II. LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE FRANÇAIS CONFRONTÉ AUX ENJEUX DU DÉBUT DU XXIÈME SIÈCLE
La
capacité d'adaptation dont le secteur agro-alimentaire a su faire preuve
depuis le milieu des années 60 lui sera d'autant plus nécessaire
demain qu'il sera confronté à des enjeux importants.
Ceux-ci apparaissent nombreux et variés mais forment, en fait,
un
triptyque très homogène dans lequel chaque élément
est dépendant des deux autres
: ainsi,
l'internationalisation croissante des échanges alimentaires
,
l'élargissement de l'Union européenne aux Pays d'Europe Centrale
et Orientale (PECO) et les futurs accords conclus au sein de l'OMC, rendront,
par exemple, les
variations de la demande alimentaire mondiale
déterminantes pour l'évolution du secteur agro-alimentaire
.
Mais cette internationalisation accrue des échanges concerne
également les
technologies nouvelles,
qui auront un impact
capital sur le devenir du secteur agro-alimentaire
: il n'y a
qu'à citer, à titre d'exemple, le cas des biotechnologies et
celui des technologies de l'information de la communication (NTCI) dont les
conséquences sont lourdes.
Le dernier, et non le moindre, auquel l'agro-alimentaire devra répondre
est
celui de la sécurité sanitaire, de la qualité
alimentaire et de l'environnement
: ces exigences sont apparues,
certes, depuis une dizaine d'années mais elles atteindront, dans les
années à venir, une dimension tout autre En effet,
dès
lors que ces exigences ne seront pas suffisamment prises en compte,
l'internationalisation des marchés et la diffusion immédiate de
l'information provoqueront une sanction immédiate sur le plan
économique, financier, mais aussi -ne l'oublions pas-, social pour
l'entreprise
.
A. LE SECTEUR AGRO-ALIMENTAIRE FACE AUX PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DES MARCHÉS DE L'ALIMENTAIRE
Les
industries agro-alimentaires seront confrontées dans les dix à
vingt années à venir à deux tendances de fond
:
l'une concerne la libéralisation croissante des échanges dans le
domaine alimentaire, l'autre a trait à l'augmentation de la demande
alimentaire mondiale.
Vos rapporteurs sont conscients du fait que ces deux enjeux ne sont pas
à proprement parler totalement nouveaux pour ce secteur
d'activité
: en effet, les industries agro-alimentaires ont
dû déjà faire face à des périodes de
croissance de la demande alimentaire mondiale parfois plus importante que celle
prévue jusqu'en 2010. De plus, le processus de libéralisation des
échanges agro-alimentaires a déjà démarré
depuis une dizaine d'années, et a, tout au moins, été
consacré dans les accords de Marrakech.
Néanmoins, ces enjeux vont s'imposer au secteur agro-alimentaire avec
une acuité toute particulière dans les années à
venir.
1. L'évolution de la situation alimentaire mondiale
Plusieurs organisations internationales effectuent
régulièrement des études prospectives consacrées
à l'agriculture mondiale et aux perspectives du secteur
agro-alimentaire. On peut citer l'étude de la FAO publiée en 1995
sous le titre " Agriculture mondiale : horizon 2010 ". De
même, l'OCDE a publié en 1998 un rapport intitulé " Se
nourrir demain : perspectives à long terme du secteur
agro-alimentaire ".
Les conclusions de ces ouvrages sont à prendre avec beaucoup de
précautions, compte tenu des incertitudes quant aux prévisions
à dix ou quinze ans. Néanmoins, vos rapporteurs souhaitent
mentionner certaines conclusions de ces études qui permettent
d'alimenter la réflexion sur l'avenir à moyen terme des
industries agro-alimentaires françaises.
Dans les pays en développement, le secteur agro-alimentaire serait
confronté à l'horizon 2010 à plusieurs
évolutions
. Tout d'abord, la démographie mondiale devrait
poursuivre sa croissance puisque la population atteindra près de
7 milliards d'habitants en 2010 : l'augmentation de la population
mondiale s'élèvera chaque année de plus de
80 millions d'habitants. Dans un contexte d'amélioration globale,
de croissance économique, de hausse des revenus et d'urbanisation
croissante, notamment en Asie et en Amérique Latine, la croissance
agricole mondiale devrait croître à un rythme lent (+1,8 %
par an), c'est-à-dire proche de zéro en termes de production.
Comme le précise l'OCDE, un certain ralentissement de la production
mondiale agricole n'est pas négatif en soi dans la mesure où il
témoigne d'une moindre croissance démographique mondiale et d'une
augmentation du nombre de personnes ayant plus ou moins atteint, pour leur
consommation alimentaire, un niveau minimum. Mais ce phénomène de
ralentissement pourrait être lié au fait que des populations
susceptibles de consommer davantage ne disposent pas de revenus suffisants pour
accroître leur demande alimentaire.
Par ailleurs, il ressort de différentes analyses internationales que les
approvisionnements alimentaires par habitant destinés à la
consommation humaine directe, notamment dans les pays en développement,
devraient continuer à croître dans l'ensemble, passant de
2.550 calories en 1994 à 2.770 en 2010, l'Afrique restant à
l'écart de cette évolution.
