N° 99
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 9 décembre 1998.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1),
sur l'
intégration de l'acquis de Schengen
dans l'Union
européenne
Par M. Paul MASSON,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : MM. Michel Barnier, président ; James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, vice-présidents ; Nicolas About, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Simon Loueckhote, Paul Masson, Aymeri de Montesquiou, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. André Rouvière, Simon Sutour, René Trégouët, Xavier de Villepin, Henri Weber.
Union européenne.
Mesdames, Messieurs,
Le traité signé le 2 octobre 1997 à Amsterdam comporte un
protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union
européenne. Par acquis de Schengen, il faut entendre, comme le
précise l'annexe au protocole, à la fois l'accord signé
à Schengen le 14 juin 1985, la convention d'application de cet accord
conclue le 19 juin 1990, les accords d'adhésion à ces deux
instruments conclus avec l'Italie, l'Espagne et le Portugal, la Grèce,
l'Autriche, ainsi que le Danemark, la Finlande et la Suède, et enfin les
décisions adoptées par le comité exécutif
institué par la convention d'application de 1990.
En vertu de ce protocole, les Etats de l'Union signataires des accords de
Schengen (soit tous les membres de l'Union à l'exception du Royaume-Uni
et de l'Irlande) sont autorisés à instaurer entre eux, dans le
cadre juridique et institutionnel de l'Union européenne, une
coopération renforcée dans les domaines relevant de l'acquis de
Schengen.
Dans un rapport du 28 octobre 1997 (1(
*
)),
j'avais examiné le contenu du protocole Schengen du traité
d'Amsterdam, analysé le fonctionnement de l'acquis de Schengen
après la mise en vigueur du nouveau traité ainsi que les
dispositions du traité d'Amsterdam ou du protocole permettant la
"
communautarisation
" de matières ou de dispositions
antérieures et examiné les conséquences d'une mise en
oeuvre anticipée du protocole d'intégration de l'acquis de
Schengen dans l'Union européenne.
Peu de temps après la publication de ce rapport, différentes
délégations - dont la délégation française -
ont déposé des réserves d'examen sur la note de la
présidence luxembourgeoise du 6 octobre 1997 (1(
*
)) au groupe " Acquis de Schengen ",
mis en place par le Conseil des ministres Justice et Affaires
intérieures le 9 octobre 1997, et portant sur "
la
détermination, conformément aux dispositions pertinentes du
traité d'Amsterdam, de la base juridique pour chacune des dispositions
qui constituent l'acquis de Schengen
".
Depuis cette date, la question de la ventilation entre la partie communautaire
et la partie intergouvernementale du traité de l'acquis de Schengen -
dont la négociation devait dans un premier temps être
achevée avant la fin de l'année 1997 - est devenue plus
complexe ; par ailleurs l'inconstitutionnalité des dispositions du
traité relative à la libre circulation des personnes
constatée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du
31 décembre 1997 - inconstitutionnalité que votre rapporteur
avait soulignée dans son rapport précité - a rendu
nécessaire une modification de la Constitution pour l'application de la
partie du traité concernée par l'intégration de Schengen.
Le présent rapport rappelle le dispositif des accords de Schengen et du
traité d'Amsterdam en matière de libre circulation et de
coopération policière et douanière ; il analyse les
conséquences de cette intégration en fonction des
précisions qui ont été fournies à votre rapporteur
par le gouvernement et il fait le point de la négociation en
cours.
I. LES ACCORDS DE SCHENGEN
Les
accords de Schengen du 14 juin 1985 et du 14 juin 1990 ont été
signés par treize Etats européens : la France, l'Allemagne,
la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Italie, la
Grèce, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, l'Autriche, la
Suède et la Finlande. Des négociations sont en cours avec la
Norvège et l'Islande ; de plus, en vertu du traité
d'Amsterdam, le Royaume-Uni et l'Irlande disposent d'une possibilité de
se joindre à ces pays ; enfin, les pays candidats à l'Union
européenne devront appliquer l'acquis de Schengen lors de leur
adhésion.
