N° 388
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 1999.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1),
sur la coordination des politiques de l'emploi dans le contexte de
Par M. Jean-Pierre FOURCADE,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : M. Michel Barnier, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Simon Loueckhote, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. André Rouvière, Simon Sutour, René Trégouët, Xavier de Villepin, Henri Weber.
Union européenne |
INTRODUCTION
La politique européenne de l'emploi se présente essentiellement comme une coordination des politiques nationales. L'impulsion en ce sens a été donnée lors du Conseil européen d'Essen de décembre 1994 qui a dégagé, pour la première fois, des orientations communes en vue d'améliorer la situation de l'emploi.
Une deuxième étape a été franchie par le Conseil européen d'Amsterdam qui a introduit dans le traité instituant la Communauté européenne (TCE) un titre nouveau consacré à l'emploi (articles 125 à 130 selon la nouvelle numérotation). Ce titre fait de la promotion de l'emploi une « question d'intérêt commun » justifiant que les Etats membres coordonnent au sein du Conseil leur action dans ce domaine ; il définit une procédure, inspirée de celle applicable à la coordination des politiques économiques, dont le point principal est l'adoption par le Conseil de « lignes directrices » que chaque Etat est appelé à traduire dans sa politique de l'emploi.
Le Conseil européen extraordinaire de Luxembourg tenu en novembre 1997 a décidé d'appliquer par anticipation cette procédure. Les premières lignes directrices ont été adoptées dès le mois de décembre 1997, et chacun des quinze Etats membres a adopté en fonction de celles-ci au printemps 1998 un « plan national d'action pour l'emploi » . Ces plans nationaux ont donné lieu à un premier échange lors du Conseil européen de Cardiff en juin 1998. A l'issue du Conseil européen de Vienne de décembre 1998, le Conseil, s'appuyant sur l'ensemble de ces travaux, a adopté les lignes directrices pour 1999.
La présidence allemande a souhaité que le Conseil européen qui se tiendra à Cologne en juin prochain ne se limite pas à un examen des politiques nationales de l'emploi à la lumière des lignes directrices, mais adopte un « pacte européen pour l'emploi » de portée plus large. Ainsi, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont montré qu'ils entendaient donner à l'objectif d'amélioration de l'emploi une place dans la construction européenne qui soit à la mesure des préoccupations des opinions publiques.
Il est vrai qu'au sein du monde développé, l'Union européenne se trouve, pour ce qui concerne l'emploi, dans une situation spécifique.
Cette spécificité se manifeste de deux manières. D'abord, le taux de chômage qui, bien qu'en diminution (9,6 % en janvier 1999 contre 11,3 % un an plus tôt), reste comparativement élevé, puisqu'il est le double de celui observé au Japon, et plus du double de celui relevé aux Etats-Unis. Ensuite, le taux d'emploi (proportion des personnes ayant un emploi parmi celles en âge de travailler) est de l'ordre des trois cinquièmes alors qu'il atteint les trois quarts aux Etats-Unis comme au Japon.
Une autre caractéristique notable de l'Union européenne, sous l'angle de l'emploi, est la grande diversité des situations. Pour ce qui concerne le taux de chômage, certains pays connaissent d'excellents résultats (Luxembourg : 2,8 % ; Pays-Bas : 3,6 % ; Portugal : 4,3 % ; Autriche : 4,4 % ; Danemark : 4,6 %) tandis qu'à l'autre extrémité la France (11,6 %), l'Italie (12,3 %) et l'Espagne (17,8 %) ont des taux de chômage très élevés. De même, le taux d'emploi atteint 70 % en Autriche et au Royaume-Uni, et 77 % au Danemark, alors qu'il est de l'ordre de 50 % en Italie et en Espagne. La France, avec 60 %, se situe approximativement dans la moyenne communautaire.
Plusieurs autres éléments de diversité peuvent également être soulignés : l'existence de deux régimes monétaires, puisque quatre pays demeurent en dehors de la zone euro ; la variété des modes de fonctionnement des marchés du travail ; enfin, la grande diversité culturelle des Européens qui entraîne des réglementations très spécifiques.
