AUDITION DE M. JEAN-LOUIS GUIGOU,
DÉLÉGUÉ DE LA DATAR
(DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT DU
TERRITOIRE)
(10 FÉVRIER 1999)
Le
président lit la note sur le protocole de publicité des travaux
de la commission d'enquête et fait prêter serment à
M. Jean-Louis Guigou.
M. Adrien Gouteyron, président -
Je vous renouvelle mes
excuses ; je suis obligé de vous quitter pour présider la
commission des affaires culturelle qui reçoit M. Allègre. Je
vous laisse avec mes collègues sous la présidence de
M. Jean-Léonce Dupont, vice-président de la commission
d'enquête. Je me tiendrai informé de ce qui se sera passé.
Monsieur Guigou, vous avez la parole pour un propos introductif d'une
dizaine de minutes avant les questions.
M. Jean-Louis Guigou -
. Monsieur le Président,
merci. Je regrette votre départ, mais la qualité des personnes
ici présentes l'atténuera.
Présidence de M. Jean-Léonce DUPONT, vice-président
M. Jean-Louis Guigou -
J'ai
été
surpris de recevoir l'invitation de votre Président à me rendre
à cette commission, ce domaine ne relevant pas de ma compétence.
J'ai un certain nombre d'attributions sur l'aménagement du territoire,
mais je ne me sens pas directement concerné. C'est la raison pour
laquelle, si vous m'y autorisez, dans ce laps de temps relativement restreint,
je ferai un exposé en amont par rapport aux questions que vous vous
posez et je déboucherai sur un certain nombre de questions sur la
gestion des personnels.
En guise d'introduction, ma conviction est que l'aménagement du
territoire change de nature, que nous sommes de plus en plus sur le
développement des territoires et, qu'après une longue
période où nous avons fait des infrastructures, des routes, des
autoroutes, de grands équipements lourds, les aspects immatériels
(et notamment les aspects d'éducation et de recherche) deviendront de
plus en plus prioritaires. Les entreprises recherchent des espaces attractifs
et la qualité de la main d'oeuvre y est pour beaucoup.
L'enseignement, la recherche, l'éducation, vont devenir des
éléments essentiels. C'est là l'objet de mon introduction.
Essentiels, pour deux raisons : tout d'abord, pour spécifier
l'attractivité des territoires. Dans un monde où tout est mobile
(mobilité des hommes, des activités, des capitaux et des
marchandises), si vous n'avez pas de territoires attractifs, ce n'est pas la
peine de travailler.
Ce ne sont pas nécessairement des échangeurs d'autoroutes qui
rendent les territoires attractifs. Ce sont l'environnement, la culture, la
paix sociale, la qualification de la main d'oeuvre, la proximité des
universités... Et je me plais à dire que les universités
seront, pour le 21ème siècle, comparables à ce que
furent au 19ème siècle les gisements de charbon et d'acier.
Les entreprises viennent à proximité des universités car
il y a là de la recherche, de l'innovation et du personnel de
qualité.
Seconde considération : toujours dans l'attractivité des
territoires, l'éducation et la recherche, c'est-à-dire les
économies externes. Il est surprenant de constater que les petites,
moyennes et grandes entreprises sont obligées de faire appel à
toutes les économies possibles dans la compétition mondiale.
Or, il y a deux gisements d'économie : tout d'abord le gisement des
économies d'échelle internes, la productivité du travail
et du capital ; ensuite, ce que nous avons longtemps ignoré, et que
l'on appelle les économies externes. Les Allemands sont passés
maîtres dans la production d'économies externes. C'est tout
l'environnement des entreprises, qui comprend la formation de la main d'oeuvre,
l'innovation, les centres de transfert de technologie ; tout cela est la
base de la qualification de la population. Il ne fait aucun doute que
l'éducation nationale (et le système de formation) est un grand
producteur d'économie externe ; les chefs d'entreprises en sont
très friands.
Troisième considération : les services publics et les
services d'Etat. Depuis le CIAT du 15 décembre, le premier ministre
a demandé à la DATAR de faire un effort considérable sur
l'ouverture, la fermeture, la réorganisation des services publics et des
services collectifs.
Cette gestion est délicate. Fermeture des lycées, des
écoles, des postes, des hôpitaux... Il ne fait aucun doute que
certains services de quotidienneté ne sont pas au premier rang dans
l'attention qu'ont les élus à leur égard, mais il y a la
santé et l'éducation, et les élus sont très proches
de la répartition de ces systèmes publics. Il y a donc une forte
attente des élus et de la population.
Après cette brève introduction, j'insisterai sur le contexte dans
lequel nous devons situer votre réflexion et les propositions que vous
devez faire. La France présente le contraste suivant : il y a de
moins en moins de situations moyennes. Nous devons gérer deux espaces
extrêmes, à savoir les espaces ruraux en voie de
dépopulation et les espaces de banlieue et de quartiers, en voie de
surconcentration et aussi de dégradation.
Donc, la France ne peut plus gérer une situation moyenne de
cent habitants au kilomètre carré. Nous sommes de plus en
plus attirés par ces deux pôles extrêmes, extrêmement
délicats et difficiles. Toute loi, toute politique sur une ville
moyenne, un espace rural en général, serait condamnée
à une moindre efficacité. Il faut prendre en considération
ces deux espaces extrêmes, à savoir la forte densité dans
les banlieues, et une très faible densité avec vieillissement
dans les 425 cantons. Nous attendons avec impatience le recensement 1999 de
cette fin de siècle.
Aux dernières informations, 425 cantons sur 3800 sont en perte
constante de population et de vieillissement. Dans le même temps, les
246 quartiers traités par Claude Bartholone, font l'objet des
contrats de ville. Nous devons gérer -c'est un défi à
l'intelligence- les 250 quartiers difficiles et les 425 cantons en
voie de dépopulation. Contraste formidable !
