous sommes tous, et vous le savez bien, à la merci d'un attentat où un grand
nombre de nos compatriotes risquent leur vie.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas possible !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Où va-t-on ?
M. Robert Pagès.
Et voilà l'amalgame ! Tous suspects !
M. Michel Rufin.
C'est arrivé il y a quelques jours ! Ils risquent d'être victimes de
terroristes, d'individus dangereux, généralement occupants sans titres, qui
n'ont aucun papier justifiant leur présence dans notre pays, et vous le savez
parfaitement !
Mme Joëlle Dusseau.
Les terroristes, eux, ils ont des papiers !
M. Michel Rufin.
Si j'ai bien compris, pour quelques petites formalités à accomplir à la mairie
- et Dieu sait si chaque Français doit en accomplir chaque jour, quelle que
soit son activité ! - vous ne voulez pas gêner les hébergeants. Je ne vous
comprends pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A quoi ça sert ?
Mme Joëlle Dusseau.
N'importe quoi !
M. Michel Rufin.
Au contraire, si l'on doit autoriser une personne à accueillir des étrangers,
il est naturel qu'on lui demande de remplir une petite formalité, de manière à
connaître les personnes qui se rendent dans nos communes. C'est élémentaire, et
je ne comprends pas du tout votre attitude.
Mme Joëlle Dusseau.
Mais on les connaît ! Ils ont des visas, ils ont des papiers, ils ne sont pas
illégaux !
M. Michel Rufin.
Si vous lisez les journaux, les vôtres comme les nôtres, vous vous apercevrez
que, tous les jours, des crimes sont commis par des gens qui, malheureusement,
n'ont pas de papiers.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Robert-Paul Vigouroux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux.
Je n'avais pas l'intention de prendre part au débat, mais je me sens
finalement concerné parce que, je me dois de le confesser, durant toute ma vie,
j'ai créé des réseaux : réseaux de recherche, réseaux de médecine, réseaux de
neurologie, réseaux de neurochirurgie. J'en reste très fier parce que, de ce
fait, dans le monde entier, il y a des chercheurs, des médecins, des
neurochirurgiens qui conservent de leur formation française un certain état
d'esprit. Ils restent des amis, même si, pendant quelque temps, ils se sont
peut-être éloignés de nous.
Ce réseau d'amis continue d'être actif, puisque je reçois encore des lettres
de ces scientifiques et qu'ils peuvent, demain, me demander de les aider à
revenir en France, parce qu'ils souhaiteront approfondir les connaissances
acquises chez nous. C'est un réseau culturel, scientifique et aussi
francophone.
Je ne crois pas avoir hébergé ou fait héberger dans ces circonstances beaucoup
de terroristes, car un terroriste, me semble-t-il, n'entre pas en France en
imprimant ses empreintes digitales sur un papier, n'indique pas chez qui il
résidera et ne demande pas à son hôte de signaler son départ à la mairie ! Il
s'agit quand même de gens mieux organisés que cela, ou alors, comment
parviendraient-ils à commettre leurs méfaits ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien sûr !
M. Robert-Paul Vigouroux.
Veut-on fermer la France à ceux qui y viennent pour apprendre et qui
transmettront ensuite ce que, depuis des siècles, nous avons pu apporter aux
autres, sous prétexte d'empêcher l'intrusion de quelques malfrats et poseurs de
bombes ?
Comment refuser à ces personnes l'accès de notre pays, alors que nous savons
que, dans ce cas, elles iront travailler ailleurs, au détriment du maintien de
ces réseaux planétaires, tellement importants pour nous, qui, certes, ne nous
rapportent pas grand-chose sur le plan économique, bien que l'on puisse quand
même diffuser par leur biais des matériels français, mais dont l'intérêt moral
est évident.
Ne confondons pas, par conséquent, ceux qui viennent chez nous pour apprendre
et qui s'en retournent après avoir acquis des connaissances avec quelques
terroristes.
J'estime en outre qu'il incombe non pas aux mairies, mais à d'autres services
de faire le tri. J'ai été maire de Marseille pendant des années, et je me
demande comment mon successeur pourrait contrôler à la fois les entrées et les
sorties de tous ceux qui passent par cette ville. Comment cela serait-il
possible ?
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi
que sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'avoue, aprés avoir écouté les propos de mes collègues du groupe communiste
républicain et citoyen du groupe socialiste, que j'ai vraiment l'impression de
ne pas vivre dans le même pays qu'eux.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Je ne peux comprendre en effet que des membres de notre assemblée
puissent méconnaître à ce point la réalité des problèmes engendrés par
l'immigration clandestine dans notre pays et leurs répercussions sur la vie
quotidienne de nos concitoyens, ...
M. Christian Bonnet.
Très bien !
M. Dominique Braye.
... surtout s'ils sont d'origine étrangère et souhaitent s'intégrer.
Ces jours-ci, dans mon district de Mantes-la-Jolie, un grand nombre d'entre
eux m'ont demandé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour que ce texte
ne soit pas affadi et pour stopper cette immigration irrégulière, qui continue
de sévir dans notre pays et dont nous constatons régulièrement les effets dans
l'agglomération que j'ai mentionnée.
En effet, comme notre collègue Jack Ralite, j'habite une région pauvre, et mes
administrés demandent chaque jour que nous nous occupions de leur misère avant
de prétendre accueillir toute la misère du monde, ...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Dominique Braye.
... comme ce fut le cas au cours des quinze dernières années, ce qui n'a fait
qu'accroître les difficultés de nos concitoyens.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Vous faites, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, le lit
des extrémistes et de l'extrême-droite,...
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras.
C'est lamentable !
M. Claude Billard.
C'est vous !
M. Dominique Braye.
... comme vous l'avez d'ailleurs fait en d'autres temps et d'une autre
façon.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Piras.
C'est lamentable !
M. Dominique Braye.
Je vous en laisse la responsabilité ! En tout cas, je ne participerai pas à
cette mauvaise action !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste. - Vives protestations sur les travées
socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les bracelets électroniques !
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Après ce long débat, je me trouve plongé dans une profonde perplexité.
Tout d'abord, si le terrorisme est certes une réalité, j'estime qu'il ne faut
pas que cela devienne une obsession et que toute notre législation soit
imprégnée d'une situation d'exception qui, je l'espère, ne sera pas durable,
bien que j'aie quelque difficulté à faire un pronostic sur ce point...
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que ce texte rendra tout à fait lumineuse la
gestion des flux d'immigrés en France.
En revanche, il donne la possibilité à un citoyen français, quelle que soit
son origine, qui a établi de bonne foi un certificat d'hébergement et qui
souhaite se mettre à l'abri de conséquences plus ou moins aventureuses si son
invité n'était pas sérieux, de signaler au maire de sa commune la fin de la
période d'hébergement. Cela peut, en quelque sorte, éviter à un citoyen honnête
et loyal des difficultés policières.
Pour ma part, je trouve qu'il s'agit non pas d'une mesure vexatoire ou
policière, mais simplement de la possibilité donnée à celui qui a délivré de
bonne foi un certificat d'hébergement de déclarer le départ de cet étranger.
Ainsi, il n'encourra aucune responsabilité quant aux conséquences des actes
ultérieurs de l'étranger qu'il aura hébergé.
Par conséquent, malgré la diversité des opinions au sein de mon groupe, je
voterai l'amendement n° 9 tel qu'il est rédigé.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de
l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comme d'habitude !
M. Jean-Patrick Courtois.
Voilà une attitude responsable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A quoi ça sert !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il va nous dire à quoi ça sert !
Mme Joëlle Dusseau.
Oui, parce qu'on ne le sait pas.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais, au terme de cette discussion,
m'exprimer à nouveau sur l'amendement n° 9.
Il ne s'agit naturellement pas, comme je l'ai entendu affirmer, d'interdire la
venue en France de chercheurs, d'étudiants ou de touristes. Nous accueillons 35
000 étudiants étrangers dans notre pays, et nous souhaitons qu'ils soient de
plus en plus nombreux. Leur effectif augmente d'ailleurs de 1 % chaque
année.
La disposition proposée se borne en fait à prévoir une simple formalité
déclarative, comme il en existe déjà des centaines dans notre droit, pour des
motifs légitimes.
Que demande-t-on ? Relisez le texte ! Nous demandons simplement que soit
déclaré le départ définitif de l'étranger du domicile de son hôte...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, le mot « définitif » n'apparaît pas !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Eh bien, je le précise.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
J'ai déjà expliqué ma
position à l'Assemblée nationale, mais cela me semblait aller de soi.
Nous demandons simplement à l'hébergeant de notifier le départ définitif de
l'étranger, la fin du séjour de celui-ci à son domicile, et rien d'autre.
Mme Joëlle Dusseau et M. Jean Peyrafitte.
A quoi cela sert-il ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
On ne demande pas à l'hébergeant d'indiquer la
destination de la personne, ni si elle a ou non quitté la France. Cela n'a rien
à voir !
Nous voulons simplement démasquer les professionnels de l'hébergement fictif.
Un certain nombre de maires, présents sur ces travées, sont venus me voir pour
me dire que l'on ne peut plus continuer à laisser agir des professionnels de
l'hébergement.
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
Cela, je ne peux l'accepter. Ces professionnels de l'hébergement
prétendent recevoir des étrangers, alors qu'en fait ils ne veulent que
faciliter la venue en France de personnes qui n'ont pas le droit d'y
séjourner.
Voilà ce que je veux dénoncer, car ces certificats de complaisance cachent une
fraude et je ne peux le tolérer.
Par conséquent, je suis favorable, je le répète, à l'amendement de la
commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Avec le mot « définitif » ou pas ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
101:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 96 |
M. Philippe de Bourgoing. Très bien !
M. Jean-Patrick Courtois. On va gagner du temps !
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 60, 100 et 194, ainsi que les amendements n°s 101 et 162, n'ont plus d'objet.
Je rappelle, en outre, que M. Plasait a retiré les amendements n°s 82, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 85, 90 et 91, et que M. Caldaguès a retiré les amendements n°s 38, 39, 40 et 41.
Enfin, la commission m'a fait savoir qu'elle renonçait à sa demande de priorité pour l'amendement n° 10.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 163 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 103 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne sais pas si quelqu'un se souvient du contenu de l'amendement n° 103 (Oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. On l'a sous les yeux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet, voilà tout de même deux bonnes heures que nous l'avons examiné.
Encore une fois, je croyais que le Sénat avait le droit de connaître les avis et de la commission et du Gouvernement sur chacun des amendements.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils étaient en discussion commune. Que l'on nous donne les avis ou tous ensemble ou séparément ! Tout à l'heure, nous avons failli nous prononcer sur l'amendement n° 9 sans même avoir entendu l'avis du Gouvernement.
Il faut tout de même rappeler que l'amendement n° 103 tend à supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 1er, c'est-à-dire les mots « le signataire du certificat d'hébergement n'a pas notifié à la mairie le départ de l'étranger hébergé dans les deux années précédant la demande de visa ».
Excusez-moi, mais cet amendement est tombé puisqu'il s'agit d'un amendement de coordination. Or, personne ne s'en était rendu compte. Vous étiez prêts à voter contre, chers collègues de la majorité sénatoriale.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Nous voulions voir jusqu'où allait votre mauvaise foi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est tout de même bon que sur chaque amendement on veuille bien demander l'avis et de la commission et du Gouvernement pour que le Sénat n'en oublie pas la teneur ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous remercie de votre éclairage. Puisque vous me poussez dans mes retranchements, en laissant entendre que l'on fait un peu n'importe quoi, je dirai que tout à l'heure le groupe socialiste a voté l'amendement n° 157, présenté par les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à supprimer une disposition qui avait été instaurée en 1992 par le ministre alors en fonction.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous avons changé d'avis !
M. le président. Je ne crois pas que nous fassions n'importe quoi. Nous avons la liberté de faire examiner le texte comme nous l'entendons, dans le respect du règlement. C'est ce que je fais. J'ai appelé l'amendement n° 103 ; vous vous êtes exprimé. Y a-t-il d'autres explications de vote ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement tombe.
M. le président. L'amendement n° 103 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 104.
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 104.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Franchement, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, c'est tout de même un peu court ! En l'occurrence, nous sommes dans le domaine de la technique pure. Aux termes de la disposition que vous nous proposez, le maire refuse de viser le certificat d'hébergement lorsque le signataire du certificat d'hébergement n'a pas notifié à la mairie le départ - définitif, je pense - d'un étranger hébergé, dans les deux années précédant la demande de visa. Nous vous faisons simplement remarquer qu'une telle disposition n'est applicable que deux ans après l'entrée en vigueur de la présente loi. Cela paraît logique. Voilà deux heures, nous avons défendu cette position. On demande enfin l'avis de la commission et du Gouvernement. Nous imaginions que M. le rapporteur allait dire : « vous avez raison, j'émets un avis favorable » ou, pour telle ou telle raison « je m'oppose à cet amendement ». Il en est de même pour M. le ministre. Or l'un et l'autre se lèvent et disent : « défavorable ! ». Franchement, si tel est votre respect des droits du Parlement...
Il s'agit, je le répète, d'un amendement purement technique, qui tire les conséquences du vote que vous avez émis tout à l'heure. Nous étions alors en désaccord profond. Nous ne voulions pas, nous continuons et nous continuerons à ne pas le vouloir, d'une disposition qui impose d'aller faire à la mairie une déclaration qui ne sert à rien et dont on ignore les conditions dans lesquelles elle doit être faite. Il s'agit, nous a-t-on dit, du départ définitif, mais que faut-il faire si l'hébergé revient pour quelques jours, chez l'hébergeant ?
Cela étant dit, nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De toute manière, une telle disposition n'aura pas d'effet avant deux ans !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 10 ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 105 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 105.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous attendions avec impatience les avis de la commission et du Gouvernement. En effet, cet amendement est important et il était nécessaire de savoir si le Gouvernement y était favorable ou non et surtout pourquoi, dans ce dernier cas.
Cet amendement - je le rappelle pour le cas où certains d'entre vous, mes chers collègues, l'auraient oublié - propose la disposition suivante : « Le maire doit motiver son refus de viser le certificat d'hébergement, à défaut de quoi le visa est réputé accordé. »
Certains maires - nous l'avons dit et répété - refusent systématiquement de viser le certificat d'hébergement. Or, la motivation des décisions administratives est la règle générale en droit public. Il est nécessaire de le rappeler. Je vous ai lu tout à l'heure le texte qui fait, hélas ! exception à ce principe, en matière de visa d'entrée en France. Mais, pour le reste, le principe de droit doit être respecté et donc le refus de viser le certificat motivé.
Il faut de plus tirer les conséquences du cas où le refus ne serait pas motivé. Je sais bien que M. le rapporteur avec l'expérience de préfet qui est la sienne - il me permettra de le rappeler - soutient que le préfet peut toujours se substituer à un maire.
M. Michel Rufin. Bien entendu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si le maire de Toulon ne veut pas, par exemple, motiver son refus de viser un certificat d'hébergement, il est toujours possible de demander au préfet Marchiani de se substituer à lui !
M. Michel Rufin. C'est normal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est qu'un exemple.
Toutefois, on n'a jamais vu, dans la pratique, un préfet se substituer à un maire. Vous me rétorquerez qu'il est possible de saisir le tribunal administratif. Mais lorsque vous attendez quelqu'un pour la communion du petit dernier, même en vous y prenant deux mois à l'avance, le procès que vous engagerez durera six mois. Ce n'est évidemment pas une solution.
Il faut donc faire en sorte que, si le refus du maire n'est pas motivé, l'autorisation de visa soit réputée accordée.
Nous ferons la même proposition tout à l'heure dans le cas d'une absence de réponse.
Je regrette, je le répète, que, sur notre amendement qui ne fait que tirer les conséquences de la loi, vous vous contentiez de dire « défavorable », sans autre... motivation !
Je souhaiterais que, là aussi, votre défaut de motivation autorise chaque sénateur à présumer le bien-fondé de notre proposition et vote cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sourires sur les travées du RPR.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Je ne voudrais pas décevoir M. Dreyfus-Schmidt, qui semble sevré d'explications du rapporteur. Je suis d'ailleurs sensible à cette marque de considération.
Cependant, le maire, je le lui ai déjà expliqué, se situe dans le droit-fil d'une procédure gracieuse ou contentieuse qui permet à tout intéressé n'étant pas satisfait par une absence de justification du maire de s'adresser au préfet pour lui signifier que le maire ne l'a pas informé. Que fait alors le préfet ? Il apprécie la bonne foi de l'intéressé, il téléphone ou fait téléphoner au maire en demandant des explications. En outre, si l'intéressé n'est pas satisfait, le recours contentieux peut s'exercer.
Nous sommes dans une procédure parfaitement déterminée. Pourquoi voulez-vous compliquer la situation par des dispositions qui, en tout état de cause, sont d'ordre réglementaire ? Vous voulez surcharger la loi. Vous faites une « usine à gaz », et après vous le déplorez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au contraire, on simplifie !
Mme Joëlle Dusseau. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. La responsabilité de la création de cette « usine à gaz » ne peut pas être recherchée sur les travées socialistes. C'est tout de même vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, qui avez inventé ces déclarations, ces certificats d'hébergement, d'arrivée, de départ (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)...
M. Hilaire Flandre. Non, c'est vous !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est M. Badinter !
M. Jean-Luc Mélenchon. De départ, ai-je dit. Vous savez bien que c'est de cela que l'on parle. N'allez pas me chercher des poux dans la tête pour les certificats d'hébergement. Je vous parle du départ, et d'ailleurs, sur ce sujet, je vous trouve assez incroyables. Déclarer qu'une personne s'en va de chez soi, qu'y a-t-il de plus normal ? Cela vous paraît normal à vous !
M. Patrice Gélard. Ce n'est pas l'objet de l'amendement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous m'avez interrompu, je vous réponds.
Vous êtes dans une logique où vous finissez, au motif de démanteler des réseaux, par trouver normales des choses que, nous, nous trouvons tout à fait extravagantes dans la vie quotidienne des individus.
Vous savez qu'il existe aussi des réseaux de pillards sur le téléphone. Peut-être faudrait-il que l'on signale tous en mairie quand on termine une conversation téléphonique. Cela pourrait peut-être aider à contrôler les réseaux de délinquants !
Pour conclure - il le faut bien - je reviens à l'argument évoqué à cet instant.
Pour ma part, je souhaiterais que le Sénat adopte cet amendement socialiste, qui est un amendement de repli puisque, en définitive, il s'inscrit dans la logique de l'acceptation de ces certificats.
En effet, cet amendement répond précisément à la préoccupation que nous avons exprimée en ce qui concerne certaines communes dans notre pays. Je crois qu'il apporterait une garantie. En effet, dans ces communes, nous aurions pu suivre la situation et, je le dis, pas simplement à titre individuel - et j'assume mon propos - mais collectivement. Les associations, les responsables politiques auraient pu regarder d'un peu plus près ce qui se passe dans ces communes et comment sont accordés ces certificats d'hébergement.
Comment fera-t-on - peut-être n'ai-je pas, moi non plus, bien compris - pour vérifier, puisque c'est ce qui doit nous rassurer, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, le caractère homogène des critères appliquées et des décisions prises - puisque c'est l'argument de M. le rapporteur - s'il n'y a pas des motivations expresses du refus ? Peut-être pourra-t-on me répondre ? Ne pas adopter cet amendement, c'est véritablement accepter l'arbitraire ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 106 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 106.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit du même problème, cette fois aggravé, puisque, normalement, le refus doit être motivé. Espérons qu'il le sera ! Néanmoins, en l'absence de réponse, que se passera-t-il ? N'importe lequel d'entre nous ira à la préfecture, car, à l'évidence, c'est à la portée de tout le monde ! Tous les habitants de ce pays savent que, en cas d'absence de réponse du maire à l'une de leurs demandes, ils peuvent téléphoner au préfet pour le tenir au courant de la situation !
Dans peut-être un cas sur dix, un avocat sera consulté, un recours sera formé, et, après des années, le Conseil d'Etat finira par déclarer que le maire avait tort. Mais, dans la plupart des cas, il n'y aura simplement pas de certificat d'hébergement.
Pour notre part, nous pensions que, au lieu de charger la barque, l'application du principe de la réponse tacite, que Guy Allouche rappelait tout à l'heure, simplifierait les choses : en l'absence de réponse, cette dernière est réputée positive.
M. Guy Allouche. C'est ce qui figure dans le projet Perben !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le projet de M. Perben, et donc, vraisemblablement, le vôtre, monsieur le ministre.
M. Claude Estier. La modernisation de la fonction publique !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous allez nous demander d'attendre son examen. Non ! Si nous attirons votre attention sur ce texte à venir, c'est pour montrer que cette idée nous est commune et qu'elle présente l'avantage de simplifier les choses. Il s'agit ici non pas de revenir sur la discussion de tout à l'heure, mais de bien d'autre chose : nous demandons que, lorsque, au bout d'un mois - c'est quand même long, un mois ! - le maire n'a pas répondu à la demande de certificat d'hébergement, ce dernier soit réputé accordé. Cela ne mérite-t-il pas d'être pris en considération ?
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. L'un de nos collègues nous expliquait, hier soir, qu'un ravin séparait la droite et la gauche, ravin au fond duquel était tombé le Front national.
Je pense vraiment qu'un certain nombre de personnes siégeant sur les travées de la majorité de cette assemblée sont tombées dans le ravin !
A l'occasion de l'examen de cet amendement, que n'avons-nous entendu sur ces travées ! Des collègues ont affirmé que le fait de recevoir une fois par an un étranger était déjà quelque chose d'extraordinaire !
M. Philippe de Bourgoing. Personne ne dit cela !
M. Jacques Mahéas. Cette personne n'a-t-elle pas quelque part à l'étranger un fils, une fille, des parents, qu'elle va voir au moins une fois par an ?
Ce même sénateur a également dit qu'il fallait faire passer de 100 francs à 200 francs le prix de ces certificats d'hébergement ! Il a donc osé dire, en fait, que les pauvres n'ont pas le droit de visite et que l'on ne peut se recevoir qu'entre gens aisés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, il l'a dit !
M. Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs il est parti ! Il a honte !
M. Michel Caldaguès. C'est un mensonge !
M. Guy Fischer. C'est vrai, il l'a dit !
M. Jacques Mahéas. C'est exactement ce qui a été dit !
Pis encore, l'un d'entre vous, sénateur de Seine-Saint-Denis, décrit dans un journal la façon dont il procède : « je me renseigne, je rencontre les gens qui doivent recevoir l'étranger, je demande quelle est la date du retour, s'il y a un billet d'avion, s'il s'agit d'un membre de la famille... » Peut-être y a-t-il même une fouille au corps ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Nous en arrivons là à des procédés humiliants ! Et vous savez bien, les uns et les autres, que des gens plus modérés ne sont pas de cet avis.
A cet égard, je donnerai un exemple vécu au Liban, lors d'un voyage que j'ai effectué avec M. Jacques Larché, président de la commission : à cette occasion, nous avons rencontré un professeur d'université francophone et francophile qui, alors qu'il se rendait jusqu'à présent tous les ans en France,...
M. Dominique Braye. Il continuera à venir !
M. Jacques Mahéas. ... n'avait pu, cette fois, obtenir du consulat cette possibilité. Certes, M. Larché, comme moi-même, est vraisemblablement intervenu, et cette situation a pu être réglée.
Toutefois, ce cas spécifique - M. Larché et moi-même étions tous les deux sur le terrain, et vous ne pouvez donc pas dire qu'il s'agit d'un cas d'école ! - tend, comme l'a très bien indiqué tout à l'heure notre collègue Robert-Paul Vigouroux, à se généraliser : les consulats évoluent vers une fermeture totale de nos frontières.
Vous ne vous honorez pas ! Très franchement, du point de vue humain, ce que vous dites est souvent humiliant. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Allons, ne soyez pas ridicule !
M. Jacques Mahéas. Je ne suis pas un élu laxiste ! Je ne souhaite pas, en effet, que nos frontières s'ouvrent. Il faut tenir compte des droits des peuples, bien entendu, mais également des droits de l'homme.
Or, très franchement, il est bien évident que l'action de certains maires s'apparente au fait du prince. Il faut donc que la décision de refus soit motivée. Vous avez sans doute pu constater les uns et les autres que ce certificat d'hébergement ne comporte pas de motifs et ne précise même pas quelles sont les voies de recours ! Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler dans quelque temps avec M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, lorsque viendra en discussion le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de voter tous l'amendement n° 106 afin que nous donnions, dans nos communes, une autre image de la France que le seul fait du prince : en effet, lorsque les pitbulls, dont je me méfie, deviennent xénophobes, la situation devient alors tout à fait humiliante et intolérable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Cet amendement vise à une mesure de bon sens.
Monsieur le rapporteur, si M. Dreyfus-Schmidt a sollicité tout à l'heure de votre part une explication motivant votre avis défavorable sur cet amendement, c'est parce que vos réflexions, même si nous ne les partageons pas, sont utiles et que nous avons toujours plaisir à les entendre.
Nous souhaitons aussi que M. le ministre réponde. (M. le ministre sourit.) ...
Vous souriez, monsieur le ministre, et j'en suis ravi !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je souris chaque fois que vous parlez, monsieur Allouche !
M. Guy Allouche. Je vous remercie, monsieur le ministre !
Nous souhaitons donc, disais-je, que M. le ministre réponde aussi, car les uns et les autres doivent, à notre avis, alimenter les travaux préparatoires : le Journal officiel est lu par beaucoup de monde, et il est toujours utile de connaître les raisons du refus ou de l'acceptation d'une disposition proposée. C'est la raison pour laquelle, à mon tour, je vous demande de motiver vos avis, monsieur le ministre.
Il y a 36 500 communes en France. Nous savons tous que le comportement des maires de France n'est pas identique. Ces derniers, dans leur grande majorité, répondent très rapidement aux demandes formulées par leurs administrés. Mais nous savons aussi, hélas ! que certains maires n'agissent pas ainsi !
Dans ce dernier cas, si le demandeur d'un certificat d'hébergement est très au fait des arcanes juridiques, il saura effectivement, ainsi que l'a indiqué M. le rapporteur, qu'il peut s'adresser à la préfecture. Mais s'il s'agit de petites gens - je prends cette expression dans son acception noble - n'ayant pas ces connaissances, elles attendront que le maire daigne répondre.
