CONTRAT DE CONCESSION
DU STADE DE FRANCE
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 62,
1996-1997) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest,
François Lesein et Jean-Patrick Courtois relative au contrat de concession du
Stade de France à Saint-Denis.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi
dont est saisi aujourd'hui le Sénat tend à lever, par une mesure de validation,
l'insécurité juridique qui, à la suite d'une décision juridictionnelle récente,
pourrait affecter le contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis et,
par là même, mettre en cause la bonne préparation de l'organisation de la Coupe
du monde de football par la France en 1998.
Dans un peu plus d'un an, notre pays accueillera cette grande manifestation
sportive. L'effet que la qualité de l'organisation d'une telle manifestation
aura sur l'image internationale de la France justifie pleinement que, dans le
respect des principes constitutionnels, tous les moyens juridiques soient
réunis, notamment pour réaliser le grand stade de 80 000 places implanté à
Saint-Denis.
Après vous avoir rappelé brièvement le cadre général dans lequel est préparée
l'organisation de la coupe du monde de football, je vous exposerai les motifs
qui fondent la présente proposition de loi.
La construction d'un grand stade à Saint-Denis a justifié l'intervention
préalable du législateur pour lever certains obstacles juridiques qui tenaient
à la non-comptabilité de cet équipement avec les documents d'urbanisme en
vigueur, aux délais requis pour la mise en oeuvre éventuelle de procédures
d'expropriation et aux conditions de réalisation de l'équipement lui-même.
Ainsi, la loi du 31 décembre 1993 a autorisé cette opération d'aménagement qui
comprend, d'une part, la création d'un grand stade - qualifié d'équipement
sportif d'intérêt national - à Saint-Denis, dans le département de la
Seine-Saint-Denis et, d'autre part, comme l'avait souhaité le Sénat,
l'édification d'infrastructures de sécurité rendues nécessaires par la création
et l'utilisation du grand stade sur le terrain « caserne de Rose », à Dugny.
La loi permettait, en outre, l'utilisation de la procédure d'extrême urgence
en matière d'expropriation, disposition qui n'a d'ailleurs pas été utilisée
puisque les acquisitions ont été effectuées à l'amiable.
Enfin, cette loi lève tout doute sur l'autorité concédante en précisant que
l'Etat pourra concéder, sur les terrains dont il aura la disposition, la
construction et l'exploitation du grand stade, et ce en application de son
article 4.
Deux décrets, pris en 1994 et en 1995, ont précisé le contenu de l'opération
d'aménagement.
Un premier décret, en date du 23 décembre 1994, a concerné la réalisation du
grand stade sur le site dit du « Cornillon Nord », à Saint-Denis.
Cette opération doit notamment comporter un programme d'équipements sportifs
comprenant un grand stade d'une capacité d'environ 80 000 places, ainsi que des
locaux utilisés pour son exploitation et son animation, un stade annexe, des
locaux d'exploitation, et, enfin, environ 6 000 places de stationnement.
La société d'économie mixte d'aménagement de la zone d'aménagement concerté du
« Cornillon Nord » a, par ailleurs, été créée le 2 novembre 1994.
Cette société est dotée d'un capital de 30 millions de francs, dont 51 % sont
détenus par l'Etat.
Enfin, à la suite d'une procédure de consultation, le contrat de concession
pour le financement, la conception, la construction, l'entretien et
l'exploitation du Stade de France à Saint-Denis a été attribué à la société
Consortium Grand Stade.
Aussi, après la signature du contrat de concession, le 29 avril 1995, et la
délivrance du permis de construire, le 30 avril 1995, les travaux de
construction ont débuté dès le 2 mai 1995.
Après dix-huit mois de chantier, 55 % des travaux avaient été réalisés, la
date d'achèvement de l'ouvrage étant fixée au 30 novembre 1997.
Le montant total de l'investissement est contractuellement fixé à 2,664
milliards de francs. Au 30 octobre 1996, les dépenses payées - 1,424 milliard
de francs - ou engagées - 250 millions de francs - s'élèvent à 1,674 milliard
de francs environ.
Sur 2,664 milliards de francs d'investissements, plus de un milliard de francs
sont ou seront confiés à des entreprises sous-traitantes, en particulier, pour
plus de 250 millions de francs, à des entreprises locales de Seine-Saint-Denis.
Sur la durée totale du chantier, plus de 200 entreprises différentes sont
appelées à intervenir.
Il convient de souligner, par ailleurs, que le chantier du Stade de France a
permis la création de plus de 200 emplois au profit de la population du bassin
d'emploi de Saint-Denis.
Il n'est, enfin, pas inutile d'apporter des précisions sur les perspectives
d'exploitation de ce grand équipement.
Selon les informations que nous avons pu recueillir, outre l'accueil, chaque
année, de quarante à cinquante grandes manifestations sportives, parasportives
ou musicales, le Stade de France aura vocation à assurer quotidiennement des
activités de congrès, séminaires, colloques et salons destinées aux
entreprises. Il proposera, en outre, un ensemble d'activités commerciales ou de
services.
En année courante d'exploitation, la société d'exploitation du Stade de France
devrait réaliser un chiffre d'affaires d'environ 300 millions de francs.
L'exploitation de cet équipement sera créatrice d'emplois à raison d'une
centaine d'emplois permanents et de plus de 1 000 emplois ponctuels et à temps
partiel pour le déroulement de manifestations exceptionnelles qui réuniront
plus de 50 000 spectateurs.