Dans cette situation, l'intérêt d'une coordination des politiques de l'emploi ne fait aucun doute. Celle-ci peut contribuer à éviter les stratégies non coopératives, favoriser l'échange des expériences, inciter à un réexamen des dispositifs existants. Elle peut aussi -et peut-être surtout- favoriser un approfondissement des débats politiques nationaux parfois tributaires d'idées reçues. Il est clair que l'effort de coordination, en lui-même, n'est pas de nature à modifier la donne de l'emploi à court terme : mais il peut être un levier pour faire évoluer les politiques nationales vers plus d'efficacité et de pragmatisme.
Alors que le processus de coordination était déjà engagé, un nouvel aspect de la situation est apparu avec le lancement de l'euro, au 1 er janvier dernier, s'appliquant à onze pays de l'Union. Il est désormais nécessaire de prendre en compte, dans la coordination des politiques de l'emploi, la coexistence d'une monnaie unique et d'une politique monétaire unique avec la très grande diversité des marchés du travail des pays participant à l'union économique et monétaire (UEM). Pour mieux appréhender les problèmes liés à cette coexistence, la délégation pour l'Union européenne a demandé la réalisation d'une étude au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII). Le résultat de cette étude -réalisée sous la seule responsabilité de ses auteurs- est publiée en annexe au présent rapport (pages bleues).
Votre rapporteur, pour sa part, a souhaité mettre en valeur quelques éléments de réflexion sur trois points :
- le premier concerne la portée qu'il faut attribuer à la diversité des marchés du travail : cette diversité exclut-elle une convergence ? Appelle-t-elle une harmonisation ou simplement une coordination ?
- le deuxième concerne les orientations européennes qui se dégagent d'ores et déjà du travail de coordination, et la traduction qu'il convient de leur donner ;
- enfin, le troisième concerne les marges d'action à reconquérir, à l'échelon communautaire ou à l'échelon national, pour préserver l'emploi en cas de choc économique dans le contexte de l'union économique et monétaire.
I. L'UNION MONÉTAIRE COEXISTE AVEC UNE GRANDE DIVERSITÉ DES MARCHÉS DU TRAVAIL
Le marché du travail constitue le point de rencontre entre l'offre de travail des ménages et la demande de travail des employeurs. En situation de concurrence pure, l'ajustement entre l'offre et la demande est assurée par le niveau du salaire. Dans l'hypothèse d'une offre supérieure à la demande, les travailleurs sans emploi proposent leurs services à un coût inférieur à celui des travailleurs en poste. A l'inverse, lorsque la demande dépasse l'offre, les entreprises proposent l'embauche avec une rémunération supérieure pour susciter l'augmentation de l'offre.
Cette situation, qui permettrait le plein emploi, est tout à fait théorique puisque le fonctionnement du marché de l'emploi ne peut pas, en réalité, s'ajuster aussi rapidement aux variations de l'environnement économique et qu'il n'est pas doté des qualités de transparence nécessaires. Chaque pays de l'Union, qu'il soit ou non compris dans la zone euro, présente ses propres caractéristiques, ses rigidités ou ses souplesses, les spécificités de sa structure d'emploi et sa propre culture d'entreprise qui sans être totalement antinomiques, ne constituent pas un ensemble européen parfaitement homogène.
Et il convient d'avoir en mémoire que, même au sein d'un seul marché du travail national, de grandes variations existent suivant le statut du travailleur -selon qu'il relève du secteur public ou du secteur privé-, le contrat de travail dont il dispose -contrat à durée déterminée ou indéterminée, travail à temps plein ou à temps partiel...-, ou le secteur d'activité de l'entreprise qui l'emploie -plus ou moins fort degré d'exposition à la concurrence étrangère, existence de conventions collectives...-.