La demande alimentaire dans les
pays en développement devrait croître de + 2 ,6 %
par an -sauf pour les pays les moins avancés-, ce qui se
révèle important.
Si le commerce des produits agricoles continuerait à représenter
10 % du commerce mondial, les échanges de produits
transformés et de produits d'élevage pourraient se
développer beaucoup plus rapidement. Par exemple, la Chine verrait sa
demande de viande augmenter de 85 % et celle de céréales de
30 % dans les vingt ans à venir.
De plus, les pays en
développement -aujourd'hui globalement exportateurs nets de produits
agricoles- deviendraient importateurs nets de produis agricoles et de certains
produits transformés.
Vos rapporteurs précisent, en outre,
que ces pays se dirigeront, de plus en plus, d'une l'alimentation à base
de protéines végétales vers une alimentation à base
de protéines animales.
Cette évolution fondamentale aurait une conséquence
extrêmement importante pour le secteur agro-alimentaire
français
: en effet, ce nouveau volume d'importations
permettrait aux pays de l'OCDE, dont les marchés intérieurs ou
régionaux stagnent, d'accéder à des
débouchés intéressants pour leurs exportations et à
des opportunités d'investissement direct attractifs. Or, selon l'OCDE,
ces nouveaux marchés seraient captés par les Etats-Unis et les
pays du groupe de Cairns
14(
*
)
en
raison de leurs prix plus attractifs et de leurs politiques favorisant les
mécanismes de marché, surtout lorsqu'il s'agit d'exportation.
Ainsi, l'Union européenne, et particulièrement la France,
serait soumise à de fortes pressions concurrentielles qui aboutiraient
à lui faire perdre un grand nombre de marchés dans le secteur de
l'alimentaire
. A cela s'ajoute l'éventuelle augmentation du taux de
pénétration des importations pour la zone de l'OCDE, à la
suite de l'abaissement des protections douaniers.
Vos rapporteurs soulignent l'enjeu que constitue pour les industries
agro-alimentaires l'évolution dans un proche avenir de la demande
alimentaire émanant notamment des pays en développement
.
Certains observateurs estiment, certes, qu'aujourd'hui ce danger potentiel
reste relativement faible compte tenu de l'importance du marché
européen pour le secteur agro-alimentaire français. Mais un tel
raisonnement pourrait à court terme se révéler
particulièrement risqué et ce pour deux raisons. En premier lieu,
le commerce agro-alimentaire français perd depuis quelques mois
d'importantes parts de marché dans la zone Europe : c'est notamment
le cas pour l'Allemagne et l'Italie. En second lieu, la mondialisation
croissante des échanges pourrait conduire à donner une importance
accrue aux échanges alimentaires avec les pays tiers, ce qui constitue
un réel défi pour notre secteur agro-alimentaire qui ne
paraît pas le mieux placé, notamment en termes de prix, pour
satisfaire ces marchés.
Dans les pays de l'OCDE, et notamment en Europe, l'évolution du secteur
agro-alimentaire s'analyse en termes non seulement quantitatifs, mais aussi
qualitatifs. Ainsi, en raison du vieillissement de la population, de la
progression du taux d'activité féminine et de la réduction
de la taille des familles,
les habitudes alimentaires des consommateurs
devraient continuer à évoluer
. Les modes d'alimentation
économes en temps, favorisant par exemple les produits
transformés prêts à l'emploi, les plats chauds
préparés à l'extérieur, les services de livraison
ainsi que la restauration sauront, sans nul doute, s'imposer de façon
encore plus évidente.
2. Une globalisation croissante des échanges de produits alimentaires
L'augmentation des échanges et des investissements
touche
aussi, évidemment, le secteur agro-alimentaire, depuis une dizaine
d'années.
Au niveau européen, la réforme de la PAC de mars 1999
prolonge celle de 1992
en abaissant les prix institutionnels de 15 %
pour les céréales, 20 % pour la viande bovine et 15 %
dans le secteur du lait et des produits laitiers.
L'agriculture européenne poursuit donc un mouvement de
libéralisation progressive
, marquée par un transfert
accentué des soutiens du marché vers les aides directes aux
agriculteurs, sans pour autant que celles-ci soient véritablement
découplées... Les professionnels de l'industrie agro-alimentaire
ont encouragé cette évolution et paraissent satisfaits
globalement des résultats obtenus lors de ces dernières
négociations.
En effet, compte tenu de la baisse des restitutions à l'exportation, le
rapprochement des prix agricoles communautaires avec les cours mondiaux -si peu
représentatifs soient-ils dans le domaine agricole- permet un
allégement des coûts d'approvisionnement en matières
premières. Le secteur agro-alimentaire améliore ainsi ses marges
sur les ventes effectuées en Europe et abaisse ses prix de vente sur les
marchés des pays tiers, augmentant ainsi sa compétitivité,
tout en bénéficiant d'une moindre dépendance à
l'égard des décisions communautaires en matière de
restitution à l'exportation
15(
*
)
. La mise en place de cette nouvelle
réforme de la PAC ne devrait donc pas globalement créer de
difficulté à ce secteur de la transformation, d'autant qu'elle
s'effectue dans un contexte de stabilité monétaire au sein de
l'Union européenne, grâce à l'Euro.
