5. L'assurance santé espagnole : addition des régimes public et privé et des coûts pour les assurés du secteur privé
Dans la
première législation sur l'assurance en 1908,
l'assurance-maladie (remboursement de frais ou prestations forfaitaires) est
considérée comme une assurance à part entière et
est placée sous la tutelle du ministère des Finances. L'assurance
" assistance médicale " en revanche n'a été
reconnue comme assurance qu'avec la loi sur les assurances de 1954. En vertu de
cette loi, les entreprises médicales ont dû se transformer en
entreprises d'assurance placées exclusivement sous le contrôle du
ministère de la Santé. Par la loi du 30 janvier 1995,
l'assurance assistance médicale est devenue une sous-branche de
l'assurance-maladie et le régime juridique de l'assurance-maladie a
été unifié.
Coexistent en Espagne un système national de santé et une
assurance santé privée en train de se développer. Celle-ci
en fait s'ajoute au système public pour parer à ses
défaillances. C'est en ce sens que l'évolution du système
de santé espagnol peut être considérée comme un
anti-modèle.
93 % de la population espagnole est couverte par le système public,
dont 10 % ont également souscrit une assurance auprès d'une
entreprise privée pour couvrir les mêmes risques. Seuls les
fonctionnaires civils et militaires, qui représentent 6,5 % de la
population espagnole, ont la possibilité de choisir entre système
public et assurance privée. Les autres citoyens sont soumis à une
double contribution.
Le système sanitaire public garantit la couverture des soins primaires,
spécialisés et hospitaliers (hors frais de soins dentaires, sauf
extraction) ainsi qu'une partie des frais de produits pharmaceutiques prescrits
sur ordonnance.
Le financement du système public repose essentiellement sur
l'impôt et le budget général de l'Etat. Cependant la part
de financement pour les cotisations sociales augmente et se substitue
progressivement au financement budgétaire.
La principale assurance privée est l'assurance assistance
médicale souscrite par 90 % des assurés à titre
privé, qui offre le même type de couverture que le système
public. Les soins dentaires sont le plus souvent assurés en
complément (sauf extraction).
L'assurance santé privée est financée au travers de primes
basées sur des bases actuarielles (nous ne disposons pas d'information
plus détaillées sur ce point). Les cotisations encaissées
par les mutuelles de fonctionnaires sont fixées après leur
abondement partiel par le budget de l'Etat.
Le système de double contribution amène à un choix des
assurés en faveur des prestations couvertes par l'assurance
privée qu'ils ont souscrite afin de bénéficier de soins
médicaux de meilleure qualité, plus rapides et plus
personnalisés, ainsi que de prestations de confort. Dans ce cas, ils
n'usent pas de leur droit d'accès au système public, qui leur
reste cependant ouvert.
* *
*
Au-delà des variétés nationales, et de la
place
sensiblement différente prise par les assureurs privés dans le
domaine de l'assurance-maladie selon les pays, on est d'abord frappé par
la ressemblance des systèmes nationaux d'assurance santé en
Europe. L'histoire, assez commune et marquée par la rupture de la
seconde guerre mondiale, y joue un rôle plus important que la
géographie.
Comme le relève le CEA, l'assurance-maladie, dans la majorité des
pays européens, relève " jusqu'au début du
20ème siècle, presqu'exclusivement de l'initiative
privée "
158(
*
)
.
Puis " les pouvoirs publics ont joué un rôle croissant
dans l'organisation de la santé et de son financement ...
Après 1945, l'Etat a partout exercé une influence
importante ".
" Cette politique a été progressivement remise en cause par
l'accroissement endémique des frais de santé. Les gouvernements
ont commencé à se demander s'il était indispensable que
l'Etat finance lui-même les soins de santé. La plupart des pays
recherchent un nouvel équilibre entre un financement public et un
financement par l'économie de marché ".
Dans ce contexte, comme l'évoque le CEA dans sa réflexion
liminaire : " la distinction entre assurance sociale et assurance
privée pourrait s'atténuer dans l'avenir. Les assureurs
privés sont à même de partager avec l'Etat la charge
qu'impliquent les objectifs sociaux visés, sous réserve qu'ils
puissent opérer sur des bases commerciales viables ". D'autant plus
que le retrait de l'Etat dans la gestion des systèmes de santé
peut justifier, au regard des directives européennes, une intervention
des gouvernements visant à exercer un contrôle plus important sur
les activités de l'assurance privée, à condition que soit
respecté le principe de l'intérêt général.
Quoi qu'il en soit, ce programme fait ressortir le caractère commun des
difficultés éprouvées par les systèmes de
santé publics, qui les poussent tous, à des degrés divers
et à des rythmes divers, vers la réforme. L'évolution de
la gestion du système de santé aux Etats-Unis, plus ample et plus
rapide, est en ce sens une expérience précieuse, ne serait-ce que
pour tenir compte de certaines dérives récentes.