Les jeunes des quartiers environnants devraient être prioritairement concernés
par ces emplois, qui constitueraient une première étape en vue de leur
insertion professionnelle et sociale.
Huit villes, par ailleurs, ainsi que Paris, en ce qui concerne le Parc des
Princes, ont engagé des opérations de rénovation et, souvent, d'agrandissement
de leurs stades pour accueillir les matches de la Coupe du monde.
La construction du Stade de France a donné lieu à différents contentieux,
certaines procédures ayant précédé l'attribution de la concession, d'autres
ayant été engagées postérieurement à cette attribution.
Tous les recours ont été rejetés, à l'exception d'un seul. En effet, un
jugement du 2 juillet 1996 du tribunal administratif de Paris a annulé la
décision du Premier ministre en date du 29 avril 1995 d'approuver et de signer
le contrat portant concession de la conception, de la réalisation, du
financement, de l'entretien et de l'exploitation du Stade de France.
Ce jugement, qui a été frappé d'appel par l'Etat devant la cour administrative
d'appel de Paris, fait peser une insécurité juridique sur le contrat de
concession, que la présente proposition de loi tend à lever.
Pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif de Paris s'est
fondé sur la considération suivant laquelle le contrat de concession n'avait
pas respecté le règlement de la consultation selon lequel aucune subvention
d'exploitation ne pourrait être envisagée en faveur du concessionnaire.
Il a, en effet, considéré que l'un des mécanismes de compensation prévus par
le contrat de concession en cas de circonstances imprévisibles et extérieures
au contrat...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
... pouvait s'analyser comme un système de subventions
instituées au profit du concessionnaire, même en l'absence d'événements
imprévisibles et extérieurs aux parties, circonstance qui, dans le droit commun
des concessions de service public, est de nature à justifier une indemnisation
au profit du concessionnaire.
Or, le versement de subventions d'exploitation étant exclu par le règlement de
la consultation, le tribunal a considéré que les stipulations du contrat
méconnaissaient, sur ce point, les prescriptions fixées par le règlement de la
consultation et qu'en cela elles portaient atteinte au principe d'égal accès
des candidats à l'octroi de la concession.
Le tribunal a jugé que ces stipulations n'étant pas divisibles des autres
stipulations du contrat, elles entachaient d'illégalité l'ensemble de la
convention litigieuse et, par voie de conséquence, la décision du Premier
ministre de la signer.
Il a en conséquence annulé - comme le lui demandaient les requérants - la
décision du Premier ministre de signer le contrat concédant la construction et
l'exploitation du Stade de France à Saint-Denis.
Le souci d'éviter le développement de contentieux d'une ampleur telle que
ceux-ci entraîneraient des risques considérables pour la réalisation de
l'opération, notamment la suspension des travaux, fonde, compte tenu de
l'urgence dictée par l'organisation de la prochaine Coupe du monde, la
validation proposée du contrat de concession du Stade de France.
Il convient de relever que l'annulation prononcée par le tribunal
administratif de Paris a porté non pas sur le contrat de concession lui-même,
mais sur la décision du Premier ministre de signer ce contrat.
Or, conformément à une jurisprudence traditionnelle, la décision de passer le
contrat est un acte détachable de celui-ci.
En dépit de l'annulation prononcée, le contrat de concession en lui-même est
toujours en vigueur.
Il n'en demeure pas moins que le contrat se trouve désormais exposé à une très
grande insécurité juridique.
D'une part, des tiers pourraient demander au juge de tirer les conséquences de
ce premier jugement et de prononcer l'annulation du contrat.
D'autre part, le concessionnaire pourrait lui-même, le cas échéant, saisir le
juge aux mêmes fins.
Il paraît donc difficilement envisageable que le contrat de concession, dont
la durée est de trente ans, puisse être exécuté dans des conditions
satisfaisantes.
Une annulation du contrat lui-même impliquerait une nouvelle procédure,
nécessairement longue et complexe, donc difficilement compatible avec l'urgence
de la réalisation de ce grand équipement sportif.
La commission des lois a examiné la mesure de validation soumise au Sénat avec
le souci qu'elle soit conforme aux exigences constitutionnelles et qu'elle
respecte en particulier l'indépendance des juridictions.
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'intérêt général
doit motiver une mesure de validation législative.
Tel est le cas. C'est bien l'image même de la France dans le monde, que
l'accueil de cette manifestation sportive tend à promouvoir, qui serait mise en
cause. Conscient de cet enjeu et de la place qui serait celle du Stade de
France dans l'ensemble des équipements sportifs de notre pays, le législateur a
lui-même tenu à le qualifier d'équipement sportif d'intérêt national ; il
s'agit là de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1993.
Concrètement, suivant les précisions recueillies, l'insécurité juridique qui
frappe le contrat de concession rend d'ores et déjà impossible la mobilisation
des fonds bancaires nécessaires au financement privé et à la bonne conclusion
des relations contractuelles que le concessionnaire doit établir avec les
nombreux sous-traitants requis pour achever l'ouvrage.
Enfin, sur le plan financier, l'Etat devrait reprendre à son compte la partie
de l'investissement à la charge du concessionnaire, soit 1,4 milliard de francs
mobilisables en 1997. Il devrait, en outre, supporter les coûts générés par la
désorganisation du chantier afin d'essayer d'assurer la construction du Stade
de France dans les délais requis.
