B. LA SITUATION DU SALARIÉ FRANÇAIS PAR RAPPORT AUX SALARIÉS ALLEMAND, BRITANNIQUE ET NÉERLANDAIS : QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON

La France est très souvent présentée comme un pays dont la pression fiscale et sociale pesant sur les ménages est élevée par rapport à celle des autres pays de l'Union européenne. Ainsi est-il de bon ton de citer en exemple le Royaume-Uni ou, dans une moindre mesure, l'Allemagne. Les résultats présentés précédemment comme ceux du tableau 1 infirment en partie ce constat. Ils portent sur la situation d'individus gagnant 10 000 FF bruts mensuels, 35 000 FF et 100 000 FF.

Pour chaque niveau de revenu, sont envisagées deux options : l'individu est célibataire ou l'individu est marié et a deux enfants. Sur la base d'un salaire brut donné, est calculé pour chaque niveau de salaire, le salaire net des cotisations sociales ainsi que le coût du travail. Les retraites complémentaires sont toutefois exclues du champ de l'analyse, faute d'informations fiables et compte tenu de la diversité de leur mode de financement dans les trois pays retenus. Au salaire net des cotisations sociales salariés est soustrait l'impôt sur le revenu. Ce dernier est calculé après déductions des abattements dont peut bénéficier un salarié dans chacun des pays concernés et après prise en compte des cotisations et impôts non déductibles qui doivent être réintégrés dans l'assiette de l'impôt sur le revenu. On tient compte, enfin, de la situation conjugale et familiale du contribuable qui est appréhendée de façon différente en France (quotient familial) et en Allemagne (abattement forfaitaire) tandis que le Royaume-Uni ne tiennent pas compte des enfants dans le calcul de l'impôt sur le revenu.

Ces précisions formulées, un certain nombre de conclusions émergent de ces simulations :

- Tout d'abord, et cela vient confirmer un certain nombre d'observations récentes, le taux de pression fiscalo-sociale n'est pas plus élevé en France que chez nos principaux partenaires. Ce taux varie avec le niveau de salaire et surtout les charges de famille, le système du quotient familial, même plafonné, contribuant à minorer fortement l'impôt sur le revenu pour le contribuable français.

- Le Royaume-Uni, et dans une moindre mesure l'Allemagne, ont un taux de pression socialo-fiscale plus faible que la France quand l'individu imposé est célibataire sans enfants et que son niveau de revenu est inférieur à 10 000 FF brut par mois. En revanche, les salariés des trois pays sont dans une situation comparable dès lors qu'ils sont mariés, que leur conjoint ne travaille pas et qu'ils ont des enfants (au moins deux).

- Pour un salaire de l'ordre de 35 000 FF, on observe que la situation du contribuable est quasiment la même quand il est marié et qu'il a des enfants en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. Le contribuable britannique est en revanche privilégié dès lors qu'il est célibataire par rapport aux contribuables français et allemands, qui une fois encore, sont traités globalement de la même façon.* Pour des niveaux de salaire situés au dessus de 100 000 FF par mois, le Royaume-Uni et la France sont dans une situation comparable quand le foyer fiscal est formé d'un couple avec enfants (au moins deux). En revanche, une fois encore, un individu célibataire sera moins imposé au Royaume-Uni qu'en France. On remarque, qu'à ce niveau de revenu, l'Allemagne qui, pour des niveaux de salaires intermédiaires, se trouvait dans une situation comparable à celle de la France, " décroche " et son taux de pression socialo-fiscale devient beaucoup plus élevé que celui de ses partenaires.

- Si l'on s'intéresse au coin socialo-fiscal, c'est-à-dire à la différence entre le revenu disponible du salarié et le coût du travail pour l'employeur, on remarque que pour des salaires bruts inférieurs à 10 000 FF, le coin socialo-fiscal est plus élevé en France qu'en Allemagne. Pour des niveaux de salaire brut supérieurs à 35 000 FF, le coin socialo-fiscal est comparable en France, en Allemagne mais il est plus élevé qu'au Royaume-Uni.