L'effet d'une monnaie unique sur le comportement d'un marché du travail qui ne l'est pas ne se mesurera réellement que dans le domaine de l'emploi privé officiel . Deux autres secteurs d'emploi, répondant à une autre logique, s'en trouveront plus ou moins influencés mais réduiront la portée des harmonisations envisagées.
• Le secteur public
Les employés du secteur public, fonctionnaires ou salariés, bénéficient le plus souvent de garanties supérieures leur assurant une plus grande sécurité de l'emploi que dans le secteur privé. De manière générale, le recours au contrat à durée déterminée dans l'emploi public est impossible, ou étroitement limité, dans les pays de l'Union européenne.
La part de l'emploi public dans l'emploi total varie considérablement d'un pays à l'autre, entre deux extrêmes : les Pays-Bas (14 %) et la Suède (35 %).
Dans la tranche la plus élevée, supérieure à 29 %, se trouvent les pays nordiques (Finlande, Norvège, Danemark et Suède), ainsi que la France qui présente un taux d'emploi public de 32 %.
Un second groupe, situé entre 20 et 24 %, réunit l'Autriche, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Belgique.
Enfin, les Pays-Bas, l'Allemagne et le Royaume-Uni se situent sur la fourchette la plus basse, comprise entre 14 % et 19,5 %. Par comparaison, on rappellera que le Japon et les Etats-Unis comportent un secteur public correspondant respectivement à 7 % et à 15,5 % de l'emploi total.
L'importance du secteur public dans les pays de l'Union européenne conduit donc à une segmentation du marché du travail entre emploi public et privé. Quelle peut être l'influence de celui-là sur celui-ci ? L'analyse des liens entre ces deux secteurs semble indiquer que le risque de voir les salaires publics inspirer l'évolution des rémunérations du secteur privé est toujours à craindre, même dans le régime de basse inflation qui caractérise aujourd'hui le contexte de l'euro.
Par ailleurs, l'effet de politiques publiques fondées sur l'augmentation de l'emploi public est, semble-t-il, ambigu sur le niveau d'emploi et sur celui des salaires. En effet, il peut en résulter, suivant les caractéristiques des emplois publics offerts, un effet positif sur l'emploi total, avec de faibles conséquences sur les salaires, mais seulement si le recrutement concerne des personnes n'ayant pas les qualifications requises pour intégrer le secteur privé.
• Le travail clandestin
La part du travail au noir est, par nature, difficile à mesurer. Se rapportant à la production d'activités rémunérées légales mais effectuées en marge des lois sociales, elle regroupe diverses catégories de population : personnes cumulant plusieurs emplois, ressortissants étrangers en situation irrégulière, inactifs, chômeurs... Le plus souvent, les personnes concernées occupant simultanément un emploi déclaré ou disposant d'une couverture sociale, il n'est pas possible techniquement de les comptabiliser.
Toutefois, selon les statistiques de la Commission européenne établies pour 1998 (1 ( * )) , l'économie souterraine représenterait 7 à 16 % du PIB de l'Union et 7 à 19 % des emplois -soit 10 à 28 millions d'unités de travail.
L'étude de la situation des différents Etats membres permettrait de les classifier dans différents groupes de pays :
- un premier groupe, comprenant les pays scandinaves, l'Irlande, l'Autriche et les Pays-Bas, serait caractérisé par une faible importance du travail au noir, représentant environ 5 % du PIB ;
- un second groupe, constitué de l'Italie et de la Grèce, afficherait à l'inverse, un taux de travail souterrain élevé, équivalent à 20 % du PIB ;
- entre ces deux extrêmes, on trouve l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, où l'ampleur du travail clandestin resterait modérée, suivies de la Belgique puis de l'Espagne. Encore faut-il préciser que pour la France, l'INSEE vient de réviser à la hausse, de 0,9 % du PIB supplémentaire, son évaluation de l'économie parallèle.
