II. SYNTHÈSE COMPARATIVE DES PRÉVISIONS À MOYEN TERME
La
projection de l'OFCE, telle qu'elle vient d'être présentée
constitue une extrapolation des tendances à l'oeuvre dans
l'économie française, sur la base d'une prolongation des
comportements observés sur le passé. Cela peut être
considéré comme une limite de ce genre d'exercice, dans la mesure
où il pose plus de questions pour le moyen terme qu'il n'apporte de
réponses. Mais ceci obéit également à ce que votre
Rapporteur considère comme la finalité des projections
réalisées à l'aide de modèles. Ceux-ci offrent en
effet un cadre global où les évolutions et les comportements
macroéconomiques sont cohérents entre eux : en cela, ils
constituent à tout le moins un instrument d'analyse utile pour les choix
de politiques économiques.
Les travaux présentés ci-après procèdent d'une
autre logique et recourent à d'autres méthodes.
Tout d'abord, la projection à moyen terme réalisée par
l'
INSEE
, dont quelques éléments significatifs ont
été évoqués ci-dessus, vise à explorer un
scénario cohérent de
comblement progressif des
déséquilibres
que connaît l'économie
française à la suite des années de faible croissance de
1990 à 1996. Ce scénario, qui ne peut être
considéré comme une prévision, repose ainsi sur diverses
hypothèses favorables d'inflexion des comportements observés sur
la période récente et en stimule les effets.
Les travaux à moyen terme de deux organismes, dont le Sénat suit
régulièrement les travaux, sont également
résumés ci-dessous : il s'agit des
prévisions
,
réalisées hors modèle et " à dire
d'expert ", du
Centre de recherches pour l'expansion de
l'économie et le développement des entreprises (REXECODE)
et
du
Bureau d'informations et de prévisions économiques
(BIPE)
.
A. LE SCÉNARIO RETENU PAR L'INSEE
L'INSEE
a réalisé au mois de juin dernier une projection à moyen
terme (1998-2003) de l'économie française qui explore les
modalités d'un retour de la production à sa tendance de long
terme et d'une résorption des déséquilibres du
marché du travail.
Les deux premières années (1998-1999) correspondaient aux
prévisions officielles du Gouvernement du printemps dernier
(+ 3 % pour la croissance en 1998 et + 2,8 % en 1999). On
ne présente donc ici que la projection pour la période de moyen
terme (2000-2003).
Celle-ci décrit une stabilisation de la croissance
légèrement au-dessous de 2,9 % à partir de 2000 et
jusqu'en 2003. Sur la période de moyen terme, la croissance annuelle
moyenne serait donc sensiblement plus élevée que dans les autres
prévisions, ce qui permettrait de
résorber
les marges de
croissance aujourd'hui
inutilisées
: le PIB se rapprocherait
de son
niveau potentiel.
Ce scénario juxtapose l'hypothèse d'une politique
budgétaire qui resterait restrictive et celle d'un environnement
international bien orienté à moyen terme, en dépit de la
crise asiatique. Il retient des hypothèses cruciales sur l'inflexion des
comportements des agents privés (ménages et entreprises) par
rapport à ceux de la période 1990-1996 :
- Les conditions seraient favorables à un rattrapage de retard
accumulé en matière d'
investissement
depuis le
début des années 90 ; d'une part, l'achèvement du
processus d'unification monétaire en Europe contribuerait à
diminuer l'incertitude et à accroître la rentabilité
attendue de l'investissement ; d'autre part, "
la situation
financière des entreprises devrait s'améliorer "
(selon
l'INSEE) ce qui entraînerait une baisse de leur
taux d'endettement
et une reprise de l'investissement ; l'investissement des entreprises
croîtrait ainsi de 5,5 % par an en moyenne sur la période de
moyen terme.
- Selon l'INSEE, "
la consommation est depuis quelques années
inférieure à ce qu'on pourrait attendre au vu de
l'évolution du pouvoir d'achat des ménages et des prix (...). Ce
sont près de 5 % de sous-consommation qui restent
inexpliqués (...). "
Dans un tel contexte, la projection de l'INSEE retient un rattrapage partiel de
ce déficit. La consommation des ménages s'accroîtrait alors
de 2,9 % par an sur la période de moyen terme ;
parallèlement, leur taux d'épargne passerait de 14,8 % en
1999 à 13,8 % en 2003 .
Ce scénario, que la baisse du chômage ne suffirait pas à
expliquer, est ainsi qualifié de "
volontariste
" par
l'INSEE.
Son aspect le plus marquant - et même surprenant -
réside certainement dans l'évolution du chômage : le
nombre de chômeurs diminuerait régulièrement, de l'ordre de
100 000 par an en moyenne. Le taux de chômage passerait ainsi de
11,9 % en 1998 à 9,6 % en 2003. Il faut néanmoins
remarquer que la projection réalisée l'année
dernière à la même époque affichait, malgré
un scénario de
croissance très proche
, un taux de
chômage de 11,6 % en
2002
, contre 10,1 %
également en 2002 dans le scénario présenté cette
année.
Cette différence s'explique essentiellement par l'inflexion des
hypothèses d'évolution de la population active d'une année
sur l'autre : dans l'exercice réalisé cette année, la
population active est supposée augmenter de 110 000 par an, alors
que cette augmentation était évaluée l'année
dernière à 150 000 par an. L'hypothèse retenue cette
année a évidemment une incidence nettement plus favorable sur
l'évolution du chômage.
Il y a donc sur ce point une incertitude qui brouille l'analyse sur
l'évolution à moyen terme du chômage et qui
mériterait d'être éclaircie par les économistes.
Il n'en reste pas moins qu'à l'horizon de la projection
réalisée cette année par l'INSEE, dont le caractère
" volontariste " a été souligné, et au terme
d'une période de forte croissance, le taux de chômage est encore
proche de 10 %, ce qui donne une indication du niveau du chômage
structurel en France (cf. page 35).