Au-delà des enjeux mentionnés ci-dessus, le risque économique et financier
auquel l'Etat se trouverait exposé est donc considérable.
Après avoir analysé la proposition de loi au regard des exigences
constitutionnelles, la commission des lois a considéré que ce texte, fondé sur
des motifs d'intérêt général, ne méconnaissait pas ces exigences telles
qu'elles ont été définies par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Elle vous suggère néanmoins d'en préciser la rédaction afin de la coordonner
avec les dispositions de la loi du 31 décembre 1993 et pour faire réserve des
droits éventuels des tiers à indemnisation. Il paraît, en effet, nécessaire de
lever toute ambiguïté sur ce point, la validation proposée n'ayant pas pour
objet de faire obstacle à la mise en oeuvre éventuelle de ces droits.
La commission vous propose, en conséquence, d'adopter la présente proposition
de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut,
ministre délégué à la jeunesse et aux sports.
Comme vous l'avez rappelé,
monsieur le rapporteur, la France s'est vu confier la charge d'organiser la
prochaine Coupe du monde de football. Cette manifestation réunira, je vous le
rappelle, trente-deux équipes qui disputeront soixante-quatre matches, entre le
10 juin et le 12 juillet 1998. Neuf matches seront joués au Stade de France,
dont le match d'ouverture, une demi-finale et la finale de la compétition.
Le Gouvernement est très conscient de l'effet que pourra avoir la qualité de
l'organisation de cette manifestation au Stade de France sur l'image
internationale de notre pays et donc de l'ardente nécessité de réunir les
conditions juridiques pour que cet équipement soit réalisé, mis en service et
exploité dans les délais impartis.
Déjà la loi du 31 décembre 1993 autorisant l'Etat à considérer la construction
et l'exploitation d'un grand stade de quatre-vingt mille places en vue de la
Coupe du monde de football de 1998 a marqué la volonté du Parlement de lever
certaines difficultés juridiques qui auraient pu s'opposer à la réalisation de
cet équipement, en autorisant notamment l'Etat à en concéder la construction et
l'exploitation, seule formule compatible avec son édification et sa mise en
service dans les délais impartis.
Depuis cette date, l'attribution de la concession a fait l'objet d'une grande
consultation internationale qui a réuni dix-huit candidats de qualité. A
l'issue d'une phase d'analyse des projets par un jury, l'Etat a librement
négocié, comme l'y autorise la loi, avec les deux lauréats désignés par le
jury, avant d'arrêter son choix définitif en signant, le 29 avril 1995, le
contrat de concession avec le consortium Bouygues - Dumez - SGE.
Les travaux de construction du stade, qui ont démarré dès le début du mois de
mai 1995, sont maintenant très avancés. La structure de l'arène ainsi que ses
escaliers monumentaux sont presque totalement achevés. La toiture en charpente
métallique est en cours, les travaux de second oeuvre ont déjà commencé.
Restent à réaliser la couronne basse des gradins - soit l'équivalent du stade
Charléty - les travaux d'habillage et de décoration intérieure et extérieure du
stade, et, enfin, la pose de la pelouse qui a déjà été plantée dans une
gazonnière. J'ai plaisir à rappeler devant M. Jacques Larché et M. Philippe
François que cette gazonnière est située en Seine-et-Marne...
M. Henri de Raincourt.
Quel heureux hasard !
M. Guy Drut,
ministre délégué.
Enfin, la préparation de l'exploitation, notamment le
choix des meilleurs prestataires, est déjà bien avancée. Tous ceux qui ont
visité le chantier sont unanimes à reconnaître la beauté de l'ouvrage, la
qualité de sa construction et la compétence du concessionnaire retenu.
Tous les travaux de desserte du stade sont en cours de réalisation, à savoir
la construction des deux gares du RER et le réaménagement de la station de
métro, le réaménagement des voiries alentours et la couverture de l'autoroute A
1. Tous les maîtres d'ouvrage, l'Etat, le département, la commune, la SNCF, la
RATP et, bien sûr, le consortium sont mobilisés pour que l'ensemble des
ouvrages et équipements ferroviaires et routiers soient terminés à temps pour
la Coupe du monde.
Compte tenu de la notoriété du projet, dernier grand chantier national du
siècle, il était inévitable que certains des candidats évincés, pour des motifs
divers et variés, saisissent les tribunaux. Avant même la signature du contrat,
ce ne sont pas moins de six ordonnances et un jugement qui ont été rendus par
le tribunal administratif de Paris, tous en faveur de l'Etat.
Malheureusement, le dernier jugement du 2 juillet 1996 du même tribunal, en
annulant la décision du Premier ministre de signer le contrat de concession du
stade, au motif que deux alinéas d'un article du cahier des charges n'auraient
pas été en stricte conformité avec le règlement de la consultation, a entraîné
une relative insécurité juridique du contrat.
Ce jugement ne remet nullement en cause le caractère de concession du contrat
; il rappelle seulement l'obligation qui pèse sur l'autorité concédante de
tirer les conséquences des règles de consultation qu'elle avait choisies de
s'imposer, sans y être obligée, avant de désigner librement le
concessionnaire.