Les secteurs les plus touchés par le travail non déclaré sont, traditionnellement, l'agriculture, le bâtiment, le commerce de détail, la restauration et les services domestiques. On le trouve également dans certaines industries manufacturières -le secteur textile, qui se prête au travail à domicile, est particulièrement concerné- et, plus récemment, dans des secteurs novateurs où l'utilisation de moyens de communication électroniques et informatiques facilite la prestation de services décentralisée.
Les raisons d'être du travail clandestin sont bien connues. Il permet d'échapper aux contraintes administratives liées à l'embauche et au licenciement et de réduire le coût du travail -ou d'augmenter le revenu- en éludant la fiscalité et les charges sociales.
Son existence peut constituer aussi l'indice d'une inadaptation de la législation du travail aux nécessités du marché pour certains types d'emplois : travail de nuit, temps partiels, télétravail, emplois familiaux... Certains pays ont ainsi été conduits à assouplir leurs législations sociales (Espagne, Finlande, Autriche). C'est également la voie qu'avait choisie la France pour les emplois familiaux. Mais la réduction du dispositif incitatif à la déclaration des personnels employés au domicile des familles a probablement eu un effet direct sur l'augmentation des travailleurs clandestins dans le secteur.
L'existence d'un secteur d'emplois officieux n'est pas sans conséquences sur le fonctionnement réel d'une économie. Sans que l'on puisse le mesurer quantitativement en étudiant la flexibilité des salaires et de l'emploi, il est vraisemblable que le travail au noir entraîne une sous-évaluation de la flexibilité des salaires.
En effet, lorsque l'offre de travail se contracte et que le chômage augmente, une partie des chômeurs officiellement recensés comme tels trouve un emploi dans le secteur clandestin. Sur la base de statistiques surestimant, du même coup, la hausse du chômage, on peut être conduit à sous-estimer la sensibilité des salaires au chômage. Il faut donc relativiser les comparaisons internationales ne portant que sur le secteur privé officiel et ne jamais oublier que l'importance du secteur public et la flexibilité du travail clandestin peuvent fausser les analyses.
* *
*
En résumant rapidement les principales données du rapport établi par le CEPII, on peut faire apparaître quelques grandes lignes de clivage entre les pays de l'Union européenne.
A. LES SPÉCIFICITÉS NATIONALES DES MARCHÉS DU TRAVAIL
1. Le poids variable de l'action syndicale
a) La reconnaissance du rôle des syndicats
Le droit d'association et le droit syndical sont reconnus, le plus souvent, dans la Constitution elle-même (Allemagne, France, Italie, Espagne, Portugal, Suède, Irlande), tandis que la loi fixe les droits et devoirs des différentes parties, attribuant aux syndicats la capacité exclusive de négocier les accords collectifs avec les employeurs.
• Le droit de grève
Le premier moyen d'action syndicale demeure la grève, dont le droit est parfois garanti par la Constitution elle-même (France, Allemagne, Italie, Espagne et Finlande). Ce droit est en revanche très encadré en Grande-Bretagne - comme aux Etats-Unis - et, bien que pleinement assuré, il n'intervient qu'en ultime recours dans les pays nordiques, après l'échec des procédures de conciliation et de médiation. En Suède et au Danemark, le Parlement peut mettre fin à un conflit social si celui-ci est jugé dommageable pour la société.
• L'appréciation du climat social
Les statistiques (2 ( * )) du nombre de jours perdus pour cause de grève ou de lock-out établies sur la période 1990-1995, qui constituent un indicateur des conflits du travail, placent la Grèce en première place, suivie de l'Espagne, l'Italie, la Finlande et l'Irlande. Mais, globalement, la tendance depuis 1980 est à la baisse des conflits du travail en Europe, notamment en Italie et au Royaume-Uni, comme en France, en Belgique et au Portugal. Les chiffres restent stabilisés à un faible niveau en Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège.
b) La mesure de l'influence effective des syndicats
• Par le taux de syndicalisation
L'importance des syndicats se mesure traditionnellement par le taux de syndicalisation, qui tend globalement à la baisse depuis le début des années 70. Toutefois, l'évolution n'est pas uniforme dans l'ensemble des pays de l'Union : on observe plutôt une baisse de la syndicalisation dans les pays déjà faiblement syndicalisés en 1985 et, à l'inverse, une augmentation de ce taux dans les pays à forte tradition syndicaliste.