J'étais hier avec le sénateur Besse, qui me racontait ce qui
se passe dans le Cantal ; dans le même temps je recevais des gens de
Seine-Saint-Denis. Chez eux, c'est la jeunesse qui est en train de les
perturber. Trop de jeunes couples venant à Paris, qui procréent,
beaucoup de jeunes dans les banlieues et,
a contrario
, un
vieillissement. Si nous ne savons pas nous adapter, et si l'éducation
nationale doit traiter une norme et se tenir à un niveau moyen, nous
sommes dans l'échec. Ce que je dis pour l'éducation nationale se
retrouve pour les hôpitaux. Nous venons d'apprendre que nous avons un
déficit chronique important sur les hôpitaux pour les personnes
âgées.
Deuxièmement, concernant les zones rurales en particulier, pour ces 425
à 430 cantons, nous nous trouvons face à la situation
suivante : deux logiques très fortes s'affrontent, avec des groupes
de pression, et il nous semble que ni l'un ni l'autre ne sont dans le vrai.
La première logique est celle du ministère : au nom de la
rentabilité et de la qualité peut-être, on ferme des
écoles en milieu rural. On ferme, jusqu'à atteindre des villes de
2 000 à 3 000 habitants à partir desquelles on peut
stabiliser le retrait des services publics, et en particulier de
l'école.
L'autre logique, plutôt celle des élus, est celle anciennement du
moratoire : on fige tout, on vitrifie le territoire, et on veut maintenir
les écoles en milieu rural. Il nous semble que l'une et l'autre de ces
politiques nous condamnent à l'échec. L'une recherche le maintien
et la proximité, et l'autre la rentabilité et
l'efficacité. Il faut chercher des voies moyennes.
D'une manière générale, les enquêtes nous montrent
que sur le service d'Etat et les services publics -ce que je dis pour
l'école vaut pour les hôpitaux- nos concitoyens, contrairement aux
élus, sont de plus en plus enclins à préférer la
qualité à la proximité ; les élus, pour des
raisons d'emploi, pour des raisons multiples, se battent encore avec leur
logique sur des thèmes de proximité.
Si l'école veut être une école de qualité, elle doit
déboucher sur un modèle différent d'ouverture, de
contractualisation, de diversification et de pluri-activité.
Troisièmement, dans les zones urbaines fortement denses, la
mixité est la grande absente de ce débat. La
ségrégation est poussée à l'extrême entre
lycées : d'un côté des enseignements de qualité
avec des élèves de qualité, et de l'autre
côté, des lycées avec des enseignants de moindre
qualité, des bâtiments de moindre qualité, et des
catégories sociales défavorisées. Ce dualisme prend des
proportions maintenant insupportables, et soulève l'angoisse des
parents, la désapprobation du personnel et, bien évidemment, le
désaveu des élus. Et, pour nous tous, ce problème de la
non-mixité est un défi.
Quatrièmement, les propositions de la DATAR : nous avons un certain
nombre de solutions ou de préconisations, aussi bien pour les zones en
voie de dépopulation que dans les zones de forte densité,
même si nous avons davantage l'habitude de travailler dans le rural que
dans l'urbain de forte densité.
En premier lieu, nous devons porter une attention particulière au
problème du périscolaire de qualité. C'est-à-dire
que l'enseignement ne doit pas se limiter au sens strict à la fonction
éducative mais, puisqu'il y a souvent des déficits des familles
et un environnement peu propice, l'enseignement et l'éducation doivent
s'intéresser aux problèmes périscolaires.
Deuxièmement, les projets et la contractualisation. Pour nous, un
élément est essentiel : savoir comment, à partir des
projets d'établissements, tenant compte des contextes local et
sociologique, peuvent déboucher sur des contrats. Nous tenons beaucoup
à la procédure de contractualisation. Pour le moment, ces
procédures ne sont pas toutes incluses -loin s'en faut- dans les
contrats de plan Etat-régions et dans les contrats de pays ou
d'agglomération que nous n'avons pas encore mis en place.
Cela dit, nous voudrions faire un effort pour que, sur la période
2000-2006, nous offrions à l'ensemble des élus
intéressés par ces sujets, une période de
contractualisation à l'intérieur des contrats de plan, des
contrats de pays et d'agglomération.
Troisième préconisation : les problèmes de mise en
réseau pour rompre l'isolement des maîtres
.
Cette mise en
réseau par l'intermédiaire des nouvelles technologies est une
chose que nous pratiquons par l'intermédiaire des appels à
projets. Le fait est que nous devons, avec les élus, effectuer des
pressions assez fortes sur les parents pour que la scolarisation des enfants se
fasse dès l'âge de deux ans. Dans ces milieux assez
défavorisés, les enquêtes statistiques nous montrent que
lorsque les enfants sont scolarisés à partir de deux ans, on
arrive à pallier les déficits de l'environnement, et
qu'après les enfants suivent bien.
Une idée nous tient également à coeur, à savoir
l'ouverture, la diversification des lieux d'enseignement. Comment faire qu'en
milieu rural ou urbain, l'école devienne un lieu d'accueil
réservé en priorité pour sa fonction centrale, mais aussi
très ouverte sur la pluri-activité ? Comment faire pour les
enfants issus de classe unique ou les enfants issus de petits
collèges ? Comment faire en sorte que le soir ces
établissements se transforment en maisons de la culture ? Comment
faire en sorte que du matériel informatique utilisé dans la
journée puisse être utilisé le soir par les parents, pour
la formation professionnelle ? Comment faire en sorte que des lieux
d'établissement et de formation soient couplés avec des
activités culturelles du ministère, avec des
bibliothèques, des nouvelles technologies ?
