EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 30 mai 2000 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la commission
des Lois a procédé à l'examen du compte rendu
établi à la suite des missions dans les départements
d'outre-mer, présenté par M. José Balarello.
M. José Balarello a indiqué que la commission avait
effectué deux missions dans les départements d'outre-mer, la
première de douze jours en Guyane et aux Antilles en septembre 1999,
présidée par M. Jacques Larché, président, la
seconde de huit jours à la Réunion et à Mayotte en janvier
2000, conduite par lui-même, les commissaires ayant rencontré
environ cent cinquante personnes.
M. José Balarello a dressé le constat de la situation actuelle
des départements d'outre-mer. Il a rappelé que ces quatre
départements avaient le même statut au sein de la
République, défini par l'article 73 de la Constitution,
permettant l'adaptation du régime législatif et de l'organisation
administrative des départements d'outre-mer à leur situation
particulière. De plus, il a noté que l'article 299-2 du
traité d'Amsterdam reconnaissait, au sein de l'Union européenne,
la spécificité des régions
ultra-périphériques que sont les départements d'outre-mer
français.
M. José Balarello a fait part des similitudes propres à
l'ensemble des départements d'outre-mer. Il a décrit des
régions caractérisées par une démographie
galopante, leur taux de natalité étant de vingt pour mille en
moyenne, contre treize en métropole, et par un taux de chômage
très élevé, de l'ordre de 30 %, 15 % de la
population étant allocataire du revenu minimum d'insertion (RMI), contre
3 % en métropole. Il a précisé que l'économie
des départements d'outre-mer était marquée à la
fois par l'importance des transferts sociaux en provenance de la
métropole, à hauteur de 45 ou 50 milliards de francs par an, et
un taux relativement bas de prélèvements obligatoires :
35 %, contre 44 % en métropole. S'agissant du secteur public,
il a noté que la surrémunération des fonctionnaires
s'élevait à 40 % en Guadeloupe, Martinique et Guyane, et
53 % à la Réunion.
M. José Balarello a ensuite montré les différences entre
les départements d'outre-mer, en premier lieu leur implantation
géographique. Il a notamment relevé que la Martinique et la
Guadeloupe, îles situées dans les Caraïbes, comptaient
respectivement 381.000 et 422.000 habitants, et que la Guyane, appartenant au
continent sud-américain, était caractérisée par une
très forte progression démographique, due en grande partie aux
flux migratoires en provenance du Surinam. Il a souligné les
difficultés du contrôle des frontières de la Guyane, en
particulier le long du fleuve Maroni.
M. José Balarello a présenté la Réunion,
située dans l'Océan indien et peuplée de 700.000 habitants
d'origines très diverses, comme le département d'outre-mer se
rapprochant le plus de la structure métropolitaine. Il a
déploré le taux de chômage insupportable, la Réunion
créant 2.000 emplois par an en moyenne, alors que les besoins
s'élèveraient à 10.000. Avec pour environnement
régional l'Ile Maurice, Madagascar et l'Afrique du Sud, il a jugé
important pour la Réunion de développer une université
ouverte sur l'Océan indien.
En matière économique, il a plaidé pour la diminution ou
la suppression des charges sociales pour les onze premiers emplois d'une
entreprise pendant dix ans, l'extension du dispositif des
" emplois-jeunes " au secteur privé et la baisse de la
fiscalité.
Dans le domaine institutionnel, il a souhaité que le président du
conseil général ou du conseil régional de la
Réunion puisse négocier des traités ou accords
internationaux avec les Etats voisins ou les organisations régionales,
tout en soulignant qu'une modification du statut de département
d'outre-mer ou la création d'un Congrès n'étaient pas
demandées par les acteurs locaux. Il a jugé controversée
la question de la création d'un deuxième département
à la Réunion. Enfin, il a insisté sur les problèmes
spécifiques de la prison de Saint-Denis et des communications
routières.