Néanmoins,
vos rapporteurs regrettent les décisions
adoptées à Berlin en ce qui concerne les
oléo-protéagineux
. A l'instar de ce qui s'est passé
à la suite de la réforme de 1992, avec le pré-accord de
Blair House, le secteur agro-alimentaire devra s'attendre à une forte
réduction de ses approvisionnements, notamment l'industrie des
oléagineux, en raison de la baisse de ces productions agricoles
fortement concurrencées, notamment par le blé.
L'élargissement de l'Union européenne aux PECO est un
défi d'une tout autre dimension
: en effet,
l'intégration des PECO au sein de l'Union augmentera la population
européenne de 25 %. Mais surtout, l'intégration du secteur
agro-alimentaire de ces pays risque d'entraîner de graves perturbations
dans l'Europe communautaire, dues à l'importance des écarts de
prix des produits agricoles -les prix des PECO étant
généralement beaucoup plus faibles- et à la
nécessité d'une restriction à opérer dans les
secteurs agricoles et d'aval.
Cet élargissement est donc à la
fois une formidable opportunité en termes d'approvisionnement et de
débouchés pour notre secteur agro-alimentaire et un défi
en termes de concurrence
. En effet, si, sous les régimes
communistes, le secteur agro-alimentaire avait été
relégué à un rang de second ordre
16(
*
)
, l'essor des IAA, dans un
marché de 100 millions de consommateurs, est devenu une
priorité pour bon nombre de gouvernements de pays d'Europe centrale et
orientale comme la Pologne ou la Hongrie...
Au niveau mondial
,
les futures négociations de l'OMC
, qui
débuteront à Seattle à la fin du mois,
constituent un
enjeu essentiel pour le secteur agro-alimentaire.
L'application des derniers accords du GATT (accès minimum des produits
des pays tiers au marché européen, transformation des
prélèvements variables à l'importation en droits de douane
et baisse des exportations subventionnées) a soulevé de
sérieuses difficultés pour certains secteurs d'activité,
notamment les produits laitiers, la farine, le malt et la volaille. Dans ce
dernier secteur, de 1988 à 1998, les exportations américaines ont
augmenté de 21,4% alors que dans le même temps, les exportations
européennes se limitaient à une croissance de 8,9 %.
Vos rapporteurs ont pris acte de la position commune
unanime
des Quinze sur les grandes lignes de la stratégie agricole
européenne
. Les trois principes généraux de cette
déclaration sont, respectivement, la référence
appuyée au modèle européen d'agriculture fondé sur
la mulfonctionnalité, le respect des conclusions de Berlin,
"
éléments essentiels de la position européenne en
vue des futures négociations commerciales
multilatérales
" et la défense de la
préférence communautaire.
Les objectifs des
négociations pour l'Union européenne sont les suivants
:
- la protection pour les produits communautaires dont la réputation
de qualité est liée à une indication
géographique ;
- le maintien de l'équilibre de l'accord de Marrakech, notamment
pour les soutiens internes. De manière générale, les aides
directes sont préférables au soutien des cours, d'autant plus
qu'elles peuvent contribuer à certaines missions de l'agriculture
multifonctionnelle, notamment le développement rural ;
- l'Union européenne est prête à négocier un
processus de réduction des subventions à l'exportation dès
lors que les concessions sont équilibrées avec les autres grandes
puissances agricoles (Etats-Unis, notamment). Sont visés explicitement
les crédits à l'exportation et la fourniture d'aide alimentaire,
deux supports importants de la stratégie américaine de
conquête de marchés extérieurs ;
- le maintien des concepts de " boîte verte "
17(
*
)
et de " boîte bleue "
comme catégories de négociations. Vos rapporteurs soutiennent le
maintien durable d'une boîte bleue (aides directes non totalement
découplées du revenu), qui n'avait qu'un statut transitoire dans
l'accord de Marrakech ;
- la confirmation plus explicite du principe de précaution, afin de
veiller à la sécurité et à la qualité des
produits alimentaires.
Vos rapporteurs regrettent que le document des ministres de l'agriculture ne
prenne pas suffisamment en compte les préoccupations du secteur
agro-alimentaire européen et de ses 19.000 entreprises qui
représentent 535 milliards d'euros de chiffre d'affaires -dont
40 milliards à l'export- et 2,63 millions de
salariés.
Comme le souligne l'Association nationale des industries alimentaires, le
" Millenium round " est "
l'occasion pour l'Union
européenne de marquer résolument sa détermination dans les
négociations multilatérales, en faisant reconnaître par ses
partenaires les spécificités de ses choix alimentaires, tout en
permettant aux entreprises alimentaires d'améliorer leur
compétitivité dans les échanges internationaux ".
