CHAPITRE I
L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL À MOYEN
TERME
Votre
rapporteur propose dans ce chapitre quelques éléments de
réflexion sur l'évolution de l'environnement international
à moyen terme, dont chacun sait qu'il détermine largement les
perspectives de croissance en Europe et en France.
La
première partie
est consacrée à l'analyse des
prévisions de la croissance mondiale à court et moyen
terme : elle s'efforce de mettre en évidence la
contradiction
entre les opportunités de croissance pour
l'économie mondiale et les risques de crise financière que fait
peser l'endettement extérieur des Etats-Unis, autrement dit,
l'opposition qui se dessine aujourd'hui entre l'économie
réelle
et la sphère
financière
.
A l'appui de cette analyse sont présentées les simulations d'une
crise financière aux Etats-Unis, élaborées à la
demande de votre Délégation par le Centre d'Observation
Economique (COE) à l'aide du modèle multinational Oxford Economic
Forecasting (OEF).
La
deuxième partie
s'interroge sur les perspectives de croissance
en Europe. La prolongation des tendances longues suffit-elle pour analyser les
perspectives de croissance à moyen terme en Europe ? Quels
enseignements peut-on tirer, pour l'Europe, de la forte croissance des
Etats-Unis au cours des quatre dernières années ?
La
troisième partie
, enfin, s'interroge sur la possibilité
de limiter les mouvements internationaux de capitaux. Cette réflexion
est suscitée par les propositions récentes en faveur d'une
taxation des mouvements de capitaux, ou " Taxe TOBIN " ", dont
votre rapporteur considère qu'elles méritent une analyse plus
approfondie que les débats caricaturaux auxquels elles ont donné
lieu jusqu'à présent.
I. L'ÉCONOMIE MONDIALE ENTRE OPPORTUNITÉS DE CROISSANCE ET RISQUES FINANCIERS
A. LES PRÉVISONS POUR L'ÉCONOMIE MONDIALE : RETOUR À LA CROISSANCE ET INCERTITUDES SUR LA FIN DU CYCLE AMÉRICAIN
Tout
exercice de prospective à moyen terme, tel que celui auquel votre
Délégation se livre chaque année à la même
époque, oblige à se retourner sur le passé.
L'année dernière, au sortir de la crise des pays émergents
(Asie du Sud-Est, puis Russie et Brésil), l'analyse des perspectives de
l'économie mondiale se déroulait sur un fond d'inquiétude,
résumée dans le terme de
déflation
. Aujourd'hui,
les anticipations sont généralement favorables, comme si la
déflation redoutée masquait le retour de la croissance.
Trois facteurs principaux sont à l'origine de ce renversement :
- le redressement des pays émergents (spectaculaire pour certains :
Corée, Brésil et même Russie ; plus difficile pour
d'autres : Hong Kong, Thaïlande...) engendré par les gains de
compétitivité consécutifs à la crise
financière, qui confirme que leur croissance passée était
fondamentalement saine ;
- la croissance inattendue de l'économie américaine,
portée par l'exceptionnel dynamisme de la demande privée
(entreprises et ménages). Celle-ci sera de l'ordre de 4 % en 1999
alors que les Etats-Unis ont connu en 1998 le " choc "
extérieur certainement le plus violent depuis 1945. Ce pays assure
depuis trois ans 50 % de la progression de la demande mondiale, alors
qu'il ne représente que 21 % du PIB mondial. Là
réside certainement l'explication essentielle du retour au calme de
l'économie mondiale en 1999 ;
- enfin, la bonne tenue des économies européennes, dont votre
rapporteur estime qu'elle est largement due à la baisse des taux
d'intérêt décidée par les autorités
monétaires le 8 avril 1999, événement qui a
levé nombre de spéculations sur le caractère
" conservateur " de la nouvelle Banque Centrale Européenne,
qui a eu des conséquences positives sur les anticipations des agents et
qui a contribué à la solidité de la demande
intérieure.
Le Fonds Monétaire International vient de réviser ses
prévisions de croissance pour 1999, de 2,3 % à 2,8 %.
Pour 2000 et les années suivantes, la plupart des scénarios sont
construits sur un retour de la croissance mondiale vers sa tendance de longue
période, soit 3,5 % environ.
Votre rapporteur ne s'attardera pas sur les analyses par pays ou par zone
géographique qui sous-tendent ces prévisions : celles-ci
sont développées dans l'
annexe n° 1
(page 77). Il se limitera ici à quelques appréciations plus
générales.
L'économie mondiale se trouve dans un processus de baisse des prix et de
hausse des pouvoirs d'achat qui stimule les demandes internes. La
corrélation entre croissance et inflation semble par ailleurs
s'être affaiblie. Ceci crée de fortes
opportunités
de croissance dans la plupart des zones économiques. Seul le Japon,
plongé dans une crise de rentabilité, dans laquelle les
entreprises ne parviennent pas à trouver les investissements
nécessaires pour rentabiliser une épargne intérieure
privée abondante, paraît enlisé dans une croissance faible.
La remontée récente de taux à long terme dans le monde
n'est, à cet égard, qu'une conséquence normale du regain
de dynamisme de la consommation et de l'investissement.
Mais elle est peut-être aussi le signe que des tensions apparaissent dans
le financement de l'économie américaine. Celle-ci
représente en effet 21 % du PIB mondial mais absorbe plus de
40 % de l'épargne mondiale et sa capitalisation boursière
atteint 45 % de la capitalisation mondiale.
Un rééquilibrage est aussi nécessaire
qu'inévitable : quelle forme prendra-t-il ? C'est la question
qui est abordée ci-dessous.