M. José Balarello a ensuite exposé les caractéristiques de
la Guyane, immense territoire très peu desservi en voies de
communication, avec une seule route littorale et la prédominance des
fleuves comme voies de communication. Soulignant la grande diversité des
populations guyanaises, il a montré le contraste existant entre Kourou,
concentrant 20.000 habitants, le tiers des emplois et le tiers du PIB, et le
sous-développement constaté ailleurs, caractérisé
par une faible présence administrative et une justice sinistrée.
Rappelant que les villes de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni,
respectivement peuplées de 50.600 et 19.200 habitants, étaient
distantes de 250 kilomètres, il a noté la forte demande des
élus d'être à la fois plus administrés, mais
également plus autonomes.
M. José Balarello a relevé que le " Pacte de
développement pour la Guyane ", présenté
conjointement par le conseil général et le conseil
régional, proposait la création d'une nouvelle
collectivité territoriale, se substituant à la région et
au département, et comprenant une assemblée dotée d'un
pouvoir législatif et réglementaire local autonome, d'un conseil
exécutif, de conseils consultatifs, d'un conseil coutumier et de
provinces, qui bénéficierait de transferts de compétences
de l'Etat, en particulier en matière de développement
économique, de culture, de sport et d'éducation. Il a noté
que le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer proposait la
création d'un Congrès réunissant le conseil
général et le conseil régional, tandis que le
député-maire de Saint-Laurent-du-Maroni proposait la
création d'un deuxième département dans l'ouest guyanais.
Enfin, l'Etat étant propriétaire de 90 % des terres en
Guyane, il a estimé qu'il lui revenait de créer des parcs
nationaux et de permettre la mise à disposition de terres à de
jeunes agriculteurs.
Puis M. José Balarello a indiqué que la Martinique, le plus petit
des départements d'outre-mer, située dans les Caraïbes
à égale distance du Vénézuela et de Haïti,
présentait un niveau de vie très supérieur à celui
des Etats voisins. Il a regretté que les productions agricoles locales,
telle la banane, soient peu compétitives du fait du niveau des
transferts sociaux, des charges sociales et fiscales et du salaire minimum.
Il a noté que le tourisme constituait un volet fondamental de
l'économie martiniquaise, caractérisée elle aussi par un
chômage endémique.
Sur le plan institutionnel, il a fait part des propositions de création
d'une assemblée unique, tandis que le projet de loi d'orientation pour
les départements d'outre-mer, fortement inspiré du rapport de MM.
Claude Lise et Michel Tamaya préconisant un " pont " entre les
deux assemblées, proposait la création d'un Congrès. M.
José Balarello a souhaité que les représentants de la
Martinique puissent participer aux travaux des organisations régionales,
sans passer nécessairement par la préfecture ou le Quai d'Orsay.
Afin de lutter contre le chômage, il a notamment souhaité une
baisse de la fiscalité et des charges sociales.
M. José Balarello a ensuite indiqué que la Guadeloupe connaissait
sensiblement les mêmes problèmes que la Martinique. Il a
noté la trop grande proportion de terres en friche, les
difficultés du tourisme et le nombre très élevé des
allocataires du RMI.
Il a fait part des propositions de la commission ad hoc du conseil
général de la Guadeloupe, tendant à l'institution d'une
assemblée unique, bénéficiant de certains transferts de
compétences.
M. José Balarello a ensuite noté que le rattachement
administratif de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin à la
Guadeloupe, alors que 250 kilomètres les séparaient,
était jugé totalement artificiel par leurs populations.
S'agissant de Saint-Martin, composée de deux parties, l'une
française, l'autre hollandaise, sans frontière
matérialisée, M. José Balarello a noté que la
partie française comportait 35.000 habitants, dont un tiers
d'étrangers en grande partie en situation irrégulière. Il
a noté les problèmes de délinquance liés au trafic
de drogue, la concentration des richesses dans la partie hollandaise de
l'île, la présence de l'anglais comme langue maternelle. Tout en
soulignant que Saint-Martin dépendait financièrement des
crédits métropolitains et européens, il a indiqué
que les élus souhaitaient une évolution statutaire reconnaissant
une plus grande autonomie de l'île.