On peut aboutir à des systèmes de pluri-activité. C'est
une idée que nous défendons dans les contrats de plan. Si
l'école reste 100 % école, si l'hôpital reste
100 % hôpital, si la Poste reste uniquement Poste, alors nous serons
obligés d'aller rechercher des pôles-centres assez importants pour
viabiliser et rentabiliser ces fonctions. Si, par contre, nous acceptons, et
avec nous, les salariés et les ministères, la
pluri-activité et le mixage des actions qui, au départ, peuvent
être publiques-publiques, on pourrait admettre le mixage
public-privé. Quand le buraliste " fait bistrot " et vend des
timbres-poste, des timbres fiscaux ou des vignettes, il est bien l'agent du
Trésor.
Nous savons que l'éducation nationale, dans les milieux les plus
défavorisés, faiblement ou fortement densifiés -je pense
à Poitou Charente, chez M. Raffarin- trouve des formules
très originales que nous voudrions contractualiser et élargir.
Cinquième point : les actions de la DATAR portent notamment sur la
contractualisation. Nous voudrions que, dans les prochains contrats de plan
Etat-régions et dans les contrats d'agglomération et de pays, les
volets éducation et éducatif soient très fortement
développés.
Deuxièmement : nous menons des actions à l'interface entre
lycées et milieux socioprofessionnels, P.M.E./P.M.I. Cette
opération se fait avec des académies pilotes. C'est exemplaire.
Je l'ai vue fonctionner en Poitou-Charente. Il s'agit de mettre en relation les
professeurs de lycées professionnels (tourneurs, comptables, professeurs
très spécialisés dans des métiers), avec les
entreprises de petite taille qui sont proches. Ces entreprises de petite taille
ne peuvent pas se payer de grands ingénieurs sortant des grandes
écoles, souvent trop chers. Nous mettons là en relation les
P.M.E./P.M.I. avec les lycées professionnels. Nous avons toujours eu
énormément de succès dans ce mixage et ce rapprochement.
Troisièmement, nous avons lancé des appels d'offres sur les
nouvelles technologies. Nous avons mis deux fois 10 millions. Ce fut un
succès. Tout d'abord, une première opération a
été ouverte à tous les établissements, consistant
à mettre en réseau les établissements de façon
à ce que les enseignants comme le personnel d'encadrement puissent
dialoguer et échanger.
A l'heure actuelle, 2 600 établissements sont connectés
entre eux et font du télé-enseignement. Dans les appels à
projets, 600 écoles sont interconnectées. C'est
considérable. Les enseignants ne sont donc plus isolés.
Le deuxième appel à projet de 10 millions consiste à
mettre en relation les écoles maternelles et primaires de façon
à ce que leurs, souvent isolés, puissent échanger leurs
programmes, leurs expériences, leurs succès et leurs
échecs.
Je termine sur une idée qui me tient à coeur, et que je vais
proposer au ministre. Je veux monter un groupe de réflexion prospective
sur "enseignement et territoire" car je suis persuadé qu'après la
période des bâtisseurs et de la construction des grandes
infrastructures, nous avons une réflexion prospective à mener sur
l'avenir.
Je terminerai bien modestement sur les questions de personnel, sachant que ce
domaine n'est pas de ma compétence, et j'avance donc avec prudence sur
le sujet qui est essentiellement celui qui vous tient à coeur.
Je vous fais part de quelques idées : la première est de
mieux adapter la formation des enseignants, à travers les instituts
universitaires de formation des maîtres (IUFM), à ces deux espaces
extrêmes que constituent le rural en voie de dévitalisation et les
banlieues. On n'envoie pas des enseignants quelque part sans les
prévenir de ce qui les attend. On n'est plus dans un espace moyen avec
des écoles moyennes et un environnement normal ; on est dans des
situations délicates. Il faudrait donc que les IUFM les forment.
Deuxième idée que nous nous permettons de suggérer :
la poursuite de la déconcentration du mouvement des enseignants pour les
lycées et les collèges. Notre opinion tient compte de notre
expérience. Il nous semble que, jusqu'à il y a une dizaine
d'années, l'offre d'enseignement était adaptée à
une demande d'enseignement à peu près homogène sur le
territoire. Il était normal que l'offre d'enseignement soit uniforme par
rapport à une demande à peu près moyenne et
homogène sur l'ensemble d'un territoire, celui-ci n'étant pas
trop différencié.
Désormais, avec des espaces extrêmes, et avec la
différenciation de la demande autour des projets d'enseignement, avec de
plus en plus d'établissements s'ouvrant sur la réalité
locale s'adaptant aux situations précises des lieux dans lesquels ils se
trouvent, si nous avons une différenciation de la demande, il faut
impérativement que l'offre d'enseignement soit
différenciée. Or l'offre est toujours monolithique et
homogène pour des enseignements et des espaces de projets de plus en
plus différenciés.
Comment projeter des enseignants sans tenir compte des projets des
établissements? Cette question nous pose problème, et nous
pensons qu'il faut poursuivre le mouvement de déconcentration.
Troisièmement : la gestion des personnels. Compte tenu des efforts
que nous faisons avec des primes d'aménagement du territoire, avec tout
ce que M. Pasqua a créé sur la différenciation
positive, les ZRR (zones de revitalisation rurale), ZRU (zones de
redynamisation urbaine) -tous ces zonages pour essayer de compenser par des
primes à des territoires- je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas de
différenciation pour les enseignants.