En 1995, on pouvait distinguer trois groupes de pays suivant ce critère :
- les pays à faible syndicalisation, dont le taux est inférieur à 20 % : la France, d'abord, qui se situe à 10 % environ, puis l'Espagne, à un niveau semblable à celui des Etats-Unis ;
- un groupe intermédiaire, situé dans une fourchette allant de 20 % à 50 % : Europe du sud (Grèce, Portugal, Italie), Europe de l'ouest (Royaume-Uni et Irlande), et l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas, tout comme le Japon ;
- enfin, dans les pays nordiques et en Belgique, les syndicats rassemblent plus de la moitié des travailleurs.
• Par l'étendue des conventions collectives
Le taux de syndicalisation reste toutefois un indicateur imparfait du pouvoir des syndicats.
Dans la plupart des Etats membres, les syndicats bénéficient d'un monopole de négociation des conventions collectives avec les employeurs, ces conventions faisant l'objet fréquemment, par la suite, d'une extension administrative de la part du gouvernement. Cette mesure présente en effet l'avantage de placer toutes les entreprises d'un même secteur dans des conditions de concurrence comparables. On constate donc que, dans la plupart des pays d'Europe continentale, la part des salariés couverts par une convention collective est très supérieure à celle affiliée à un syndicat.
Toutefois, deux exceptions méritent d'être soulignées :
- en Suède et au Danemark, tous deux fortement syndicalisés, il n'existe pas de dispositif d'extension administrative des conventions collectives ;
- au Royaume-Uni et en Irlande, où le taux de syndicalisation reste inférieur à 50 %, les conventions collectives sont strictement limitées aux entreprises comportant des syndicats et souvent même seulement applicables aux personnes syndiquées. La situation est comparable aux Etats-Unis et au Japon.
• Par le degré de centralisation des négociations
La centralisation des négociations salariales résulte de trois éléments : le niveau auquel se déroule la négociation, le degré de coordination des syndicats et le degré de coordination des employeurs.
On peut distinguer deux groupes de pays : ceux où la centralisation est forte (Autriche, Grèce, Danemark, Norvège, Finlande et Belgique) et ceux où elle est moyenne (Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, Suède et Portugal). Font cavalier seul, l'Irlande et le Royaume-Uni où la décentralisation est forte, et la France qui se situe à un niveau de faible centralisation. En effet, les négociations françaises ont surtout lieu dans les entreprises et se déroulent dans un contexte de relative désunion syndicale.
• Par l'étendue de la coopération entre les partenaires sociaux
Outre la place des syndicats dans les relations du travail et le degré de centralisation des négociations salariales, l'issue de ces négociations dépend aussi de la nature de la coopération entre les partenaires sociaux. Celle-ci peut ainsi constituer une relation de longue durée portant sur plusieurs questions d'intérêt commun (valorisation du travail, amélioration des conditions de travail...). Elle peut également n'être que ponctuelle et ne se rapporter qu'à des augmentations de salaires immédiates limitées aux personnels en place.
Les observations montrent que, généralement, cet indice rejoint le précédent et que centralisation et coopération vont de pair.
* *
*
Le rapprochement des différentes caractéristiques des relations professionnelles des différents Etats membres montre la grande diversité des situations. Mais il souligne aussi la situation très particulière de la Grande-Bretagne dans l'ensemble européen par le cumul, qu'elle est seule à présenter, de plusieurs facteurs : on y constate à la fois une forte décentralisation des négociations, une coopération limitée entre partenaires sociaux et un faible taux de couverture par des conventions collectives. La France, quant à elle, se situe plutôt dans une position curieuse, caractérisée par un faible niveau de syndicalisation et une forte présence de l'Etat dans les relations du travail.
