2. Certaines étroitesses réglementaires sont comparativement handicapantes
Les
dispositions handicapantes de la réglementation française de
l'assurance en matière de placement sont liées à des
lacunes ou à des excès de précision de la
réglementation existante, qui entravent la gestion d'actifs des
sociétés d'assurance françaises.
En ce qui concerne les lacunes handicapantes, on peut mentionner :
- le caractère global de la règle de fonctionnement de la
réserve de capitalisation combinée à la règle
comptable FIFO, laquelle combinaison, en l'absence de dispositions souhaitables
permettant de décloisonner les actifs par catégorie dans la
réserve de capitalisation, incite les assurances à ne pas
utiliser cette réserve de plus values pour y imputer en cas de besoin
les moins values survenant comme c'est son objet ;
- l'impossibilité pour les compagnies d'assurance de prendre comme
base d'indexation de leurs contrats en unités de compte
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*
)
les fonds d'investissement
détenus en direct par les compagnies d'assurance, ce qui soumet les
entreprises d'assurance qui gèrent le long terme à des
règles coûteuses de valorisation quotidienne des contrats en
unités de compte dont l'actif sous-jacent est de nature
monétaire, sans grand intérêt pour les souscripteurs ou les
assurés ;
- la non-déductibilité fiscale d'un certain nombre de
provisions jugées indispensables par les assureurs pour une gestion
prudente face à la tendance à l'aggravation de certaines
sinistralités et des aléas financiers (provision
d'égalisation, provision de gestion, provision pour aléa
financier)
144(
*
)
;
- enfin, les limitations qui sont actuellement imposées aux
sociétés d'assurance en matière de gestion d'actifs,
puisque les instruments financiers à terme ne peuvent à l'heure
actuelle pas encore être utilisés en couverture des provisions
techniques. S'ils devaient le devenir prochainement, se poserait alors la
question de savoir comment les comptabiliser sans remettre en cause le principe
de comptabilisation en coût historique des actifs qu'ils couvriraient,
alors que prévaut par ailleurs une tendance à la
généralisation d'une comptabilisation à la valeur de
marché (" marked to market ") issue de la philosophie des
normes comptables IASC, qui peut être jugée négativement
dans la perspective de long terme propre à la gestion de l'assurance.
S'agissant des réglementations contraignantes par excès de
dispositions, du moins dans un contexte comparatif et par rapport à
l'objectif de performance à long terme des contrats d'assurance-vie qui
est la référence principale du souscripteur dans le choix du
produit et de la compagnie, on peut citer :
- les règles définissant les clauses à introduire
dans tout contrat d'assurance-vie ou de capitalisation
(article L 132-5, article L 132-51 et
article R 132-4) qui se traduisent par des échéanciers
de valorisation du contrat qui sont en même temps des tableaux de valeurs
de rachat sur huit ans, de sorte que la gestion d'actifs d'une
société tenue par ces engagements n'est pas en mesure de viser la
performance à long terme ;
- les règles corrélatives (mêmes articles) de nature
consumériste qui permettent un exercice facile de la faculté de
résiliation sans pénalité par le souscripteur, qui se
traduit par une option ouverte à tout moment sur le passif de la
société d'assurance et se reflète par conséquent
négativement sur les performances et la compétitivité des
sociétés d'assurance françaises.
Le point commun de ces deux types de dispositions réglementaires
concernant la gestion d'actifs par création d'obligations
unilatérales excessives, du moins comparativement, est de
privilégier le souci du court terme par rapport à celui du long
terme. Dans la mesure où elles exercent leurs influences principales
vis-à-vis de la branche assurance-vie de l'assurance, dont le souci et
le métier sont la mutualisation et le lissage temporel dans une optique
de long terme, on peut se demander si elles ne risquent pas de handicaper
gravement les produits d'assurance et les sociétés qui les
offrent par rapport à leurs rivales européennes et
internationales. Il reste à savoir si l'éventuelle remise en
cause de cette règle consumériste ne priverait pas les assureurs
français d'un argument commercial majeur, également
vis-à-vis des non-résidents.
On signalera ici l'effet positif pour la sécurité
générale des assurés, dans le dispositif
réglementaire français, du rôle joué par
l'autorité de contrôle. En dépit de la faiblesse de ses
moyens, du fait de l'articulation de son mode de contrôle en
contrôle sur pièces et contrôle sur place (comme le
contrôle bancaire), elle est amenée à avoir une vision
d'ensemble de la société contrôlée, notamment dans
son aspect humain et managérial, lui permettant souvent d'agir à
titre préventif, ce qui est une des explications du faible nombre de
défaillances visibles dans le secteur français de l'assurance. La
Grande-Bretagne, qui se situe depuis toujours dans une tradition opposée
de contrôle sur pièces, a d'ailleurs tout récemment
décidé de transposer le modèle français de
contrôle dual
145(
*
)
.
La philosophie française du contrôle semble avoir trouvé un
point d'équilibre entre le système de contrôle britannique
traditionnellement léger et qui protège mal le consommateur et un
système allemand de contrôle poussé qui a bridé
l'initiative des acteurs privés. C'est à ce titre globalement
qu'elle a, au moins partiellement, influencé la réglementation
européenne.
Le principal effet négatif, inattendu et cependant prévisible,
pour le marché français de l'assurance et de la gestion d'actifs,
semble lié à la localisation de la Banque centrale
européenne, qui a déclenché une dynamique de
compétition-coopération de places entre Francfort et Londres, qui
laisse de côté la place de Paris.