Néanmoins, les dangers sont réels : en octobre 1992, la
signature du pré-acccord de Blair House a entraîné des
conséquences catastrophiques pour les secteur de la volaille, alors que
ce marché était en pleine expansion.
Les négociations du " Millenium Round " constituent donc bien
un véritable défi pour notre secteur agro-alimentaire. Si, au
sein de l'Union européenne le groupe de Londres (Grande-Bretagne,
Danemark, Suède) a signé la déclaration commune de
septembre dernier, le groupe de Cairns refuse le "
protectionnisme
agricole de l'Union européenne "
et considère le
démantèlement des protections tarifaires
(prélèvements à l'importation) et des subventions à
l'exportation (restitutions) comme des priorités de l'agenda de Seattle.
Le Président américain, M. Bill Clinton, a récemment
renouvelé son souhait de voir disparaître rapidement les
subventions agricoles européennes qui constituent, selon lui, un
obstacle à la bonne marche du commerce international.
B. L'AGRO-ALIMENTAIRE AU CoeUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Il ne
s'agit nullement ici pour vos rapporteurs de dresser un tableau exhaustif des
nouvelles technologies ou de prétendre appréhender toutes les
conséquences de celles-ci dans le domaine de l'agro-alimentaire.
Néanmoins, au travers de deux exemples précis, il est possible de
mesurer les véritables impacts pour le secteur de l'agro-alimentaire,
d'une part, des biotechnologies, d'autre part, des technologies de
l'information et de la communication.
1. L'impact des biotechnologies sur le secteur agro-alimentaire
Le
terme biotechnologie a été employé pour la première
fois en 1919 par Karl Erehy, ingénieur hongrois, pour évoquer la
science et les méthodes qui permettent, à partir de
matières premières, de fabriquer des produits à l'aide
d'organismes vivants.
Mais, c'est en 1953 avec le modèle de double hélice de MM. Watson
et Crick qu'est née la biotechnologie moderne, même si celle-ci ne
fait que prolonger la sélection animale et végétale et
l'utilisation des micro-organismes pour la production de bière, de vin,
de fromage et de pain entamée depuis des siècles.
Depuis 1980, la biotechnologie a fait l'objet d'un développement
commercial d'envergure, notamment aux Etats-Unis.
La biologie a pris une part essentielle dans la révolution verte qui a
été caractérisée par un accroissement sans
précédent de la productivité agricole : demain,
l'enjeu pour l'agriculture est de nourrir 7 milliards d'êtres
humains, en quantité et en qualité, de façon durable.
Il est donc légitime que les biotechnologies -issues de la biologie
moléculaire- se soient portées non seulement sur la santé,
la chimie, l'énergie, l`environnement mais aussi sur l'agriculture et
l'agro-alimentaire.
Compte tenu des délais de mise sur le marché d'idées
issues des laboratoires, des dizaines de PME spécialisées dans la
biotechnologie ont fleuri aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe.
Parmi les multiples utilisations de ces technologies, les développements
ont porté principalement sur les plantes -la situation pour les animaux
est moins favorable à la transgénèse- pour des raisons
techniques et économiques : on peut en effet assez facilement
mettre sur le marché à grande échelle diverses
espèces de plantes transgéniques (tomates, soja, maïs,
colza...).
Vos rapporteurs ne souhaitent pas entrer dans le détail sur cette
question à laquelle la Commission des Affaires économiques a
déjà consacré en 1998 une étude
spécifique
18(
*
)
. De
nombreux rapports existent, le dernier en date, d'excellente qualité, a
été publié par MM. Le Fur et Rouvillois, en
juillet dernier, pour le Conseil économique et social. Vos
rapporteurs prennent acte du blocage aujourd'hui que rencontrent ces
biotechnologies, non seulement eu Europe mais aussi aux Etats-Unis et au
Brésil, après un développement exponentiel des surfaces
cultivées en OGM, notamment outre-Atlantique et l'explosion du chiffre
d'affaires de certaines sociétés.
De nombreuses erreurs ont été commises
dans la
présentation de ces nouvelles technologies : manque d'information
et de transparence, absence de véritable consultation du public -la
Conférence de consensus fut une réussite mais est intervenue trop
tard- stratégies agressives de la part de certaines
sociétés... La première génération d'OGM
paraît condamnée.
Est-ce à dire que l'agriculture et les
industries agro-alimentaires doivent définitivement se passer de cette
technologie ?
Au risque de choquer, vos rapporteurs répondront par la
négative
. Tout d'abord, le champ d'application potentiel de la
biotechnologie à un horizon de vingt ans est extrêmement
vaste : il inclut des améliorations de qualité des produits
(goût, conservation...), l'adaptation des plantes à des conditions
difficiles (sécheresse, salinité...), l'augmentation des
rendements par fixation renforcée de l'azote, la résistance aux
maladies et aux ravageurs (parasites, insectes), la
biodégradabilité des engrais et des pesticides, des gains de
fiabilité et de rapidité dans les diagnostics de santé
animale et des vaccins plus efficaces, la capacité d'identifier
formellement un produit tout au long de la chaîne de production
alimentaire (traçabilité), de nouvelles techniques de
transformation des micro-organismes à usage industriel... Vos
rapporteurs sont convaincus que
l'ampleur de ces progrès est de
nature à engager l'agriculture et l'industrie de transformation dans une
nouvelle " révolution verte ".