Pourquoi ? Il y a des différenciations importantes. Nous avons
compté les zonages Pasqua, ZRR (zones de revitalisation rurale), ZRU
(zones de redynamisation urbaine), la défiscalisation, la suppression
des cotisations sociales, la facilité donnée à
l'amortissement etc. Vous ne pouvez pas imaginer la masse et
l'ingéniosité des parlementaires et des sénateurs pour
trouver des éléments de différenciation pour les
territoires en difficulté en créant des zones franches.
Je ne vois pas pourquoi, pour le personnel enseignant, il n'y a pas des primes
spéciales pour ces espaces délicats. Pourquoi ne pas dire que,
pour les enseignants talentueux que l'on mettrait dans ces espaces, il y a des
avantages et des points supplémentaires leur permettant, au bout de cinq
ans d'un contrat, d'avoir un peu plus... une année
sabbatique ? Pourquoi n'y aurait-il pas une année sabbatique pour
des enseignants ayant passé cinq ou six ans dans des espaces
très difficiles ? Ils auraient besoin de se former, de se
réformer, de se transformer. Je poursuis sur ce sujet, et
j'empiète avec modestie dans votre domaine.
Je ne vois pas pourquoi nous imaginons des éléments de
différenciation pour les entreprises, pour les ménages
essentiellement, et pourquoi nous n'imaginerions pas de tels
éléments pour le personnel enseignant.
Quatrième proposition : pourquoi ne pas imaginer à nouveau
-c'est demandé- qu'il y ait dans chaque département des
internats-foyers pour l'accueil des personnes éloignées
éprouvant des difficultés ?
Cinquièmement : j'aurais aimé le suggérer au
ministre, mais puisque vous me donnez l'occasion de le dire ici pour la
première fois : je ressens comme une nécessité de
créer dans chaque département un lycée ou un
département international.
Notre population n'est pas du tout formée aux langues
étrangères, et cela constitue incontestablement un déficit
dans l'attractivité des territoires. Lorsque Toyota est venue à
Valenciennes, dans le contrat figurait la création d'une école.
Savez-vous que des usines américaines voudraient s'implanter à
Périgueux ou à Bayonne, et refusent d'y aller parce qu'il n'y a
pas de lycée bilingue pour les cadres et le personnel ? C'est
aberrant !
Pourquoi ne pas lancer le slogan : "Un département, un lycée
international" pour les enfants, dès la sixième, et
peut-être avant, soit pour les Français autochtones, soit pour les
cadres des entreprises internationalement mobiles ?
Nous allons annoncer dans peu de jours, avec Mme Voynet, un volume
important, -permettez que je ne donne pas exactement le chiffre dont il revient
au ministre de le donner- beaucoup plus important que celui de l'année
dernière : 4 000 emplois créés par les
investissements internationalement mobiles. On est proche de 30 000. Et
nous n'avons pas progressé dans l'internationalisation de nos
lycées. C'est là un goulot d'étranglement, une
difficulté : les villes riches s'enrichissent parce qu'elles ont
des enseignements étrangers.
Cinquièmement : la transformation, à travers les
schémas départementaux, des collèges en milieux ruraux.
Nous voudrions que les collèges et les lycées en milieu rural,
comme c'est le cas en Poitou-Charente, deviennent des maisons de la culture,
des maisons multimédia, et que l'on raccroche autour de ces
lycées les éléments de la modernité. Que ces
établissements deviennent de vraies maisons de la culture, et non pas un
lieu exclusif de formation qui ouvre le matin à 8 heures et ferme
le soir à 18 heures.
Je terminerai sur un souhait, à savoir qu'à travers votre
travail, vos auditions et les informations que vous pourrez communiquer aux
fonctionnaires et aux hommes politiques, dans la rédaction de vos
conclusions, vous puissiez mettre en évidence, parmi les
préconisations que vous allez faire, les éléments qui
pourraient être contractualisés.
Je souhaiterais pouvoir contractualiser davantage sur l'éducation
nationale, et peut-être un peu moins sur les grands équipements
routiers et autoroutiers. Notre pays manque de formations et d'ouvertures pour
les lycées et collèges. Les transformations sont importantes. Sur
le reste, cela poursuit son chemin normalement.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Monsieur le
délégué, l'objet de notre commission d'enquête est
d'analyser l'utilisation des emplois dans l'éducation nationale. Vous
vous êtes défendu de ne pas avoir d'influence. Mais tous les
objectifs que vous avez indiqués nécessitent forcément des
moyens. On sait, par exemple, que quand on augmente d'une heure telle
matière dans les collèges, cela induit des centaines
d'enseignants en plus, des gens que l'on met trois ans à recruter et que
l'on embauche pour trente ans. Il faut donc avoir conscience des moyens.
S'agissant des objectifs fort intéressants que vous nous avez
exposés, les avez-vous systématiquement traduits en moyens
supplémentaires pour l'éducation nationale ? De plus, comme
vous avez parlé de contractualisation, quels seraient ces moyens
nécessaires pour l'Etat, pour les communes, pour les regroupements
communaux, les départements, les régions ? C'est ma
première question.
La seconde, plus centrée sur l'éducation (si vous pouvez y
répondre, car je ne connais pas les degrés d'analyse de vos
services dans ce domaine) est la suivante : il y a actuellement des
besoins dans les ZEP, où l'on veut concentrer un nombre plus grand
d'enseignants ; il y a des besoins en milieu rural où l'on veut
garder les écoles. Pensez-vous que globalement, la diminution, à
long terme, des effectifs scolarisés va permettre, par
redéploiement, à moyens constants de répondre à
tous ces besoins
?