Toutefois, le climat d'incertitude qui pèse actuellement sur le contrat se
fait déjà sentir sur la mobilisation des fonds bancaires nécessaires au
financement privé - le rapporteur l'a rappelé - et sur les relations
contractuelles que le concessionnaire doit établir avec de nombreux
sous-traitants pour achever l'ouvrage et préparer son exploitation.
Certes, l'Etat a fait appel de ce jugement sur la base d'arguments qui
paraissent très pertinents, mais il serait hasardeux de lier le sort de la
Coupe du monde à l'issue de la procédure contentieuse en cours.
En effet, il faut être réaliste : pour accueillir cette compétition, c'est ce
stade, déjà largement réalisé, et pas un autre, qui peut et doit être
construit. C'est ce concessionnaire, et pas un autre, qui peut et doit sans
attendre préparer et tester les conditions d'exploitation de l'équipement qu'il
construit pour être en mesure d'accueillir, dans un premier temps, la Coupe du
monde de football et, ensuite, espérons-le, de nombreuses autres
compétitions.
A moins de vingt mois de l'ouverture de la Coupe du monde, aucun aléa
juridique ne doit entraîner la suspension des travaux et la préparation de
l'exploitation du stade, stérilisant ainsi les efforts de tous, mais surtout
ceux de la région, du département, de la commune, pour mener à bien le
projet.
La présente proposition de loi n'a pas pour objet de rouvrir un débat sur le
choix de l'implantation ou le dispositif de concession retenu. Nous avons déjà
tranché, et ce débat est derrière nous. Son unique objet est de valider le
contrat de concession qui a été signé, le 29 avril 1995, entre l'Etat et la
société Consortium Stade de France, afin qu'aucun risque juridique ne puisse
peser sur la bonne réalisation de l'ouvrage dans les délais impartis et son
exploitation dès 1998. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à
l'adoption de la proposition de loi soumise aujourd'hui à votre assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les élus, «
Voici qu'une immense clameur m'arriva du Stade ». Cette célèbre phrase de
Sénèque, reprise par les concepteurs de l'image donnée au Stade de France,
reflète bien l'ampleur des attentes des Séquano-Dionysiens face à la
construction du plus grand stade de France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Circenses !
M. Christian Demuynck.
La proposition de loi qui vise à valider le contrat de concession conclu le 29
avril 1995 entre l'Etat et la société Consortium Stade de France est d'une
importance capitale pour la poursuite de ce fantastique chantier.
Pour l'heure, ainsi que M. le rapporteur et M. le ministre nous l'ont dit, les
banques qui financent l'ouvrage peuvent être tentées de ne pas débloquer des
prêts nécessaires à la poursuite des travaux du fait de l'instabilité juridique
causée par le jugement du tribunal administratif du 2 juillet, jugement qui,
comme l'a rappelé avec brio et d'une manière complète notre collègue rapporteur
M. Jean-Patrick Courtois, a annulé la décision du Premier ministre de signer le
contrat de concession du stade, au motif que deux alinéas du cahier des charges
n'auraient pas strictement respecté le règlement de la consultation.
L'adoption de cette proposition de loi permettrait ainsi de clarifier la
situation et de valider ce contrat.
Ce stade permet déjà aux habitants de la zone de solidarité et du département
de bénéficier de travaux d'infrastructures considérables. Ces chantiers, vous
les connaissez : il s'agit du prolongement de la ligne n° 13, de la création
d'une gare routière à la station « Université de Saint-Denis », de
l'aménagement de la station de métro « Porte de Paris », de la construction de
la gare RER D du Stade de France, de la couverture de l'autoroute A1, mais
aussi de nombreux autres aménagements réalisés par la direction départementale
de l'équipement, EDF-GDF et les villes riveraines du chantier.
Le Stade de France est aussi un formidable moyen d'intégration sociale. Je
pense bien évidemment aux emplois locaux créés par sa construction, mais aussi
aux chantiers annexes, notamment avec la SNCF, la RATP et tous les autres
intervenants économiques et financiers grâce auxquels des entreprises du
département ont décroché des contrats.
En septembre 1996, 325 demandeurs d'emplois locaux ont travaillé à un moment
donné pour le chantier du Stade de France. En juin 1996, 209 d'entre eux
travaillaient sur le site - 81 en insertion et 128 qualifiés, dont 160 pour la
zone de solidarité. Sans oublier les 250 emplois qui seront créés par
l'implantation du plus grand Décathlon d'Europe, au pied du Stade de France,
grâce à l'amendement Béteille qui avait permis d'exclure la zone du stade de
l'application de la loi sur les grandes surfaces.
Bien que la phase des travaux de gros oeuvre touche bientôt à sa fin, le Stade
de France met d'ores et déjà en place une politique de pérennisation des postes
ainsi créés, en synergie avec la plate-forme pour l'emploi et les autres
maîtres d'ouvrage des chantiers de la zone. On le voit, monsieur le ministre,
ni l'emploi ni les entreprises n'ont été oubliés dans la construction du stade
ou des chantiers annexes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vive la dépense publique !
M. Christian Demuynck.
Dites-le aux jeunes de Seine-Saint-Denis qui assisteront à la Coupe du monde
!
Que ce soit la DICOM, la SANEM, le Consortium ou tous les autres partenaires
de ce projet, chacun s'est fortement investi dans ce formidable chantier avec
une compétence et un acharnement exemplaires qu'il faut saluer. Il convient
donc que soit adoptée cette proposition de loi pour que tous les efforts
nécessaires à la réalisation dans les délais du Stade de France ne soient pas
réduits à néant.
