17- PROFESSEUR MARIE-LOUISE BRIARD, ANCIEN DIRECTEUR DE RECHERCHE À L'INSERM, UNITÉ 393 HANDICAPS GÉNÉTIQUES DE L'ENFANT, HÔPITAL NECKER-ENFANTS MALADES

Madame BRIARD rappelle qu'elle a participé, dans les années 80, au sein de l'Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l'enfant, à l'organisation du diagnostic prénatal et à la détermination des tests biologiques susceptibles d'être pris en charge par les assurances sociales. Les dispositions législatives et réglementaires édictées depuis 1994 se sont inspirées très directement des principes qui avaient été précédemment mis en oeuvre.

Elle souligne la nécessité primordiale d'une information de la femme enceinte sur les risques inhérents aux prélèvements, afin qu'elle puisse donner un consentement éclairé. La loi étant muette sur ce point, cette lacune a été comblée par voie réglementaire.

Deux situations doivent être distinguées :

o celle des couples porteurs d'un risque génétique et pour lesquels des examens biologiques doivent être envisagés d'emblée pour détecter " une affection d'une particulière gravité " selon les termes de l'article L 162-16 ;

o celle où l'échographie conduit à suspecter une anomalie chez une femme ne présentant pas d'antécédents à risque.

L'échographie peut être aujourd'hui pratiquée de façon très précoce ; par la mesure de l'épaisseur du cou, elle peut annoncer une trisomie 21 dont la confirmation sera recherchée par l'établissement d'un caryotype. 7 à 8 % d'anomalies chromosomiques sont diagnostiquées chez les sujets présentant une malformation à l'échographie.

L'amniocentèse à des fins de caryotype est une méthode invasive qui ne peut donc être pratiquée systématiquement. Cependant, sa prescription pose un problème médico-légal, l'abstention du médecin pouvant être constitutive d'une faute.

Le risque de trisomie 21, qui est à 1,5 % entre 38 et 40 ans, s'approche de 3 % pour les femmes de 43 ans. 40 000 grossesses sont soumises annuellement à caryotype et permettent de déceler 900 trisomies qui conduisent à une interruption thérapeutique de grossesse dans la quasi-totalité des cas.

Les centres de diagnostic prénatal pluridisciplinaires sont appelés à jouer un rôle déterminant pour la fiabilité du diagnostic prénatal. Compte tenu de la parution tardive du décret d'application, l'examen des dossiers d'agrément par la CNMBRDP ne sera achevé qu'à la fin de l'année. Mme BRIARD souhaite que de tels centres puissent être créés dans des établissements privés offrant toutes garanties de compétence à condition d'y prévoir la gratuité de l'expertise.

Il conviendrait par ailleurs :

o de séparer nettement le diagnostic prénatal de l'AMP en créant dans le code de la santé publique un chapitre spécifique introduisant la notion de médecine foetale ;

o de ne pas restreindre au conseil génétique la consultation médicale préalable aux prélèvements qui doit être adaptée à la pathologie concernée.

S'agissant du diagnostic préimplantatoire, Mme BRIARD y voit un DPN ultra précoce. Deux types de situations peuvent être distingués :

o un couple stérile, contraint de faire appel à l'AMP, est par ailleurs exposé à avoir un enfant atteint d'une maladie génétique. Les grossesses multiples, fréquentes en cas d'AMP, accroissent les risques d'avoir un enfant atteint. L'intérêt du DPI est de permettre le dépistage précoce de l'anomalie et d'éviter une interruption de grossesse ;

o un couple fécond ne voulant pas renouveler un DPN et une interruption de grossesse souhaite recourir au DPI et doit se soumettre à une FIV avec un taux de succès limité.

Le DPI ne peut, en l'état actuel des textes, être utilisé pour détecter une anomalie génétique en cas de grossesse tardive.

Aucun laboratoire de DPI n'a encore été autorisé compte tenu de la publication très récente du texte réglementaire.

Auditions du 15 octobre 1998

1. Professeur René FRYDMAN, chef du service de gynécologie obstétrique à l'Hôpital Antoine-Béclère de Clamart

La loi de 1994, en ordonnant et en clarifiant les pratiques de procréation assistée, a fait disparaître les angoisses et les fantasmes que nourrissait l'opinion publique sur ce sujet. Il reste cependant une confusion entretenue par le recours à la dénomination unique d'embryon pour désigner deux réalités distinctes :

o celle de l'embryon préimplantatoire qui peut être cultivé in vitro jusqu'au 7ème jour, période au cours de laquelle les cellules conservent un caractère totipotent et où diverses évolutions, allant de la division gémellaire à l'apparition d'une tumeur trophoblastique, peuvent se manifester ;

o celle de l'embryon proprement dit qui correspond à l'établissement d'un lien avec la mère par l'implantation dans l'utérus.

A tout le moins, il conviendrait de préciser que l'interdiction de la recherche s'applique à l'embryon in vitro, ce qui ne lèvera pas la contradiction consistant à protéger cet embryon au nom du principe de la dignité humaine tout en autorisant, par ailleurs, sa destruction.