Puis M. José Balarello, rapporteur, a indiqué que
Saint-Barthélémy, avec 6.800 habitants, était
marquée par un siècle de présence suédoise, les
habitants refusant de payer l'impôt sur le revenu et l'impôt sur
les sociétés au nom d'un protocole franco-suédois. Il a
relevé que Saint-Barthélémy, orientée vers le
tourisme haut de gamme, ne comptait que 81 chômeurs indemnisés en
1999. Il a précisé que les élus de l'île
souhaitaient transformer l'île en collectivité territoriale
à statut particulier ou en territoire d'outre-mer ou, à
défaut, au moins obtenir des transferts de compétences en faveur
de la commune, une dérogation à la carte sanitaire de la
Guadeloupe et une plus grande autonomie fiscale, notamment par la
création d'une taxe de séjour.
M. José Balarello a conclu en rappelant les réalités
s'imposant au législateur. Il a tout d'abord insisté sur la
très grande diversité des situations locales, l'identité
culturelle de chaque département, les différences dans les
évolutions économiques possibles, nécessitant pour le
législateur de faire du " cousu main ". Il a jugé que
les acquis de la départementalisation ne devaient pas être
rejetés mais que leur revers consistait en une
compétitivité réduite, gênant les
exportations ; en particulier, il a jugé possible de maintenir un
niveau de vie relativement élevé à condition de
réduire le coût du travail par la défiscalisation et la
suppression des charges sociales.
Sur le plan institutionnel, il a appelé de ses voeux des transferts
importants de responsabilités et de compétences, y compris dans
le domaine des relations internationales. Il a jugé nécessaire
que l'Etat restaure la justice et améliore les prisons.
Il a indiqué que les fonds structurels européens attribués
aux départements d'outre-mer allaient s'élever à 23
milliards de francs de 2000 à 2006, ajoutés aux
5,6 milliards de francs en provenance de la métropole, et
qu'il faudrait veiller à leur utilisation, malgré les obstacles
que peuvent constituer la lourdeur de l'organisation administrative
française et l'obligation, pour les collectivités, d'avancer les
sommes nécessaires.
Après avoir souligné la qualité du rapport
présenté par M. José Balarello, M. Lucien Lanier a
estimé qu'aucun des départements d'outre-mer n'était
semblable à l'autre, pas même la Martinique et la Guadeloupe. Tout
en soulignant que la mondialisation accentuait les différences entre ces
départements, il a jugé primordiale la prise en compte de cette
diversité lors de l'examen du projet de loi d'orientation.
Après avoir également apprécié la
fidélité du constat établi par M. José
Balarello, Mme Dinah Derycke a noté que certains problèmes
étaient communs aux départements d'outre-mer, que ce soit la
dépendance économique vis-à-vis de la métropole ou
le niveau de vie très supérieur à celui des Etats voisins.
Mais elle a insisté sur les problèmes très
spécifiques de la Guyane, partagée entre Kourou, vitrine des
technologies les plus avancées, et la Guyane de l'intérieur. Elle
a noté les demandes de reconnaissance d'ordre culturel, la population
étant diverse, mélangée, jeune, et l'immigration
désormais parfois mal vécue.
Elle a noté que les départements d'outre-mer ne remettaient pas
en cause leur appartenance à la nation française mais ne
voulaient plus être soumis à des règlements, plus
qu'à des lois, inadaptés à leur situation, citant
l'exemple des normes de construction de logements.
S'agissant de Saint-Martin, elle s'est déclarée dubitative sur
les résultats de la défiscalisation, et a souhaité que la
partie française demeure préservée des excès
constatés dans la partie hollandaise.
En matière institutionnelle, elle a noté le consensus sur les
résultats positifs de la départementalisation et la
nécessité d'aller plus loin, mais l'absence d'accord
définitif sur les aménagements à y apporter, la loi
d'orientation pouvant à cet égard être qualifiée de
" loi d'étape ".
Enfin, elle a noté que les crédits des fonds structurels
devraient être davantage mobilisés.