J'ai bien conscience, monsieur le ministre, que la suite de mon intervention
n'est pas liée directement au contrat de concession du Stade de France, mais je
tiens à vous faire part du sentiement des élus de la majorité présidentielle du
département sur ce projet.
Ils en sont en effet tenus à l'écart et sont étonnés de voir que le comité
régional de la Coupe du monde, coprésidé - pour ne pas dire présidé - par M.
Braouezec, député-maire communiste de Saint-Denis, n'est exclusivement composé
que d'élus de l'opposition gouvernementale, à part mon ami Raoul Béteille qui a
dû véritablement se battre pour en faire partie, alors qu'il avait été
président d'honneur des Amis du Grand-Stade, tenant de nombreuses réunions
publiques d'information bien avant que soit choisi le lieu d'implantation de
l'actuel Stade de France et à un moment où la ville de Saint-Denis refusait son
implantation.
Ce projet a pourtant été mené à terme par l'actuelle majorité, ses
gouvernements s'y étant fortement investis. Mais, pour l'heure, ce sont les
élus de gauche qui en tirent les bénéfices. La récupération politique de ce
vaste chantier est d'ores et déjà engagée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Parlez-en des bénéfices !
M. Christian Demuynck.
Laissez-moi terminer, monsieur Dreyfus-Schmidt. Vous allez intervenir juste
après moi dans cette discussion !
Un exemple parmi tant d'autres : les maires du département ont reçu une
lettre signée du député-maire de Saint-Denis pour les convier à une réunion
d'information sur la commercialisation des places, ce qui, à ma connaissance,
devait être assuré directement par le comité français d'organisation de la
Coupe du monde.
De plus, à ce jour, je ne connais pas un seul élu de la majorité
présidentielle qui ait reçu des comptes rendus des réunions de ce comité !
Pourtant, j'imagine que les travaux ont déjà commencé !
Demain, si l'on n'y prend pas garde, personne ne se souviendra que c'est la
majorité qui a permis sa réalisation, et les jeunes finiront par croire que
c'est le maire communiste de Saint-Denis qui est à l'origine du projet.
Jacques Chirac a voulu ce stade, les gouvernements d'Edouard Balladur et
d'Alain Juppé ont permis sa réalisation, et ce sont les communistes qui
l'exploitent politiquement !
Il faut reprendre la main, monsieur le ministre, et c'est dans ce sens que je
terminerai cette intervention, en me faisant l'écho des aspirations des élus de
la majorité présidentielle du département, et notamment de deux conseillers
municipaux de Saint-Denis, Henry Bernadac et Pierre Pougnaud, avec qui nous
avons travaillé à l'élaboration des propositions suivantes.
Le grand débat, si j'en crois ce qui se dit ou ce qu'on peut lire dans la
presse, est de savoir si ce seront les rugbymen, à l'occasion du Tournoi des
cinq nations, ou les footballeurs, à l'occasion d'un match international, qui
inaugureront la pelouse. Pour moi, les premiers joueurs à fouler la pelouse du
Stade de France doivent être des jeunes footballeurs du département, qui
pourraient s'affronter dans le cadre d'un tournoi des jeunes espoirs de la
Seine-Saint-Denis, dans des conditions qui restent, évidemment, à définir.
Il me semble également que ce comité pourrait attribuer des places gratuites
aux villes du département, en fonction du nombre de licenciés dans les clubs
sportifs, cela afin de récompenser les jeunes qui, par exemple, se sont
distingués dans leur discipline.
Enfin, monsieur le ministre, il conviendrait de mettre en place, et je pense
qu'il n'est pas trop tard, une cogestion du comité par les quarante maires du
département. Il faut que chacun des habitants se sente représenté au sein des
organisations qui sont chargées de la mise en place de cette Coupe du monde.
Cette représentativité politique permettrait notamment, en matière de gestion
et de distribution des places, d'assurer une transparence totale et de faire
taire, s'il y en a, les mauvaises langues.
Il faut que tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui habitent la
Seine-Saint-Denis participent à ce formidable projet quelle que soit leur
ville, et que « la clameur » qui jaillira du stade en juin 1998 témoigne de la
formidable mobilisation des Séquano-Dyonisiens autour de la réalisation du plus
grand stade français.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais
essayer, comme le préopinant, d'élever le débat. Je le dis tout de suite : en
l'état, le groupe socialiste ne pourra pas voter la proposition de loi dont le
Sénat est saisi ce matin.
Qu'il soit possible maintenant au Parlement d'inscrire à son ordre du jour des
propositions de loi aussi bien au Sénat, ce qui se faisait déjà, qu'à
l'Assemblée nationale est un progrès considérable que nous avons salué. Il ne
faudrait pas néanmoins que cette procédure permette de confondre vitesse et
précipitation, et encore moins qu'elle soit détournée comme ce serait le cas
si, par exemple, le Gouvernement, pour des raisons diverses, demandait à des
parlementaires de déposer des propositions de loi au lieu de déposer lui-même
un projet de loi. Loin de rehausser le Parlement, loin de renforcer ses droits,
cette nouvelle procédure reviendrait alors à abaisser le Parlement. Or il nous
semble bien que ce soit ainsi dans l'affaire qui nous réunit ce matin.
