L'évolution du Conseil de l'Europe
M. Keith VAZ
Ministre
délégué aux Affaires européennes de
Grande-Bretagne
C'est
pour moi un grand honneur d'avoir été invité à
contribuer à ce symposium, qui me donne l'occasion de rassembler mes
idées sur le rôle actuel et futur du Conseil de l'Europe
après mon arrivée relativement récente au poste de
Ministre aux Affaires européennes en Grande-Bretagne.
Aujourd'hui, nous rendons hommage à une organisation qui n'a pas
seulement survécu pendant 50 ans, mais qui s'est
développée et s'est épanouie. Au cours des dix ans qui
viennent de s'écouler, le Conseil de l'Europe a vécu une
transformation étonnante : le nombre de ses Etats membres est
passé de 23 à
quarante et un
et elle représente
aujourd'hui plus de 800 millions de personnes. Qui plus est, le Conseil
s'est réinventé. Il est devenu un modèle pour toutes les
organisations internationales, ayant eu le courage d'accepter un nouveau
rôle pour être plus efficace. La Grande-Bretagne est fière
que la création du Conseil de l'Europe ait été
entérinée à Londres, le 5 mai 1949. La France doit
également être fière d'accueillir ce Conseil depuis 50
ans.
Des origines au présent
Une collaboration large
Le
Conseil de l'Europe a été créé pour protéger
et préserver les valeurs et les idées que ses membres fondateurs
ont jugées caractéristiques de leur identité. Il est
devenu un symbole d'engagement envers la démocratie pluraliste, le
respect des droits de l'homme et l'Etat de droit. Son statut prévoyait
en outre bien d'autres sortes de coopération, que ce soit en
matière de culture, d'éducation, d'affaires sociales, d'actions
pour la jeunesse ou de sport. Seule la défense ne faisait pas partie de
ses attributions. Le Conseil de l'Europe a codifié les valeurs morales
de nos sociétés en élaborant une législation
internationale applicable, en cas de besoin, par le biais de sanctions.
Dès le milieu des années 80, on pouvait croire que la mission du
Conseil de l'Europe était achevée car le Conseil était
devenu une assemblée d'Etats ayant exactement les mêmes
idées. D'une certaine manière, il avait été
remplacé par la Communauté européenne, instrument
préféré de la coopération européenne. Les
membres du Conseil ont vu, sans doute avec des sentiments mitigés, la
Communauté prendre en main la construction de l'Europe, faisant siens
les drapeaux, hymne et jour de fête du Conseil. Comme l'a affirmé
Charles de Gaulle, le Conseil de l'Europe était devenu « la
belle au bois dormant du Rhin ».
L'unification politique
Puis,
survinrent les événements de 1989. La chute du Mur de Berlin
rendit au Conseil de l'Europe le rôle central qui avait été
le sien dans l'unification de l'Europe. Il avait pour mission d'accueillir,
d'encourager et de consolider les nouvelles démocraties qui souhaitaient
vigoureusement s'engager dans une nouvelle voie. Un dilemme apparut
aussitôt. Comment le Conseil, conçu pour défendre des
valeurs et de veiller à ce que ses Etats Membres respectent leurs
engagements, devait-il traiter les demandes des Etats qui ne remplissaient pas
les conditions d'entrée ?
Ses dirigeants décidèrent d'accueillir malgré tout les
nouvelles démocraties, en leur faisant confiance pour l'adaptation
postérieure de leurs dispositifs politiques. Les Etats qui souhaitaient
devenir membres devaient s'engager à mettre en oeuvre les conventions
fondamentales de l'Europe et accepter le suivi et la surveillance du Conseil
à cet endroit. Aujourd'hui, cette surveillance est assurée par le
Comité des Ministres et par l'Assemblée parlementaire. L'objectif
est non de critiquer les Etats, mais de les aider. Cependant, si besoin est, le
Conseil peut user de sanctions, dont la suspension, voire l'expulsion.