Sur les exigences imposées aux couples par l'article L 152-2 du Code de la Santé publique, deux observations peuvent être faites :

o la condition de deux ans de vie commune ne semble pas justifiée sur le plan moral et est inadaptée, en pratique, au cas de plus en plus fréquent des candidates à la procréation assistée âgées de 38 ans et plus ;

o en cas de décès du mari, on pourrait envisager, après un délai de six mois permettant le travail de deuil, de confier à une commission le soin de statuer cas par cas sur l'opportunité d'un transfert d'embryon.

Le don d'embryon à un autre couple peut être, aux termes de l'article L 152-5, organisé dans tous les centres de PMA détenant un stock d'embryons congelés alors que le don de gamètes ne peut être le fait que d'organismes et établissements soumis à des conditions d'autorisation très strictes fixées par l'article L 673-5. Il y a là une discordance qui nécessiterait une harmonisation de ces deux régimes et qui explique que le décret d'application relatif au don d'embryon n'ait pas été publié.

S'agissant des études sur l'embryon visées à l'article L 152-8, trois situations doivent être distinguées :

1. Celle où l'embryon, porteur d'une anomalie, est voué à la destruction ; l'étude, s'apparentant ici à une autopsie à fins scientifiques, doit pouvoir être pratiquée sans restrictions.

2. Celle où l'embryon, " normal " mais devenu surnuméraire par abandon du projet parental et absence d'un couple d'accueil, n'a d'autre alternative que la destruction pure et simple ou la destruction après étude. Celle-ci devrait pouvoir être autorisée, sous réserve que la loi précise que les études à caractère invasif ne peuvent s'appliquer qu'à des embryons non transférés. Des couples consultés en 1986 sur le sort à donner à leur embryon abandonné se partageaient en proportions égales entre trois solutions : don à un autre couple, destruction, recherche et destruction.

3. Celle où des études à visée cognitive, actuellement interdites, devraient pouvoir être menées sur l'embryon. La question se pose aujourd'hui pour la fécondation d'ovocytes qui ont été soumis à congélation, pratique déjà couronnée de succès en Pologne, Australie et Corée du Nord. Pour progresser dans cette voie, il faut, dans certaines situations, pouvoir mener des études invasives avant le transfert éventuel. De telles études seraient au préalable subordonnées :

o à une évaluation scientifique, qui pourrait être confiée à l'INSERM, afin de vérifier la nécessité de l'étude ;

o à une évaluation éthique du CCNE garantissant la régularité de sa mise en oeuvre (recueil du consentement, etc.)

Cette double évaluation aurait dû, déjà, être appliquée à l'ICSI.

La pratique de la stimulation ovarienne , actuellement développée en dehors de l'AMP, devrait être plus strictement contrôlée.

Le délai de cinq ans imposé à la conservation des embryons existants à la date de promulgation de la loi pourrait être assorti d'un sursis.

L' anonymat du don de gamètes doit être préservé. Toutefois, pour la minorité de couples (15 % environ) qui n'y sont pas favorables, on pourrait envisager, dans un ou deux centres, une pratique dérogeant à ce principe dans le cadre d'un protocole de recherche et d'évaluation.

L'article L 673-2 impose au donneur de faire partie d'un couple ayant procréé. Cette double exigence est tout à fait justifiée mais il ne paraît pas indispensable que la première soit encore satisfaite au moment où s'effectue le don.

En application du décret du 12 novembre 1996 qui fixe les règles de sécurité sanitaire applicables au don de gamètes, les embryons conçus avec les ovocytes soumis à ce contrôle doivent être congelés jusqu'à l'expiration du délai de six mois qui sépare les deux séries d'examens. Cette congélation réduit les chances de grossesse sans apporter une amélioration significative de la sécurité sanitaire. Il faudrait donc en informer le couple et lui laisser le choix entre cette méthode et un simple contrôle sur les ovocytes au moment de la fécondation.

Le diagnostic préimplantatoire , qui n'est pas encore entré en application, ne pourra être pratiqué que s'il existe chez l'un des parents une anomalie exposant l'enfant à un risque élevé de maladie génétique. Ne pourrait-on élargir l'indication à un risque éventuel, comme celui de la trisomie 21, auquel se trouve exposée la femme de 38 ans ? Le diagnostic préconceptionnel pratiqué sur le globule polaire permet de contourner les limites imposées au DPI. Il devrait, en tout état de cause, être reconnu et encadré par la loi. Pour éviter toute dérive eugénique, l'indication du DPI doit rester limitée à la prévention de maladies particulièrement graves, sans que celles-ci fassent pour autant l'objet d'une énumération limitative.

M. FRYDMAN est favorable à une proscription plus explicite du clonage , dont il rappelle qu'il aboutit à la création d'un être doté d'un seul patrimoine génétique. La récente expérience américaine consistant à transférer le noyau d'un ovocyte d'une femme stérile dans celui d'une donneuse fertile ne constitue nullement une étape nouvelle dans cette voie.

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