En imposant un délai de quatre semaines, nous demandons en quelque sorte au maire d'accélérer la réponse et, si possible, de motiver cette dernière. En effet, dans la plus grande majorité des cas, ils auront affaire à des gens qui ne naviguent pas aisément dans les dédales administratifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur. Monsieur le président, je voudrais faire plaisir aux sénateurs de l'opposition. Je ne veux pas parler simplement pour le Journal officiel , mais je ne veux pas non plus répéter constamment la même chose, car cela finirait par être fastidieux, sauf à nous engager dans une procédure d'obstruction que vous ne souhaitez pas et que vous ne pratiquez pas ! (Sourires.)
Je répète ici qu'il s'agit d'une procédure administrative. Il appartient donc au Gouvernement, dans le cadre de ses prérogatives, de donner des instructions aux préfets pour leur indiquer la démarche à suivre en cas d'obstruction des maires.
Il n'appartient tout de même pas au pouvoir législatif de s'ingérer dans le pouvoir réglementaire, sinon, nous entrerions dans une procédure d'escalade. Je répète ici ce que j'ai toujours dit à cet égard, à savoir qu'il revient au Gouvernement de définir une position claire sur l'ensemble du territoire concernant les certificats d'hébergement, et de donner des instructions aux préfets ; ces derniers doivent les suivre, c'est-à-dire vérifier que les maires appliquent de façon homogène et orthodoxe la réglementation qui a été voulue par le Parlement, qui a été définie dans ses détails administratifs par le Gouvernement et qui est appliquée par ce dernier. C'est tout !
N'allons pas considérer que nous devons nous substi-tuer au Gouvernement, et songeons également que les procédures suivront leur cours en fonction de l'humeur des uns et des autres à saisir pour excès de pouvoir les tribunaux administratifs des décisions des maires.
M. Emmanuel Hamel. C'est lumineux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas besoin de loi !
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Voilà un débat utile, qui prouve bien que l'intervention de M. le rapporteur était nécessaire pour éclairer les travaux préparatoires.
Je ne parviens pas à bien suivre M. Masson. L'amendement n° 106 vise à instaurer une autorisation tacite lorsque la demande n'a pas reçu de réponse dans un délai de quatre semaines.
Monsieur le rapporteur, si je me réfère à mes souvenirs de droit public, cela n'est pas du domaine réglementaire ! Le fait d'ériger une procédure d'autorisation tacite est du domaine législatif. La preuve en est que le passage du régime général actuel du droit français, selon lequel l'absence de réponse à l'expiration d'un délai de quatre mois équivaut à une décision négative, à un nouveau système relève de la loi.
L'argumentation que vient d'opposer M. le rapporteur à l'amendement n° 106 et qui s'appuie sur le fait que ce point relève du domaine réglementaire me paraît insuffisante.
Au moins, l'échange sur ce point aura-t-il permis de démontrer que les travaux préparatoires illustraient peut-être une certaine fragilité du projet de loi sur ce point.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien ! N'est-ce pas lumineux, monsieur Hamel ? (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. On procédera par une loi, s'il le faut, la prochaine fois !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 106, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 164 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 164.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous étions opposés hier à la mise en place des certificats d'hébergement ; nous y restons, bien entendu, opposés aujourd'hui. Mais il semble que la majorité de notre assemblée, elle, veuille à tout prix non seulement maintenir ces certificats, mais encore en aggraver les conditions d'attribution.
L'amendement n° 164, je le rappelle parce que cela fait déjà un bon moment que nous l'avons défendu, est un amendement de repli.
Vous avez affirmé, chers collègues de la majorité, que vos textes ne portaient en aucune façon atteinte à la liberté ou aux bonnes relations avec les étrangers qui désirent se rendre dans notre pays. Eh bien, notre amendement permet de vous donner partiellement, même si c'est de manière insuffisante, raison. En effet, si l'on n'encadre pas la réponse du maire à la demande de l'hébergeant dans un délai, on pourra attendre cette réponse des mois - nos collègues socialistes l'on excellemment montré - et les plus modestes de nos concitoyens, ceux qui maîtrisent le moins facilement les arcanes de l'administration, resteront désarmés.
C'est pourquoi l'institution d'un délai d'un mois nous semble constituer une mesure correcte. Certes, elle ne modifie pas l'ensemble du texte, mais du moins donne-t-elle quelques garanties au demandeur !
Par ailleurs, nous souhaitons que s'ajoute à ces délais une motivation écrite, car on doit à chaque hébergeant, à chaque citoyen, une explication normale. On doit absolument lutter contre l'arbitraire, contre le fait du prince. Motiver la réponse est un moyen bien insuffisant, bien partiel, mais c'est un moyen tout de même de gommer quelque peu l'intransigeance des textes que vous proposez.
Tel est le sens de cet amendement de repli.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 107 et 165 ?
M. Paul Masson, rapporteur. J'observe que les visites inopinées ne sont pas interdites dans le texte actuel...
M. Jacques Mahéas. Qu'est-ce qu'une visite inopinée ?
M. Paul Masson, rapporteur. C'est une visite qui n'est pas annoncée !
M. Guy Allouche. Le texte actuel ne le prévoit pas !
M. Paul Masson, rappporteur. Elles ne sont pas interdites ! En tout état de cause, visite inopinée ou pas, il faut le consentement de l'intéressé pour ouvrir la porte.
Mme Joëlle Dusseau. Il faut prévenir de la visite, dans l'état actuel du texte.
M. Paul Masson, rapporteur. C'est la raison pour laquelle ces amendements n'ont pas reçu l'avis favorable de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 107 et 165.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. S'agissant des visites inopinées, je souhaiterais attirer l'attention du Sénat sur ce que cette notion implique.
Le texte actuel prévoit des visites de l'OMI. Or je rappelle - ai-je besoin de le faire ? - qu'il s'agit ici de légiférer à propos de visites privées, dans un domicile privé, concernant des personnes privées, qui ont le droit de recevoir qui bon leur semble.
Un sénateur du RPR. Des terroristes ?
M. Robert Badinter. Je rappelle aussi que, si l'on peut suspecter une infraction, le code de procédure pénale offre les moyens juridiques nécessaires pour agir.
S'agissant uniquement de visites privées dans un domicile privé, vous savez combien le Conseil d'Etat, ainsi que, dois-je le rappeler, le Conseil constitutionnel, se montrent à juste titre exigeants, la jurisprudence le montre : la protection du domicile privé est un principe fondamental dans toute démocratie.
Le législateur, en adoptant les textes qui sont aujourd'hui en vigueur, a évidemment prévu que l'OMI devait obtenir, avant de visiter les lieux, le consentement écrit de l'intéressé. C'est compréhensible parce que, je le répète, il ne s'agit ni d'une perquisition ni d'une descente de police : ce serait inconcevable s'agissant d'une personne privée recevant un ami.
Que recouvrent les termes : « visite inopinée » ? M. le rapporteur a raison lorsqu'il dit que de telles visites ne sont pas interdites. Mais, jusqu'à présent, une telle mention ne figurait pas dans le texte. Par conséquent, il faut bien mesurer ce que peut impliquer la visite inopinée, qui peut intervenir à n'importe quel moment, sans qu'elle soit annoncée.
Il ne s'agira certainement pas de s'assurer de la présence de la personne hébergée, ce serait impensable. S'agit-il de vérifier l'état des lieux ? La composition de l'appartement ? Il n'est point besoin, à cette fin, de procéder à des visites inopinées !
Permettez-moi simplement de rappeler les propos très intéressants tenus par le président de l'OMI, M. Robert-Noël Castellani, lors de son audition par la commission des lois. Ils figurent d'ailleurs dans le rapport de M. Masson : « S'agissant des visites inopinées que pourrait réaliser l'OMI en application du texte adopté par l'Assemblée nationale » - je rappelle qu'une telle disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et que, par conséquent, le Conseil d'Etat n'a pas eu à en connaître - « la procédure actuellement utilisée dans les grandes villes, notamment à Paris, consistait à prendre des rendez-vous dans le souci d'une bonne organisation des tournées des enquêteurs, puisqu'il s'agit simplement de savoir si le local correspond aux besoins normaux d'un hébergement normal. » M. Castellani a considéré - j'attire l'attention du Sénat sur ce point - que des visites inopinées pourraient « être source de complexité et avoir un effet psychologique négatif sur les familles concernées ».
J'ajoute que le recueil du consentement par écrit lorsque la venue n'est pas annoncée peut se réaliser avec de bonnes chances de succès aux heures ouvrables !
J'attire donc l'attention du Sénat sur ce qu'implique, au regard de la vie privée, cette disposition. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais simplement dire que les visites, même inopinées, supposent l'accord de l'hébergeant, ainsi que l'a prévu le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993. C'est pourquoi chaque demande de certificat d'hébergement comporte une mention préimprimée, que l'hébergeant doit signer après y avoir apposé les termes « Lu et approuvé » : « Je suis informé de ce que, sur la demande éventuelle du maire, un agent de l'Office des migrations internationales peut venir procéder à mon domicile à une vérification de la réalité des conditions d'hébergement et je déclare mon consentement à cette visite. »
Par conséquent, ce texte est clair. Nous voulons le confirmer et faire en sorte que les agents de l'OMI, n'informent pas à l'avance l'hébergeant de leur venue.
M. Jacques Mahéas. Pourquoi ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Parce qu'un certain nombre de précautions pourraient alors être prises par l'intéressé !
M. Robert Pagès. Oui : déplacer la maison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut se mettre à la place de l'OMI.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ne vous mettez pas à la place de tout le monde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si les agents de l'OMI se présentent et qu'il n'y a personne...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Eh bien, ils repartiront !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... il leur faudra repartir, puis se représenter à nouveau. Combien de fois ? Jusqu'à ce qu'il y ait quelqu'un dans le logement ! On comprend très bien, dans ces conditions, que le président de l'OMI ait expliqué que ces démarches allaient compliquer le fonctionnement de son service !
De quoi s'agit-il, encore une fois ? Rappelons qu'il s'agit seulement de vérifier que l'appartement de l'hébergeant lui permet de recevoir les étrangers décemment ou non. C'est tout !
Les visites inopinées sont possibles, mais elles relèvent de la police - c'est alors tout autre chose - qui peut être alertée par toute personne, y compris le consulat qui est informé des demandes de certificat d'hébergement, lorsque ces dernières sont répétées de manière suspecte.
Le dispositif proposé ne sert donc strictement à rien. C'est tellement vrai qu'il ne figurait pas dans votre texte initial, monsieur le ministre, et que M. le rapporteur nous dit qu'il n'était pas interdit avant ! Dans ce cas, il est tout à fait inutile.
M. Pierre Fauchon. Mais quels en sont les inconvénients ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous vous l'expliquons depuis une heure, et je continue à le faire !
Cela signifie-t-il, par ailleurs, que l'on institue une exception au caractère protégé du domicile ? Est-ce que les agents de l'OMI pourront, sans l'autorisation du président du tribunal, venir la nuit s'ils le veulent ? Est-ce que « de manière inopinée » signifie à toute heure du jour et de la nuit ? Il faut tout de même qu'on le sache ! (Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Sans doute cela vous a-t-il échappé, monsieur le ministre, mais vous venez de nous dire, peut-être de manière inconsciente, que l'agent de l'OMI procédait à une perquisition puisqu'il venait sans crier gare au domicile de l'intéressé pour vérifier sa situation.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas dit cela !
M. Guy Allouche. Au-delà de cette question, combien de fois faudra-t-il que l'agent de l'OMI se déplace pour s'assurer de la présence d'une personne qui travaille ? Celle-ci ayant, en général, les mêmes horaires de travail que les agents de l'OMI, il y aura donc nécessité de prendre rendez-vous !
Fait-on des difficultés à un Français qui veut recevoir M. X ou M. Y dans un appartement malheureusement trop petit, mais qu'il ne peut quitter parce qu'on ne lui en a pas attribué un autre ? Nous connaissons tous, notamment dans la région parisienne, de nombreux cas d'étrangers en situation régulière qui se voient refuser des appartements un peu plus spacieux alors que leur famille s'est agrandie ! Et vous savez que certains événéments ont même défrayé la chronique. Pourquoi irait-on contester à un étranger en situation régulière ce que l'on ne conteste pas à un Français ?
Enfin, mes chers collègues, dans la mesure où l'agent de l'OMI ne fait que contrôler l'état des lieux, en quoi faut-il vraiment surprendre le futur hébergeant pour constater un éventuel détournement de procédure ?
M. Hilaire Flandre. Mais, encore une fois, en quoi cela vous gêne-t-il ?
M. Michel Rocard. Cela empoisonne les gens !
M. Guy Allouche. Cela nous gêne parce qu'on porte atteinte à la vie privée des personnes ! Or la protection de cette vie privée a été consacrée de tous temps par le Conseil constitutionnel et par la jurisprudence.
Si les agents de l'OMI veulent faire correctement leur travail, ils peuvent prendre rendez-vous, comme le font aujourd'hui les agents de l'EDF ou de Gaz de France, par exemple. Pourquoi le demande-t-on à un agent de l'EDF alors qu'on le refuserait à un agent de l'OMI, qui ne demande qu'à travailler dans de bonnes conditions et à ne pas être dans l'obligation de revenir de nombreuses fois avant de trouver quelqu'un ?
Que se passera-t-il, mes chers collègues, si l'agent de l'OMI, se présentant de façon inopinée, est accueilli par un enfant ? Est-ce l'enfant qui signera ? A l'évidence, l'agent de l'OMI sera obligé de revenir.
Pour éviter toutes ces difficultés, il nous paraît indispensable de prévoir une prise de rendez-vous et donc de supprimer ces visites inopinées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Inopinées et inopportunes !
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. J'aimerais que nous n'ayons pas, ici, un dialogue de sourds, mais c'est bien difficile !
Notre excellent collègue M. Dreyfus-Schmidt a posé la question : à quoi sert la visite inopinée ? Réponse : à rien ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
En effet, il s'agit non pas de rencontrer des gens, mais, même si c'est contestable, d'examiner la qualité d'un logement. Que diable ! on ne change pas les cloisons et on ne pousse pas les murs aussi facilement !
Vous nous répondez, de manière assez spécieuse : en quoi cela vous dérange-t-il ? Moi, en tant que simple citoyen, cela me dérange beaucoup, car la visite inopinée a une connotation policière indiscutable. (Approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Tout de même ! mes chers collègues, accepteriez-vous, vous, pour quelque raison que ce soit, des visites inopinées ? (Oui ! sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Cela ne me gênerait pas !
M. le président. Mes chers collègues, du calme, je vous en prie.
M. Robert Pagès. Ce texte ne fait qu'aggraver le climat de suspicion et le caractère policier des enquêtes.
Je vous en prie, mes chers collègues, ne jouez pas les bulldozers ! Acceptez plutôt de revenir sur le caractère policier de ce texte. Le fond n'en sera pas changé, hélas ! mais au moins en aurez-vous quelque peu modifié la forme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
(M. Jean Delaneau remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président
Mme Monique ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga.
Ce mot « inopiné » traduit vraiment un climat de suspicion. Cela me rappelle
le surveillant qui arrive dans une étude ou dans un dortoir sur la pointe des
pieds, en ayant mis des pantoufles, de manière à surprendre l'affeux
pensionnaire qui, pile sous son drap, continue de lire des romans la nuit.
Tout cela fait très Jésuite.
(Exclamations et rires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Je n'ai rien contre les Jésuites, il faut entendre ce terme
dans son sens habituel.
En fait, ce que vous avez en tête, c'est de contrôler non pas le logement mais
les habitants du logement. Vous avez en tête l'image de l'énorme famille
maghrébine, avec des parents, des grands-parents, une demi-douzaine, voire une
dizaine d'enfants, famille entassée donc et qui demande, de surcroît, à
recevoir des cousins. Par conséquent, il faut aller voir cela de près.
M. Christian Bonnet.
C'est pourtant vrai !
M. Michel Caldaguès.
C'est ce qui se passe !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, laisser parler Mme ben Guiga !
Mme Monique ben Guiga.
Cessez de vous référer constamment à ces schémas dépassés, mes chers
collègues. La plupart des étrangers qui reçoivent des amis étrangers sont des
gens comme vous et moi : ils n'ont pas envie d'être embêtés par une foule de
gens chez eux pendant trois semaines.
Quand il m'arrive, dans mon petit appartement parisien, de recevoir des amis
ayant trois enfants, et donc d'avoir des matelas partout dans mon salon, je
l'accepte parce que cela dure huit jours, mais je ne le supporterais pas
éternellement.
Je connais bien les milieux maghrébins et africains. Ils sont comme vous et
moi : ils veulent bien s'embêter un peu par convivialité, par amitié, mais pas
trop longtemps.
En fait, ce que vous voulez, je le répète, c'est contrôler ces familles
étrangères.
Bien sûr, ce n'est pas à moi que l'on va venir faire une visite inopinée !
Pourtant, mon appartement n'est pas bien grand et je reçois beaucoup
d'étrangers. En revanche, on le fera pour des gens de couleur, pour des gens
qui portent un patronyme encore pire que le mien.
(Protestations sur les
travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Vous pratiquez l'amalgame !
M. Jean Chérioux.
C'est toujours pareil !
Mme Monique ben Guiga.
Mais non, c'est vous qui avez cela en tête ! Simplement, parce que je le
dévoile, cela vous rend furieux !
(Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Madame ben Guiga, n'interpellez pas vos collègues. Le débat n'en sera que plus
clair.
Mme Monique ben Guiga.
Ce sont eux qui m'interpellent, monsieur le président ; je ne fais que leur
répondre.
Aujourd'hui, dans la vie pratique, les familles qui accueillent des étrangers
ne sont pas telles que vous les décrivez, messieurs. Ce sont des familles où
tout le monde travaille. Les femmes - peut-être avez-vous oublié cette
nouveauté - ne sont plus à la maison, elles travaillent. Tout le monde part le
matin à sept heures et revient à vingt heures ou vingt et une heures parce que
les temps de transport sont très longs. Il n'y a donc personne à la maison dans
la journée. On laisse les clés à la concierge,... quand il y a une concierge !
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Il faut donc prendre rendez-vous. Il faut respecter la vie privée, ne pas
arriver chez les gens à n'importe quelle heure. Sinon ce sont des
perquisitions.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le mot « inopiné » a une connotation tout à fait exécrable. J'aimerais bien
que M. le ministre nous explique véritablement ce qu'il entend par là, si c'est
possible, car, à la limite, notre discussion est peut-être quelque peu
byzantine.
S'il nous dit qu'il ne sait pas trop ce que signifie ce mot, alors
supprimons-le !
(Protestations sur les travées du RPR.)
Indiquer qu'il y aura des visites, sans qualificatif, est tout de même
plus acceptable.
Arrêtez ce jeu ! Dites carrément que vous voulez faire du « flicage » de
familles...
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Michel Caldaguès.
N'importe quoi !
M. Jacques Mahéas.
... qui ne peuvent pas toujours, c'est vrai, souvent parce qu'elles sont
pauvres, recevoir dans de bonnes conditions de confort des parents ou des amis.
Voilà la réalité ! Ce sont toujours les mêmes qui sont visés !
M. Emmanuel Hamel.
C'est inadmissible ! Respectez la police !
(Exclamation sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Allez dans les commissariats puisque vous y êtes si bien !
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Précisément, monsieur Hamel, on ne peut pas ne pas penser...
M. le président.
Madame, lorsque vous intervenez, c'est au président que vous vous adressez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est au Sénat !
M. le président.
Je vous demande donc de ne pas interpeller vos collègues. Cela ne vous empêche
nullement de dire ce que vous avez à dire.
Veuillez poursuivre, madame Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
J'ai rebondi sur le mot « policier », car, pour moi aussi, la visite «
inopinée » a une connotation policière. On veut surprendre.
M. Christian Bonnet.
Il y a aussi des visites inopinées dans le RER, où des femmes policiers se
font violer !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Qu'est-ce que cela a à voir ?
M. Jean Chérioux.
Cela ne vous gêne pas !
M. Dominique Braye.
Et vous, vous ne faites pas des visites inopinées parfois ?
Mme Joëlle Dusseau.
Toutes ces remarques sont intéressantes, car elles montrent bien que la visite
inopinée, dans l'esprit de mes collègues, est faite pour surprendre
quelqu'un.
Or, le texte est forme. Les visites, y compris inopinées, sont faites, au
moins si l'on s'en tient aux mots, non pas pour surprendre des gens, mais pour
vérifier des situations ; il s'agit non pas de surprendre quelqu'un,
indépendamment de ce que pensent et expriment ici à haute et intelligible voix
certains de nos collègues, mais de constater effectivement des conditions
d'hébergement.
Je reprends l'argumentation de M. Badinter, car elle me paraît très forte : si
l'on veut seulement vérifier les conditions d'hébergement, en quoi le caractère
inopiné de la visite est-il nécessaire ? Si on le juge nécessaire, c'est que,
au-delà des mots, on a autre chose en tête, à savoir, effectivement,
surveiller...
M. Claude Estier.
Très bien !
Mme Joëlle Dusseau.
... ou prendre sur le fait des personnes qui sont hébergées.
M. Hilaire Flandre.
On veut vérifier les conditions d'hébergement, madame !
Mme Joëlle Dusseau.
M. le ministre nous dit que, de toute façon - il a raison - le texte permet à
l'hébergeant de refuser la visite, inopinée ou non. Mais, ce faisant, il omet
de rappeler la fin du texte : « En cas de refus de l'hébergeant, les conditions
d'un hébergement dans des conditions normales sont réputées non remplies. »
Autant une visite annoncée, avec prise de rendez-vous est tout à fait
acceptable - elle est d'ailleurs prévue actuellement, M. le ministre l'a
rappelé justement, par le certificat d'hébergement que nous remplissons quand
nous recevons un ami hors Communauté -...
M. Jacques Mahéas.
Cela, c'est normal !
Mme Joëlle Dusseau.
... autant l'irruption chez vous de quelqu'un qui dit venir vérifier de façon
inopinée est scandaleuse. Elle l'est d'autant plus que si, spontanément parce
que vous estimez que que c'est une intrusion, vous refusez, automatiquement, le
texte le précise, vous ne pourrez plus héberger les personnes chez vous.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Louis Debré
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré
ministre de l'intérieur.
Madame Dusseau, le refus d'une visite ne saurait
entraîner, à lui seul, le refus du visa du certificat d'hébergement.
Mme Nelly Olin.
Voilà !
Mme Joëlle Dusseau.
C'est contradictoire avec le texte que vous proposez, monsieur le ministre
!
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 107 et 165, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 108 ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je souhaite, d'abord, faire une brève observation et, ensuite, poser une
question à M. le ministre.
D'abord, je veux rassurer M. Dreyfus-Schmidt, qui, tout à l'heure, s'est
étonné - pour ne pas dire indigné - que la commission n'ait pas donné son avis
sur des amendements qui, depuis lors, ont été retirés : nous, nous n'en faisons
pas une histoire, car nous avons très bien compris que nos amendements avaient
eu, auprès de la commission, ce qui s'appelle un succès d'estime. Par
conséquent, nous ne faisons pas preuve de susceptibilité.
La question que je souhaite poser à M. le ministre est la suivante. Parmi les
amendements que j'ai retirés, il en est deux qui prévoyaient que le maire
devait sans délai communiquer au préfet, d'une part, l'établissement du visa du
certificat d'hébergement, d'autre part, la notification du départ de l'hébergé.
Peut-il me donner l'assurance que, par la voie réglementaire, qui est
effectivement plus appropriée que la voie législative, des instructions seront
données pour que les maires agissent ainsi ?
M. Claude Estier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Il va de soi que nous voterons contre l'article 1er, car, pour intéressant
qu'ait été le débat, nous n'avons guère été convaincus de changer d'avis.
Dès le début de la discussion sur cet article 1er, sur ces certificats
d'hébergement et sur la notification qui doit être faite lorsque l'hébergé
quitte le domicile, nous n'avons cessé de demander à quoi cela servait.
On nous a répondu, sans nous donner de véritable explication, qu'il s'agissait
de démanteler des réseaux. J'essaie encore de comprendre comment on démantèle
des réseaux à l'aide de cette procédure !
En tout état de cause, nous ne voterons pas cette disposition nouvelle, qui
s'ajoute à la procédure existante des certificats d'hébergement. Celle-ci ne
comportait pas du tout cette notification de départ, qui est scandaleuse, qui
est une atteinte à la vie privée et qui, au surplus est inutile, inefficace et
absurde.
De la même manière, vous ne nous avez pas convaincus, lors du débat qui a eu
lieu à l'instant, de l'utilité des visites inopinées. Mais sur ce sujet je ne
rouvre pas le débat, nous nous sommes suffisamment expliqués.
Il est cependant un point sur lequel je veux interroger à la fois M. le
rapporteur et M. le ministre. Lorsque tout à l'heure la majorité sénatoriale a
voté l'amendement n° 9 de M. Masson, le ministre, avant le vote, a dit qu'il
s'agissait de la notification du départ « définitif » de l'étranger. Or dans le
texte qui a été voté le mot « définitif » ne figure pas.
Je voudrais savoir ce qu'il en est précisément car même si la navette qui va
s'instaurer permettra de savoir exactement à quel texte l'on a abouti, il est
tout de même important de savoir, au terme de cette discussion en première
lecture de l'article 1er au Sénat, où l'on en est sur ce point précis.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Rocard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que je joigne mon vote à ceux
qui vont s'exprimer contre cet article. Auparavant, je vais vous dire mon
inquiétude et vous faire une suggestion.
S'agissant de l'obligation de déclaration qui va entraîner un fichage
quasi-policier ou s'agissant des visites inopinées au sujet desquelles je veux
relever, avec une certaine satisfaction, l'étonnante retenue de notre assemblée
qui a discuté de tout cela avec sérieux et de manière conflictuelle sans
prononcer le mot, mon inquiétude est que l'opinion publique parle de
perquisition.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Vous le savez très bien, mes chers collègues, j'attire simplement
l'attention sur ce point.
Monsieur le ministre, il m'est arrivé lorsque j'étais Premier ministre, en
cours de procédure législative, quand je constatais des divergences entre les
deux assemblées, de multiplier les avis avant d'aborder la seconde lecture.
Que ne consultez-vous le Conseil d'Etat et la Commission nationale
consultative des droits de l'homme sur ces deux points centraux contre
lesquels, pour le moment, et à cause des orientations qui furent prises ici,
nous allons, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, voter !