Par ailleurs, un grand péril guette l'ensemble du secteur agricole et
industriel français, voire européen : il s'agit de la
question des brevets. Près de 50% des recettes des entreprises qui
travaillent sur les biotechnologies sont consacrées à la
recherche-développement. Ainsi, la moitié de la valeur de cette
industrie réside dans son capital intellectuel. Afin de se
protéger contre toute copie et de valoriser leurs découvertes,
les chercheurs, notamment américains, ont multiplié, ces
dernières années, le dépôt de brevets dans ce
secteur d'activité. Or, en laissant les
Américains
déposer près des ¾ des brevets en matière de
biotechnologies, on risque tout simplement de limiter la disponibilité
des produits et de maintenir les prix à des niveaux indûment
élevés. Le secteur agricole et alimentaire français
pourrait être confronté dans les années à venir
à un risque capital constitué par la stratégie de
certaines multinationales, qui visent à s'assurer une situation de
monopole, par la détention de brevets
-brevets qui concernent
parfois la protection d'une connaissance et non d'une innovation comme cela
devrait être le cas-. Cette multiplication des brevets américains
est d'autant plus préoccupante que le processus de brevetabilité
en Europe est sept fois plus coûteux qu'outre-Atlantique.
2. Le secteur agro-alimentaire face aux technologies de l'information et de la communication
L'avènement des nouvelles technologies de l'information
et de
la communication (NTIC) aura naturellement des conséquences importantes
pour le secteur agro-alimentaire. Vos rapporteurs ont souhaité mettre
l'accent, d'une part, sur la nécessité pour les industries
agro-alimentaires d'exploiter les NTIC et, d'autre part, sur le risque que ces
mêmes technologies comportent pour le secteur agro-alimentaire, notamment
en cas d'accident sanitaire sur un produit.
Soumises aux exigences des marchés, les entreprises
agro-alimentaires sont contraintes de mettre en oeuvre de nouvelles formes de
management, dans le but d'améliorer la qualité de leurs produits
et de réduire leurs coûts
19(
*
)
. Ces nouveaux dispositifs rendent
nécessaires une large circulation de l'information à l'aide,
notamment des réseaux informatiques
.
L'informatisation des industries agro-alimentaires permet, au sein même
de l'entreprise, d'en améliorer l'organisation. De même, la mise
ne place et la gestion de processus de qualité et de certification -qui
sont souvent de gros consommateurs d'informations numérisées-
nécessitera, dans l'avenir, de développer ces nouveaux outils.
Le renforcement des communications internes dans l'entreprise (via des adresses
électroniques), le fonctionnement des services de gestion, la
localisation des lieux d'implantation... exigent l'implantation d'un grand
nombre de micro-ordinateurs en réseaux.
Vos rapporteurs constatent que la modernisation de la gestion des industries
agro-alimentaires constitue un véritable défi : 43 %
des entreprises agro-alimentaires représentant 17% du chiffre d'affaires
total relèvent encore d'une gestion " traditionnelle ".
L'industrie agro-alimentaire devrait aussi, par le biais de
réseaux informatiques tels qu'Internet, diffuser une large information
sur ses produits et, le cas échéant, les vendre en ligne
. Le
commerce électronique et le téléachat pourraient -selon
certaines études- canaliser 15 % des ventes de produits
agro-alimentaires en 2010.
Les NTIC apparaissent donc comme un instrument au service du secteur
agro-alimentaire, permettant de mieux approcher et de manière plus
directe le consommateur. La mise en place de tels outils pourrait permettre aux
industries agro-alimentaires, pour une part non négligeable de leur
production, d'économiser des coûts de distribution, voire
même de s'affranchir du réseau de la distribution, et donc de
parvenir à un meilleur équilibre avec les GMS.
Enfin, le secteur agro-alimentaire aura besoin, de plus en plus, de
connaître et d'intégrer dans sa stratégie la masse
considérable de données relatives aux achats des
consommateurs
. Les profils des consommateurs devront être
collectés et analysés de manière croissante. Les
industries agro-alimentaires seront donc soumises à un défi
technologique d'envergure visant à segmenter plus finement les
marchés, repérer les créneaux et détecter
rapidement les nouvelles tendances de consommation.
Cette information devra pouvoir être répercutée en amont de
la chaîne de production, afin d'alimenter des marchés
étroits avec une fiabilité accrue, des délais de
réaction réduits et des coûts moindres.