12. Comparaison des situations du salarié français par rapport aux salariés allemand et britannique

Pays

France

Allemagne

Royaume-Uni

 

Couple avec 2 enfants

Célibataire

Couple avec 2 enfants

Célibataire

Couple avec 2 enfants

Célibataire

Salaire brut mensuel

10 000 FF

(base 100)

 
 
 
 
 
 

- Coût du travail

134

134

121

121

110

110

- Salaire net

85

85

79

79

92

92

- Revenu disponible après impôt

84

70

83

75

90

80

- Revenu disponible/coût salarial

0,63

0,52

0,69

0,62

0,82

0,73

Salaire brut mensuel

35 000 FF

(base 100)

 
 
 
 
 
 

- Coût du travail

129

129

115

115

110

110

- Salaire net

85

85

84

84

91

91

- Revenu disponible après impôt

71

58

72

61

68

66

- Revenu disponible/coût salarial

0,56

0,45

0,62

0,53

0,62

0,60

Salaire brut mensuel

100 000 FF (base 100)

 
 
 
 
 
 

- Coût du travail

124

124

105

105

110

110

- Salaire net

92

92

94

94

97

97

- Revenu disponible après impôt

65

54

57

50

69

68

- Revenu disponible/coût salarial

0,52

0,44

0,54

0,48

0,63

0,62

Source : Calculs des auteurs

Ces résultats vont dans le même sens que ceux de l'étude de la Direction de la Prévision réalisée en 1994 pour la Commission Ducamin (tableau 13) ou encore d'une étude réalisée récemment par le Poste d'expansion économique de l'ambassade de France à Londres (1998). Globalement, compte tenu de l'avantage procuré par le quotient familial, il n'y a pas de pays de l'Union européenne qui soit fiscalement plus favorable que la France dès lors que l'on a des enfants. En revanche, le système fiscal peut inciter les célibataires français à l'expatriation, notamment lorsqu'ils se situent à des niveaux de revenus élevés (autour de 1 million de FF). Cependant, dans le cas où les salariés migrent avec leur entreprises, ces dernières ajustent le salaire de ces salariés de façon à accompagner ou à éviter l'expatriation. Ainsi, il arrive que les prélèvements dus par les salariés percevant des revenus élevés soient pris en charge par l'entreprise, soit parce que celle-ci s'engage à payer le différentiel d'impôt que doit supporter le salarié dans le pays du nouveau lieu de travail quand celui-ci est expatrié, soit parce que la rémunération négociée avec un salarié dont le domicile se trouve dans l'Etat où réside l'entreprise correspond au salaire net de tout prélèvement. Vraisemblablement, les différentiels de fiscalité sont neutres pour le salarié car c'est l'entreprise qui supporte l'ajustement de salaire, celui-ci devenant un facteur, parmi de nombreux autres, dans ses choix de localisation.

13. Situations pour lesquelles un salarié a intérêt à s'expatrier à l'étranger en fonction de la composition familiale, du nombre d'années d'expatriation et du montant du salaire


Composition familiale


Durée d'expatriation


Pays d'expatriation


Montant du salaire

Couple marié avec deux enfants

2 ans

4 ans

Aucun

Pays-Bas

Espagne

>1450 000 FF

< 250 000 FF ou

> 1450 000 FF

Célibataire sans enfants

2 ans

4 ans

Pays-Bas

Allemagne

Royaume-Uni

Pays-Bas

Allemagne

Italie

Espagne

< 1100 000 FF

400 000 FF

0

0

0

0

0

Source : Direction de la Prévision.

Vraisemblablement, les différentiels de fiscalité sont neutres pour le salarié car c'est l'entreprise qui supporte l'ajustement de salaire, celui-ci devenant un facteur, parmi de nombreux autres, dans ses choix de localisation.

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