2. Des formations inadaptées

Le niveau élevé du chômage constaté aujourd'hui dans notre pays - 11,5 % de la population active - représente un échec pour l'ensemble de la société française, dans lequel l'éducation nationale a aussi sa part de responsabilité au regard de l'importance du chômage des jeunes.

Le paradoxe réside dans la coexistence d'un nombre important de jeunes au chômage et d'une pénurie d'emplois affectant certains secteurs économiques. De nombreux chefs d'entreprise insistent d'ailleurs sur les difficultés qu'ils rencontrent à trouver des jeunes dont le profil de formation correspond aux emplois qu'ils pourraient pourtant leur offrir. L'inadéquation des formations à la réalité de l'économie contemporaine constitue l'un des enjeux les plus importants à relever pour l'éducation nationale.

Cette inadéquation résulte en partie de choix éducatifs arrêtés par les gouvernements. Tel est le cas de la place et du rôle du baccalauréat dans notre système d'enseignement. Le " bac " a aussi subi une forte dévalorisation, notamment dans sa version générale et technologique. Alors que, par le passé, il représentait le couronnement des études secondaires, il a perdu ce statut aujourd'hui. La loi de 1989 d'orientation sur l'éducation a donné valeur législative à un objectif affiché quelques années auparavant, celui de porter au niveau du baccalauréat 80 % d'une classe d'âge.

Cet objectif n'est pas encore atteint - moins de 65 % d'une classe d'âge atteint aujourd'hui ce niveau - mais le diplôme du baccalauréat est depuis longtemps dévalorisé. Il ne représente plus aujourd'hui qu'un passeport pour continuer des études supérieures, que l'on appelle d'ailleurs aussi " post-bac ", mais sa valeur sur le marché du travail est quasiment nulle.

Il faut également rappeler que l'organisation du baccalauréat est coûteuse. Elle mobilise de nombreux établissements et enseignants chargés de préparer les épreuves, de les surveiller, de corriger les copies et de siéger au sein des jurys. Elle est également source d'absentéisme des enseignants et de fermeture d'établissements comme il sera analysé dans le chapitre suivant. En outre, il est possible de déterminer, dans la plupart des cas, les élèves qui obtiendront le diplôme et ceux qui ne l'obtiendront pas, les épreuves ne scellant le sort que d'une minorité d'entre eux.

Dès lors, la question de l'instauration du contrôle continu pour l'obtention du baccalauréat n'est pas illégitime, même si votre commission d'enquête est consciente des pressions qui pourraient alors s'exercer sur les enseignants : pressions du système éducatif lui-même, tenté de " faire du chiffre ", des parents, et, dans certains établissements, des élèves eux-mêmes sur leurs professeurs.

Votre commission d'enquête tient à rappeler que l'insertion dans le monde du travail est d'autant plus rapide que le niveau du diplôme est élevé.

Depuis plus de vingt ans, en France, chômage, instabilité et précarité affectent fortement les jeunes durant les premières années qui suivent leur sortie du système éducatif. De très fortes proportions de jeunes sont au chômage immédiatement après la fin de leur formation initiale, notamment durant les phases de tension économique.

En mars 1997, cinq ans environ après la fin de leurs études initiales, 85 % des diplômés du supérieur ont un emploi, 8 % sont chômeurs, et 7 % n'exercent pas d'activité d'ordre professionnel. Dans le même temps, 73 % des jeunes détenant un diplôme terminal de l'enseignement secondaire (CAP, BEP et baccalauréat) ont un emploi, 16 % sont au chômage et 11 % n'ont pas d'activité professionnelle. En revanche, parmi les jeunes faiblement diplômés (possédant au mieux un brevet) 1 sur 2 occupe alors un emploi, 3 sur 10 sont chômeurs, et 2 sur 10 se sont écartés du monde du travail ou effectuent leur service national.



La nature de la profession exercée dépend, plus fortement encore, du niveau du diplôme. Les professions supérieures (cadres, enseignants, chefs d'entreprise) sont surtout accessibles aux diplômés des formations les plus longues (53 % des diplômés des cycles supérieurs longs), les professions dites intermédiaires (responsables, techniciens, infirmières...) aux diplômés des cycles courts du supérieur (1 sur 2), et plus rarement aux bacheliers. Sans changement perceptible entre mars 1997 et mars 1996, deux tiers des titulaires des CAP et BEP sont ouvriers et employés, une faible fraction d'entre eux exerçant, alors, une profession intermédiaire ou indépendante.

A ce stade de leur vie professionnelle, les diplômés du supérieur occupent, en moyenne, cinq fois plus souvent un emploi de cadre, technicien ou un emploi indépendant que les diplômés du second degré. Sont alors cadres ou techniciens près de neuf dixièmes des diplômés des grandes écoles, du troisième cycle universitaire et des formations paramédicales et sociales, et sept dixièmes environ des diplômés des licences ou maîtrises. Les titulaires de BTS et DUT sont issus en majorité de spécialités tertiaires qui conduisent actuellement, en forte proportion, à des postes d'employés.

Les bacheliers technologiques sont un peu moins souvent cadres ou techniciens que les bacheliers généraux. Les bacheliers professionnels connaissent moins souvent le chômage, mais sont aussi davantage ouvriers et employés que les autres bacheliers.

Plus d'un tiers des jeunes qui ne possèdent aucun diplôme est au chômage cinq ans environ après la fin de sa formation initiale ainsi que près d'un tiers des jeunes possédant le brevet pour tout diplôme.

A cet égard, votre commission d'enquête estime que les sorties sans formation ou sans diplôme constituent un échec de notre système éducatif, même si ces sorties ont nettement diminué depuis plusieurs années.

Depuis le début des années 1990, le nombre de sortants de formation initiale augmente d'année en année, bien que l'effectif des générations en âge de quitter le système éducatif (extrapolation des âges des sortants une année donnée à l'ensemble des populations des mêmes âges) soit, pour des raisons démographiques, de plus en plus restreint (870.000 en 1990, 800.000 en 1996).

Cependant, les sortants sans diplôme représentent encore 13 % des sortants en 1996, même s'ils étaient 28 % en 1977. Leur effectif a donc diminué de plus de moitié depuis la fin des années 1970, mais il s'élève encore à environ 60.000 par an.

Quatre sortants sur dix sont titulaires d'un diplôme d'enseignement supérieur (niveaux I, II et III). En terme de "niveaux de formation", c'est au niveau du baccalauréat (niveau IV) que les jeunes terminent, actuellement, leur formation initiale en plus grand nombre - 213.000 - (cf. les tableaux ci-après). Le niveau du CAP (V), prépondérant durant les années 90, totalise 166.000 sortants en 1996. Les non qualifiés sont 58.000, un peu plus nombreux qu'en 1995.





L'importance des crédits alloués à l'enseignement scolaire nécessite le strict respect du vote du Parlement.

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