L'enjeu que constitue
la maîtrise des NTIC
pour les industries
agro-alimentaires est aussi perceptible
sous un angle totalement
différent
. En effet, si le secteur agro-alimentaire doit savoir
utiliser au mieux à l'avenir cet outil tant vis-à-vis de l'amont,
de l'aval qu'au sein même de son organisation pour améliorer ses
services et ses produits, et ce, à moindre coût,
il doit aussi
l'intégrer dans sa réflexion stratégique et sa
définition des risques potentiels
. Dans une société
globalisée, où la sécurité et la qualité
alimentaires sont des sujets d'actualité quotidiens,
la survenance
d'un problème alimentaire sur un produit
, que l'origine de cette
difficulté soit accidentelle, frauduleuse ou même qu'elle soit
purement théorique,
peut provoquer
en quelques heures, en
quelques jours, la
ruine complète d'une entreprise
agro-alimentaire
. A cet égard, certains événements de
l'année 1999, sont symptomatiques de ce défi : dès lors
que les contrôles alimentaires sont renforcés, dans un
environnement européen scientifique et juridique
hétérogène, la découverte de traces de listeria
-traces qui n'ont pas été confirmées par des
contrôles postérieurs- a entraîné la chute
commerciale d'un fromage dont la marque était réputée. La
survie de l'entreprise concernée provient exclusivement, en
l'espèce, de son intégration dans un groupe important.
Si
cette entreprise avait été indépendante, vos rapporteurs
sont persuadés, à l'instar de tous les experts, qu'elle
n'existerait plus
.
Une telle expérience atteste du défi capital que
représente l'avènement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication.
C. UN CONSOMMATEUR AUX EXIGENCES ACCRUES
Les
notions de sécurité et de qualité alimentaires, la prise
en compte de la santé dans l'alimentation, le respect des normes
environnementales dans la production ne sont certes pas des concepts nouveaux.
Néanmoins, la donne, en la matière, a
évolué.
En effet, si l'alimentation reste toujours un
plaisir, les préoccupations de santé, de diététique
ou d'énergie du début des années 90 se sont
transformées de la part du consommateur,
en véritables
exigences
d'authenticité et surtout de transparence dans le
processus de fabrication.
1. Les enseignements des crises récentes du secteur alimentaire
Crise
de l'ESB, " poulet à la dioxine ", utilisation de boues
d'épuration dans la fabrication d'aliments pour animaux, cas de
listeria, traces de salmonelles, sang de boeuf dans les vins,
la liste est
longue des crises survenues dans le secteur de l'alimentation en 1999
.
D'origine frauduleuse, accidentelle ou simple information non
vérifiée, la sécurité alimentaire fait la
" une " de tous les quotidiens et hebdomadaires depuis quelques mois.
A cela s'ajoutent les grandes peurs du consommateur face au boeuf aux hormones
et aux organismes génétiquement modifiés. Tout ceci est
parfois un peu confus dans l'esprit du consommateur, voire dans le propos du
journaliste. Mais qu'importe puisque la question qui brûle les
lèvres est identique : " notre alimentation est-elle
sûre ? "
Le secteur agro-alimentaire devra, rapidement et sans détour,
répondre à cette question dans les mois à venir sous peine
de subir des conséquences désastreuses. Dès lors, les
27 % d'entreprises agro-alimentaires qui appliquent des mesures de
références internationales de type ISO 9001 ou ISO 9002
paraissent bien modestes au regard de l'enjeu de la sécurité
alimentaire.
Les industries agro-alimentaires devront, demain,
établir une traçabilité parfaite à tous les
stades
de la fabrication car dès qu'un maillon est absent, tout le
système s'écroule.
Cet impératif est lourd
financièrement
, surtout dans un environnement économique,
social et réglementaire très hétérogène.
Mais vos rapporteurs sont persuadés qu'aucune autre issue n'est
possible. Les pouvoirs publics devront participer de manière active
à cette politique prioritaire que constitue la sécurité
alimentaire
: la création de l'AFSSA, à l'initiative de
la Commission des Affaires sociales du Sénat, correspond parfaitement
à la mission qui incombe aux pouvoirs publics.
Cet impératif de sécurité alimentaire, dans un contexte
de suspicion, se double, de plus en plus, d'une demande de qualité des
produits. La France possède de nombreux atouts en la matière,
avec les signes de qualité qui feront l'objet, demain, d'une demande
accrue de la part des consommateurs, notamment sur les marchés
internationaux. Selon un récent sondage, 66 % des Américains
changeraient de marque de produits pour une autre portant un label. La
promotion de la qualité des produits agro-alimentaires passe en France,
notamment par celle des produits des terroirs.
La sécurité et la qualité de ces produits
considérés comme " typiques ", avec une forte
connotation culturelle, devront dans l'avenir être totalement
irréprochables
: en effet, si un incident sur un produit
standard est dévastateur pour une entreprise agro-alimentaire, le
même problème sur un produit portant un label ou une appellation
d'origine pourrait être catastrophique, non seulement pour l'entreprise
concernée, mais aussi pour l'image même de toute l'alimentation
d'une région ou d'un pays.
