13- PROFESSEUR FRANÇOIS LEMAIRE, CHEF DU SERVICE DE RÉANIMATION MÉDICALE À L'HÔPITAL HENRI-MONDOR
Le professeur Lemaire souligne en préambule que son approche du problème de l'autopsie ne peut être totalement identique à celle des anatomopathologistes qui ne sont pas en contact direct avec les familles des défunts alors que cette confrontation est le lot permanent d'un service de réanimation.
La chute des autopsies est un phénomène incontestable (de 15 % à 5 % des décès de 1993 à 1997 dans les hôpitaux de l'AP-HP) mais c'est un phénomène mondial : les Etats-Unis, pris communément comme une référence, ont vu ce même pourcentage passer en 50 ans de 50 à 12 %. On ne peut donc en imputer en France la responsabilité exclusive à la législation de 1994.
Cette décroissance est liée au développement considérable des biopsies et des techniques d'imagerie (scanner, IRM, ...) qui permettent aujourd'hui, dans la très grande majorité des cas, de connaître avec précision la pathologie qui est cause du décès. Cette discipline, loin de se marginaliser (le service d'anatomopathologie d'Henri-Mondor regroupe le nombre le plus élevé de praticiens à temps plein), a multiplié des modes d'investigation qui sont utilisés du vivant des patients et concourent à l'établissement du diagnostic. Très sollicités, ces spécialistes, pour beaucoup d'entre eux, ont peu de goût pour l'autopsie compte tenu, notamment, des risques de contamination VIH auxquels elle expose. L'autopsie n'est plus, depuis 1970, un critère de qualité aux Etats-Unis pour les établissements de soins.
La loi de 1994 s'est inspirée de la nécessité de créer un climat de confiance fondé sur la transparence et la recherche du consentement. Il est inconcevable de revenir à la législation antérieure qui ne permettait pas une information satisfaisante des familles.
La loi a incontestablement changé les données de l'autopsie en imposant cette information. Elle n'a pas été immédiatement appliquée dans bon nombre d'hôpitaux où le chiffre des autopsies s'est maintenu pendant les trois premières années. La mise en place de formulaires types permettant de vérifier le respect des dispositions légales dans un certain nombre d'établissements de l'AP-HP a conduit à une réduction du nombre des autopsies (5 % en 1997).
L'autopsie conserve une réelle utilité, notamment en neurochirurgie (pour la détection de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, en particulier). Le pourcentage actuellement constaté correspond probablement à cette finalité. Sur 165 décès annuels à Henri-Mondor, 11 autopsies ont été demandées et 9 acceptées.
Les principes posés par la loi ne doivent donc pas être remis en cause, sauf à simplifier les différents régimes de consentement et à imposer plus explicitement l'information de la famille avant l'autopsie.
Auditions du 30 septembre 1998