En effet, monsieur le ministre, il est difficile de discuter de bonne foi en
ne laissant place qu'à la conviction juridique et intellectuelle sans
pesanteurs électorales, ni arrière-pensées. Cette assemblée s'est durcie : nous
nous écoutons peu, nous votons en bloc. De temps en temps, je vous ai vu
sourire, vous interroger sur tel ou tel argument. Réfléchissez tranquillement
chez vous le soir et après avoir pris d'autres avis. Il n'est pas certain que
la sûreté de soi et le fait d'avoir une majorité soient les meilleurs
conseillers en matière législative.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous
dire ma grande déception car, après des heures et des heures de discussion, pas
la moindre concession n'a été faite sur ce texte !
Ce texte est évidemment humiliant
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
pour l'hébergé et l'hébergeant, bien évidemment injuste
pour l'hébergeant, bien évidemment inefficace pour lutter contre l'immigration
clandestine.
Je voudrais bien qu'on m'expliquât quel avantage présente l'article 1er.
M. Hilaire Flandre.
Il a le mérite de ne pas vous plaire !
(Sourires.)
M. Jacques Mahéas.
L'obligation pour l'hébergeant de déclarer à la mairie le départ de l'étranger
qu'il hébergeait constitue une atteinte aux libertés publiques. Le Conseil
d'Etat, dans sa décision du 31 octobre 1996, ne s'y est pas trompé. Il a
condamné cette disposition comme portant atteinte à la vie privée de
l'hébergeant et aux libertés individuelles. Pour vous, tout hébergeant serait
un suspect et tout hébergé serait un coupable potentiel.
S'agissant des pouvoirs confiés au maire, nous l'avons dit et répété dans
cette assemblée, certains collègues ont eu des mots et des attitudes très
regrettables.
M. le président.
Je vous prie, monsieur Mahéas, de ne pas porter de jugement sur l'attitude de
vos collègues.
M. Jean Chérioux.
Nous, nous ne portons pas de jugement sur la vôtre.
M. Jacques Mahéas.
J'ai, au contraire, l'impression, monsieur le président, d'être très modéré
lorsque je dis que certains collègues ont employé des mots très regrettables.
(Mouvements divers sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas notre impression !
M. Jacques Mahéas.
A la lecture de certains amendements, j'ai le droit, monsieur le président,
d'exprimer mon sentiment.
M. Alain Vasselle.
Ne portez pas de jugement sur vos collègues !
M. Jacques Mahéas.
La rédaction de l'article 1er comporte un certain nombre d'idées qui donneront
aux étrangers une image peu flatteuse de notre nation, au regard de la
tradition d'accueil de la France, pays des droits de l'homme.
Ecoutez ces quelques extraits : « Le transfert sur les maires d'une mission de
police relevant de l'Etat se traduirait nécessairement par des applications
diversifiées d'une politique dont la responsabilité incombait pourtant à
l'Etat. « Seul l'Etat pouvait prendre la responsabilité de tenir un fichier.
»
Qui parle ainsi ? M. Delevoye en commission des lois, non pas en son nom
personnel, mais en sa qualité de représentant de l'Association des maires de
France,...
M. Christian Bonnet.
Du bureau !
M. Jacques Mahéas.
... du bureau de l'Association des maires de France, lequel représente
l'instance politique de l'association où siègent plusieurs membres de notre
assemblée, de différentes sensibilités.
Les risques de disparité sont évidents, suivant les situations, s'agissant de
la délivrance ou de la non-délivrance des certificats d'hébergement.
La porte est ouverte à la création de fichiers, manifestement en totale
infraction avec la loi du 6 janvier 1978, qui interdit toute atteinte à la vie
privée.
M. le président.
Veillez conclure, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas.
Ce sont les milieux les plus défavorisés qui connaissent les plus grandes
difficultés. Les étrangers seront plutôt contrôlés à Neuilly-sur-Marne qu'à
Neuilly-sur-Seine !
M. le président.
Monsieur le sénateur, votre temps de parole est épuisé !
M. Jacques Mahéas.
Je vous remercie, monsieur le président. Il me suffit de trois secondes pour
conclure.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et dire qu'évidemment nous ne voterons pas cet article 1er.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Je serai très brève.
Ce qui m'a beaucoup frappée dans ce long débat qui a tourné autour de la
notification du départ et de la visite inopinée, c'est l'incapacité du
Gouvernement et de la commission à fournir des justifications quant à
l'efficacité du dispositif qu'ils mettent en place.
Toute une série d'arguments ont été développés pour fonder un dispositif
destiné à démanteler les filières clandestines. Il n'en sera rien. En revanche,
ces dispositions rendront la vie beaucoup plus difficile et désagréable à une
foule de personnes, qu'elles soient françaises ou étrangères, installées
régulièrement en France.
De plus, s'agissant des visites inopinées, M. le ministre, citant le texte
disposant qu'en cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un hébergement
dans des conditions normales sont réputées non remplies, m'a répondu qu'il ne
s'agissait là que de l'un des éléments pris en considération. Or cela me paraît
en totale contradiction avec le texte de loi lui-même. J'entends donc que vous
m'éclairiez sur ce point.
Cela dit, bien entendu, je voterai contre l'article 1er.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
De toute cette discussion et sans en reprendre les arguments, je ne veux
retenir que l'impression de la philosophie de la vie qui se dégage des
interventions de nos collègues de la majorité. Au fond, leur raisonnement - et
on doit leur faire grâce de penser qu'ils sont de bonne foi - c'est de dire que
les gens qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à cacher.
Mme Nelly Olin.
C'est tout à fait ça !
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Dès lors, comme on l'a déjà vu dans un autre débat, tous les contrôles, toutes
les déclarations, toutes les vérifications doivent être naturellement acceptés.
Je ne partage pas cette philosophie de la vie parce que je sais à quoi elle
aboutit.
Je ne saurais que mieux vous en montrer l'absurdité si, pour un instant, je
faisais comme si vous m'aviez convaincu et que, d'un coup, je devenais un zélé
de cette pensée. J'ai des amis latino-américains et maghrébins ; je m'entends
très bien avec eux, ce sont des gens discrets et délicats. Par ailleurs, j'ai
un voisin qui, lui, est corse. Il occupe un petit logement où il reçoit une
ribambelle de sa parentèle et il me fait sentir en danger car, dans son
département, vous l'avez remarqué, on pose des bombes. Je me demande, puisqu'il
n'y a rien d'inavouable dans son activité, quoiqu'il fasse beaucoup de bruit,
quel inconvénient il y aurait à ce qu'il déclare les personnes qui viennent
chez lui ou qui partent de chez lui puisqu'il n'aurait rien à se reprocher.
Pourquoi ne pourrait-on pas faire aussi chez lui les visites inopinées que
l'on se propose de faire chez moi, au motif que ceux qui viennent chez moi sont
des étrangers, tandis que, eux, ce sont mes compatriotes ?
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes un plaisantin !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui, mais j'essaie de vous montrer dans quel monde vous voulez nous faire
vivre !
C'est surtout en raison de cette dimension philosophique d'enfermement dans
laquelle vous êtes que je voterai de grand coeur contre votre article 1er.
M. Guy Cabanel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
J'irai droit au but, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues : je voterai l'article 1er, car c'est un élément important du
dispositif de la loi.
Cependant, avant de le voter, je ferai deux remarques. Pour qu'il n'y ait pas
de malentendu, je veux être certain que la déclaration de départ de l'hébergé
concerne bien le départ définitif du domicile de l'hébergeant, comme je pense
que le texte l'établit clairement.
Mme Joëlle Dusseau.
Le texte n'établit rien du tout !
M. Guy Cabanel.
En effet, s'il s'agissait de déclarer chaque déplacement, nous entrerions dans
un cycle infiniment plus contraignant. Telle est ma première remarque, et je
vous remercie, monsieur le ministre, de votre précision.
Ma deuxième remarque porte sur les visites inopinées. La formule du paragraphe
III de l'article 1er que nous allons voter est superfétatoire. Si, réellement,
le formulaire de certificat d'hébergement spécifie que celui qui dépose la
demande accepte par avance les visites de l'OMI, je crois très franchement que,
lors de la deuxième lecture ou en commission mixte paritaire, cette formule
superfétatoire devra disparaître.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais alors, pourquoi ne pas avoir voté notre amendement ?
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Le mot « inopiné » peut avoir un sens romantique et charmant que vous avez
oublié.
M. Guy Allouche.
Eclairez-nous !
M. Emmanuel Hamel.
A la page 265 du tome X du
Trésor de la langue française,
il y a cette
merveilleuse citation de Genlis : « Il s'était fait une idée charmante du
bonheur de surpendre agréablement Armoflède par un retour inopiné. »
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
C'est une vision exquise que celle que vient de nous offrir M. Hamel ! Mais je
ne crois pas que ce soit celle qui sera ressentie par ceux chez qui on viendra
frapper, dans les quartiers qui ne seront pas nécessairement les plus
favorisés.
(Marques d'approbation sur les travées socialistes.)
Je tiens maintenant à rappeler à la Haute Assemblée que, de tous les
articles de ce projet de loi, l'article 1er est, sinon le plus important, en
tout cas le plus symbolique.
Le poids des dispositions que vous allez voter - mais vous aviez déjà décidé
de voter ainsi avant que nous commencions le débat - repose essentiellement sur
ceux qui sont établis sur notre sol et qui veulent, chez eux, recevoir leurs
parents, leurs amis, leurs proches, des professeurs, des relations, bref,
toutes les personnes qui constituent la trame d'une vie humaine.
Je n'ai pas besoin de rappeler qu'il appartiendra à ceux qui reçoivent de
dénoncer - ou de « signifier », monsieur Masson - à l'autorité municipale le
départ « définitif » - comme l'a proposé M. le ministre - de celui qu'ils
auront reçu.
Demander, un certificat d'hébergement peut s'expliquer pour des raisons que
l'on connaît.
Mais demander ensuite que l'on fasse savoir que celui qui est venu chez vous
est parti et qu'il ne reviendra pas, nos concitoyens et les étrangers établis
dans notre pays apprécieront cette mesure-là.
Je laisserai de côté les questions constitutionnelles ; c'est ailleurs
qu'elles seront évoquées. En effet, la liberté de recevoir chez soi, à son
domicile privé, des personnes privées, dès l'instant où il n'y a aucun soupçon
d'infraction, est une liberté d'ordre constitutionnel.
Je vous dirai simplement que l'hospitalité est une vertu et que encourager
l'hospitalité est le propre des grands peuples généreux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'article 1er est adopté.)
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 1995 déposé
en application de l'article 6 de la loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995
relative à la justice.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
la séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures trente.)
M. le président,
La séance est reprise.
10
DIVERSES DISPOSITIONS RELATIVES
À L'IMMIGRATION
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, portant diverses dispositions relatives à l'immigration.
Nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n° 109 visant à insérer un
article additionnel après l'article 1er.
Article additionnel après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 109, MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter, Mme ben
Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu,
MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard, les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art...
- Le certificat d'hébergement n'est pas exigible si l'urgence
d'un événement familial le commande. »
La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga.
Cet amendement tend à permettre à un étranger en situation d'urgence familiale
d'obtenir un visa de court séjour en France sans présenter de certificat
d'hébergement.
Il s'agit de permettre à un étranger de faire face à des situations familiales
difficiles, par exemple à la suite d'un décès brutal.
Au lieu de me lancer dans une longue explication, je vais vous rapporter le
cas auquel j'ai été confrontée dernièrement.
Il s'agit de Mme H., togolaise, âgée d'une cinquantaine d'années, dont le mari
est français - il est professeur à l'université de Cotonou, elle-même a fait
ses études supérieures en France. Ils ont trois enfants.
Il s'est avéré que M. H. avait un cancer. Il est retourné à plusieurs reprises
en France pour se faire soigner et, lors d'un de ses passages en France, il est
mort. Sa femme était rentrée quelques semaines auparavant à Cotonou pour
s'occuper des enfants. Au moment où elle a voulu repartir pour l'enterrement de
son mari, le consulat a refusé de lui établir un visa de court séjour parce
qu'elle n'avait pas toutes les pièces nécessaires, qu'il lui manquait en
particulier un certificat d'hébergement.
Ses trois enfants seuls ont pu assister à l'enterrement de leur père ;
elle-même ne put arriver en France que quinze jours plus tard pour régler la
situation.
Voilà le type de cas auquel il faut absolument porter remède.
Il faut bien comprendre que, dans la société française d'aujourd'hui, les
familles dont les membres sont de plusieurs nationalités, certains étant soumis
à l'obtention de visa, sont très fréquentes. Ces familles sont souvent
éparpillées de par le monde, résultat de l'expatriation. Le respect du droit à
la vie familiale suppose que, dans de tels cas, des procédures allégées évitent
que les frontières ne constituent une entrave à l'exercice de la solidarité
familiale voire, dans ce cas précis, à l'accomplissement de gestes qui relèvent
des fondements même de la civilisation.
Permettez-moi de citer un autre exemple, certes moins dramatique.
A l'occasion d'une naissance future, tout avait été prévu pour que la
grand-mère, qui est vénézuélienne, vienne passer un mois pour s'occuper des
deux aînés. L'accouchement étant intervenu de façon prématurée il fut
impossible d'obtenir le visa, le certificat d'hébergement ayant été prévu pour
un mois plus tard.
Mettez-vous bien dans l'esprit que, dans la société française d'aujourd'hui,
on ne vit plus entre Franco-Français, bien tranquillement installé à l'ombre de
son clocher. Certains ont une grand-mère égyptienne, un oncle mauritanien ; eh
bien, il faut faire avec, si je puis dire ! Compte tenu des difficultés liées à
l'obtention des certificats d'hébergement les visas constituent une véritable
entrave à la vie familiale et créent parfois des situations particulièrement
douloureuses lorsqu'une famille doit se rassembler.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et de l'administration générale.
La
commission est attentive à ce problème,...
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Ah ! Très bien !
Mme Monique ben Guiga.
C'est un bon début.
M. Paul Masson,
rapporteur.
... dont on aurait d'ailleurs pu débattre lors de l'examen de
l'article 1er, puisqu'il concerne également le certificat d'hébergement. On
peut dès lors s'interroger sur la raison de cet article additionnel, mais là
n'est pas le débat. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir des difficultés pour
obtenir un visa dans ces situations particulières, mais je souhaiterais
recevoir des éclaircissements du Gouvernement avant de donner l'avis de la
commission.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je dirai d'emblée à Mme ben Guiga que je suis
défavorable à son amendement.
Je comprends parfaitement ce que vous avez dit, madame le sénateur. Mais c'est
la pratique qui doit prendre en compte les situations difficiles sur le plan
humain. Il est évident que, dans des cas tels que ceux qui vous avez cités, les
consulats doivent délivrer les visas en urgence. En revanche, il ne me semble
pas souhaitable de codifier ces souplesses de procédure, car il faut éviter les
fraudes.
Pour prendre en compte ce que vous avez dit, madame le sénateur, je vais très
prochainement demander à M. le ministre des affaires étrangères qu'il
sensibilise l'ensemble des consultats aux situations particulières qui peuvent
se présenter pour que tout soit fait pour les régler au mieux.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
J'ai noté avec un grand intérêt, monsieur le ministre, que
vous comptez demander au ministre des affaires étrangères que des instructions
claires soient données pour que personne n'hésite à délivrer un visa en dehors
des procédures habituelles s'il y a une urgence familiale : décès, maladie,
accident ou maladie grave. Il me paraît difficile pour un consulat, en présence
de faits précis et, bien entendu, avec preuves à l'appui, de refuser un visa
dans un tel cas.
Compte tenu de la position très claire de M. le ministre, je me permets de
suggérer aux auteurs de l'amendement de le retirer, car je préférerais ne pas
avoir à émettre un avis défavorable, au nom de la commission.
Il s'agit d'un sujet éminemment sensible et je ne voudrais pas qu'il soit le
prétexte à un procès d'intention envers quiconque. Mais faut-il codifier dans
une loi et soumettre au regard de tous ceux qui pourront le travestir ou mal
l'interpréter un dispositif que nous devons pratiquer quotidiennement par souci
d'humanité ?
M. le président.
Madame ben Guiga, l'amendement n° 109 est-il maintenu ?
Mme Monique ben Guiga.
Je comprends bien le point de vue de M. le rapporteur, mais on nous dit que
des instructions vont être données. Certes on les donnera à l'ambassadeur, au
consul, mais tout se passe au niveau du guichet. Chaque fois que nous,
sénateurs des Français de l'étranger, intervenons pour des cas de ce genre,
nous avons affaire à un agent de guichet qui est terrorisé à l'idée de perdre
son emploi trois mois plus tard, parce qu'il est détenteur d'un contrat à durée
déterminée, et qui fait un excès de zèle, surtout s'il a des arabes ou des
noirs en face de lui.
Il faut bien comprendre que la dame dont j'ai parlé est Africaine ! Cela entre
en ligne de compte dans un consulat d'Afrique. Elle a beau avoir fait des
études supérieures, c'est une Africaine.
Lorsque l'ambassadeur, qui est une femme remarquable, a appris ces faits, elle
a été effarée. Mais elle ne pouvait plus rien faire. Il faut savoir que toutes
les modalités qui président à la délivrance de visas sont fondées sur un
préalable de suspicion systématique. Allez dans les ambassades ! Rencontrez les
étrangers qui sont soumis à ces formalités, mais aussi les Français qui sont
concernés par ces problèmes ! Nous qui vivons dans ces pays, nous sommes mêlés
à ces situations. Nous en souffrons tout comme les étrangers qui en pâtissent
au premier chef.
Il n'est pas possible de se satisfaire d'instructions données par le ministère
des affaires étrangères ; pour ma part, je préfère que cette disposition fasse
l'objet de la navette.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je ne parlerai pas du cas particulier que vous
seule connaissez, madame ben Guiga, mais je ne puis laisser dire que les
consuls ou même les fonctionnaires qui travaillent derrière les guichets sont
insensibles aux problèmes humains.
Mme Monique ben Guiga.
Si !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
J'ajoute que, si les fonctionnaires du ministère
des affaires étrangères reçoivent des instructions très précises, je suis
persuadé qu'ils y obéiront.
Je n'ai pas connaissance, en dehors du cas que vous me signalez, de situations
de détresse face auxquelles l'administration française et l'ensemble des
fonctionnaires du ministère des affaires étrangères n'auraient pas tout
entrepris pour trouver une solution.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est dans des termes très mesurés que je veux défendre notre position sur ce
point précis, car, à mes yeux du moins, il ne fait aucun doute que personne
dans cette assemblée n'est insensible aux problèmes dont il est question en cet
instant. D'ailleurs, il est clair que cet amendement a, d'une certain façon, le
caractère d'un amendement de repli, repli par rapport à notre position globale
sur ce texte.
On peut considérer que les conditions matérielles de délivrance des visas
telles que les décrit Mme ben Guiga correspondent à ce que nous connaissons
tous en général ; encore que les consignes soient maintenant si rigoureuses que
ces autorisations sont sans doute aujourd'hui plus que jamais difficiles à
obtenir. Mais, en vérité, cela participe d'un défaut propre à l'humanité dans
son ensemble : la routine administrative. Celle-ci, quel que soit le zèle des
agents, peut faire qu'ici ou là une exception survienne. Or, dans le cas qui
nous occupe, n'importe quelle exception est insupportable, et je suis sûr que
vous partagez avec nous ce sentiment.
La proposition qui est faite me semble de nature à vous permettre d'encadrer
le processus, si tel est bien votre souhait.
C'est au moment où l'étranger se présentera au guichet pour demander un visa
et où il lui sera demandé de produire un certificat d'hébergement qu'il sera
amené à dire qu'il n'a pas un tel certificat mais qu'il se trouve confronté à
une situation particulière, par exemple qu'un décès vient de survenir qui
l'oblige à ce rendre en France. L'agent du consulat ou de l'ambassade se
trouvera alors en quelque sorte contraint d'examiner si, oui ou non, le cas de
l'intéressé relève d'une procédure exceptionnelle. Pour ce faire, il ne
disposera évidemment que des moyens qui sont ceux d'un consulat ou d'une
ambassade.
Ainsi, on renverserait, d'une certaine manière, la charge de la preuve en
mettant l'agent dans la situation d'avoir à prendre en compte le caractère
exceptionnel.
Au demeurant, on peut imaginer que, dès lors que le visa est délivré,
notification est faite à la commune dans laquelle la personne va se rendre pour
pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie de famille et que, dès lors, la
mairie - tout cela est affaire de règlement - peut demander à la personne qui
héberge de fournir à son tour la déclaration de départ de la personne
hébergée.
Vous le voyez, sur ce point particulier, douloureusement humain, notre
proposition peut s'inscrire dans la procédure que vous voulez mettre en place,
et je demande que, en cet instant, on observe une pause dans la polémique, eu
égard au caractère dramatique des situations en cause.
Je résume : dès lors que l'étranger se présenterait au consulat, qu'il
prétendrait être en possession d'un visa sans produire de certificat
d'hébergement, il serait établi que cela correspond aux circonstances qui sont
décrites dans cet amendement. L'agent pourrait alors se donner les moyens de
procéder aux vérifications nécessaires, y compris en s'adressant à la mairie
concernée. Un maire peut en effet très rapidement vérifier la réalité d'un
décès, d'une naissance, etc. ; cela peut se faire au moins aussi vite que les
autres vérifications auxquelles vous lui demandez de procéder.
Dans cette situation, le visa pourrait être délivré et la mairie ayant été
saisie du problème exigerait de l'hébergeant qu'il fasse la déclaration de
départ. Sur ce point, notre souhait est de nous accomoder de votre dispositif,
- que, pour le reste, nous désapprouvons - compte tenu de l'ardente obligation
humaine que cet amendement met en relief et sur laquelle nous sommes, de coeur
et d'esprit, certainement réunis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si nous nous permettons d'insister, c'est parce qu'il y a visa et visa.
Lorsque nous demandons que le visa du certificat d'hébergement ne soit pas
exigible, c'est parce qu'il y a, en tout état de cause, la protection du visa
accordé pour que l'étranger puisse pénétrer en France. Nous en sommes bien
d'accord, mais cela doit quand même être dit !
En présence d'une urgence particulièrement grande - maladie grave, accident,
décès - il est normal d'essayer de raccourcir le délai des formalités et donc
d'écrire dans la loi que, dans ces cas-là, il y a dispense du visa du
certificat d'hébergement, ce qui ne dispense évidemment pas du visa qui
pourrait être ou ne pas être accordé par le consulat. Voilà ce que nous
demandons.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit que notre idée était intéressante
et que la commission avait décidé d'entendre le ministre avant de se prononcer.
M. le ministre a livré spontanément son sentiment en déclarant que des
instructions seraient données au ministère. Mais quitte à le faire, autant que
ce soit écrit dans la loi !
Vous dites qu'il y aura des navettes. Mais c'est justement pour cela que nous
vous demandons d'inscrire cette mesure dans la loi. Elle n'y restera peut-être
pas ; peut-être trouverons-nous un autre accord. Mais, au moins, nous ne
risquerons pas, les uns ou les autres, d'oublier ce cas-là lors des lectures à
venir.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet
amendement.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Ce matin, monsieur le rapporteur, en commission, lorsque nous avons fait état
de cet amendement, vous nous avez indiqué - et je souhaite ne pas trahir vos
propos - que, sauf à ce qu'une disposition figure déjà dans un autre texte, la
commission émettrait un avis favorable, car elle avait été sensible à notre
argumentation. C'est ce qui a été prévu.
Or il semble qu'aucune disposition de ce type ne figure déjà dans un texte.
C'est la raison pour laquelle le président Larché a annoncé que la commission
émettrait un avis favorable.
Je souhaitais faire d'abord ce rappel.
Monsieur le ministre, nous avons enregistré votre engagement de prendre
l'attache de votre collègue ministre des affaires étrangères et de faire en
sorte que des instructions soient données. Cependant, nous savons tous que les
ambassadeurs, les consuls bougent beaucoup, passent d'un poste à un autre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Mais les instructions demeurent !
M. Guy Allouche.
Certes, mais il s'agit ici de circonstances d'une particulière gravité,
exigeant que des décisions soient prises dans un laps de temps très court.
Lorsqu'il y a un décès, chacun le sait, les obsèques se déroulent généralement
trois jours plus tard. Il faut donc aller vite.
Il serait dommageable pour une personne sollicitant une telle dispense de
certificat d'hébergement de se voir soumise aux tracas administratifs d'un
consulat ou d'une ambassade. J'ai, comme vous tous, entendu M. le Président de
la République souligner la nécessité de réduire le plus possible les formalités
administratives. Cette recommandation me paraît s'appliquer parfaitement aux
cas que Mme ben Guiga a cités.
Monsieur le ministre, nul d'entre nous ne met en cause votre humanité et votre
intérêt pour l'autre. C'est pourquoi nous insistons, d'autant que cette
autorisation ne sera délivrée que pour un très court séjour : quelques jours.
Mieux vaudrait que cela figure dans un texte de loi afin que les
administrations des consulats et des ambassades puissent prendre une décision
très rapidement, sans avoir à en référer à une autorité hiérarchique.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je voudrais simplement attirer l'attention de nos collègues socialistes sur un
point très simple. De toute façon, tous les délais qui sont nécessaires pour
obtenir un visa ne pourront être respectés. C'est la raison pour laquelle je
préfère de beaucoup que la loi reste muette sur ce point. Cela laisse à
l'ambassadeur ou au consul la possibilité de régler le problème directement,
avec l'intervention éventuelle des parlementaires.
Dès lors, ce serait une erreur de faire figurer dans la loi ce genre de
disposition.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et voilà pourquoi votre fille est muette !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Monique ben Guiga.
N'ayez jamais de parents étrangers !
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Elle a raison !
M. le président.
Vous n'avez plus la parole, madame ben Guiga !
Mme Monique ben Guiga.
Je la prends quand même !
(Protestations sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Demande de réserve
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande la réserve de l'article 2,
qui est un article de forme et de procédure, jusqu'après l'examen de l'article
10. En effet, c'est précisément si l'article 10 est voté qu'il faudra
introduire une référence supplémentaire, par le biais de l'article 2, dans le
code de procédure pénale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait d'accord !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Dans le chapitre premier de la même ordonnance, sont insérés,
après l'article 8, les articles 8-1 à 8-3 ainsi rédigés :
«
Art. 8-1
. - Les services de police et les unités de gendarmerie sont
habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de
nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange
un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont
mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution, lors de la
sortie du territoire, du document retenu.
«
Art. 8-2
. - Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la
France avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990
et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà, les officiers de police
judiciaire, assistés des agents de police judiciaire et des agents de police
judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du code de procédure
pénale, peuvent procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur
instructions du procureur de la République, à la visite sommaire des véhicules
circulant sur la voie publique, à l'exclusion des voitures particulières, en
vue de rechercher et constater les infractions relatives à l'entrée et au
séjour des étrangers en France.
« Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule
peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder quatre heures.
« La visite se déroule en présence du conducteur et donne lieu à
l'établissement d'un procès-verbal mentionnant les dates et heures du début et
de la fin des opérations ; un exemplaire de ce procès-verbal est remis au
conducteur et un autre transmis sans délai au procureur de la République.
« Les dispositions du présent article sont applicables, dans le département de
la Guyane, dans une zone comprise entre les frontières terrestres et une ligne
tracée à vingt kilomètres en deçà.
«
Art. 8-3
. - Les empreintes digitales des ressortissants étrangers non
ressortissants d'un État membre de l'Union européenne qui demandent à séjourner
en France peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement
automatisé. Il en est de même de ceux qui sont en situation irrégulière en
France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire
français.
« Les empreintes digitales des ressortissants étrangers détenues par les
autorités publiques peuvent être consultées par les services du ministère de
l'intérieur en vue de leur identification pour mener à bien l'éloignement du
territoire français des étrangers en situation irrégulière. »
Sur l'article, la parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet article contient diverses dispositions - « diverses » est ici vraiment le
mot qui convient ! - relatives à la rétention du passeport, à la visite
sommaire des véhicules qui ne sont pas des voitures particulières, à la Guyane
et aux empreintes digitales. Voilà bien un curieux inventaire !
Ces dispositions seraient insérées après l'article 8 de l'ordonnance de 1945,
qui constituera bientôt un volume à elle toute seule, et feraient l'objet des
articles 8-1, 8-2 et 8-3.
Comme l'article 8 était assez court, on a probablement pensé que c'était là
qu'il fallait placer ces diverses dispositions !
Certaines de ces dispositions nous choquent beaucoup, d'autres moins, et il en
est encore d'autres que nous ne comprenons pas.
En ce qui concerne la rétention du passeport ou du document de voyage, la
mesure prévue nous paraît tout de même étrange.
En premier lieu, il est, nous semble-t-il, délicat de retenir le passeport ou
les documents de voyage qui appartiennent, comme il l'a été dit, à l'Etat du
ressortissant concerné.
En second lieu, si l'on veut qu'il puisse s'en aller le plus tôt possible, il
vaut mieux lui laisser son passeport, plutôt que de le lui retirer, afin qu'il
ne se perde pas.
On nous dira que, précisément, de nombreux irréguliers détruisent leurs
papiers et que, par conséquent, ce que l'on souhaite, c'est avoir la preuve de
leur identité tant qu'ils l'ont encore. Cela concernera donc en tout état de
cause, peu de gens, puisque l'on nous dit et l'on nous répète que ceux qui ont
leurs papiers sont, en particulier près de Perpignan, paraît-il, extrêmement
rares. Cette disposition, si elle est adoptée, n'aura donc pas grand effet.
Nous nous demandons s'il ne vaudrait pas mieux que l'administration conserve
une photocopie du document et laisse l'original à l'intéressé, étant entendu
que, si l'original disparaissait, on aurait toujours la photocopie, ce qui
permettrait d'établir l'identité de l'intéressé. C'est bien ce que vous voulez
: connaître l'identité de l'intéressé lorsque c'est possible.
J'en viens à la visite sommaire des véhicules.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1993 créant l'espace de Schengen, les
douaniers, libérés de leurs anciennes tâches par l'ouverture des frontières,
sont d'autant plus disponibles pour contrôler les cargaisons des camions.
Ils exercent ce droit, et repèrent très souvent des étrangers en situation
irrégulière dans des véhicules qui ne sont pas des voitures particulières.
Dans ces conditions, pourquoi faudrait-il soudain adopter d'autres
dispositions ? C'est l'honneur de l'ancien président du Sénat, M. Poher,
d'avoir saisi en 1971 le Conseil constitutionnel, qui n'était pas alors ce
qu'il est aujourd'hui, lequel avait estimé purement et simplement, à l'époque,
que l'on ne peut pas fouiller un véhicule. Cette jurisprudence a été confirmée
en 1995.
On objecte alors qu'il n'y a pas que les voitures particulières.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il vous reste trente secondes pour conclure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mon Dieu, comme le temps passe vite, n'est-il pas vrai ?
(Sourires.)
J'en termine, monsieur le président.
Mais un
mobile home
, par exemple, est-il une voiture particulière ? La
cabine d'un camion ne constitue-t-elle pas autant, et peut-être même davantage,
un domicile qu'une voiture particulière ? En effet, le camionneur couche dans
son camion, alors que le conducteur d'une voiture particulière ne dort pas dans
son véhicule.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Eh bien, nous reprendrons ce débat tout à l'heure, car il reste encore
beaucoup à dire, notamment en ce qui concerne la Guyane, pour laquelle
l'argument de l'espace de Schengen ne vaut pas.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'ai déposé un amendement à l'article 3 concernant précisément la visite
sommaire des véhicules. Ai-je besoin de dire qu'il ne va pas dans le sens des
thèses défendues, voilà un instant, par M. Dreyfus-Schmidt ?
Lors de la discussion générale, j'avais indiqué que je souhaiterais évoquer,
avant même de défendre mon amendement, une question de principe qui me paraît
importante à propos de cet article 3.
Je dois avouer que j'ai hésité à le faire, car il faut une certaine audace
pour aborder un point de droit dans cette assemblée quand on n'est pas membre
de la commission des lois. Saisi d'une crainte révérencielle qui réfrène bien
des ardeurs, je reconnais que j'ai été sujet à cet état d'âme.
Je me bornerai, parce que je ne veux donner de leçon à personne, cela va sans
dire !...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ne vous bornez pas, limitez-vous seulement !
M. Michel Caldaguès.
... à exposer le point de vue du paysan du Danube dans cette affaire de
droit.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Un étranger ? Quelle horreur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il a un visa !
Mme Joëlle Dusseau.
Avait-il un certificat d'hébergement ?
M. Michel Caldaguès.
Le paysan du Danube est évidemment sujet à la xénophobie, cela va de soi !
Mes chers collègues, lorsque je défendrai l'amendement auquel je faisais
allusion, je ne doute pas que la commission des lois objectera immédiatement
que ma proposition contrevient à la jurisprudence constitutionnelle que vient
d'évoquer M. Dreyfus-Schmidt.
Fort bien ! J'éprouve un parfait respect pour la jurisprudence, de la même
façon que l'on se doit de respecter la loi ; mais, de même que la loi peut
changer, car elle n'est pas éternelle, la jurisprudence est également
susceptible d'évoluer, et l'on peut toujours l'espérer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'espoir fait vivre !
M. Michel Caldaguès.
Alors, en tant que législateurs, nous sommes placés dans la situation suivante
eu égard à la hiérarchie des niveaux d'expression de la souveraineté : lorsque
nous votons la loi, nous faisons en sorte qu'elle soit compatible avec la
Constitution, et nous faisons le choix souverain - vous comprendrez dans un
instant pourquoi - de considérer que la loi que nous votons n'a pas une
importance telle...
M. Bernard Piras.
C'est laborieux !
M. Michel Caldaguès.
... qu'elle puisse aboutir à remettre en cause la Constitution.
Dans certains cas, en revanche, la volonté du législateur est d'une telle
force qu'elle peut le conduire à estimer qu'il y a lieu de modifier la
Constitution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ah !
M. Michel Caldaguès.
C'est également un choix souverain, que nous avons déjà effectué.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il faut réunir le Congrès !
M. Michel Caldaguès.
Dois-je à cet égard évoquer le souvenir du traité de Maastricht ?
Mais, dans les deux hypothèses, il s'agit d'un choix de souveraineté, soit
tacite, soit exprès.
Le problème est que, eu égard à l'élargissement de la notion de contrôle de la
constitutionnalité, à la notion de bloc de constitutionnalité et aux références
directes, indirectes, primaires, secondaires ou tertiaires au préambule de la
Constitution de 1946...
M. le président.
Il vous reste trente secondes pour conclure, monsieur Caldaguès !
(Sourires.)
M. Michel Caldaguès.
... et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, nous
n'avons plus le choix, car il est évident que l'on ne peut modifier ni le
préambule de la Constitution de 1946, ni la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789.
Par conséquent, nous nous trouvons en quelque sorte en présence d'un blocage
de souveraineté, que je n'accepte pas, car je considère que nous avons le droit
de déterminer, par nos votes, ce qui nous semble bon pour l'intérêt général.
Voilà pourquoi je n'accepterai pas, lorsque je défendrai mon amendement,
l'autocensure fondée sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
L'article 3 comporte des dispositions symptomatiques de la précarisation des
droits des étrangers dans notre pays. Il est, de ce fait, marqué par la
démarche autoritaire et sécuritaire du Gouvernement.
Dès l'origine, avant le débat à l'Assemblée nationale, le texte comportait
deux dispositions particulièrement inquiétantes.
En premier lieu, le projet de loi prévoit d'insérer un nouvel article 8-1 dans
le texte de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui organise la confiscation du
passeport ou du document de voyage de l'étranger en situation irrégulière. Un
simple récépissé sera alors remis par l'administration.
Il s'agit là d'une mesure de précarisation absolue de la situation de ces
personnes. En effet, chacun sait que le récépissé n'aura aucune valeur
juridique, ou presque, aux yeux des administrations qui seront en contact avec
l'étranger.
Il a été souvent dit, et cela a été reconnu par un éventail très large de
personnalités et d'hommes politiques d'horizons différents, que les lois «
Pasqua » avaient contribué à fabriquer des clandestins. Vous vous étiez
d'ailleurs engagé, monsieur le ministre, à corriger les effets pervers de cette
législation.
Pourtant, ce nouvel article 8-1 de l'ordonnance de 1945 perpétuera, s'il est
inséré, les situations de clandestinité, en privant les étrangers de cet outil
essentiel, en vue de la régularisation éventuelle de leur situation, que
représentent leurs papiers.
En second lieu, l'article 3 prévoit depuis l'origine d'ouvrir la possibilité,
pour la police, de procéder à la fouille de véhicules, pudiquement dénommée «
visite sommaire », dans une bande de vingt kilomètres à l'intérieur du
territoire français. Tous les véhicules autres que les voitures particulières
seront concernés, et il a été expliqué pourquoi.
Cette disposition ouvre la voie à l'arbitraire, et, de fait, après
l'instauration des contrôles au faciès par la loi de 1993, c'est, je le crains
fort, l'instauration de la fouille des véhicules au faciès du conducteur ou du
passager qui est aujourd'hui proposée. Le fait que l'Assemblée nationale ait
supprimé la disposition autorisant la fouille pour une autre raison que
l'entrée irrégulière en France est d'ailleurs particulièrement hypocrite, car,
dans les faits, la police aura tous les droits.
Enfin, l'Assemblée nationale a introduit une disposition dont le caractère
policier et l'idéologie particulièrement xénophobe sont frappants.
En effet, comme si l'arsenal législatif et réglementaire n'était pas
suffisant, la majorité de l'Assemblée nationale a autorisé la mise en mémoire
et l'automatisation du traitement des empreintes digitales des ressortissants
des pays étrangers et des Etats membres de l'Union européenne. Ce fichier, qui
constitue l'aboutissement extrême de la logique de Schengen, sera bien entendu
à la disposition du ministre de l'intérieur.
Je ne vous mets pas personnellement en cause, monsieur le ministre, mais une
telle mesure ne peut, et je pèse mes mots, que nous renvoyer aux heures sombres
de notre histoire. Il existe en tout cas un risque.
Pour conclure, je tiens à dire que je regrette que la majorité sénatoriale, du
moins celle de la commission des lois, si soucieuse qu'elle soit d'apparaître
modérée dans ce débat, ne soit revenue que très superficiellement sur cette
disposition introduite par la majorité des députés.
M. Ivan Renar.
Très bien !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Avant que nous ne passions à l'examen des
amendements portant sur l'article 3, je souhaiterais, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous apporter quelques précisions.
S'agissant de la visite des véhicules, je mesure bien, en écoutant ceux qui se
trouvent en particulier sur les travées situées du côté gauche de l'hémicycle,
ce qui nous sépare.
Je souhaite, pour ma part, lutter contre l'immigration irrégulière et contre
ceux qui profitent de la détresse ou de la misère de certains.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais non !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous ai écouté
calmement, alors laissez-moi m'exprimer !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, laissez parler M. le ministre, je vous prie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Qu'il ne nous insulte pas, alors !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je vous ai laissé parler tranquillement, alors
laissez-moi développer tranquillement mes arguments.
M. Jacques Mahéas.
Ce sont des contrevérités !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ne nous insultez pas !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je rends hommage à votre courtoisie habituelle,
monsieur Dreyfus-Schmidt, laquelle, je n'en doute pas, va réapparaître
rapidement.
Je ne peux pas laisser agir ceux qui transportent dans des conditions
scandaleuses certaines personnes pour leur faire passer frauduleusement les
frontières.
A ce propos, je vous lis un extrait d'un rapport de mes services, en date du
24 octobre dernier : « Les irréguliers sont transportés sans confort, assis à
même le sol, dans la remorque d'un camion, subissant la température extérieure
et jouissant de conditions d'hygiène déplorables. Récemment, les corps sans vie
de dix-huit Sri Lankais ont été découverts dans un camion TIR qui venait de
Bulgarie et qui était censé transporter des produits plastiques en France. »
Je ne veux pas qu'un tel drame se renouvelle,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous non plus !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
... parce que cela porte atteinte à la dignité
de l'homme.
M. Jacques Mahéas.
Au moins, nous sommes d'accord sur ce point !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Voilà ce qui motive les dispositions qui ont été
évoquées, et nous ne nous entendrons pas, car M. Mélanchon a indiqué ce matin
qu'il veut procéder à un amalgame de masse, régulariser la situation des
personnes en situation irrégulière, naturaliser les étrangers.
Or, pour ma part, je veux lutter contre les fraudeurs.
M. Jacques Mahéas.
Vous avez mal entendu !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Par ailleurs, je souligne, en ce qui concerne la
rétention des passeports des étrangers en situation irrégulière, que celle-ci
me semble utile lorsque la personne concernée dispose encore de ses papiers.
Ensuite, il existe un précédent constitué par la remise du passeport dans le
cadre de l'article 35
bis
, c'est-à-dire comme préalable à l'assignation
à résidence mettant fin à une rétention administrative. J'ajoute qu'il existe
aussi de nombreux précédents à l'étranger : en Allemagne - c'est l'article 42,
alinéa 6, de la loi sur l'étranger - en Suisse et en Grande-Bretagne. Enfin, la
jurisprudence valide cette pratique et je vous renvoie à l'arrêt de la cour
d'appel de Paris en date du 19 janvier 1994.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, une photocopie n'offrirait naturellement pas les
mêmes garanties pour assurer le retour de l'étranger dans son pays d'origine,
car les autorités de ce dernier sont très réticentes, parfois même opposées, à
réadmettre un individu qui n'est pas en possession de l'original de son
passeport. C'est la raison pour laquelle, fort de l'expérience que j'ai eue
depuis vingt mois, j'ai fait introduire cette disposition. En effet, un certain
nombre de pays m'ont dit qu'ils ne reprendraient pas tel de leurs
ressortissants si celui-ci ne détenait l'original de son passeport.
M. Dominique Braye.
Très bien ! C'est très clair !
M. le président.
Sur l'article 3, je suis d'abord saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 111 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoé, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme
Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 196 est présenté par Mme Dusseau.
Tous trois tendent à supprimer l'article 13.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Guy Fischer.
Au cours de l'intervention sur l'article 3, nous avons exposé l'essentiel de
nos griefs à l'égard de cette disposition qui relève du matraquage législatif,
que nous dénonçons depuis le début de cette discussion, à l'égard des
étrangers.
Fouille de véhicules, confiscation du passeport et relevé systématique des
empreintes digitales constituent les trois volets de mesures particulièrement
répressives et limitatives de libertés individuelles qui doivent être garanties
sans laxisme aucun, mais avec la rigueur nécessaire que requiert la
démocratie.
Pour ce qui concerne la confiscation des papiers, nous ne pouvons accepter les
seuls arguments des partisans d'une telle mesure, à savoir l'idée d'une
amélioration de « l'exécution des mesures d'éloignement en facilitant
l'identification de l'intéressé ».
La réalité, c'est la précarisation absolue de ces femmes, de ces hommes et de
ces enfants qui, directement ou indirectement, sont en situation
irrégulière.
Il s'agit d'une mesure d'une grande agressivité à l'égard de ces individus
souvent confrontés à de graves difficultés matérielles.
Ceux qui, dans cet hémicycle, au Gouvernement ou à l'Assemblée nationale,
appellent à une surenchère permanente en matière de répression oublient les
sources de l'immigration clandestine.
Récemment a d'ailleurs eu lieu, dans cette enceinte, un débat qui est
étroitement lié à celui-ci et qui concernait la lutte contre le travail
clandestin.
M. Alain Gournac.
Pas d'amalgame !
M. Guy Fischer.
N'oublions pas le fond, l'immense majorité des clandestins sont en France
parce qu'il y a des employeurs de main-d'oeuvre clandestine, que vous
connaissez fort bien et que vous laissez agir en toute impunité.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie, laissez parler M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Les donneurs d'ordre sont bien souvent connus.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous les avez amnistiés en 1995 !
M. Guy Fischer.
Les donneurs d'ordre, par exemple dans le quartier du Sentier, sont
parfaitement connus. Les grands patrons de l'industrie textile...
M. Alain Gournac.
Le grand capital !
M. Guy Fischer.
... exploitent notamment les ateliers de ce quartier.
M. Philippe François.
Ben voyons !
M. Guy Fischer.
Mais oui, c'est la vérité !
M. Emmanuel Hamel.
Nous avons voté contre le travail clandestin !
M. Guy Fischer.
Ce patronat tire profit de la misère de ces personnes.
Cette surenchère est donc, selon nous, indécente. C'est pour cela et pour
l'ensemble des raisons évoquées précédemment que nous proposons de supprimer
cet article 3.
M. Robert Pagès.
Très bien !
Un sénateur du RPR.
C'est ridicule !
M. le président.
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 111.
M. Guy Allouche.
Je ne reprendrai pas l'argumentation que viennent de développer mes amis. Nous
demandons la suppression de cet article car sa forme et sa rédaction ne nous
conviennent pas. Nous ferons, dans un instant, des propositions sur chacune des
dispositions qu'il comporte.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 196.
Mme Joëlle Dusseau.
L'article 3 autorise la rétention des passeports et documents de voyage, la
visite sommaire des véhicules, ainsi que la prise et l'établissement mémorisé
d'empreintes digitales.
J'ai bien écouté M. le ministre, et nous sommes sensibles à l'exemple qu'il a
donné. Qu'il comprenne cependant que, si chaque mesure peut trouver une
explication, voire une justification, l'accumulation de telles mesures peut
créer une situation de non-droit.
Je voudrais, pour ma part, insister plus particulièrement sur la question des
empreintes digitales. Comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, nous avons
effectivement l'occasion de donner nos empreintes digitales. Certes, monsieur
le ministre, a déjà été mis en place un système, dénommé EURODAC, qui permet de
prendre les empreintes digitales des demandeurs d'asile. Pour autant,
l'élargissement d'une opération de ce type pose, selon moi, une série de
problèmes.
Il s'agit, tout d'abord, de problèmes humains. A cet égard, je citerai Mme
Renouard, ministre plénipotentiaire, directeur des Français à l'étranger et des
étrangers en France : « Prendre des empreintes digitales, sur le plan matériel
et psychologique, n'est pas si simple que cela. » Cela est encore moins simple
pour des personnes en grande difficulté ou en grande détresse.
Ensuite - et c'est le deuxième aspect - compte tenu de ce qu'est la
construction européenne, l'espace de libre circulation et la valeur reconnue
aux visas délivrés par nos partenaires, il est difficile - ne le croyez-vous
pas, monsieur le ministre ? - que la France puisse envisager d'avoir recours à
un dispositif de ce type en dehors du cadre d'un accord européen.
Enfin, très pragmatiquement, je voudrais évoquer le coût du dispositif. J'ai
lu avec attention le compte rendu d'un certain nombre d'auditions auxquelles
ont procédé nos collègues députés. J'ai lu notamment l'audition de M. Faugère,
directeur des libertés publiques au ministère de l'intérieur. Il précisait
qu'une étude, effectuée dans nos services, sur le coût d'une telle mesure « a
débouché sur une conclusion technique extrêmement lourde et financièrement
aberrante, soit plusieurs centaines de millions de francs, ce qui paraissait
tout de même un peu démesuré ».
Monsieur le ministre, compte tenu du problème de principe - je n'y reviens
pas, il est évident - du problème de l'harmonisation avec la législation des
autres pays européens et du problème, plus prosaïque mais qui n'est pas sans
importance, du coût, je demande la suppression de cet article 3.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 62, 111 et
196 ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
Tout a été dit sur le sujet. La commission émet un avis
défavorable sur ces trois amendements.
J'ajouterai simplement quelques mots à l'intention de M. Fischer. Mon cher
collègue, vous êtes contre l'exploitation des travailleurs clandestins par les
employeurs.
M. Guy Fischer.
Tout à fait !
M. Paul Masson
rapporteur.
Aussi, je vous donne rendez-vous à l'article 10. J'espère que
vous le voterez, parce qu'il répond très exactement au souci que vous avez
exprimé.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Le Gouvernement s'est déjà exprimé. Il émet un
avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 62, 111 et 196.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comme vous l'avez remarqué, j'ai quitté l'hémicycle pendant quelques instants,
et c'est d'ailleurs ce qui motive mon explication de vote, monsieur le
président. En effet, alors que je n'étais pas présent, M. le ministre, fort
soudainement, m'a reproché, si j'ai bien compris, de vouloir naturaliser les
étrangers et, en particulier, de vouloir, ce que j'ai dit ce matin, l'amalgame
de masse sur ce sujet.
Sur le premier point, à savoir la naturalisation des étrangers, je vous donne
raison, monsieur le ministre : je renonce à naturaliser les Français !
(Sourires.)
Je vous concède que cette tautologie me va droit au coeur,
car il est bien question des étrangers.
S'agissant de la naturalisation de masse, j'ai dit - je n'en ai pas honte ! -
que c'était une idée que je défendais de manière un peu personnelle, mais, à la
vérité, elle fait, je crois, l'objet d'un assez large consensus parmi mes
amis.
M. Jacques Legendre.
Quel aveu !
M. Jean-Luc Mélenchon.
De quoi s'agit-il ? Autant que vous le sachiez. Je voudrais donner quelques
points de repère.
M. Dominique Braye.
Soyez précis !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il s'agit, d'abord, du rétablissement intégral du droit du sol. Vous savez que
nous soutenons cette idée, puisque, à plusieurs reprises, M. Jospin s'est
exprimé sur ce sujet, notamment pendant la campagne pour l'élection
présidentielle, et pas loin d'une majorité de Français a failli y souscrire.
Il s'agit, ensuite, d'un dispositif de manifestation de masse, de volonté
d'adhérer à la nationalité française. Je vous concède que voilà quelques années
cette idée d'une adhésion à déclarer ne me serait pas venue à l'esprit. Mais
c'est vous qui avez inventé le dispositif pour notre jeunesse...
M. Jean-Jacques Hyest.
Et ça fonctionne !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... qui, jusqu'à un âge compris entre seize et dix-huit ans, est maintenant
dans un état de non-droit et de non-nationalité.
Pendant des heures, vous nous avez exposé les mérites de cette procédure.
Finalement, pourquoi ne pas l'appliquer à une échelle de masse, lorsque le pays
en manifesterait la volonté, tout simplement parce qu'il serait assez lucide
sur son avenir, sur les leçons de son passé - c'est un véritable processus
d'assimilation qui s'est déroulé dans le passé - et sur son avenir compte tenu
de la présence depuis tant d'années de ces personnes sur notre sol, étant
entendu qu'il faudrait, bien sûr, remplir plusieurs critères ?
Le premier, c'est la maîtrise de notre langue. Le deuxième critère, c'est une
durée minimale de séjour. Le troisième critère, c'est une conformité au statut
conjugal, cela va de soi. Cela vise, en particulier, les situations de
polygamie qui seraient inacceptables. Le quatrième critère, c'est l'absence de
condamnation pénale grave. Voilà ce que l'expression « amalgame de masse »
recouvre, finalement de manière assez banale.
M. Josselin de Rohan.
C'est un réactionnaire !
(Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mes chers collègues, vous pouvez toujours jouer à vous faire peur. Moi, j'ai
l'enthousiasme de notre République. C'est une idée qui peut paraitre un peu
désuète. J'ai l'enthousiasme ; je crois que la France est capable de le
faire.
Bien avant que ces questions soient posées de cette façon dans ma propre
sensibilité - vous le constatez, je balaie devant ma porte - j'étais déjà un
ardent partisan des campagnes de naturalisation. Dans les années quatre-vingt,
maire adjoint, à l'époque, de ma commune et chargé de la jeunesse, je menais
des campagnes pour la naturalisation, afin d'obliger les petits imbéciles qui
n'y avaient pensé à temps à demander notre belle nationalité parce que je
savais qu'ils parlaient français, qu'ils vivaient français, qu'ils rêvaient en
français, qu'ils aimaient français, qu'ils ne parlaient pas d'autre langue et
que, après tout, il fallait aller jusqu'au bout du chemin.
Quant à l'étranger, vous savez, quand on n'est pas dans la logique
républicaine qui est un peu tirée en avant par cette image bien sûr
insaisissable de l'homme universel, du citoyen universel, on retombe dans une
sorte d'ethnicisme qui finit vite par gagner tout le monde. On est le goy, le
gadjo.
Et puis, s'il faut prendre des exemples plus banals, plus au ras du sol, au
moins ceux que j'ai connus, après mon rapatriement d'Afrique du Nord, je dirai
que, dans le pays de Caux, quiconque n'appartenait pas à la communauté humaine
visible à l'oeil nu à environ cinquante mètres du clocher le plus proche était
un horsain.
M. Dominique Braye.
Vous en avez été marqué !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui ! et très clairement ! Ou bien on est la France et on a cette audace et
cette ambition, ou bien on reste le petit peuple qui voit toujours des horsains
autour de lui.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais rassurer M. Mélenchon : je n'ai pas
profité de son absence pour faire de l'ironie.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je n'ai pas dit cela !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je vous en remercie. Vous m'avez donné la
confirmation de ce que j'avais entendu ce matin. Je disais tout simplement ce
qui nous sépare.
Vous avez dit, ce matin, que votre idéal, c'était une grande loi de
naturalisation de tous les étrangers.