2. Des situations d'emploi hétérogènes
a) Les taux d'emploi et de chômage
• Au niveau national
On constate des écarts considérables des taux d'emploi entre Etats membres, comme le souligne la Commission européenne dans son rapport consacré aux réformes économiques et structurelles dans l'Union européenne (2 ( * )) . L'Autriche et la Suède présentent des taux d'emploi de l'ordre de 70 % et même au-delà pour le Royaume-Uni (73,8 %) et le Danemark (77 %). L'Italie ou l'Espagne se situent à un niveau de 50 % ou moins, la France figurant entre ces extrêmes (60 %).
Au sein de la seule zone euro, on relève également d'importantes disparités en termes de recherche d'emploi.
En mars 1999, le chômage s'élevait à 9,6 % dans l'Union européenne et à 10,4 % dans la zone euro, ce qui équivaut à 13,5 millions de personnes répertoriées comme demandeurs d'emplois (16,3 millions pour l'ensemble de l'Union). Ces statistiques révèlent une diminution du taux de chômage sur un an puisqu'en mars 1998, celui-ci s'élevait à 11,1 % sur la zone euro et 10,1 % pour l'Union européenne.
Cette moyenne masque des écarts importants dans les performances réalisées par les différents Etats membres.
Les taux les plus bas ont été relevés au Luxembourg (2,8 %) et aux Pays-Bas (3,6 %), suivis du Portugal (4,2 %), de l'Autriche (4,6 %), et du Danemark (4,7 %).
En revanche, l'Espagne continue d'enregistrer le taux le plus élevé de l'Union : 17,4 %, quoique en nette baisse sur les douze derniers mois (19,2 % en mars 1998).
La population la plus vulnérable reste celle des jeunes de moins de 25 ans, dont le taux de chômage varie de 6,2 % en Autriche à 32,5 % en Espagne.
Taux de chômage dans l'Union
européenne
Corrigés des variations
saisonnières
1
er
trimestre 1999
TOTAL |
HOMMES |
FEMMES |
- DE 25 ANS |
||
Allemagne |
9 % |
8,4 % |
9,8 % |
9,2 % |
|
Autriche |
4,6 % |
3,9 % |
5,5 % |
6,3 % |
|
Belgique |
9,1 % |
7,4 % |
11,4 % |
21,6 % |
|
Danemark |
4,8 % |
3,8 % |
9,8 % |
9,2 % |
|
Espagne |
17,6 % |
12,5 % |
25,5 % |
32,7 % |
|
Finlande |
10,7 % |
10,4 % |
10,9 % |
22,6 % |
|
France |
11,4 % |
9,6 % |
13,5 % |
26,1 % |
|
Grèce (3 ( * )) |
11,5 % |
7,7 % |
17,3 % |
32 % |
|
Irlande |
7 % |
7,1 % |
7 % |
9,8 % |
|
Italie (4 ( * )) |
11,7 % |
9 % |
16 % |
31 % |
|
Luxembourg |
2,8 % |
1,9 % |
4,3 % |
6,6 % |
|
Pays-Bas |
3,6 % |
2,6 % |
4,7 % |
6,8 % |
|
Portugal |
4,2 % |
3,4 % |
5,3 % |
8,3 % |
|
Royaume-Uni (2) |
6,3 % |
7,1 % |
5,4 % |
14 % |
|
Suède |
7,5 % |
7,8 % |
7,1 % |
15,5 % |
|
TOTAL U.E. |
9,6 % |
8,2 % |
11,4 % |
18,7 % |
|
ZONE EURO |
10,4 % |
8,6 % |
12,9 % |
20 % |
Source : Office statistique des Communautés européennes Eurostat
• Au niveau régional
Plusieurs Etats membres présentent également des contrastes nets entre leurs régions. On observe en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Belgique et en Finlande, la coexistence de régions à taux de chômage très bas avec d'autres fortement touchées. Cette considération rappelle l'importance de la poursuite des politiques régionales et des politiques de cohésion, qui vient d'être adoptée par le Conseil européen de Berlin de mars dernier.