Sur les aspects immatériels que vous évoquez, je prends l'exemple
de mon village : 1 400 habitants, 14 associations encadrant
environ 400 jeunes. Si je compare cela à une banlieue, de
Strasbourg ou d'ailleurs, où il y a trois immeubles, je doute qu'il y
ait ces 14 associations pour encadrer ces 400 jeunes. Faut-il tout
centrer sur l'éducation nationale dans ces banlieues ?
Vous avez parlé du périscolaire, et c'est important : la
preuve en est que dans ma commune on le règle, mais de cette
façon. Faut-il, dans les endroits difficiles comme les villes et les
agglomérations, tout concentrer sur l'éducation nationale ?
En effet, automatiquement, les enseignants vont dire qu'ils ne sont plus
occupés seulement à enseigner, qu'ils auront d'autres
tâches, donc il faudra des effectifs supplémentaires. Quelle est
votre philosophie pour contractualiser et voir qui fera quoi ? Ne faut-il
pas, dans le fond, multiplier la vie associative dans les banlieues, avec plus
d'espace vital pour régler ce problème ?
Ma troisième question concerne les aspects immatériels. Vous avez
parlé d'innovation. J'ai une question à laquelle vous pouvez
répondre, car vous êtes au coeur du sujet : quand je vois la
différence de culture entre le monde de l'entreprise et le monde de
l'enseignement -je vois le monde de l'enseignement en détail depuis
quelques semaines, et j'ai vécu le monde de l'entreprise pendant vingt
ans-, ne faut-il pas, quand on voit les barrières entre les deux,
imposer aux enseignants de faire une année en entreprise pour se rendre
compte des problèmes des entreprises, et revenir ensuite dans
l'enseignement ?
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Vous avez
parlé d'année sabbatique, de période d'interruption de la
profession. Cela ne pourrait-il pas être mis à profit pour des
séjours en entreprise des enseignants ? Beaucoup le demandent. Lors
d'une autre audition, je disais l'autre jour que j'avais écouté
le professeur Gilles De Gennes, qui a tout à fait le même
point de vue, et qui considère qu'il est indispensable et très
urgent aujourd'hui que les enseignants découvrent le monde de
l'entreprise le plus rapidement possible.
Je voulais revenir sur un certain nombre de propositions que vous avez faites
dans les cinq ou six points que vous avez développés. Pour
ma part, j'ai éprouvé du plaisir à vous entendre tout en
pensant que si vous aviez face à vous les délégations des
syndicats, quels hurlements entendrions-nous dans cette salle à
l'énoncé de ces propos ? Tout au long de ces auditions,
c'est le "conservatisme" du monde enseignant qui nous a le plus
stupéfiés.
Lorsque vous avez évoqué le sujet particulièrement
intéressant de l'ouverture des établissements (qu'il s'agisse des
lycées ou des collèges) au monde qui les entoure, je me disais
que ces établissements ne sont ouverts en réalité qu'un
jour sur trois, si vous faites le total, sur l'année, des vacances, des
samedis et des dimanches. Voilà donc des bâtiments qui ont
coûté à la collectivité publique des sommes
considérables, et qui sont fermés deux jours sur trois. J'ignore
ce qui se passe en Poitou-Charentes, mais toutes les initiatives prises dans ma
région pour ouvrir ces établissements à des associations,
à des clubs informatiques et autres associations culturelles, se sont
heurtées au refus très ferme du monde enseignant qui n'a pas
accepté cela.
Vous avez aussi évoqué la déconcentration du mouvement.
Vous avez dit que c'était une bonne chose. Je constate qu'aujourd'hui,
ou hier, ou demain, il y aura encore des milliers d'enseignants dans la rue
pour protester contre cette initiative. Lorsque vous évoquez, sujet
brûlant, la différenciation des enseignants selon le poste qu'ils
occupent, selon leur formation, nous allons aussi vers des sujets
particulièrement explosifs, et pour lesquels nous nous heurterons
obligatoirement encore au monde enseignant.
J'aimerais enfin évoquer un point que je n'ai pas très bien
compris. Ce n'est peut-être pas exactement ce vous avez voulu dire. Vous
avez dit que nos concitoyens préfèrent la qualité à
la proximité. Moi, je pense qu'ils préfèrent la
qualité et la proximité. C'est une boutade, mais j'évoque
ce point parce que vous n'avez peut-être pas, dans le système
éducatif, donné votre point de vue sur la place que doit avoir la
ville moyenne dans la planification de l'éducation nationale dans notre
pays. Y voyez-vous un rôle particulier ? Etes-vous favorable, sur le
plan de l'éducation nationale, au développement d'écoles
moyennes ? Voyez-vous ces villes moyennes comme étant le support de
bon nombre d'initiatives éducatives ne pouvant d'évidence
être prises dans des villes de taille plus modeste ? J'aimerais que
vous évoquiez le problème des villes moyennes.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Et sur le
périscolaire, le problème des responsabilités qui
constituent souvent un blocage.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur adjoint -
Deux questions,
Monsieur Guigou. Vous nous dites que l'école doit s'ouvrir à
la pluri-activité, et je suis tout à fait d'accord. Vous ajoutez
que l'éducation nationale doit, pour cela, trouver des formules
originales. Peut-elle le faire à moyens constants, soit par
redéploiement, ou doit-on encore une fois encore recourir à ce
qu'il y a de plus facile, c'est-à-dire l'inflation
budgétaire ?
Ma seconde question sort un peu du cadre de notre enquête, mais nous
avons la chance d'avoir le patron de la DATAR et nous sommes à la veille
des contrats de plan. Vous avez parlé de la contractualisation. Ces
contrats de plan, aujourd'hui -force est de le constater- ne sont plus des
éléments importants de structuration des territoires, notamment
pour les grands équipements routiers, car il faudrait vingt ou
trente ans pour réaliser un équipement. Ne devrait-on pas
les centrer sur les problèmes de l'éducation ? C'est vrai,
je suis d'accord avec vous, les élus locaux que nous sommes ont trop une
" culture du goudron et du béton ", et il nous faut
peut-être acquérir cette culture de l'éducation et de la
formation.
