V. EFFICACITÉ RELATIVE DE L'ASSURANCE FRANÇAISE : MÉDIOCRE AVEC DE MEILLEURES PERSPECTIVES
On peut mesurer l'efficacité des entreprises d'assurance en comparant les valeurs prises par quatre indicateurs à divers moments et/ou dans divers pays :
-
- le ratio sinistres à primes, mesuré en pourcentage (
gross
claims incurred
) ;
- le taux de chargement, mesurant le rapport des frais généraux et des commissions par acquisition des contrats au montant annuel des primes collectées ( gross operating expenses ) ;
- le ratio combiné des sinistres et frais généraux rapporté aux primes, plus synthétique et de plus en plus utilisé, est laissé de côté faute d'une disponibilité équivalente des données (on trouvera cependant, mais sous toutes réserves, une comparaison des ratios combinés moyens en Europe dans le graphique suivant, extrait de Single Market Review, Insurance , étude pour la Commission européenne) ;
Graphique
7
Ratio combiné en 1994 de l'assurance non-vie
(en %
des primes)
Source : Eurostat.
-
- le résultat technique obtenu en soustrayant des primes nettes
collectées pendant un exercice les sinistres nets et les frais
d'acquisition et de gestion nets et exprimés en pourcentage des primes
nettes aux fins de comparaison
89(
*
)
. On verra plus loin (voir ci-dessous
5) le rapport entre rentabilité technique et rentabilité globale.
Comme les effets de l'harmonisation comptable au niveau européen n'entrèrent en vigueur qu'à partir de 1995, il est difficile de comparer réellement encore, compte tenu des différences de règles comptables, notamment dans le calcul des provisions mathématiques des sociétés d'assurance-vie, l'efficacité des entreprises d'assurance d'un pays à l'autre. La comparabilité est malheureusement équivalente pour les taux de chargement en dépit de ces différences comptables et pour les résultats techniques.
Il est également nécessaire de distinguer ici les deux grandes catégories techniques de l'assurance que sont l'assurance-vie et l'assurance dommages (techniquement l'assurance maladie qui est une assurance de personnes est plus proche de l'assurance dommages que de l'assurance-vie).Tableau 33
Efficacité relative des sociétés d'assurance-vie (1993)Pays
Primes émises
(en M ECU)Créances recouvrées
(en % des primes)Taux de chargement
(en % des primes)Allemagne
39 243
53,42
19,65
Espagne
6 881
65,76
13,59
France
50 034
42,26
9,30
Grande-Bretagne
63 892
78,81
16,75
Italie
9 117
30,64
15,14
Suisse
14 867
68,78
12,93
Source : Eurostat.
Tableau 34
Efficacité relative des sociétés de l'assurance non-vie (1993)Pays
Primes émises
(en M ECU)Sinistres
(en % des primes)Taux de chargement
(en % des primes)Allemagne
49 389
75,55
23,79
Espagne
12 058
71,89
31,66
France
37 802
83,33
28,51
Grande-Bretagne
54 464
53,77
16,51
Italie
18 898
80,73
18,90
Suisse
15 527
78,39
30,20
Source : Eurostat.
Le taux de chargement des sociétés françaises d'assurance-vie est comparativement bas (ne sont voisins de ce taux que les sociétés d'assurance-vie suédoise et danoise) et les sociétés françaises d'assurance-vie se situent de ce point de vue parmi les plus efficaces 90( * ) . Eurostat d'ailleurs ne se livre cependant à aucune véritable interprétation de ces résultats avant l'harmonisation des méthodes comptables, qui ne se traduira que dans les chiffres de l'année 1997.
En revanche, le ratio sinistres à primes des sociétés françaises d'assurance dommages est le plus élevé de l'espace économique européen à l'exception de la Finlande (90,56) et du Danemark (91,74), et leur taux de chargement est parmi les plus élevés (le rapport s/p n'est une grandeur pertinente que lorsqu'on compare des modes de distribution ayant des coûts d'intermédiation semblables).
Parmi les pays retenus pour la comparaison internationale européenne, seule l'Espagne présente un taux de chargement des sociétés d'assurance non-vie supérieur à celui de la France, qui n'est dépassé dans l'espace économique européen, outre l'Espagne, que par la Belgique (41,83 %) et le Portugal (34,70 %) et au-delà de cet espace, par la Suisse. L'Irlande réalise le meilleur taux (12,23 %) devant la Grande-Bretagne.
La différence des niveaux de frais généraux entre assurances vie et non-vie est liée aux différences structurelles entre les deux types d'assurance, c'est-à-dire essentiellement le coût de gestion des sinistres en assurance dommages, les premières fonctionnant selon un mode de sociétés de capitalisation, avec des niveaux de primes par contrat relativement élevés, les secondes selon un mode de sociétés de répartition, plus consommatrices en main-d'oeuvre 91( * ) .
La tendance anticipée, dans les divers pays, compte tenu des efforts engagés pour réduire les frais d'administration et de distribution, a une baisse significative des taux de chargement en Europe.Tableau 35
Résultats techniques des sociétés d'assurance (non-vie) 1975-1992
(en % des primes, hors réassurance)Pays
1975
1980
1985
1990
1992
Moyenne
Volatilité
Moyenne/volatilité
Etats-Unis
- 8,83
-3,55
- 18,97
- 10,20
- 15,44
- 8,20
5,79
- 1,42
Japon
- 5,70
0,59
2,32
0,10
0,10
0,33
2,58
0,15
Allemagne
1,80
0,30
1,20
1,20
- 2,20
0,51
1,05
0,49
France
- 7,91
-12,54
- 12,51
- 12,72
- 15,70
- 11,62
2,51
- 4,62
Grande-Bretagne
- 3,77
-4,17
- 14,00
- 19,43
- 15,65
- 8,72
6,82
- 1,28
Suisse
- 6,04
-7,73
- 11,57
- 7,78
- 11,71
- 8,48
1,84
- 4,61
Source : Sigma.
Cette comparaison des résultats techniques, dont on ne dispose malheureusement pas sous forme chiffrée après 1992 (pour visualiser la rentabilité technique après 1992, sous forme graphique, on se reportera au paragraphe sur la rentabilité globale et à l'annexe 2 de ce chapitre) permet de dégager un certain nombre de conclusions, en dépit du fait que l'inégale répartition des catastrophes par zone géographique, qui pèse sur les résultats techniques nationaux, relativise la portée des interprétations.
Pour la France, l'analyse de l'efficacité des sociétés d'assurance non-vie à partir du critère de la rentabilité technique confirme l'indication dégagée par la comparaison des taux de chargement : la France est comparativement mal placée avec la rentabilité technique négative moyenne la plus élevée de - 11,6 % sur une période allant de 1975 à 1992 couvrant diverses conjonctures. Cette conclusion est aggravée par la volatilité comparativement plus faible de ces résultats.
Cette comparaison permet d'opérer un regroupement :
- entre pays anglo-saxons, marqués plus particulièrement par la crise mondiale de l'assurance dans les années 80, et dont la rentabilité est plus volatile ;
- les pays à rentabilité technique moyenne constante et positive comme le Japon et l'Allemagne, qui sont en même temps les marchés sur lesquels la restriction de concurrence par les autorités de contrôle ou les accords sectoriels était la plus importante ;
- les pays à rentabilité technique structurellement dégradée comme la France et dans une moindre mesure la Suisse (l'impôt sur les sociétés est intégré en Suisse dans les charges d'exploitation et entre comme coût dans le résultat technique, rendant difficile la comparaison sur cet indicateur simple).