Enfin, le consommateur commence tout juste à prendre en compte le
respect des normes environnementales
. Aujourd'hui, les IAA investissent
chaque année 500 millions de francs dans le traitement des eaux,
financent 65 % du budget d'Eco-emballage et consacrent 600 millions de francs
au titre des outils destinés à gérer la protection de
l'environnement. Ces efforts sont nettement insuffisants. Le secteur
agro-alimentaire
accuse un retard préoccupant
en matière
de certification ISO 140001 (norme internationale sur le management de
l'environnement) par rapport à ses partenaires européens. Or,
cette adaptation aux normes environnementales deviendra une priorité
dans l'avenir, à tous les niveaux de la transformation :
l'entreprise agro-alimentaire devra s'assurer que les matières
premières qui lui sont livrées respectent certaines normes
environnementales : le développement de l'agriculture dite
" raisonnée " avec, par exemple, le volet vert
"
d'Agri-Confiance
" mis en place par la coopération
agricole, correspond à cette préoccupation, mais reste encore
trop limité.
Dans la transformation du produit, l'industrie agro-alimentaire devra respecter
une réglementation environnementale de plus en plus contraignante en
matière de rejets (matières organiques, déchets de
production, rejets d'eau ou de boues, déchets d'emballage...).
Vos
rapporteurs soulignent, par exemple, le défi que représente dans
l'avenir la gestion de l'eau pour les IAA
. En effet, le secteur
agro-alimentaire consomme une grande quantité d'eau pour le lavage,
l'extraction, la cuisson ou pour le refroidissement, a besoin d'une eau de
bonne qualité pour l'hygiène et la qualité gustative des
produits, et entraîne des rejets contenant presque uniquement des
produits organiques.
Enfin, le produit transformé devra répondre à certaines
caractéristiques particulières -emballage...- afin, là
aussi, de répondre aux exigences des consommateurs.
Cette prise en compte d'exigences environnementales s'accompagnera, au sein
des filières animales, d'une demande accrue en termes de
bien-être
: le consommateur accepte de moins en moins
l'élevage intensif -la récente réglementation
européenne sur les poules pondeuses en est un exemple-,
s'intéresse de plus en plus aux conditions de transport des animaux
ainsi qu'aux modalités d'abattage. L'entreprise agro-alimentaire de la
filière bovine ou avicole qui, demain ne prendrait pas en
considération ces préoccupations risque d'être rapidement
montrée du doigt par les médias et d'en subir les effets.
Vos rapporteurs considèrent comme très légitimes les
demandes du consommateur en matière de sécurité sanitaire,
de qualité alimentaire, d'environnement et de bien-être animal.
Ils n'en soulignent pas moins les difficultés, au sein d'une Europe qui
souffre encore d'un manque cruel d'harmonisation de la législation
alimentaire et dans un monde globalisé où les différentes
réglementations nationales sont souvent très
éloignées de nos standards français.
2. Une démarche difficile
Si la
mise en place en France d'une industrie agro-alimentaire sûre, de
qualité, respectueuse des mesures environnementales et du
bien-être animal constitue, désormais, un impératif, elle
ne s'en heurte pas moins à
deux
difficultés
majeures
:
En premier lieu, l'harmonisation de la réglementation
européenne dans le secteur alimentaire est encore loin d'être
parfaite.
Certes, dans la bataille pour la conquête -ou la
préservation- de parts de marché européen, l'industrie
agro-alimentaire française bénéficie d'une image de
qualité que lui confère son système,
particulièrement sophistiqué, d'identification des produits
alimentaires. Le système anglo-saxon privilégie, au contraire, la
marque commerciale et l'étiquetage. Si sur ce point la
réglementation européenne a nettement progressé avec la
mise en place des appellations d'origine protégées et les
indicateurs géographiques protégées, l'harmonisation
communautaire reste insuffisante.
Depuis l'arrêt " Cassis de Dijon " de 1979, le principe de la
reconnaissance mutuelle des règles nationales a été
consacré. L'approche minimaliste, d'inspiration hygiéniste et
anglo-saxonne, limitant l'harmonisation communautaire à la
définition d'exigences essentielles en matière de
sécurité et d'information, repose sur la condition que les
règles communautaires d'étiquetage suffisent à assurer la
protection et l'information des consommateurs ainsi que la loyauté des
transactions.
Cette approche simplificatrice
-un consommateur consacre
à peu près une seconde à l'acte d'achat d'un produit
alimentaire
-, peu cohérente avec certains objectifs affichés
dans le cadre de la PAC, fait non seulement peser le danger de l'adoption des
normes les moins contraignantes
-ce qui est le cas pour la
définition de la réglementation biologique dans la production
animale-
mais encore fausse totalement le jeu de la concurrence au sein de
la zone européenne
, comme, par exemple, pour l'alimentation animale.
Outre les difficultés de l'Union européenne à
définir un droit de l'alimentation cohérent malgré la
parution d'un livre vert en 1997 sur les principes généraux de
l'alimentation en Europe, la création récente d'une direction
générale consacrée aux consommateurs et de nombreuses
déclarations d'intention, des progrès sont nécessaires
dans l'application des règles d'étiquetage, notamment pour les
OGM, dans la mise en place d'une législation sur l'alimentation animale
adaptée, dans la gestion des contrôles...
