II. COMPARAISON DE LA PRESSION FISCALE ET SOCIALE PESANT SUR LES REVENUS DU TRAVAIL DES MÉNAGES DANS LES PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE

Dans l'Union européenne, la diversité des pratiques fiscales en ce qui concerne l'impôt sur le revenu est particulièrement forte, tant au niveau du calcul du revenu imposable que du barème qui y est appliqué. Notre objectif dans cette section est d'évaluer les différences de pression fiscale qui pèse sur les revenus du travail salarié dans les différents pays de l'Union européenne pour différents niveaux de revenus, différences qui pourraient intervenir dans les choix de localisation des individus. Dans la mesure où la pression fiscale varie selon la situation familiale des travailleurs, la comparaison portera sur des cas types qui diffèrent selon le statut matrimonial et l'existence d'enfants à charge.

Il est, en outre, nécessaire d'intégrer à l'analyse les prélèvements sociaux qui pèsent sur les ménages compte tenu de l'importance qu'ils représentent dans la plupart des pays. En faire abstraction fausserait les comparaisons internationales quand on sait, par exemple, que l'impôt sur le revenu est faible en France mais que les cotisations sociales y sont élevées tandis qu'au Danemark on observe la situation inverse.

Les données calculées se réfèrent au salaire de l'ouvrier moyen tel qu'il est défini par l'OCDE 62( * ) Par " ouvrier moyen ", il faut entendre l'ouvrier adulte employé à temps plein dans l'industrie manufacturière, les données utilisées se rapportant à l'année 1996. Dans cette étude, onze cas sont envisagés, chacun étant identifié par une lettre et par un chiffre :

- A1 : contribuable célibataire dont le salaire est égal à 67% du salaire de l'ouvrier moyen, sans enfant ;

- A2 : contribuable célibataire dont le salaire est égal à 100% du salaire de l'ouvrier moyen, sans enfant ;

- A3 : contribuable célibataire dont le salaire est égal à 167% du salaire de l'ouvrier moyen, sans enfant ;

- A4 : contribuable célibataire dont le salaire est égal à 67% du salaire de l'ouvrier moyen avec 2 enfants ;

- B1 : couple marié, qui dispose d'un seul salaire équivalent à celui de l'ouvrier moyen avec 2 enfants ;

- B2 : couple marié, dont l'un des membres gagne l'équivalent du salaire ouvrier moyen et l'autre 33%, avec 2 enfants ;

- B3 : couple marié, dont l'un des membres gagne l'équivalent du salaire ouvrier moyen et l'autre 67%, avec 2 enfants ;

- B4 : couple marié, dont l'un des membres gagne l'équivalent du salaire ouvrier moyen et l'autre 33%, sans enfant ;

- B5 : couple marié, qui dispose d'un seul salaire équivalent à celui de l'ouvrier moyen, sans enfant ;

- B6 : couple marié, dont l'un des membres gagne l'équivalent du salaire ouvrier moyen et l'autre 67%, sans enfant ;

- B7 : couple marié, dont chacun des membres gagne l'équivalent du salaire ouvrier moyen, sans enfant.

Les quatre premiers cas se rapportent à l'imposition des célibataires (personnes physiques non mariées) ; ils diffèrent entre eux par le niveau de salaire (67, 100 et 167 % du salaire de l'ouvrier moyen) et la présence ou non d'enfants (0 ou 2). Les sept cas suivants traitent de l'imposition des couples mariés ; ils diffèrent entre eux par le niveau de salaire (0, 33, 67 et 100% du niveau de salaire de l'ouvrier moyen), la présence d'enfants (0 ou 2) et l'existence d'un ou de deux salaires. Enfin, les taux moyens sont calculés en divisant l'impôt dû par le salaire brut.