Après avoir à son tour salué la qualité du rapport
présenté par M. José Balarello, qui permettrait aux
sénateurs d'appréhender en connaissance de cause le projet de loi
d'orientation, M. Robert Bret a indiqué que le Sénat devrait
s'efforcer de définir un point d'équilibre sur ce texte
conçu comme une étape dans le processus d'évolution et de
développement des départements d'outre-mer. Il a estimé
que ces collectivités, concrétisant la présence
française dans l'océan indien, dans la zone Caraïbes et sur
le continent sud-américain, devaient être
considérées comme autant d'atouts pour la France. Après
avoir souligné la diversité de leurs situations respectives, il a
rappelé que le niveau élevé du taux de chômage
constituait une caractéristique commune, le tourisme étant la
seule activité moderne importante de leur développement
économique. Il a observé que le caractère massif de l'aide
publique avait eu pour effet d'encourager les flux migratoires venus
accroître la vulnérabilité de la situation
économique de ces départements. Constatant que la
départementalisation avait atteint ses limites, il a estimé
qu'une réponse adaptée ne pourrait émaner que d'une
démarche consensuelle de l'ensemble des groupes politiques.
Après avoir apprécié la fidélité et le
caractère nuancé du constat dressé par M. José
Balarello, M. Jean-Jacques Hyest a approuvé sa conclusion, soulignant la
nécessité de définir des solutions " cousues
main " prenant en compte la diversité des situations. Estimant
inopportun de se focaliser sur les questions institutionnelles, il a
observé que les problèmes économiques, sociaux et
démographiques devaient être considérés comme
prioritaires et conduire à des transferts de compétences au
profit des acteurs locaux. Il a souligné que l'inertie des
évolutions démographiques grevait en particulier
l'évolution de la Guyane et de la Réunion, la population de cette
dernière devant atteindre le million d'habitants dans une quinzaine
d'années, ce qui posait la question de l'avenir de la jeunesse de ces
départements.
M. Jacques Larché, président, a observé que le volume
inégalé des enveloppes de crédits revenant aux
départements d'outre-mer posait le problème de
l'effectivité de leur utilisation, ce qui n'était pas sans
incidence au plan institutionnel dans la mesure où des mécanismes
permettant d'associer les autorités locales à la prise de
décision, garantie d'une utilisation optimale, devaient être
imaginés. Il a par ailleurs estimé nécessaire de
réfléchir aux domaines dans lesquels devrait porter
prioritairement l'effort social pour éviter qu'il ne constitue un frein
au développement économique. M. Jacques Larché,
président, a enfin souligné une difficulté
résultant de la rédaction du Traité d'Amsterdam, en
observant que les départements d'outre-mer français
étaient éligibles aux fonds structurels en vertu de leur
appartenance à une catégorie juridique, alors que d'autres
collectivités telles que Madère, les Açores ou encore les
Canaries en bénéficiaient en tant que telles. Il a estimé
que les autorités françaises devraient pouvoir obtenir une
modification du Traité sur ce point, cet état du droit
constituant un obstacle à une évolution institutionnelle vers
davantage de décentralisation, gage du développement de ces
collectivités.
Après s'être félicité de la qualité du
rapport présenté par M. José Balarello, M. Lylian
Payet a cependant regretté que la question du logement n'ait pas
davantage été évoquée, celui-ci constituant un
problème majeur à la Réunion. Il a rappelé que la
formation et la mobilité représentaient deux défis
essentiels pour la jeunesse de ce département et a souhaité qu'il
ne soit plus fait référence à la notion d'assistance
lorsque la question du RMI était évoquée. Il a par
ailleurs souligné le sous-encadrement caractérisant la situation
de la fonction publique à la Réunion.
M. Jacques Larché, président, a rappelé que le logement ne
relevait pas en tant que tel du champ de compétence de la commission des
lois, ce qui expliquait que le rapporteur ne lui ait pas consacré de
plus amples développements.