Paradoxalement, à côté de pans entiers peu ou pas pris
en compte par la législation communautaire, existe un nombre excessif de
règlements, difficilement applicables -une centaine de directives
environ-
. Ainsi,
vos rapporteurs considèrent que la
complexité et la rigidité de l'environnement réglementaire
européen nuisent à la capacité de l'industrie
agro-alimentaire d'anticiper et de s'adapter aux nouvelles contraintes
internationales
. Il existe une trop grande fragmentation et un manque de
coordination trop important entre les Etats membres au niveau de
l'élaboration des mesures concernant la sécurité des
aliments et la protection des consommateurs.
Cette diversité réglementaire dans le domaine de
l'alimentation est encore plus importante au niveau international
.
Malgré la conclusion de nombreux accords -le dernier en date porte
sur les questions vétérinaires entre l'Europe et les Etats-Unis-,
l'hétérogénéité des législations
crée de très fortes distorsions de concurrence
qui affectent
particulièrement les industries agro-alimentaires européennes et
notamment françaises.
Le secteur agro-alimentaire français
sera de plus en plus confronté, au niveau international, à deux
approches.
La première consiste dans l'absence quasi-totale de
réglementation pour certains Etats dans le secteur alimentaire ou, au
contraire, dans l'existence d'une législation extrêmement
complexe
. Le secteur agro-alimentaire français devra, dans le cadre
d'échanges avec ces pays, soit faire face à des importations de
produits alimentaires à des coûts très faibles -et
être ainsi tenté de se délocaliser dans ces
régions-, soit se prémunir contre des tentations protectionnistes
de la part de ces Etats.
Face à cette insuffisance ou cet excès de réglementation
qui nuit aux échanges mondiaux dans un secteur très sensible,
une seconde tendance encourage la mise en place d'une véritable
réglementation multilatérale
. La création de
l'Organisation Mondiale du Commerce répond à cette logique. Les
accords sur les obstacles sanitaires et phytosanitaires (accord SPS), sur les
obstacles techniques aux échanges (accord OTC) et sur les aspects des
droits de propriété intellectuelle (accord ADPIC)
ont
été conçus dans un double objectif
: encourager
les recours à des normes internationales et se prémunir contre le
protectionnisme exercé par voie réglementaire. Le
développement de normes internationales en matière alimentaire
s'effectue notamment au sein du Codex Alimentarius.
Les travaux normatifs de
cette institution constituent, pour notre secteur agro-alimentaire, un
véritable défi
. Le Codex Alimentarius est un organisme
international créé en 1962, dont la mission consiste à
élaborer des normes relatives aux produits agro-alimentaires. Cette
instance étudie et propose des normes, des codes, des textes
documentaires, utilisables comme références dans la
commercialisation mondiale des denrées alimentaires.
Ces normes vont,
peu à peu, s'imposer pour donner des bases saines
-tout au moins
l'espère-t-on-
au développement des échanges
internationaux
20(
*
)
. L'OMC a,
d'ailleurs, confié au Codex une mission importante qui consiste à
éliminer, sur des bases objectives admises par tous, les obstacles
techniques au commerce international.
Cette institution
, si elle rencontre parfois des difficultés de
fonctionnement,
verra son rôle renforcé dans l'avenir
. La
France doit être fortement présente non seulement comme Etat
soumettant ses propres connaissances et expériences dans les domaines
scientifiques, réglementaires et industriels pour la protection des
consommateurs mais aussi comme responsable du Comité des principes
généraux vers lequel sont renvoyés les problèmes
soulevés par la Commission du Codex pour qu'il propose une solution
acceptable. Parce que les textes du Codex sont opposables en pratique aux
Etats, que ces derniers aient ou non décidé de les accepter et de
les intégrer dans leur réglementation nationale, le rôle
des experts au sein de cette instance se trouve renforcé dans tous les
domaines, notamment celui, très important pour le secteur
agro-alimentaire français, des questions technologiques et de leur
relation avec la qualité et l'authenticité des aliments. Ainsi,
par exemple, afin de veiller à la bonne application de l'accord SPS, le
fondement scientifique est obligatoire, la décision devant être
prise sur la base de l'analyse des risques qui comporte l'appréciation
et la gestion du risque, ainsi que la communication sur les risques. L'exemple
du fromage au lait cru est particulièrement révélateur de
l'importance prise par le Codex alimentarius dans la mise en place de normes et
de règles applicables non seulement au niveau international, mais aussi
à celui des réglementations nationales ou européennes.
L'industrie agro-alimentaire française doit donc, face à cette
institution, être très active pour la définition des
objectifs et la préparation des dossiers. Elle doit, en outre,
participer aux diverses instances du Codex Alimentarius.
L'enjeu que
constitue la définition des normes alimentaires de demain et la prise en
compte croissante des " facteurs légitimes non scientifiques "
(souhait des consommateurs, tradition alimentaire...) au sein de cette instance
nécessite la plus grande vigilance des professionnels et des pouvoirs
publics.
Vos rapporteurs sont, en outre, convaincus de la nécessité de
changer les relations entre d'une part, la Commission du Codex Alimentarius
composée de 158 Etats et d'autre part les Comités de l'OMC
sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, et sur les obstacles techniques
au commerce.