Disparités régionales des taux de
chômage
(données au 31 décembre
1996)
Taux le plus faible |
Taux le plus élevé |
|
Allemagne |
4,3 % (Oberbayern) |
17,8 % (Sachsen-Anhalt) |
Autriche |
3,3 % (Oberoesterreich) |
6,1 % (Kaernter) |
Belgique |
5,1 % (Vlaams Brabant) |
15,8 % (Hainaut) |
Danemark |
* |
* |
Espagne |
11 % (Navarra) |
32,4 % (Andalucia) |
Finlande |
4,7 % (Ahvenanmaa/Äland) |
19,1 % (Pohjois-Suomi) |
France |
9,3 % (Franche-Comté) |
31,1 % (DOM) - 21 % (Corse) |
Grèce |
4,4 % (Nisia Aigaion, Kriti) |
16,3 % (Dikiti Makedonia) |
Irlande |
* |
* |
Italie |
5,2 % (Valle d'Aosta) |
25,5 % (Campania) |
Luxembourg |
* |
* |
Pays-Bas |
5 % (Utrecht) |
10,1 % (Groningen) |
Portugal |
4,1 % (Centro) |
12,3 % (Alentejo) |
Royaume-Uni |
4,1 % (Oxfordshire) |
11,7 % (Merseyside) |
Suède |
7,7 % (Stockholm) |
12,2 % (Mellersta Norrland) |
Source : Eurostat janvier 1998
* données indisponibles
Les structures d'emplois
|
1. Par secteur Dans l'Union, 3,1 % de la population totale en âge de travailler était employée dans l'agriculture, 18,2 % dans l'industrie et 39,2 % dans les services. Aux Etats-Unis, les pourcentages s'établissent respectivement à 2 %, 17,7 % et 54,2 %. 2. Par tranche d'âge Si l'Union enregistre des taux voisins des résultats américains en ce qui concerne les hommes des classes d'âge à forte activité (25-54 ans), elle se situe en net retrait pour les jeunes (15-24 ans), les femmes sur toutes les tranches d'âge et les travailleurs âgés de plus de 55 ans. Il existe un noyau dur de chômeurs de longue durée caractérisé par d'importantes difficultés d'insertion et composé essentiellement de femmes, de travailleurs peu qualifiés, de jeunes et de travailleurs âgés. Source : Commission européenne - Statistiques pour 1997 |
• Le cas de la France : taux d'activité et structure des emplois
Taux d'activité (Source INSEE)
Age |
Enquêtes sur l'emploi 1998 |
|
Sexe masculin |
Sexe féminin |
|
De 15 à 19 ans |
10,6 |
4,7 |
De 20 à 24 ans |
52,9 |
46,3 |
De 25 à 29 ans |
91,5 |
78,0 |
De 30 à 34 ans |
95,7 |
77,2 |
De 35 à 39 ans |
97,0 |
78,5 |
De 40 à 44 ans |
95,9 |
80,2 |
De 45 à 49 ans |
95,2 |
79,7 |
De 50 à 54 ans |
91,4 |
73,3 |
De 55 à 59 ans |
67,0 |
49,3 |
De 60 à 64 ans |
15,3 |
14,0 |
De 65 à 69 ans |
4,0 |
2,5 |
De 70 à 74 ans |
2,4 |
0,7 |
De 75 et plus |
0,7 |
0,3 |
Ensemble |
62,0 |
47,6 |
Structure des emplois (Source INSEE - estimations annuelles d'emploi)
Intitulé du secteur |
1996 |
|
Emploi total |
Emploi salarié |
|
Agriculture, sylviculture et pêche |
1 000,2 |
277,7 |
Industries agricoles et alimentaires |
590,4 |
522,6 |
Industries des biens de consommation |
800,7 |
752,7 |
Industrie automobile |
288,0 |
285,6 |
Industries des biens d'équipement |
826,5 |
796,9 |
Industries des biens intermédiaires |
1 500,0 |
1 451,8 |
Energie |
255,6 |
253,8 |
Construction |
1 390,8 |
1 125,0 |
Commerce |
2 982,2 |
2 528,3 |
Transports |
988,8 |
911,4 |
Activités financières |
686,7 |
656,6 |
Activités immobilières |
333,7 |
305,3 |
Services aux entreprises |
2 444,8 |
2 262,7 |
Services aux particuliers |
1 733,0 |
1 408,2 |
Education, santé, action sociale |
4 041,9 |
3 786,8 |
Administration |
2 358,9 |
2 369,7 |
Total |
22 220,2 |
19 695,1 |
b) L'emploi à temps complet ou partiel
L'augmentation du pourcentage de travailleurs à temps partiel est l'une des caractéristiques récentes de l'évolution du marché du travail européen, bien que d'importantes disparités soient constatées sur ce point entre les Etats membres.
