9. Accord sur l'Irlande du nord (Mercredi 24 juin)
Le
rapport confirme le fait que l'Assemblée se félicite de l'Accord
sur l'Irlande du Nord et du résultat positif du référendum
de mai dernier. Il invite l'ensemble des partis politiques d'Irlande du Nord
à coopérer en vue de la mise en oeuvre de l'accord, qui
" offre une occasion exceptionnelle de parvenir à un
règlement pacifique et durable " du conflit.
Un certain nombre d'éléments ayant contribué à la
conclusion de l'accord sont jugés utiles pour la résolution
d'autres conflits, sur le continent européen comme dans d'autres
régions. Ces éléments sont les suivants :
- un médiateur international ;
- un ordre du jour non limitatif ;
- un délai consenti par tous ;
- des procédures convenues pour la libération conditionnelle
des prisonniers ;
- l'incorporation de la Convention européenne des Droits de l'Homme
dans le droit national ;
- l'implication de la communauté internationale dans l'application
de l'accord.
Le rapport considère que l'acceptation de ces principes par toutes les
parties impliquées dans d'autres conflits serait le signe d'une
volonté politique de parvenir à un règlement pacifique.
A l'issue du débat,
la résolution 1163 figurant dans le
rapport 8134 est adoptée à l'unanimité.
10. Crise au Kosovo et situation en République fédérale de Yougoslavie - Intervention de Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc) (Mercredi 24 juin)
Selon le
rapport, de nombreux experts estiment que la situation politique en
République fédérale de Yougoslavie et au Kosovo est
devenue désespérément incontrôlable. Ce point de vue
est partagé car le risque d'une escalade, et partant, d'une extension du
conflit est effectivement grand. La communauté internationale n'est pas
totalement étrangère à cet état de choses puisque,
pendant trop longtemps, elle a fait l'impasse sur la question du Kosovo dans la
politique qu'elle mène dans les Balkans. Aujourd'hui, la
communauté internationale se dit déterminée à faire
cesser immédiatement les hostilités, à endiguer le conflit
et à rechercher une solution pacifique par la voie de
négociations. La volonté d'agir existe, mais, pour l'instant,
elle n'a encore esquissé que l'ébauche d'une stratégie
politique. Il semble que la solution ne se trouve pas dans la sécession,
mais dans l'octroi d'une autonomie aussi large que possible, tout en
préservant l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie.
Pour parvenir à ses objectifs, la communauté internationale devra
impérativement faire preuve de détermination et d'unité,
et veiller à définir des mesures réalisables. Bien
entendu, le Conseil de l'Europe doit s'associer à ces efforts. Mais il
ne saurait se contenter d'identifier ce qui doit être fait et soutenir
les autres Etats dans les actions qu'ils entreprendront ; la question
relève en effet de ses compétences premières.
Ce conflit à long terme ne pourra être résolu qu'en
instaurant une confiance durable et en encourageant la démocratie, le
respect des droits de l'homme et la protection des minorités au Kosovo
et en Yougoslavie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le projet de
recommandation invite le Comité des Ministres à
" élaborer des propositions concrètes pour une
présence active continue ".
Mme Josette DURRIEU, sénateur (Soc)
,
intervient dans le
débat en ces termes :
" Pour commencer, une remarque d'ordre général ou,
peut-être, de principe : nous sommes ici au Conseil de l'Europe,
dans un temple de la démocratie, de l'Europe qui se fait.
Si M. Milosevic n'a pas le droit de se livrer à des provocations de
tout genre dans son Etat, je ne crois pas que son représentant ait ici
le droit de nous provoquer en son nom, comme il vient de le faire car je me
suis sentie agressée par les propos qu'il vient de tenir.
Nous assistons au Kosovo à un
remake
du film bosniaque. C'est la
même situation. Pas de responsable politique qui ne dise chaque jour que
l'on ne tolérera pas au Kosovo ce qui s'est passé en Bosnie, que
l'on ne répétera pas les mêmes erreurs. Pourtant,
immanquablement, les mêmes choses se reproduisent : avec le
même Milosevic dans le même rôle, avec les mêmes
invitations, les mêmes divisions. Naturellement, l'escalade se poursuit
rapidement et inexorablement.
Au Kosovo, le contexte régional est encore plus dangereux qu'en Bosnie.
Quatre Etats sont concernés comme vous l'avez tous dit. La violence
monte, et pour cause ! Nous mesurons maintenant les efforts vains d'un
leader non violent, Rugova. Lorsque pacifiquement le message ne passe pas, de
toute évidence, il ne reste plus que l'acte terroriste. Je vous
rappelle, mes chers collègues, que la Révolution française
a inscrit dans un texte hautement symbolique que la lutte contre l'oppression
était légitime à un certain moment. Je vous le dis,
moi-même, fille de résistant et même de
déporté : arrive un moment où l'acte terroriste est
légitime, voire glorieux.
Alors oui, la tension monte, la situation se radicalise, les
modérés sont en perte de vitesse. On ne peut plus parler dans ce
pays sagement et raisonnablement d'autonomie. Même les plus
modérés sont obligés aujourd'hui de revendiquer
l'indépendance. Bientôt, des Albanais diront : " et un
Etat albanais du Kosovo maintenant !
Est-il encore temps de faire quelque chose ? Quels sont les moyens ?
Je suis désolée, mais ce sont les mêmes qu'en Bosnie.
Certes, il faut des sanctions économiques, mais nous en connaissons tous
les limites. Seulement voilà, c'est le blocus qui a conduit Milosevic
à Dayton et les conséquences sont lourdes sur les populations,
sur l'Etat, sur les Etats voisins, tels que la Bulgarie et la Roumanie. Alors,
ne faisons rien ?
Quant à l'intervention militaire, j'en connais comme vous tous les
obstacles. Montagneuse, la zone est encore plus difficile que la Bosnie et la
cible n'est pas accessible.
Eh oui, toutes les objections sont pertinentes, et il faut vraiment, à
certains moments, se " cramponner " pour écouter ici de tels
propos. Si l'Onu ne délivre pas effectivement à un certain moment
un message, c'est parce que la Russie ne l'aura pas voulu, alors que nos amis
russes savent bien que leur complaisance peut devenir de la complicité
si elle doit durer.
Toutes les objections, ont été surmontées pour la guerre
du Golfe et pour la Bosnie. Les objections ne doivent pas servir d'alibi
à l'inaction !
Alors, que reste-t-il à faire ? A vous entendre, on ne le sait...
N'y aurait-il plus rien à faire ? Faut-il attendre, vingt ans,
comme en Irlande pour parvenir à un processus de paix ? Je n'en ai
pas envie !
Il est des individus - même Milosevic ! - qui ne comprennent qu'un
langage ferme. Il existe une justice internationale ! Il est de la
compétence du tribunal international, sur l'ensemble de
l'ex-Yougoslavie, de porter un jugement sur Milosevic. Nul besoin d'instruire
le dossier ! Le dossier est instruit : destruction de villages,
massacre de populations, processus de " nettoyage " ethnique. Oui, le
tribunal international peut intervenir en flagrant délit, au même
titre qu'on juge en France des hooligans -certains séance tenante.
Vous nous demandez l'adhésion au Conseil de l'Europe ? Oui, nous
voulons celle de la République serbe ! Mais à
l'évidence le règlement du problème du Kosovo est un
préalable car, je le répète, je me suis sentie
agressée aujourd'hui. Il y va de notre responsabilité, voire de
notre dignité. "
Au terme du débat,
la recommandation 1376, contenue dans le rapport
8149, est adoptée, amendée, ainsi que la directive 544 figurant
dans le même rapport.