CHAPITRE PREMIER
POINTS DE REPÈRE SUR L'ASSURANCE
FRANÇAISEPOINTS DE REPÈRES SUR L'ASSURANCE
FRANÇAISE
L'assureur est le banquier de l'exceptionnel
Hubert de Raemy 2( * ) 1
I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ASSURANCE FRANÇAISE
A. DÉFINITIONS
Alors
qu'il existe de nombreuses définitions historiques ou économiques
de l'assurance, on ne dispose pas en droit français de définition
véritable de ce qu'est l'assurance.
" L'assurance a été établie de sorte que la perte
pèse légèrement sur beaucoup, plutôt que lourdement
sur peu " selon les statuts de la reine Elisabeth 1ère
d'Angleterre. L'assurance est une " conventio qua unus infortunium
alterius in se suscipit, pretio periculi convento " (" convention par
laquelle, le prix d'un risque ayant été convenu, l'un prend pour
lui le risque de l'infortune de l'autre ") selon
Pedro de Santarem, jurisconsulte portugais, auteur d'un des premiers
ouvrages consacrés à l'assurance maritime, publié en
1552
3(
*
)
. " L'assurance est
une opération par laquelle une personne (l'assureur) groupe en
mutualité d'autres personnes (les assurés) afin de les mettre en
situation de s'indemniser mutuellement des pertes éventuelles (les
sinistres) auxquelles les expose la réalisation de certains risques, au
moyen des sommes (primes ou cotisations) versées par chaque
assuré à une masse commune gérée par
l'assureur "
4(
*
)
.
L'assurance est une technique de couverture des risques de perte pouvant
affecter les biens d'une personne physique ou morale (incendie, accident, vol,
dégât des eaux, catastrophe naturelle...) ou résultant de
la survenue d'un événement aléatoire frappant directement
la personne elle-même (maladie, invalidité, accident du travail,
décès) et sa capacité de générer les revenus
et le pouvoir d'achat lui permettant de vivre et faire vivre les siens.
Autrement dit, l'assurance est ce service coûteux qui permet de
remédier aux maux économiques qui peuvent éroder les biens
possédés ou générés par une personne.
Ces maux sont les risques de pertes attendus avec incertitude. Leur vente
- l'acquisition d'une couverture de risque - se fait donc à un
prix négatif
5(
*
)
, la
" prime ", payé par le vendeur du risque en contrepartie du
transfert du risque. L'acquisition de ces maux économiques et
l'assomption de ces risques de pertes incertains n'a de sens qu'à la
condition technique que l'assureur puisse transformer un ensemble de risques
individuels et aléatoires de pertes en un savoir approximativement
certain de perte mutuelle à attendre, permettant de proportionner la
prime perçue à la valeur moyenne estimée du sinistre ou du
dédommagement. C'est dans cette transformation d'une ignorance
individuelle en un savoir statistique à peu près certain que
réside le métier et le savoir-faire fondamental de l'assurance.
Son fonds de commerce est donc dans la connaissance et l'analyse du risque, et
sa capacité de le tarifer de manière fine et avec un objectif ou
non de profitabilité
6(
*
)
.
Selon Maxime Malinski, " l'assurance est traditionnellement
définie comme une opération par laquelle l'assuré,
moyennant paiement d'une prime, se fait promettre en cas de réalisation
d'un risque une prestation de l'assureur qui, prenant en charge un ensemble de
risques, les compare conformément aux lois de la
statistique "
6(
*
)
.
Selon Warren Buffett, dans un style plus direct : " c'est un
métier qui consiste à encaisser les primes tout de suite et
à régler des dettes plus tard. Dans une opération
d'assurance, un décalage apparaît du fait que les primes sont
reçues avant que les charges soient payées, cet intervalle
pouvant parfois durer un grand nombre années. Pendant ce temps
l'assureur investit l'argent "
7(
*
)
. C'est une autre manière de
signaler cette distinction entre la banque et l'assurance faite
humoristiquement par Maurice Lauré, selon laquelle le métier
d'assureur est un bien beau métier puisque dans l'assurance on encaisse
l'argent tout de suite et on s'efforce de pas le rendre, tandis que dans la
banque on donne l'argent tout de suite et l'on n'est jamais sûr
d'être remboursé.
Grâce à son rôle protecteur, l'assurance est un facteur de
développement. Selon Horace Say, l'assurance est un remède
contre le mal de l'incertitude, sans lequel le développement des
entreprises humaines ne serait pas imaginable. " Chaque branche
d'entreprises ne tend à se développer que lorsque les chances de
succès l'emportent de beaucoup sur les chances de mauvaise
nécessité ou de perte "
8(
*
)
. Le développement de
l'assurance est la condition d'une économie complexe et hautement
industrialisée.
Sans annuler le risque, l'assurance en permet la couverture par la
mutualisation, c'est-à-dire la division du coût des
conséquences de sa survenue entre plusieurs. On n'imagine pas sans elle
le développement des entreprises et la sophistication du monde de
l'entreprise.
Cet ensemble de définitions et de rappels permet de cerner la notion
d'assurance. Il est cependant caractéristique de ne pas disposer de
définition légale de l'assurance dans le code français de
l'assurance (en particulier dans le livre premier consacré au
contrat) alors que le code civil est si riche en définitions. Une
certaine ambiguité existe entre contrat d'assurance et opération
d'assurance. Il en résulte qu'est assurance, très
pragmatiquement, ce qui est accompli par une entreprise d'assurance telle
qu'elle a été définie dans sa diversité
en 1938, lors de la première grande réglementation
d'ensemble des sociétés d'assurance. Or, cette définition
peut avoir des conséquences pratiques importantes, selon que l'on
considère en France comme relevant ou non de l'assurance ce qui est
considéré à l'étranger comme en relevant (cela peut
être le cas de montages à base de captives d'assurance et de la
fiscalité associée à ces montages).
La Belgique, dont le droit est également fondé sur le code
Napoléon, a défini le contrat d'assurance par une loi du
25 juin 1992 comme : " un contrat en vertu duquel,
moyennant le paiement d'une prime fixe ou variable, une partie, l'assureur,
s'engage envers une autre partie, le preneur d'assurance, à fournir une
prestation stipulée dans le contrat au cas où surviendrait un
événement incertain que, selon le cas, l'assuré ou le
bénéficiaire, a intérêt à ne pas voir se
réaliser ".