Après avoir souligné que le schéma régional
d'aménagement de la Réunion, distinguant quatre zones, avait
été adopté à l'unanimité, M. Paul
Vergès a estimé nécessaire de replacer le débat
dans une perspective historique et géographique. Il a rappelé que
l'économie de l'île s'était développée au
dix-neuvième siècle sur une tradition de monoculture de la canne
à sucre avec une implantation équilibrée des structures
permettant le traitement sur place de cette matière première, les
treize usines existant en 1945, 7 au Sud et à l'Ouest, 6 au Nord et
à l'Est, ayant favorisé la sédentarisation et la
création de bassins d'emploi. Il a indiqué que la modernisation
des exploitations et le mouvement de restructuration industrielle avaient
depuis abouti à la fermeture de 11 usines, le nombre d'ouvriers
ayant été ramené de 11.500 en 1946 à 1.500
aujourd'hui, provoquant une rupture de l'équilibre géographique
existant, aggravée par l'exode rural et une forte croissance
démographique. Il a observé que la population était
passée de 250.000 habitants en 1946 à 720.000 habitants
aujourd'hui. Il a rappelé que la richesse produite par l'activité
agricole représentait désormais moins de 8 % du PIB
réunionnais alors que la part du secteur tertiaire représentait
plus de 80 %.
M. Paul Vergès a estimé que la concentration des services
départementaux et des activités tertiaires à Saint-Denis
illustrait ce déséquilibre ; il a rappelé que plus de
70.000 véhicules entraient chaque jour dans cette agglomération.
Il a observé que l'implantation du principal aérodrome au Nord de
l'île accentuait encore ce déséquilibre.
Il a par ailleurs souligné qu'à la différence des
Antilles, la Réunion se caractérisait par une grande
diversité ethnique, avec une souche européenne importante et des
flux migratoires venus de Madagascar, des côtes orientales africaines, de
l'Inde et de la Chine. Il a observé qu'en résultait une
importante diversité culturelle, obstacle à la cohésion et
source de problèmes identitaires.
Rappelant l'ancienneté de la colonisation de la Réunion,
marquée par la culture européenne qui l'avait conduite vers
l'assimilation plutôt que vers l'émancipation, M. Paul
Vergès a indiqué que sa structure territoriale était
calquée sur celle de la métropole. Après avoir
rappelé qu'elle comprenait vingt-quatre communes dont certaines ne
tarderaient pas à excéder les 100.000 habitants, il a
estimé nécessaire de créer de nouvelles communes et de
réviser corrélativement la carte cantonale. Il a en outre
rappelé que la revendication tendant à la création de deux
départements datait de 1981, l'ensemble des responsables politiques
locaux ayant alors souscrit à ce projet. Rejetant toute évolution
vers l'autonomie, il a considéré qu'une modification de
l'organisation administrative constituait un préalable à la
résolution des problèmes économiques et sociaux auxquels
la Réunion était confrontée.
Observant que 5% de croissance annuelle permettaient la création de
3.500 emplois alors que 10.000 jeunes arrivaient chaque année sur
le marché du travail, M. Paul Vergès a précisé
que, contrairement à la situation prévalant il y a une
cinquantaine d'années, la plupart de ces jeunes étaient
diplômés, l'université formant actuellement quelque 13.000
étudiants. Il a indiqué qu'une étude prospective
récente révélait qu'en dépit d'une poursuite du
mouvement de croissance, le taux de chômage ne pourrait être
ramené que de 37% à 27% d'ici 2030. Il a rappelé que la
fonction publique représentait 47% de la population active locale contre
23% en métropole.
Il a également marqué l'ampleur des besoins dans le domaine des
transports et dans celui du logement. Il a ainsi rappelé que si 6
à 7 kilomètres de routes étaient créés
chaque année, 23.000 véhicules supplémentaires arrivaient
à la Réunion dans le même temps, la part des besoins
pourvue par les transports collectifs s'étant réduite de 33%
à 7% au cours des vingt dernières années. Il a
également précisé que la demande annuelle de nouveaux
logements, évaluée à 10.000 logements, n'était
satisfaite que pour moitié par les créations.
Après avoir évoqué les problèmes posés par
l'alimentation en eau de certaines régions de l'île, il a
indiqué que les besoins énergétiques, d'origine
essentiellement domestique, s'accroissaient de 7% par an ce qui justifiait la
construction d'une centrale thermique dont le coût était
évalué à 8 milliards de francs et qui nécessiterait
l'importation de matières premières énergétiques.