M. Francis Grignon, rapporteur -
Il y a encore des
besoins.
M. Jean-Louis Guigou -
Pour ces besoins, il faudra
trouver d'autres formules que les contrats de plan Etat-régions.
M. Jean-Léonce Dupont, président -
Parmi
toutes ces questions, il conviendrait peut-être d'insister sur
l'idée qui ressort de votre propos des deux zones extrêmes, et sur
l'absence de prise en compte des villes moyennes.
M. Jean-Louis Guigou -
Concernant les moyens face
à la multiplicité, peut-être le foisonnement, l'utopie des
propos que j'ai pu tenir, vous dites : "Où trouver l'argent ?
Aura-t-on assez d'argent pour faire face ?"
La façon de travailler de la DATAR est assez singulière. C'est
pourquoi je me permets d'avoir des idées qui, dans un premier temps
peut-être, ne sont pas transposables partout. Ce qui m'intéresse
est de faire des expériences, de lancer des projets, et de laisser
à d'autres ensuite le soin de les réguler. Je ne botte pas en
touche.
Nous avons lancé avec M. Pasqua, mais c'était
déjà dans l'esprit du temps, les pays, un mythe mobilisateur.
Cette année, nous mettrons encore 30 millions pour soutenir les
pays. Mais nous allons signer les contrats de pays et je me retirerai. C'est un
autre ministère qui les prendra en charge. Nous lançons les
systèmes productifs locaux, les districts à l'italienne. Pour les
villes moyennes, c'est fabuleux !
La semaine dernière, j'étais à Calais, j'ai vu ce
qu'était la dentelle de Calais. Cela représentait 45 000
salariés, une centaine d'entreprises. Il n'y a plus maintenant qu'une
vingtaine d'entreprises et 3 000 salariés, mais alors des chefs
d'entreprises d'une nouvelle génération ; ils travaillent
tous ensemble. Ce n'est plus une activité patrimoniale. Des patrons
travaillent tous ensemble pour défendre le Calaisis et la dentelle, qui
s'échangent des produits, des idées ; sont tous à la
conquête du monde. Il y a toute une stratégie différente.
Nous soutenons très fortement les systèmes productifs locaux,
mais après je donnerai cela au ministère de l'industrie.
En en mot, ce que nous cherchons à faire avec l'éducation
nationale, c'est trouver des élus, je pensais au président de
Poitou-Charentes, mais je pense aussi à Adrien Zeller, à
M. Delebarre ; des présidents qui font de l'éducation
quelque chose d'essentiel. Nous allons trouver avec eux des expériences
et, avec l'accord du ministre, promouvoir des expériences, mais deux ou
trois expériences dans les 22 régions. Et nous trouverons.
Je paierai ces expériences, sur mes crédits, avec
l'éducation nationale. Mais après, je suis dans
l'impossibilité de pouvoir comptabiliser la généralisation
de ces méthodes. Ce n'est pas ma pratique. Ma pratique, c'est
l'expérimentation, la validation ; la généralisation
appartient aux autres ministères.
Si nous arrivions à transformer quelques lycées agricoles... Ce
qui est bizarre, c'est que nous avons plus de facilité à
travailler avec les lycées agricoles, qui vont nous permettre de monter
dans ces lycées des lieux d'expérimentation, qu'avec
l'éducation nationale. Nous allons retenir peut-être, avec
M. Glavany et M. Bernet, le directeur général de
l'enseignement agricole, 350 lycées pour faire une
expérience grandeur nature sur tous les lycées agricoles, pour
faire en sorte qu'ils deviennent la base arrière du développement
local, avec de la formation en économie, de la stratégie du
développement ; pour faire en sorte que le lycée agricole
soit un lieu d'ouverture, de culture, un lieu des nouvelles technologies. Mais
je ne peux vous répondre que sur mes crédits et sur les
expérimentations.
Concernant votre deuxième question, relative aux effectifs, vous me
dites que le baby-boom est fini. M. Allègre a raison de dire que la
période de contraction des effectifs a commencé depuis 1990. Nous
sommes en présence du vieillissement et de la contraction. Nous avons
tellement poussé les pseudopodes, les terminaux de l'Etat
éducation dans les lycées, dans les STS, dans des lycées
ou des IUT, à Cahors... Je ne citerai pas de villes, mais l'on a
poussé très loin, car il y avait cette pression
démographique. Maintenant, on est en phase de contraction. Et que
fait-on de ces éléments d'avant-garde qui vont maintenant se
trouver sans clients, sans élève ? Il y a là un vrai
problème de modification, de transformation.
Votre question est la suivante : la contraction des effectifs,
c'est-à-dire de la demande, du nombre d'élèves, va-t-elle
permettre de trouver des possibilités de redéploiement des
effectifs des enseignants, et leur permettre de disposer de 10 % des
moyens pour se réformer pour assurer la relève et se transformer
radicalement ? C'est une chose à comptabiliser, à effectuer
et à envisager. Vous posez fort bien le problème.
Faut-il tout concentrer sur l'éducation nationale ? On avait comme lieux
d'intégration la ville, le service militaire et l'école. Le
service militaire n'en est plus un ; la ville est plutôt un lieu de
dislocation. On veut donc faire jouer à l'éducation nationale le
travail de l'armée, celui de la famille qui ne remplit plus son
rôle. Et sur ces braves enseignants tombent toutes les corvées.