De quoi s'agit-il ? Quel est le but de la proposition de loi ?
Ce texte tend à valider une décision prise par un Premier ministre et annulée
par un tribunal administratif, et pas le moindre puisqu'il s'agit du tribunal
administratif de Paris.
Outre qu'une telle proposition est choquante, c'est évidemment le Gouvernement
qui est concerné au premier chef. Lorsque, tout à l'heure, nous avons entendu
M. le ministre, nous avions l'impression de lire le rapport de notre collègue
M. Courtois. En effet, il a développé très exactement les mêmes arguments,
parfois à la lettre près. C'est pourquoi, tout en restant nous-mêmes courtois
(Sourires)
et en n'affirmant rien, nous nous demandons si ce n'est pas
le Gouvernement qui a demandé à nos collègues MM. Hyest, Courtois et Lesein de
déposer cette proposition de loi !
Pour quelle raison ? Parce que ce serait plus rapide que de déposer un projet
de loi. En effet, une proposition de loi n'est pas soumise au Conseil d'Etat.
Mais, en la matière, il n'y a aucune urgence - je le démontrerai tout à l'heure
- d'autant que, depuis qu'existe la session unique, nous ne redoutons plus de
voir nos travaux interrompus à la fin du mois de décembre.
Par ailleurs, en l'espèce, l'avis du Conseil d'État aurait été
particulièrement intéressant à recueillir pour le Gouvernement, car qui est
mieux placé que le Conseil d'Etat, même dans une autre formation que la section
du contentieux bien sûr, pour donner son avis sur l'éventuelle validation
législative d'une décision de l'exécutif annulée par un tribunal administratif
? Et je ne parle même pas de l'Office d'évaluation de la législation, qui
aurait pu, lui aussi, donner son avis en la matière !
Quelle est la thèse du rapporteur ? J'exposerai, ensuite, celle du groupe
socialiste.
M. le rapporteur tire argument de la nécessité de tenir l'engagement de la
France. Bien évidemment, nous sommes ici unanimes à vouloir que les engagements
de la France soient tenus, à faire en sorte qu'ait lieu en France, en 1998, la
Coupe du monde de football.
Nous venons en outre d'entendre un de nos collègues de Seine-Saint-Denis dire
- ce qui, d'ailleurs, figure également dans le rapport - qu'une telle
entreprise favorise la création d'emplois. Je me suis permis tout à l'heure de
l'interrompre, il m'en excusera, mais je suis partisan du dialogue ; et, s'il
veut m'interrompre, je n'y vois pas d'inconvénient...
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, lorsque vous présidez les travaux du Sénat, vous
n'admettez pas de telles interruptions. N'invitez donc pas vos collègues à y
procéder !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je permets toujours qu'il y ait des interruptions,
lorsqu'on demande à m'interrompre, je ne le refuse pas et, lorsque j'entends
l'un de nos collègues dire quelque chose pendant que je m'exprime, j'essaie de
l'entendre pour pouvoir éventuellement lui répondre.
En entendant notre collègue M. Demuynck, disais-je, je me félicitais que,
apparemment, sur toutes les travées du Sénat, y compris sur les siennes, l'on
pense que la dépense publique a un intérêt lorsqu'elle crée des emplois et
qu'il vaut donc mieux dépenser que de faire des économies drastiques. Mais nous
aurons l'occasion de revenir sur ce sujet lors de la discussion budgétaire.
En tout cas, s'il s'agissait de faire que le stade soit terminé pour la Coupe
du monde, nous serions évidemment d'accord, dès lors que les droits de ceux qui
ont été écartés de la concession, qui ont été « lésés », d'après le tribunal
administratif, seraient préservés. C'est ce que M. le rapporteur a proposé.
Cela nous paraît, en vérité, un minimum. Mais nous, nous nous posons des
questions et nous ne sommes obligés de croire ni M. le rapporteur ni le
Gouvernement, lorsqu'ils nous donnent des assurances semblables à celles
qu'apportait Mme Alliot-Marie à cette tribune, le lundi 13 décembre 1993, quand
elle disait à propos du projet de loi relatif à la réalisation d'un grand stade
à Saint-Denis en vue de la Coupe du monde de football de 1998 : « Ce projet de
loi précise quelques points de procédure en supprimant tout risque de
contentieux. »
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on a beau être ministre, on peut se
tromper, puisque les contentieux - vous l'avez reconnu, monsieur le ministre -
ont été tout au contraire extrêmement nombreux.
Or, il nous semble - j'essaie d'être prudent et je n'oublie pas qu'il s'agit
d'une première lecture - que la construction du Grand Stade n'est pas en cause
et que le véritable problème n'est pas là.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le Grand Stade était très avancé.
Nous avons même noté que, à défaut d'accueillir cette installation à
Melun-Sénart, les parlementaires de Seine-et-Marne ont une compensation,
puisqu'ils ont la gazonnière.
(Sourires.)
Si, donc, le Grand Stade est
presque terminé, la procédure administrative, elle, en est à ses
balbutiements.