L'emploi à temps partiel est généralement assuré par les femmes et, dans une moindre mesure, par les jeunes entrant sur le marché du travail. Ceci explique que son usage demeure encore limité dans l'Europe du Sud -essentiellement Espagne, Grèce et Italie- où le taux d'activité féminin reste, pour des motifs culturels, inférieur à 50 %.
En revanche, le travail à temps partiel est très répandu dans l'Europe du Nord : il concerne plus d'un travailleur sur cinq au Danemark, un sur quatre au Royaume-Uni et en Suède, et plus du tiers de la population active aux Pays-Bas. Près de 45 % de la population active féminine britannique et 68 % de la population active féminine hollandaise sont employés à temps partiel.
Temps partiel
TOTAL |
HOMMES |
FEMMES |
- DE 25 ANS |
|
Allemagne |
17,5 % |
4,2 % |
35,1 % |
9,1 % |
Autriche |
14,9 % |
4 % |
29 % |
8,4 % |
Belgique |
14,7 % |
3,3 % |
31,4 % |
16,4 % |
Danemark |
22,3 % |
12,1 % |
34,4 % |
47 % |
Espagne |
8,2 % |
3,2 % |
17,4 % |
13,9 % |
Finlande |
11,4 % |
7,6 % |
15,6 % |
36,5 % |
France |
16,8 % |
5,5 % |
30,9 % |
26,8 % |
Grèce |
4,6 % |
2,6 % |
8,1 % |
7,5 % |
Irlande |
12,3 % |
5,4 % |
23,2 % |
15,7 % |
Italie |
7,1 % |
3,3 % |
13,7 % |
8,3 % |
Luxembourg |
8,2 % |
1 % |
20,2 % |
6 % |
Pays-Bas |
38 % |
17 % |
67,6 % |
58,2 % |
Portugal |
9,9 % |
5,7 % |
15 % |
7,3 % |
Royaume-Uni |
24,9 % |
8,8 % |
44,8 % |
31,4 % |
Suède |
24,5 % |
9,3 % |
39,9 % |
42,6 % |
TOTAL UE 15 |
16,9 % |
5,8 % |
32,3 % |
21,4 % |
Source : Eurostat - Enquête sur les forces de travail - 1997
Le schéma suivant fait la synthèse des principales données de l'emploi dans l'Union :
* (1) Cf. COM (1998) 219 Final - Communication de la Commission sur le travail non déclaré.
* (1) Chiffres établis par le Bureau International du Travail.
* (2) COM (1999) 61 final du 17 février 1999. Ce rapport, intitulé « Cardiff II », s'inscrit dans la continuité des conclusions du Conseil européen de Cardiff de juin 1998 reconnaissant la contribution importante des réformes économiques et structurelles dans la lutte contre le chômage.
* (3) Pour la Grèce, les données ne sont pas disponibles. Celles indiquées se rapportent à mars 1998.
* (4) Chiffres au 31 janvier 1999.