M. Francis Grignon, rapporteur -
A partir de
deux ans ?
M. Jean-Louis Guigou -
Cette idée de
deux ans est importante, comme le montrent les statistiques. Faut-il tout
concentrer sur l'éducation nationale ? Personnellement, je n'ai pas
tous les éléments, mais il me semble que si l'éducation
nationale doit s'ouvrir et diversifier ses activités, alors nous
pourrions concevoir -cela s'est fait dans plusieurs départements- par
exemple, que la poste crée dans des lycées des centres
multimédia pour les nouvelles technologies plutôt que de les
isoler.
Prenons l'exemple des hôpitaux, nous reviendrons ensuite sur
l'éducation nationale, mais je ne veux pas qu'il y ait
d'équivoque. Si les hôpitaux restent purement sanitaires, avec des
médecins en blanc, des malades que l'on soigne, on ira là
où il y en a, et l'on verra bien. Mais si les hôpitaux dans les
milieux ruraux -j'en discutais avec Bernard Kouchner- se voient
confortés autour d'eux par des centres de remise en forme ; si la
piscine de la ville ou du village, au lieu d'être isolée, est
à côté de l'hôpital, pour qu'il y ait un mixage avec
les secteurs de la remise en forme, de la diététique, des
massages, d'activités diverses, des écoles culinaires pour les
femmes, dans une société où la santé va devenir
prioritaire, et où la semaine sera de quatre ou cinq jours de travail,
voyez l'intérêt d'avoir des centres diversifiés !
On peut imaginer que l'école devienne maison de la culture, de la
formation à la fois professionnelle et initiale, maison des
multimédia, bibliothèque, centre Internet. Si l'éducation
nationale ne reste qu'éducation nationale et ne s'ouvre pas sur la
diversification des fonctions annexes, avec complémentarité
d'autres ministères, on négligerait une réelle
opportunité.
Les entreprises et les enseignants : deux cultures différentes,
certes, mais à qui la faute ? La faute est partagée. Votre
expérience d'hommes politiques vous amène à penser que
nous n'avions pas, peut-être, des chefs d'entreprises ouverts.
Peut-être ces entreprises étaient-elles fermées sur
elles-mêmes, patrimoniales ? L'éducation était
fermée aussi. Tout le monde était un peu fermé, pour de
multiples raisons. Il y a eu ces conflits, ces rapports de force entre les
chefs d'entreprises, le monde de l'économie et celui de
l'éducation nationale.
Etant moi-même professeur des universités, je peux dire que la
transformation est radicale depuis dix ans. La transformation a
commencé dans les milieux de la recherche, où l'on nous a dit que
les crédits de recherche ne seraient plus uniquement des crédits
publics, et qu'il faudrait se tourner vers les laboratoires et les
collectivités locales. La recherche s'est ouverte au monde des
entreprises, puis ce fut le cas de l'enseignement supérieur, mais
l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire n'ont pas eu encore de
motifs de s'ouvrir au monde de l'entreprise.
Dans l'enseignement supérieur, la suppression des crédits de
recherche a induit la recherche de contrats, il a fallu s'ouvrir. Il faudra
trouver les modalités pour que cette ouverture s'effectue. Vous pouvez
imaginer pour cela des stages, des primes, des années sabbatiques, ou ce
qui se fait dans d'autres pays faisant appel, à côté du
personnel enseignant certifié (cela rentre dans la diversification),
à des personnels de la société civile qui viennent pour
éduquer sur des points précis. On peut fort bien imaginer que,
dans des lycées et des collèges, des diplômés de
sciences politiques, des ingénieurs, des agronomes, des Supelec, des
gens de formations diverses, sans être certifiés par
l'éducation nationale, viennent parler dans un premier temps de leur
métier, mais aussi pour éduquer.
Qu'est-ce que les nouvelles technologie de l'information? On ferait appel
à des gens de France Télécom, on leur donnerait la
possibilité d'aller dans les lycées et les écoles
maternelles...
M. Francis Grignon, rapporteur -
Cette révolution
culturelle est faite dans les écoles d'ingénieurs, mais pas dans
les collèges.
M. Jean-Louis Guigou -
Peut-être,
mais
puisque l'on me dit qu'il y a dans d'autres pays européens des
personnels enseignants qui ne sont pas strictement issu du moule de
l'éducation nationale, pourquoi ne pas imaginer des cadres et des
ingénieurs, comme cela se fait dans les universités ? C'est
le statut de professeur associé. Pourquoi ne pas imaginer que des
parents d'élèves ayant la compétence nécessaire
n'iraient pas expliquer la comptabilité ? Voilà des solutions.
Concernant le conservatisme des enseignants, vous avez évoqué
cette question. Vous avez dit que les bâtiments étaient
fermés plusieurs jours par semaine.
M. André Vallet, rapporteur adjoint -
Je suis tout
à fait d'accord avec vous à propos du monde de l'entreprise
venant dans l'établissement, ainsi que des parents
d'élèves, mais c'est une révolution à laquelle les
enseignants ne sont pas prêts. Nous en sommes tout à fait
convaincus après les auditions que nous avons réalisées,
après les visites que nous avons faites sur le terrain. Je vois mal que
cela soit accepté ; cela va au-delà de l'utilisation des
locaux.
M. le Président -
C'est une évolution
culturelle, pour ne pas dire une révolution.