Exprimant la crainte que les négociations menées au sein de l'OMC
ne viennent encore aggraver la situation économique réunionnaise,
M. Paul Vergès a estimé indispensable que la Réunion
puisse prendre part aux initiatives internationales régionales et
s'intégrer aux structures de regroupement correspondantes.
Au-delà de la sphère économique, il a observé que
le développement des liens avec les pays de la zone géographique
de l'Océan indien permettrait de promouvoir la francophonie. Il a
souligné que la zone était appelée à subir de
profondes évolutions démographiques et climatiques susceptibles
de conduire à la disparition de certains Etats tels que les Maldives.
Souscrivant aux observations du président Jacques Larché, il a
confirmé la nécessité de redéfinir la notion de
région ultra-périphérique dans le Traité
d'Amsterdam pour ne pas freiner les évolutions institutionnelles, dans
l'intérêt même de l'Union européenne disposant ainsi
d'un rayonnement mondial, et a souhaité que soient explorées
toutes les possibilités offertes par la Constitution française
pour favoriser ces évolutions. Il a en outre souligné que les
partisans du statu quo sous-estimaient le caractère durable de la crise
économique et sociale et, paradoxalement, étaient les premiers
à demander la pérennisation des dispositifs dérogatoires
en matière de fiscalité, de surrémunérations ou de
bonifications de durée de cotisation pour les retraites. Il a enfin
rappelé que les vingt-trois milliards de francs de fonds structurels
bénéficiant aux départements d'outre-mer constituaient une
enveloppe d'un montant encore jamais atteint.
Après s'être à son tour félicité de la
qualité du rapport présenté par M. José
Balarello, M. Dominique Larifla a souligné l'attachement profond de
la Guadeloupe à la France et les avantages en termes de niveau de vie
liés à son statut de département français. Il a
rappelé que la Guadeloupe était constituée d'une
pluralité d'îles, deux d'entre elles,
Saint-Barthélémy et Saint-Martin, étant situées
à environ deux cent cinquante kilomètres au nord de l'île
principale, correspondant à une diversité de situations. Il a
évoqué le souhait de Saint-Barthélémy d'être
érigée en collectivité distincte et de
bénéficier de transferts de compétences en matière
de fiscalité, d'enseignement, de desserte aéro-portuaire ou
sanitaire. Précisant que ces revendications étaient
révélatrices du fait que la structure départementale avait
atteint ses limites, il a estimé que l'idée d'instaurer une
assemblée unique devait faire l'objet d'une réflexion plus
approfondie. Il a précisé que ces collectivités lointaines
pouvaient constituer un atout majeur pour la France et l'Europe.
Après s'être félicité que la présentation
faite par le rapporteur ait fidèlement retracé la situation
réunionnaise, M. Edmond Lauret a souligné l'importance des fonds
structurels alloués et s'est interrogé sur la capacité des
bénéficiaires à les utiliser dans les délais
prescrits. Il a indiqué que le montant des dépenses publiques de
la Réunion était de 40% inférieur à celui de la
métropole et que le montant des sommes versées par les
Réunionnais pour participer aux jeux tels que le loto ou le
tiercé s'élevait à 1,5 milliard de francs, soit davantage
que les sommes versées au titre du RMI, ce qui correspondait pour l'Etat
à 450 millions de francs de recettes fiscales annuelles. Après
avoir observé que les dispositions figurant sous les deux premiers
titres du projet de loi d'orientation ne permettraient que de timides
avancées pour améliorer la situation de l'emploi, il a
estimé que ce texte manquait d'inspiration et n'explorait pas toutes les
potentialités offertes par la Constitution. Il a enfin
considéré que la création d'un second département
n'aurait pas d'effet bénéfique sur la situation du marché
du travail.
La commission a décidé de publier le compte rendu des missions
dans les départements d'outre-mer sous forme d'un rapport d'information.
La mission d'information de la commission des Lois à La
Réunion s'est également rendue à Mayotte. Le compte-rendu
de ce dernier déplacement figure dans le rapport n° 270
(1999-2000) établi par M. José Balarello sur le projet
de loi organisant une consultation de la population de Mayotte.