Les innovations
La mission du Conseil de l'Europe ne se limite pas à l'intégration de nouveaux Etats membres. Il doit également veiller à ce que les membres en place continuent de faire respecter les idées de l'Europe. C'est pour répondre à cette attente que le gouvernement travailliste de la Grande-Bretagne a, dès 1997, adopté une loi pour intégrer la Convention européenne des Droits de l'Homme à la législation britannique. La loi sur les droits de l'homme, votée en 1998, entrera en vigueur en 2000. Elle joue un rôle essentiel dans la création d'une culture des droits et des devoirs, qui constitue un des objectifs du gouvernement britannique. Cette initiative entraînera des changements fondamentaux dans notre système législatif et touchera toutes les sphères du travail de l'Etat.
L'avenir
Une nécessaire coopération
De
même que les autres Etats membres, la Grande-Bretagne s'engage à
veiller à ce que le Conseil de l'Europe progresse constamment, en
adaptant ses politiques et ses objectifs aux défis nouveaux et urgents
qui surgissent. A la suite du deuxième Sommet du Conseil de l'Europe en
1997, les Etats ont entrepris un travail considérable pour
décider des adaptations futures. Lors de la réunion
ministérielle à Budapest au mois de mai, les Ministres ont
approuvé un programme de réforme du Conseil, qui portera sur les
méthodes de travail et la redistribution des ressources en fonction des
missions jugées prioritaires pour les années à venir.
Aussi unique qu'ait été sa contribution, le Conseil n'est pas la
seule organisation dont dépend l'avenir de l'Europe. Il devra travailler
de concert avec les institutions déjà en relation que sont
l'Union européenne, l'OTAN, l'OSCE et l'OCDE. Nous voyons avec bonheur
s'engager un dialogue entre ces acteurs. L'expérience du Conseil de
l'Europe est unique et lui permettra d'apporter une contribution
irremplaçable à l'OSCE, dans son action au Kosovo comme à
l'élaboration du Pacte pour la Stabilité en Europe du Sud-Est.
Pour la dignité humaine
Quant
à l'Assemblée parlementaire, elle est la conscience du Conseil de
l'Europe. Ses membres veillent à la conformité des engagements et
des actions menées par les Etats membres et préparent des
rapports sur les Etats qui demandent à être admis.
Il va sans dire que la surveillance et le suivi ne suffisent pas. Un des
défis principaux pour la communauté internationale sera de mettre
fin à la violation des droits de l'homme et de punir les coupables selon
la loi. Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent adopter la
Convention européenne des Droits de l'Homme. Ils acceptent donc la
compétence de la Cour européenne des droits de l'homme et
reconnaissent celle-ci comme étant l'unique autorité en la
matière. La Cour garantit la punition de tout Etat violant les droits de
l'homme des individus.
Le Conseil de l'Europe a joué un rôle novateur dans bien d'autres
domaines. Ses membres se réunissent, entre autres, pour élaborer
des stratégies pour lutter contre la toxicomanie, pour élaborer
des codes d'éthique médicale, pour protéger les droits des
minorités, pour promouvoir le patrimoine culturel de l'Europe et pour
empêcher la corruption.
Des principes durables
Si les
valeurs fondatrices du Conseil restent essentiellement identiques, les actions
lancées à ce jour seront revues et remaniées pour
être le plus efficace possible. Le Conseil doit notamment tirer le
meilleur profit possible des ressources dont il dispose, qui ne seront
naturellement jamais suffisantes pour mener toutes ses actions à bien.
La souplesse et la capacité à s'adapter devront donc être
les maîtres mots. Le Secrétariat du Conseil doit être
salué pour la réforme déjà amorcée.
Le Conseil de l'Europe de l'avenir s'attaquera aux défis avec
enthousiasme sans jamais se défaire de ses principes fondamentaux. Il
aidera ses Membres à tenir leurs engagements tout en insistant pour
qu'ils fassent le maximum d'eux-mêmes. Il affirmera l'unité de
l'Europe à travers les valeurs communes à nous tous.
C'est dans l'unité que nous trouverons les solutions aux nouveaux
problèmes qu'affronte notre continent. La Grande-Bretagne, la France,
leurs partenaires européens et leurs amis au sein des autres
organisations européennes se sont engagés à travailler de
concert pour leur bien commun. Nous avons l'espoir que l'heure viendra
rapidement où tous les pays européens pourront remplir les
critères d'entrée pour enfin faire partie de cette famille
européenne qu'est le Conseil de l'Europe.