E. RÉDUIRE L'IRRESPONSABILITÉ DES ACTEURS
1. L'interdiction des prêts en dernier ressort est une vue de l'esprit
Le
risque d'irresponsabilité des acteurs de marché et la
probabilité de crises financières qui en découle est, on
l'a mentionné, entretenu par la perspective d'interventions publiques
qui, jouant comme une assurance sans primes, introduit un fort risque moral.
Cette situation irritante suscite la tentation de prohiber le recours de telles
interventions. La suppression des prêts en dernier ressort ou d'autres
formes gratuites d'assurance imposerait davantage de prudence aux acteurs de
marché et supprimerait l'impression désagréable d'une
socialisation des pertes subies par des intervenants qui savent, au contraire,
bénéficier à titre exclusivement privé des
bénéfices de leurs imprudences.
Mais, outre qu'une telle mesure ne saurait se décréter
universellement
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)
, elle
apparaît comporter un bilan coûts-avantages défavorable.
Il semble d'abord qu'une prohibition générale de ces
interventions, à supposer même qu'elle permette de prévenir
les comportements financiers imprudents - concept qui appelle une
définition générale introuvable - ne supprimerait pas
l'ensemble des occasions de crises qu'appellent par nature l'activité
bancaire et le développement économique.
Dès lors, les autorités publiques confrontées à une
crise, se trouveraient privées d'un instrument essentiel à leur
résolution. Ainsi désarmées, elles ne pourraient que
laisser se développer des crises systémiques qui, par contagion,
affectent les acteurs dont la responsabilité directe dans des crises est
nulle. Il ne s'agirait pas d'autre chose que de " jeter le
bébé avec l'eau du bain ".
L'élimination
a priori
de tout prêteur en dernier
ressort doit être écartée comme constituant une mesure
inappropriée.
L'existence d'un prêteur en dernier ressort est donc nécessaire
pour faire face aux crises systémiques. Mais le problème
systémique que le prêteur en dernier ressort engendre doit, quant
à lui, être traité.
C'est à partir de ces deux considérations fondamentales qu'il
faut aborder les questions essentielles que sont l'identité du
prêteur en dernier ressort et les conditions que doit satisfaire son
intervention.