Tout récemment, un appel a été interjeté par l'État du jugement du tribunal
administratif de Paris, qui, lui-même, n'a fait qu'annuler non pas la
concession, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, et vous aussi,
monsieur le ministre, mais la décision du Premier ministre de signer cette
concession. Si bien que la cour administrative d'appel de Paris va statuer,
puis, éventuellement, le Conseil d'État. A supposer que les requérants gagnent
à tous ces échelons, ils seraient amenés à demander sans doute la nullité de la
concession elle-même au tribunal administratif de Paris. Puis l'une des parties
interjetterait évidemment appel devant la cour administrative d'appel de Paris
et le contentieux serait soumis au Conseil d'État une deuxième fois.
Le temps que cette procédure, à laquelle vous voulez mettre fin par cette
proposition de loi, arrive à son terme normal, le Grand Stade serait en tout
état de cause terminé depuis bien longtemps !
Là n'est donc pas le véritable problème que la proposition de loi cherche à
résoudre. Je sais bien que l'on nous assure que, en raison de l'incertitude
juridique, il est difficile de mobiliser les banques. Mais nous avons du mal à
croire que Bouygues, Dumez et la Compagnie générale des eaux, qui forment le
Consortiun Grand Stade S.A., aient des difficultés à obtenir des crédits de la
part des banques...
Quel est alors le véritable problème ? Il nous semble qu'en réalité le
Gouvernement refuse d'être traité comme il agit vis-à-vis des collectivités
locales.
Tous les jours, sur instruction du Gouvernement, les préfets défèrent des
concessions passées par des communes, des départements ou des régions aux
chambres régionales des comptes.
Si celles-ci constatent ou pensent constater une inégalité entre les candidats
à une concession, elles l'annulent et éventuellement transmettent le dossier au
Parquet pour poursuites pénales du chef de délit de favoritisme. Voilà comment
le Gouvernement traite les collectivités ! Or, il demande pour lui-même un tout
autre traitement.
Au surplus, par la validation de la concession, le concessionnaire
continuerait à se voir garanti par l'Etat l'équilibre financier de son
exploitation.
Le Gouvernement aurait pu concéder, d'une part, la construction et, d'autre
part, l'exploitation. Il a choisi de concéder l'une et l'autre au même
concessionnaire en l'assurant, en cas de déficit d'exploitation, de ce que le
tribunal administratif qualifie de subventions, subventions qu'excluait
formellement la consultation.
Certes, le Gouvernement n'était pas obligé d'exclure au départ cette
possibilité de subventions d'équilibre : encore fallait-il que tous les
candidats à la concession soient traités également. Or ceux qui ont été écartés
n'avaient pas pu, dans leur proposition, tenir compte de cette éventuelle
garantie financière, prétendument exclue et finalement consentie par le
Gouvernement au Consortium Grand Stade SA, c'est-à-dire à Bouygues, Dumez et la
Compagnie générale des Eaux.
C'est cette iniquité, relevée par le tribunal administratif de Paris, que la
proposition de loi a, nous semble-t-il, pour but sans doute, pour résultat en
tout cas, de pérenniser.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas, en l'état, voter cette proposition de loi.
Pourquoi, me direz-vous, ne votez-vous pas contre ? Parce que notre thèse,
différente de la vôtre, n'est encore qu'une hypothèse et qu'il convient, selon
nous, d'approfondir les recherches et la discussion. Nous sommes en première
lecture, l'Assemblée nationale va être saisie de cette proposition de loi et
nous espérons qu'elle sera éclairée par nos débats, c'est-à-dire par vos
interventions, mais également par les nôtres.
En définitive, et pour aujourd'hui, le groupe socialiste ne prendra pas part
au vote.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France
est un pays de sport et elle avocation à l'être plus encore, nous en sommes
persuadés : les brillants résultats de nos athlètes aux derniers jeux
Olympiques d'Atlanta sont là pour en attester.
La France est également un pays organisateur d'événements sportifs de premier
plan. Est-il besoin de rappeler le rôle historique qu'a joué notre pays dans la
renaissance des jeux Olympiques ou dans la création de la Coupe du monde de
football ? Ces dernières années, la France fut encore organisatrice des jeux
Olympiques d'hiver, en Savoie, en 1992, et des Jeux méditerranéens, en 1993.
La candidature de Lille aux jeux Olympiques de 2004, que, avec nos amis Ivan
Renar et Michelle Demessine, nous soutenons activement, consacrerait une
nouvelle fois, si elle était retenue, le talent de notre peuple comme maître
d'oeuvre en la matière.
Par l'organisation de la Coupe du monde de football en 1998, notre pays sera
de nouveau au coeur d'un grand événement. D'une certaine façon, les centaines
de millions d'habitants de la planète qui suivront cette compétition vivront
pendant trois semaines en direct avec la France. C'est dire si cet événement,
riche en enthousiasme et en investissement humain, est prometteur pour notre
pays. La France se doit, pour être à la hauteur de cette ambition, de
rassembler, tant au sein du mouvement sportif qu'au-delà, toutes celles et tous
ceux qui sont prêts à se mobiliser en vue d'assurer la réussite de cette
manifestation.
Par son ampleur même, celle-ci implique la responsabilité nationale et suppose
un engagement plein et entier de l'Etat. Cet engagement concerne, bien entendu,
notamment, la réalisation des infrastructures.
La construction du grand stade de Saint-Denis, baptisé Stade de France - ce
qui en fait le stade de tous - doit être menée à son terme. Cet équipement,
nous avons été nombreux à l'appeler de nos voeux : au-delà même du mouvement
sportif, toutes les sensibilités et composantes qui font l'identité de notre
pays se sont jointes pour appuyer ce projet.