A. PRESSION FISCALE ET SOCIALE PESANT SUR LES REVENUS DU TRAVAIL

Dans cette section nous comparerons, d'une part les taux d'imposition pesant sur les ménages au titre du seul impôt sur le revenu et, d'autre part, les taux moyens incluant l'impôt sur le revenu (y compris la CSG et la CRDS 63( * ) pour la France) et les cotisations sociales salariés, pour différents niveaux de salaires et différentes situations familiales. Nous montrerons enfin que la France se situe dans une position intermédiaire au sein des pays de l'Union européenne du point de vue du prélèvement socialo-fiscal, voire dans une situation relativement favorable dès lors que l'on prend en compte les charges de famille.

Compte tenu des données disponibles, les paragraphes suivants ne tiennent compte que des cotisations sociales salariés, même si nous avons souligné dans le chapitre précédent que les cotisations patronales pesaient à long terme sur les salariés. En outre, nous n'avons pas fait de distinction entre les cotisations sociales qui correspondent à " un salaire différé " et celles qui financent des prestations de solidarité.

1. Pression fiscale pesant sur les ménages au titre du seul impôt sur le revenu

Le tableau 10 reprend les taux moyens d'imposition frappant des ménages sans enfants de diverses compositions, les pays sont classés dans l'ordre décroissant des taux frappant l'ouvrier moyen célibataire (A2).

Bien que des différences apparaissent dans le classement des différents pays selon la situation matrimoniale et le revenu, une classification générale peut être esquissée :

- Les pays où la pression fiscale résultant de l'impôt sur le revenu est particulièrement forte : avec en tête les pays scandinaves où les taux moyens avoisinent les 30 %. Ces pays sont suivis par la Belgique où les taux moyens tournent autour de 25%.

- Les pays où la pression est proche de la moyenne européenne : on trouve l'Irlande, et l'Allemagne avec des taux proches de 20%; ensuite viennent l'Italie et le Royaume-Uni, où les taux moyens tournent autour des 15 %. Ces pays sont suivis par l'Espagne où les taux sont généralement inférieurs à 15% mais supérieurs à 10%.

- Les pays où la pression fiscale est faible: le Luxembourg, l'Autriche, la France, le Portugal, les Pays-Bas et la Grèce (avec des taux généralement inférieurs à 10%). Cependant, au Luxembourg, la pression fiscale relative aux célibataires est nettement plus élevée que celle relative aux couples mariés, comme nous le mettrons en évidence dans le point suivant relatif à l'effet du mariage sur l'imposition. Aux Pays-Bas, la pression est faible pour les bas et moyens salaires; par contre, lorsque le salaire est plus élevé (A3), elle s'approche de la moyenne européenne.

10. Taux moyens d'imposition sur le revenu frappant des ménages sans enfant de diverses compositions dans les quinze pays de l'Union européenne (1996)

 

A1

A2

A3

B4

B5

B6

Allemagne

15,4

21

28,3

15,4

n.d.

18,5

Autriche

4,1

9,2

14,5

6,5

7,5

7,2

Belgique

20,2

27,4

34,2

23

19

25,6

Danemark

31,6

36

44,5

31,6

28,8

34,2

Espagne

7,9

13,5

17,9

10,1

8,6

11,2

Finlande

23,6

29,5

36,3

26

29,5

27,1

France

4,3

8,9

13,6

5,5

3,4

7,3

Grèce

0,7

1,9

5,9

1,9

2,4

1,8

Irlande

17,1

22,3

32,6

17,1

15,4

19,1

Italie (I)

14,4

18,1

23,2

14,6

15,4

16,6

Luxembourg

7,3

13,4

23

4,2

4,7

7,6

Pays-Bas

4,8

5,8

20,7

5,3

4,4

5,4

Portugal

3,1

7,1

13,4

5,6

6,3

6,2

Royaume-Uni

14

17,4

20

13,2

15,7

15

Suède

26,6

28,8

37,6

28,1

28,8

27,9

Union européenne

13,1

17,4

24,4

13,9

13,6

15,4

Source : La situation des salariés au regard de l'impôt et des transferts sociaux, OCDE, 1997.

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