M. Jean-Luc Mélenchon.
De tous ? N'exagérons pas !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Vous avez dit : « C'est le moment de dire que
nous avons un idéal à proposer aux étrangers ; je souhaite une grande loi de
naturalisation dont notre patrie a besoin. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Vous avez ajouté : « La République amalgamera,
assimilera avec jubilation. »
(Sourires.)
Je dis simplement que c'est tout ce qui nous sépare : nous, nous voulons
essayer d'intégrer les étrangers en situation régulière en luttant contre ceux
qui sont en situation irrégulière.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais oui !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Alors, il est vrai que vous réglez le problème,
car, avec vous, il n'y aura plus d'étrangers en situation irrégulière ! Ils
seront en effet tous régularisés ! Il n'y aura plus d'étrangers, car ils seront
tous naturalisés !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ne nous faites pas de procès d'intention, monsieur Debré !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Voilà ce qui nous sépare, monsieur Mélenchon, et
je suis ravi que ce débat devant tous les Français ait pu enfin le démontrer
clairement !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Protestations sur les travées socialistes.)
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
réagir tout d'abord aux attaques racistes à l'égard du pays de Caux qui
viennent d'être formulées !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Je suis élu du pays de Caux et je suis moi-même horsain ! C'est la fierté
du pays de Caux que d'avoir admis en permanence des étrangers pour faire la
grandeur de la Normandie !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous, ne me cherchez pas sur ce sujet !
M. Patrice Gélard.
Je ne peux pas accepter ce que vous avez dit tout à l'heure !
Le fait d'être un horsain est considéré chez nous comme une qualité, et non
comme un défaut. Jamais un Cauchois ne critique un horsain,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous voulez le faire croire à ceux qui ne sont jamais allés dans le pays de
Caux !
M. Patrice Gélard.
... car les horsains ont amené au pays de Caux sa richesse, sa culture, sa
promotion, sa science.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Eh bien ! Cela ne se voit pas trop, figurez-vous !
M. Patrice Gélard.
Enfin, je voudrais tout de même revenir sur un certain nombre d'arguments.
Je ne vois pas pourquoi l'on veut doter les étrangers d'un régime plus
favorable que celui des Français en ce qui concerne les véhicules, la rétention
des papiers d'identité et la prise d'empreintes digitales ? Les Français que
nous sommes sont soumis à ce genre de règles dans une multitude de cas. Vous
voulez que les étrangers y échappent, et je ne parviens pas à le comprendre.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certains travées du
RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Notre collègue Charles de Cuttoli attire gentiment mon attention - je tiens
d'ailleurs à l'en remercier - sur l'erreur que j'ai commise tout à l'heure en
disant que c'était à la demande du président Poher que le Conseil
constitutionnel, en 1971, avait empêché dans tous les cas et sans restriction
la fouille des véhicules particuliers.
Bien évidemment, il s'agissait de la liberté d'association. Il suffit
d'ailleurs de lire avec l'attention que nous avons tous mis à le faire le
rapport, excellent pour son caractère complet, de notre collègue Paul Masson,
pour constater, en particulier à la page 50, ce qu'étaient la décision du 12
janvier 1977 et celles des 17 et 18 janvier 1984.
Je vous demande donc de bien vouloir excuser l'erreur que j'ai commise tout à
l'heure, mes chers collègues.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 62, 111 et 196, repoussés par
la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
ARTICLE 8-1 DE L'ORDONNANCE
DU 2 NOVEMBRE 1945
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 8-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, je
suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 112 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme
Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 166 est déposé par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le texte présenté par l'article 3 pour insérer
un article 8-1 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par amendement n° 113, MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter, Mme ben
Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme Durrieu,
MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard, les membres du
groupe socialiste et apparentés, proposent de rédiger comme suit le texte
présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-1 dans l'ordonnance du 2
novembre 1945 :
«
Art. 8-1.
- Les services de police et les unités de gendarmerie sont
habilités à prendre photocopie du passeport ou du document de voyage des
personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. »
Par amendement n° 11, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du texte présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-1
dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France, après les mots : « les modalités de restitution
», de supprimer les mots : « , lors de la sortie du territoire, ».
Par amendement n° 167, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent de compléter le texte présenté par
l'article 3 pour insérer un article 8-1 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945
par deux phrases ainsi rédigées :
« Le récépissé comporte, à peine de nullité, le nom, la qualité et le numéro
d'immatriculation de l'agent qui a procédé au retrait visé à l'alinéa précédent
et mentionne également les faits qui ont motivé le retrait. L'agent en conserve
un double. »
La parole est à Mme ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 112.
Mme Monique ben Guiga.
Mes chers collègues, je surprendrai peut-être certains d'entre vous en
défendant un amendement visant à supprimer une disposition dont nous comprenons
le bien-fondé !
Il est en effet certain que l'une des grandes difficultés que soulève la
réalisation des mesures d'éloignement du territoire d'étrangers en situation
irrégulière est le fait avéré - les chiffres le prouvent - que ceux d'entre eux
qui tiennent vraiment à rester sur le territoire français, en dépit des
interdictions, suppriment ou cachent leurs documents de voyage de manière à ne
plus avoir d'identité, de nationalité et, ainsi, à se protéger de la mesure
d'éloignement.
D'où vient la gêne face à la mesure proposée, en dehors du problème
diplomatique qui a déjà été exposé ? Cette mesure prive les étrangers de leur
passeport, qui est leur unique pièce d'identité, avant même la notification
d'une mesure d'éloignement ; dans l'intervalle de temps qui les sépare de
l'éloignement, cette confiscation leur interdit toutes les démarches de la vie
civile qui nécessitent de produire une pièce d'identité.
Je crains fort que la validité du récépissé qui serait donné en échange du
passeport confisqué ne soit pas reconnue par un certain nombre
d'administrations. Ainsi, comment fera l'étranger allant chercher dans un
bureau de poste la lettre recommandée qui lui a été envoyée et que l'on
refusera de lui remettre parce que l'on ne reconnaît pas la validité du
récépissé ?
Là encore, il faut examiner les conditions réelles. Ainsi une postière,
croyant avoir affaire à un étranger en situation irrégulière, a dénoncé un
Antillais venu retirer de l'argent ! On imagine tout ce qui peut se passer !
M. Dominique Braye.
Vous en voulez vraiment aux fonctionnaires !
Mme Monique ben Guiga.
Je n'en veux pas aux fonctionnaires, car j'en suis !
M. Dominique Braye.
Aux petits fonctionnaires !
Mme Monique ben Guiga.
Je sais ce qui se produit, et je connais tous les cas où il est nécessaire
d'aller défendre de simple citoyens victimes, dans nombre d'administrations, de
petits abus de pouvoir qui leur gâchent la vie.
M. Dominique Braye.
Dans les quartiers difficiles, ils font un travail remarquable !
Mme Monique ben Guiga.
Par ailleurs, on peut se demander si le récépissé n'aura pas un effet pervers,
car, finalement, ce genre de document sera très falsifiable, à moins qu'il ne
se présente sous la forme d'une carte d'identité infalsifiable. Nous risquons
donc d'être confrontés à la fabrication, par des fraudeurs, de faux
récépissés...
M. Jacques Mahéas.
Absolument !
Mme Monique ben Guiga
... et, par conséquent, à la situation doublement irrégulière d'étrangers qui
circuleront avec de faux récépissés.
M. Jacques Mahéas.
Ça, c'est un argument !
Mme Monique ben Guiga.
Il y a là une procédure facile à tourner, et donc inefficace. C'est pourquoi
mon collègue Guy Allouche défendra l'amendement de repli n° 113 qui, nous
semble-t-il, serait plus efficace, d'une part, pour permettre à l'étranger,
pendant la période précédant son éloignement, de continuer à accomplir les
actes élémentaires de la vie civile et, d'autre part, pour s'assurer de son
identité en vue de le renvoyer dans son pays d'origine.
Je tiens à souligner, pour conclure, que nombre d'étrangers en situation
irrégulière sont des femmes et des jeunes de dix-huit ans que les conditions
draconiennes du regroupement familial instaurées depuis 1993 empêchent d'être
en situation régulière.
M. le président.
La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 166.
M. Ivan Renar.
L'amendement n° 166 a pour objet de supprimer les dispositions du projet de
loi qui permettent aux services de police et aux unités de gendarmerie de
retenir le passeport ou le document de voyage des étrangers en situation
irrégulière.
La finalité de la mesure que vous nous proposez, monsieur le ministre, est
d'éviter que l'étranger ne se débarrasse de son document de voyage pour éviter
la mise à exécution d'une mesure d'éloignement.
Pourtant, comme le reconnaît le rapporteur, M. Paul Masson, ce dispositif « ne
permet de régler qu'une partie limitée de ces difficultés puisque seuls 10 à 15
% des étrangers interpellés présentent des papiers d'identité ».
De plus, toujours selon M. le rapporteur, la retenue des papiers fait partie
de la pratique actuelle.
Autrement dit, il s'agit encore d'un pur effet d'annonce qui n'améliorera en
rien l'exécution des mesures d'éloignement.
Inutile et inefficace, cette consécration législative d'une pratique courante
n'en est pas moins fort contestable.
La confiscation d'un passeport est un acte grave. Pensons aux conséquences que
cela entraîne pour les personnes privées de leur unique pièce d'identité :
elles se retrouvent dans l'impossibilité d'accomplir toute une série de
démarches et d'actes courants de la vie civile qui nécessitent la présentation
d'une pièce d'identité.
En effet - vous le savez d'ailleurs bien, monsieur le ministre - le récépissé
qui leur sera remis en échange n'a aucune valeur de « remplacement » pour les
services de l'administration.
Ainsi, elles ne pourront plus inscrire leurs enfants à l'école, retirer de
lettres recommandées à la poste, ni d'ailleurs - cela me laisse pour le moins
songeur, s'agissant d'une mesure destinée à améliorer l'exécution des
reconduites à la frontière - prendre connaissance de la notification éventuelle
d'un arrêté de reconduite à la frontière.
Par ailleurs, la confiscation du passeport pose le problème des conditions de
la restitution. Or, l'article 3 reste bien vague sur ce point.
Comment rendra-t-on son passeport avant son éloignement du territoire à un
étranger interpellé loin de son domicile, et donc de la préfecture qui détient
ce document ? Dans quelle mesure laissera-t-on la possibilité à un étranger
d'exécuter de plein gré l'injonction de quitter le territoire dont il a fait
l'objet si son passeport a été confisqué ?
Plus aberrant encore, l'article 3, dans sa rédaction actuelle, n'envisage que
la possibilité d'une restitution avant la sortie du territoire. Qu'en sera-t-il
des étrangers dont la situation serait régularisée ou dont l'arrêté de
reconduite à la frontière serait annulé ? Qu'en sera-t-il des étrangers non
régularisables et non reconductibles, comme les parents d'enfants français ou
les conjoints de Français à qui le projet de loi ne prévoit pas d'accorder un
titre de séjour ?
Enfin, comment feront les demandeurs d'asile qui doivent présenter leur
passeport à l'OFPRA pour espérer obtenir le statut de réfugié ?
Le groupe communiste républicain et citoyen refuse de cautionner des
dispositions dont on sait par avance qu'elles sont illusoires et inefficaces
dans la lutte contre l'immigration irrégulière et qui ne servent qu'à donner
des gages aux partisans du tout répressif.
M. le président.
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 113
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, par honnêteté intellectuelle, je me dois de vous indiquer
que M. Michel Rocard aurait souhaité défendre cet amendement. Ne pouvant être
présent parmi nous ce soir, il m'a demandé de présenter l'argumentation qu'il
aurait aimé exposer lui-même.
L'amendement n° 113 vise à habiliter les services de police et les unités de
gendarmerie à prendre photocopie du passeport ou du document de voyage des
personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière.
Monsieur le ministre, vous entendez habiliter les services de police et les
unités de gendarmerie à retenir « le passeport ou le document de voyage » des
personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière, et vous prévoyez
qu'il leur soit remis en échange un récépissé valant justification de leur
identité, et sur lequel seront mentionnés la date de retenue, et plus tard bien
sûr, « les modalités de restitution, lors de la sortie du territoire, du
document retenu ».
Je veux tout d'abord relever une absurdité juridique de rédaction : le texte
est rédigé de manière telle qu'il exclut toute autre hypothèse de restitution
du document que l'occasion de la sortie du territoire. Dans une lecture
stricte, il serait illégal de rendre le passeport à l'occasion d'une
régularisation, cette hypothèse n'étant pas prévue ! La rédaction est telle que
vous semblez l'exclure. Nul besoin d'appeler Freud à la rescousse, car vos
arrière-pensées sont ici trop limpides !
Mais sur le fond, monsieur le ministre, pourquoi une telle vexation ? Non
seulement ces personnes ne peuvent obtenir des titres de séjour et d'identité
française, mais, en plus, elles seraient privées des papiers établissant leur
identité dans leur pays d'origine.
Il n'est pas étonnant que, dans son avis du 14 novembre 1996, la Commission
nationale consultative des droits de l'homme ait émis de fortes réserves à
l'égard de cet article.
Retenons d'abord pour mémoire le fait que les passeports ne sont nulle part et
jamais la propriété de leurs détenteurs ; ils sont la propriété des Etats qui
les ont émis. Certains pourraient prendre fort mal la chose et nous créer des
difficultés diplomatiques, à commencer tout simplement par la rétorsion. Je me
demande ce que la Cour européenne des droits de l'homme penserait de ce vol
qualifié de documents appartenant à des Etats étrangers.
J'évoquerai un autre point collatéral, mais non moins important : vous prenez
un risque technique considérable en mettant en circulation par votre loi des
documents d'identité qui seront seulement des récépissés. Vous savez fort bien
que de tels documents sont beaucoup plus facilement falsifiables que les
passeports eux-mêmes.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Evidemment !
M. Guy Allouche.
C'est un grand encouragement à l'industrie des faux papiers bas de gamme !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ça, c'est sûr !
M. Guy Allouche.
Mais surtout, vous créez des difficultés très lourdes et peut-être
insurmontables pour tout étranger dépourvu de son passeport qui, au vu d'un
fait nouveau, voudrait faire une nouvelle demande soit d'accueil, soit d'asile,
ou qui même - ô paradoxe - voudrait préparer sa sortie régulière du territoire.
Vous créez un effet de suspicion à son encontre dans toute relation qu'il
entretiendra avec une administration quelconque, notamment la police routière,
l'administration sociale ou même l'état civil, en cas de mariage.
Monsieur le ministre, les besoins d'identification et de fichage de vos
services n'appellent pas cela. Ils peuvent se satisfaire d'une photocopie.
C'est ce que proposent les auteurs de cet amendement.
Mes chers collègues, évitons cette mesure inutilement vexatoire et
attentatoire aux libertés individuelles. Sa suppression n'enlèvera absolument
rien aux moyens des services de police et de gendarmerie, mais la dignité des
personnes sera mieux respectée et l'honneur de la France sera mieux
préservé.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je veux simplement dire à M. Allouche,
c'est-à-dire à M. Rocard, que je ne comprends pas très bien.
M. Rocard est un Européen convaincu. Or, la rétention de passeport a cours en
Allemagne, en Suisse, au Royaume-Uni, en Suède, en Finlande, au Luxembourg,
etc.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Tous des étrangers !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Autrement dit, les principaux pays d'Europe,
mais aussi d'ailleurs, ont institué cette règle de la rétention du passeport.
Pourquoi ce qui est normal pour tous les autres pays du monde serait-il, chez
nous, attentatoire aux libertés ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Cet amendement répond au souci de M. Allouche.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
J'espère donc qu'il va le voter.
M. Allouche, défendant son propre amendement, a dit qu'il y avait une «
absurdité » - pour ma part, je dirai une certaine hésitation - dans la
rédaction du Gouvernement.
Cette rédaction ferait en effet obligation au Gouvernement de publier des
décrets prévoyant la restitution du passeport uniquement lors de la sortie du
territoire.
Notre amendement a simplement pour objet de supprimer les mots : « lors de la
sortie du territoire ». Ainsi, le passeport pourra être rendu à d'autres
moments, ce qui permettra à l'intéressé d'être en possession de son passeport,
par exemple, pour régulariser sa situation ou pour le transmettre à l'OFPRA,
sans avoir à le chercher à la sortie du territoire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 167.
M. Robert Pagès.
Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre opposition fondamentale aux
dispositions prévues par l'article 3, que ce soit la fouille des véhicules, le
relevé des empreintes digitales ou - c'est l'objet du présent amendement - la
confiscation du passeport ou du document de voyage des personnes de nationalité
étrangère en situation irrégulière.
J'ai bien écouté tous les orateurs, en particulier M. le ministre, qui nous a
fait part d'un certain nombre de difficultés et qui nous a donné un certain
nombre d'arguments.
Je le dis tout de suite, je voterai tout à l'heure les amendements de
suppression et les amendements de repli, que ce soient ceux que nous avons
déposés nous-mêmes ou ceux qu'ont déposés nos collègues du groupe
socialiste.
Cela étant, si par malheur nous n'étions pas suivis, je tiens à proposer
encore un amendement de repli, amendement auquel, me semble-t-il, vous pourrez
difficilement vous opposer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.
Il s'agit en effet d'apporter au moins quelques garanties que nous jugeons
minimales quant à la qualité du récépissé qui doit être délivré en échange du
document confisqué.
Nous proposons - c'est le texte de notre amendement - que « le récépissé
comporte, à peine de nullité, le nom, la qualité et le numéro d'immatriculation
de l'agent qui a procédé au retrait visé à l'alinéa précédent et mentionne
également les faits qui ont motivé le retrait. » Nous précisons, bien sûr, que
: « L'agent en conserve un double. » C'est là un très vaste repli.
Ce qui nous motive, c'est que ce récépissé risque vraiment d'être un chiffon
sans valeur. Notre objectif, bien limité, est de lui donner au moins quelque
crédibilité.
Nous pourrons ainsi juger, mes chers collègues, de votre volonté de donner au
moins une crédibilité à ce petit document.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 112 et 166, 113 et
167 ?
M. Paul Masson,
rapporteur.
En ce qui concerne l'amendement n° 112, je tiens d'abord à
préciser à M. Renar qu'il s'agit non pas de confiscation mais de rétention. Ce
n'est pas la même chose. Le poids des mots est important dans un débat comme
celui-là.
Cela étant dit, la commission est défavorable aux amendements identiques n°s
112 et 166.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 113. La photocopie ne permet
pas d'empêcher la destruction des papiers nécessaires pour procéder à
l'éloignement. Or l'objet de la disposition est, précisément, de permettre
d'identifier l'intéressé et de le priver du moyen de détruire sa pièce
d'identité.
Par conséquent, la photocopie n'a rien de pertinent.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 167 parce que les
mesures proposées relèvent du domaine réglementaire.
C'est vrai, le décret devra préciser les conditions dans lesquelles le
récépissé devra mentionner éventuellement la qualité et le numéro
d'immatriculation de l'agent. Mais cela ne relève pas du domaine législatif.
Nous nous plaignons assez souvent de l'intrusion du domaine réglementaire dans
le domaine législatif pour ne pas faire l'inverse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 112 et 166, 113, 11 et
167 ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je me suis exprimé longuement et en détail sur
toutes ces dispositions. Par conséquent, j'indiquerai simplement que le
Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 112 et 166, à
l'amendement n° 113, favorable à l'amendement n° 11 et défavorable à
l'amendement n° 167 parce qu'il faut, en effet, respecter la séparation des
domaines législatif et réglementaire qu'organisent les articles 34 et 37 de la
Constitution.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 112 et 166, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 113.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai bien compris vos raisons, monsieur le ministre. Simplement, dans la
pratique, les irréguliers qui ont sur eux leurs papiers sont de bonne foi.
Vous vous plaignez que la plupart des irréguliers que l'on arrête n'aient pas
de papiers sur eux. Or, ce sont précisément les rares personnes qui ont leurs
papiers que vous voulez sanctionner, en leur prenant ces papiers auxquels ils
tiennent tant qu'ils n'ont pas voulu s'en débarrasser, à la différence des
autres !
A cet égard, la solution de la photocopie nous paraissait bonne puisque vous
craigniez qu'ils ne finissent par vouloir imiter les autres en faisant
disparaître leur passeport.
M. le rapporteur nous a parlé du poids des mots, du choc des mots, qui ont,
disait-il, leur importance. Là, c'est le poids de la photocopie qui nous paraît
devoir être pris en compte.
(Sourires.)
Cela étant dit, il est vrai que ce n'est pas là l'essentiel de ce projet de
loi !
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le ministre, vous avez compris que nous n'étions pas hostiles à la
rétention - je ne dis pas « confiscation » - du passeport.
Si nous avons souhaité que l'administration conserve une photocopie, c'est
parce que nous voulons appeler votre attention - soyez-en reconnaissant - sur
le fait que la falsification d'une photocopie est chose facile.
Contrairement à ce que vous laissez entendre, nous luttons, comme vous, contre
les réseaux et les filières. Or, les réseaux organisés parviennent à falsifier
les passeports, alors que c'est difficile. Vous pensez bien que, dans ces
conditions, une photocopie de document sera très aisément falsifiable ! Pour
peu que la photo soit de mauvaise qualité sur le passeport, sur la photocopie
elle sera encore plus mauvaise et la falsification sera encore plus facile.
Nous appelons donc votre attention sur le fait que la falsification d'un
récépissé est plus facile que celle d'un passeport.
Moins qu'empêcher la rétention du passeport, ce que nous voulons, c'est éviter
que des filières ne s'amusent à reproduire ou à falsifier les récépissés de
l'administration.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 113, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir proposé d'améliorer la
rédaction du texte. C'est une modification très importante.
Nous ne nous opposerons donc pas à cet amendement ; nous nous abstiendrons
positivement.
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 167.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sur ce point, j'avoue ne pas avoir très bien compris les explications de M. le
rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est réglementaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Précisément, dans le texte du projet, il est dit : « Ils leur remettent en
échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont
mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document
retenu. » C'est réglementaire.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est évident !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais alors, puisque, dans le texte qui nous est proposé, on dit déjà ce qui
doit être mentionné, il faut tout dire !
M. Jean-Jacques Hyest.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Puisque l'on décide de trancher par la loi ce qui est d'ordre
réglementaire,...
M. Paul Masson,
rapporteur.
Ce n'est pas nous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
...il faut aller jusqu'au bout.
Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à juste
titre,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous êtes trop malin, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt..
... que soient également mentionnés, par exemple, le nom, la qualité et le
numéro d'immatriculation de l'agent.
Nos collègues précisent : « à peine de nullité ». Nullité de quoi ? De la
rétention ? Peut-être.
En tout cas, la réponse de M. le rapporteur n'est pas valable. Si nous voulons
être sûrs que ces mentions soient portées sur le récépissé, il faut évidemment
voter l'amendement de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen
et c'est ce que nous ferons.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je veux dire mon accord avec la proposition de mes amis communistes.
En effet, mes chers collègues, je vous donne raison parce que là nous venons
de créer une nouvelle catégorie de papiers. Si le problème consistait seulement
à s'assurer de l'identité de la personne dont on a découvert la présence
irrégulière sur le territoire, l'administration pourrait se contenter d'une
photocopie, tandis que l'intéressé pourrait garder son passeport. Ce n'est
cependant pas de cela qu'il s'agit.
Il est question de créer une situation dans laquelle des gens deviennent
immédiatement détectables comme étant dans une situation intermédiaire : soit
elle n'a pas le droit d'être là, soit elle aura peut-être le droit d'y être,
lorsqu'il s'agit des demandeurs d'asile et, soit elle sera bientôt ailleurs.
Je comprends que, dans ces conditions, des statuts bien différents feront
l'objet de documents photocopiés, dont mon ami Guy Allouche a eu mille fois
raison de dire qu'ils donneront naissance à un fructueux commerce.
Cependant, je comprends, pour en revenir à l'amendement de nos amis
communistes, qu'il y ait un intérêt, par exemple, pour un demandeur du droit
d'asile dont la demande n'a pas encore abouti, de voir figurer sur le document
que, dorénavant, il lui faudra exhiber, qu'il n'est plus en possession de son
passeport non pas parce qu'il est bientôt expulsable de droit, mais parce qu'il
a fait une demande qui n'a pas abouti.
Je vous donne raison parce que ce récépissé n'est rien d'autre qu'un nouveau
document établissant un statut spécifique d'hommes ou de femmes en transit sans
droit particulier sur notre territoire. Voilà la vérité s'agissant de cette
photocopie.
Qu'il me soit permis, avec votre autorisation, monsieur le président, de dire
en quelques mots que M. le ministre m'a tout à l'heure caricaturé et que je
suis fort mécontent que mes collègues aient pu applaudir un tel exercice.
Je n'ai jamais proposé de naturaliser tous les étrangers, dans n'importe
quelle situation, comme vous avez voulu le faire accroire. J'ai évoqué tout à
l'heure les critères qui pouvaient ouvrir droit à l'accès à cette grande loi de
naturalisation de masse.
Enfin, à mon collègue qui me reprochait des propos racistes sur le pays
cauchois...
(Ah ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac.
Cela vous a touché !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui, cela m'a touché. Après tout, ils m'ont accueilli !
...je le renvoie à la lecture du livre du père Alexandre - vous voyez qu'il
m'arrive d'avoir de bonnes références -
Le Horsain,
pour apprécier
l'ouverture d'esprit de ces populations, ce malheureux père Alexandre étant
sauvé par sa foi de la médiocrité de son entourage.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 8-1 de l'ordonnance
du 2 novembre 1945.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 8-2 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, je
suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 114 est présenté par MM. Allouche, Autain, Authié et Badinter,
Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt et Estier, Mme
Durrieu, MM. Mahéas et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 168 est déposé par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le texte proposé par l'article 3 pour insérer un
article 8-2 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par amendement n° 42, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent,
dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour insérer un
article 8-2 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, de supprimer les
mots : « , à l'exclusion des voitures particulières, ».
Par amendement n° 43, MM. Caldaguès, Calmejane, Chérioux, Debavelaere,
François, de Gaulle, de La Malène, Jean-Jacques Robert et Schosteck proposent,
dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour insérer un
article 8-2 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, de remplacer les
mots : « quatre heures » par les mots : « six heures ».
Par amendement n° 115, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga,
MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas
et Mélenchon, Mmes Pourtaud et Printz, M. Rocard, les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté
par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de
remplacer les mots : « quatre heures » par les mots : « deux heures ».
Par amendement n° 116, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga,
MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM.
Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de compléter le deuxième alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
par la phrase suivante : « Le procureur de la République peut mettre fin à tout
moment à cette immobilisation du véhicule. »
Par amendement n° 117, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga,
MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM.
Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent, après le deuxième alinéa du texte présenté
par l'article 3 pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945,
d'insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Le conducteur et, le cas échéant, les passagers du véhicule sont
immédiatement informés de leurs droits de prévenir à tout moment leur famille
ou toute personne de leur choix. Si des circonstances particulières l'exigent,
l'officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne
choisie. »
Par amendement n° 12, M. Masson, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour insérer un article 8-2
dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France, après les mots : « La visite », d'insérer les
mots : « , dont la durée est limitée au temps strictement nécessaire, ».
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Guy Allouche.
Le nouvel article proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance de 1945 permet à
la police judiciaire, qu'elle soit représentée par son officier ou par un
agent, de procéder à la « visite sommaire » des véhicules, à l'exclusion des
voitures particulières - c'est-à-dire des véhicules nécessitant un permis B et
comptant jusqu'à huit places - dans la bande dite Schengen pour rechercher et
constater la présence d'étrangers sans titre de voyage ou de séjour valable 20
kilomètres le long des frontières terrestres avec les autres pays membres de
l'espace Schengen. Si le conducteur du véhicule refuse la visite, le véhicule
est retenu quatre heures au maximum dans l'attente des instructions du
procureur de la République.
L'objet de ce nouvel article est très clair : lutter contre les filières
d'immigration clandestine et, surtout, les « passeurs ». Si ce but est louable,
les socialistes que nous sommes n'ont de cesse de rappeler leur détermination à
lutter contre cette pratique...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est pour cela que vous en proposez la suppression !
M. Guy Allouche.
Laissez-moi finir, cher collègue... la disposition, allais-je dire, est à la
fois inutile et manifestement dépourvue des précisions législatives
nécessaires.
Pourquoi cette disposition est-elle inutile ?
La bande « Schengen » connaît déjà un régime bien particulier quant aux
pouvoirs des officiers et agents de la police judiciaire ou des fonctionnaires
des douanes : l'article 78-2 du code de procédure pénale permet des contrôles
d'identité dans cette zone ; l'article 67
quater
du code des douanes va
dans le même sens.
Ajouter à l'existant n'aura donc pratiquement pas de conséquence et l'intérêt
de cet article nouveau se résume donc à un effet d'annonce.
A défaut de la suppression de cet article, il convient d'obtenir un
renforcement des garanties entourant cette « visite sommaire ».
Puisque le véhicule, et donc son conducteur, peuvent être retenus quatre
heures, il convient de permettre au conducteur de prévenir sa famille, son
conseil ou toute personne de son choix, comme cela est la règle pour les
vérifications d'identité. Sachant que cette disposition vise principalement les
camions et autres véhicules à usage commercial, l'importance, pour le
conducteur, de pouvoir prévenir son employeur, par exemple, se conçoit
aisément.
De même, il importe de préciser les pouvoirs du procureur de la République et
de prévoir, si possible de façon précise, que celui-ci peut interrompre à tout
moment la rétention du véhicule.
Ces précisions sont en réalité commandées par la philosophie et l'inspiration
qui ont présidé à la rédaction de cet article.
En effet, présenté comme calqué sur l'article 78-2 du code de procédure
pénale, cet article 8-2 nouveau doit être encadré par les garanties déjà
prévues par l'article 78-3 du code de procédure pénale en matière de contrôle
d'identité dans la zone des vingt kilomètres.
D'ailleurs, pour justifier le raccourcissement du délai d'immobilisation du
véhicule de six heures à quatre heures, cet article 78-3 a été invoqué.
Dès lors, il faut s'inspirer de l'ensemble des garanties prévues par ces
prescriptions.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 168.
M. Guy Fischer.
Nous proposons de supprimer cette possibilité de fouille de véhicule dans les
zones frontalières pour des raisons évidentes qui ont déjà été évoquées par mon
ami Robert Pagès dans son intervention générale.
Le fait de porter lourdement atteinte aux libertés individuelles et de
circulation de tous et la certitude que ces fouilles de véhicules se
transformeront à une écrasante majorité en des fouilles de véhicule au « faciès
» justifieraient déjà largement cet amendement de suppression.
Cependant, il me semble nécessaire de revenir sur les logiques qui
sous-tendent ces atteintes aux libertés des individus et qui ont pour racine
l'idée qu'il est possible de contrôler et d'arrêter toute immigration nouvelle
en comptant uniquement sur des dispositifs de contrôle policier à proximité des
frontières ou en amont.
Partons tout d'abord d'un constat : depuis un certain nombre d'années, les
contrôles aux frontières n'interviennent plus de manière systématique et
égalitaire. Ils s'opèrent en aval, à l'intérieur du territoire ou dans une zone
frontalière - le texte renforce cet aspect des choses - et en amont, à travers
notamment les systèmes de délivrance des visas et les accords de
réadmission.
Ce contrôle en amont, qui a des aspects liberticides redoutables, entame non
seulement la souveraineté des Etats qui sont supposés recevoir les flux, comme
nous avons eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, mais aussi
les droits les plus élémentaires d'une majorité des ressortissants des pays
d'immigration.
En effet, comme a pu le relever le ministère de l'intérieur dans un rapport au
Parlement concernant la responsabilité des transporteurs en matière de lutte
contre l'immigration clandestine, on applique, comme aux Etats-Unis et au
Canada, un transfert aux compagnies aériennes privées ou publiques des pouvoirs
de police. Ces compagnies sont dans l'obligation, sous peine d'amende, de
repérer les clandestins et les faux demandeurs d'asile.
En même temps, nous voyons apparaître par l'intermédiaire des ambassades des
directives qui ont pour conséquence des comportements inacceptables et qui
portent atteinte aux droits les plus fondamentaux des individus.
M. Emmanuel Hamel.
On se moque de la législation américaine !
M. Guy Fischer.
Ainsi une personne - monsieur Hamel, écoutez-moi - venant d'un pays visé par
ces dispositions, qu'elle veuille visiter des membres de sa famille ou désire
simplement faire du tourisme, est considérée
a priori
comme une menace
pour la sécurité, car elle est supposée s'infiltrer sur notre territoire afin
de profiter d'une situation économique plus favorable pour elle. Et vous êtes
informé de la création, depuis août 1996, de l'OCCRIEST.
Cette logique a pour résultat que des ressortissants, par exemple de la
Côte-d'Ivoire, doivent montrer au personnel de l'ambassade de France à Abidjan
400 francs pour chaque jour passé en France. Cette sommme doit être montrée au
personnel de l'ambassade, abrité derrière des vitres blindés, qui exige que la
moitié soit sous forme de traveller's-checks et l'autre moitié en liquide.
Quand on sait qu'une grande partie de la population gagne cette somme en deux
mois de travail, on peut en conclure que cette logique met le tourisme et le
droit de se retrouver en famille à la portée d'une poignée de personnes du
tiers monde bénéficiant de hauts revenus, qui, comme le démontre l'accueil
particulièrement chaleureux réservé par la France au dictateur Mobutu, ne
seront jamais inquiétés par ces mesures discriminatoires.
Ces logiques jettent donc le soupçon aussi bien sur le demandeur de visa à
l'ambassade de France - voire dans un consultat - pour faire du tourisme ou
rendre visite à sa famille qu'à un Français de peau noire ou foncée à bord de
son véhicule. Elles se justifieraient selon les auteurs...
M. le président.
Vous avez trente secondes pour conclure, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer.
Eh bien, donc, vous avez compris que, pour toutes ces raisons.
Nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement.
Malheureusement, je n'ai pas pu finir mon propos. Mais la concision de mon
argumentaire vous aura au moins appris un certain nombre de choses.
(Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. -
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Michel Caldaguès.
Mes chers collègues, voilà quelques semaines, j'étais invité avec plusieurs
d'entre vous à un déjeuner de travail dans un ministère qui n'était pas le
vôtre, monsieur le ministre.
Arrivant à la grille, j'aperçois un personnage en uniforme qui, après que je
lui eus décliné mes qualités et montré mon invitation, me demande
l'autorisation de procéder à une inspection sommaire du coffre de ma
voiture.
Je me suis bien gardé de refuser, car je n'ai pas voulu manquer l'occasion,
mes chers collègues, de me présenter devant vous comme une victime d'une
abominable agression contre les droits de l'homme...
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Votre tête ne leur est pas revenue !
M. Michel Caldaguès.
... et de mériter peut-être ainsi la sollicitude de M. Badinter, de M.
Dreyfus-Schmidt, de M. Allouche et peut-être même une déclaration de solidarité
émue de Mme ben Guiga !
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Mahéas.
Une fois en passant, ça va, mais cela fait dix fois que vous racontez cette
histoire !
M. Michel Caldaguès.
Cet après-midi même, on m'a apporté ici à mon fauteuil une invitation à dîner
la semaine prochaine chez le même ministre.
(Rires.)
M. Guy Allouche.
Vous êtes souvent invité, mon cher collègue.
M. Michel Caldaguès.
J'ai réfléchi à l'attitude que j'allais adopter...
M. Guy Allouche.
C'est un hôtel, ce n'est plus un ministère !
M. Michel Caldaguès.
Si je refuse l'inspection de mon véhicule, le zélé fonctionnaire va peut-être
devoir appeler la permanence du parquet, de telle sorte qu'il se prononce sur
l'opportunité de cette fouille.
Je sais très bien comment cela va terminer : je manquerai mon dîner chez le
ministre et je serai certainement obligé d'inviter à souper le substitut de
permanence.
(Rires.)
M. Guy Allouche.
On dirait Gaston Lagaffe !
M. Michel Caldaguès.
Alors, mes chers collègues, l'amendement que je dépose avec plusieurs de mes
amis tend à dissiper le climat de byzantinisme qui entoure cette affaire
d'inspection des véhicules et de distinction entre véhicules industriels ou
utilitaires et véhicules particuliers.
Mes chers collègues, une voiture sans toit ni capote...
Un sénateur du RPR.
C'est dangereux sans capote.
(Rires.)
M. Michel Caldaguès.
... est-elle un véhicule particulier ? Un camion doté d'une couchette à côté
de laquelle le conducteur range sa brosse à dents et son pyjama n'est-il pas un
domicile particulier ?
Vous voyez combien la distinction est très difficile à établir, et ce d'autant
plus que nous assistons à une diversification des modèles d'automobiles et que,
bientôt, il faudra des juristes extrêmement spécialisés pour déterminer ce qui
est véhicule particulier et ce qui ne l'est pas.
Je sais bien qu'il y a une jurisprudence du Conseil constitutionnel, et j'y ai
fait allusion tout à l'heure. J'ai le plus grand respect pour les décisions de
cette instance, toutefois, mes chers amis, lui c'est lui, et nous c'est
nous.
Nous sommes le législateur, et nous devons prendre nos responsabilités. Nous
n'avons pas à anticiper sur le contrôle de constitutionnalité, qui n'est pas
dans nos prérogatives.
Laissons cette compétence au Conseil constitutionnel et décidons ce que nous
croyons devoir décider pour le bien de l'intérêt général.
Est-il souhaitable que les véhicules, qu'ils soient utilitaires ou qu'ils
soient privés, fassent l'objet d'inspections sommaires - avec l'autorisation du
conducteur, cette condition figure dans le texte - pour éviter que les
frontières ne soient des passoires ? Oui, selon moi, c'est souhaitable.
Avant-hier, tout près d'ici, un personnage qui défraie à nouveau la chronique,
après avoir fait les beaux jours du pouvoir socialiste...
Un sénateur du RPR.
Et du football français !
M. Michel Caldaguès.
... est sorti de chez lui clandestinement, dans une voiture particulière. Cela
montre à l'évidence que les distinctions subtiles auxquelles on tente de nous
acclimater sont contestables et nous autorisent à espérer une évolution de la
jurisprudence.
Il est évident que si nous nouis inclinons à l'avance, si nous faisons de
l'autocensure, si nous nous faisons les propres contrôleurs de la
constitutionnalité de nos décisions, nous perdons toute chance de voir la
jurisprudence évoluer !
M. le président.
Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Michel Caldaguès.
Mes chers amis, il y va de la dignité du Parlement. Je détiens, comme chacun
de vous, une petite parcelle du pouvoir législatif, j'entends l'utiliser, je ne
m'inclinerai pas à l'avance. Par conséquent, je ne retirerai certainement pas
l'amendement n° 42.
M. le président.
Vous avez à nouveau la parole, monsieur Caldaguès, pour présenter l'amendement
n° 43.
M. Michel Caldaguès.
Le texte initial du Gouvernement prévoyait que le représentant du parquet, si
son intervention est sollicitée, c'est-à-dire si le conducteur refuse la visite
du véhicule, dispose de six heures pour venir inspecter le véhicule, ce qui lui
laisse le temps de faire une toilette rapide, si l'affaire surgit au cours de
la nuit, et de se rendre sur les lieux.
L'Assemblée nationale a cru devoir ramener ce délai à quatre heures. Je ne
vois pas très bien la satisfaction intellectuelle qu'on peut en tirer.
S'agit-il d'abréger un peu plus le temps de sommeil du substitut de permanence
? Voilà qui ne me semble pas indispensable ! Dans ces conditions, je propose de
maintenir le délai à six heures.
(« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Evidemment, l'on peut considérer que la bouteille est à moitié vide ou à
moitié pleine !
Dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, le délai est de quatre
heures, et l'on fait tout pour nous faire croire que le Gouvernement et la
commission des lois sont dans un juste milieu, ce qui n'est pas exact.
M. Michel Caldaguès.
C'est vous qui le dites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Du délai de six heures fixé initialement par le Gouvernement, nous en sommes à
quatre heures et M. Caldaguès propose de revenir à six heures. Quant à notre
amendement, il tend à instituer un délai de deux heures.
A la vérité, il s'agit, pour nous, d'un amendement de repli.
Combien de temps faut-il pour faire une visite sommaire d'un véhicule ?
M. Ivan Renar.
Un certain temps !
M. Jean Chérioux.
Les douaniers vous le diront mieux que quiconque.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Une visite sommaire consiste à ouvrir les portes d'un camion pour vérifier
s'il y a quelqu'un dedans. Cela doit prendre au maximum dix minutes !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Laissez M. Dreyfus-Schmidt s'expliquer, s'il vous plaît !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, si mes collègues veulent apporter quelques précisions,
me dire que je me trompe et expliquer qu'un tel contrôle peut durer plus
longtemps !...
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest.
Depuis hier, j'assiste à un débat extrêmement intéressant. Des problèmes
sérieux se posent. On a parlé notamment des certificats d'hébergement : cela ne
méritait peut-être pas les excès de langage auxquels on a assisté, mais il
s'agissait d'un problème sérieux.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous savez lire le français et le droit comme moi :
la retenue du véhicule intervient dans l'attente des instructions du procureur
de la République, et il faut quand même un certain temps. On n'a pas un
procureur sous la main à tout moment !
On vous dit après : la visite des véhicules dure le temps strictement
nécessaire. Ne mélangez pas les choses et ne soyez pas de mauvaise foi ! C'est
ce que veut dire ce texte !
Pour ma part, j'en ai assez ! J'ai toujours respecté tous les arguments,
monsieur Dreyfus-Schmidt, en pensant d'ailleurs que tout le monde était de
bonne foi. Mais là, vous le savez fort bien, il ne s'agit pas du délai de la
visite. Alors, cessons ce petit jeu !
(« Très bien ! » Et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, c'est la dernière fois que j'autorise M. Hyest à
m'interrompre !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
La vérité fait mal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet, s'il avait bien voulu me laisser poursuivre, il aurait sans doute
mieux compris ce que nous voulions dire et cela lui aurait évité de parler de
jeu, car il ne s'agit pas d'un jeu.
M. Dominique Braye.
Si, vous jouez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et si vous en avez assez, monsieur Hyest, permettez-moi de vous dire que vous
n'êtes pas obligé de rester dans l'hémicycle !
(Protestations sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan.
Mauvais joueur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela dit, contrairement à ce que prétend M. Hyest, non seulement il y a
toujours au parquet un substitut de permanence, mais également téléphone et
fax. Dans ces conditions il n'est pas nécessaire d'attendre quatre heures pour
recevoir les instructions du procureur et procéder à une visite sommaire.
De plus, si le délai prévu est de quatre heures au maximum lorsque l'intéressé
a refusé son consentement et qu'il a fallu demander des instructions au
procureur, aucune limite maximale n'est indiquée dans le texte, ce qui
aboutirait à retenir longtemps des personnes qui n'ont rien à se reprocher,
alors qu'elles ont autre chose à faire.
Je répète que nous proposons un délai de deux heures, alors que M. Caldaguès
demande six heures et que le texte voté par l'Assemblée nationale prévoit
quatre heures. Pourtant M. Caldaguès n'a pas eu à subir les insultes de M.
Hyest !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, ne provoquez pas M. Hyest !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je vous en prie !
M. le président.
Même si les propos de M. Hyest ne vous plaisent pas, monsieur Dreyfus-Schmidt,
vous n'avez pas à l'interpeller de cette façon.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pardonnez-moi, monsieur le président, mais, selon vous, qui serait provoqué
?
M. Jean Chérioux.
On ne vous a pas insulté ! Ne faites pas de fausse colère !
M. Dominique Braye.
Vous autorisez un orateur à vous interrompre, puis vous mentez une fois de
plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
D'abord, M. Hyest me demande de m'interrompre pour me dire que je me livre à
un petit jeu, ce que je n'apprécie nullement. Ensuite, ce que je n'apprécie pas
non plus, vous me dites, monsieur le président, c'est que c'est moi qui
provoque M. Hyest alors que c'est moi qui suis provoqué !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Vous savez très bien ce que vous faites !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela dit, nous proposons un amendement. Ceux auxquels il ne plaît pas ne le
voteront pas ; les autres le voteront !
(Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je ne voudrais pas que la colère de M.
Dreyfus-Schmidt continuât longtemps.
Il faut être très précis, monsieur le sénateur : quatre heures, c'est la durée
maximale et, naturellement, la contrainte est nulle lorsque l'intéressé accepte
la visite.
M. Jacques Mahéas.
Il y a toujours le risque des mouvements d'humeur.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Combien de temps ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Rien du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quelle est la durée maximale dans ce cas ?
M. Dominique Braye.
Dix minutes, vous l'avez dit vous-même !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
On ouvre les portières du camion, on regarde, on
constate qu'il n'y a rien. C'est immédiat !
Monsieur Dreyfus-Schmidt, la durée de quatre heures est un maximum et, si le
parquet fait diligence, ce sera moins !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole et à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous enchaînons, si je puis dire !
M. le ministre de l'intérieur vient de dire que, si le parquet est diligent,
la durée d'immobilisation sera inférieure à quatre heures. Nous aurions voulu
que cela dépende non pas de la diligence du procureur - si l'on peut parler de
diligence en matière de véhicules !
(Sourires)
- mais de la loi. C'est précisément pourquoi nous présentons
un nouvel amendement de repli.
Un délai de deux heures nous paraissaient déjà très long puisque, comme vient
de le rappeler M. le ministre, la procédure ne doit durer que le temps
nécessaire à l'obtention des instructions du procureur de la République, et que
celui-ci peut être joint immédiatement par téléphone.
Le moins que l'on puisse demander dans ces conditions, c'est qu'à tout moment
le procureur de la République puisse mettre fin à l'immobilisation du
véhicule.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je tiens à préciser, parce que je ne veux pas
qu'il y ait d'ambiguïté, qu'à tout moment le procureur de la République ou son
substitut peut mettre fin à une immobilisation. C'est un pouvoir naturel du
parquet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si je comprends bien, vous donnez un avis favorable à notre amendement n° 116,
monsieur le ministre, puisque vous reprenez exactement nos termes.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Non, monsieur Dreyfus-Schmidt, n'anticipez pas
trop !
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous demandons qu'il soit précisé dans la loi : « Le conducteur et, le cas
échéant, les passagers du véhicule sont immédiatement informés de leurs droits
de prévenir à tout moment leur famille ou toute personne de leur choix. Si des
circonstances particulières l'exigent, l'officier de police judiciare prévient
lui-même la famille ou la personne choisie. »
Il nous a été répondu ce matin, en commission, que nous ne sommes pas ici en
matière de garde à vue, que c'est le véhicule qui est visité et que le
conducteur et les passagers sont libres.
Il est évident que les passagers ne sont libres que jusqu'à un certain point.
Nous avons en effet affaire à un chauffeur et à des passagers qui peuvent
refuser qu'il soit procédé à une visite sommaire du véhicule, peut-être pour de
bonnes raisons d'ailleurs !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
A ce moment-là, j'imagine que les policiers ne laisseront pas les
intéressés faire ce qu'ils veulent, notamment prendre la poudre
d'escampette.
Il est donc pour le moins normal d'autoriser les personnes qui risquent d'être
immobilisées pendant deux, quatre, voire six heures, suivant le délai qui sera
retenu, à prévenir leur patron, leur famille et leurs amis. Tel est l'objet de
notre amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12 et donner
l'avis de la commission sur les amendements n°s 114, 168, 42, 43, 115, 116 et
117.
M. Paul Masson,
rapporteur.
L'amendement n° 12 a simplement pour objet de revenir au
texte gouvernemental, tel qu'il était avant le débat de l'Assemblée nationale,
pour limiter la durée de la visite.
Quant aux amendements n°s 114, 168, 42, 43, 115, 116 et 117, ils ne manquent
pas d'intérêt !
(Sourires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Je trouve quelquefois le débat un peu long, mais, tel est le jeu des
institutions et, après tout, le règlement est fait pour tout le monde.
Tout cela serait empreint d'une saveur pittoresque si, malheureusement, il n'y
avait pas le sinistre rapport que M. le ministre a fait tout à l'heure
concernant la mort de dix-huit Sri Lankais qui ont été trouvés étouffés dans un
camion tentant de franchir clandestinement la frontière française.
M. Jean-Marie Girault.
C'est vrai !
M. Paul Masson,
rapporteur.
En regard de tels faits, il devient sinistre d'inscrire, dans
l'objet d'un amendement, que les contrôles d'identité suffisent.
Il y a eu dix-huit morts. Il s'agissait de braves gens qui, après tout, ne
faisaient que tenter leur chance vers l'Eldorado, et qui ont été transportés
dans des conditions sordides...
(Léger brouhaha sur les travées socialistes.)
Ah ! cela vous fait rire ! J'en suis navré, mon cher collègue, car cela
n'a rien de risible.
M. Claude Estier.
Absolument pas !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Alors vous ne m'écoutiez pas. C'est encore plus fâcheux !
(Rires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est moins fâcheux quand même !
M. Paul Masson,
rapporteur.
C'est moins fâcheux, je vous l'accorde, mais le fait divers
est assez triste, monsieur Estier, pour qu'on l'évoque avec une certaine
gravité et, je ne vous le cache pas, j'ai trouvé quelque peu choquant que,
pendant que j'évoquais dix-huit cadavres, il y ait des sourires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'homme qui rit dans les cimetières, c'est une vieille histoire !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je ne voudrais pas faire de l'éloquence. J'en ai dénoncé ce
matin certains inconvénients, voire certains excès. Je ne voudrais pas faire
non plus dans l'enflure, mais je voudrais que l'on observe que l'affaire est
plus sérieuse qu'il n'y paraît et que les propositions faites par le
Gouvernement ne manquent pas de fondement.
Après ces considérations générales, qui valent pour l'ensemble des
amendements, je dirai que la commission est défavorable aux amendements
identiques n°s 114 et 168.
J'en arrive aux amendements n°s 42 et 43.
Je suis très intéressé par les déjeuners ou dîners de notre collègue et ami
Michel Caldaguès.
M. Guy Allouche.
Il a de la chance !
M. Paul Masson,
rapporteur.
J'observe seulement, cher collègue et ami, que, quand vous
vous déplacez dans les ministères, vous n'êtes pas dans la bande de Schengen.
(Sourires).
C'est évidemment une objection de droit qui me paraît
incontournable, encore que je cède peut-être un peu au pittoresque.
M. Alain Gournac.
C'est le faciès !
(Sourires.)
M. Paul Masson,
rapporteur.
Vous faites état, mon cher collègue, de décisions du Conseil
constitutionnel. Je répondrai que je ne suis pas influencé par le Conseil
constitutionnel quand je présente des amendements, au nom de la commission.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je rapporte ce que la commission me demande et je m'efforce
de présenter objectivement les choses, sans référence au Conseil
constitutionnel. J'observe d'ailleurs parfois une certaine dérive ou certaines
incohérences de sa part, mais je ne me permets pas de critiquer quoi que ce
soit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La loi l'interdit.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Les deux décisions du Conseil constitutionnel qui ont trait
aux véhicules particuliers n'ont jamais, contrairement à une fiction qui est
évoquée ici ou là, avancé la notion de domicile privé. L'une, celle de 1977, se
réfère à des objectifs trop généraux pour pouvoir être délégués à des officiers
de police judiciaire - il n'y était pas question de domicile privé - l'autre,
celle de 1995, se réfère à des dispositions d'ordre public qui n'ont rien à
voir avec le domicile privé.
Evacuons donc cette fiction qui voudrait que le Conseil constitutionnel
considère que le véhicule est un domicile privé. Je ne sais pas s'il le dira un
jour, ce n'est pas mon affaire. En tout cas, ce n'est pas pour cette raison que
j'ai émis un avis défavorable à l'encontre de l'amendement n° 42.
Dans la bande de Schengen, est donnée la capacité de vérifier les identités à
tout moment, sans aucune des contraintes qui pèsent sur les contrôles
d'identité ailleurs.
Autant cette disposition n'est pas suffisante pour un camion qui transporte
une cargaison, des sacs ou des paquets, autant, s'agissant d'un véhicule privé,
elle me paraît de nature à permettre que le véhicule ne contient pas
d'occupants cachés.
L'amendement n° 43 a, lui, pour objet de porter de quatre heures à six heures
la durée maximale d'immobilisation du véhicule pour obtenir des instructions du
procureur si le conducteur refuse la visite. Certains proposent de la ramener à
deux heures.
Je ne voudrais pas que l'on taxe la commission de normande pour s'en être
tenue à quatre heures.
(Sourires.)
Si nous nous arrêtons à ce délai de quatre heures, c'est
qu'il est déjà pratiqué pour les contrôles d'identité. Nous recherchons une
certaine homogénéité dans les dispositifs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas la même chose !
M. Paul Masson,
rapporteur.
En effet.
Je voudrais, mes chers collègues, que vous compreniez bien la procédure.