Avec bien d'autres, dont vous-même, monsieur le ministre, me semble-t-il, j'ai
fait partie, dès le début, du comité de parrainage. Nous n'avons pas à
regretter de nous être ainsi engagés. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion
d'admirer, lors de la présentation du projet qui a été faite au Sénat par ses
concepteurs en 1994, toute sa force et toute son élégance. Invitée à une visite
de chantier en juin dernier, j'ai également pu mesurer la prouesse que
représente cette réalisation et les défis technologiques qui y sont relevés.
A l'évidence, le Stade de France peut et doit devenir un atout pour notre
pays, dès lors qu'il sera en mesure d'accueillir des manifestations de renommée
nationale et internationale. Il permettra aussi de valoriser la vie culturelle,
sportive et sociale de la ville de Saint-Denis, du département de la
Seine-Saint-Denis et de toute la région parisienne.
Monsieur le ministre, vous connaissez les engagements pris à cet égard par mes
amis Robert Clément, président du conseil général, et Patrick Braouezec,
député-maire de Saint-Denis, pour que cette opération soit exemplaire en
matière d'intégration sociale, économique et humaine, s'agissant notamment de
la jeunesse, mais aussi en termes d'urbanisme, avec le volet des
infrastructures concernant les futures dessertes routières et ferroviaires de
ce site.
Le Stade de France est porteur d'une grande et authentique ambition pour notre
pays et pour nos concitoyens. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen ont constamment proposé la budgétisation intégrale des
crédits nécessaires à sa réalisation. Malheureusement, nous n'avons pas été
entendus.
La question reste posée : pourquoi le Grand Stade n'a-t-il pas eu le même
financement que la Bibliothèque nationale de France ou l'Opéra Bastille ?
Pourquoi ce recours à des expédients comme les prélèvements exceptionnels sur
le FNDS, qui s'opèrent au détriment du mouvement sportif ?
Certes, nous avons réussi, ici même, en décembre 1994, par un amendement et
grâce à la mobilisation du mouvement sportif, à diminuer de 50 millions de
francs le prélèvement que le Gouvernement voulait opérer sur le FNDS. Mais cela
ne suffit pas.
Le problème reste entier, d'autant que le projet de budget que vous allez nous
présenter dans quelques semaines, monsieur le ministre, qui prévoit de
nouvelles coupes franches dans les moyens alloués au sport, se situe à l'opposé
de l'indispensable réengagement de l'Etat que nous demanderons de nouveau, avec
le mouvement sportif, ses responsables et le président du comité national
olympique et sportif.
Je tiens tout de même à rappeler que les travaux et les dépenses engendrées
par le Stade de France vont permettre à l'Etat de percevoir, au titre de la
seule TVA, des sommes autrement plus importantes que celles qu'il a engagées en
dotations propres sur ce projet.
Ce désengagement très préoccupant fait place, en contrepartie, à des montages
hasardeux et aléatoires, à des financements privés qui alourdissent la dette
future et renforcent une emprise, déjà démesurée, de l'argent sur le sport -
alors que c'est le rôle social que doit jouer celui-ci qui devrait être
renforcé - et placent la France en situation de dépendance à l'égard des
banques étrangères.
En effet, selon les informations dont nous disposons, seule l'intervention de
capitaux étrangers permettrait de boucler le budget du Stade de France.
Nos inquiétudes quant à l'incertitude juridique évoquée par M. le rapporteur
ont été confirmées par la justice administrative. Nous estimons qu'il est
hautement regrettable, pour ne pas dire déplorable, d'en arriver à cette
situation, une telle réalisation appelant de toute évidence d'autres choix.
Avec les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, je suis
particulièrement attachée à l'achèvement de cette infrastructure. Le Grand
Stade fera l'honneur de la France et répondra à l'attente de millions de nos
concitoyens, sportifs ou simples amateurs, souvent des jeunes qu'on n'a pas le
droit de décevoir.
On l'a dit, il faut en particulier permettre à de nombreux jeunes de familles
modestes d'assister à cet événement important. C'est à leur intention que le
conseil général du Val-de-Marne, dont je suis membre, a projeté d'acheter -
j'espère qu'il pourra le faire - un certain nombre de billets, car les moments
d'enthousiasme et de ferveur que peut susciter un grand tournoi comme la Coupe
du monde ne doivent pas être compromis.
Nous tenons donc, c'est évident, à ce que le chantier se poursuive, mais,
monsieur le ministre, cela doit se faire dans la plus grande clarté financière
et juridique. Il est de la responsabilité de l'Etat de l'imposer, sous le
contrôle vigilant des élus, du monde sportif et de la population en général.
Dans ces conditions, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
s'abstiendront sur cette proposition de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Sans préjudice des droits éventuels à indemnisation
des tiers, est validé le contrat de concession conclu le 29 avril 1995, en
application de la loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993 relative à la réalisation
d'un grand stade à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en vue de la coupe du monde
de football de 1998, entre l'Etat et la société Consortium Grand Stade S.A.
(nouvellement dénommée Consortium Stade de France) pour le financement, la
conception, la construction, l'entretien et l'exploitation du grand stade
(dénommé Stade de France) à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), équipement sportif
d'intérêt national. »