M. Jean-Louis Guigou -
Laissez-moi vous dire une chose,
que j'ai apprise des Suédois et des Scandinaves. Travaillant beaucoup
sur les problèmes européens quand j'étais directeur, je me
rendais une fois par mois à Bruxelles dans un comité de
développement spatial. J'ai fréquenté ces gens du nord. Je
leur parlais des difficultés que nous avions, nous, Etat
français, pour maintenir des activités dans le Massif Central. Je
parlais de nos 425 cantons. Ils m'ont parlé de l'entretien de la
Laponie, soulignant que c'était autre chose que l'entretien du Massif
Central. Progressivement, ils m'ont expliqué ce qu'ils faisaient. Je
vois cette idée arriver. Ils me disaient : "l'Etat suédois, ou
norvégien, en tant qu'Etat public, n'est plus en mesure comme l'Etat
français d'entretenir les écoles et les hôpitaux. Mais ce
que nous avons fait, et la révolution que la France va faire est la
suivante : dans ces pays du nord de l'Europe, il y a, à
côté du secteur privé marchand et du secteur public, le
secteur collectif, c'est à dire des communautés, des mutuelles,
des coopératives, qui gèrent. Or, nous avons essentiellement
école privée et école publique, hôpital privé
et hôpital public.
Pour de multiples raisons, le secteur collectif n'a pas été
développé chez nous, ou il est marginalisé. Chez eux, dans
les zones difficiles, les hôpitaux et les écoles ne sont ni
privés ni publics ; ils sont collectifs. Il y a un mixage entre les
collectivités locales et les populations pour maintenir
l'activité et tous les parents, tout le monde, contribuent à
l'aide et au financement. Toute une série de mesures sont prises. On
voit le mixage dans l'ouverture, et on voit des enseignants qui ne sont pas
nécessairement des enseignants qualifiés par l'Etat. Ceci va
venir chez nous. Il faudra peut-être attendre dix ans. Ce que fait
Mme Aubry sur les nouveaux métiers, c'est l'émergence de ce
secteur collectif, en espérant qu'on arrive à créer
après cinq ans des secteurs différents, ni privés ni
publics, mais collectifs.
J'ai demandé à mes services de la DATAR de voir s'il n'existait
pas des écoles ni privées ni publiques, mais prises dans un
système collectif. Il m'étonnerait que dans le Pays basque je ne
puisse pas trouver des exemples, car le sentiment communautariste est
très fort, de même qu'en pays bigouden, des formes très
originales, pour le moment méconnues, de services qui ne sont plus
publics mais collectifs, offrant de grandes qualités aux populations,
mais avec un engagement de l'ensemble de la communauté. Pour le moment,
tout cela est bien distinct et cloisonné.
Concernant les villes moyennes, celles ci ne sont pas du tout absentes de notre
schéma. Nous avons à gérer les deux espaces
extrêmes. Nous focalisons de plus en plus sur ces villes moyennes, sans
trop le dire car nous n'avons pas encore trouvé le langage politique,
parce qu'elles présentent pour nous un intérêt majeur. Et,
en particulier, les systèmes productifs locaux, et les pays, sont
très liés aux villes moyennes. Nous voyons des expériences
remarquables. Si la sur-concentration dans des métropoles et les
phénomènes de péri-urbanisation n'arrivent pas à
leur terme, ils commencent néanmoins à présenter un
tassement. Et le vieillissement de la population mettra un terme, plus
rapidement que prévu, au problème de la péri-urbanisation.
Les populations âgées ne veulent pas se péri-urbaniser, et
préfèrent les villes moyennes, encore faut-il les structurer.
Je terminerai sur le contenu des contrats de plan. Dans l'ancienne
génération des contrats de plan, 1994-1999, sur six ans :
86 milliards de la part de l'Etat promis, 81 milliards engagés
dont 75 à 80 % concernaient des grandes infrastructures lourdes. Il
m'est demandé de baisser cette proportion d'infrastructures lourdes,
pour y mettre des initiatives beaucoup plus porteuses d'emploi et de
bien-être pour le concitoyen.
Nous sommes on train de faire le tour des ministères. Et je suis
très heureux, depuis trois heures, parce que, avant de quitter la
DATAR, je suis allé voir la responsable des contrats de plan., qui fait
actuellement la somme de tout le travail fait dans chaque ministère.
Avec le ministère de l'économie et les finances, la DATAR a
reçu chaque ministère, leur demandant d'exposer ce qu'ils
voulaient contractualiser, combien d'argent ils voulaient mobiliser pour ces
actions, les lignes budgétaires et les opérations.
On fera sortir les routes, les autoroutes et le TGV. Depuis que le ministre dit
"moins d'infrastructures lourdes, moins de béton, et plus d'emploi, plus
d'imagination, plus d'organisation des territoires", je suis heureux parce
qu'on m'a dit que j'aurai ce soir, le chiffre et la somme de tous les
ministres. Il y a 19 % d'actions contractualisables profondément
nouvelles. C'est-à-dire que les ministères ont compris.
On ne va pas continuer à contractualiser sur le TGV-Est
.
M. Vauzelle ne veut pas contractualiser sur le tunnel de Toulon.
M. Besse me disait ne pas vouloir contractualiser sur ce tunnel du Cantal,
vieux de 30 ans, important mais véritable goulot
d'étranglement, en déclarant : "Si on me fait contractualiser sur
ce tunnel, qui handicape le Cantal, cela consommera 600 millions. Le
contrat de plan, dans ce cas, c'est le tunnel".
De même, si l'on fait contractualiser M. Vauzelle, dans le Midi, sur
la traversée de Toulon, c'est un milliard qu'il faut mobiliser. On ne
peut pas intégrer ces grosses opérations. Il faudra trouver des
choses plus porteuses d'emploi.
On pourrait être étonné de ce que nous allons proposer. Par
conséquent, et pour conclure ce propos, tout ce que vous pourriez
imaginer ou suggérer qui rentrerait dans la contractualisation 2000-2006
serait le bienvenu.
M. le Président -
Nous vous remercions.