Les accords de Schengen ont pour objet la suppression des contrôles de
personnes aux frontières communes entre ces Etats et le renforcement de
la coopération policière, douanière et judiciaire ;
ce renforcement de la coopération policière, douanière et
policière se traduit, dans les accords de Schengen, par des
" mesures compensatoires " au déficit réel ou
présumé de sécurité en Europe, l'outil essentiel de
ce renforcement consistant dans la réalisation d'un système
informatique de signalements policiers : le SIS.
Le traité signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 maintient,
sous forme de mesures " d'accompagnement " et non plus
" compensatoires ", la stratégie de suppression des
contrôles de personnes aux frontières intérieures en
Europe.
1. La suppression des contrôles aux frontières intérieures
Le
dispositif de suppression progressive des contrôles aux frontières
intérieures met en oeuvre de nombreuses mesures techniques, qui
sont progressivement entrées en application :
-
abolition des contrôles aux frontières communes entre les
pays participants
et report de ces contrôles aux frontières
extérieures ;
- définition commune des conditions de franchissement des
frontières extérieures
(heures, points de passage, documents
exigés, contrôles exercés) ;
-
aménagement des ports et aéroports
pour la
séparation physique des flux de voyageurs intra et extra Schengen;
- harmonisation des conditions d'entrée et de visas pour les courts
séjours
;
-
mise en place d'une coopération des Etats signataires pour la
surveillance des frontières
(échanges d'information
grâce à l'institution de fonctionnaires de liaison, à
l'harmonisation des instructions données aux services chargés des
contrôles, à la formation uniforme du personnel de ces
services) ;
-
définition d'une coopération policière
transfrontalière bilatérale,
qui peut être
renforcée, dans une bande géographique, de part et d'autre de la
frontière terrestre, par des moyens communs de surveillance et de
contrôles ;
-
définition du rôle des transporteurs dans la lutte contre
l'immigration irrégulière
(prise en charge, sans
délai, des étrangers parvenus sur le territoire européen
de façon irrégulière, contrôle des documents
réguliers pour l'entrée sur le territoire des parties, sanction
des transporteurs ayant acheminé des étrangers non munis des
documents requis) ;
-
obligation de déclaration pour tout étranger non
communautaire passant d'un pays à l'autre
;
-
fixation des règles relatives à la responsabilité
des demandes d'asile
afin d'éviter qu'une demande ne reste sans
réponse et d'empêcher le dépôt de demandes
successives dans un ou plusieurs pays.
2. Le renforcement de la coopération policière, douanière et judiciaire
Le
renforcement de la coopération policière, douanière et
judiciaire relève des mesures compensatoires à la libre
circulation des personnes :
-
instauration d'un droit d'observation (filature) et de poursuite d'un
pays à l'autre
, au bénéfice des services de police de
ces pays regroupés dans des bâtiments communs (avec notamment la
création de lignes téléphoniques et de radio dans les
régions frontalières) ;
-
renforcement de la coopération judiciaire
par l'entraide
judiciaire, l'extradition, et la transmission de l'exécution des
jugements répressifs ;
- lutte contre les stupéfiants
par l'amorce d'une politique
commune qui n'exclut pas cependant des spécificités nationales
(Pays-Bas) ;
3. La création d'un système d'information Schengen (SIS)
-
fourniture automatique du signalement des personnes et des objets
recherchés
à travers un réseau de systèmes
nationaux (NSIS), connectés à un système central (CSIS) ;
- gestion centralisée du système sous la responsabilité
des Etats membres
et dont le support technique est assuré par la
France à Strasbourg ;
-
indication aux fonctionnaires de terrain de la conduite à tenir en
cas de signalement positif ;
-
création de bureaux nationaux composés de policiers,
douaniers, gendarmes et magistrats (SIRENE)
pour l'entrée des
données et la fourniture aux fonctionnaires de terrain des
compléments d'informations nécessaires
.