d) La contagion de la crise : un effet de panique plutôt qu'un effet de domino.
Si les
banques ont été les principaux acteurs du déclenchement de
la crise en Thaïlande et en Asie, les investisseurs institutionnels ont
joué un rôle déterminant dans la propagation de celle-ci,
en reportant leur défiance sur les pays d'Amérique latine et la
Russie.
Lors de son audition par le groupe de travail le 21 avril 1999,
M. Jean-Pierre Landau a expliqué ce phénomène par
l'effet de levier des contrats financiers et par le sentiment de panique qui a
sévi sur les marchés. Le développement de la crise vers la
Russie et le Brésil serait essentiellement lié à
l'aversion au risque des marchés, provoquée par la crise en Asie
et la crise brésilienne serait directement liée à la crise
russe, les opérateurs financiers prenant acte de la similitude des
situations financières entre les deux pays.
Comme les pays d'Asie et malgré des faiblesses économiques et
financières importantes et largement connues, la Russie a
continué à attirer les financements internationaux
(crédits bancaires et émissions d'obligations notamment),
pratiquement jusqu'au déclenchement de la crise financière en
août 1998. L'absence de maîtrise des finances publiques,
l'accélération des émissions d'emprunts publics à
court terme, la chute des cours des matières premières et
l'appréciation du taux de change réel ont fait douter de la
capacité de la Russie à assurer le service de sa dette à
compter de la fin de l'année 1997. Afin de sauvegarder la
stabilité du rouble, les taux d'intérêt se sont
considérablement élevés, de sorte que le service de la
dette publique absorbait près de la moitié des recettes
budgétaires. Face à l'aggravation des problèmes de
financement, le gouvernement russe a décidé de laisser flotter le
rouble et annoncé un moratoire sur le service de la dette
intérieure et sur le remboursement des dettes des entreprises et des
banques envers les créanciers étrangers. Ces décisions ont
déclenché une réaction particulièrement violente
des marchés financiers, la crise montrant, pour la première fois
depuis le début des années quatre-vingt dix, la
possibilité d'un défaut sur des obligations d'Etat.
Par conséquent,
le milieu de l'année 1998 est
caractérisé par une très forte aversion pour le risque de
la part des investisseurs, et une crise de confiance
généralisée envers les économies
émergentes
. Au début du mois d'octobre 1998, la hausse des
marges sur les obligations de la plupart des pays émergents d'Asie et
d'Amérique latine rendait très difficile l'émission de
titres pour ces pays.
Malgré une détérioration des déficits public et
commercial de la plupart des pays, l'Amérique latine avait
continué à attirer des flux de capitaux importants après
le déclenchement de la crise asiatique. Or, la crise de confiance du
milieu de 1998 a provoqué un quasi-tarissement des financements
extérieurs.
La cessation de paiements de la Russie a eu un impact important sur le
Brésil, provoquant notamment des ventes massives d'obligations
internationales émises par ce pays, et une fuite des capitaux vers la
qualité. Au début de l'année 1999, le gouvernement
brésilien a été contraint d'abandonner le régime de
change fixe en vigueur depuis 1994.
L'analyse de la crise asiatique met en valeur les insuffisances de la
régulation bancaire, et souligne les effets déstabilisateurs de
la mobilité des capitaux, en particulier lorsque les institutions
financières locales ne sont pas réglementées de
manière appropriée. Elle souligne également
l'insoutenabilité des régimes de change fixes en présence
d'un déficit budgétaire ou extérieur
élevé.
En effet, l'élévation des taux
d'intérêt nécessaire pour soutenir la monnaie nationale
encourage les résidents à emprunter en devise sans se couvrir, et
les non-résidents, à acheter des actifs en monnaie nationale. La
crise asiatique souligne donc qu'un pays ne peut soutenir à long terme
un déficit du compte courant, même lorsque ce déficit
finance l'investissement du secteur privé et non la consommation ou les
dépenses publiques.