Des officiers de police judiciaire arrêtent un véhicule et demandent au
conducteur l'autorisation de visiter celui-ci. S'il donne son accord, la visite
est instantanée. Il ne s'agit pas d'une fouille. Je fouille dans ma poche. Ma
femme fouille dans son coffre à bijoux. En l'occurrence, il s'agit d'une visite
sommaire. Donc, les officiers de police judiciaire visitent le véhicule,
constatent qu'il n'y a rien d'anormal, et le véhicule repart.
En revanche, si le conducteur n'autorise pas la visite de son véhicule -
peut-être a-t-il de bons ou plutôt de mauvais motifs de ne pas donner son
accord - les officiers de police judiciaire demandent des instructions au
parquet. Il n'est pas question de demander au procureur de la République ou au
substitut de se rendre sur place pour vérifier les conditions dans lesquelles
s'opère la visite. Non, les officiers de police judiciaire cherchent le
procureur pour lui demander des instructions. Le délai de quatre heures,
pense-t-on, permettra de le trouver.
Bien évidemment, dès qu'on l'aura trouvé, il donnera ses instructions et la
vérification s'opérera normalement sans que sa présence soit nécessaire. Tel
est le mécanisme : il est clair et simple.
En conséquence, tous les amendements qui ont été proposés, à l'exception bien
évidemment de celui de la commission, recueillent un avis défavorable de la
commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Bien évidemment, le Gouvernement est défavorable
aux amendements n°s 114 et 168.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 42, je suis désolé d'être en opposition
avec M. Caldaguès. Je ne raisonnerai pas par référence aux deux décisions du
Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977 et du 18 janvier 1995. Le Conseil a
raisonné comme si les voitures particulières constituaient des sphères privées
pouvant être assimilées à des domiciles...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, non ! C'est le contraire, M. le rapporteur vient de nous dire que ce
n'est pas du tout cela !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je dis : « il a raisonné comme si ». Mais je
n'argumenterai pas sur les décisions du Conseil constitutionnel.
Mon objectif est le démantèlement des filières qui utilisent des camions dans
lesquels se dissimulent des étrangers. J'ai donné un exemple dramatique, je
pourrais en donner un certain nombre d'autres. Je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de prévoir la visite des voitures particulières, car l'article 78-2,
quatrième alinéa, du code de procédure pénale prévoit déjà, dans la bande des
vingt kilomètres, une possibilité de contrôle d'identité indépendamment des cas
de droit commun.
L'amendement de M. Caldaguès, dont je comprends la peéoccupation, me semble
donc inutile et j'y suis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 43.
Le Gouvernement avait, certes, prévu dans son texte initial une durée maximale
de six heures, mais il s'est rangé à l'avis de l'Assemblée nationale pour
ramener cette durée à quatre heures. Je souhaiterais qu'on en reste là. En
effet, c'est la durée qui est prévue dans d'autres circonstances par l'article
78-3 du code de procédure pénale. Il est bon de ménager une certaine
harmonisation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Il est également défavorable aux amendements n°s 115 et 116.
Sur l'amendement n° 116, j'ai dit qu'il allait de soi que le procureur de la
République pouvait mettre fin à tout moment à l'immobilisation du véhicule.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 117 car, en l'occurrence, il
ne s'agit pas d'une garde à vue, il n'y a pas retenue de personne.
Enfin, il est favorable à l'amendement n° 12.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 114 et 168.
M. Lucien Lanier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
J'ai écouté tout à l'heure M. Fischer, qui exposait avec sincérité sa crainte
de voir attenter à la liberté de circulation et, à un certain moment, je me
suis même demandé s'il n'avait pas raison.
Je voterai cependant contre ces amendements n°s 114 et 168 parce que, après
avoir entendu M. le rapporteur évoquer l'affaire des Sri Lankais je pourrais
demander à M. Fischer où se trouvent, dans ce cas, les atteintes à la liberté
de vivre ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 114 et 168, repoussés par la
commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je n'ai absolument pas été convaincu par les arguments de M. le rapporteur ni
par ceux de M. le ministre tendant à établir une distinction entre les
véhicules utilitaires et les véhicules particuliers.
Les frontières terrestres constituent un moyen de passage clandestin connu de
tous et elles peuvent être utilisées comme telles aussi bien par des voitures
particulières que par des véhicules utilitaires. Par ailleurs, contrôle
d'identité ne veut pas dire visite sous peine de sanctions par les
tribunaux.
Enfin, je ne vais pas discuter éternellement, mais, monsieur le rapporteur,
monsieur le ministre, vous ne m'avez pas convaincu.
J'ajouterai que, jusqu'à maintenant, aucun amendement déposé par la majorité
n'a réussi à se frayer un chemin, et j'en suis profondément choqué.
M. Jean-Jacques Hyest.
Attendez, ce n'est pas fini !
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'ai écouté avec une extrême attention les explications données à la fois par
M. le rapporteur et par M. le ministre pour justifier l'avis défavorable qu'ils
donnaient sur l'amendement n° 42.
Je ne suis pas cosignataire de cet amendement, mais j'en approuve les termes
et je m'apprête à le voter pour deux raisons essentielles.
La première a été plutôt renforcée par la référence que M. le rapporteur et M.
le ministre ont faite à ces malheureux qui ont été victimes d'un transport dans
un véhicule entrant dans la catégorie qui devrait faire désormais l'objet de
contrôles.
En effet, qui vous permet d'affirmer aujourd'hui que la situation dramatique
qui a été vécue par ces hommes ne concernera pas un jour une ou deux personnes
dans un véhicule particulier ? Personne ne peut dire ici qu'on ne peut
transporter un ou deux individus dans un coffre de voiture.
Il y a, hélas, des exemples d'enfants, sinon d'adultes, transportés sur le
territoire national dans des coffres de voitures avec des résultats identiques
; et il s'agissait de jeunes de nationalité française. Qu'en serait-il si l'on
constatait de tels faits concernant des jeunes de nationalité étrangère ?
Il me semble que cet argument plaide en faveur de l'amendement de M.
Caldaguès, et j'ai bien noté que l'avis défavorable du Gouvernement et de la
commission sur cet amendement n'était pas lié à un problème constitutionnel.
J'en viens à la deuxième raison pour laquelle je voterai l'amendement n°
42.
Comment allez-vous expliquer à nos concitoyens que l'on va contrôler des
véhicules parce qu'ils ont une capacité leur permettant de transporter un
nombre important d'adultes et qu'on n'autorisera pas de tels contrôles sur des
véhicules particuliers au motif qu'il s'agit de véhicules aux dimensions plus
modestes ? En multipliant les passages de véhicules particuliers tout au long
de l'année, on peut faire passer au moins autant d'étrangers qu'avec un seul
véhicule utilitaire. Je pense donc que, au nom du bon sens, nos concitoyens
seront majoritairement derrière nous si nous adoptons l'amendement présenté par
M. Caldaguès.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Soyez assurés, monsieur Caldaguès, monsieur
Vasselle que les dispositions que j'ai voulu voir figurer dans ce projet de loi
ne sont pas inspirées de quelconques théories. Ce projet intervient alors que
j'occupe depuis vingt mois les fonctions qui sont les miennes. Durant ces vingt
mois, vous le savez, j'ai placé la lutte contre les filières d'immigration
irrégulière et contre le travail clandestin au coeur de mon action.
Je vous le dis en toute franchise, je voudrais qu'on limite ce projet de loi
aux mesures strictement nécessaires. Or je suis convaincu que, sur un plan
purement pratique, cet amendement n'est pas porteur de valeur ajoutée pour les
forces de police ou de gendarmerie.
Par conséquent, je souhaite qu'on en reste au dispositif que j'ai imaginé et
qui, lui, est efficace.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je suis navré de la tournure que prend le débat à propos de
l'amendement n° 42, présenté par notre collègue et ami M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Et plusieurs de ses collègues !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Effectivement !
Nous avons déjà pu constater à quel point est délicate la matière dans
laquelle nous sommes appelés à légiférer. Et ce n'est pas fini ! Nous devons
naviguer, dans des conditions parfois hasardeuses, entre des extrêmes. Nous
nous heurtons à des difficultés à la fois juridiques et techniques mais aussi à
des réactions passionnelles.
Vous dites, monsieur Caldaguès, que vous êtes choqué parce que la majorité n'a
pas, jusqu'à présent, été honorée d'un avis favorable sur l'un de ses
amendements. Mais comprenez que le rapporteur de la commission des lois ne peut
se prononcer qu'en fonction de critères aussi objectifs que possible. J'ai
peut-être été maladroit dans la présentation de l'avis de la commission sur
votre amendement. Si c'était le cas, je vous demande de bien vouloir m'en
excuser.
M. Michel Caldaguès.
C'est bien le dernier des reproches que je vous ferai !
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je m'efforce de m'en tenir à la position qui me paraît être
la position moyenne dans une affaire qui, je l'ai dit plusieurs fois, ouvre des
voies nouvelles dans le droit français.
Si le Gouvernement n'a pas demandé l'urgence sur ce texte, c'est précisément
parce qu'il veut, tout naturellement, ajuster sa position en fonction des
commentaires qui sont faits ici ou là. Mon cher collègue, votre commentaire est
noté et, comme il n'y a pas conformité entre le texte adopté par l'Assemblée
nationale et celui que le Sénat va adopter, il y aura une navette. Vous aurez
la possibilité de faire valoir à nouveau votre argumentation, et il n'est pas
définitivement exclu que votre proposition puisse être retenue.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'ai vivement déploré et je continue à déplorer qu'il ne soit pas possible à
la majorité de faire passer un seul de ses amendements sur ce texte, confrontée
qu'elle est à un véritable feu roulant d'avis défavorables qui élimine tous les
amendements qui ont été présentés.
J'ai fait le geste de retirer quelques-uns de mes amendements pour faciliter
la tâche du rapporteur et celle de la Haute Assemblée tout entière. Je ne me
plaindrai pas de ne pas en avoir été récompensé, mais, je tiens à le signaler
au passage.
Ce n'est pas sur l'amendement n° 43 que je vais recouvrer la moindre chance de
faire prévaloir mon point de vue, non pas seulement parce que le Gouvernement
et la commission y sont hostiles mais parce que je n'ai pas du tout l'intention
d'être plus royaliste que le roi.
Monsieur le ministre, vous avez présenté un texte dans lequel figurait un
délai de six heures. J'en ai conclu que ce délai vous paraissait nécessaire et
c'est la raison pour laquelle j'ai entrepris de rétablir votre texte.
M. Guy Allouche.
Il voulait vous faire plaisir, monsieur le ministre !
M. Michel Caldaguès.
Mais, monsieur le ministre, vous n'avez pas une obligation de moyen, vous avez
une obligation de résultat. Dès lors, si le maintien du texte de l'Assemblée
nationale vous paraît suffisant pour nous garantir les résultats que nous
attendons de votre politique, je n'ai aucune raison de maintenir cet
amendement. C'est ce que j'appelle ne pas être plus royaliste que le roi.
M. le président.
L'amendement n° 43 est retiré.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je souhaite remercier très sincèrement M.
Caldaguès.
Oui, j'ai une obligation de résultat et, depuis vingt mois, je me bats pour
que les résultats obtenus par les fonctionnaires du ministère de l'intérieur
dans les domaines de la lutte contre l'immigration irrégulière et de la lutte
contre le travail clandestin soient bons. Vous le savez, ces résultats sont
déjà bons.
C'est pourquoi je peux affirmer que quatre heures suffisent.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 115.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si nous devions nous plaindre parce que aucun amendement de l'opposition n'est
accepté, cela nous arriverait bien souvent ! Cela dit, je peux rassurer M.
Caldaguès : en commission, nous avons eu l'impression que nombre d'amendements
de la majorité étaient retenus. Peut-être ne s'agissait-il pas d'amendements de
M. Caldaguès, mais c'était tout de même des amendements émanant de la
majorité.
Mais revenons à un sujet plus sérieux et à cette affaire concernant des Sri
Lankais que vous avez évoquée, monsieur le ministre. Nous avons compris que
vous cherchiez surtout à éviter des drames pour les irréguliers, et nous sommes
unanimes à vouloir le faire. Cependant, nous sommes surpris que ce drame nous
ait échappé. M. le rapporteur, qui ne nous en avait pas parlé en commission,
l'a également évoqué. Nous nous permettons donc de vous demander quand s'est
produit cet affreux fait divers, en nous étonnant que, semble-t-il, la presse
n'en ait pas fait état.
(Mais si ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Rufin.
C'était dans tous les journaux !
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de
vous interrompre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Je n'aime guère raisonner à partir de cas
particuliers et je ne suis pas porté à étaler devant la représentation
nationale ou devant les médias des faits dramatiques.
Je peux simplement vous dire que ces faits se sont déroulés au mois d'octobre
1996. J'en ai été informé immédiatement par mes services. Si les médias n'en
ont pas parlé, ce n'est pas de ma responsabilité. En tout cas, vous ne me
verrez jamais utiliser la misère des gens devant les caméras de la
télévision.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Belle leçon !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Peut-être
pourrez-vous nous dire aussi comment on s'est rendu compte de ce qui se passait
et dans quelles conditions le camion dont il s'agit a pu être visité
sommairement. Cela permettrait de vérifier si, comme nous le pensons, on a déjà
les moyens de savoir ce qu'il y a dans un camion qui roule dans l'est de la
France.
Pour le reste, je n'insiste pas, car je ne voudrais pas que notre collègue
Jean-Jacques Hyest nous accuse de « jouer ». Nous continuons d'estimer que le
téléphone portatif, d'une part, et le fax, qui peut être lui aussi portatif,
d'autre part, permettent d'avoir des instructions du procureur de la République
en beaucoup moins de quatre heures.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 115, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 116, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 8-2 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 8-3 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, je
suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 169, M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite, et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte
présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-3 dans l'ordonnance du 2
novembre 1945.
Par amendement n° 7 rectifié, M. Hyest et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté
par l'article 3 pour l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945 :
« Les empreintes digitales des ressortissants étrangers en situation
irrégulière en France ou qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du
territoire français peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un
traitement automatisé. »
Par amendement n° 118, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga,
MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durieu, MM. Mahéas,
Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
:
« Les empreintes digitales des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un
titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 de la même ordonnance
peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé
dans le respect des règles fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Par amendement n° 13, M. Masson, au nom de la commission des lois, proposent
de rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte présenté par
l'article 3 pour insérer un article 8-3 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« Les empreintes digitales des ressortissants étrangers qui sollicitent la
délivrance d'un titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6
peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé
dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 59, présenté par M.
Diligent et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 13, après les
mots : « ressortissants étrangers », à insérer les mots : « , non
ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, ».
Par amendement n° 14, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté par l'article 3 pour
insérer un article 8-3 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux
conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« En vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas présenté à l'autorité
administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de
l'une des mesures prévues au premier alinéa de l'article 27 ou qui, à défaut de
ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les
données du fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de
l'intérieur et du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs
du statut de réfugié peuvent être consultées. Cet accès est réservé aux
officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de
ceux-ci, aux agents de police judiciaire et agents de police judiciaire
adjoints mentionnés aux articles 20 et 21, 1°, du code de procédure pénale des
services compétents du ministère de l'intérieur. Cette consultation est
effectuée dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Par amendement n° 50, le Gouvernement propose, dans le second alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour insérer un article 8-3 dans l'ordonnance du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France, après les mots : « par les services », d'insérer les mots : «
expressément habilités ».
La parole est à M. Pagès, pour défendre l'amendement n° 169.
M. Robert Pagès.
Nous avons demandé tout à l'heure la suppression des articles 8-1 et 8-2 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945. Fidèles à cette logique, nous demandons, par
cet amendement de repli, la suppression de l'article 8-3 de ladite ordonnance,
inséré par nos collègues députés.
Ce nouvel article instaure en effet un relevé systématique des empreintes
digitales des étrangers qui pénètrent sur le sol de France. Or nous avons déjà
eu l'occasion de dénoncer les enjeux d'une telle mesure, dont la conséquence
sera nécessairement la constitution d'un gigantesque fichier informatique, ce
qui pourrait, je le répète, nous rappeler les heures sombres de notre
histoire.
On nous a certes rétorqué que, dans d'autres circonstances on relevait les
empreintes digitales de citoyens français, mais vous conviendrez, mes chers
collègues, qu'il s'agit de cas tout à fait différents.
Nous maintenons donc notre proposition de suppression de l'article 8-3 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ces dispositions concernant le relevé des empreintes digitales ne figuraient
pas dans la rédaction initiale du projet de loi. Certes, on s'interroge depuis
longtemps à ce sujet, car il se peut que des gens utilisent plusieurs documents
d'identité, et, dans ce cas, le relevé d'empreintes digitales paraît bien
entendu constituer une sécurité en matière de contrôle.
Pour ma part, je trouve que cette pratique, qui concerne déjà actuellement les
demandeurs d'asile ou de titre de séjour, ainsi que les étrangers en situation
irrégulière, lesquels font cependant déjà l'objet d'une identification dans
d'autres fichiers, est tout à fait normale.
Toutefois, l'application généralisée de cette disposition poserait à
l'évidence des problèmes insolubles, parce qu'il est indiqué qu'elle visera «
tous ceux qui veulent séjourner en France », par exemple les touristes, soit 80
millions de personnes chaque année.
Je me rallierai bien entendu à la position de la commission ; il est
impossible, techniquement et politiquement, vis-à-vis notamment d'un certain
nombre de pays étrangers, de mettre en place ce dispositif. Si l'on se bornait
à relever les empreintes digitales des étrangers en situation irrégulière et de
ceux qui demandent un titre de séjour, je n'élèverais bien sûr pas
d'objection.
Par conséquent, il convient de limiter la portée du texte, et c'est pour cette
raison que nous avons déposé cet amendement visant à restreindre strictement le
champ d'application de ces dispositions aux étrangers qui se trouvent en
situation irrégulière.
M. le président.
La parole est à M. Allouche, pour présenter l'amendement n° 118.
M. Guy Allouche.
Par cet amendement, nous entendons montrer que nous ne sommes pas opposés au
relevé dactyloscopique. Dois-je rappeler à la Haute Assemblée que c'est le
Gouvernement de Michel Rocard qui a proposé un relevé dactyloscopique pour les
demandeurs d'asile ?
Cependant - et je rejoins ainsi quelque peu les propos tenus à l'instant par
M. Hyest - il n'est pas possible d'imposer dès leur arrivée sur notre sol aux
millions d'étrangers qui viennent chaque année en France un relevé de leurs
empreintes digitales. Ce n'est pas raisonnable.
En revanche, nous proposons, comme l'indique le texte de notre amendement, que
les empreintes digitales des étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre
de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 de l'ordonnance puissent
être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans le
respect des règles fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je souhaiterais rectifier l'amendement n° 13 pour intégrer la
précision apportée par le sous-amendement n° 59 de M. Diligent, relative aux
étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Masson, au nom
de la commission des lois, et tendant à rédiger ainsi la première phrase du
premier alinéa du texte proposé par l'article 3 pour insérer un article 8-3
dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour des étrangers en France :
« Les empreintes digitales des ressortissants étrangers, non ressortissants
d'un Etat membre de l'Union européenne, qui sollicitent la délivrance d'un
titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 peuvent être
relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les
conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Il s'agit d'une matière éminemment difficile qui concerne,
d'une part, le relevé d'empreintes digitales et, d'autre part, l'accès à des
fichiers, et nous ferons tout à l'heure référence, implicitement ou
explicitement, à celui de l'OFPRA.
Je ne prétends pas que, dans leur rédaction actuelle, les amendements n°s 13
et 14 de la commission soient définitifs et parfaits. Je demande donc
l'indulgence de la Haute Assemblée pour que nous puissions, s'il y a lieu, les
perfectionner grâce à la navette.
En l'état actuel des choses, l'amendement n° 13 rectifié de la commission a
pour objet, et je rejoins en partie ici les préoccupations exprimées par M.
Hyest, ainsi que par M. Allouche, de réserver le relevé des empreintes
digitales aux étrangers qui demandent la délivrance d'un titre de séjour, à
ceux qui se trouvent en situation irrégulière - nous sommes là en cohérence
avec l'amendement n° 7 rectifié de M. Hyest - et aux étrangers qui font l'objet
d'une mesure d'éloignement.
Tel est l'objet de l'amendement n° 13 rectifié de la commission. Son champ
d'application est donc moins large que celui du texte de l'Assemblée nationale,
et il présente, me semble-t-il, un certain nombre d'avantages par rapport à
celui-ci.
La rédaction qu'il propose est ainsi plus réaliste, car le relevé éventuel
d'empreintes digitales ne concernera que des étrangers installés en France
depuis trois mois et qui souhaitent y demeurer plus longtemps, par le biais de
la demande d'un titre de séjour. Il sera donc effectué non pas dans les
consulats, mais en France, dans les préfectures, qui sont déjà équipées pour
enregistrer les empreintes destinées au fichier de l'OFPRA. Cela permettra de
réaliser une économie de moyens.
Cette rédaction exclut également l'application de la mesure aux simples
touristes, ce qui répond à une objection que j'ai entendue sur toutes les
travées, et elle évite la mise en place d'un système de relevés d'empreintes
dans les consulats.
Le dispositif sera donc techniquement plus facile à mettre en oeuvre, et moins
onéreux.
La rédaction évite enfin la référence à la notion de visa.
En effet, vous savez, mes chers collègues, que la liste des pays dont les
ressortissants sont tenus d'obtenir un visa pour entrer en France est
fluctuante : le jeu des circonstances et de l'actualité peut la faire
évoluer.
Par ailleurs, deux listes de visas différentes existent, d'une part celle des
Etat membres de l'Union européenne, d'autre part celle des pays signataires de
l'accord de Schengen. Tout cela est un peu flou, et c'est pourquoi cet
amendement me semble apporter une amélioration par rapport au texte de
l'Assemblée nationale, parce qu'il est plus ciblé, plus économe de moyens, et
qu'il resserre le champ d'application, ce qui me paraît essentiel sur un tel
sujet.
M. le président.
Le sous-amendement n° 59 est-il soutenu ?...
Je vous redonne la parole, monsieur le rapporteur, pour présenter l'amendement
n° 14.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Cet amendement très important tend à rédiger le second alinéa
du texte proposé par l'article 3. Il diffère très sensiblement du texte de
l'Assemblée nationale, et ce sur un point essentiel, dans une perspective
différente de celle de l'amendement n° 50 du Gouvernement. Mais c'est le devoir
du rapporteur et le rôle de la commission que de faire des suggestions, et le
Parlement est, à cet égard, libre.
Cet amendement a également pour objet de resserrer le dispositif, c'est-à-dire
d'encadrer la consultation des fichiers, pour le présent et pour l'avenir.
En premier lieu, il tend à définir la finalité de la consultation des
fichiers, par référence à l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui
concerne le refus de l'étranger de contribuer à son identification en vue de
son éloignement. L'étranger refuse alors de décliner son identité, ce qui est
le cas, nous l'avons vu, de 90 % de ceux qui sont visés par nos mesures : ils
ont détruit ou ils cachent leur passeport, et refusent de dire leur nom et de
dévoiler leur nationalité.
Dans ce cas, les fichiers sont interrogés : des éléments concernant cet
étranger y figurent-ils ?
Tel est l'objet, très précis, comme vous le voyez, de cette rédaction. On
consulte le fichier non pas pour faire n'importe quoi, mais parce que
l'étranger refuse de décliner son identité. On cherche donc ailleurs des
renseignements. Cela me paraît légitime, nullement exorbitant du droit des gens
et tout à fait compatible avec l'objectif normal de faire en sorte que la loi
concernant l'entrée sur le territoire soit respectée.
En deuxième lieu, l'amendement désigne les deux fichiers dont la consultation
est autorisée.
En troisième lieu, l'amendement précise que seuls les officiers de police
judiciaire, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire
adjoints des services compétents ont accès aux fichiers pour mettre en oeuvre
les mesures d'éloignement.
Enfin, l'amendement confirme l'intervention de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, la CNIL.
Pourquoi, me direz-vous, faut-il voter une loi pour chercher à atteindre ces
objectifs ? Parce qu'il existe déjà une loi qui précise que le fichier de
l'OFPRA est protégé. Par conséquent, ce qu'une loi a fait, seule une autre loi
peut le modifier, un décret ou un texte réglementaire ne suffit pas.
Or cette intervention du législateur, lorsqu'elle est nécessaire, doit se
faire en connaissance de cause. A cet égard, il n'existe pas de blanc-seing
pour l'avenir. Toutefois, je précise, et cela est important pour le
Gouvernement, que cette intervention n'est pas systématiquement nécessaire.
Tout dépend de la nature des choses, sous réserve, bien entendu, de l'avis de
la CNIL. En effet, des fichiers peuvent, nous le savons, être créés soit par
arrêté, soit par décret, et l'accès aux uns et aux autres peut être prévu, s'il
est conforme à la finalité des fichiers. Aussi n'est-il pas généralement
nécessaire, lors de la création d'un fichier, de recourir à la loi : le décret
suffit avec l'avis de la CNIL ; il existe des précédents.
En l'occurrence, nous recourons à la loi uniquement à cause de l'OFPRA. Je ne
sais si j'ai été clair, mais l'amendement, tel que la commission le propose, me
paraît de nature à satisfaire le légitime souci du Gouvernement qui a une
obligation de résultat tout en respectant les principes de la Constitution et
les finalités particulières de chacun des fichiers actuellement protégés.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 50 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 169, 7 rectifié, 118, 13
rectifié et 14.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, je souhaite formuler au
préalable quatre remarques sur l'article 8-3 de l'ordonnance du 2 novembre
1945.
Première remarque, le relevé d'empreintes des étrangers qui demandent un titre
de séjour n'est guère différent de l'obligation faite aux Français de donner
leurs empreintes lorsqu'ils demandent une carte nationale d'identité.
Deuxième remarque, le relevé d'empreintes est un gage de réussite des
éloignements décidés par l'administration en application de la loi.
Troisième remarque, s'agissant des références étrangères, les travaux de
l'Union européenne sont engagés sur un fichier des empreintes des demandeurs
d'asile pour éviter les fraudes et les demandes multiples. J'ajouterai que les
relevés d'empreintes sont déjà prévus par des législations étrangères - en
Allemagne, en Suède, en Finlande, en Suisse et au Portugal, pour ne citer que
ces exemples - notamment dans les circonstances qui sont consécutives à
l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière. En effet, nous avons
tous - Français, Allemands, Suédois, Finlandais, Suisses, Portugais - le même
problème, à savoir l'identification des étrangers en situation irrégulière, qui
font tout pour mettre en échec leur éloignement, à commencer par organiser
systématiquement leur clandestinité.
Enfin, quatrième remarque, le relevé d'empreintes sera, comme pour la carte
d'identité, un moyen efficace pour lutter contre la fraude et contre les
trafics de cartes de séjour.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 169, 7
rectifié et 118.
S'agissant de l'amendement n° 13 rectifié et du sous-amendement n° 59, la
proposition présentée par M. Hyest rejoint celle de la commission. Je conviens
qu'il est prématuré de prévoir un relevé d'empreintes au stade de la délivrance
des visas. En conséquence, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 13
rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 59.
J'en viens à l'amendement n° 14. L'objet du deuxième alinéa de l'article 8-3
est de permettre l'accès des services de police et du service des étrangers
dans les préfectures au fichier de dactyloscopie de l'OFPRA et au fichier de
l'identité judiciaire.
Monsieur Masson, nous sommes d'accord sur l'objectif, qui s'impose en effet
dans la pratique. La rédaction de M. le rapporteur, comme le texte voté par
l'Assemblée nationale, permet d'accéder aux deux fichiers. Toutefois, il existe
des différences.
M. le rapporteur se réfère à la consultation par les officiers de police
judiciaire et, sous leur responsabilité, par les agents de police judiciaire et
par les agents de police judiciaire adjoints. Or, il semble bien que cette
qualification judiciaire n'ait pas de justification dans la police
administrative qu'est la police des étrangers. Elle n'offre, en fait, pas plus
de garantie que la rédaction de l'Assemblée nationale.
Les personnes qui accéderont au fichier seront nécessairement habilitées dans
les conditions fixées par l'acte réglementaire qui sera soumis à la CNIL. On y
trouvera naturellement des fonctionnaires de la DICCILEC, du bureau des
étrangers dans les préfectures, qui, au demeurant, ne sont pas des agents de
police judiciaire. On y trouvera aussi des fonctionnaires de sécurité publique
dans les commissariats, le cas échéant, mais avec des garanties de procédure et
d'habilitation. La mention de ces habilitations fait l'objet d'un amendement du
Gouvernement pour lever toute ambiguïté.
Toutefois, la différence fondamentale de rédaction tient à un troisième fait
qui consiste, pour M. le rapporteur, à énumérer les deux fichiers visés par
l'autorisation législative, tandis que la rédaction votée par l'Assemblée
nationale est plus générale puisqu'elle couvre tout fichier existant ou à créer
comportant des empreintes digitales d'étrangers.
Il me paraît préférable de fixer un principe général, selon lequel les
empreintes d'étrangers recueillies par les autorités publiques peuvent servir à
l'identification d'étrangers en situation irrégulière dans quelque fichier
qu'elles se trouvent.
M. le rapporteur reproche à la rédaction de l'Assemblée nationale d'établir
une sorte de blanc-seing du législateur pour que les fichiers d'empreintes
servent à l'éloignement d'étrangers en situation irrégulière. Je crois que le
rôle d'une loi est pourtant d'établir des principes généraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la question est en fait de savoir si, oui
ou non, le problème de l'identification des étrangers en situation irrégulière
est important, voire décisif. A l'évidence, tout le monde répond oui, du moins
sur certaines travées de cette assemblée.
Rappelons que l'identification est l'élément déterminant, je dis bien «
déterminant », pour la réussite d'une éloignement. Au surplus, il faut aller
très vite compte tenu des délais de rétention exceptionnellement courts.
Autrement dit, le législateur doit fixer le principe, comme l'a proposé
l'Assemblée nationale, et les actes réglementaires devront, pour l'application
de ce principe, se conformer aux principes généraux du droit et respecter les
libertés individuelles, ce que la consultation de la CNIL, dans le cadre de la
loi du 6 janvier 1978, garantira en tout état de cause, pour les fichiers
existants comme pour les fichiers à venir.
Je conviens cependant que l'essentiel est bien de traiter les cas actuels et
de ménager un accès aux fichiers existants. Telles sont les précisions que je
souhaitais vous apporter, monsieur le rapporteur.
Par conséquent, nous sommes, naturellement, dans la même philosophie et je
partage, ô combien ! votre souci de lutter contre l'immigration irrégulière.
Toutefois, vous le constatez, la rédaction n'est pas tout à fait la même. C'est
la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat, mais vous voyez
bien quel est mon souci et mon problème. Je voudrais que vous ayez présent à
l'esprit ce que je viens de vous dire lorsqu'il s'agira de voter.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur. Pourriez-vous profiter de l'occasion,
monsieur le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'ensemble des
amendements, à l'exception, bien sûr, de l'amendement qu'elle a elle-même
déposé.
M. Paul Masson,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n°
169.
J'en viens à l'amendement n° 7 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Hyest, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest.
Les disposittions proposées par la commission des lois me conviennent
parfaitement puisqu'elles ne visent pas à généraliser la prise d'empreintes
digitales. Je considère que l'amendement que les membres de mon groupe et
moi-même avions déposé est satisfait. Aussi, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n°
118.
Reste l'amendement n° 50. Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous remercie
de laisser l'assemblée délibérer dans sa sagesse. Il est toujours désagréable
pour une majorité d'avoir à choisir entre le rapporteur et le ministre, et j'ai
été suffisamment souvent dans cette situation pour apprécier la façon dont vous
mettez ainsi le rapporteur à l'aise.
Cet amendement n° 50 est tout à fait pertinent et la rédaction proposée par le
Gouvernement est meilleure que celle qui est présentée par la commission.
Aussi, je rectifie l'amendement n° 14 en remplaçant les mots : « aux officiers
de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, aux
agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés
aux articles 20 et 21, 1°, du code de procédure pénale » par les mots : « aux
agents expressément habilités ».
M. le président.
Je suis donc saisi, par M. Masson, au nom de la commission, d'un amendement n°
14 rectifié, et tendant à rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé
par l'article 3 pour insérer un article 8-3 dans l'ordonnance du 2 novembre
1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France :
« En vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas présenté à l'autorité
administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution de
l'une des mesures prévues au premier alinéa de l'article 27 ou qui, à défaut de
ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les
données du fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de
l'intérieur et du fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs
du statut de réfugié peuvent être consultées. Cet accès est réservé aux agents
expressément habilités des services compétents du ministère de l'intérieur.
Cette consultation est effectuée dans les conditions fixées par la loi n° 78-17
du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Paul Masson,
rapporteur.
Il reste un point sur lequel nous divergeons, monsieur le
ministre.
J'ai compris que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat et je suis
attentif à vos objections concernant cette description détaillée des fichiers
que l'administration peut consulter.
En l'état actuel du débat, je ne peux pas en dire plus, puisque la navette
interviendra.
Je demande donc à la Haute Assemblée de bien vouloir adopter l'amendement n°
14 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 rectifié ?
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le rapporteur, je suis favorable à la
nouvelle rédaction proposée pour l'avant-dernière phrase de cet amendement : «
Cet accès est réservé aux agents expressément habilités des services compétents
du ministère de l'intérieur. »
Il n'en reste pas moins vrai, monsieur le rapporteur, que la rédaction de
l'amendement n° 14 rectifié, visant les deux fichiers, et celle de l'amendement
n° 50 ne sont pas identiques. Je m'en remets donc à la sagesse de la Haute
Assemblée sur l'amendement n° 14 rectifié, tout en préférant naturellement ma
rédaction, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas la vôtre !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 169.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je voudrais surtout poser les questions qui nous préoccupent. Nous avions
demandé, c'est vrai, la suppression de l'ensemble de l'article 3. Puis, comme
M. Allouche l'a dit, nous avons déposé un amendement acceptant le principe du
relevé des empreintes digitales.
En vérité, voilà un texte proposé pour l'article 8-3 qui est nouveau puisqu'il
a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative de certains des
parlementaires les moins modérés.
M. Jean-Louis Debré,
ministre de l'intérieur.
Ce sont les parlementaires de la nation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me demande surtout pourquoi cette proposition est formulée maintenant.
C'est l'oeuf de Colomb ! Nous sommes tous d'accord pour lutter contre
l'immigration irrégulière et le terrorisme, étant entendu que celui-ci est
évidemment bien pis. Or, alors que de nombreuses lois contre le terrorisme ont
été adoptées en 1988, en 1993 et voilà encore quelques mois, jamais cette
disposition n'a été proposée ! Nous nous demandons bien pourquoi !
En outre, si cette disposition est véritablement si judicieuse, pourquoi les
pays de l'Union européenne ne se mettraient-ils pas d'accord pour que les
empreintes digitales de tout le monde, y compris de leurs ressortissants,
soient relevées ? On me dira que, en France, ces empreintes sont prises lors de
l'établissement d'une carte d'identité. Mais le port d'une telle carte
d'identité n'est pas obligatoire !
Par conséquent, il y a nombre de Français - et Dieu sait qu'il y a
malheureusement des terroristes parmi eux ! - dont les empreintes digitales
n'ont pas été relevées.
Et je sais bien que des malheureux, qui risquent leur vie pour venir en
France, non pas pour commettre des attentats, mais simplement parce qu'ils
veulent vivre - vous nous l'avez expliqué de manière imagée tout à l'heure -
n'hésitent pas à détruire leurs papiers. On risque bien d'en voir qui
n'hésiteront pas à se couper le doigt !
(Sourires sur certaines travées du
RPR.)
Ce n'est pas drôle !
M. Alain Gournac.
Il ne faut quand même pas exagérer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela arrive !
Pourquoi, après tout, ne pas aller plus loin et prendre les empreintes
génétiques de tout le monde ? Le système proposé pose de nombreuses et graves
questions, qui devront faire l'objet d'examens attentifs au cours de la
navette.
Il faudra, si vous le voulez bien, répondre à ces questions que je pose. Si ce
système est aussi simple, pourquoi ne l'avons-nous pas adopté depuis longtemps
? N'allons-nous pas laisser de côté nombre de gens qui sont beaucoup plus
dangereux que de pauvres hères qui aspirent seulement à venir vivre et
travailler dans notre pays ?
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Bêtement, j'avais, en arrivant ici, un espoir fondé sur le fait que le projet
de loi initial n'évoquait pas la prise systématique des empreintes digitales.
J'espérais donc que le Sénat allait gommer l'ajout de l'Assemblée nationale.
Or, tel n'est pas le cas ! Nous apportons simplement quelques modifications.
Il apparaît en effet impossible de prendre quatre-vingts millions d'empreintes
digitales !
M. le ministre ainsi que l'un de nos collègues ont déclaré que l'on fait pour
les étrangers demandant un titre de séjour ce que l'on fait pour les Français,
et qu'il ne faudrait tout de même pas traiter les étrangers mieux que les
Français !
Non, monsieur le ministre, c'est inexact ! En effet, comme vous le savez très
bien, il n'y a pas, pour lesFrançais, de fichier centralisé, mémorisé des
empreintes digitales !
M. Michel Rufin.
Si, dans l'armée, madame !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a plus d'armée !
Mme Joëlle Dusseau.
Or, c'est précisément un fichier centralisé, mémorisé qui nous est proposé.
Hormis le cas des demandeurs d'asile, point sur lequel je suis d'ailleurs en
désaccord, ce genre de fichier n'existe que pour les personnes relevant de
l'identité judiciaire. Tout à l'heure, notre collègue auquel je viens de faire
allusion disait que les étrangers sont traités comme des Français. Non ! Ils
sont traités non pas comme des Français, mais comme des criminels, ce qui n'est
pas la même chose !
(Vives protestations sur les travées du RPR.)
M. le président.
Mes chers collègues, un peu de courtoisie ! Laissez parler Mme Dusseau !
Mme Joëlle Dusseau.
Je trouve tout à fait scandaleux d'assimiler sans distinction, comme vous le
préconisez actuellement, les étrangers qui demandent la délivrance d'un titre
de séjour et ceux qui sont dans une situation irrégulière : quels qu'ils
soient, ils seront tous dans le fichier centralisé.
De plus, cela pose des problèmes. Vous dites que de telles procédures ont
cours dans le reste de l'Union européenne. Mais c'est faux ! Actuellement,
monsieur le ministre, un étranger entrant dans un pays européen et ayant le
droit, du fait des accords de Schengen, de circuler en Europe se trouvera dans
une situation différente en France, en Belgique, en Espagne ou en Allemagne.
Que se passera-t-il et à quoi tout cela ressemble-t-il ?
M. Emmanuel Hamel.
C'est Schengen qu'il faut révoquer : c'est un accord néfaste !
Mme Joëlle Dusseau.
Vous êtes en train de mettre en place - vous ne serez arrêté en cela que par
le coût, ce qui est quand même une maigre consolation ! - un fichier centralisé
regroupant, au niveau européen, des centaines de milliers de personnes
étrangères, qu'elles soient ou non en situation régulière.
Monsieur le ministre, dans
1984,
George Orwell mettait en scène
Big
Brother,
qui, partout, regardait les gens. C'est ce que vous êtes en train
de commencer à mettre en place avec ce projet de loi. C'est en effet la
première fois que le Parlement français prend une telle décision ! C'est
quelque chose qui est plus que déplaisant, qui est déshonorant pour nous. C'est
en tout cas ainsi que je le vis.
M. Michel Rufin.
Il est demandé des empreintes digitales pour toutes les cartes d'identité !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 118.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Je tiens tout d'abord à dire à notre collègue Michel Rufin que la carte
d'identité, en France, n'est pas obligatoire.
M. Michel Rufin.
Tous les militaires donnent leurs empreintes digitales !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'y a plus de militaires !
Mme Joëlle Dusseau.
Ce n'est pas centralisé ! Il n'y a pas de fichier central !
M. Guy Allouche.
Monsieur Rufin, la carte d'identité n'est pas obligatoire ! Vous avez raison,
on relève les empreintes de celui qui la demande, mais comme elle n'est pas
obligatoire,...
M. Emmanuel Hamel.
Il faut qu'elle le devienne !
M. Guy Allouche.
... on peut très bien ne pas avoir de carte d'identité. De ce fait, il n'y a
pas de relevé automatique d'empreintes.
J'en viens à l'amendement n° 118. Monsieur le rapporteur, ce matin, en
commission, lorsque nous avons examiné les amendements extérieurs à la
commission des lois, vous avez indiqué qu'il était satisfait par l'amendement
n° 13, qui a été rectifié depuis lors. Or, voilà un instant, vous avez émis un
avis défavorable. Expliquez-moi ! Voilà deux amendements dont la rédaction est
semblable. Comment êtes-vous favorable à l'amendement n° 13 rectifié et
défavorable à l'amendement n° 118 ? Dites que ce dernier est satisfait par
l'amendement n° 13 rectifié, ce qui se comprendrait, mais ne dites pas que vous
y êtes défavorable !
Cela étant, je retire l'amendement n° 118.
M. le président.
L'amendement n° 118 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 50 n'a donc plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 8-3 de l'ordonnance
du 2 novembre 1945.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
M. Robert Pagès.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le groupe socialiste également.
Mme Joëlle Dusseau.
Je vote également contre.
(L'article 3 est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant transposition de
la directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994
concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats
portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens
immobiliers.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 208, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
12
DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Règlement (CE) du Conseil relatif à la défense contre les importations qui
font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté
européenne.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-779 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la conclusion de
l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et
Chypre portant adaptation du régime à l'importation dans la Communauté
d'oranges originaires de Chypre et modifiant le règlement (CE) n° 1981/94.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-780 et
distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire
suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article
88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil portant détermination des pouvoirs
et obligations des agents mandatés par la Commission en vertu de l'article 18,
paragraphes 2 et 3, du règlement (CEE, EURATOM) n° 1552/89
et
corrigendum.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-781
et distribuée.
13
DÉPÔTS DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion sur la proposition de loi créant les plans
d'épargne retraite.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 206 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Hugot un rapport fait au nom de la commission des
affaires culturelles sur le projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 55 rectifié,
1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 207 etdistribué.
J'ai reçu de M. Maurice Lombard un rapport fait au nom de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi
autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République tchèque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes
douanières (n° 173, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 209 etdistribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 6 février 1997 :
A neuf heures quarante-cinq :
1. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 165, 1996-1997), adopté par
l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à
l'immigration.
Rapport (n° 200, 1996-1997) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.
A quinze heures et le soir :
2. - Questions d'actualité au Gouvernement.
3. - Suite de l'ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 6 février 1997, à zéro heure
quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
201 (1996-1997) adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de
l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du
Royaume d'Espagne concernant la construction et l'exploitation de la section
internationale d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre la France et
l'Espagne (façade méditerranéenne).
M. André Rouvière a été nommé rapporteur du projet de loi n° 202 (1996-1997)
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification d'un traité
d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la
République d'Albanie.
M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 186 (1996-1997)
autorisant la ratification du traité sur la Charte de l'énergie (ensemble un
protocole).
Mme Lucette Michaux-Chevry a été nommé rapporteur du projet de loi n° 187
(1996-1997) autorisant la ratification de la convention créant l'Association
des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes).
Mme Lucette Michaux-Chevry a été nommé rapporteur du projet de loi n° 188
(1996-1997) autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la
République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les
modalités de la participation de la République française à l'Association des
Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la
Guyane et de la Martinique.
M. Serge Vinçon a été nommé rapporteur du projet de loi n° 205 (1996-1997)
adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du service national.
M. Emmanuel Hamel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 492 (1995-1996)
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de
la République française et le gouvernement de la République des Philippines
tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion et la fraude
fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
M. Emmanuel Hamel a été nommé rapporteur du projet de loi n° 203 (1996-1997)
autorisant la ratification de la convention entre le gouvernement de la
République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts
sur le revenu et sur la fortune.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Fonctionnement du comité consultatif
sur le traitement de l'information dans le domaine de la santé
552.
- 5 février 1997. -
M. Alex Turk
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la
recherche
sur le fonctionnement du comité consultatif sur le traitement de l'information
dans le domaine de la santé, créé par la loi du 1er juillet 1994 (loi n°
94-548). Les membres du comité n'ont été désignés qu'en mai 1996 et leur
première réunion n'a eu lieu que le 15 janvier 1997. Or, comme rapporteur sur
ce projet de loi, il avait été saisi à plusieurs reprises du caractère urgent
de la mise en place de ces procédures. Pendant ce temps, les procédures de
contrôle des fichiers de recherche, prévues par la loi (avis du comité,
autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés)
n'ont donc pu être mises en place. Dès lors, la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, confrontée aux demandes que n'ont pas manqué de
continuer à lui présenter les organismes de recherche (Institut national de la
santé et de la recherche médicale, Agence nationale de recherche sur le
sida...) - soucieux de ne pas perdre leurs crédits de recherche - s'est
efforcée de régler celles-ci de façon pragmatique. Ainsi,en raison du retard
administratif pris et dans le souci de ne pas entraver le développement de la
recherche médicale, la commission a été conduite à délivrer pour un certain
nombre de demandes, des avis favorables, compte tenu des objectifs de santé
publique poursuivis et des garanties adoptées pour assurer la confidentialité
des données et le respect des droits des patients. Cependant, pour un certain
nombre de fichiers considérés comme sensibles, la CNIL a, après instruction,
estimé que l'expertise du comité consultatif était nécessaire. Plus de cent
cinquante dossiers sont ainsi en attente de l'avis du comité. Dans ces
conditions, il lui demande quels moyens il entend mettre en oeuvre pour
permettre au comité de fonctionner, de manière efficace, et d'exercer
pleinement les missions qui lui sont confiées par la loi du 1er juillet
1994.
Renforcement des effectifs de police dans les zones urbaines
touchées par le plan d'action « Gendarmerie 2002 »
553.
- 5 février 1997. -
M. Jean-Jacques Robert
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur les conséquences, pour les zones de police d'Etat, du plan d'action «
Gendarmerie 2002 » dans le département de l'Essonne. En effet, deux brigades de
gendarmerie, Epinay-sur-Orge et Ris-Orangis, situées en zone de police d'Etat,
vont être dissoutes et viendront soutenir les brigades du département, de Evry,
Lardy, Guigneville et Longjumeau situées en zone périurbaine. Afin de s'assurer
de la continuité des missions de sécurité plus que jamais nécessaires dans les
zones urbaines, il lui demande s'il envisage de renforcer les effectifs de
police dans ces deux zones. En effet, les missions et la présence de la
gendarmerie sur ces secteurs étaient importantes et, à prestations égales, il
faut y suppléer en augmentant le nombre de policiers d'Etat.
Etude des projets destinés à pallier la saturation de l'autoroute A 8
554.
- 5 février 1997. -
M. Pierre Laffitte
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme
sur le programme d'intérêt général lancé par l'Etat en vue d'assurer le trafic
de transit et de desserte dans l'éventualité d'une saturation de
l'infrastructure A 8 actuelle. M. le ministre a précisé que l'Etat prendrait en
compte toute alternative crédible au projet dénommé A 58 préparé par les
services de la direction départementale de l'équipement (DDE) des
Alpes-Maritimes. Une étude menée par la société Simecsol, à laquelle la DDE a
été associée, a démontré qu'un projet, que l'on pourrait dénommer l'A 58
bis
, constitue une telle alternative crédible. Et ce, pour plusieurs
raisons. L'écoulement du trafic supplémentaire à l'horizon 2015-2020 d'après
les projections de la DDE serait aussi bien assuré - et sans doute mieux pour
le trafic poids lourds - que par les divers tracés A 58. En second lieu, parce
qu'elle prévoit la séparation des trafics poids lourds et véhicules légers,
mesure recommandée pour des raisons de sécurité qui facilite le phasage des
travaux. En troisième lieu, la rapidité d'exécution est supérieure, donc les
intérêts intercalaires plus faibles. En conséquence, il lui demande que le
programme d'intérêt général, sur lequel la concertation démarre, prenne en
compte les emprises de terrain correspondant au tracé A 58
bis.
Composition des conseils d'administration
des caisses de sécurité sociale
555.
- 5 février 1997. -
M. Charles Descours
attire l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale
sur les conséquences des arrêtés du 28 novembre 1996 fixant les modèles de
statuts des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Ceux-ci
excluent en effet la représentation familiale de sa participation au
fonctionnement des CRAM (caisses régionales d'assurance maladie) et des CPAM
(caisses primaires d'assurance maladie), alors que les précédents statuts
permettaient la participation de représentants familiaux et même de représenter
leur caisse dans des organismes extérieurs, à titre consultatif. On constate
donc une régression injustifiée de la représentation familiale qui paraît
d'autant plus incompréhensible que les commissions peuvent continuer de faire
siéger en leur sein des personnalités n'appartenant pas au conseil. Aussi, il
lui demande s'il estime que la réintroduction du paritarisme doit se traduire
par une marginalisation des catégories d'administrateurs ayant vocation à
représenter les usagers mais qui ne ressortissent pas du monde du travail et de
la production. Il souhaiterait connaître son avis sur la question et les
mesures qu'il envisage de prendre pour remédier à cette situation.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du mercredi 5 février 1997
SCRUTIN (n° 95)
sur la motion n° 1, présentée par M. Guy Allouche et les membres du groupe
socialiste et apparentés, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité au
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions
relatives à l'immigration.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 96 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. - MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. - M. René Monory, président du Sénat
et M. Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. - M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 159 |
Pour l'adoption : | 95 |
Contre : | 222 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 96)
sur la motion n° 2, présentée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable au
projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions
relatives à l'immigration.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 96 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 97)
sur la motion n° 46, présentée par M. Guy Allouche et les membres du groupe
socialiste et apparentés, tendant au renvoi à la commission du projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives à
l'immigration.
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 96 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 98)
sur l'amendement n° 152, présenté par M. Robert Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel
avant l'article Ier du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant
diverses dispositions relatives à l'immigration (abrogation de la loi n° 93-933
du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 96 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 99)
sur l'amendement n° 153, présenté par M. Robert Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel
avant l'article premier du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale,
portant diverses dispositions relatives à l'immigration (abrogation de la loi
n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 317 |
Pour : | 96 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Pour :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 100)
sur l'amendement n° 159, présenté par M. Robert Pagès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen tendant à insérer un article additionnel
avant l'article 1er du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant
diverses dispositions relatives à l'immigration (annulation de la dette des
pays les moins avancés).
Nombre de votants : | 243 |
Nombre de suffrages exprimés : | 243 |
Pour : | 22 |
Contre : | 221 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Pour :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul Vigouroux.
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Contre :
94.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
N'ont pas pris part au vote :
75.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Contre :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Contre :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Contre :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
François Abadie
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Nicole Borvo
André Boyer
Yvon Collin
Michelle Demessine
Joëlle Dusseau
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
François Giacobbi
Félix Leyzour
Paul Loridant
Hélène Luc
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar
Robert-Paul Vigouroux
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
N'ont pas pris part au vote
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Marcel Bony
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Aubert Garcia
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Claude Pradille
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Paul Raoult
René Régnault
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 252 |
Nombre de suffrages exprimés : | 252 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 127 |
Pour l'adoption : | 22 |
Contre : | 230 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 101)
sur l'amendement n° 9, présenté par M. Paul Masson, au nom de la commission des
lois, à l'article Ier du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale,
portant diverses dispositions relatives à l'immigration (notification par
l'hébergeant du départ de l'étranger de son domicile).
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 316 |
Pour : | 220 |
Contre : | 96 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (15) :
Contre :
15.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
16.
Contre :
7. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau, MM. François Giacobbi et Robert-Paul
Vigouroux.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
93.
Abstention :
1. _ M. Jean-Paul Delevoye.
GROUPE SOCIALISTE (75) :
Contre :
74.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Claude Pradille.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (60) :
Pour :
58.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. René Monory, président du Sénat,
et Jean Faure, qui présidait la séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (44) :
Pour :
44.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (10) :
Pour :
9.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Vergès.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Bernard Barbier
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Pierre Croze
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
Georges Dessaigne
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Pierre Lagourgue
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
François Mathieu
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Sosefo Makapé Papilio
Charles Pasqua
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Régis Ploton
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Guy Robert
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Maurice Schumann
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Monique ben Guiga
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Jacques Bialski
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Claude Billard
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Jacqueline Fraysse-Cazalis
Aubert Garcia
François Giacobbi
Claude Haut
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Dominique Larifla
Guy Lèguevaques
Félix Leyzour
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Alain Richard
Roger Rinchet
Michel Rocard
Gérard Roujas
René Rouquet
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber
Abstention
M. Jean-Paul Delevoye.
N'ont pas pris part au vote
MM. Claude Pradille et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.
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